Language of document : ECLI:EU:C:2018:494

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 26 juin 2018(1)

Affaire C384/17

Dooel Uvoz-Izvoz Skopje Link Logistik N&N

contre

Budapest Rendőrfőkapitánya

[Demande de décision préjudicielle
formée par le Szombathelyi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szombathely, Hongrie)]

(Renvoi préjudiciel – Transport par route – Taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures – Directive 1999/62/CE – Article 9 bis – Exigence de proportionnalité des sanctions –Interprétation conforme – Effet direct – Conséquences pour les juridictions nationales et les autorités administratives – Pouvoir de réduire une sanction dans l’attente d’une intervention législative)






I.      Introduction

1.        Dooel Uvoz-Izvoz Skopje Link Logistik N&N (ci‑après la « requérante ») est une entreprise exploitant des poids lourds. En octobre 2015, elle omet de faire s’acquitter d’un droit de péage le chauffeur de l’un de ses véhicules préalablement à l’entrée dudit véhicule sur la route à péage. La requérante s’est vu infliger une amende en tant qu’exploitant du véhicule. Elle en a contesté le montant devant les juridictions hongroises. Elle soutient que l’amende est disproportionnée et que la législation nationale en cause est incompatible avec le droit de l’Union.

2.        Dans l’arrêt Euro-Team et Spirál-Gép (2), la Cour a déjà considéré que le régime de sanctions prévu par la législation hongroise ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité énoncée à l’article 9 bis de la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (3). L’analyse et les conclusions formulées par la Cour dans cet arrêt étaient générales en ce sens qu’elles ont abouti à une déclaration d’incompatibilité d’un régime de sanctions (tel que celui en cause dans l’affaire au principal) avec l’exigence de proportionnalité.

3.        Dans la présente affaire, une autre juridiction hongroise demande à la Cour de fournir davantage de précisions : quelles sont les conséquences spécifiques d’une telle incompatibilité ? À qui incombe-t-il d’assurer la proportionnalité des sanctions exigée, et comment ? En particulier, quelles réponses donner à ces questions s’agissant de la période transitoire menant à l’adoption d’un nouveau cadre par le législateur national ? À cette fin, la Cour est saisie de la question de savoir si l’article 9 bis de la directive 1999/62 a un effet direct et/ou si le droit national doit être interprété conformément à cette disposition. En outre, la juridiction de renvoi soulève une question connexe : celle de savoir à quel organe, judiciaire ou administratif, une telle obligation incomberait et comment elle devrait précisément être mise en œuvre.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La directive 1999/62

4.        Le considérant 14 de la directive 1999/62 est libellé comme suit : « [i]l importe que les péages et les droits d’usage ne soient pas discriminatoires, ne soient pas assortis de formalités excessives ou ne créent pas d’obstacles aux frontières intérieures ; [i]l convient donc de prendre les mesures appropriées pour permettre l’acquittement des péages et droits d’usage à tout moment et à l’aide de divers moyens de paiement ».

5.        Le considérant 15 s’énonce comme suit : « les taux des droits d’usage doivent être fixés en fonction de la durée d’utilisation de l’infrastructure concernée et être différenciés en fonction des coûts engendrés par les véhicules routiers ».

6.        Le considérant 21 indique que : « [c]onformément au principe de proportionnalité, la présente directive se limite au minimum qui est nécessaire pour atteindre les objectifs au titre de l’article 5, troisième alinéa, du traité ».

7.        L’article 2, sous b), de la directive 1999/62 définit le « péage » comme « une somme déterminée, payable pour un véhicule, fondée sur la distance parcourue sur une infrastructure donnée et sur le type du véhicule, qui comprend une redevance d’infrastructure et/ou une redevance pour coûts externes ».

8.        L’article 2, sous c), définit le « droit d’usage » comme « une somme déterminée dont le paiement donne droit à l’utilisation, par un véhicule, pendant une durée donnée, des infrastructures visées à l’article 7, paragraphe 1 ».

9.        Le chapitre III de la directive est consacré aux péages et droits d’usage.

10.      L’article 7, paragraphe 1, prévoit : « Sans préjudice de l’article 9, paragraphe 1 bis, les États membres peuvent maintenir ou introduire des péages et/ou des droits d’usage sur le réseau routier transeuropéen ou sur certains tronçons dudit réseau, ainsi que sur tout autre tronçon de leur réseau d’autoroutes qui ne fait pas partie du réseau routier transeuropéen, selon les conditions énoncées aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 du présent article et aux articles 7 bis à 7 duodecies. Cela ne porte pas atteinte au droit des États membres, conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’appliquer des péages et/ou des droits d’usage sur d’autres axes routiers, pour autant que la perception de péages et/ou de droits d’usage sur ces autres axes ne présente pas de caractère discriminatoire à l’égard du trafic international et n’entraîne pas de distorsion de concurrence entre les opérateurs ».

11.      Conformément à l’article 7 bis, paragraphe 1, « [l]es droits d’usage sont proportionnés à la durée d’utilisation de l’infrastructure, sans dépasser les valeurs fixées à l’annexe II, et sont valables pour une journée, une semaine, un mois ou un an […] ».

12.      L’article 9 bis prévoit : « [l]es États membres mettent en place les contrôles adéquats et déterminent le régime de sanctions applicable aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive. Ils prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application de ces sanctions. Ces sanctions doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives ».

B.      Le droit hongrois

1.      La loi relative à la circulation routière

13.      L’article 20, paragraphe 1, du közúti közlekedésről szóló 1988. évi I. törvény (loi no I de 1988 relative à la circulation routière, ci‑après la « loi relative à la circulation routière ») prévoit :

« Est passible d’une amende toute personne enfreignant les dispositions de la présente loi, d’actes législatifs ou réglementaires spécifiques et des actes de droit communautaire, concernant :

[…]

m)      la redevance, proportionnelle à la distance parcourue, due pour l’utilisation d’un tronçon routier à péage.

[…] »

14.      L’article 21 de la loi relative à la circulation routière prévoit :

« (1) L’exploitant du véhicule ou, dans le cas visé à l’article 21/A, paragraphe 2, la personne à qui le véhicule a été confié aux fins de son utilisation répond du respect, lors de l’exploitation ou de l’utilisation du véhicule, des règles, telles qu’établies par des dispositions particulières, relatives à

[…]

h)      la redevance, proportionnelle à la distance parcourue, due pour l’utilisation d’un tronçon routier à péage.

[…]

(2)      En cas de violation de l’une des règles visées au paragraphe 1, l’exploitant ou, dans le cas visé à l’article 21/A, paragraphe 2, la personne à qui le véhicule a été confié aux fins de son utilisation est passible d’une amende administrative d’un montant de 10 000 à 300 000 forints hongrois (HUF) (environ 32 euros à 974 euros). Le gouvernement fixe par décret le montant des amendes susceptibles d’être infligées en cas d’infractions auxdites dispositions. Lorsqu’un même comportement constitue une infraction à plusieurs règles et est examiné dans le cadre d’une même procédure, il est sanctionné par une amende dont le montant correspond à la somme des montants des amendes prévues pour chacune de ces infractions.

[…]

(5)      Le gouvernement détermine par décret, en tenant compte des dispositions du paragraphe 1, les infractions pour lesquelles l’exploitant du véhicule concerné […] doit se voir infliger une amende administrative ».

2.      La loi relative aux péages routiers

15.      L’article 3, paragraphes 1 et 6, du az autópályák, autóutak és főutak használatáért fizetendő, megtett úttal arányos díjról szóló 2013. évi LXVII. törvény (loi no LXVII de 2013, relative à la redevance, proportionnelle à la distance parcourue, due pour l’utilisation des autoroutes, routes rapides et routes nationales, ci‑après la « loi relative aux péages routiers »), prévoit :

« (1)      L’utilisation d’un tronçon routier à péage par un véhicule soumis à péage est subordonnée à l’obtention de l’autorisation d’usage de la route instituée par la présente loi.

[…]

(6)      L’exploitant du véhicule concerné est responsable du respect par le véhicule qu’il exploite de la règle figurant au paragraphe 1 ».

16.      L’article 14 de la loi relative aux péages routiers prévoit :

« Constitue un usage non autorisé d’une route […] le fait pour le redevable du péage :

a)      d’utiliser un tronçon routier à péage sans avoir acheté un ticket de route pour ce tronçon avant de commencer à l’utiliser, alors qu’il n’est pas lié par un contrat valide conclu avec le gestionnaire du système de péage, et régissant l’introduction des déclarations prévues par la présente loi auprès du collecteur des péages et le versement des péages ;

b)      d’utiliser un tronçon routier à péage sur la base d’une déclaration indiquant une catégorie tarifaire ou environnementale inférieure à celle dont relève le véhicule concerné ; ou

c)      d’utiliser un tronçon routier à péage sans avoir acheté un ticket de route pour ce tronçon avant de commencer à l’utiliser, alors qu’il est lié, en vue de l’usage par le véhicule concerné dudit tronçon, par un contrat valide conclu avec le gestionnaire du système de péage, et régissant l’introduction des déclarations prévues par la présente loi auprès du collecteur des péages et le versement des péages, mais qu’aucune des conditions auxquelles est subordonné le fonctionnement du dispositif embarqué, telles qu’arrêtées par un décret pris en vertu de la présente loi, n’est remplie au cours de l’utilisation du tronçon routier à péage concerné ».

17.      L’article 15 de cette loi prévoit :

« (1) Le montant de l’amende est fixé de manière à inciter les redevables à s’acquitter du péage requis ».

3.      Ledécret gouvernemental no 410/2007

18.      L’article 1er, paragraphe 1, du a közigazgatási bírsággal sújtandó közlekedési szabályszegések köréről, az e tevékenységekre vonatkozó rendelkezések megsértése esetén kiszabható bírságok összegéről, felhasználásának rendjéről és az ellenőrzésben történő közreműködés feltételeiről szóló 410/2007. (XII. 29.) Korm. rendelet (décret gouvernemental no 410/2007, relatif aux infractions routières passibles d’amendes administratives, aux montants des amendes dues en cas d’infractions routières, à l’utilisation des amendes et aux conditions de la collaboration aux contrôles routiers) du 29 décembre 2007 (ci‑après le « décret gouvernemental no 410/2007 » prévoit :

« Sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1, de [la loi relative à la circulation routière], l’exploitant du véhicule concerné […] est, en cas d’infraction aux dispositions des articles 2 à 8/A, passible d’une amende administrative dont le montant est arrêté dans le présent décret.»

19.      L’article 8/A du décret gouvernemental no 410/2007 énonce :

« (1)      En ce qui concerne l’article 21, paragraphe 1, sous h), de [la loi relative à la circulation routière], l’exploitant du véhicule concerné est tenu de payer, pour toute infraction visée à l’annexe 9, une amende dont le montant est fixé en fonction de la catégorie de véhicules.

[…] »

20.      L’annexe 9 du décret contient le tableau suivant :

A

B


B1

B2

B3

1. Infraction à la loi no LXVII de 2013

Montant de l’amende par catégorie de véhicules


J2

J3

J4

2. Infraction à l’article 14, sous a), de la loi no LXVII de 2013

140 000

150 000

165 000

3. Infraction à l’article 14, sous b), de la loi no LXVII de 2013

80 000

90 000

110 000

4. Infraction à l’article 14, sous c), de la loi no LXVII de 2013

140 000

150 000

165 000


III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

21.      Le 29 octobre 2015, à 19 h 34, un poids lourd relevant de la catégorie J4, exploité par Link Logistik N&N, circulait au kilomètre 3,670 de la section à péage de la route principale no 14 (en direction du kilomètre zéro). Le véhicule était entré sur la section à péage de la route sans que le paiement préalable de la redevance proportionnelle à la distance parcourue requise ait été acquitté.

22.      Dix-huit minutes plus tard, le chauffeur a, de sa propre initiative, acheté un ticket de route pour la totalité du trajet planifié sur la route à péage. Ce ticket, d’un coût de 19 573 HUF, couvrait la première partie du trajet déjà parcourue et celle que le chauffeur allait achever de parcourir.

23.      Le 15 janvier 2016, le Vas Megye Rendőrfőkapitánya (commissaire principal de police, Province de Vas, Hongrie), autorité administrative de premier degré, a constaté qu’à la date du contrôle, au lieu et dans la direction susmentionnés, le véhicule exploité par Link Logistik utilisait la route sans s’être acquitté du péage, enfreignant ainsi l’article 14, sous a), de la loi relative aux péages routiers. Pour cette raison, le commissaire principal de police a infligé une amende administrative de 165 000 HUF à Link Logistik, sur le fondement des articles 21 à 21/B de la loi relative à la circulation routière, plusieurs fois modifiée, ainsi que de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 8/A du décret gouvernemental no 410/2007.

24.      L’autorité administrative d’appel, le Budapest Rendőrfőkapitánya (commissaire principal de police, Budapest, Hongrie), a confirmé la décision rendue en première instance. Elle a indiqué que la législation nationale applicable n’habilite pas l’autorité compétente à procéder à une mise en balance des intérêts dans le cadre de l’appréciation du montant de l’amende. Le commissaire principal de police de Budapest a observé que le droit national permet uniquement de tenir compte des circonstances prévues par la loi, parmi lesquelles ne figurent pas les circonstances spécifiques invoquées par Link Logistik, en particulier l’achat a posteriori, dans un bref délai, d’un ticket de route pour l’intégralité de la route à péage et l’existence d’obstacles à l’achat du ticket de route avant d’emprunter la section à péage.

25.      Link Logistik a contesté la décision du commissaire principal de police (ci‑après le « défendeur ») devant la juridiction de renvoi. Dans son recours, la requérante a soutenu que la réglementation hongroise n’est pas compatible avec le droit de l’Union. Elle a souligné la nature excessive du montant en ce qu’il correspond à l’amende imposée à ceux qui n’ont pas acheté le moindre ticket de route.

26.      C’est dans ce contexte factuel et juridique que le Szombathelyi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szombathely, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes.

« 1)      L’exigence de proportionnalité prévue à l’article 9 bis de la [directive 1999/62] et interprétée par la Cour dans l’arrêt rendu le 22 mars 2017 dans les affaires [Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229)] est‑elle une disposition directement applicable de cette directive ?

2)      Si l’exigence de proportionnalité prévue à l’article 9 bis de la [directive 1999/62] et interprétée par la Cour dans l’arrêt rendu le 22 mars 2017 dans les affaires les affaires [Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229)] n’est pas une disposition directement applicable de cette directive :

l’interprétation du droit national conforme au droit de l’Union permet-elle et nécessite-t‑elle que la juridiction et l’autorité administrative de l’État membre complètent, sans intervention législative dudit État membre, la réglementation hongroise en cause dans la présente affaire par l’ajout des critères matériels définis dans l’arrêt rendu le 22 mars 2017 par la Cour dans les affaires [Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229)] ? »

27.      Le gouvernement hongrois et la Commission européenne ont présenté des observations écrites.

IV.    Analyse

28.      Les présentes conclusions sont structurées de la manière suivante. Je commencerai par examiner pourquoi, en droit de l’Union, les sanctions doivent être proportionnées, aussi bien de manière générale que spécifiquement, conformément à l’article 9 bis de la directive 1999/62 (A). Je répondrai ensuite aux deux questions explicites de la juridiction de renvoi sur le point de savoir si l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 a un effet direct ou si elle appelle un devoir d’interprétation conforme (B). Enfin, j’aborderai le problème, soulevé par la juridiction de renvoi dans sa seconde question, des répercussions institutionnelles et procédurales de la réponse donnée : celui de savoir si ce sont les juridictions nationales ou bien les autorités administratives qui doivent assurer le respect des exigences découlant du droit de l’Union à défaut d’intervention législative au niveau national, et comment elles doivent procéder (C).

A.      Pourquoi les sanctions doivent être proportionnées

29.      Ces dernières années, la Cour a eu à connaître de plusieurs affaires (4) portant sur la compatibilité de divers aspects du régime de sanctions hongrois avec l’exigence de proportionnalité énoncée aussi bien dans la directive 1999/62 que dans le règlement (CE) no 561/2006 (5).

30.      Conformément à l’article 9 bis de la directive 1999/62, les États membres déterminent le régime de sanctions applicable aux violations des dispositions nationales prises en application de cette directive. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

31.      La Cour a récemment interprété cette disposition dans l’arrêt Euro-Team (6). Cet arrêt a joint deux affaires aux contextes factuels analogues : dans ces affaires, les requérantes avaient raté la bonne sortie d’autoroute, l’une à cause d’une erreur du système de navigation du véhicule, l’autre par distraction. Elles s’étaient vu infliger une amende pour utilisation d’un tronçon autoroutier sans paiement préalable du montant du péage requis. Les amendes étaient respectivement de 500 et 87 fois supérieures au montant dû au titre du péage. Dans ces affaires, les autorités n’étaient pas en mesure de tenir compte de la situation individuelle et particulière de l’exploitant du véhicule, ni d’examiner si l’infraction lui était réellement imputable. Les requérantes soutenaient que le montant de l’amende était disproportionné et donc contraire au droit de l’Union (7).

32.      Dans un tel contexte de fait, la Cour a rappelé qu’en l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union dans le domaine des sanctions, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux, y compris le principe de proportionnalité, ce qui suppose que la rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations. En outre, le principe de proportionnalité s’impose aux États membres non seulement en ce qui concerne la détermination des éléments constitutifs d’une infraction et des règles relatives au niveau du montant des amendes, mais également en ce qui concerne l’appréciation des éléments dont il peut être tenu compte pour la fixation du montant de l’amende (8).

33.      En conséquence, la Cour a considéré que l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 s’oppose à un système de sanctions qui prévoit l’infliction d’une amende d’un montant forfaitaire pour toutes les infractions, quelles que soient leur nature et leur gravité, aux règles relatives à l’obligation de s’acquitter du paiement préalable du péage afférent à l’utilisation d’une infrastructure routière. Le fait que les autorités nationales chargées de sanctionner les infractions n’aient pas pu tenir compte des circonstances concrètes et particulières de chaque cas d’espèce ni, le cas échéant, minorer le montant de cette amende, est incompatible avec le droit de l’Union (9).

34.      La Cour est parvenue à la même conclusion dans le contexte du règlement no 561/2006. Ce règlement contient une disposition analogue à l’article 9 bis de la directive 1999/62 (10). Singulièrement, dans l’arrêt Urbán, la Cour a jugé que l’exigence de proportionnalité visée à l’article 19, paragraphes 1 et 4, du règlement no 561/2006 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à un système de sanctions qui prévoit l’infliction d’une amende d’un montant forfaitaire pour toutes les infractions, quelle que soit leur gravité, aux règles relatives à l’utilisation des feuilles d’enregistrement (11).

35.      Il découle dès lors à l’évidence de la jurisprudence qu’aussi bien la directive 1999/62 que le règlement no 561/2006 imposent que les sanctions infligées en cas de non-respect de ces actes soient proportionnées. Cette exigence ne se limite toutefois nullement à ces deux actes de droit dérivé.

36.      Premièrement, au niveau le plus abstrait, le principe de proportionnalité est un principe général du droit de l’Union qui doit être respecté par une réglementation nationale qui entre dans le champ d’application du droit de l’Union ou met en œuvre ce dernier. Il impose aux États membres d’adopter des mesures propres à réaliser les objectifs poursuivis et n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (12).

37.      Deuxièmement, ce principe, appliqué spécifiquement aux sanctions, ne se limite certainement pas au domaine du transport par route. Il s’applique transversalement à différents domaines du droit de l’Union, comme les douanes (13), le droit de la concurrence (14), la protection des intérêts financiers de l’Union (15), la libre circulation des travailleurs (16) ou l’immigration illégale (17).

38.      Troisièmement, le principe de la proportionnalité des sanctions est également garanti au niveau constitutionnel par l’article 49, paragraphe 3, de la Charte. Cette disposition prévoit que l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction, ce qui suppose que toutes les sanctions pénales infligées doivent correspondre à la gravité de l’infraction en cause (18).

39.      Évidemment, l’article 49, paragraphe 3, de la Charte vise les infractions pénales. Sa force argumentative s’agissant (en tout cas a priori) d’une infraction administrative pourrait donc être remise en cause. Cependant, s’alignant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») (19), la Cour a retenu une acception large et matérielle de la notion d’« infraction pénale » (20). Il s’ensuit que, si les critères définis par la Cour EDH et repris par la Cour sont remplis, une infraction formellement administrative peut également être qualifiée de pénale et, partant, relever de l’article 49, paragraphe 3, de la Charte. Sans préjuger en rien de cet aspect de la présente affaire, je relève simplement que la distinction entre ce qui est « pénal » et « administratif » est loin d’être claire. En outre, quelle que soit la classification, les références formulées ici le sont simplement sur le plan des principes.

40.      Quatrièmement et enfin, l’exigence de proportionnalité des sanctions figure également dans la jurisprudence de la Cour EDH. En particulier, l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’homme (ci‑après la « CEDH ») prévoit que « [t]oute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ». Pour déterminer s’il existe une violation de ce droit, la Cour EDH apprécie si les sanctions de nature pécuniaire non seulement pénales mais également (ou en particulier) administratives sont proportionnées, à savoir si elles n’impliquent pas une charge ou une privation de propriété excessives pour la personne à qui la sanction est infligée (21). Ce faisant, la Cour EDH tient compte des circonstances individuelles de l’espèce pour déterminer si la sanction est proportionnée (22).

41.      Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère la CEDH. Donc, en définitive, indépendamment de la question de l’applicabilité de l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, les exigences de la Cour EDH en matière de proportionnalité des sanctions exposées ci‑dessus sont applicables à un cas tel que celui en cause au principal par les effets conjugués de l’article 17, paragraphe 1, de l’article 52, paragraphe 1, de l’article 51, paragraphe 1 et de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte.

42.      Il découle assez clairement de ce qui précède que la proportionnalité des sanctions suppose deux niveaux : premièrement, la sanction imposée doit être proportionnée à la gravité de l’infraction. Deuxièmement, lors de la détermination de la sanction, comme lors de la fixation du montant d’une amende, il faut tenir compte des circonstances individuelles de l’espèce.

43.      Je souhaite ajouter deux réserves finales. Premièrement, l’exigence de proportionnalité exposée ci‑dessus ne saurait assurément s’entendre comme excluant la détermination législative des sanctions. Bien au contraire, il appartient intrinsèquement au législateur non seulement de déterminer ce qui est illégal, mais également d’arrêter, de manière générale, la sanction d’une telle illégalité. Deuxièmement, selon moi, l’obligation de prendre en compte les circonstances individuelles ne devrait pas être poussée jusqu’à exclure en soi la possibilité de prévoir des sanctions forfaitaires pour certains types d’infraction. Il existe en effet certains types d’infraction pour lesquels de telles sanctions sont indiquées et appropriées : les exemples qui viennent à l’esprit sont des infractions routières mineures ou des amendes de stationnement.

44.      Cependant, l’élément déterminant permettant d’établir quel régime, dans le champ des deux réserves, sera approprié ou non, réside de nouveau dans la proportionnalité d’un tel régime, ce qui ne fait que démontrer combien une analyse axée sur la proportionnalité fait partie intégrante de la conception actuelle du droit. Le rôle d’un juge n’est plus celui d’une « machine à subsumer » (23) simplement invitée à identifier la transgression pertinente dont doit découler une sanction uniforme. Le rôle du juge pourrait en fait être limité dans certains cas, mais à condition que le régime de sanctions institué par le législateur soit en soi déjà proportionné. D’une certaine manière, la proportionnalité législative (générale) et la proportionnalité (individuelle) au stade du jugement sont des vases communicants. Plus l’une est présente, moins l’autre est probablement nécessaire et inversement. En tout état de cause, la règle de fonctionnement par défaut d’un régime dans son ensemble est celle de la proportionnalité directe : plus l’ingérence dans les droits individuels est importante, par exemple plus les sanctions sont draconiennes, plus il faut prendre en compte les circonstances individuelles de l’espèce et, le cas échéant, pouvoir modifier la sanction.

B.      L’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 : effet direct ou interprétation conforme

45.      Les deux questions de la juridiction de renvoi se présentent dans un ordre subsidiaire : l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 a‑t‑elle un effet direct ? Dans la négative, le droit national peut‑il faire l’objet d’une interprétation conforme à cette exigence ?

46.      Avant d’aborder ces questions, deux remarques liminaires s’imposent.

47.      Premièrement, ainsi qu’on l’a indiqué ci-dessus, la présente affaire fait suite à l’arrêt de la Cour dans l’affaire Euro-Team (24), et, dans une certaine mesure, également à l’arrêt rendu dans l’affaire Urbán (25). Franchissant une étape supplémentaire, la juridiction de renvoi se demande à présent en substance ce que les juridictions nationales ont le droit voire l’obligation de faire en termes de droit de l’Union dans les cas particuliers dont elles sont saisies au cours de la période transitoire entre le constat d’incompatibilité et l’adoption d’un nouveau cadre législatif par les autorités compétentes de l’État membre (26). Donc, dans un sens, la Cour est invitée à prendre position sur deux questions interdépendantes : comment le principe de proportionnalité des sanctions, visé à l’article 9 bis de la directive 1999/62, s’insère-t‑il dans le droit national ? Une fois cette question résolue, la question connexe est de savoir qui est censé l’appliquer et comment.

48.      Deuxièmement, la présente demande de décision préjudicielle n’a été présentée que quelques mois après que l’arrêt a été rendu dans l’affaire Euro-Team (27). Cette décision portait exactement sur les dispositions de la réglementation hongroise qui sont également applicables au principal dans la présente affaire. Dans ce contexte, formulant l’argument en tant que motif d’irrecevabilité, le gouvernement hongrois a soutenu qu’il n’appartenait pas à la Cour d’interpréter le droit national conformément à la directive.

49.      Le gouvernement hongrois a raison. Il n’appartient assurément pas à la Cour d’interpréter le droit national et de déterminer s’il peut (ou pas) faire l’objet d’une interprétation conforme au droit de l’Union. Néanmoins, la Cour est compétente pour préciser les conséquences qui découlent de l’arrêt Euro-Team, et singulièrement s’agissant des pouvoirs et obligations des juridictions nationales et/ou des autorités administratives en matière de sauvegarde effective, au niveau national, des droits tirés du droit de l’Union.

50.      Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi expose qu’il existe au niveau national des opinions divergentes sur le point de savoir si, outre l’annulation de la sanction disproportionnée, il est également possible voire nécessaire d’ordonner que de nouvelles procédures aient lieu devant les autorités administratives. La juridiction de renvoi cherche donc à savoir si, à défaut d’action de la part du législateur hongrois, une interprétation conforme du droit national ou l’effet direct permet voire impose aux juridictions nationales et/ou aux autorités administratives de compléter la législation hongroise, avant sa modification effective, pour satisfaire à l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62.

51.      Ces questions, et celle de l’effet direct de l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62, sont d’importantes questions d’interprétation du droit de l’Union. Cette préoccupation quant aux effets du droit de l’Union au cours de la période transitoire entre le constat d’incompatibilité et l’adoption de nouvelles mesures par le législateur, a déjà été traitée par la Cour dans le passé (28). En conséquence, dans cette mesure, la Cour devrait examiner ces questions.

1.      Interprétation conforme ou effet direct

52.      Avant d’examiner si l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 a un effet direct ou peut être invoquée au titre de l’interprétation conforme, il convient de formuler une remarque liminaire générale concernant l’effet direct et l’interprétation conforme. La juridiction de renvoi présente l’une et l’autre notions comme deux questions distinctes.

53.      Une telle présentation reflète en effet l’évolution jurisprudentielle des deux catégories en tant que deux mécanismes distincts. Ils font l’objet de conditions différentes. Chacun d’eux s’insère différemment dans les ordres juridiques nationaux, et ils ont des conséquences procédurales différentes, en fonction notamment de leurs limites et du type de rapports juridiques en cause.

54.      Dans le même temps toutefois, les résultats pratiques qui découlent de chacune de ces catégories dans chaque cas d’espèce ne seront pas forcément si différents, notamment dans les cas où un particulier assigne un État membre. La réalité semble plus proche d’un continuum entre ces deux remèdes : la question de savoir à quel stade s’arrête la « simple » interprétation conforme et quand commence l’effet direct sera souvent discutable. La frontière entre effet direct et interprétation conforme sera d’autant plus floue dans des affaires portant sur des exigences telles que la proportionnalité, que l’on peut trouver dans un certain nombre d’actes de poids juridique variable aussi bien au niveau de l’Union qu’au niveau national.

55.      En gardant cette réserve à l’esprit, j’examinerai d’abord la question de l’interprétation conforme. Certes, la juridiction de renvoi s’enquiert en premier lieu de l’effet direct. À ma connaissance, la Cour ne s’est jamais expressément prononcée sur une quelconque hiérarchie entre effet direct et interprétation conforme (29). Cependant, dans des conclusions portant sur l’importance du principe de proportionnalité (mais peut-être pas limitées à cette question), le même principe pourrait également être pris en compte pour limiter à ce qui est strictement nécessaire le niveau d’ingérence dans le choix législatif national exprimé. En d’autres termes, si l’interprétation conforme permet effectivement, sans tordre et plier artificiellement la réglementation nationale et eu égard au type de relation en cause dans la procédure au principal, de réaliser le but ou l’objectif requis par le droit de l’Union, elle serait peut-être préférable en ce qu’elle est également susceptible d’être moins intrusive pour l’ordre juridique interne (30).

a)      L’interprétation conforme

56.      S’agissant de la seconde question de la juridiction de renvoi, les indications de cette dernière dans son ordonnance de renvoi ainsi que les observations du gouvernement hongrois et de la Commission vont largement dans le même sens. En particulier, la juridiction de renvoi relève que l’interprétation juridiquen’est pas sans limite et ne saurait prendre la forme d’une activité législative clandestine, ni d’une usurpation de la compétence du législateur national par les juridictions nationales qui excéderaient ainsi leur compétence.

57.      La juridiction de renvoi a certainement raison. L’interprétation conforme a ses limites, comme le confirme clairement la jurisprudence (31). D’une part, l’obligation d’interprétation conforme du droit national est « inhérente au système du traité en ce qu’elle permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit communautaire » (32). D’autre part, l’une de ces limites de l’interprétation conforme est qu’elle ne peut pas être utilisée pour atteindre un résultat « contra legem » (33).

58.      Cette limite n’est cependant pas facile à apprécier. Il est tout à fait évident que l’interprétation conforme ne saurait aboutir à des situations où l’existence de la réglementation nationale pourrait être complètement niée. Une règle imposant « d’être A » ne saurait subitement devenir « être non A » (34). Cependant, au-delà de cas aussi nets, ce qui est « intra », « praeter » ou déjà « contra legem » dépend inévitablement de l’interprétation subjective du juge quant à la question de savoir si un résultat particulier peut être atteint sur la base d’une appréciation globale du droit national.

59.      Ceci est d’autant plus vrai que le devoir d’interprétation conforme ne se limite pas à l’instrument juridique spécifique adopté pour transposer une obligation de droit de l’Union. Il est également bien établi que l’interprétation conforme suppose d’examiner le droit national dans son ensemble (35), d’analyser toute règle de droit interne susceptible, dans le cadre d’une interprétation adéquate et autorisée du droit national, de garantir la conformité de son interprétation au droit de l’Union (36).Pour utiliser une métaphore, l’interprétation conforme ne se limite pas à l’examen d’une branche ou d’un rameau spécifique du droit national qui s’avère porter la même dénomination que la mesure de l’Union à mettre en œuvre, mais implique la totalité de l’arbre du droit national, y compris son tronc et ses racines constitutionnels ou administratifs généraux. Il appartient toutefois effectivement au juge national d’examiner la question de savoir si un quelconque élément situé ailleurs sur l’arbre législatif national donnerait un éclairage interprétatif différent à la branche spécifique dénommée « proportionnalité des sanctions administratives ».

60.      Dans la présente affaire, il est suggéré qu’une interprétation conforme n’est pas possible. En effet, si le problème est posé comme incluant un conflit entre, d’une part, la législation hongroise sectorielle spécifique relative aux infractions routières prévoyant des tableaux et des chiffres ou montants spécifiques et n’offrant aucune possibilité de réduction des sanctions et, d’autre part, l’absence de toute autre disposition de droit hongrois de quelque rang que ce soit exigeant la proportionnalité des sanctions, force est effectivement de convenir qu’il n’est pas possible d’interpréter ce qui est clairement le montant X comme s’il s’agissait d’un autre montant, Y. Mais, de nouveau, il appartient au juge national de trancher ces questions, en gardant à l’esprit les orientations générales fournies aux points précédents.

b)      L’effet direct

61.      Si le juge national établit que l’interprétation conforme n’est pas envisageable dans la présente affaire, la principale question devient celle de savoir si l’article 9 bis de la directive 1999/62, qui contient l’exigence de proportionnalité des sanctions, a un effet direct.

62.      Par sa formulation et sa nature, cette question se limite à la question de l’effet direct de l’exigence de proportionnalité des sanctions prévue à l’article 9 bis de la directive 1999/62. Il s’ensuit une double limitation : premièrement, même si, comme on l’a exposé à la section précédente, le principe de proportionnalité s’applique à un certain nombre de domaines du droit de l’Union, l’appréciation à laquelle il convient de procéder dans le cadre de la première question du juge national porte strictement sur une disposition spécifique d’une directive déterminée. Il s’ensuit qu’un tel jugement se limiterait au champ d’application matériel de la directive en cause. Deuxièmement, ladite appréciation concerne évidemment uniquement l’exigence de proportionnalité des sanctions visée dans cet article, et non les autres exigences figurant dans ledit article.

1)      Les conditions

63.      L’effet direct s’entend de l’aptitude d’une règle de droit de l’Union à être justiciable au niveau national. Répondre à la question de savoir si une disposition a un effet direct requiert d’avoir égard à la nature, à l’économie et aux termes de la disposition en cause (37). Une disposition est d’effet direct dans tous les cas où elle apparaît comme étant, du point de vue de son contenu, suffisamment claire, précise et inconditionnelle en tant qu’elle est de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l’encontre de l’État (38).

64.      Il convient de formuler quatre observations d’ordre général inspirées de la jurisprudence avant d’aborder la présente affaire (39).

65.      Premièrement, il découle à l’évidence de la jurisprudence que le terme « claire et précise » est plutôt souple. Une disposition peut être « claire et précise » alors qu’elle contient des concepts non définis voire vagues ou des notions juridiques indéterminées.

66.      Deuxièmement, la Cour semble être davantage encline à conclure qu’une disposition a un effet direct, malgré les notions vagues ou indéterminées qu’elle contient, lorsque cette disposition énonce une interdiction. Lorsque la disposition est invoquée à titre de source d’un droit autonome dont les contours restent à définir, l’utilisation de concepts vagues est en général plus problématique. Dans de nombreux cas, une interdiction peut cependant être transformée en exigence positive et inversement.

67.      Troisièmement, lorsqu’elle se prononce sur le point de savoir si une disposition est d’effet direct dans une affaire donnée, la Cour ne cherche pas à constater que des dispositions entières sont, dans leur intégralité, directement applicables. Au contraire, elle procède par extraction, c’est‑à‑dire cherche à déterminer s’il est possible de dégager de la disposition du droit de l’Union (qui peut être plus longue et plus complexe) une règle de conduite précise, directement applicable.

68.      Quatrièmement, le critère de l’effet direct relatif au caractère « inconditionnel » de la disposition du droit de l’Union concernée signifie que celle‑ci ne nécessite l’intervention d’aucun acte, soit des institutions de l’Union, soit des États membres. Les États membres ne doivent avoir aucune faculté d’appréciation (40) pour la transposition, ni la possibilité de se prévaloir du fait de ne pas avoir exercé leur pouvoir d’appréciation (41). Toutefois, les conditions de l’effet direct peuvent être remplies alors même que l’État membre dispose d’un certain pouvoir d’appréciation. Il en ira notamment ainsi lorsque le point de savoir si les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation est susceptible d’un contrôle juridictionnel(42). Ce sera en principe le cas s’il est possible de déterminer une « garantie minimale », des « droits minimaux » ou une « protection minimale » (43) et qu’un contrôle juridictionnel permet de vérifier si les États membre ont respecté ce niveau minimum (44).

69.      En résumé, pour déterminer si une disposition énonçant une interdiction ou une obligation a un effet direct, la question fondamentale est de savoir si la règle qu’elle contient est justiciable. À cet effet, les conditions « de clarté, de précision et d’inconditionnalité suffisantes » doivent être interprétées au regard de la capacité effective des autorités nationales à comprendre et appliquer elles-mêmes cette disposition. Si ces autorités conservent un pouvoir discrétionnaire ou une marge d’appréciation s’agissant de son application, une telle marge d’appréciation doit être limitée par la structure même de la disposition.

2)      Application à la présente affaire

70.      La juridiction de renvoi considère que l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 n’est pas une disposition directement applicable. Il ne serait pas possible d’inférer de la directive à quoi la sanction doit être proportionnée. Il appartiendrait au législateur national d’établir les critères de proportionnalité à partir de la définition donnée par la Cour.

71.      Selon le gouvernement hongrois, le contenu de l’article 9 bis de la directive 1999/62 ne serait pas suffisamment précis et spécifique pour être appliqué directement. Il considère que cette disposition ne crée pas de droits au bénéfice de la requérante mais définit plutôt des bornes permettant d’atteindre, dans le cadre de l’application des sanctions, un équilibre entre protection objective du droit et droits individuels.

72.      De son côté, la Commission fait valoir que l’article 9 bis de la directive 1999/62 est claire, précis et inconditionnel en ce sens que les sanctions arrêtées par les États membres doivent toujours respecter l’exigence de proportionnalité. Donc, les particuliers peuvent invoquer en justice contre l’État cette exigence prévue par la directive.

73.      Je suis d’accord avec la Commission. L’exigence de proportionnalité des sanctions consacrée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 est suffisamment claire, précise et inconditionnelle pour revêtir un effet direct.

74.      Cette exigence est claire et précise. Premièrement, la portée et les conséquences exactes de l’exigence de proportionnalité dans le contexte de sanctions sont aisément compréhensibles : les sanctions infligées ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour réaliser l’objectif poursuivi. La formulation même de la disposition extraite de l’article 9 bis de la directive 1999/62 importe peu, que l’exigence soit exprimée comme requérant une action positive (« les sanctions sont proportionnées ») ou comme une interdiction (« les sanctions ne sont pas disproportionnées »).

75.      Deuxièmement, il est par ailleurs très clair à quoi les sanctions doivent être proportionnées : elles sont censées correspondre à la gravité de l’infraction commise tout en tenant compte, le cas échéant, des circonstances individuelles de l’espèce. L’ensemble de cette appréciation doit avoir lieu dans le contexte spécifique de la directive 1999/62 qui fixe les objectifs et le cadre de l’applicabilité de l’exigence de proportionnalité des sanctions.

76.      Troisièmement, en termes de clarté et de précision, il ne faut pas confondre la clarté d’une règle avec la clarté du résultat de l’application de cette règle à un cas d’espèce. Le critère d’appréciation de l’effet direct d’une disposition de droit de l’Union relève clairement du premier type de clarté : la règle ou l’exigence générale ou normative est-elle suffisamment claire, précise et inconditionnelle pour pouvoir être justiciable ? En d’autres termes, l’organe de jugement, qu’il s’agisse d’un tribunal ou d’une autorité administrative, est-il en mesure d’utiliser et de directement appliquer la règle à un litige dont il est saisi sans que cette règle soit davantage précisée ? Il ne s’ensuit pas (et, de par la nature même du droit, il ne saurait s’ensuivre) nécessairement que la règle apportera ex ante une réponse claire à n’importe quel cas relevant de son champ d’application matériel. De manière générale, aussi nombreux soient les précisions, tableaux ou jugements adoptés pour interpréter la portée des termes « sanction proportionnée », ils n’élimineront jamais le pouvoir d’appréciation inhérent à l’application de cette règle à des cas d’espèce.

77.      Quatrièmement, l’exigence de proportionnalité s’avère également claire et précise si on la considère du point de vue des autorités appelées à l’appliquer régulièrement, sinon quotidiennement (à savoir les juridictions nationales et les organes de l’administration). Ces autorités devraient en effet bien connaître et être bien outillées pour mettre en œuvre le critère de proportionnalité, en particulier dans le contexte des sanctions (45).

78.      Quant à la nature inconditionnelle de l’exigence de proportionnalité des sanctions, il est également évident que l’applicabilité de ce principe n’est soumise à aucune condition préalable.

79.      Premièrement, c’est sans aucun doute surtout au législateur national qu’il appartient de mettre en œuvre cette disposition par des moyens plus spécifiques et de façonner la proportionnalité d’une certaine manière en fixant des critères et chiffres précis. On ne saurait toutefois aller jusqu’à suggérer que, corrélativement, d’autres acteurs comme les autorités judiciaires ou administratives ne pourraient pas examiner la proportionnalité, spécifiquement dans les cas où le législateur national demeure inactif ou a mis en œuvre erronément la règle en question.

80.      Il en est d’autant plus ainsi, deuxièmement, s’il apparaît que le cas d’espèce relève manifestement de ce que l’on pourrait qualifier de « garantie minimale » ou de « protection minimale » offerte par l’exigence de proportionnalité. En ce sens, un certain degré de conditionnalité d’une règle pourrait être invoqué si l’application de cette règle demeurait dans la marge d’appréciation qui aurait raisonnablement pu être considérée comme réservée aux États membres. Or, en mettant en place un régime de sanctions qui, comme l’a considéré la Cour, inflige des sanctions plusieurs centaines de fois plus élevées que la somme due (46), tout en rendant impossible la prise en compte des circonstances individuelles de l’espèce et la réduction de l’amende, un État membre va clairement au-delà de ce qui pourrait raisonnablement être perçu comme relevant de sa marge d’appréciation et donc comme couvert par une conditionnalité de transposition. En d’autres termes, en dehors de ce qui aurait raisonnablement pu relever de la marge d’appréciation des États membres, il n’existe pas de conditionnalité.

3)      Conclusion intermédiaire

81.      Il découle de ce qui précède que l’article 9 bis de la directive 1999/62, dans la mesure où il exige la proportionnalité des sanctions, a un effet direct.

C.      La dimension institutionnelle

82.      Une fois établi l’effet direct de l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 (47), la question connexe devient : qui doit faire quoi, en termes de droit de l’Union, s’il s’avérait que le droit national ne permet pas aux juridictions nationales et autorités administratives de tenir compte des circonstances concrètes et particulières de chaque cas d’espèce ni, le cas échéant, de minorer le montant de cette amende (48) ?

83.      Ces deux sous-questions abordées par le juge de renvoi dans sa seconde question et développées dans son ordonnance de renvoi seront à présent examinées séparément. Il est suggéré que l’effet direct de l’exigence de proportionnalité des sanctions signifie que c’est le droit de l’Union qui habilite les autorités nationales, le cas échéant, à abaisser dans les cas individuels le niveau disproportionné de sanction prévu par la législation (1). En outre, même s’il appartient à chaque État membre de décider quelle autorité exerce quels pouvoirs dans chaque cas d’espèce, c’est en dernière analyse au juge national qu’il incombe de s’assurer du respect du droit de l’Union (2).

1.      Quoi : l’annulation ou la modération de la sanction ?

84.      Il est de jurisprudence constante qu’une disposition de la législation nationale incompatible avec le droit de l’Union doit être laissée inappliquée (49). Dans la présente affaire, il est évident que l’incompatibilité de la législation hongroise avec l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 signifie que l’application de cette législation doit en conséquence être écartée.

85.      La question de savoir ce qui doit précisément être laissé inappliqué est moins claire. L’instrument législatif dans son ensemble ? Ou simplement le tableau de l’annexe fixant le montant des sanctions ? Ou bien la décision individuelle résultant du contenu du tableau ? Ou seulement les dispositions spécifiques des décisions fixant les sanctions ?

86.      Plus fondamentalement, l’exigence de proportionnalité des sanctions visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 implique-t‑elle que toute sanction peut être écartée ? Ou son effet direct pourrait‑il en réalité signifier que les juridictions nationales et/ou les autorités administratives peuvent décider elles-mêmes, sur le fondement du droit de l’Union, de réduire le montant et d’imposer une sanction proportionnée qui se substituerait à la sanction disproportionnée initialement infligée sur le fondement du droit national ? En d’autres termes, l’exigence de proportionnalité directement applicable visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 peut-elle être branchée sur le droit national pour habiliter les organes nationaux à imposer des sanctions conformes à cette exigence ?

87.      Cette question semble préoccuper la juridiction de renvoi lorsqu’elle cherche à savoir, par sa seconde question, si les juridictions et les autorités administratives nationales peuvent, voire doivent, « compléte[r], sans intervention législative dudit État membre, la réglementation hongroise […] par l’ajout des critères matériels de l’exigence de proportionnalité définis dans l’[arrêt Euro‑Team] ».

88.      Selon le gouvernement hongrois, ni les juridictions nationales, ni les autorités administrative ne sont compétentes pour compléter la législation nationale parce qu’il appartient au seul législateur d’adopter ou de modifier une législation.

89.      La Commission est également d’avis qu’il appartient au seul législateur d’adopter un régime de sanctions proportionné. L’effet direct de l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62 n’impliquerait pas que les particuliers puissent invoquer cette exigence et obtenir d’une juridiction nationale une nouvelle sanction proportionnée. Il semble que, pour la Commission, tant que le législateur national n’a pas mis en place un nouveau régime de sanctions pleinement conforme à l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62, les juridictions nationales peuvent seulement annuler la sanction disproportionnée.

90.      Je dois admettre que la position défendue par la Commission me semble quelque peu disproportionnée. Elle revient en résumé à suggérer que l’effet direct (que la Commission a reconnu) de l’exigence en vertu de laquelle les sanctions doivent être proportionnées signifie concrètement que, tant que le législateur n’a pas adopté un nouveau régime de sanctions, il ne saurait y avoir aucune sanction.

91.      Mon avis sur la question pourrait diverger de celui de la Commission pour deux raisons tirées de la structure des dispositions applicables à la présente affaire et des conséquences attachées à l’effet direct d’une disposition de droit de l’Union.

92.      D’abord, lors de l’imposition de sanctions à raison d’infractions telles que celles commises dans la présente affaire, la structure juridique des règles applicables tend à être la suivante : premièrement, il existe une règle prévoyant que les droits de péage doivent être payés ainsi que leur montant (l’obligation). Deuxièmement, une disposition indique que le non-paiement des droits de péage est punissable (la base juridique de la sanction). Troisièmement, on trouve, tantôt combinée à la disposition précédente, tantôt distincte, l’indication du niveau des sanctions, énonçant généralement que, pour tel ou tel type de comportement, tel et tel éventail de sanctions pourraient être infligées. Quatrièmement, sous la même rubrique, qu’elle soit expressément indiquée dans ladite disposition elle-même ou dans des instruments juridiques généraux ou encore dans un code de procédure administrative, il tend à y avoir une liste (en général uniquement illustrative) d’éléments que l’organe de jugement est censé prendre en compte lorsqu’il fixe le niveau des sanctions et lorsqu’il exerce donc son pouvoir discrétionnaire dans les limites fixées par la loi et/ou la jurisprudence des tribunaux.

93.      Ensuite, l’effet direct n’entraîne pas, ou en tout cas pas seulement, l’exclusion d’une disposition de droit national incompatible. Si la constatation de l’effet direct d’une directive devait toujours aboutir à la simple inapplication de la législation nationale incompatible, force est d’admettre que l’effet direct n’apporterait aucune valeur ajoutée par rapport à la primauté (50). L’inapplication, entraînant l’annulation de la sanction, est la conséquence nécessaire de la primauté. L’effet direct n’est pas requis à cette fin.

94.      Selon moi, l’effet direct est également, dans des cas comme la présente affaire, synonyme de substitution. Une règle de droit de l’Union revêtue d’un effet direct est susceptible d’être justiciable et applicable devant les organes nationaux de manière autonome, quelle que soit la législation nationale adoptée pour la mettre en œuvre. Il n’est pas nécessaire qu’une telle règle d’effet direct exclue quoi que ce soit au niveau national : elle peut simplement ajouter quelque chose d’autre qui était auparavant indisponible dans la structure du droit national.

95.      Si l’on applique cette logique à la présente affaire, l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62, branchée sur le système juridique national, signifie alors que les organes nationaux se voient conférer le pouvoir qui semblait leur faire défaut dans le cadre de la quatrième étape exposée ci‑dessus. Il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il faille écarter l’application de chacune des étapes antérieures : le fait que les droits de péage sont dus demeure vrai, de même que le fait que quiconque s’abstient de les payer s’expose à une sanction ainsi que la sanction initiale infligée, conformément à l’annexe, avant qu’une quelconque modération de ladite sanction puisse avoir lieu.

96.      Ce qui change, en revanche, c’est qu’en raison de l’effet direct de l’exigence de proportionnalité des sanctions, les organes nationaux sont, dans les cas relevant de la période transitoire, à savoir tant que le législateur national n’a pas adopté de nouveau régime de sanctions compatible avec le droit de l’Union, habilités à réduire les sanctions infligées au regard de la gravité de l’infraction en cause et des circonstances individuelles de chaque cas d’espèce. Dans l’exercice de ce pouvoir de modification, les montants fixés à l’annexe 9 du décret gouvernemental no 410/2007 peuvent être considérés comme le seuil maximum au-delà duquel l’amende infligée ne peut évidemment pas aller, mais en-deçà duquel elle peut être réduite dans des cas individuels, compte tenu à la fois de la gravité de l’infraction et des circonstances individuelles de chaque cas d’espèce.

97.      Pour ces raisons, je suggère que l’effet direct de l’exigence de proportionnalité implique en fait non pas « aucune sanction », mais des « sanctions proportionnées ». Comme il a déjà été suggéré (51), l’effet direct peut également être appliqué de manière proportionnée, donc en sauvegardant au maximum l’intégrité des deux systèmes. Il est sans doute préférable de faire preuve d’une précision chirurgicale pour insérer dans l’ordre juridique national une règle requise pour assurer sa conformité immédiate avec le droit de l’Union, tout en laissant naturellement la porte ouverte au législateur national pour prendre d’autres dispositions concernant les cas à venir, plutôt que d’empêcher la totalité du régime national de sanctions de continuer à fonctionner.

98.      Pour conclure cette section, il y a lieu d’aborder un dernier point. Il est de jurisprudence constante qu’une directive ne peut pas avoir comme effet, par elle-même et indépendamment d’une loi interne prise par un État membre pour son application, de déterminer ou d’aggraver la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions (52). En outre, une directive ayant un effet direct ne peut, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier (53). Elle ne saurait donc être invoquée par un tiers, public ou privé, au détriment de ce particulier. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Cour a exclu la possibilité pour un particulier de se prévaloir d’une disposition directement applicable d’une directive à l’encontre d’un autre particulier (« effet direct horizontal ») ou pour une autorité publique de l’invoquer à l’encontre d’un particulier (« effet direct vertical descendant »).

99.      On pourrait peut-être suggérer, à partir de cette jurisprudence, qu’un effet direct par substitution tel qu’on l’a exposé reviendrait à appliquer une disposition erronément transposée d’une directive (l’article 9 bis de la directive 1999/62) aux dépens du particulier. Cette disposition serait ainsi effectivement utilisée pour aggraver la situation du particulier et, d’une certaine manière, « sauver » l’État membre en tort.

100. À mon sens, la présente affaire est d’une nature différente. Premièrement, un tel argument va trop loin. Il suppose déjà qu’en vertu de la primauté, l’application des sanctions devrait être catégoriquement exclue alors que l’effet direct de l’exigence de proportionnalité des sanctions impliquerait que ces dernières soient « réintroduites ». Or, ainsi qu’on l’a déjà exposé au point 92 des présentes conclusions, la situation par défaut à l’aune de laquelle une « détérioration » ou une « amélioration » de la situation juridique du particulier doit être mesurée est en réalité différente : il s’agit de l’obligation imposée en droit national de payer les droits de péage et le fait, à défaut de s’y conformer, d’être sanctionné à concurrence de la totalité du montant de la sanction prévue par la législation nationale.

101. Deuxièmement, par rapport à ce critère, le résultat final sera toujours favorable aux particuliers. Le particulier se trouvera effectivement dans une meilleure situation sur le fondement de la directive dès lors que, dans les cas les plus extrêmes d’infraction intentionnelle, il se verra infliger la même sanction que celle prévue par le droit national incompatible, mais que, dans la majorité des cas, cette sanction sera moins sévère.

102. Troisièmement, c’est toujours un particulier, tel que la requérante, qui invoquera la directive 1999/62 pour bénéficier des droits qu’elle prévoit à l’encontre d’un État membre. Une fois encore, il est utile de rappeler la nature exacte de ce droit garanti par la directive : il s’agit de l’établissement de sanctions proportionnées. Donc, le droit tiré de l’article 9 bis de la directive 1999/62 dont la requérante peut se prévaloir est non pas le droit à l’absence de sanction, mais le droit de ne pas se voir infliger une sanction disproportionnée.

103. Il serait assez paradoxal qu’un particulier se prévalant d’une disposition d’une directive revêtue d’un effet direct puisse obtenir une protection supérieure à celle qu’il aurait en réalité pu se voir accorder en vertu de la directive.

2.      Qui : les juridictions et/ou les autorités administratives ?

104. Le dernier élément a trait à un problème soulevé par la juridiction de renvoi dans son ordonnance et qui se manifeste dans la seconde question. Je comprends la nature du problème comme étant la suivante : la loi nationale ne permet pas aux autorités administratives de modifier les sanctions et de prendre en compte les circonstances individuelles lorsqu’elles décident de la sanction. La compétence conférée à une juridiction administrative par le droit national est seulement celle d’annuler la décision de l’autorité administrative et de lui renvoyer l’affaire pour qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle procédure, apparemment sans pouvoir modifier la sanction imposée. C’est dans ce contexte que je crois comprendre que la question de la juridiction de renvoi est : qui doit assurer la conformité avec le droit de l’Union ? L’autorité administrative et/ou la juridiction nationale ?

105. Il est de jurisprudence constante qu’« est incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit de l’Union toute disposition d’un ordre juridique national ou toute pratique, législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit de l’Union par le fait de refuser au juge compétent pour appliquer ce droit le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions législatives nationales formant éventuellement obstacle à la pleine efficacité des normes directement applicables du droit de l’Union. [T]el serait notamment le cas si […] l’obstacle résultant ainsi pour la pleine efficacité du droit de l’Union n’était que temporaire » (54).

106. Il est également établi que l’obligation d’application immédiate du droit de l’Union s’applique de la même manière aux juridictions nationales (55) et aux autorités administratives (56). Dans l’exercice de leurs compétences respectives, les unes et les autres ont l’obligation d’assurer le plein effet de ces dispositionsdu droit de l’Union sans demander ni attendre l’élimination préalable d’une quelconque disposition nationale contraire par la voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (57). Enfin, assurer le plein effet des dispositions du droit de l’Union inclut l’application de l’ensemble des principes relatifs à l’application du droit de l’Union au niveau national tels que la primauté, l’effet direct ou l’interprétation conforme.

107. Donc, en pratique, il est très clair qu’aussi bien les juridictions nationales que les autorités administratives sont tenues d’appliquer le droit de l’Union au niveau national. Il existe bien sûr certaines limites. Même une disposition de droit de l’Union ayant un effet direct ne doit pas remettre en cause la nature et le type des compétences que l’ordre juridique interne confère de manière générale aux unes et aux autres (58). En revanche, une telle disposition aura une incidence sur les compétences spécifiques que cet ordre attribue à ses organes nationaux pour réaliser certaines tâches. En particulier, les États membres ont l’obligation de prévoir certains types de voies de recours devant leurs juridictions et autorités administratives afin de garantir l’application immédiate et uniforme du droit de l’Union (59).

108. En conséquence, si l’on applique ces principes aux faits de la présente affaire, il découle de l’effet direct de l’exigence de proportionnalité des sanctions, consacrée à l’article 9 bis de la directive 1999/62, que, dans le cadre du champ d’application de cette directive, les autorités nationales sont habilitées à adoucir les sanctions dans des cas individuels afin de les rendre proportionnées à la gravité de l’infraction commise, sans attendre que le législateur national modifie la législation pertinente. Ces autorités se voient conférer le mandat direct, en vertu du droit de l’Union, de reconnaître immédiatement le droit à des sanctions proportionnées (ou à ne pas subir des sanctions disproportionnées) que la requérante tire de l’article 9 bis de la directive 1999/62.

109. Dans ces limites, il appartient en fait à chaque État membre, dans le cadre de son propre système interne, de décider, conformément au principe d’autonomie institutionnelle et procédurale, quel organe national se verra confier l’application de l’exigence de proportionnalité. Je ne pense pas qu’il serait opportun ou approprié que la Cour aille au-delà de cette indication générale et statue effectivement sur les modalités de répartition des compétences au niveau national.

110. Je souhaiterais cependant ajouter deux remarques finales.

111. Premièrement, la primauté, l’effet direct et l’obligation d’interprétation conforme lient l’ensemble des autorités des États membres, qu’elles soient judiciaires ou administratives. Dans ce cadre, il appartient vraiment au droit national de déterminer quelle entité spécifique est en définitive chargée de garantir le respect de ces obligations, pour autant que l’une d’elles s’en charge. En pratique, si un État membre entend maintenir la règle en vertu de laquelle les juridictions administratives exercent un contrôle limité, il doit alors conférer aux autorités administratives le pouvoir de modérer les sanctions. Si un État membre préfère limiter la marge d’appréciation des autorités administratives, il lui incombe alors d’habiliter les juridictions à statuer sur la proportionnalité des sanctions. En revanche, un « conflit de compétence négatif », dans le cadre duquel les deux types d’organes déclinent une telle compétence, serait incompatible avec la mise en œuvre effective du droit de l’Union.

112. Deuxièmement, d’une certaine manière, le droit de l’Union anticipe un tel problème en considérant que, dans une Union de droit, ce sont en particulier les juridictions nationales qui sont habilitées par défaut à assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et à garantir le plein effet de celles‑ci (60). En effet, le système de protection organisé par le droit de l’Union, aussi bien au titre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE que de l’article 47, paragraphe 1, de la Charte, a pour caractéristique d’être un système de protection juridictionnelle effective (61). Le droit de l’Union ne confère pas seulement des compétences aux juridictions nationales, mais il leur impose également l’obligation ultime de garantir le respect du droit (de l’Union) au niveau national. Tel est en réalité la pleine portée du mandat d’un juge de droit commun du droit de l’Union.

V.      Conclusion

113. Compte tenu des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions du Szombathelyi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szombathely, Hongrie) :

–        L’article 9 bis de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, dans la mesure où il exige la proportionnalité des sanctions, est d’effet direct.

–        Il appartient à chaque État membre de décider, conformément au principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale, quel organe national sera chargé d’appliquer cette exigence de proportionnalité. Cependant, à défaut d’une telle décision, il incombe aux juridictions nationales d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celles‑ci, y compris de garantir que les sanctions infligées dans les cas individuels ne violent pas l’exigence de proportionnalité visée à l’article 9 bis de la directive 1999/62.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Arrêt du 22 mars 2017 (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 (JO 1999, L 187, p. 42).


4      Voir arrêts du 9 février 2012, Urbán (C‑210/10, EU:C:2012:64) ; du 9 juin 2016, Eurospeed(C‑287/14, EU:C:2016:420) ; du 19 octobre 2016, EL-EM-2001 (C‑501/14, EU:C:2016:777), et du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229).


5      Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 (JO 2006, L 102, p. 1).


6      Arrêt du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229).


7      Arrêt du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229, points 29 et 30).


8      Arrêt du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229, points 39 à 43). Voir également, dans le contexte du régime de sanctions hongrois en matière d’infractions routières, arrêts du 9 février 2012, Urbán (C‑210/10, EU:C:2012:64, points 53 et 54), et du 19 octobre 2016, EL-EM-2001 (C‑501/14, EU:C:2016:777, points 40 et 41).


9      Arrêt du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229, points 50 et 60).


10      L’article 19, paragraphe 1, du règlement no 561/2006 prévoit que « [l]es États membres établissent des règles concernant les sanctions pour infraction au présent règlement et au règlement (CEE) no 3821/85 et prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’elles soient appliquées. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et non discriminatoires ». L’article 19, paragraphe 4, du règlement no 561/2006 ajoute que « [l]es États membres veillent à ce qu’un système de sanctions proportionné, qui peut inclure des sanctions financières, soit mis en place en cas d’infraction au présent règlement. […] ».


11      Arrêt du 9 février 2012, Urbán (C‑210/10, EU:C:2012:64, point 44). Voir également arrêts du 9 juin 2016, Eurospeed (C‑287/14, EU:C:2016:420) et du 19 octobre 2016, EL-EM-2001 (C‑501/14, EU:C:2016:777). Voir aussi, concernant le règlement qui a précédé le règlement no 561/2006, arrêt du 10 juillet 1990, Hansen (C‑326/88, EU:C:1990:291).


12      Voir notamment, récemment, arrêt du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, point 68). Ou voir arrêt du 6 mars 2014, Siragusa (C‑206/13, EU:C:2014:126, point 34 et jurisprudence citée).


13      Voir arrêts du 16 décembre 1992, Commission/Grèce (C‑210/91, EU:C:1992:525, point 20), et du 12 juillet 2001, Louloudakis (C‑262/99, EU:C:2001:407, point 67).


14      Voir article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), s’agissant des amendes infligées par la Commission. De manière générale, voir, notamment arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 279 à 281) (prise en compte de la taille de l’entreprise à travers son chiffre d’affaires global aux fins de la fixation du montant de l’amende).


15      Voir article 7, paragraphe 1, et article 9 de la directive (UE) 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2017, relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal (JO 2017, L 198, p. 29).


16      Voir arrêt du 14 juillet 1977, Sagulo e.a. (8/77, EU:C:1977:131, point 13), où la Cour a jugé que les sanctions infligées à une personne qui a omis de se munir d’un des titres d’identité visés à la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 13) ne sauraient dépasser la mesure de ce qui apparaît proportionné à la nature de l’infraction commise.


17      L’articles 5, paragraphe 1, ainsi que les articles 10 et 12 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009, prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2009, L 168, p. 24) imposent aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les violations de certaines dispositions de cette directive soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives à l’encontre de l’employeur concerné.


18      Voir, notamment, arrêt du 20 mars 2018, Garlsson Real Estate e.a. (C‑537/16, EU:C:2018:193, point 56), où la Cour a relevé que cette exigence découle à la fois de l’article 49, paragraphe 3 et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (exigence de limitations proportionnées à l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte). Voir également arrêt du 28 juillet 2016, JZ (C‑294/16 PPU, EU:C:2016:610, points 42 à 45).


19      Voir, notamment, Cour EDH, 8 juin 1976, Engel et autres c. Pays-Bas (CE:ECHR:1976:0608JUD000510071, § 80 à 82), et du 10 février 2009, Sergey Zolotukhin c. Russie (CE:ECHR:2009:0210JUD001493903, § 52 et 53).


20      Voir, notamment, arrêts du 5 juin 2012, Bonda (C‑489/10, EU:C:2012:319, point 37) ; du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, point 35), et du 20 mars 2018, Garlsson Real Estate e.a. (C‑537/16, EU:C:2018:193, point 28).


21      Constatant une violation de l’article 1er du premier protocole sur le fondement d’un défaut de proportionnalité des sanctions, voir notamment arrêts de la Cour EDH du 11 janvier 2007, Mamidakis c. Grèce (CE:ECHR:2007:0111JUD003553304, § 47 et 48) ; du 6 novembre 2008, Ismayilov c. Russie (CE:ECHR:2008:1106JUD003035203, § 38), et du 26 février 2009, Grifhorst c. France (CE:ECHR:2009:0226JUD002833602, § 94 à 106). Pour des exemples de constatation d’une absence de violation de l’article 1er du premier protocole après appréciation de la proportionnalité des sanctions infligées, voir notamment arrêts de la Cour EDH du 7 juillet 1989, Tre Traktörer Aktiebolag c. Suède (CE:ECHR:1989:0707JUD001087384, § 62) ; du 18 juin 2013, S.C. Complex Herta Import Export S.R.L. Lipova c. Roumanie (CE:ECHR:2013:0618JUD001711804, § 38), et du 4 mars 2014, Grande Stevens c. Italie (CE:ECHR:2014:0304JUD001864010, § 199).


22      On peut ajouter que la gravité de la sanction, par exemple une importante somme d’argent, peut également être révélateur de la nature pénale de la sanction aux fins de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (voir notamment Cour EDH, 11 janvier 2007, Mamidakis c. Grèce, CE:ECHR:2007:0111JUD003553304, § 20 et 21).


23      Ogorek, R., Richterkönig oder Subsumtionsautomat ? Zur Justiztheorie im 19. Jahrhundert, Frankfurt am Main, V. Klostermann, 1986. La question de savoir si ce tableau était à vrai dire exact même au XIXe siècle est un autre débat. Voir, notamment, Gläser, M., Lehre und Rechtsprechung im französischen Zivilrecht des 19. Jahrhunderts, Frankfurt am Main, V. Klostermann, 1996.


24      Arrêt du 22 mars 2017 (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229).


25      Arrêt du 9 février 2012, Urbán (C‑210/10, EU:C:2012:64).


26      Le gouvernement hongrois a en effet indiqué que le régime national de sanctions a été réformé après que l’arrêt a été rendu dans l’affaire Euro-Team. Les nouvelles dispositions définissent l’échelle des amendes en fonction de l’intervalle de temps qui sépare la première et la dernière constatation d’une utilisation irrégulière de la route à péage. Il semblerait que dans une situation telle que celle en cause au principal, le montant de l’amende serait à présent de 40 000 HUF (environ 127 euros). Dans ses observations écrites, le gouvernement hongrois a indiqué que ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 12 novembre 2017. Elle ne s’appliquent dès lors pas à la présente affaire.


27      Arrêt du 22 mars 2017 (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229).


28      Voir, à cet égard, arrêt du 19 novembre 2009, Filipiak (C‑314/08, EU:C:2009:719, points 44 et 45), et du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, points 40 et 41).


29      Pour un exemple de la diversité d’approches dans l’ordre d’appréciation, voir arrêts du 27 février 2014, OSA (C‑351/12, EU:C:2014:110, points 43 et 44), et du 25 juin 2015, Indėlių ir investicijų draudimas et Nemaniūnas (C‑671/13, EU:C:2015:418, points 56 et 57).


30      Voir mes conclusions dans l’affaire Pöpperl (C‑187/15, EU:C:2016:194, point 62) ou conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire OSA (C‑351/12, EU:C:2013:749, point 45) ; voir également, plus généralement, Prechal, S., Directives in EC-Law, 2e édition, Oxford University Press, Oxford, 2005, p. 314 et 315.


31      Arrêts du 10 avril 1984, von Colson et Kamann (14/83, EU:C:1984:153, point 26), et du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 111 à 119). Voir également arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 109), et du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 25).


32      Arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 114).


33      Voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, EU:C:2006:443, point 110) ; du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 100), et du 11 novembre 2015, Klausner Holz Niedersachsen (C‑505/14, EU:C:2015:742, point 32).


34      Pour l’examen d’un exemple spécifique, voir, notamment, conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Unibet (C‑432/05, EU:C:2006:755, point 55).


35      « Le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui‑ci, afin de garantir la pleine effectivité du droit de l’Union et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celui‑ci » (voir, par exemple, pour une réaffirmation récente, arrêt du 13 juillet 2016, Pöpperl, C‑187/15, EU:C:2016:550, point 43 et jurisprudence citée).


36      Pour une interprétation large de l’obligation d’interprétation conforme incluant le droit national ultérieur, voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1993, Wagner Miret (C‑334/92, EU:C:1993:945, point 20), et du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 32).


37      Voir, notamment, arrêt du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, point 12).


38      Arrêts du 19 janvier 1982, Becker (8/81, EU:C:1982:7, point 25), et du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, points 56 et 57).


39      Pour une analyse plus détaillée comportant d’autres exemples et références pour chacune des généralités, voir mes récentes conclusions dans l’affaire Klohn (C‑167/17, EU:C:2018:387, points 38 à 46).


40      Arrêt du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, point 6).


41      Arrêt du 19 janvier 1982, Becker (8/81, EU:C:1982:7, points 28 à 30).


42      Arrêt du 4 décembre 1974, van Duyn (41/74, EU:C:1974:133, points 7 et 13). Voir également arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, EU:C:1996:404, point 59) ; du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 64), et du 21 mars 2013, Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, points 29 et 31).


43      Voir, respectivement, arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 19) ; du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C‑91/92, EU:C:1994:292, point 17), ainsi que du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 35).


44      Voir notamment, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2000, Linster (C‑287/98, EU:C:2000:468, point 37).


45      De nouveau, pour une illustration de certains autres domaines d’application de l’exigence de la proportionnalité des sanctions, voir points 29 à 42 des présentes conclusions.


46      Voir point 31 des présentes conclusions.


47      On pourrait ajouter que l’argumentation développée dans la présente section s’appliquerait également largement si la juridiction de renvoi devait finalement conclure que le droit national peut être interprété conformément à l’article 9 bis de la directive 1999/62.


48      Voir également arrêt du 22 mars 2017, Euro-Team et Spirál-Gép (C‑497/15 et C‑498/15, EU:C:2017:229, point 60).


49      Voir, notamment, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49, point 21) ; du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 61), et du 3 octobre 2013, Confédération paysanne (C‑298/12, EU:C:2013:630, point 37).


50      Voir, notamment, en ce qui concerne cette discussion, Lenaerts, K., Corthaut, T., « Of Birds and Hedges : The Role of Primacy in Invoking Norms of EU Law », European Law Review, Vol. 31, 2006, p. 287 à 315 ; Prechal, S., « Direct Effect, Indirect Effect, Supremacy and the Evolving Constitution of the European Union », dans Barnard, C. (sous la direction de), The Fundamentals of EU Law Revisited : Assessing the Impact of the Constitutional Debate, Oxford University Press, 2007, p. 35 à 69 ; Gallo, D., L’efficacia diretta del diritto dell’Unione europea negli ordinamenti nazionali, Evoluzione di una dottrina ancora controversa, Giuffrè, 2018, p. 351 à 418.


51      À propos de l’articulation entre effet direct et interprétation conforme (point 55 des présentes conclusions).


52      Voir, notamment, arrêts du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen (80/86, EU:C:1987:431, point 13), et du 22 novembre 2005, Grøngaard et Bang (C‑384/02, EU:C:2005:708, point 30).


53      Voir, notamment, arrêts du 26 février 1986, Marshall (152/84, EU:C:1986:84, point 48) ; du 5 octobre 2004, Pfeiffer and Others (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 108), et du 10 octobre 2017, Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:745, point 31).


54      Voir, notamment, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49, points 22 et 23), et du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, points 56 et 57). Soulignement par mes soins.


55      Voir, notamment, arrêts du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49, point 24) ; du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, EU:C:2010:21, point 55), et du 5 juillet 2016, Ognyanov (C‑614/14, EU:C:2016:514, point 34).


56      Voir, notamment, arrêts du 22 juin 1989, Costanzo (103/88, EU:C:1989:256, point 31) ; du 12 janvier 2010, Petersen (C‑341/08, EU:C:2010:4, point 80), et du 10 octobre 2017, Farrell (C‑413/15, EU:C:2017:745, point 34).


57      Récemment, notamment, arrêt du 14 septembre 2017, The Trustees of the BT Pension Scheme (C‑628/15, EU:C:2017:687, point 54 et jurisprudence citée).


58      La Cour limitant donc en général la portée de cette obligation au « cadre de leurs compétences » pour les juridictions (voir, notamment, arrêt du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, EU:C:2008:223, point 99) et les autorités nationales (voir, notamment, arrêts du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C‑8/88, EU:C:1990:241, point 13, ou du 12 février 2008, Kempter, C‑2/06, EU:C:2008:78, point 34).


59      Voir, notamment, arrêts du 19 juin 1990, Factortame e.a. (C‑213/89, EU:C:1990:257, point 21) ; du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:2000:346, point 29), et du 26 octobre 2006, Mostaza Claro (C‑168/05, EU:C:2006:675, point 39). Pour le contexte spécifique des compétences des autorités administratives, voir, notamment, arrêt du 9 septembre 2003, CIF (C‑198/01, EU:C:2003:430, point 58).


60      Voir, notamment, arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 111).


61      Voir, notamment, avis 1/09 (accord créant un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011 (EU:C:2011:123, point 69) ; arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 99), ou du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 32 et 33).