Language of document : ECLI:EU:T:2013:398

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 septembre 2013(*) (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑493/10,

Persia International Bank plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée initialement par MM. S. Gadhia, S. Ashley, solicitors, D. Anderson, QC, et R. Blakeley, barrister, puis par MM. Ashley, S. Jeffrey, A. Irvine, solicitors, D. Wyatt, QC, et Blakeley,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme S. Boelaert et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), du règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 25), de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11), et du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), pour autant que ces actes concernent la requérante, et, d’autre part, une demande de déclaration d’inapplicabilité de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Persia International Bank plc, est une société anonyme immatriculée et ayant son siège social au Royaume-Uni, agréée et réglementée par la Financial Services Authority (autorité des services financiers au Royaume-Uni, ci-après la « FSA »). Elle a commencé à exercer ses activités bancaires au Royaume-Uni en 2001, à la suite de la fusion des succursales dans ce pays de ses deux actionnaires, la Bank Mellat, qui contrôle 60 % de son capital, et la Bank Tejarat, qui contrôle les 40 % restants.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, la Bank Mellat et la requérante ont été inscrites sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire iranienne qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39).

4        Par voie de conséquence, la Bank Mellat et la requérante ont été inscrites sur la liste de l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO L 195, p. 25). Cette inscription a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante.

5        Dans la décision 2010/413, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants s’agissant de la Bank Mellat :

« La [Bank Mellat] est une banque d’État. Elle a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’U[nion européenne], à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles. Elle est la société mère de la banque First East Export, qui est désignée dans la résolution 1929 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. »

6        Les motifs retenus dans le règlement d’exécution n° 668/2010 à l’égard de la Bank Mellat sont, en substance, les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413.

7        Tant dans la décision 2010/413 que dans le règlement d’exécution n° 668/2010, la requérante a été identifiée comme étant « [d]étenue à 60 % » par la Bank Mellat.

8        Le Conseil a informé la requérante de son inclusion dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement n° 423/2007 par lettre du 27 juillet 2010.

9        Par lettres des 19 et 27 août et des 2 et 9 septembre 2010, la requérante a invité le Conseil à lui communiquer les informations et les documents sur lesquels il s’était basé pour adopter les mesures restrictives à son égard et à l’égard de la Bank Mellat.

10      En réponse aux demandes de la requérante, le Conseil a précisé, dans sa lettre du 13 septembre 2010, qu’il estimait que la mention selon laquelle la requérante était détenue à 60 % par la Bank Mellat était suffisante au regard des textes applicables. S’agissant de l’accès au dossier, le Conseil a annexé à sa lettre les copies de deux propositions d’adoption des mesures restrictives visant la Bank Mellat et la requérante, présentées par des États membres et portant, notamment, sur les services financiers qui auraient été fournis par la Bank Mellat aux entités impliquées dans la prolifération nucléaire. Il a également fixé à la requérante un délai expirant le 25 septembre 2010 pour présenter ses observations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard.

11      Par lettre du 24 septembre 2010, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de l’inclure dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement n° 423/2007.

12      L’inscription de la Bank Mellat et de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 a été maintenue par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81). Le motif concernant la requérante est identique à celui retenu dans la décision 2010/413. Les motifs retenus à l’égard de la Bank Mellat sont les suivants :

« La [Bank Mellat] a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran. Elle fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’UE, à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles. Elle est la société mère de la banque First East Export, qui est désignée dans la résolution 1929 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. »

13      Le règlement n° 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1), la Bank Mellat et la requérante ont été incluses par le Conseil dans l’annexe VIII de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement. Le motif concernant la requérante est identique à celui retenu dans la décision 2010/413. Les motifs retenus s’agissant de l’inscription de la Bank Mellat sont, en substance, les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/644.

14      Par lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a répondu à la lettre de la requérante du 24 septembre 2010 en indiquant que, après réexamen, il rejetait sa demande tendant à ce que son nom soit supprimé de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de celle de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. D’une part, il a exposé que le motif retenu à l’égard de la requérante était suffisant au regard des textes applicables et de la jurisprudence. D’autre part, il a précisé que, à son avis, le maintien des mesures restrictives visant la Bank Mellat était justifié au vu des raisons exposées dans les actes concernés.

15      Par lettre du 5 janvier 2011, la requérante a fait valoir que, à son avis, le réexamen des mesures restrictives la visant était vicié par des erreurs. Elle a notamment soutenu que le Conseil n’avait pas motivé à suffisance de droit, dans la lettre du 28 octobre 2010, le maintien desdites mesures.

16      En annexe à la duplique, le Conseil a communiqué à la requérante la copie d’une troisième proposition d’adoption des mesures restrictives visant la Bank Mellat et la requérante, présentée par un État membre et portant sur les services financiers qui auraient été fournis par la Bank Mellat aux entités impliquées dans la prolifération nucléaire.

17      Par lettre du 29 juillet 2011, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de la maintenir dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010.

18      L’inscription de la Bank Mellat et de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11).

19      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom dans les listes de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Il a constaté que les observations présentées par la requérante le 29 juillet 2011 ne justifiaient pas la levée des mesures restrictives la visant, étant donné qu’elle était détenue à 60 % par la Bank Mellat.

20      Par lettre du 24 janvier 2012, la requérante a fait valoir que, à son avis, le réexamen du maintien des mesures restrictives la visant était vicié par des erreurs. Elle a notamment constaté que, à son avis, le Conseil n’avait pas motivé à suffisance de droit, dans la lettre du 5 décembre 2011, le refus de prendre en considération ses observations du 29 juillet 2011.

21      Le règlement n° 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), la Bank Mellat et la requérante ont été incluses par le Conseil dans l’annexe IX de ce dernier règlement. Le motif concernant la requérante est identique à celui retenu dans la décision 2010/413. Les motifs retenus s’agissant de l’inscription de la Bank Mellat sont, en substance, les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/644. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption, le 25 octobre 2010, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 janvier 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 8 mars 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2012, la requérante a, d’une part, adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption, le 1er décembre 2011, de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011 et, d’autre part, demandé que les actes attaqués fussent, le cas échéant, annulés avec effet immédiat.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 avril 2012, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption, le 23 mars 2012, du règlement n° 267/2012.

27      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties en ce qui concerne les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil (C‑380/09 P, non encore publié au Recueil), le nombre des directeurs de la requérante et les modalités de leur nomination ainsi que la recevabilité du quatrième moyen de la requérante. Les parties ont répondu aux questions du Tribunal.

28      Dans sa réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012, la requérante s’est désistée du troisième moyen, tiré du caractère disproportionné et, partant, illégal, de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2012.

30      Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 4 septembre 2012, la procédure orale a été rouverte afin de verser au dossier les observations de la requérante sur l’ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil [C‑110/12 P(R), non publiée au Recueil], et de recueillir les observations des autres parties. La procédure orale a été close de nouveau le 4 octobre 2012.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, avec effet immédiat, le point 4 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413, le point 2 du tableau B de l’annexe du règlement d’exécution n° 668/2010, le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe de la décision 2010/644, le point 4 du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution n° 1245/2011 et le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, pour autant que ces actes la concernent ;

–        déclarer que l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 lui sont inapplicables ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

32      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      Dans ses écrits, la requérante a fait valoir cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la Bank Mellat. Le troisième moyen est tiré du caractère disproportionné et, partant, illégal, de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété de la requérante et de son droit d’exercer une activité économique.

34      Ainsi qu’il ressort du point 28 ci‑dessus, la requérante s’est désistée en cours de procédure de son troisième moyen. Or, dans la mesure où l’exception d’illégalité visant l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, soulevée par la requérante en tant que son deuxième chef de conclusions, se confond, en réalité, avec son troisième moyen, le désistement partiel concerne également ladite exception.

35      Le Conseil et la Commission contestent le bien‑fondé des moyens de la requérante. En outre, dans la duplique, le Conseil a fait valoir que la requérante n’était pas recevable à invoquer une violation de ses droits fondamentaux.

36      À titre liminaire, il y a lieu d’examiner la recevabilité du quatrième moyen et des arguments du Conseil relatifs à l’impossibilité pour la requérante d’invoquer les droits fondamentaux.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire

37      Par son quatrième moyen, la requérante soutient que l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la Bank Mellat n’est pas justifiée. Elle renvoie, à cet égard, aux recours intentés devant les juridictions de l’Union européenne par la Bank Mellat et explique que, si cette dernière n’est plus visée par des mesures restrictives au moment du prononcé du présent arrêt, les mesures la visant elle-même doivent être annulées.

38      Cela étant, la requérante n’invoque aucun grief concret contestant la légalité des mesures restrictives visant la Bank Mellat. Elle ne s’exprime notamment pas, avec un degré de précision suffisant, sur les motifs concernant la prétendue implication de cette dernière dans la prolifération nucléaire, dès lors qu’elle n’indique même pas si elle conteste la réalité des faits reprochés ou la qualification de ces faits d’appui à la prolifération nucléaire.

39      Dans ces circonstances, nonobstant le fait que les mesures restrictives visant la Bank Mellat ont été annulées par l’arrêt du Tribunal du 29 janvier 2013, Bank Mellat/Conseil (T‑496/10, non encore publié au Recueil), le Tribunal n’est pas en mesure de statuer sur le quatrième moyen, faute de précision suffisante de l’argumentation de la requérante. Partant, ledit moyen doit être déclaré irrecevable en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, ainsi que l’invoque d’ailleurs la Commission.

 Sur la recevabilité des arguments du Conseil portant sur la recevabilité des moyens tirés de la prétendue violation des droits fondamentaux de la requérante

40      Dans la duplique, le Conseil a fait valoir que la requérante devait être considérée comme une émanation de l’État iranien, de sorte qu’elle ne pouvait invoquer à son profit les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux. Il estime, par conséquent, que les moyens du recours tirés d’une prétendue violation desdits droits doivent être déclarés irrecevables.

41      À cet égard, en premier lieu, il convient d’observer que le Conseil ne conteste pas le droit même de la requérante de demander l’annulation des actes attaqués. Il conteste seulement qu’elle soit titulaire de certains droits qu’elle invoque afin d’obtenir cette annulation.

42      Or, en deuxième lieu, la question de savoir si le requérant est ou non titulaire du droit invoqué au soutien d’un moyen d’annulation ne concerne pas la recevabilité de ce même moyen, mais son bien‑fondé. Par conséquent, l’argumentation du Conseil, tirée de ce que la requérante serait une émanation de l’État iranien, doit être rejetée pour autant qu’elle vise au constat de l’irrecevabilité partielle du recours.

43      En troisième lieu, ladite argumentation a été présentée, pour la première fois, dans la duplique, sans que le Conseil ait invoqué le fait qu’elle était fondée sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure. Pour autant que le fond du litige est concerné, elle constitue donc un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, ce qui implique qu’elle doit être déclarée irrecevable.

 Sur le fond

44      À la suite du désistement partiel opéré par la requérante et au vu de l’irrecevabilité du quatrième moyen, il y a lieu uniquement d’examiner les premier, deuxième et cinquième moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

45      Par son premier moyen, la requérante soutient que le Conseil a violé l’obligation de motivation, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective dans la mesure où, d’abord, la motivation des actes attaqués est insuffisante, où, ensuite, le Conseil ne lui a pas communiqué suffisamment d’informations pour lui permettre de formuler des observations utiles concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard et pour lui assurer un procès équitable et où, enfin, tant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives la visant que le réexamen périodique de ces mêmes mesures sont viciés par plusieurs erreurs.

46      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Il\/s soutien\/t, en particulier, que la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense.

47      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, à l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007, à l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

48      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

49      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

50      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, point 91).

51      Le principe du respect des droits de la défense exige, d’une part, que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués et, d’autre part, que celle-ci soit mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 93).

52      Partant, s’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté. Sous les mêmes réserves, toute décision subséquente de gel des fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge et d’une nouvelle possibilité pour l’entité concernée de faire valoir son point de vue (voir, par analogie, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 51 supra, point 137).

53      Il y a lieu, en outre, de remarquer que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, point 97, et la jurisprudence citée).

54      En troisième lieu, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389). L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs d’une mesure restrictive à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ladite mesure est adoptée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à l’entité concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).

55      Au vu de cette jurisprudence, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner les arguments présentés par les parties sous le premier moyen selon les quatre étapes décrites ci-après. Premièrement, il y a lieu d’examiner l’argument liminaire du Conseil et de la Commission selon lequel la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense. Deuxièmement, il convient d’examiner les arguments relatifs à la motivation des actes attaqués. Troisièmement, il y a lieu d’examiner la prétendue violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard. Quatrièmement, le Tribunal abordera les arguments relatifs aux vices affectant prétendument l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives visant la requérante et le réexamen périodique de ces mêmes mesures.

56      À cet égard, par ailleurs, il y a lieu de considérer que, dès lors que l’adoption des mesures restrictives à son égard est fondée sur le fait que la requérante est détenue par une entité impliquée dans la prolifération nucléaire, d’une part, elle peut valablement se prévaloir de la violation de l’obligation de motivation quant à la prétendue implication de sa société mère dans la prolifération nucléaire. D’autre part, le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective implique également, par analogie à la jurisprudence citée aux points 50 à 54 ci-dessus, la communication à la requérante des informations relatives à l’adoption des mesures restrictives à l’égard de sa société mère et la possibilité de présenter des observations sur lesdites informations.

–       Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

57      Le Conseil et la Commission contestent l’applicabilité du principe du respect des droits de la défense au cas d’espèce. En se référant à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil (T‑181/08, Rec. p. II‑1965, points 121 à 123), ils font valoir que la requérante n’a pas été visée par des mesures restrictives en raison de son activité propre, mais en raison de son appartenance à la catégorie générale des personnes et des entités ayant apporté un appui à la prolifération nucléaire. Par conséquent, la procédure d’adoption des mesures restrictives n’aurait pas été ouverte à l’encontre de la requérante au sens de la jurisprudence citée au point 50 ci‑dessus et elle ne pourrait, dès lors, pas se prévaloir des droits de la défense ou pourrait seulement s’en prévaloir dans une mesure restreinte.

58      Cette argumentation ne saurait être retenue.

59      En effet, d’une part, l’arrêt Tay Za/Conseil, point 57 supra, a été annulé sur pourvoi, dans son intégralité, par l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, non encore publié au Recueil). Par conséquent, les constats opérés dans ledit arrêt ne font plus partie de l’ordre juridique de l’Union et ne sauraient donc être valablement invoqués par le Conseil et par la Commission.

60      D’autre part, l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007, l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 267/2012 prévoient des dispositions garantissant les droits de la défense des entités visées par des mesures restrictives adoptées en vertu de ces textes. Le respect de ces droits fait l’objet du contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, point 37).

61      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le principe du respect des droits de la défense, tel que rappelé aux points 50 à 53 ci‑dessus, peut être invoqué par la requérante en l’espèce.

–       Sur la motivation des actes attaqués

62      La requérante fait valoir que la motivation des actes attaqués est insuffisante dans la mesure où, d’une part, les allégations du Conseil s’agissant de la prétendue implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire sont excessivement vagues et où, d’autre part, le Conseil n’aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles il considérait qu’elle était détenue par la Bank Mellat.

63      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante.

64       Il convient de remarquer, d’emblée, que, pour apprécier le respect de l’obligation de motivation, il y a lieu de prendre en considération, outre les motifs figurant dans les actes attaqués, les trois propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées par le Conseil à la requérante.

65      En effet, d’une part, il ressort desdites propositions, telles que communiquées à la requérante, qu’elles ont été soumises aux délégations des États membres dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives la visant et qu’elles constituent, par conséquent, des éléments sur lesquels sont fondées ces mêmes mesures.

66      D’autre part, il est vrai que la troisième proposition a été communiquée à la requérante tant après l’introduction du recours qu’après l’adaptation des conclusions consécutive à l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010. Dès lors, elle ne peut pas valablement compléter la motivation de la décision 2010/413, du règlement d’exécution n° 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010. Elle peut, néanmoins, être prise en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité des actes ultérieurs, à savoir de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et du règlement n° 267/2012.

67      S’agissant, en premier lieu, de la motivation concernant la prétendue implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire, les actes attaqués mentionnent les quatre motifs suivants :

–        selon la décision 2010/413 et le règlement d’exécution n° 668/2010, la Bank Mellat est une banque d’État (ci-après le « premier motif ») ;

–        la Bank Mellat a un comportement qui soutient et facilite les programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran (ci‑après le « deuxième motif ») ;

–        la Bank Mellat fournit des services bancaires à des entités figurant sur les listes des Nations unies et de l’Union, à des entités agissant pour le compte ou sur les instructions de celles-ci ou à des entités détenues ou contrôlées par elles (ci‑après le « troisième motif ») ;

–        la Bank Mellat est la société mère de First East Export, qui est désignée dans la résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « quatrième motif »).

68      La première des deux propositions d’adoption des mesures restrictives, communiquée le 13 septembre 2010, recoupe, en partie, le deuxième motif fourni dans les actes attaqués. Elle ajoute, en outre, les motifs suivants :

–        la Bank Mellat fournit des services bancaires à l’Organisation iranienne de l’énergie atomique et à Novin Energy Company, qui sont visées par des mesures restrictives adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « cinquième motif ») ;

–        la Bank Mellat gère les comptes des hauts responsables de l’Organisation des industries aérospatiales et d’un responsable des achats iranien (ci‑après le « sixième motif »).

69      La deuxième proposition d’adoption des mesures restrictives, également communiquée le 13 septembre 2010, recoupe, pour l’essentiel, la motivation des actes attaqués. Elle ajoute, en outre, un seul motif, selon lequel la Bank Mellat aurait facilité le mouvement de millions de dollars pour le programme nucléaire iranien depuis au moins 2003 (ci-après le « septième motif »).

70      La troisième proposition d’adoption des mesures restrictives, qui est annexée à la duplique, ne comporte pas d’éléments supplémentaires concernant la Bank Mellat par rapport aux actes attaqués et aux deux propositions communiquées le 13 septembre 2010.

71      Le premier motif est suffisamment précis dès lors qu’il permet à la requérante de comprendre que le Conseil s’est fondé sur la participation de l’État iranien au capital de la Bank Mellat.

72      En revanche, les deuxième et troisième motifs sont excessivement vagues en ce qu’ils ne précisent ni le comportement reproché à la Bank Mellat ni les autres entités concernées.

73      Le quatrième motif est exposé de manière suffisamment claire, dès lors qu’il permet à la requérante de comprendre que le Conseil reproche à la Bank Mellat le contrôle qu’elle exerce sur First East Export.

74      Il en est de même du cinquième motif, qui identifie les entités auxquelles ont prétendument été fournis les services financiers en cause.

75      Enfin, les sixième et septième motifs ne sont pas suffisamment précis, le sixième n’identifiant pas les personnes concernées et le septième ne comportant aucune précision sur les entités et transactions concernées.

76      S’agissant, en second lieu, de la motivation concernant la requérante elle-même, le Conseil a indiqué, tant dans les actes attaqués que dans les propositions d’adoption des mesures restrictives, qu’elle était détenue à 60 % par la Bank Mellat. Or, contrairement à ce que prétend la requérante, cette motivation est suffisante pour lui permettre de comprendre que le Conseil s’est appuyé sur la détention d’une partie de son capital par la Bank Mellat et sur l’influence qui découle de cette détention.

77      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le Conseil a violé l’obligation de motivation en ce qui concerne les deuxième, troisième, sixième et septième motifs concernant l’implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire. En revanche, ces mêmes obligations ont été respectées en ce qui concerne les autres motifs visant la Bank Mellat ainsi qu’en ce qui concerne la motivation visant la requérante elle‑même.

–       Sur la violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard

78      La requérante fait valoir que, nonobstant des demandes d’information répétées, elle n’a pas reçu d’informations suffisantes concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard et à l’égard de la Bank Mellat et qu’elle n’aurait notamment reçu aucune preuve relative à la prétendue implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire. Elle souligne, dans ce contexte, le caractère inadéquat des propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées par la lettre du 13 septembre 2010 et de celle communiquée en annexe à la duplique ainsi que la tardiveté de la divulgation de cette dernière.

79      La requérante en déduit que la communication de ces éléments ne lui a pas permis de formuler des observations utiles concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard et à l’égard de la Bank Mellat et qu’elle n’était pas susceptible de lui assurer un procès équitable.

80      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Il expose, notamment, qu’il a communiqué les propositions d’adoption des mesures restrictives à la requérante dès qu’il a recueilli l’accord des États membres dont elles émanaient.

81      En premier lieu, il ressort de l’examen mené aux points 62 à 77 ci‑dessus que les premier, quatrième et cinquième motifs invoqués par le Conseil à l’égard de la Bank Mellat ainsi que la motivation concernant la requérante elle‑même, tels qu’ils ressortent des actes attaqués et des propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées à la requérante, sont suffisamment précis. En revanche, le caractère vague des deuxième, troisième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil à l’égard de la Bank Mellat est constitutif d’une violation des droits de la défense de la requérante ainsi que de son droit à une protection juridictionnelle effective.

82      En deuxième lieu, il convient d’observer que les propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées le 13 septembre 2010 l’ont été avant l’expiration du délai fixé par le Conseil à la requérante pour présenter ses observations, le 25 septembre 2010, de sorte qu’aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée à leur égard.

83      En revanche, la proposition annexée à la duplique a été communiquée après l’expiration du délai mentionné au point 82 ci‑dessus.

84      À cet égard, l’argument du Conseil relatif à la nécessité d’obtenir l’accord de l’État membre concerné ne saurait être retenu. En effet, lorsque le Conseil entend se fonder sur des éléments fournis par un État membre pour adopter des mesures restrictives à l’égard d’une entité, il est tenu de s’assurer, avant l’adoption desdites mesures, que les éléments en question peuvent être communiqués à l’entité concernée en temps utile afin que celle‑ci puisse faire valoir utilement son point de vue.

85      Toutefois, il y a lieu de considérer que la communication tardive d’un document sur lequel le Conseil s’est fondé pour adopter ou pour maintenir les mesures restrictives visant une entité ne constitue une violation des droits de la défense justifiant l’annulation des actes adoptés antérieurement que s’il est établi que les mesures restrictives concernées n’auraient pas pu être adoptées ou maintenues à bon droit si le document communiqué tardivement devait être écarté comme élément à charge.

86      Or, ainsi qu’il ressort des points 70 et 76 ci‑dessus, la proposition annexée à la duplique ne comporte pas d’éléments supplémentaires par rapport aux actes attaqués et aux propositions communiquées le 13 septembre 2010, ce qui implique que le fait de l’écarter en tant qu’élément à charge n’est pas susceptible d’affecter le bien‑fondé de l’adoption et du maintien des mesures restrictives visant la requérante. Dans ces circonstances, la communication tardive de ladite proposition ne justifie pas l’annulation de la décision 2010/413, du règlement d’exécution n° 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010.

87      En troisième lieu, s’agissant de l’absence de communication des preuves, il y a lieu de remarquer que, en vertu du principe du respect des droits de la défense, le Conseil n’est pas tenu de communiquer des éléments autres que ceux qui font partie de son dossier. Or, en l’espèce, le Conseil expose, sans être contredit par la requérante, que son dossier ne contient pas de preuves supplémentaires concernant l’implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire ou concernant la requérante elle-même. Dans ces circonstances, il ne saurait lui être reproché d’avoir violé les droits de la défense de la requérante et son droit à une protection juridictionnelle effective en n’ayant pas communiqué de telles preuves.

–       Sur les vices affectant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives visant la requérante et le réexamen périodique de ces mêmes mesures

88      La requérante soutient que le Conseil n’a pas procédé à un véritable examen des circonstances de l’espèce, mais qu’il s’est borné à adopter les propositions présentées par les États membres. Ce vice affecterait tant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives la visant que le réexamen périodique de ces mêmes mesures.

89      En outre, selon la requérante, il ressort des câbles diplomatiques, rendus publics par l’intermédiaire de l’organisation Wikileaks (ci-après les « câbles diplomatiques »), que les États membres, et, en particulier, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, ont subi des pressions de la part du gouvernement des États-Unis d’Amérique visant à faire adopter des mesures restrictives à l’égard des entités iraniennes. Or, cette circonstance jetterait un doute sur la légalité des mesures adoptées et sur celle de leur procédure d’adoption.

90      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante. Il soutient, en particulier, qu’il n’y a pas lieu de tenir compte des câbles diplomatiques.

91      En premier lieu, il convient de relever que les actes arrêtant des mesures restrictives à l’encontre d’une entité prétendument impliquée dans la prolifération nucléaire sont des actes du Conseil, qui doit, partant, s’assurer que leur adoption est justifiée. Par conséquent, lors de l’adoption d’un premier acte arrêtant de telles mesures, le Conseil est tenu d’examiner la pertinence et le bien‑fondé des éléments d’information et de preuve qui lui sont soumis, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, de la décision 2010/413, par un État membre ou par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Lors de l’adoption des actes successifs visant la même entité, le Conseil est tenu, conformément à l’article 24, paragraphe 4, de la même décision, de réexaminer la nécessité du maintien desdites mesures à la lumière des observations présentées par cette entité.

92      En l’espèce, d’une part, l’indication erronée, dans la décision 2010/413 et dans le règlement d’exécution n° 668/2010, selon laquelle la Bank Mellat était une banque d’État, dont l’inexactitude n’est pas contestée par le Conseil, permet d’établir que ce dernier n’a pas vérifié la pertinence et le bien‑fondé des éléments visant la Bank Mellat qui lui ont été soumis avant l’adoption desdits actes. Or, étant donné que l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante est fondée sur la considération selon laquelle cette dernière est détenue à 60 % par la Bank Mellat, il y a lieu de considérer que la méconnaissance, par le Conseil, de son obligation de vérifier la pertinence et le bien‑fondé des éléments visant la Bank Mellat vicie également l’adoption, par la décision 2010/413 et par le règlement d’exécution n° 668/2010, des mesures restrictives à l’égard de la requérante.

93      D’autre part, en ce qui concerne l’adoption des actes attaqués ultérieurs, les éléments du dossier suggèrent que le Conseil a réexaminé les circonstances de l’espèce à la lumière des observations de la requérante. Ainsi, il a précisé, dans la lettre du 28 octobre 2010, qu’il estimait toujours que les mesures restrictives visant la requérante étaient justifiées par le fait qu’elle était détenue à 60 % par la Bank Mellat, qui était elle-même impliquée dans la prolifération nucléaire. Il a réitéré cette position dans la lettre du 5 décembre 2011. Au demeurant, il n’est pas contesté que le Conseil a supprimé la mention selon laquelle la Bank Mellat était une banque d’État.

94      En second lieu, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétendent le Conseil et la Commission, les câbles diplomatiques peuvent être pris en considération.

95      En effet, en ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72). Or, en l’espèce, dans la mesure où la requérante n’a pas été impliquée dans la divulgation des câbles diplomatiques, le caractère éventuellement illégal de cette divulgation ne peut pas lui être opposé. Au demeurant, les éléments en cause sont relativement crédibles, leur authenticité n’ayant pas été contestée par le gouvernement des États-Unis.

96      Cela étant, s’agissant du contenu des câbles diplomatiques, la circonstance selon laquelle certains États membres auraient subi des pressions diplomatiques n’implique pas, à elle seule, que ces mêmes pressions aient affecté les actes attaqués, qui ont été adoptés par le Conseil, ou l’examen opéré par ce dernier à l’occasion de leur adoption.

97      Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir les arguments de la requérante, relatifs aux vices dont seraient affectés l’examen et le réexamen opérés par le Conseil, en ce qui concerne la décision 2010/413 et le règlement d’exécution n° 668/2010, et de les rejeter pour le surplus.

98      Au vu de ce qui précède, d’une part, il y a lieu d’observer que, lors de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution n° 668/2010, le Conseil n’a pas respecté l’obligation d’examiner la pertinence et le bien‑fondé des éléments d’information et de preuve à l’égard de la requérante qui lui ont été soumis, entachant ainsi lesdits actes d’illégalité (voir points 92 et 97 ci‑dessus).

99      D’autre part, le Conseil a violé l’obligation de motivation, les droits de la défense de la requérante et son droit à une protection juridictionnelle effective en ce qui concerne les deuxième, troisième, sixième et septième motifs fournis par le Conseil à l’égard de la Bank Mellat (voir points 77 et 81 ci‑dessus). Néanmoins, compte tenu de ce que les différents motifs invoqués par le Conseil à l’égard de la Bank Mellat sont indépendants les uns des autres et du caractère suffisamment précis des autres motifs, cette circonstance ne justifie pas l’annulation de la décision 2010/644, du règlement n° 961/2010, de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et du règlement n° 267/2012.

100    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen dans la mesure où il vise à l’annulation de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution n° 668/2010 pour autant que ces actes concernent la requérante et de le rejeter pour le surplus.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la Bank Mellat

101    La requérante soutient qu’elle n’est pas détenue par la Bank Mellat et qu’elle n’appartient pas à cette dernière au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010  et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012.

102    À titre liminaire, il convient de remarquer que l’examen du Tribunal ne vise que la circonstance selon laquelle la Bank Mellat détient 60 % du capital de la requérante. En effet, il est certes vrai que, depuis le 24 janvier 2012, la Bank Tejarat, l’autre actionnaire de la requérante, est également visée par des mesures restrictives adoptées en vertu de la décision 2010/413, du règlement n° 961/2010 et du règlement n° 267/2012. Toutefois, cette circonstance a été invoquée par le Conseil, pour la première fois, lors de l’audience, et elle ne figure notamment pas dans la motivation des actes attaqués. Elle ne saurait, par conséquent, être prise en considération dans le cadre du contrôle de leur légalité.

103    Selon la jurisprudence, lorsque les fonds d’une entité reconnue comme participant à la prolifération nucléaire sont gelés, il existe un risque non négligeable que celle‑ci exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle ou qui lui appartiennent, pour contourner l’effet des mesures qui la visent. Par conséquent, le gel des fonds de ces entités, qui est imposé au Conseil par l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012, est nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées et garantir que ces mesures ne seront pas contournées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Melli Bank/Conseil, point 27 supra, points 39 et 58).

104    De même, lorsqu’une entité est détenue à 100 % par une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire, la condition de détention visée à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 est remplie (voir, par analogie, arrêt Melli Bank/Conseil, point 27 supra, point 79). La même conclusion doit être appliquée à la notion d’entité « appartenant » à une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire, figurant à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012.

105    Cela étant, il n’est pas contesté que la Bank Mellat ne détient que 60 % du capital de la requérante.

106    Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutiennent le Conseil et la Commission, la règle jurisprudentielle citée au point 104 ci‑dessus n’est pas applicable, la détention de 60 % du capital de la requérante n’impliquant pas, à elle seule, que la condition de « détention » ou d’« appartenance », prévue aux dispositions visées au point 104 ci‑dessus, est remplie.

107    Par conséquent, il convient d’examiner si, au vu des circonstances d’espèce, et notamment du degré de détention par la Bank Mellat, il existe un risque non négligeable que la requérante soit amenée à contourner l’effet des mesures restrictives visant celle‑ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Melli Bank/Conseil, point 27 supra, point 40).

108    Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir que tel est le cas dans la mesure où, en tant qu’actionnaire majoritaire détenant 60 % du capital de la requérante, la Bank Mellat peut nommer et révoquer ses directeurs.

109    À cet égard, il ressort des éléments du dossier que la requérante a sept directeurs, dont deux directeurs indépendants qui n’exercent pas de fonctions exécutives.

110    Il est, certes, vrai que, en vertu tant de la législation du Royaume-Uni applicable que des statuts de la requérante, les directeurs de cette dernière sont nommés par une résolution ordinaire de l’assemblée générale, adoptée à la simple majorité des votes.

111    Cela étant, en premier lieu, il ressort des éléments fournis par la requérante, dont l’exactitude n’a pas été contestée par les autres parties, que, conformément à l’accord de ses actionnaires, seulement quatre de ses directeurs actuels ont été choisis par la Bank Mellat, les trois restants ayant été choisis par la Bank Tejarat.

112    En outre, l’un des quatre directeurs choisis par la Bank Mellat est un directeur indépendant non exécutif. Ainsi qu’il ressort des éléments présentés par la requérante, la condition d’indépendance, dont le respect est vérifié par la FSA dans le cadre de la procédure d’autorisation des directeurs d’une société, implique notamment que ledit directeur n’est associé d’aucune manière avec les actionnaires de la requérante, dont la Bank Mellat.

113    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Bank Mellat est susceptible d’exercer une influence sur, tout au plus, trois des sept directeurs actuels de la requérante, c’est-à-dire sur une minorité de ces derniers.

114    Le Conseil a fait encore valoir à cet égard, lors de l’audience, que les directeurs indépendants ne participaient pas à la gestion quotidienne de la requérante, dès lors qu’ils n’exerçaient pas de fonctions exécutives.

115    Or, il convient d’observer que, pour autant que les décisions collectives prises par les directeurs sont concernées, les statuts de la requérante ne distinguent pas les directeurs exécutifs des directeurs non exécutifs en ce qui concerne les conditions de quorum ou le droit de vote. Par conséquent, dans ce cadre, la position des directeurs non exécutifs est équivalente à celle des directeurs exécutifs.

116    Au demeurant, pour autant que l’argumentation du Conseil doive être comprise comme visant l’influence susceptible d’être exercée individuellement par certains directeurs de la requérante choisis par la Bank Mellat dans le cadre de leurs fonctions exécutives, elle ne saurait être prise en considération à double titre. En effet, d’une part, cette circonstance n’a pas été évoquée dans la motivation des actes attaqués. D’autre part, l’argumentation en cause n’est pas suffisamment précise, le Conseil n’ayant indiqué ni l’identité des directeurs visés, ni les fonctions précises qu’ils exerçaient, ni le risque spécifique que cette circonstance présentait pour l’efficacité des mesures restrictives visant la Bank Mellat.

117    En second lieu, il convient de remarquer qu’il ressort des éléments du dossier que la nomination de tout nouveau directeur de la requérante est soumise à l’autorisation de la FSA. Partant, la Bank Mellat n’est pas en mesure de modifier librement le nombre et la nature des directeurs de la requérante, notamment en supprimant les postes des directeurs indépendants.

118    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le fait que la Bank Mellat détient 60 % du capital de la requérante ne permet pas de considérer que la condition de « détention » ou d’« appartenance », prévue à l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012, est remplie.

119    Par conséquent, la détention de 60 % du capital de la requérante par la Bank Mellat ne justifie pas, à elle seule, l’adoption et le maintien des mesures restrictives visant la requérante.

120    Dans la mesure où la détention de 60 % du capital de la requérante par la Bank Mellat est la seule circonstance qui peut être prise en considération par le Tribunal (voir point 102 ci‑dessus), il convient d’accueillir le deuxième moyen et, partant, d’annuler la décision 2010/644, le règlement n° 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution n° 1245/2011 et le règlement n° 267/2012 pour autant qu’ils concernent la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner, d’une part, les autres arguments invoqués par cette dernière dans le cadre du deuxième moyen et, d’autre part, le cinquième moyen.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

121    En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués, il y a lieu de remarquer, d’abord, que le règlement d’exécution n° 668/2010, qui a modifié la liste de l’annexe V du règlement n° 423/2007, ne produit plus d’effets juridiques à la suite de l’abrogation de ce dernier règlement, opérée par le règlement n° 961/2010. De même, le règlement n° 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 1245/2011, a lui-même été abrogé par le règlement n° 267/2012. Par conséquent, l’annulation du règlement d’exécution n° 668/2010, du règlement n° 961/2010 et du règlement d’exécution n° 1245/2011 ne concerne que les effets que ces actes ont produits entre la date de leur entrée en vigueur et la date de leur abrogation.

122    Ensuite, quant au règlement n° 267/2012, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié au Recueil, point 38).

123    À cet égard, en se référant à l’ordonnance Akhras/Conseil, point 30 supra, la requérante soutient que le règlement n° 267/2012 se présente, à son égard, comme une décision prise sous la forme de règlement, et non comme un vrai règlement. Par conséquent, l’article 60, second alinéa, du statut ne serait pas applicable en l’espèce.

124    Cet argument ne saurait être retenu.

125    En effet, d’une part, au point 29 de l’ordonnance Akhras/Conseil, point 30 supra, le président de la Cour n’a pas examiné, de manière détaillée, l’applicabilité de l’article 60, second alinéa, du statut aux règlements imposant des mesures restrictives, dès lors qu’il s’est borné à constater que, si les arguments présentés sur ce point par le requérant dans l’affaire C-110/12 P(R) n’apparaissaient pas « dénués de fondement », ils étaient, en revanche, inopérants.

126    Or, d’autre part, au vu de la jurisprudence de la Cour, il y a lieu de considérer que le règlement n° 267/2012, en ce compris son annexe IX, a la nature d’un règlement, dès lors que son article 51, second alinéa, prévoit qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, ce qui correspond aux effets d’un règlement tels que prévus à l’article 288 TFUE (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, non encore publié au Recueil, point 45).

127    L’article 60, second alinéa, du statut de la Cour est donc bien applicable en l’espèce.

128    Dans ces circonstances, le Conseil dispose d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard de la requérante. En l’espèce, le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement n° 267/2012 n’apparaît pas suffisamment élevé, compte tenu de l’importante incidence de ces mesures sur les droits et les libertés de la requérante, pour justifier le maintien des effets dudit règlement à l’égard de cette dernière pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour (voir, par analogie, arrêt Kadio Morokro/Conseil, point 122 supra, point 38).

129    Enfin, en ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644 et par la décision 2011/783, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012 et celle de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644 et par la décision 2011/783, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant à la requérante des mesures identiques. Les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644 et par la décision 2011/783, doivent donc être maintenus, en ce qui concerne la requérante, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012 (voir, par analogie, arrêt Kadio Morokro/Conseil, point 122 supra, point 39).

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

131    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant qu’ils concernent Persia International Bank plc :

–        le point 4 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC ;

–        le point 2 du tableau B de l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 ;

–        le point 4 du tableau B de l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007 ;

–        la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 ;

–        le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 ;

–        le point 4 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010.

2)      Les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644 et par la décision 2011/783, sont maintenus en ce qui concerne Persia International Bank jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Persia International Bank.

5)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2013.

Signatures








Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la Bank Mellat dans la prolifération nucléaire

Sur la recevabilité des arguments du Conseil portant sur la recevabilité des moyens tirés de la prétendue violation des droits fondamentaux de la requérante

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

– Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

– Sur la motivation des actes attaqués

– Sur la violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard

– Sur les vices affectant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives visant la requérante et le réexamen périodique de ces mêmes mesures

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la Bank Mellat

Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.