Language of document : ECLI:EU:T:2021:643

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 octobre 2021 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Marque de l’Union européenne verbale Muresko – Marques nationales verbales antérieures Muresko – Revendication de l’ancienneté des marques nationales antérieures après l’enregistrement de la marque de l’Union européenne – Articles 39 et 40 du règlement (UE) 2017/1001 – Enregistrement des marques nationales antérieures ayant expiré au jour de la revendication »

Dans l’affaire T‑32/21,

Daw SE, établie à Ober-Ramstadt (Allemagne), représentée par Me A. Haberl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 25 novembre 2020 (affaire R 1686/2020-4), concernant une revendication de l’ancienneté de marques nationales antérieures identiques pour la marque de l’Union européenne verbale Muresko no 15465719,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin et Mme P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 janvier 2021,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 30 mars 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 mai 2016, la requérante, Daw SE, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)]. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Muresko.

2        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 102/2016, du 3 juin 2016, et le signe verbal correspondant a été inscrit dans le registre des marques de l’Union européenne le 12 septembre 2016 sous le numéro 15465719.

3        Le 3 février 2020, la requérante a notamment revendiqué devant l’EUIPO, pour la marque de l’Union européenne en cause, l’ancienneté d’une marque polonaise identique, enregistrée sous le numéro 108756, avec une date de dépôt au 4 avril 1996 (ci-après la « marque polonaise »), et d’une marque allemande identique, enregistrée sous le numéro 981144, avec une date de dépôt au 24 février 1978 (ci-après la « marque allemande »), conformément à l’article 40 du règlement 2017/1001 (ci-après la « revendication litigieuse »).

4        Par lettre du 10 février 2020, l’examinatrice de l’instance de l’EUIPO chargée de la tenue du registre a attiré l’attention de la requérante sur le fait que la revendication litigieuse présentait des irrégularités, car, au moment de cette revendication, l’enregistrement des marques polonaise et allemande avait expiré. En effet, d’une part, l’enregistrement de la marque polonaise n’avait plus été renouvelé après 2006 et avait expiré le 4 avril 2006 et, d’autre part, la marque allemande avait été radiée le 1er mars 2008. L’examinatrice a demandé à la requérante de lui adresser les preuves de renouvellement des marques polonaise et allemande, afin de pouvoir traiter la revendication litigieuse.

5        Par observations du 10 mars 2020, la requérante, sans remettre en cause l’expiration de l’enregistrement des marques polonaise et allemande au moment de l’introduction de la revendication litigieuse, s’est prévalue du fait qu’une revendication de l’ancienneté de ces marques avait été accueillie pour une autre marque de l’Union européenne verbale, demandée le 29 juillet 1996 et enregistrée le 14 juin 1999 sous le numéro 340810.

6        Par décision du 30 juin 2020, l’examinatrice a rejeté la revendication litigieuse, au motif que l’enregistrement des marques polonaise et allemande avait expiré au moment de l’introduction de cette revendication, et ce indépendamment de la question de savoir si une revendication de l’ancienneté de ces marques avait précédemment été accueillie pour une autre marque de l’Union européenne.

7        Le 17 août 2020, la requérante a formé un recours contre la décision de rejet de l’examinatrice.

8        Par décision du 25 novembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de la requérante, confirmant ainsi la décision de l’examinatrice.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’EUIPO d’enregistrer la revendication litigieuse pour la marque de l’Union européenne en cause ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      La requérante ne conteste pas que, au moment où elle a introduit la revendication litigieuse devant l’EUIPO, l’enregistrement des marques polonaise et allemande avait expiré, comme l’a relevé l’examinatrice dans la lettre de notification du 10 février 2020.

12      À l’appui du présent recours, elle se borne, en substance, à invoquer un moyen unique, tiré d’une erreur de droit commise par la chambre de recours et résultant d’une interprétation trop restrictive, au point 12 de la décision attaquée, de l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39 de ce même règlement, selon laquelle la marque nationale antérieure identique devrait être enregistrée et en vigueur à la date de la revendication de l’ancienneté. Cette interprétation erronée aurait conduit la chambre de recours à rejeter à tort son recours, plutôt qu’à annuler la décision de l’examinatrice portant rejet de la revendication litigieuse et à enregistrer ladite revendication pour la marque de l’Union européenne en cause.

13      La requérante soutient, en substance, que le titulaire de la marque nationale antérieure identique dont l’enregistrement a expiré dispose toujours du droit d’en revendiquer l’ancienneté au profit de toute marque de l’Union européenne demandée ou enregistrée postérieurement si, au moment où il introduit sa revendication, une revendication fondée sur la même marque nationale avait été accueillie pour une autre marque de l’Union européenne.

14      À cet égard, la requérante invoque, tout d’abord, le considérant 12 du règlement 2017/1001, exprimant l’objectif poursuivi dans ce règlement de maintenir les droits acquis par les titulaires de marques antérieures.

15      Elle soutient, ensuite, que l’exigence, mentionnée aux articles 39 et 40 du règlement 2017/1001, d’un enregistrement de la marque nationale antérieure identique vise uniquement à empêcher qu’une marque d’usage ne soit invoquée à l’appui d’une revendication de l’ancienneté. Dès lors, il suffirait que la marque nationale antérieure identique ait été enregistrée à un moment donné dans le passé et que, sur le fondement dudit enregistrement, une revendication de l’ancienneté de cette marque nationale ait été accueillie pour une marque de l’Union européenne identique pour que, même après l’expiration de ladite marque nationale, le titulaire de celle-ci puisse continuer à bénéficier, à l’égard de toute autre marque de l’Union européenne, des mêmes droits que ceux dont il aurait bénéficié si cette marque nationale avait continué à être enregistrée, conformément à l’article 39, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

16      La requérante explique également que les dispositions du règlement 2017/1001 relatives à l’ancienneté ne doivent pas être interprétées restrictivement afin de préserver leur effet utile, qui consiste à permettre aux titulaires de marques nationales et de l’Union européenne identiques de rationaliser leur portefeuille de marques, en accordant les mêmes droits pour les secondes que pour les premières, que les titulaires peuvent ensuite laisser expirer. Ces dispositions garantiraient une grande souplesse de gestion et une flexibilité aux titulaires de marques nationales et de l’Union européenne identiques, puisque, une fois qu’une revendication de l’ancienneté des marques nationales aurait été accueillie pour une marque de l’Union européenne identique, le droit de revendiquer cette ancienneté ne s’épuiserait pas et pourrait continuer à bénéficier à un grand nombre de marques de l’Union européenne ou, en application de l’article 139, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, de marques nationales demandées ou enregistrées postérieurement. Il ne s’agirait pas d’un transfert de l’ancienneté d’une marque de l’Union européenne à toutes les autres, mais du maintien, au profit de toutes ces marques, du droit de revendiquer l’ancienneté de la marque nationale antérieure identique, même si l’enregistrement de celle-ci a entre-temps expiré. Au point 30 de l’arrêt du 19 avril 2018, Peek & Cloppenburg (C‑148/17, EU:C:2018:271), la Cour aurait confirmé que, une fois qu’une revendication de l’ancienneté de la marque nationale antérieure identique aurait été accueillie, le titulaire de celle-ci devrait disposer des mêmes droits que ceux dont il aurait bénéficié si ladite marque avait continué à être enregistrée.

17      En l’espèce, la requérante estime que, dans la mesure où une revendication de l’ancienneté des marques allemande et polonaise avait été accueillie pour la marque de l’Union européenne enregistrée sous le numéro 340810, elle pouvait continuer à revendiquer cette ancienneté au profit de la marque de l’Union européenne en cause, même si l’enregistrement desdites marques avait entre-temps expiré.

18      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du recours comme étant manifestement non fondé.

19      Le moyen unique avancé par la requérante pose une question d’interprétation de l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39 de ce même règlement auquel il renvoie, visant à savoir si le titulaire d’une marque de l’Union européenne pour laquelle une revendication de l’ancienneté d’une marque nationale antérieure identique a été accueillie peut se prévaloir de la fiction du maintien de l’enregistrement de la marque nationale antérieure au profit d’une autre marque de l’Union européenne pour laquelle une revendication de l’ancienneté de la marque nationale antérieure a été introduite après que l’enregistrement de cette dernière marque avait expiré.

20      L’article 40 du règlement 2017/1001, consacré à la « [r]evendication de l’ancienneté d’une marque nationale après l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne », dispose ce qui suit :

« 1.      Le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui est titulaire d’une marque antérieure identique, enregistrée dans un État membre […] pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée ou contenus dans ceux-ci, peut se prévaloir de l’ancienneté de la marque antérieure en ce qui concerne l’État membre dans lequel ou pour lequel elle a été enregistrée.

2.      Les revendications d’ancienneté déposées au titre du paragraphe 1 du présent article comportent le numéro d’enregistrement de la marque de l’Union européenne, le nom et l’adresse de son titulaire, l’État membre ou les États membres dans ou pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, le numéro et la date de dépôt de l’enregistrement correspondant, les produits et services pour lesquels la marque est enregistrée et ceux à l’égard desquels l’ancienneté est revendiquée, ainsi que les documents justificatifs prévus dans les règles adoptées en vertu de l’article 39, paragraphe 6.

3.      Si les conditions qui régissent la revendication de l’ancienneté ne sont pas remplies, l’[EUIPO] informe le titulaire de la marque de l’Union européenne de l’irrégularité constatée. S’il n’est pas remédié à l’irrégularité dans le délai à fixer par l’[EUIPO], ce dernier rejette la revendication.

4.      L’article 39, paragraphes 3, 4, 5 et 7, s’applique. »

21      L’article 39 du règlement 2017/1001, relatif à la « [r]evendication de l’ancienneté d’une marque nationale lors du dépôt d’une demande de marque de l’Union européenne ou postérieurement au dépôt de la demande », énonce notamment ce qui suit :

« […]

3.      Le seul effet de l’ancienneté, en vertu du présent règlement, est que, dans le cas où le titulaire de la marque de l’Union européenne renonce à la marque antérieure ou la laisse s’éteindre, il est réputé continuer à bénéficier des mêmes droits que ceux qu’il aurait eus si la marque antérieure avait continué à être enregistrée.

4.      L’ancienneté revendiquée pour la marque de l’Union européenne s’éteint lorsque la marque antérieure dont l’ancienneté est revendiquée est déclarée nulle ou frappée de déchéance. Si la marque antérieure est frappée de déchéance, l’ancienneté s’éteint sous réserve que la déchéance prenne effet avant la date de dépôt ou la date de priorité de ladite marque de l’Union européenne.

[…] »

22      Conformément à une jurisprudence constante, pour interpréter des dispositions du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie [voir arrêts du 11 juillet 2018, COBRA, C‑192/17, EU:C:2018:554, point 29 et jurisprudence citée, et du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑122/18, EU:C:2020:41, point 39 et jurisprudence citée].

23      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que les dispositions dérogatoires doivent faire l’objet d’une interprétation stricte [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 janvier 2020, Pensionsversicherungsanstalt (Cessation d’activité après l’âge du départ à la retraite), C‑32/19, EU:C:2020:25, point 38 et jurisprudence citée]. Du fait des conséquences qui sont attachées à la revendication de l’ancienneté d’une marque nationale antérieure identique, en application des articles 39 et 40 du règlement 2017/1001, lesquelles dérogent au principe selon lequel le titulaire d’une telle marque devrait perdre les droits conférés par celle-ci en cas de non-renouvellement de son enregistrement, les conditions à remplir pour qu’une telle revendication puisse être accueillie doivent faire l’objet d’une interprétation restrictive [voir en ce sens, s’agissant de la condition d’identité des marques concernées, arrêt du 19 janvier 2012, Shang/OHMI (justing), T‑103/11, EU:T:2012:19, point 17].

24      En l’espèce, il y a lieu, premièrement, de relever que, aux termes de l’article 40, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la marque nationale antérieure identique dont le titulaire de la marque de l’Union européenne revendique l’ancienneté doit, selon les différentes versions linguistiques, être une marque « enregistrée » ou « qui est enregistrée » dans un État membre.

25      Cette formulation, au présent de l’indicatif, indique clairement que la marque nationale antérieure identique, dont l’ancienneté est revendiquée au profit de la marque de l’Union européenne, doit être enregistrée au moment où la revendication de l’ancienneté est introduite.

26      Ainsi, la requérante n’est pas fondée à prétendre, en substance, que l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39 de ce même règlement, se bornerait à exiger que la marque nationale antérieure ait été enregistrée à un moment donné dans le passé, afin d’éviter qu’une simple marque d’usage ne puisse être invoquée à l’appui d’une revendication de l’ancienneté.

27      Deuxièmement, une telle interprétation littérale de l’article 40 du règlement 2017/1001 est confirmée par le contexte dans lequel cet article s’inscrit. En effet, conformément à son paragraphe 4, ledit article doit être appliqué en combinaison avec l’article 39, paragraphe 3, de ce même règlement. Or, il résulte de cette dernière disposition, telle qu’interprétée par la jurisprudence, que le seul effet de la revendication de l’ancienneté d’une marque nationale antérieure identique est que le titulaire de la marque de l’Union européenne dont la revendication de l’ancienneté a été accueillie pourra, dans le cas où il renoncerait à la marque nationale antérieure ou la laisserait s’éteindre, prétendre continuer à bénéficier des mêmes droits que ceux qu’il aurait eus si cette dernière marque avait continué à être enregistrée [arrêts du 19 janvier 2012, justing, T‑103/11, EU:T:2012:19, point 17, et du 20 février 2013, Langguth Erben/OHMI (MEDINET), T‑378/11, EU:T:2013:83, point 28].

28      Le système de revendication de l’ancienneté d’une marque nationale après l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, tel qu’il résulte de l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 3, de ce même règlement, repose ainsi sur le principe que le titulaire de la marque nationale antérieure ne renoncera pas à cette marque ou ne la laissera pas s’éteindre avant que la revendication de l’ancienneté qu’il a introduite n’ait été accueillie au profit de la marque de l’Union européenne, ce qui implique a fortiori que, à la date de l’introduction de cette revendication, l’enregistrement de la marque nationale antérieure identique n’ait pas déjà expiré.

29      Cette interprétation de l’article 40 du règlement 2017/1001 est cohérente avec l’application pratique qui est faite de cet article par l’EUIPO, telle que décrite au point 13.2 de la section 2 de la partie B des directives d’examen de l’EUIPO, selon lequel « [ce dernier] doit s’assurer, d’une part, que la marque antérieure était enregistrée au moment du dépôt de la demande de [marque de l’Union européenne], et, d’autre part, que l’enregistrement antérieur ne s’était pas éteint au moment du dépôt de la revendication » et selon lequel, « [s]i l’enregistrement antérieur s’était éteint au moment du dépôt de la revendication, l’ancienneté ne peut pas être revendiquée, même si la législation nationale pertinente en matière de marques prévoit un délai de grâce de six mois pour le renouvellement ».

30      Troisièmement, ladite interprétation de l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 3, de ce même règlement, est conforme à la finalité du système de revendication de l’ancienneté d’une marque nationale après l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, qui est de permettre aux titulaires de marques nationales et de l’Union européenne identiques de rationaliser leurs portefeuilles de marques en maintenant leurs droits antérieurs. En effet, une fois que la revendication de l’ancienneté de la marque nationale antérieure identique pour la marque de l’Union européenne a été accueillie, le titulaire peut laisser la première marque expirer, tout en continuant à bénéficier, pour la seconde marque, des mêmes droits que ceux qu’il aurait eus si la première marque avait continué à être enregistrée (voir point 27 ci-dessus).

31      Conformément à cette finalité et ainsi qu’il résulte du libellé de l’article 39, paragraphes 3 et 4, du règlement 2017/1001, qui doit être interprété strictement (voir point 23 ci-dessus), cette présomption du maintien des droits attachés à la marque nationale antérieure identique ne joue pas de manière générale, comme le prétend la requérante, mais uniquement en faveur de la marque de l’Union européenne identique et pour les produits ou les services identiques au profit desquels la revendication de l’ancienneté a été accueillie et dans le cas d’un non-renouvellement de l’enregistrement de la marque nationale antérieure identique.

32      Ainsi, il est expressément prévu que ladite présomption ne joue pas dans le cas où la marque nationale concernée est déclarée nulle ou frappée de déchéance avec effet avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque de l’Union européenne.

33      En outre, il ressort de la jurisprudence que cette même présomption ne permet pas à la marque nationale antérieure de continuer à exister en tant que telle et qu’un éventuel usage du signe en cause après la radiation de cette dernière marque doit être regardé, dans un tel cas, comme un usage de la marque de l’Union européenne et non pas de la marque nationale antérieure radiée (arrêt du 19 avril 2018, Peek & Cloppenburg, C‑148/17, EU:C:2018:271, point 30). Cela confirme qu’une revendication de l’ancienneté accueillie n’a pas pour effet de faire survivre la marque nationale antérieure concernée ou même seulement de maintenir certains droits attachés à celle-ci de manière indépendante de la marque de l’Union européenne au profit de laquelle la revendication de l’ancienneté a été accueillie.

34      Cette interprétation stricte du champ d’application de la présomption du maintien des droits attachés à la marque nationale antérieure identique n’est pas remise en cause par une lecture de l’article 40 du règlement 2017/1001 à la lumière du considérant 12 de ce même règlement, exprimant l’objectif, poursuivi dans ledit règlement, de maintenir les droits acquis par les titulaires de marques antérieures.

35      D’une part, si le préambule d’un acte de l’Union est susceptible d’en préciser le contenu, il ne peut être invoqué pour déroger aux dispositions mêmes de celui-ci (arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, point 76). Ainsi, le contenu du considérant 12 du règlement 2017/1001 ne permet pas de déroger à une condition qui a été posée par l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 3, de ce même règlement, pour que la revendication de l’ancienneté d’une marque nationale antérieure identique puisse être accueillie. D’autre part et en tout état de cause, ce considérant, qui renvoie au « principe de priorité, selon lequel une marque antérieure enregistrée prime les marques enregistrées postérieurement », repose lui-même sur l’idée que les droits acquis par le titulaire d’une marque antérieure ne peuvent primer ceux conférés par les marques enregistrées postérieurement que pour autant que ladite marque est enregistrée. Le contenu de ce considérant est donc cohérent avec une interprétation de l’article 40 du règlement 2017/1001 selon laquelle la marque nationale antérieure identique dont l’ancienneté est revendiquée doit être enregistrée au moment où la revendication de l’ancienneté est introduite.

36      Cette interprétation stricte du champ d’application de la présomption n’est pas davantage remise en cause par le point 30 de l’arrêt du 19 avril 2018, Peek & Cloppenburg (C‑148/17, EU:C:2018:271), auquel se réfère la requérante. En effet, dans celui-ci, la Cour ne constate pas que le titulaire de la marque de l’Union européenne au profit de laquelle la revendication de l’ancienneté d’une marque nationale antérieure identique a été accueillie pourrait se prévaloir de la fiction du maintien de l’enregistrement de ladite marque au profit d’une autre marque de l’Union européenne, mais confirme plutôt que ladite fiction n’a qu’une portée limitée (voir point 33 ci-dessus).

37      Enfin, elle n’est pas non plus remise en cause par l’article 139, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, selon lequel « [l]a demande de marque nationale issue de la transformation d’une demande ou d’une marque de l’Union européenne bénéficie, dans l’État membre concerné, de la date de dépôt ou de la date de priorité de cette demande ou de cette marque et, le cas échéant, de l’ancienneté d’une marque de cet État revendiquée conformément à l’article 39 ou à l’article 40 » dudit règlement. En effet, le maintien des droits attachés à la marque nationale antérieure identique ne joue, là encore, qu’au profit de la demande de marque nationale qui est issue de la transformation de la marque de l’Union européenne pour laquelle la revendication de l’ancienneté a été accueillie.

38      La requérante n’est donc pas fondée à prétendre que l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 3, de ce même règlement, pourrait permettre de faire jouer la présomption du maintien des droits attachés à la marque nationale antérieure identique, après l’expiration de celle-ci, au profit d’une marque de l’Union européenne autre que celle au profit de laquelle la revendication de l’ancienneté a été accueillie, par exemple au soutien d’une revendication de l’ancienneté de la marque nationale antérieure pour cette autre marque de l’Union européenne.

39      Ainsi, le seul fait que la requérante serait fondée à se prévaloir, au profit de la marque de l’Union européenne enregistrée sous le numéro 340810, de la présomption du maintien des droits attachés aux marques polonaise et allemande, même après l’expiration de leur enregistrement, ne signifie pas qu’elle pourrait également se prévaloir de cette même présomption à l’appui de la revendication litigieuse pour la marque de l’Union européenne en cause. En effet, les droits antérieurs qu’elle invoque à cet égard ne bénéficient, en principe, qu’à la marque de l’Union européenne enregistrée sous le numéro 340810, pour laquelle la revendication de l’ancienneté des marques polonaise et allemande a été accueillie.

40      Au vu des appréciations qui précèdent, la chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur de droit en interprétant, au point 12 de la décision attaquée, l’article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39 de ce même règlement, en ce sens que la marque nationale antérieure identique dont l’ancienneté est revendiquée au profit d’une marque de l’Union européenne enregistrée postérieurement doit elle-même être enregistrée et en vigueur à la date à laquelle la revendication de l’ancienneté est introduite.

41      Le moyen unique avancé à l’appui du présent recours se trouvant ainsi rejeté comme étant non fondé, il y a lieu de rejeter intégralement celui-ci, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal enjoigne à l’EUIPO d’enregistrer la revendication litigieuse pour la marque de l’Union européenne en cause.

 Sur les dépens

42      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Daw SE est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.