Language of document : ECLI:EU:T:2013:80

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 février 2013 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Entité détenue à 100 % par une entité reconnue comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire – Exception d’illégalité – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑492/10,

Melli Bank plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée initialement par MM. S. Gadhia, S. Ashley, solicitors, D. Anderson, QC, et R. Blakeley, barrister, puis par MM. Ashley, S. Jeffrey, A. Irvine, solicitors, D. Wyatt, QC, et Blakeley,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme S. Boelaert et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO L 281, p. 1), de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), du règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11), et du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO L 88, p. 1), pour autant que ces actes concernent la requérante, et, d’autre part, une demande de déclaration d’inapplicabilité de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012 à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Melli Bank plc, est une société anonyme immatriculée et ayant son siège social au Royaume-Uni, agréée et réglementée par la Financial Services Authority (autorité des services financiers au Royaume-Uni). Elle a commencé à exercer ses activités bancaires au Royaume-Uni le 1er janvier 2002, à la suite de la transformation de la succursale dans ce pays de la Bank Melli Iran (ci‑après la « BMI »). La BMI, société mère détenant entièrement la requérante, est une banque iranienne contrôlée par l’État iranien.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3        Tant la BMI que ses filiales, y compris la requérante, ont été inscrites sur la liste figurant à l’annexe II de la position commune 2007/140/PESC du Conseil, du 27 février 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49), par la position commune 2008/479/PESC du Conseil, du 23 juin 2008, modifiant la position commune 2007/140 (JO L 163, p. 43).

4        Par voie de conséquence, la BMI et la requérante ont été inscrites à la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), par décision 2008/475/CE du Conseil, du 23 juin 2008, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 (JO L 163, p. 29), avec la conséquence de geler leurs fonds.

5        Tant dans la position commune 2008/479 que dans la décision 2008/475, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants s’agissant de la BMI ainsi que de toutes ses succursales et filiales :

« Apporte ou tente d’apporter un soutien financier à des sociétés participant aux programmes nucléaire et de missiles de l’Iran ou achetant des biens destinés à ces programmes (AIO, SHIG, SBIG, AEOI, Novin Energy Company, Mesbah Energy Company, Kalaye Electric Company et DIO). La [BMI] sert de facilitateur pour les activités sensibles de l’Iran. Elle a facilité de nombreux achats de matériels sensibles pour les programmes nucléaire et de missiles iraniens. Elle a fourni une série de services financiers pour le compte d’entités liées aux industries nucléaires et de missiles de l’Iran, y compris l’ouverture de lettres de crédit et la gestion de comptes. La plupart des sociétés précitées sont visées dans les résolutions 1737 et 1747 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. »

6        La requérante a formé deux recours contre la décision 2008/475 devant le Tribunal. Ces recours ont été rejetés par un arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil (T‑246/08 et T‑332/08, Rec. p. II‑2629).

7        Dans le contexte du maintien des mesures restrictives visant la requérante, de nombreux échanges ont eu lieu entre la requérante et le Conseil entre juillet 2009 et mai 2010. Ainsi, la requérante a envoyé au Conseil des lettres les 6, 15 et 24 juillet, 20 août et 15 octobre 2009 ainsi que le 22 mars 2010, auxquelles ce dernier a répondu les 23 juillet, 1er octobre et 18 novembre 2009 ainsi que le 11 mai 2010.

8        D’une part, les échanges portaient sur les raisons justifiant l’adoption et le maintien de mesures restrictives visant la BMI et la requérante. À cet égard, dans la lettre du 23 juillet 2009, le Conseil a précisé que la requérante était visée par des mesures restrictives en raison de sa qualité de filiale de la BMI. Dans la lettre du 18 novembre 2009, il a constaté, après réexamen, premièrement, que la BMI apportait un appui à la prolifération nucléaire, deuxièmement, que la requérante était détenue par la BMI qui pouvait exercer une influence sur elle et, troisièmement, que les mesures alternatives proposées par la requérante ne permettaient pas d’éviter le risque que la BMI contourne les mesures restrictives la visant, par l’intermédiaire de la requérante. Il a maintenu ce point de vue dans la lettre du 11 mai 2010.

9        D’autre part, la requérante a demandé à obtenir accès au dossier du Conseil. Dans ce contexte, dans la lettre du 23 juillet 2009, Le Conseil a refusé l’accès à la proposition initiale d’adoption des mesures restrictives concernant la BMI et la requérante (ci-après la « proposition initiale ») en raison du caractère confidentiel de ce document. Par la lettre du 1er octobre 2009, il a communiqué à la requérante des motifs supplémentaires concernant la prétendue implication de la BMI dans la prolifération nucléaire. Par la lettre du 18 novembre 2009, il a communiqué à la requérante une version non confidentielle de la proposition d’adoption des mesures restrictives portant sur les motifs supplémentaires fournis dans la lettre du 1er octobre 2009 (ci-après la « proposition supplémentaire »).

10      Dès l’adoption de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), tant la BMI que la requérante ont été inscrites sur la liste de l’annexe II de ladite décision. La motivation suivante a été retenue à l’égard de la BMI :

« Apporte ou tente d’apporter un soutien financier à des sociétés participant aux programmes nucléaire et de missiles de l’Iran ou achetant des biens destinés à ces programmes (AIO, SHIG, SBIG, AEOI, Novin Energy Company, Mesbah Energy Company, Kalaye Electric Company et DIO). La [BMI] sert de facilitateur pour les activités sensibles de l’Iran. Elle a facilité de nombreux achats de matériels sensibles pour les programmes nucléaire et de missiles iraniens. Elle a fourni une série de services financiers pour le compte d’entités liées aux industries nucléaires et de missiles de l’Iran, y compris l’ouverture de lettres de crédit et la gestion de comptes. La plupart des sociétés précitées sont visées dans les résolutions 1737 (2006) et 1747 (2007) du [Conseil de sécurité des Nations unies]. La [BMI] poursuit ce rôle, en adoptant un comportement qui soutient et facilite les activités sensibles de l’Iran. Grâce à ses relations bancaires, elle continue à fournir un appui et des services financiers à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’UE en raison de leur implication dans de telles activités. Elle agit également pour le compte et sur instruction de telles entités, y compris la Bank Sepah, souvent à travers leurs filiales et des sociétés apparentées. »

11      L’inscription de la requérante dans l’annexe V du règlement no 423/2007 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur du règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 (JO L 195, p. 25).

12      Par lettre du 27 juillet 2010, le Conseil a informé la requérante de son inscription sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/413.

13      Par lettre du 17 août 2010, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de l’inclure dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de la maintenir dans celle de l’annexe V du règlement no 423/2007. Elle a demandé, dans ce contexte, la communication d’une copie de l’ensemble du dossier du Conseil relatif à l’adoption des mesures restrictives à son égard. Elle a également réitéré sa proposition de garanties visant à prévenir tout risque de contournement des mesures restrictives visant la BMI.

14      L’inscription de la requérante sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été maintenue par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81).

15      Le règlement no 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1), les noms de la BMI et de la requérante ont été inclus par le Conseil dans l’annexe VIII de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement.

16      Les motifs retenus à l’égard de la BMI dans la décision 2010/644 et dans le règlement no 961/2010 sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413.

17      Par lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de son inscription sur celle de l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Il a précisé, à cet égard, que les observations présentées par la requérante le 17 août 2010 ne justifiaient pas la levée des mesures restrictives la visant et que son dossier ne contenait pas d’informations ou d’éléments nouveaux la concernant.

18      Par lettre du 29 juillet 2011, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de la maintenir dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Elle a réitéré sa proposition de garanties visant à prévenir tout risque de contournement des mesures restrictives à l’encontre de la BMI, notamment en ce qui concernait la nomination et la révocation de ses directeurs, et souligné l’efficacité et la faisabilité de ces garanties.

19      L’inscription de la BMI et de la requérante sur la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et sur celle de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et du règlement d’exécution (UE) no 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO L 319, p. 11).

20      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom dans les listes de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement no 961/2010. Il a constaté que les observations présentées par la requérante le 29 juillet 2011 ne justifiaient pas la levée des mesures restrictives la visant, étant donné notamment que les garanties proposées par elle en ce qui concernait la nomination et la révocation de ses directeurs étaient insuffisantes pour assurer son indépendance vis-à-vis de la BMI.

21      Par lettre du 31 janvier 2012, la requérante a fait valoir que, selon elle, le réexamen du maintien des mesures restrictives la visant était vicié par des erreurs. Elle a notamment constaté que, toujours selon elle, le Conseil n’avait pas motivé à suffisance de droit, dans la lettre du 5 décembre 2011, le refus de prendre en considération les garanties supplémentaires qu’elle avait proposées.

22      Par arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil (C‑380/09 P), la Cour a rejeté le pourvoi formé par la requérante contre l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, point 6 supra.

23      Le règlement no 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), les noms de la BMI et de la requérante ont été inscrits par le Conseil sur la liste de l’annexe IX de ce dernier règlement. Les motifs retenus à l’égard de la BMI, y compris toutes ses succursales et filiales, sont les mêmes que ceux figurant dans la décision 2010/413. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement.

24      Par lettre du 24 avril 2012, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de son inscription sur la liste de l’annexe IX du règlement no 267/2012. Il a renvoyé, à cette occasion, aux arguments exposés par lui précédemment tant dans ses échanges avec la requérante que devant le Tribunal. Il a, en outre, attiré l’attention de la requérante sur les constats opérés par la Cour dans l’arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, point 22 supra.

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 janvier 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du Conseil. Par ordonnance du 8 mars 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

28      Dans sa réplique déposée au greffe du Tribunal le 7 mars 2011, la requérante s’est désistée du recours pour autant qu’il visait à l’annulation du règlement d’exécution no 668/2010.

29      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 janvier 2012, la requérante a, d’une part, adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution no 1245/2011 et, d’autre part, demandé que les actes attaqués soient, le cas échéant, annulés avec effet immédiat.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 avril 2012, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption du règlement no 267/2012.

31      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties en ce qui concernait les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, point 22 supra, et la recevabilité du quatrième moyen de la requérante. Les parties ont répondu aux questions du Tribunal.

32      Dans sa réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012, la requérante s’est désistée, d’abord, d’une partie des griefs présentés dans le cadre du premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle, ensuite, d’une partie des griefs présentés dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BMI, et, enfin, du troisième moyen, tiré du caractère illégal de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2012.

34      Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 4 septembre 2012, la procédure orale a été rouverte afin de recueillir les observations de la requérante sur l’ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil [C‑110/12 P(R)], ainsi que celles des autres parties. La procédure orale a été close de nouveau le 4 octobre 2012.

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, avec effet immédiat, le point 5 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413, le point 5 du tableau I. B de l’annexe de la décision 2010/644, le point 5 du tableau B de l’annexe VIII du règlement no 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution no 1245/2011 et le règlement no 267/2012, pour autant que ces actes la concernent ;

–        déclarer que l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012 lui sont inapplicables ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

36      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

37      Dans ses écrits, la requérante a fait valoir cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BMI. Le troisième moyen est tiré du caractère disproportionné et, partant, illégal de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la BMI dans la prolifération nucléaire. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité ainsi que du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique de la requérante.

38      Ainsi qu’il ressort du point 32 ci‑dessus, la requérante s’est désistée en cours de procédure de son troisième moyen ainsi que d’une partie des griefs invoqués dans le cadre des premier et deuxième moyens. Dans la mesure où le troisième moyen était le seul moyen invoqué au soutien du deuxième chef de conclusions, visant à la déclaration d’inapplicabilité de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement no 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012, le désistement partiel de la requérante implique, par ailleurs, que ledit chef de conclusions est devenu sans objet.

39      Le Conseil et la Commission contestent le bien‑fondé des moyens de la requérante. En outre, dans la duplique, le Conseil a fait valoir que la requérante n’était pas recevable à invoquer une violation de ses droits fondamentaux, dans la mesure où elle était une émanation de l’État iranien.

40      À titre liminaire, il y a lieu d’examiner la recevabilité, d’abord, de l’adaptation des conclusions opérée par la requérante, ensuite, du quatrième moyen et, enfin, des arguments du Conseil relatifs à la possibilité pour la requérante d’invoquer la protection de ses droits fondamentaux.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité de l’adaptation des chefs de conclusions de la requérante

41      Ainsi qu’il ressort des points 14, 15 et 23 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été remplacée par une nouvelle liste, arrêtée dans la décision 2010/644, et le règlement no 423/2007 a été abrogé et remplacé par le règlement no 961/2010, qui a lui-même été remplacé et abrogé par le règlement no 267/2012. En outre, dans les considérants de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution no 1245/2011, le Conseil a explicitement constaté qu’il avait procédé à un réexamen complet de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 et qu’il était parvenu à la conclusion que les personnes, entités et organismes dont les noms y étaient énumérés, dont la requérante, devaient continuer à faire l’objet des mesures restrictives. La requérante a adapté ses conclusions initiales de façon que sa demande en annulation vise, outre la décision 2010/413, la décision 2010/644, le règlement no 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution no 1245/2011 et le règlement no 267/2012 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »). Le Conseil et la Commission n’ont pas soulevé d’objections à cette adaptation.

42      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui‑ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union européenne contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

43      La même conclusion s’applique aux actes, tels que la décision 2011/783 et le règlement d’exécution no 1245/2011, qui constatent qu’une décision ou un règlement doivent continuer à viser directement et individuellement certains particuliers, à la suite d’une procédure de réexamen expressément imposée par cette même décision ou ce même règlement.

44      Il convient donc, en l’espèce, de considérer que la requérante est recevable à demander l’annulation de la décision 2010/644, du règlement no 961/2010, de la décision 2011/783, du règlement d’exécution no 1245/2011 et du règlement no 267/2012, pour autant que ces actes la concernent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, point 42 supra, point 47).

 Sur la recevabilité du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la BMI dans la prolifération nucléaire

45      Par son quatrième moyen, la requérante soutient que l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la BMI n’est pas justifiée. Elle renvoie, à cet égard, aux recours intentés devant les juridictions de l’Union par la BMI et explique que, si cette dernière n’est plus visée par des mesures restrictives au moment du prononcé du présent arrêt, les mesures la visant elle-même doivent être annulées.

46      Cela étant, la requérante n’invoque aucun grief concret contestant la légalité des mesures restrictives visant la BMI. Elle ne s’exprime notamment pas, avec un degré de précision suffisant, sur les motifs supplémentaires concernant la prétendue implication de la BMI dans la prolifération nucléaire qui lui ont été communiqués par lettre du Conseil du 1er octobre 2009 (voir point 9 ci‑dessus), dès lors qu’elle n’indique même pas si elle conteste la réalité des faits reprochés à la BMI ou la qualification de ces faits d’appui à la prolifération nucléaire.

47      Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas en mesure de statuer sur le quatrième moyen, faute de précision suffisante de l’argumentation de la requérante. Partant, ledit moyen doit être déclaré irrecevable en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, ainsi que l’invoque la Commission.

 Sur la recevabilité des arguments du Conseil portant sur la recevabilité des moyens tirés de la prétendue violation des droits fondamentaux de la requérante

48      Dans la duplique, le Conseil a fait valoir que la requérante devait être considérée comme une émanation de l’État iranien de sorte qu’elle ne pouvait invoquer à son profit les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux. Il estime, par conséquent, que les moyens du recours tirés d’une prétendue violation desdits droits doivent être déclarés irrecevables.

49      À cet égard, en premier lieu, il convient d’observer que le Conseil ne conteste pas le droit même de la requérante de demander l’annulation des actes attaqués. Il conteste seulement qu’elle soit titulaire de certains droits qu’elle invoque afin d’obtenir cette annulation.

50      Or, en deuxième lieu, la question de savoir si la requérante est ou non titulaire du droit invoqué dans le cadre d’un moyen au soutien de conclusions aux fins d’annulation ne concerne pas la recevabilité dudit moyen, mais son bien‑fondé. Par conséquent, l’argumentation du Conseil, tirée de ce que la requérante serait une émanation de l’État iranien, doit être rejetée pour autant qu’elle vise au constat de l’irrecevabilité partielle du recours.

51      En troisième lieu, cette argumentation a été présentée, pour la première fois, dans la duplique sans que le Conseil ait invoqué le fait qu’elle ait été fondée sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure. Pour autant que le fond du litige est concerné, elle constitue donc un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, ce qui implique qu’elle doit être déclarée irrecevable.

 Sur le fond

52      À la suite du désistement partiel opéré par la requérante et compte tenu de l’irrecevabilité du quatrième moyen, il y a lieu uniquement d’examiner les premier, deuxième et cinquième moyens.

53      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner ensemble, dans un premier temps, le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BMI, et le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique. Dans un second temps, il y a lieu d’examiner le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BMI, et sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique

54      Dans la réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012 (voir point 32 ci-dessus), la requérante a exposé que, à la suite de l’arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, point 22 supra, elle ne soutenait plus qu’elle n’était pas détenue par la BMI au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 ni qu’elle n’appartenait pas à la BMI au sens de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012. Elle estime néanmoins que l’adoption et le maintien des mesures restrictives la visant constituent une restriction disproportionnée de son droit de propriété et de son droit d’exercer une activité économique.

55      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les fonds d’une entité reconnue comme participant à la prolifération nucléaire sont gelés, il existe un risque non négligeable que celle‑ci exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle ou qui lui appartiennent, pour contourner l’effet des mesures qui la visent. Par conséquent, le gel des fonds de ces entités, qui est imposé au Conseil par l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012, est nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées et garantir que ces mesures ne seront pas contournées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, point 22 supra, points 39 et 58).

56      Toujours selon la jurisprudence, lorsqu’une entité est détenue à 100 % par une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire, la condition de détention visée à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 est remplie (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, point 22 supra, point 79). La même conclusion doit être appliquée à la notion d’entité « appartenant » à une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire, figurant à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012.

57      Il s’ensuit que l’adoption des mesures restrictives visant une entité détenue à 100 % par, ou appartenant à 100 % à, une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire (ci-après l’« entité détenue ») ne résulte pas d’une appréciation du Conseil quant au risque qu’elle soit amenée à contourner l’effet des mesures adoptées à l’encontre de son entité mère, mais découle directement de la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la décision 2010/413, du règlement no 961/2010 et du règlement no 267/2012, telles qu’interprétées par le juge de l’Union.

58      Dès lors, des arguments contestant la proportionnalité du gel des fonds d’une entité détenue ne visent pas la légalité d’une quelconque appréciation des circonstances de l’espèce telle qu’opérée par le Conseil. Ils concernent, en définitive, la légalité des dispositions générales imposant au Conseil le gel des fonds de toutes les entités détenues, telles que l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012.

59      Par voie de conséquence, lorsqu’une entité détenue entend contester la proportionnalité des mesures restrictives la visant, il lui appartient d’invoquer, dans le cadre du recours visant à l’annulation des actes par lesquels lesdites mesures ont été adoptées ou maintenues, l’inapplicabilité desdites dispositions générales, par le biais d’une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE.

60      En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante est détenue à 100 % par la BMI ou qu’elle « appartient » à 100 % à cette dernière. Il n’est pas non plus contesté que la BMI a été considérée par le Conseil comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire.

61      Or, il ne saurait être considéré que la requérante a invoqué une exception d’illégalité fondée sur les arguments invoqués dans le cadre des deuxième et cinquième moyens.

62      En effet, d’une part, une exception d’illégalité fondée sur ces arguments n’a été formulée expressément ni dans les mémoires de la requérante, ni dans sa réponse du 8 juin 2012 aux questions du Tribunal, ni lors de l’audience.

63      D’autre part, les arguments invoqués par la requérante dans le cadre des deuxième et cinquième moyens sont fondés sur des circonstances qui lui sont propres, dès lors qu’ils ont été formulés par référence à sa situation concrète et aux mesures spécifiques qu’elle a proposées au Conseil. Par conséquent, ils ne sont pas pertinents au regard de l’examen de la légalité des règles générales prévues à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012.

64      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter les deuxième et cinquième moyens comme étant inopérants.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

65      Par son premier moyen, la requérante soutient que le Conseil a violé l’obligation de motivation, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective dans la mesure où, d’une part, il ne lui a pas communiqué suffisamment d’informations pour lui permettre de formuler des observations utiles concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard et pour lui assurer un procès équitable et où, d’autre part, le réexamen périodique des mesures restrictives la visant est vicié par plusieurs erreurs.

66      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Il soutient, en particulier, que la requérante ne peut pas valablement invoquer le principe du respect des droits de la défense.

67      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, à l’article 36, paragraphe 3, du règlement no 961/2010 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement no 267/2012, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

68      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

69      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

70      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 91).

71      Le principe du respect des droits de la défense exige, d’une part, que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. D’autre part, elle doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 93).

72      Partant, s’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté. Sous les mêmes réserves, toute décision subséquente de gel des fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge et d’une nouvelle possibilité pour l’entité concernée de faire valoir son point de vue (voir, par analogie, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 71 supra, point 137).

73      Il y a lieu, en outre, de remarquer que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 97, et la jurisprudence citée).

74      En troisième lieu, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389). L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs d’une mesure restrictive à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ladite mesure est adoptée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à l’entité concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).

75      Au vu de cette jurisprudence, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, tout d’abord, l’argument liminaire du Conseil et de la Commission selon lequel la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense. Ensuite, il y a lieu d’examiner la prétendue violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard. Enfin, le Tribunal abordera les arguments relatifs aux vices affectant prétendument le réexamen périodique des mesures restrictives visant la requérante.

–       Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

76      Le Conseil et la Commission contestent l’applicabilité du principe du respect des droits de la défense au cas d’espèce. En se référant à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil (T‑181/08, Rec. p. II‑1965, points 121 à 123), ils font valoir que la requérante n’a pas été visée par des mesures restrictives en raison de son activité propre, mais en raison de son appartenance à la catégorie générale des personnes et des entités ayant apporté un appui à la prolifération nucléaire. Par conséquent, la procédure d’adoption des mesures restrictives n’aurait pas été ouverte à l’encontre de la requérante au sens de la jurisprudence citée au point 70 ci‑dessus et elle ne pourrait, dès lors, pas se prévaloir des droits de la défense ou pourrait seulement s’en prévaloir dans une mesure restreinte.

77      Cette argumentation ne saurait être retenue.

78      En effet, d’une part, l’arrêt Tay Za/Conseil, point 76 supra, a été annulé sur pourvoi, dans son intégralité, par l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P). Par conséquent, les constats opérés dans ledit arrêt ne font plus partie de l’ordre juridique de l’Union et ne sauraient donc être valablement invoqués par le Conseil et par la Commission.

79      D’autre part, l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement no 961/2010 et l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement no 267/2012 prévoient des dispositions garantissant les droits de la défense des entités visées par des mesures restrictives adoptées en vertu de ces textes. Le respect de ces droits fait l’objet du contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 67 supra, point 37).

80      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le principe du respect des droits de la défense, tel que rappelé aux points 70 à 73 ci‑dessus, peut être invoqué par la requérante en l’espèce.

–       Sur la violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard

81      Dans la réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012 (voir points 32 et 54 ci-dessus), la requérante a exposé que, à la suite de l’arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, point 22 supra, elle ne soutenait plus que le Conseil avait violé l’obligation de motivation et ses droits de la défense en ce qu’il ne lui avait pas communiqué, d’une part, les raisons pour lesquelles il considérait qu’elle était détenue par la BMI et, d’autre part, des éléments étayant ce constat.

82      La requérante fait néanmoins valoir que, nonobstant des demandes d’information répétées, elle n’a pas reçu d’informations suffisantes concernant l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la BMI et elle n’aurait, notamment, reçu aucune preuve relative à la prétendue implication de la BMI dans la prolifération nucléaire. Elle conteste, à cet égard, la confidentialité de la proposition initiale, qui lui a été opposée par le Conseil, et souligne que les éléments communiqués les 1er octobre et 18 novembre 2009 ne sont pas adéquats.

83      La requérante en déduit que la communication de ces éléments ne lui a pas permis de formuler des observations utiles concernant l’adoption des mesures restrictives tant à son égard qu’à l’égard de la BMI et n’était pas susceptible de lui assurer un procès équitable.

84      À titre liminaire, il convient de rappeler que la requérante est visée par des mesures restrictives depuis le 23 juin 2008. Entre cette date et la date d’adoption du premier des actes attaqués, à savoir le 26 juillet 2010, plusieurs documents ont été échangés entre la requérante et le Conseil dont, notamment, les lettres de ce dernier des 1er octobre et 18 novembre 2009 par lesquelles il a informé la requérante des motifs supplémentaires d’adoption de mesures restrictives et lui a communiqué une version non confidentielle de la proposition supplémentaire. Ces documents font partie du contexte de l’adoption des actes attaqués et peuvent, par conséquent, être pris en considération lors de l’examen du présent moyen.

85      Il y a lieu également de relever que les mesures restrictives visant la requérante ont un double fondement, à savoir, d’une part, la proposition initiale et, d’autre part, les éléments communiqués les 1er octobre et 18 novembre 2009.

86      Or, ces deux fondements ayant un caractère autonome, une violation des droits procéduraux de la requérante en ce qui concerne la proposition initiale, à la supposer établie, pourrait uniquement justifier l’annulation des actes attaqués s’il était par ailleurs établi que les éléments communiqués les 1er octobre et 18 novembre 2009 n’étaient pas susceptibles de fonder à eux seuls l’adoption des mesures restrictives visant la requérante.

87      À cet égard, il a été déjà constaté aux points 45 à 47 ci-dessus que le quatrième moyen, qui vise, notamment, le bien‑fondé substantiel des motifs communiqués le 1er octobre 2009, était irrecevable.

88      Au demeurant, ainsi qu’il ressort du point 82 ci‑dessus, dans le cadre du premier moyen, la requérante conteste le caractère suffisant des éléments communiqués les 1er octobre et 18 novembre 2009, en soulignant notamment qu’ils ne comportent pas de preuves relatives à la prétendue implication de la BMI dans la prolifération nucléaire.

89      Or, d’une part, il y a lieu de relever que les motifs supplémentaires d’adoption des mesures restrictives, communiqués le 1er octobre 2009, sont suffisamment précis pour satisfaire les critères jurisprudentiels exposés aux points 67 à 74 ci‑dessus. Ainsi, ces éléments permettent d’identifier les entités auxquelles la BMI aurait fourni des services financiers et qui sont visées par des mesures restrictives adoptées par l’Union ou par le Conseil de sécurité des Nations unies, de même que la période pendant laquelle les services en cause auraient été fournis et, dans certains cas, les transactions spécifiques auxquelles ils auraient été liés.

90      D’autre part, s’agissant de l’absence de communication des preuves, il y a lieu de remarquer que, en vertu du principe du respect des droits de la défense, le Conseil n’est pas tenu de communiquer des éléments autres que ceux qui font partie de son dossier. Or, en l’espèce, le Conseil expose, sans être contredit par la requérante, que son dossier ne contient pas de preuves supplémentaires concernant les motifs communiqués le 1er octobre 2009.

91      Au vu de ce qui précède, les arguments de la requérante tirés du caractère prétendument insuffisant des éléments communiqués les 1er octobre et 18 novembre 2009 doivent être rejetés comme non fondés.

92      Dans ces circonstances, compte tenu de ce qui a été exposé aux points 85 et 86 ci‑dessus, il y a lieu en outre de rejeter comme inopérante l’argumentation de la requérante mettant en cause l’absence de communication de la proposition initiale.

–       Sur les vices affectant prétendument le réexamen périodique des mesures restrictives visant la requérante

93      En premier lieu, la requérante soutient que le Conseil n’a pas procédé à un véritable réexamen des mesures restrictives la visant dans la mesure où il s’est fondé seulement sur les éléments existants, en ce compris les éléments qui n’ont pas été communiqués à la requérante. En particulier, le Conseil n’aurait pas examiné les garanties qu’elle a proposées, de nature à prévenir tout risque de contournement des mesures restrictives visant la BMI.

94      À cet égard, d’abord, il y a lieu de constater qu’il ressort des points 85 et 86 ci‑dessus que les mesures restrictives visant la requérante ont un double fondement, à savoir, d’une part, la proposition initiale et, d’autre part, les éléments communiqués les 1er octobre et 18 novembre 2009. Dans ces circonstances, les vices affectant le réexamen des motifs inclus dans la proposition initiale, à les supposer établis, sont sans incidence sur la légalité du réexamen des motifs fondés sur les éléments communiqués à ces dates.

95      Ensuite, le Conseil fait valoir, sans être contredit par la requérante, que, avant l’adoption des actes attaqués, les délégations des États membres avaient reçu les observations soumises par la BMI et par la requérante, de sorte que ces observations ont pu être prises en considération. De même, il ressort des lettres du Conseil des 18 novembre 2009, 11 mai et 28 octobre 2010, 5 décembre 2011 et 24 avril 2012 que ce dernier a examiné lesdites observations et qu’il y a répondu, y compris en ce qui concerne les garanties supplémentaires proposées par la requérante.

96      Enfin, en ce qui concerne ces dernières garanties, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 57 ci‑dessus, l’adoption des mesures restrictives visant une entité détenue ne résulte pas d’une appréciation du Conseil quant au risque que cette entité soit amenée à contourner l’effet des mesures adoptées à l’encontre de son entité mère, mais découle directement de la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la décision 2010/413, du règlement no 961/2010 et du règlement no 267/2012, telles qu’interprétées par le juge de l’Union. Dans ces circonstances, dans le cadre du réexamen des mesures restrictives opéré par le Conseil, ce dernier n’était pas, en tout état de cause, tenu de prendre en considération les garanties supplémentaires proposées par la requérante afin de pallier le risque de contournement des mesures en cause.

97      En second lieu, selon la requérante, il ressort de câbles diplomatiques que les États membres, en particulier le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ont subi des pressions de la part du gouvernement des États-unis d’Amérique visant à faire adopter des mesures restrictives à l’égard des entités iraniennes. Selon elle, cette circonstance jette un doute sur la légalité des mesures adoptées et de la procédure ayant abouti à leur adoption.

98      Or, la circonstance selon laquelle certains États membres auraient subi des pressions diplomatiques, à la supposer établie, n’implique pas, à elle seule, que ces pressions aient affecté les actes attaqués qui ont été adoptés par le Conseil ou l’examen opéré par ce dernier à l’occasion de leur adoption.

99      Dans ces circonstances, il convient de rejeter comme non fondés les arguments tirés de l’existence de vices affectant prétendument le réexamen périodique des mesures restrictives visant la requérante.

100    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen et, partant, le recours dans son intégralité, la demande visant à ce que les actes attaqués soient annulés avec effet immédiat étant dès lors dépourvue d’objet.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

102    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Melli Bank plc supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 février 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité de l’adaptation des chefs de conclusions de la requérante

Sur la recevabilité du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la BMI dans la prolifération nucléaire

Sur la recevabilité des arguments du Conseil portant sur la recevabilité des moyens tirés de la prétendue violation des droits fondamentaux de la requérante

Sur le fond

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BMI, et sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

– Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

– Sur la violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard

– Sur les vices affectant prétendument le réexamen périodique des mesures restrictives visant la requérante

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.