Language of document : ECLI:EU:T:2022:510

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire de blâme – Devoir de sollicitude – Principe de bonne administration – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Délai raisonnable – Harcèlement moral – Principe de sécurité juridique – Préjudices matériel et moral »

Dans l’affaire T‑91/20,

WT, représentée par Mes V. Villante, D. Rovetta et D. Birkenmaier, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A.-C. Simon et M. L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,


LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, WT, demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission européenne du 17 avril 2019 par laquelle celle-ci lui a infligé une sanction disciplinaire de blâme (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la réparation des préjudices moral et matériel qu’elle aurait subis du fait de cette décision.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante, ancienne fonctionnaire de la Commission européenne actuellement retraitée, ainsi que cela a été précisé lors de l’audience, était entrée au service de ladite institution en tant qu’assistante de grade AST 5, le 3 décembre 1981. Elle a occupé le poste d’« Agent Finance et contrats – Initiation » à la direction générale (DG) « Communication » avant de partir à la retraite.

3        Le 29 novembre 2012, la requérante a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), dans laquelle elle affirmait être victime d’actes constitutifs de harcèlement moral de la part de son chef d’unité, de son chef de secteur et de sa collègue de bureau. Cette demande a été enregistrée sous la référence D/760/12.  

4        Le 18 mars 2013, un incident survenu le 26 février 2013, impliquant la requérante et sa collègue de bureau, a été porté à la connaissance de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») par une note de la direction « Sécurité » de la DG « Ressources humaines et sécurité ». D’après cette note, à la suite d’une altercation, la requérante avait appelé la direction « Sécurité » afin que celle-ci fasse sortir sa collègue de leur bureau partagé.

5        Le 20 mars 2013, l’AIPN a rejeté la demande d’assistance de la requérante, mentionnée au point 3 ci-dessus, en raison notamment d’un manque d’éléments démontrant à première vue l’existence du harcèlement allégué par cette dernière. Cette décision de rejet indique notamment que, « [s]’agissant du comportement de [sa] collègue de bureau, [la requérante] ne mentionn[e] aucun événement susceptible d’être qualifié par l’AIPN de comportement abusif ou dégradant pour [elle]-même » et que, « [d]e fait, un simple désaccord entre deux collègues partageant le même espace de travail ne peut être qualifié de harcèlement par l’AIPN ».  La requérante n’a pas introduit de réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre cette décision.

6        Le 27 mai 2013, l’AIPN a mandaté l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) pour entendre la requérante au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut (audition prédisciplinaire) sur les faits énumérés dans l’annexe du mandat, à savoir son comportement potentiellement inapproprié au bureau et ses remarques potentiellement inappropriées dans une demande d’assistance. À ce titre, un dossier a été enregistré sous la référence CMS 13/031.

7        L’audition de la requérante a eu lieu le 25 juin 2013.

8        Le 9 juillet 2013, la DG « Communication » a transmis à la DG « Ressources humaines » un dossier d’informations concernant le comportement de la requérante sur son lieu de travail entre 2011 et 2013. Ce dossier indiquait notamment que, au cours des années précédentes, la requérante avait été réaffectée six fois au sein de la DG « Communication ».

9        Le 19 juillet 2013, la requérante a demandé à être réaffectée à un autre poste. L’AIPN a rejeté sa demande le 4 novembre 2013 au motif, notamment, qu’une telle réaffectation n’était pas dans l’intérêt du service. Le 20 décembre 2013, la requérante a introduit une réclamation contre cette décision qui a été enregistrée sous le numéro R/895/13. L’AIPN a rejeté cette réclamation par décision du 15 avril 2014. La requérante n’a pas contesté cette décision devant le Tribunal.  

10      Entre le mois de septembre 2013 et le mois de juillet 2014, le chef d’unité de la requérante à l’époque des faits a transmis à l’IDOC des informations supplémentaires concernant le comportement de la requérante.

11      Le 20 mai 2014, l’AIPN a donné un mandat complémentaire à l’IDOC pour entendre la requérante, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, sur les nouveaux éléments versés à son dossier, tels qu’ils sont exposés dans la note analytique jointe au mandat, à savoir son insubordination, le fait qu’elle n’avait pas présenté de certificat médical après une absence de plus de trois jours et son comportement inapproprié, caractérisé par un refus de suivre les règles et les pratiques de la Commission, ainsi que son agressivité verbale et physique. Cette audition a eu lieu le 18 novembre 2014.

12      Le 12 décembre 2014 a eu lieu l’audition, en tant que témoin, du chef de secteur de la requérante.

13      Le 9 janvier 2015, le représentant légal de la requérante a demandé à l’AIPN de mettre fin à la procédure prédisciplinaire.

14      Le 28 janvier 2015 a eu lieu l’audition du chef d’unité de la requérante à l’époque des faits.

15      Le 6 février 2015, la requérante, avec l’aide de son représentant légale, a réitéré sa demande tendant à ce qu’il soit mis fin à la procédure prédisciplinaire. Le même jour l’AIPN a rejeté cette demande.

16      Le 16 février 2015, la requérante a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut au motif que, selon elle, son chef d’unité et son chef de secteur avaient tenu des propos diffamatoires lors de leur audition par l’IDOC. Dans sa demande d’assistance, elle s’est également plainte du comportement de sa collègue de bureau et de la secrétaire de l’unité dans laquelle elle travaillait. L’AIPN a rejeté la demande de la requérante le 15 juin 2015.

17      Par la suite, la requérante a été invitée à transmettre ses observations au sujet d’un incident l’impliquant ayant eu lieu au service médical le 7 mai 2015.  

18      Tout au long de la procédure, la requérante et un représentant du personnel qui l’assistait ont adressé plusieurs notes au vice-président de la Commission, à l’AIPN, à la direction « Sécurité » et à l’IDOC.

19      Le 18 avril 2016, l’IDOC a envoyé à la requérante une note décrivant les faits dans lesquels elle était impliquée ainsi que leur qualification juridique. La requérante a répondu le 20 mai 2016.

20      Le 1er juillet 2016, l’AIPN a décidé de porter le dossier CMS 13/031 devant le conseil de discipline et a transmis à ce dernier le rapport visé à l’article 12 de l’annexe IX du statut. La requérante a été invitée à une audition organisée par l’AIPN tripartite, qui aurait dû avoir lieu le 21 mars 2017.

21      Le 14 février 2017, le Tribunal a rendu un arrêt concernant des procédures disciplinaires menées par l’IDOC (arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74). Le Tribunal a jugé que l’IDOC devait effectuer une enquête administrative au sens de l’article 2 de l’annexe IX du statut avant que l’AIPN ne décide, le cas échéant, d’ouvrir une procédure disciplinaire au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut.

22      Le 10 mars 2017, l’AIPN a fait savoir à la requérante qu’elle avait décidé, bien que l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), ait été rendu après l’ouverture de la procédure disciplinaire à son égard, de clore le dossier CMS 13/031 sans lui infliger de sanction disciplinaire et de lancer une nouvelle procédure, dans un souci de bonne administration.

23      Le 21 mars 2017, l’AIPN a chargé l’IDOC d’effectuer une enquête administrative, sous la référence CMS 17/011, en vertu des articles 1er et 2 de l’annexe IX du statut, afin de déterminer si le comportement de la requérante était celui attendu d’un fonctionnaire européen eu égard aux règles statutaires applicables. En conséquence, par note du 27 mars 2017, l’IDOC a informé la requérante de l’ouverture d’une enquête administrative et l’a invitée à une audition.

24      Le 20 avril 2017, la requérante a demandé des informations concernant l’enquête administrative et concernant son audition. Elle affirme ne pas avoir eu de réponse à sa demande.

25      Le 25 avril 2017, la requérante a été entendue par l’IDOC.

26      Le 27 avril 2017, la requérante a transmis à l’IDOC ses observations et ses commentaires concernant le compte rendu de l’audition. Le représentant du personnel qui accompagnait la requérante pendant son audition a également envoyé un courriel à l’IDOC afin d’insister pour que les irrégularités soulevées concernant le déroulement de la procédure soient dûment prises en compte. Le 28 avril 2017, l’IDOC a envoyé à la requérante le compte rendu, qui incluait une partie de ses observations, en refusant d’insérer deux paragraphes concernant des sujets non discutés lors de l’audition.

27      Le 19 mai 2017, le représentant du personnel qui assistait la requérante a envoyé une lettre à la directrice générale de la DG « Ressources humaines » en sa qualité d’AIPN, visant à ce qu’il soit mis fin à la procédure en raison d’erreurs de procédure résultant, notamment, de l’absence d’un mandat d’enquête précis et du non-respect du délai raisonnable.

28      Dans un courriel du 14 juin 2017, adressé au représentant du personnel qui assistait la requérante, la directrice de l’IDOC a confirmé que l’enquête administrative ouverte en 2017 reposait sur des informations recueillies initialement dans le cadre de la procédure CMS 13/031 et que le nouveau numéro de dossier CMS 17/011 avait été attribué par souci de clarté et d’efficacité administratives.

29      Le 11 décembre 2017, l’IDOC a invité la requérante à transmettre ses observations sur une note, datée du 8 décembre 2017, décrivant les faits mis au jour à la suite des mesures d’enquête. Le 11 janvier 2018, la requérante a envoyé ses observations à l’IDOC.

30      Le 12 avril 2018, l’IDOC a soumis le rapport d’enquête dans le dossier CMS 17/011 à l’AIPN et l’a envoyé à la requérante le 24 mai 2018. Ce rapport d’enquête décrit 65 faits concernant le comportement de la requérante au cours d’une période de six ans allant de 2011 à 2017.

31      Le 17 avril 2018, l’AIPN a donné mandat à l’IDOC pour entendre la requérante au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut afin de recueillir ses observations sur les faits décrits dans le rapport d’enquête.

32      La requérante a été entendue le 11 juillet 2018. Le jour précédent son audition, la requérante a envoyé une note contenant ses commentaires, ainsi que des documents annexés. Dans les jours qui ont suivi l’audition, la requérante et le représentant du personnel qui l’assistait ont écrit à plusieurs reprises à la directrice générale de la DG « Ressources humaines » en vue de demander des clarifications et de faire un certain nombre de déclarations concernant le dossier de la requérante.

33      Le 12 février 2019, l’AIPN a informé la requérante de sa décision d’ouvrir à son égard une procédure disciplinaire sans consultation du conseil de discipline, au sens de l’article 11 de l’annexe IX du statut. Elle a également communiqué à la requérante le rapport disciplinaire exposant les faits qui lui étaient reprochés, à savoir 65 faits survenus sur une période de six ans allant de 2011 au 2017, dont 26 étaient qualifiés de récents (à savoir ceux intervenus entre l’année 2014 et l’année 2017). Ces faits incluaient des actes d’insubordination, un non-respect des obligations relatives à la présence au travail et, plus généralement, un comportement caractérisé par un rejet des règles et de l’agressivité.

34      L’audition de la requérante par l’AIPN, conformément à l’article 11 de l’annexe IX du statut, a eu lieu le 13 mars 2019. Dans ce contexte, la requérante a fourni différentes explications et soumis divers documents.

35      Par la décision attaquée, le 17 avril 2019, l’AIPN a décidé d’infliger à la requérante la sanction disciplinaire de blâme, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut. Elle a conclu que si, parmi les 65 faits énoncés dans les rapports d’enquête et disciplinaire, certains n’étaient pas suffisamment graves pour constituer un manquement de la requérante à ses obligations au sens du statut, d’autres représentaient une violation des articles 12 et 21 du statut. L’AIPN a notamment constaté que :

« Les faits faisant l’objet de [sa] décision [étaient] les suivants : [la requérante] a plusieurs fois refusé d’exécuter des instructions de travail normales ; [d]e façon répétée, [elle] n’a pas informé son chef d’unité de ses absences pour maladie ; [la requérante], à plusieurs reprises, a essayé de contourner les règles en vigueur concernant la justification des absences ou le flexitime, en utilisant divers prétextes pour justifier son absence du bureau ; [la requérante] a régulièrement envoyé des messages agressifs à ses interlocuteurs ; [d]e façon isolée, [la requérante] a envoyé des messages insistant sur la couleur de peau, la religion ou le lien statutaire de collègues, sans toutefois employer de propos injurieux. […] L’AIPN considère que les faits ci-dessus sont établis. Ils s’appuient sur des écrits soit rédigés par [la requérante], soit adressés à celle-ci, et auxquels elle a eu l’opportunité de réagir en temps voulu. Leur matérialité n’a pas été contredite par [la requérante] ».

36      Le 17 juillet 2019, la requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

37      Par décision du 7 novembre 2019, l’AIPN a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

II.    Conclusions des parties

38      Ainsi que cela a été clarifié lors de l’audience et acté au procès-verbal de l’audience, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à l’allocation d’une somme de 3 000 euros fixée ex æquo et bono et à titre provisionnel en réparation du préjudice moral subi ainsi qu’à l’allocation d’une somme de 3 500 euros en réparation du préjudice matériel subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur les conclusions en annulation

40      À l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée et, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le second moyen est tiré, d’une part, de la violation du délai raisonnable, du principe de sécurité juridique ainsi que de l’article 12 bis du statut et, d’autre part, d’une erreur manifeste d’appréciation.

1.      Observations liminaires

41      S’agissant de la demande de la requérante tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cas où une telle décision est dépourvue de contenu autonome, des conclusions formellement dirigées contre cette décision ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 14 décembre 2017, RL/Cour de justice de l’Union européenne, T‑21/17, EU:T:2017:907, point 26).

42      En l’espèce, il convient de constater que la décision de rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome. En effet, elle ne fait que confirmer, en substance, la décision attaquée.

43      Dès lors, le recours doit être considéré comme étant dirigé contre ce dernier acte, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2020, AD/ECHA, T‑25/19, non publié, EU:T:2020:536, point 34).

2.      Sur le premier moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration 

44      La requérante soulève plusieurs arguments visant à faire valoir que la procédure disciplinaire a été menée de manière imprévisible et arbitraire, et que sa durée a été manifestement déraisonnable.

45      Interrogée lors de l’audience, la requérante a confirmé être d’accord avec la présentation de ses arguments effectuée par la Commission. Selon cette présentation, la première branche comprend les arguments de la requérante concernant la procédure d’enquête ouverte en 2013 sous la référence CMS 13/031. La deuxième branche regroupe les arguments de la requérante visant à contester le traitement de ses demandes d’assistance et de sa demande de réaffectation à un autre poste. La troisième branche comprend les arguments de la requérante concernant le champ d’application matériel et temporel de l’enquête administrative enregistrée sous la référence CMS 17/011, ainsi que son droit d’être entendue. La quatrième et dernière branche comprend les arguments de la requérante concernant la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation.

46      La Commission conteste le bien-fondé des arguments soulevés par la requérante.

47      Il convient d’analyser ensemble les arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la première et de la troisième branche du premier moyen.

a)      Sur la première branche du premier moyen, concernant la procédure d’enquête ouverte en 2013 sous la référence CMS 13/031, et sur la troisième branche du premier moyen, concernant le champ d’application matériel et temporel de l’enquête administrative enregistrée sous la référence CMS 17/011, ainsi que le droit d’être entendue de la requérante au cours de cette enquête

48      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante conteste la décision d’ouvrir la procédure CMS 13/031. D’une part, elle fait valoir que l’incident du 26 février 2013 (voir point 4 ci-dessus) avec sa collègue ne justifiait pas l’ouverture d’une enquête disciplinaire à son égard étant donné qu’elle avait contacté à plusieurs reprises le service de sécurité afin de dénoncer des attaques verbales de sa collègue de bureau. La requérante soutient également que la note du 18 mars 2013 de la direction « Sécurité », rédigée après l’incident du 26 février 2013, contient plusieurs erreurs et inexactitudes.

49      D’autre part, la requérante soutient que la décision d’ouvrir une procédure à son égard était entachée d’irrégularités procédurales et, notamment, d’une violation de son droit d’être entendue. Elle affirme ne pas avoir été entendue par la direction « Sécurité » au sujet de l’incident du 26 février 2013 et ne pas avoir pu inclure « certaines parties des observations et des pièces écrites dans le dossier ». Selon la requérante, la direction « Sécurité » a reconnu cette omission dans un courriel qui lui a été adressé.

50      Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen,  la requérante soutient que l’ouverture de la procédure CMS 17/011, à la suite du prononcé de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), a eu pour effet que le mandat initial donné à l’IDOC dans le cadre du dossier CMS 13/031 a été considérablement étendu, sans motivation, dans le seul but de se concentrer sur sa situation professionnelle et personnelle. Selon la requérante, l’enquête administrative la concernant a ainsi eu un champ illimité, couvrant notamment des faits qui se sont produits entre 2013 et 2017 et, par exemple, « une prétendue altercation avec un collègue de bureau et des remarques qualifiées d’inappropriées en réponse à deux supérieurs, concernant ses demandes d’assistance ».

51      La requérante insiste sur le fait qu’il ressort du mandat donné à l’IDOC le 27 mai 2013, qui renvoie à la note analytique qui y est jointe concernant les faits donnant lieu audit mandat, que le champ d’application matériel de la procédure CMS 13/031 concernait uniquement l’incident du 26 février 2013 avec sa collègue de bureau. Ce mandat aurait été élargi par une note du 20 mai 2014 à la suite de la communication de nouveaux éléments et faits par le chef d’unité de la requérante.  Selon la requérante, l’AIPN, l’IDOC et, par conséquent, la Commission, avec le mandat donné à l’IDOC dans le cadre du dossier CMS 17/011, ont dépassé le champ d’application matériel du mandat initial et du statut, en lançant une « pêche aux renseignements » qu’ils ont tenté de justifier par la suite. Par ailleurs, selon la requérante, il est « étrange » que « les services [des ressources humaines] de la DG [« Communication »] aient fourni à l’IDOC une liste importante de fautes prétendument commises ». Elle soutient que les mandats confiés à l’IDOC sont illégaux et considère que cela doit entraîner l’annulation de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation.

52      Elle ajoute que son droit d’être entendue a été violé, au motif que le caractère trop vague du mandat attribué à l’IDOC dans le cadre de la procédure ouverte sous la référence CMS 17/011 ne lui a pas permis d’en comprendre le champ d’application et a rendu impossible sa défense. Plus précisément, des limites temporelles auraient dû être appliquées à l’enquête ouverte à son égard, étant donné que celle-ci portait sur des « infractions mineures » qui se sont produites dans un passé lointain.

53      Il ressort de l’article 86 du statut, des articles 2, 3 et 4 de l’annexe IX du statut et des articles 2, paragraphes 1 et 3, ainsi que de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 4 de la décision C(2004) 1588 de la Commission, du 28 avril 2004, fixant les dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires (ci-après les « DGE de 2004 »), adoptées en application de l’article 2, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut, que, lorsque l’AIPN est d’avis qu’un manquement à ses obligations est susceptible d’être reproché à un fonctionnaire, il lui incombe de mener une enquête administrative – diligentée par l’IDOC en ce qui concerne la Commission – qui est clôturée par un rapport d’enquête établi après que le fonctionnaire concerné a été préalablement et dûment entendu. Sur la base de ce rapport d’enquête, l’AIPN peut décider d’ouvrir la procédure disciplinaire, laquelle, s’il n’y a pas saisine du conseil de discipline, peut conduire, notamment, à l’infliction d’un blâme au fonctionnaire, lequel devra toutefois être entendu préalablement.

54      Dans l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 63), il a été jugé que l’article 86 du statut et l’article 1er, paragraphe 1, ainsi que les articles 2, 3 et 4 de l’annexe IX de celui-ci n’autorisent pas l’ouverture d’une procédure disciplinaire, même sans saisine du conseil de discipline, sans qu’une enquête administrative ait été préalablement menée et sans que, à l’issue de celle-ci, un rapport d’enquête ait été établi après que le fonctionnaire concerné a été préalablement entendu, au prétexte que les faits seraient suffisamment « clairs » pour l’institution concernée.

55      S’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que des illégalités, commises dans le cadre de la procédure entamée sous la référence CMS 13/031, impliquent l’illégalité de la décision attaquée, il convient d’observer ce qui suit.

56      En l’espèce, ainsi que cela ressort des points 6 à 10 ci-dessus, l’AIPN a, dans un premier temps, ouvert la procédure CMS 13/031 et mandaté l’IDOC pour entendre la requérante au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut (audition prédisciplinaire). Dans le cadre de cette procédure, l’AIPN a décidé de porter le dossier CMS 13/031 devant le conseil de discipline et une audition de la requérante était prévue pour le 21 mars 2017. Cependant, ainsi que cela a été indiqué aux points 22 et 23 ci-dessus, le prononcé de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), a conduit l’AIPN à décider de clore la procédure CMS 13/031 et d’ouvrir, le 10 mars 2017, une nouvelle procédure sous la référence CMS 17/011. L’ouverture de la procédure CMS 17/011 avait pour but de mener une enquête administrative au sens de l’article 2 de l’annexe IX du statut avant de décider, le cas échéant, de poursuivre la procédure sur la base de l’article 3 de l’annexe IX du statut. Dans le cadre de cette procédure tant les faits pris en compte dans le cadre du dossier CSM 13/031 que d’autres faits ayant eu lieu au cours des dernières années devaient faire l’objet d’un examen afin d’établir si le comportement de la requérante était celui attendu d’un fonctionnaire européen, compte tenu des règles statutaires en la matière. Le 27 mars 2017, l’IDOC a informé la requérante et, le 25 avril 2017, elle a été auditionnée.

57      Force est de constater que, certes, il existe un lien entre la procédure ouverte sous la référence CMS 13/031 et celle lancée sous la référence CMS 17/011, qui a donné lieu à l’adoption de la décision attaquée, au motif, d’une part, que l’objet desdites procédures était le comportement de la requérante et, d’autre part, que les informations recueillies dans le cadre de la procédure ouverte sous la référence CMS 13/031 ont été utilisées également dans le cadre de la procédure lancée sous la référence CMS 17/011.

58      Cependant, il est constant que la procédure enregistrée sous la référence CMS 13/031 a été close sans qu’une décision de sanctionner la requérante ait été prise. En effet, l’AIPN a ensuite décidé d’ouvrir une procédure différente sous une référence différente, à savoir la référence CMS 17/011, précisément pour respecter l’obligation, rappelée par l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), et mentionnée au point 54 ci‑dessus, d’ouvrir une enquête administrative avant de décider d’ouvrir la procédure disciplinaire et d’infliger, le cas échéant, une sanction disciplinaire.

59      Il importe de noter que, dans la décision attaquée infligeant un blâme à la requérante, la référence à l’incident du 26 février 2013 ne figure pas parmi les faits ayant justifié la sanction de blâme (voir point 35 ci‑dessus). Ainsi, même à supposer que ledit incident fût, comme le soutient la requérante, insuffisant pour ouvrir la procédure CMS 13/031, force est de constater que la décision attaquée, qui a été adoptée à la suite de la procédure CMS 17/011, se fonde sur d’autres éléments.

60      Il ressort de ce qui précède que les arguments de la requérante concernant l’existence de prétendues illégalités ayant affecté la procédure entamée sous la référence CMS 13/031 s’avèrent inopérants aux fins d’apprécier la légalité de la décision attaquée.

61      En tout état de cause, s’agissant de l’examen du bien-fondé des arguments soulevés par la requérante pour faire valoir l’existence d’illégalités ayant affecté la procédure CMS 13/031, premièrement, il convient d’observer que l’allégation de cette dernière selon laquelle la note de la direction « Sécurité » du 18 mars 2013 rédigée après l’incident du 26 février 2013 aurait été « falsifiée » n’est pas étayée. En effet, la requérante se borne à nier les faits relatés par sa collègue de bureau aux agents de la direction « Sécurité » et à soutenir que, nonobstant sa présence au travail, lesdits agents ne l’ont délibérément pas interrogée. En outre, la requérante affirme certes avoir reçu un courriel de la part de la direction « Sécurité » qui aurait reconnu avoir manqué à son obligation de l’entendre lors de l’incident du 26 février 2013. Toutefois, la requérante n’apporte pas la preuve de l’existence d’un tel courriel. Enfin, le seul fait que la requérante ait contesté certaines parties de la note du 18 mars 2013 de la direction « Sécurité » et commenté d’autres parties de celle-ci lors de son audition du 25 juin 2013 (voir point 7 ci-dessus) ne permet pas de conclure que cette note était inexacte ou falsifiée.

62      Deuxièmement, comme l’observe pertinemment la Commission, la requérante semble considérer que la note de la direction « Sécurité » était incomplète, puisqu’elle ne faisait pas référence aux « incidents dont elle avait souffert », ni à certains courriels qu’elle avait envoyés à la direction « Sécurité ». De plus, la requérante semble critiquer le fait que l’ouverture de la procédure CMS 13/031 a eu lieu après qu’elle a elle-même contacté le service de sécurité à plusieurs reprises afin de dénoncer le comportement et les agressions verbales auxquelles sa collègue de bureau l’aurait soumise. En effet, la requérante se plaint de ce que ses nombreuses démarches auprès de l’administration pour contester les agissements de sa collègue de bureau dont elle se sentait victime n’aient jamais été prises en compte par l’administration.

63      À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 86, paragraphe 2, du statut, l’AIPN peut ouvrir une enquête administrative en vue de vérifier l’existence d’un manquement au sens du paragraphe 1 de cet article, lorsque des éléments de preuve laissant présumer l’existence d’un manquement ont été portés à sa connaissance.

64      En outre, lorsqu’il est saisi d’un litige relatif à une sanction disciplinaire, le juge exerce un contrôle complet quant à la bonne application des règles de droit pertinentes (voir, par analogie, arrêt du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, T‑374/04, EU:T:2007:332, point 81).

65      En l’espèce, sauf à remettre en cause le pouvoir d’appréciation de l’AIPN, la requérante ne saurait tirer argument du seul fait que l’administration n’a pas jugé opportun d’ouvrir une enquête administrative sur les allégations qu’elle avait elle-même formulées à l’encontre de sa collègue de bureau pour démontrer un manque d’objectivité de l’AIPN lors de l’ouverture de la procédure CMS 13/031 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 décembre 2012, Z/Cour de justice, F‑88/09 et F‑48/10, EU:F:2012:171, point 285 et jurisprudence citée).

66      Troisièmement, en ce qui concerne l’argument tiré d’irrégularités procédurales résultant d’une violation du droit d’être entendue dans le cadre de la procédure CMS 13/031, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les droits de la défense s’imposent comme principe général dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci (voie, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, point 37, et du 17 octobre 2006, Bonnet/Cour de justice, T‑406/04, EU:T:2006:322, point 76).

67      De plus, le respect des droits de la défense, qui a pour corollaire le principe du contradictoire, exige que le fonctionnaire à l’égard duquel une institution de l’Union européenne a entamé une procédure administrative ait été mis en mesure, au cours de cette procédure, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des circonstances alléguées et des documents que cette institution entend utiliser contre lui à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction aux dispositions du statut [voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, points 158 et 159 (non publiés) et jurisprudence citée, et du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 97].

68      En outre, au regard de l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004, le fonctionnaire doit être mis en mesure d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant, avant que des conclusions se rapportant à son comportement ne soient tirées.

69      En l’espèce, force est de constater que la note, datée du 18 mars 2013, que la direction « Sécurité » a adressée à la directrice générale de la DG « Ressources humaines » décrivant son intervention n’était pas censée fournir une description complète des faits, ni revêtir un caractère contradictoire. Ainsi, ladite note n’impliquait pas un droit d’être entendu des personnes qui y étaient mentionnées ni un droit de transmettre des observations sur son contenu. Par cette note, rédigée antérieurement à l’ouverture d’une procédure disciplinaire formelle, la direction « Sécurité » n’a pas ouvert une telle procédure, cette prérogative appartenant exclusivement à l’AIPN et n’a, par conséquent, pas porté atteinte aux intérêts de la requérante. De surcroît, comme cela a été indiqué au point 61 ci‑dessus, l’allégation de la requérante selon laquelle la direction « Sécurité » aurait, dans un courriel, reconnu avoir manqué à son obligation de l’interroger n’est pas étayée. Ainsi, la direction « Sécurité » n’ayant eu aucune obligation d’interroger la requérante, aucune irrégularité ne saurait être déduite de la mention, dans la note du 18 mars 2013, du fait que la requérante n’a pas été interrogée.

70      Par ailleurs, même à supposer qu’une violation du droit d’être entendu, comme d’ailleurs, de façon plus large, des droits de la défense de la requérante, ait été commise, il convient de rappeler que, pour que cette violation puisse aboutir à l’annulation de la décision attaquée, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, Bui Van/Commission, T‑491/08 P, EU:T:2010:191, point 24 et jurisprudence citée).

71      Or, les éventuelles explications que la requérante aurait pu davantage fournir préalablement à l’adoption de la décision d’entamer la procédure CMS 13/031 à son égard quant aux circonstances de l’espèce n’auraient pas pu avoir pour effet de modifier la décision de l’administration de clore cette procédure sans lui infliger une sanction disciplinaire et de choisir de mandater l’IDOC aux fins de mener une enquête administrative sous la référence CMS 17/011 afin de tenir compte de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74).

72      Enfin, si la requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu la possibilité, dans le cadre de la procédure CMS 13/031, de faire connaître sa propre version de l’incident du 26 février 2013 ainsi que des faits qui lui étaient reprochés préalablement à l’ouverture d’une procédure disciplinaire à proprement parler, il y a lieu de souligner qu’il est vrai que c’est uniquement après que l’IDOC avait été saisi en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut et sans qu’une enquête administrative préalable au titre de l’article 2 de l’annexe IX du statut ait été ouverte qu’elle a été entendue à plusieurs reprises et, notamment, lors de l’audition du 25 juin 2013 (voir point 7 ci-dessus). Toutefois, d’une part, il y lieu de rappeler qu’un tel argument est inopérant dans la mesure où la procédure CMS 13/031 a été close sans qu’une décision de sanctionner la requérante ait été prise. D’autre part, il ressort du dossier que la requérante a eu la possibilité de faire connaître son point de vue sur ledit incident et, plus généralement, sur les faits qui lui étaient reprochés, au cours de l’enquête administrative menée par l’IDOC dans le cadre de cette dernière procédure.

73      Il ressort de ce qui précède que les arguments de la requérante visant à contester la légalité du mandat donné à l’IDOC dans le dossier CMS 13/031, ainsi que de la note informative rédigée par la direction « Sécurité » le 18 mars 2013, et à faire valoir une violation de son droit d’être entendue dans le cadre de la procédure ouverte sous la référence CMS 13/031 sont, en tout état de cause, non fondés.

74      Il y a donc lieu de rejeter les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la première branche du premier moyen.

75      S’agissant des arguments soulevés dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, rappelés aux points 50 à 52 ci-dessus, en premier lieu, en ce qui concerne le champ matériel de l’enquête ouverte à l’encontre de la requérante sous la référence CMS 17/011, il importe de noter qu’il doit être apprécié dans le contexte de la procédure précédente CMS 13/031, déjà connu de la requérante. En effet, une enquête administrative n’avait pas été finalisée dans le cadre du dossier CMS 13/031. Ainsi, afin d’appliquer les principes dégagés dans l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), au cas de la requérante, l’AIPN a décidé de ne pas poursuivre la procédure ouverte sous la référence CMS 13/031, de clôturer cette procédure et d’entamer une nouvelle procédure sous la référence CMS 17/011, en donnant un nouveau mandat à l’IDOC (voir points 22 et 23 ci-dessus). Cet office a été ainsi chargé d’effectuer une enquête administrative sur les faits qui avaient déjà été examinés concernant le comportement de la requérante et sur d’autres faits susceptibles d’être mis au jour durant l’enquête. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait prétendre qu’elle ne connaissait pas l’objet de l’enquête administrative. En effet, la décision de l’AIPN d’entamer la procédure CMS 17/011 ainsi que le raisonnement qui la sous-tend ont été expliqués à la requérante lors de son audition du 25 avril 2017 (voir point 25 ci-dessus), dont le compte rendu est inclus dans une lettre rédigée par l’IDOC, dans le rapport de l’enquête administrative, dans la décision attaquée ainsi que dans la décision de rejet de la réclamation.

76      Contrairement à ce que soutient la requérante, le champ de l’enquête dans le dossier CMS 17/011 n’était pas « illimité » et était libellé de manière compréhensible. D’après le mandat donné à l’IDOC, l’enquête visait à déterminer si le comportement de la requérante était celui attendu d’un fonctionnaire européen, compte tenu des règles statutaires en la matière.

77      S’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que le mandat initial donné à l’IDOC par l’AIPN aurait été considérablement élargi, il y a lieu de constater que, certes, les faits examinés dans le cadre du précédent dossier n’ont pas été énumérés expressément dans le nouveau mandat afférent au dossier CMS 17/011. Cependant, ce nouveau mandat, comme le précédent, avait toujours pour objet le comportement de la requérante sur son lieu de travail et couvrait également des faits plus récents relatifs audit comportement, au motif qu’il portait également sur les faits mis au jour au cours de la première enquête. En faisant ainsi référence au comportement de la requérante, l’AIPN ne cherchait pas à examiner toute manière d’agir de la requérante, mais uniquement celle adoptée dans ses relations avec ses collègues et d’autres interlocuteurs dans le cadre professionnel. L’enquête n’avait pas pour objet d’examiner la probité de la requérante. Le mandat confié à l’IDOC était, certes, large, mais il ne pouvait pas être rédigé différemment et était suffisamment précis, au motif qu’il avait pour objectif d’apprécier si le comportement de la requérante était à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un fonctionnaire de l’Union.

78      L’enquête avait donc pour objet le comportement de la requérante sur son lieu de travail et dans ses interactions avec sa hiérarchie et ses collègues.

79      À ce titre, d’une part, compte tenu des circonstances de l’espèce, l’administration n’était pas tenue d’ouvrir un dossier pour chaque fait nouveau pris en considération pour apprécier le comportement de la requérante au travail et, notamment, pour apprécier un éventuel caractère réitéré de comportements susceptibles de constituer une violation des dispositions statutaires. D’autre part, il est possible de considérer que les 26 faits qualifiés de récents (relatifs à la période 2014-2017) justifiaient davantage l’intérêt d’ouvrir à nouveau une enquête.

80      Par ailleurs, en comparant le rapport transmis au conseil de discipline le 1er juillet 2016 dans le dossier CMS 13/031 (voir point 20 ci‑dessus) et le rapport de l’enquête administrative dans le dossier CMS 17/011, communiqué à la requérante en mai 2018, il est possible de constater que la plupart des faits en cause avaient déjà été mentionnés dans le premier de ces deux rapports. Sur les 65 faits mentionnés dans le rapport de l’enquête administrative relative au dossier CMS 17/011, seuls 13 n’avaient pas été mentionnés dans le rapport transmis au conseil de discipline le 1er juillet 2016. De surcroît, un seul fait est postérieur au mandat du 21 mars 2017 et a été évoqué au motif que la requérante elle-même en avait fait mention lors de son audition du 25 avril 2017 (voir point 25 ci-dessus).

81      En deuxième lieu, s’agissant de la période prise en considération dans le cadre de l’enquête, premièrement, il convient de noter que la requérante était pleinement informée que la procédure portait sur des faits qui s’étaient déroulés à partir de 2011 et qu’elle ne pouvait ignorer le champ d’application temporel de l’enquête.

82      Deuxièmement, pour autant qu’elle invoque la circonstance que les faits pris en compte étaient trop anciens, il importe de constater que, dans le rapport d’enquête, 65 faits relatifs au comportement de la requérante sur une période de six ans (2011-2017) ont été établis et 26 ont été qualifiés de récents (2014-2017). Or, la requérante ne contredit pas les explications qui lui ont été fournies par l’AIPN en réponse à sa réclamation, à savoir que, dans le cadre des DGE de 2004, applicables au moment des faits, aucun délai de prescription n’avait été établi concernant les faits susceptibles de faire l’objet d’une enquête.

83      Par ailleurs, sachant que, en l’absence d’un délai de prescription, c’est le principe du délai raisonnable qui s’applique (voir, en ce sens, arrêts du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, point 48, et arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 125 et jurisprudence citée) et, au demeurant, qu’un délai de prescription de dix ans pour l’ouverture d’une enquête administrative est prévu dans la décision C(2019) 4231 final de la Commission, du 12 juin 2019, établissant les dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, l’IDOC puis l’AIPN étaient en droit, sans méconnaître le principe de bonne administration et leur devoir de diligence, d’enquêter sur des faits qui s’étaient déroulés, au maximum, six ans avant l’ouverture de l’enquête dans le dossier CMS 17/011.

84      Il s’ensuit que la période sur laquelle portait l’enquête dans le dossier CMS 17/011 n’a pas été illégalement étendue et que les faits concernés, qui s’étaient déroulés, au maximum, six ans avant l’ouverture de cette enquête, n’étaient pas prescrits et qu’aucune atteinte au principe de bonne administration et au devoir de diligence ne pouvait être constatée.

85      Troisièmement, pour autant que la requérante invoque la durée excessive de la procédure d’enquête et donc une violation du délai raisonnable à cet égard, il y a lieu de constater que cette allégation se confond avec celle avancée dans la deuxième branche du second moyen et sera donc examinée dans ce cadre.

86      En troisième lieu, s’agissant de la violation alléguée du droit de la requérante d’être entendue, il importe de rappeler que la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise a pour but que l’autorité concernée soit à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective dudit destinataire, elle a notamment pour objet que celui-ci puisse corriger une erreur ou faire valoir tels ou tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu. L’obligation d’entendre le fonctionnaire, prévue à l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004 applicables à l’époque des faits, vise donc à lui permettre de faire valoir ses arguments pendant la phase de la procédure portant sur l’établissement des faits en vue de l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, points 74 et 77).

87      En l’espèce, il ressort du dossier que, le 27 mars 2017, l’IDOC a envoyé une note à la requérante pour l’informer de la décision d’ouvrir une enquête (voir point 23 ci-dessus). Ensuite, la requérante a été entendue par l’IDOC le 25 avril 2017 (voir point 25 ci-dessus). Le 27 avril 2017 elle a transmis ses observations sur le compte rendu de cette audition (voir point 26 ci-dessus). Le 11 janvier 2018, elle a présenté ses observations sur une note de l’IDOC décrivant les faits mis au jour à la suite des mesures d’enquête (voir point 29 ci-dessus). Par ailleurs, la requérante a reçu le rapport d’enquête et ses annexes et a été entendue sur ce rapport lors d’une audition organisée le 11 juillet 2018 au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut (voir points 29 à 32 ci-dessus). Enfin, la requérante a également reçu le rapport disciplinaire et a été entendue sur ce rapport lors d’une audition organisée le 13 mars 2019 conformément à l’article 11 de l’annexe IX du statut (voir points 33 et 34 ci-dessus). De surcroît, la requérante ainsi que le représentant du personnel qui l’assistait se sont adressés à plusieurs reprises à l’administration pour soumettre des documents et exprimer leurs arguments et leurs déclarations (voir point 18 ci-dessus). Il s’ensuit que, au cours de la procédure qui a précédé l’adoption de la décision attaquée, la requérante a été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 66, 67 et 70, ci‑dessus sur les faits qui avaient été constatés et qui lui étaient reprochés.

88      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, tirés de ce que les champs matériel et temporel de l’enquête administrative enregistrée sous la référence CMS 17/011 étaient imprécis et avaient été illégalement étendus de sorte qu’elle n’a pas été en mesure de se défendre.

b)      Sur la deuxième branche du premier moyen, visant à contester le traitement de ses demandes d’assistance et de réaffectation à un autre poste

89      La requérante fait valoir que l’AIPN a omis de tenir compte de ses demandes d’assistance. Interrogée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle faisait référence notamment à la demande du 29 novembre 2012 (voir point 3 ci-dessus) et également à ses nombreuses sollicitations informelles de l’AIPN liées à cette demande. La requérante affirme également que l’administration n’a pas traité correctement son cas, notamment en rejetant sa demande d’être réaffectée à un autre poste. Selon la requérante, l’AIPN a donc violé le principe de bonne administration ainsi que son droit d’être entendue.

90      Dans la réplique, la requérante indique que la sanction disciplinaire qui lui a été infligée doit être replacée dans le contexte d’une carrière heureuse et satisfaisante d’environ trente ans, suivie de graves problèmes au travail en ce qu’elle s’est sentie moralement harcelée. Elle fait valoir que ce n’est que lorsqu’elle a introduit une demande d’assistance que l’AIPN a ouvert la procédure CMS 13/031.

91      En outre, la requérante soutient que le document produit par la Commission pour démontrer qu’elle a changé six fois de poste dans six unités différentes ne constitue pas une source fiable et a été élaboré pour l’accuser. En effet, la grande majorité des changements auraient été techniques. Selon la requérante, son ancien chef d’unité lui aurait attribué différents postes et aurait utilisé sa position afin de pourvoir des postes vacants ou d’utiliser des lignes budgétaires de la DG « Communication ». Le document en question aurait servi de fondement pour organiser les poursuites à l’encontre de la requérante sur le plan disciplinaire, constituerait un obstacle à l’évolution de sa carrière ou à sa mobilité interne et pourrait porter atteinte à sa réputation. Le rejet de sa demande de réaffectation, fondé sur une représentation erronée des faits, constituerait une illustration clé de la superficialité avec laquelle la hiérarchie de la requérante et la Commission auraient traité le problème. Sa demande d’être réaffectée loin de l’unité D.4 de la DG « Communication » aurait été une demande logique et appropriée compte tenu de la situation, correspondant à son souhait d’échapper au harcèlement moral dont elle se sentait l’objet.

92      Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de l’intérêt du fonctionnaire concerné. En outre, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, EU:T:2004:316, point 133 et jurisprudence citée).

93      C’est pourquoi il a déjà été jugé que les exigences du devoir de sollicitude ne sauraient être interprétées comme empêchant l’AIPN d’engager et d’instruire une procédure disciplinaire à l’égard d’un fonctionnaire. En effet, une telle décision est prise avant tout dans l’intérêt que possède l’institution à ce que d’éventuels manquements par un fonctionnaire à ses obligations statutaires soient constatés et, s’il y a lieu, sanctionnés (arrêt du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, EU:F:2010:2, point 377).

94      En l’espèce, tout d’abord, il convient de rappeler que la requérante n’a pas introduit une réclamation contre les décisions de rejet de ses demandes d’assistance (voir point 3, 5 et 16 ci-dessus). Par ailleurs, la requérante n’a pas introduit de recours devant le Tribunal à la suite du rejet de sa réclamation contre la décision de rejet de sa demande de réaffectation (voir point 9 ci-dessus).

95      En tout état de cause, d’une part, ainsi que le fait valoir la Commission, il importe de constater que l’AIPN a fait état, tant dans la réponse à sa demande d’assistance du 29 novembre 2012 que dans la décision attaquée, de la situation conflictuelle au bureau dénoncée par la requérante. Cependant, l’AIPN n’a pas considéré que cette situation était constitutive d’actes susceptibles d’être qualifiés de harcèlement à l’encontre de la requérante, ni qu’elle était une justification valable du comportement et des fautes de cette dernière, ou encore, qu’elle était susceptible de justifier sa réaffectation.

96      D’autre part, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la requérante n’explique pas le rapport qui existe, selon elle, entre la décision attaquée lui infligeant une sanction et le rejet de sa demande de réaffectation à un autre poste.

97      De plus, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle le document produit par la Commission pour démontrer qu’elle a changé six fois de poste dans six unités différentes ne constitue pas une source fiable et a été élaboré pour l’accuser, force est de constater, premièrement, que la requérante omet de préciser, y compris à la suite des questions qui lui ont été posées lors de l’audience, laquelle des réaffectations au sein de la DG « Communication », à différentes unités, ne correspond pas à la réalité. Deuxièmement, même à supposer que les éléments factuels concernant les réaffectations de la requérante au cours de la période 2007-2013 ne soient pas corrects, la requérante ne démontre pas que ces éléments factuels ont eu un quelconque effet sur le contenu même de la décision attaquée qui lui inflige un blâme et qui n’a pas pour objet de refuser sa demande de réaffectation.

98      Enfin, s’agissant des décisions prises par l’AIPN à la suite des demandes d’assistance et de réaffectation de la requérante, produites par cette dernière devant le Tribunal, il y a lieu de relever que, dans la décision du 20 mars 2013 (voir point 5 ci‑dessus), l’AIPN compétente a notamment indiqué que les faits dénoncés par la requérante n’étaient pas susceptibles d’être considérés comme constitutifs de harcèlement de la part de ses collègues de bureau. S’agissant de la demande de réaffectation (voir point 9 ci-dessus), l’AIPN compétente a estimé que l’existence d’une procédure disciplinaire pendante contre elle ainsi que ses nombreuses réaffectations permettaient de considérer qu’il n’était ni dans l’intérêt du service ni dans l’intérêt de la requérante elle-même de la réaffecter à nouveau sur un autre poste. Dès lors, il appartenait à la requérante d’apporter la preuve d’une éventuelle erreur d’appréciation de l’administration. Or, aucun des éléments invoqués par la requérante ne permet de démontrer que, en rejetant ses demandes d’assistance et de réaffectation et en ouvrant une procédure sous la référence CMS 13/031, d’abord, et CMS 17/011, par la suite, l’AIPN aurait violé le principe de bonne administration, manqué à son devoir de sollicitude ou encore violé le droit d’être entendu de la requérante.

99      Il y a donc lieu de rejeter les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen.

c)      Sur la quatrième branche du premier moyen, concernant la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation

100    La quatrième branche du premier moyen regroupe les arguments par lesquels la requérante soutient, premièrement, que son droit d’être entendue a été violé lors de l’adoption de la décision portant rejet de la réclamation contre la décision attaquée, deuxièmement, que l’AIPN n’était pas indépendante et, troisièmement, que la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation ont violé l’obligation de motivation.

1)      Sur la violation alléguée du droit d’être entendue lors de l’adoption de la décision portant rejet de la réclamation

101    Selon la requérante, son droit d’être entendue a été violé, car, « au stade de [la réclamation introduite au titre de] l’article 90, paragraphe 2, du statut, elle n’a pas […] reçu le projet de décision négative […] et n’a pas été autorisée à exercer ses droits de la défense ».

102    À cet égard, il suffit de relever que le Tribunal a itérativement jugé que l’AIPN n’était, en principe, pas tenue d’entendre un réclamant ou de consulter celui-ci au sujet d’un projet de réponse avant de répondre à une réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2018, Barata/Parlement, T‑854/16, non publié, EU:T:2018:809, point 93 ; du 14 décembre 2018, UC/Parlement, T‑572/17, non publié, EU:T:2018:975, point 90, et du 2 avril 2020, Barata/Parlement, T‑81/18, EU:T:2020:137, point 109).

103    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument tiré d’une violation du droit d’être entendue de la requérante lors de l’adoption de la décision de rejet de la réclamation.

2)      Sur la prétendue absence d’indépendance de l’AIPN

104    La requérante fait valoir que l’autorité qui a adopté la décision attaquée et qui a ensuite également procédé à l’examen de sa réclamation était toujours le même organe, à savoir l’AIPN, ce qui remettrait en question l’indépendance de cette dernière.

105    Dans la réplique, elle fait valoir, en outre, un manque d’indépendance et de neutralité de l’IDOC. Selon la requérante, lorsque l’enquête dans le dossier CMS 13/031 a été close et que celle dans le dossier CMS 17/011 a débuté, les fonctionnaires de l’IDOC ayant participé à la première enquête auraient dû se retirer de l’affaire et de nouveaux fonctionnaires de l’IDOC ne connaissant pas son dossier auraient dû mener la deuxième enquête afin de garantir une enquête équitable et impartiale.

106    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2 du statut, chaque institution détermine les autorités qui exercent en son sein les pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN. Au sein de la Commission, l’AIPN compétente est désignée dans la décision C(2013) 3288 de la Commission, du 4 juin 2013, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut des fonctionnaires à l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) et par le régime applicable aux autres agents (RAA) à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (AHCC), telle que modifiée en dernier lieu par la décision C(2016) 1881 de la Commission, du 4 avril 2016. Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, différentes personnes exercent les fonctions d’AIPN en fonction de l’objet de la décision à adopter. En l’espèce, l’AIPN ayant adopté la décision attaquée était la directrice générale de la DG « Ressources humaines » à l’époque des faits, tandis que l’AIPN ayant adopté la décision de rejet de la réclamation était une personne différente, à savoir un membre de la Commission.

107    Par ailleurs, comme le souligne la Commission, le simple fait que certains membres du personnel ont travaillé à la fois sur le dossier CMS 13/031 et sur le dossier CMS 17/011 n’implique pas que la procédure dans le dossier CMS 17/011 n’a pas été équitable ou impartiale. De plus, il importe de rappeler que le dossier CMS 13/031 a été clos sans qu’une procédure disciplinaire à l’encontre de la requérante était finalisée, ainsi, sans que l’AIPN ait pu établir si le comportement de cette dernière était conforme aux règles statutaires. En outre, compte tenu du fait que la première enquête n’avait pas été finalisée et que le comportement de la requérante tendait à disqualifier toute personne y participant, la requérante n’était pas fondée à demander que, lors de la procédure CMS 17/011, tous les membres du personnel auxquels elle s’était adressée dans le cadre du dossier CMS 13/031 se retirent du dossier. De même ne saurait prospérer l’allégation de la requérante selon laquelle, « si [la directrice de l’IDOC] s’était sentie offensée par le courriel qu[’elle] lui a[vait] adressé […], il aurait été approprié qu’elle se retire de l’enquête ». En effet, comme le fait valoir la Commission, si un tel argument devait être accueilli, il aurait pour effet de permettre à tout membre du personnel de retarder l’adoption de mesures disciplinaires à son égard en envoyant simplement des courriels aux personnes chargées de prendre des décisions les concernant, de sorte qu’elles devraient être remplacées par d’autres. Enfin, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle « [la directrice générale de la DG « Ressources humaines » en sa qualité d’AIPN] a admis, lors d’une réunion devant des collègues de l’IDOC, qu’elle n’avait pas répondu à de multiples demandes qui lui avaient été soumises par la requérante au titre de l’article 90 », il y a lieu de constater qu’elle n’est pas étayée.

108    Au regard de ce qui précède, l’argument de la requérante tiré d’une prétendue absence d’indépendance et d’impartialité de l’AIPN et de l’IDOC doit être rejeté.

3)      Sur la violation alléguée de l’obligation de motivation

109    La requérante soutient que la « motivation stéréotypée circulaire » fournie dans la décision de rejet de la réclamation ne lui a pas permis de comprendre pourquoi elle était sanctionnée d’un blâme. En outre, selon elle, la Commission n’avait pas « le droit de présenter sa motivation » à ce stade.

110    En l’espèce, d’une part, il importe de noter que la décision attaquée explique en détail les faits que l’AIPN a considérés comme établis (voir point 35 ci-dessus). Cette décision expose également les circonstances atténuantes, à savoir que le comportement de la requérante n’a pas été d’une gravité telle qu’il a entièrement empêché son travail dans l’unité et que la réouverture de la procédure pour tenir compte de la jurisprudence a prolongé la durée de traitement du dossier en rendant anciens certains faits qui lui étaient reprochés. Ladite décision contient enfin les appréciations prises en considération par l’AIPN pour décider de la sanction disciplinaire à infliger.

111    Plus précisément, il ressort de la décision attaquée que, conformément aux critères énumérés à l’article 10 de l’annexe IX du statut, l’AIPN a, pour déterminer la sanction à infliger à la requérante, notamment pris en considération la nature de la faute et les circonstances dans lesquelles elle avait été commise, l’importance du préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts des institutions en raison de la faute commise, le degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise, les moyens ayant amené la requérante à commettre la faute, le grade et l’ancienneté de la requérante, son degré de responsabilité personnelle, le niveau de ses fonctions et de ses responsabilités, la récidive de ses actes ou des comportements fautifs et sa conduite tout au long de sa carrière.

112    En outre, la décision de rejet de la réclamation fournit suffisamment de détails pour permettre à la requérante de se défendre et au juge de contrôler la légalité de la mesure adoptée. De plus, la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu de l’intéressée, ce qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard.

113    D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, la possibilité de compléter la motivation initiale au stade de la décision portant sur la réclamation est reconnue par une jurisprudence constante, pour autant que ce complément coïncide avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation a été dirigée (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2018, Spagnolli e.a./Commission, T‑568/16 et T‑599/16, EU:T:2018:347, point 69 et jurisprudence citée).

114    Ainsi, l’argument de la requérante tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté.

115    Il y a donc lieu de rejeter les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen et, par conséquent, le premier moyen dans son intégralité.

3.      Sur le second moyen, tiré de la violation du délai raisonnable mentionné à l’article 41 de la Charte, du principe de sécurité juridique et de l’article 12 bis du statut concernant l’interdiction de harcèlement ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

116    La requérante soulève plusieurs arguments qui peuvent être regroupés en cinq branches, à l’instar de la structure qui a été adoptée par la Commission dans le mémoire en défense et qui a explicitement été acceptée par la requérante elle-même lors de l’audience. La première branche comprend les arguments de la requérante visant à soulever un prétendu harcèlement moral commis par l’IDOC à son égard en raison d’une surveillance excessive. La deuxième branche comprend les arguments visant à faire valoir une violation du délai raisonnable mentionné à l’article 41 de la Charte. La troisième branche regroupe les arguments tirés d’une violation du principe de sécurité juridique résultant de l’absence d’un délai de prescription de la procédure d’enquête. La quatrième branche comprend les arguments relatifs au non‑respect de l’obligation de s’assurer que les faits sont établis. La cinquième branche regroupe les arguments visant à faire valoir un harcèlement de la part de ses collègues de travail.

117    La Commission conteste tous les arguments soulevés par la requérante.

118    Il convient d’examiner ensemble les arguments soulevés dans le cadre de la première et de la cinquième branche du second moyen.

a)      Sur la première branche du second moyen, tirée d’un harcèlement moral commis par l’IDOC, et sur la cinquième branche du second moyen, tirée d’un harcèlement dont aurait été victime la requérante de la part de ses collègues de travail

119    Par les arguments regroupés dans le cadre de la première branche du second moyen, la requérante soutient que la procédure administrative a été irrégulière en raison d’« agissements malveillants de la part de l’IDOC à [son] égard ». Selon elle, l’IDOC a fait preuve d’une « hostilité caractérisant un harcèlement moral [dans les] échanges de courriels dans lesquels l’IDOC [a] transm[is] explicitement aux membres de l’unité ses instructions pour surveiller [son] comportement ».

120    Dans le cadre de la cinquième branche, la requérante soutient que, en « refusant de qualifier le comportement contesté de ses collègues comme constituant un harcèlement […], la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation ». Elle cite une jurisprudence relative à la définition du harcèlement moral et formule un certain nombre d’allégations de faits dommageables commis à son égard. La requérante affirme avoir subi des « agressions contre ses objets personnels et [des atteintes à] son intégrité personnelle sur le lieu de travail ». Elle soutient qu’elle était « la risée de ses collègues chaque fois qu’ils la voyaient apparaître dans les couloirs ». Elle fait valoir que « du matériel de bureau et certains de ses effets personnels […] étaient jetés [à la poubelle] à la suite d’un transfert ». Enfin, la requérante fait référence, dans ce contexte, à de prétendues « saisies de salaire injustifiées ».

121    À cet égard, il importe de rappeler que la notion de « harcèlement moral » est définie à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut comme étant une « conduite abusive » qui, premièrement, se matérialise par des comportements, des paroles, des actes, des gestes ou des écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus. Deuxièmement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, point 375 et jurisprudence citée).

122    En l’espèce, il s’agit d’apprécier si les courriels produits par la requérante sont susceptibles de démontrer l’existence d’un harcèlement de la part de l’IDOC.

123    À cet égard, il importe de rappeler que l’IDOC avait été chargé d’enquêter dans le cadre du dossier CMS 13/031, puis du dossier CMS 17/011, sur le comportement de la requérante sur son lieu de travail. Ainsi, ledit office avait besoin, pour recueillir des informations sur le comportement de la requérante sur son lieu de travail, d’avoir des contacts avec la hiérarchie et les collègues de celle-ci. Les courriels envoyés par le chef d’unité de la requérante aux enquêteurs de l’IDOC aux mois d’octobre et de décembre 2013, dans lesquels il fait le point sur la situation après l’incident du 26 février 2013, ne sauraient appuyer l’allégation de la requérante selon laquelle les membres de l’IDOC ont ordonné à ses collègues de la mettre sous surveillance. Il en est de même s’agissant d’un échange de courriels, datés du 1er au 3 avril 2014, dans lesquels son chef d’unité transmet des documents demandés par le nouvel enquêteur de l’IDOC qui avait repris le dossier. De tels courriels ont été licitement échangés dans le cadre de l’enquête en cours dans le dossier CMS 13/031 portant sur le comportement de la requérante. D’ailleurs, comme le fait valoir pertinemment la Commission, la requérante a elle-même fourni de nombreux éléments d’information supplémentaires à l’IDOC dans le cadre de cette enquête.

124    Il convient donc de constater que les courriels en cause, qui n’étaient d’ailleurs pas adressés à la requérante, ne relèvent pas de la définition du harcèlement rappelée au point 121 ci-dessus.

125    L’argument tiré d’un prétendu harcèlement moral de la part de l’IDOC ainsi que la première branche du second moyen doivent donc être rejetés.

126    S’agissant des arguments soulevés dans le cadre de la cinquième branche, rappelés au point 120 ci‑dessus, premièrement, il importe d’observer, à l’instar de la Commission, que la requérante réitère, en substance, les arguments formulés dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen, dans laquelle elle conteste le rejet de la demande d’assistance qu’elle avait introduite au motif d’un prétendu harcèlement moral de la part de certains de ses collègues. Il y a donc lieu de renvoyer aux réponses fournies auxdits arguments dans le cadre de l’examen du premier moyen (voir points 94 à 98 ci‑dessus).

127    Deuxièmement, à supposer que la requérante fasse référence à des événements qui n’avaient pas été évoqués dans sa demande d’assistance, force est de constater que, comme le fait valoir la Commission, elle ne formule que de vagues allégations, qui ne sont étayées par aucun élément de preuve. Par ailleurs, la requérante ne tente même pas d’expliquer le lien entre ces allégations et la décision attaquée.

128    Troisièmement, s’agissant des échanges que la requérante produit devant le Tribunal pour montrer qu’elle a déposé une plainte auprès de l’auditorat du travail du tribunal du travail francophone de Bruxelles (Belgique), il importe de noter que la requérante ne précise pas contre qui cette plainte a été déposée, en quoi la simple existence de cette plainte peut appuyer son recours ni quel peut être le lien entre cette plainte, d’une part, et la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation, d’autre part.

129    Quatrièmement, l’argument tiré de saisies sur le salaire de la requérante est dénué de pertinence. En effet, la Commission a expliqué, sans être contredite, que, entre les mois de décembre 2017 et de juin 2020, des saisies ont bien été effectuées sur le salaire de la requérante en raison d’une décision de saisie sur salaire notifiée à la Commission par un huissier de justice belge et a produit une note de l’Office de gestion et de liquidation des droits individuels (PMO) récapitulant les saisies effectuées sur son salaire.

130    Cinquièmement, il ressort de la jurisprudence que ce n’est que par exception qu’un moyen tiré d’un prétendu harcèlement peut être invoqué dans le cadre du contrôle de la légalité d’un acte faisant grief à un fonctionnaire, à savoir s’il apparaît qu’un lien existe entre le harcèlement allégué et les motifs de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 96, et du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑27/18 RENV, non publié, EU:T:2019:621, point 148 et jurisprudence citée). En l’espèce, la requérante n’a prouvé ni la matérialité des faits de harcèlement allégués ni leur lien avec la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation.

131    Les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la cinquième branche du second moyen doivent donc être rejetés.

b)      Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’une violation du délai raisonnable mentionné à l’article 41 de la Charte

132    La requérante soutient que la procédure administrative et disciplinaire a excédé un délai raisonnable, en violation de l’article 41 de la Charte, sans qu’il existe de circonstances particulières justifiant ce délai excessif.

133    À cet égard, il importe de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162).

134    Selon une jurisprudence constante, il découle du principe de bonne administration que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent (voir arrêt du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, EU:T:2004:180, points 47 et 48 et jurisprudence citée).

135    Ainsi, la durée déraisonnable d’une procédure disciplinaire peut résulter tant de la conduite des enquêtes administratives préalables que de la procédure disciplinaire en tant que telle. La période à prendre en considération pour évaluer le caractère raisonnable de la durée d’une procédure disciplinaire n’est pas uniquement celle qui commence à partir de la décision d’ouvrir ladite procédure. La question de savoir si la procédure disciplinaire, une fois ouverte, a été conduite avec la diligence requise, sera influencée par la circonstance qu’une période plus ou moins longue se sera écoulée entre la survenance de la prétendue infraction disciplinaire et la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire (arrêt du 13 octobre 2021, IB/EUIPO, T‑22/20, EU:T:2021:689, point 87).

136    Le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement de la partie requérante et de celui des autorités compétentes (voir arrêt du 24 novembre 2021, CX/Commission, T‑743/16 RENV II, non publié, EU:T:2021:824, point 394 et jurisprudence citée).

137    Aucun facteur particulier n’est déterminant. Il convient d’examiner chacun d’eux de manière séparée, puis d’évaluer leur effet cumulatif. Certains exemples de retard imputables à l’AIPN peuvent ne pas paraître déraisonnables s’ils sont considérés isolément, mais l’être s’ils le sont ensemble. Les exigences en matière de diligence procédurale ne vont cependant pas au-delà de celles qui sont compatibles avec le principe de bonne administration (arrêt du 24 novembre 2021, CX/Commission, T‑743/16 RENV II, non publié, EU:T:2021:824, point 395).

138    Lorsque, en raison de décisions prises par l’AIPN, une procédure a dépassé ce que l’on considérerait normalement comme une durée raisonnable, c’est à cette autorité qu’il incombe d’établir l’existence de circonstances particulières de nature à justifier ce dépassement (voir arrêt du 24 novembre 2021, CX/Commission, T‑743/16 RENV II, non publié, EU:T:2021:824, point 396 et jurisprudence citée).

139    À la lumière de ces principes, il convient de vérifier si la procédure disciplinaire concernant la requérante a été conduite dans un délai raisonnable. Cela implique, en premier lieu, de rappeler les principaux événements ayant conduit à son ouverture, ainsi que ses principales étapes, avant d’examiner, en second lieu, si la durée objectivement constatée peut être considérée comme raisonnable.

140    En l’espèce, tout d’abord il importe de préciser que la procédure a duré un peu moins de six ans à compter de l’ouverture de la procédure CMS 13/031, en mai 2013, et jusqu’à l’adoption de la décision attaquée, en avril 2019. En effet, il importe de noter qu’un premier mandat a été donné à l’IDOC en mai 2013 et un mandat complémentaire a été donné l’année suivante, en mai 2014, pour entendre la requérante sur les nouveaux éléments du dossier (voir points 6 et 11 ci-dessus). Sur la base de ce dernier mandat, la requérante a été entendue en novembre 2014 (voir point 11 ci-dessus). Les auditions du chef de secteur et du chef d’unité ont eu lieu, respectivement, le 12 décembre 2014 et le 28 janvier 2015 (voir points 12 et 14 ci-dessus). Ensuite, la requérante a eu la possibilité de transmettre des observations supplémentaires. De plus, tout au long de la procédure, la requérante et un représentant du personnel qui l’assistait ont adressé de nombreuses notes au vice-président de la Commission, à l’AIPN, à la direction « Sécurité » et à l’IDOC. À la suite de cette première procédure, l’AIPN a décidé, le 1er juillet 2016, de porter le dossier CMS 13/031 devant le conseil de discipline et la requérante devait y être entendue le 21 mars 2017. Toutefois, l’AIPN a décidé de clore le dossier CMS 13/031 et d’ouvrir, le 21 mars 2017, un nouveau dossier sous la référence CMS 17/011, à la suite du prononcé de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74).

141    L’ouverture d’une nouvelle procédure a certainement contribué à prolonger la procédure disciplinaire. Cependant, une telle ouverture a été décidée dans l’intérêt d’une bonne administration et, plus particulièrement, pour garantir davantage le respect des droits de la défense de la requérante. En effet, dans le dossier CMS 13/031, une enquête administrative n’avait pas été finalisée. Or, à la lumière de l’arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission (T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74), la légalité d’une décision infligeant une sanction sans que la procédure disciplinaire ait été précédée d’une enquête administrative pouvait être mise en doute. Il importe également de noter que, une fois qu’elle a reçu le rapport d’enquête dans le cadre de la procédure CMS 17/011, l’AIPN a décidé de ne pas saisir le conseil de discipline, précisément afin de ne pas rallonger la procédure en cause. En effet, ainsi que cela a été précisé par la Commission lors de l’audience, la circonstance que plusieurs membres d’un conseil de discipline participent à l’adoption d’une décision de sanction aurait pu contribuer à retarder la clôture de la procédure disciplinaire.

142    Ainsi, il y a lieu de considérer que, eu égard aux faits pris en compte, aux auditions effectuées, aux observations présentées par la requérante et par le représentant du personnel qui l’assistait ainsi qu’aux explications fournies pour justifier l’ouverture d’une nouvelle procédure administrative, la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée s’est, en l’espèce, déroulée globalement dans un délai qui ne saurait être considéré comme déraisonnable.

143    En outre, en ce qui concerne la question du délai qui s’est écoulé entre les faits reprochés à la requérante et la date d’adoption de la décision attaquée, il y a lieu d’observer que la sanction a été infligée non seulement en raison des faits qui ont eu lieu avant 2014, mais également en raison de faits plus récents, commis au cours de la période 2014-2017 et susceptibles de démontrer le maintien d’une conduite fautive de la requérante. Ainsi, il y a lieu de conclure que le délai, globalement analysé, ne peut pas être considéré comme déraisonnable.

144    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, puisque, dans le rapport disciplinaire, il avait été conclu que plusieurs faits ne pouvaient pas être considérés comme une violation du statut, la durée excessive de la procédure était injustifiée, il convient, à l’instar de la Commission, de souligner que la possibilité que tous les faits établis par l’IDOC au cours de son enquête ne soient pas considérés par l’AIPN comme des violations des règles du statut de nature à justifier une sanction à la fin de la procédure est inhérente aux procédures disciplinaires. Cependant, cela ne saurait démontrer que la durée de la procédure a été déraisonnable ou disproportionnée.

145    De plus et en tout état de cause, selon une jurisprudence constante, la violation du principe de bonne administration ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. Ce n’est que lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir eu une incidence sur les droits de la défense de la personne concernée et, ainsi, d’affecter le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative que le non-respect du principe du délai raisonnable affecte la validité de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2017, Azoulay e.a./Parlement, T‑580/16, EU:T:2017:291, point 60, et du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 104).

146    En l’espèce, la durée de la procédure disciplinaire, même à la supposer excessive, ne saurait affecter le contenu de la décision attaquée. En effet, d’une part, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que la requérante a eu la possibilité de s’exprimer sur la matérialité des faits à la base de la sanction durant toute la procédure, ce qu’elle n’a pas contesté. D’autre part, la requérante ne démontre pas en quoi le temps écoulé a eu le moindre effet sur ses droits de la défense, étant donné qu’il ressort du dossier qu’elle a pu commenter et s’exprimer sur tous les faits pris en compte dans la décision attaquée y compris les faits les plus anciens et que, comme il sera précisé au point 157 ci-dessous, son argumentation visant à faire valoir que les faits se sont produits « dans un passé lointain » et qu’il est difficile pour elle-même ou ses témoins de s’en souvenir ne saurait prospérer.

147    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante soulevé dans la réplique et visant à insister sur la circonstance que l’enquête la concernant a eu une durée disproportionnée, qui semble fondé, premièrement, sur une jurisprudence selon laquelle « le délai raisonnable […] comprend à la fois la phase administrative devant l’AIPN et la phase de contrôle juridictionnel […] » et, deuxièmement, sur la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et notamment l’article 6, paragraphe 1, de cette convention, il importe d’observer ce qui suit.

148    D’une part, la Commission n’étant pas une juridiction, elle ne saurait être tenue responsable du temps requis par une procédure juridictionnelle.

149    D’autre part, s’agissant de la référence à l’existence d’une prétendue jurisprudence de l’Union selon laquelle pour vérifier le suivi du respect du délai raisonnable, il faut additionner la phase administrative devant l’AIPN et la phase de contrôle juridictionnel, il importe de constater que la requérante ne précise pas à quelle jurisprudence elle fait référence. S’agissant des références à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de la citation de la jurisprudence de la Cour des droits de l’homme contenue aux points 49 à 53 de la réplique, il ne ressort pas desdites références ni de ladite jurisprudence que le fait que la période comprenant à la fois la phase administrative devant l’AIPN et la phase juridictionnelle devant le juge dépasse le délai raisonnable doit aboutir à l’annulation de l’acte contesté dans le cadre de cette procédure juridictionnelle.

150    La deuxième branche du second moyen, tirée d’une violation du délai raisonnable mentionné à l’article 41 de la Charte, doit donc être rejetée.

c)      Sur la troisième branche du second moyen, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique 

151    La requérante affirme avoir dû préparer sa défense concernant des faits dont elle ne savait pas s’ils étaient couverts par le mandat donné à l’IDOC et concernant des faits qui s’étaient produits « dans un passé lointain ». Elle soutient en outre qu’il est difficile pour des témoins de se remémorer des faits passés et que des documents sont susceptibles d’avoir disparu.

152    Dans la réplique, la requérante fait valoir que la décision attaquée a été adoptée en violation du principe de sécurité juridique au motif que l’enquête en cause a été ouverte en 2013 et que la question n’est pas encore tranchée en 2021 par une décision ayant l’autorité de la chose jugée.

153    À cet égard, il importe de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui a pour corollaire celui de protection de la confiance légitime, exige, selon une jurisprudence constante, qu’une législation entraînant des conséquences défavorables à l’égard des particuliers soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 80 et jurisprudence citée).

154    Interrogée lors de l’audience, la requérante n’a pas apporté davantage de précisions sur ce qu’elle entend faire valoir lorsqu’elle affirme que le principe de sécurité juridique a été violé.

155    À supposer qu’elle entende faire valoir qu’une violation du principe de sécurité juridique résulte de l’absence d’un délai de prescription pour l’ouverture d’une enquête à son égard et du fait que cette absence de délai de prescription a permis à l’administration de prendre en compte des faits qui seraient trop anciens, il importe d’observer ce qui suit.

156    Ainsi que cela a été précisé aux points 83, 133 à 138 et 145 ci-dessus, lorsque la législation ne prévoit pas un délai de prescription, c’est le principe du délai raisonnable qui s’applique. Or, il ressort des points 82 à 84 et des points 140 à 144 ci-dessus que ce principe n’a pas été méconnu en l’espèce tant en ce qui concerne l’ouverture de l’enquête administrative qu’en ce qui concerne la procédure disciplinaire prise dans sa globalité.

157    Enfin, s’agissant des arguments de la requérante tirés de ce que l’absence de prescription des faits à charge pris en compte a rendu difficile sa défense, au motif que des témoins et des documents seraient « susceptibles d’avoir disparu » et que le temps qui passe rend plus difficile, pour les personnes concernées, de se remémorer les faits, il convient de constater que la requérante ne précise pas de quels faits particuliers, parmi ceux mentionnés dans la décision de sanction, les témoins ou elle-même auraient des difficultés à se souvenir. Elle ne précise pas davantage qui sont les témoins qui ne pourraient plus être utilement sollicités ou quels documents seraient « susceptibles d’avoir disparu ». Ainsi, les arguments de la requérante, qui ne sont pas étayés, doivent être rejetés.

158    La troisième branche du second moyen, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique, doit donc être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche du second moyen, tirée du nonrespect de l’obligation de s’assurer que les faits sont établis

159    La requérante soutient, en substance, que l’AIPN a manqué à l’obligation d’établir les faits. Elle allègue l’absence de matérialité des faits invoqués dans la décision attaquée.  

160    Tout d’abord, il convient de rappeler que la légalité de toute sanction disciplinaire présuppose que la réalité des faits reprochés à l’intéressé soit établie (voir arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, EU:T:2019:371, point 122 et jurisprudence citée).

161    En outre, il y a lieu de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que le juge de l’Union exerce un contrôle entier sur la matérialité des faits (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 70 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 38).

162    En l’espèce, les griefs retenus par l’AIPN à l’encontre de la requérante dans la décision attaquée peuvent être résumés comme suit :

« [La requérante a régulièrement envoyé des messages à ses interlocuteurs au ton particulièrement agressif dans le cadre du travail, y compris au directeur de l’IDOC. Par ailleurs, [la requérante] a envoyé des messages insistant sur la couleur de peau, la religion ou le lien statutaire de collègues, sans toutefois employer de propos injurieux à cette occasion. De façon globale, cette [manière] de communiquer ne correspond pas au comportement attendu d’un fonctionnaire européen. […]

[La requérante] a, de façon répétée, refusé d’exécuter des instructions de travail normales. Par ailleurs, à plusieurs reprises, elle n’a pas informé son chef d’unité de ses absences pour maladie et a essayé de contourner les règles en vigueur concernant la justification des absences ou le flexitime, en utilisant divers prétextes pour justifier son absence du bureau. Pris ensemble, les faits révèlent un comportement répétitif consistant à faire passer son propre intérêt et sa propre interprétation des règles avant l’intérêt du service.

[…] Les nombreux exemples documentés par l’enquête montrent au contraire que [la requérante] a régulièrement exprimé ses désaccords de manière brusque et peu respectueuse, a contesté de façon régulière des instructions normales et a réagi de façon virulente quand elle a été rappelée à l’ordre. »

163    L’AIPN a considéré que le comportement de la requérante, pris dans son ensemble, constituait une violation des articles 12 et 21 du statut. Après avoir pris en compte tous les éléments de l’affaire, sur la base des critères énumérés à l’article 10 de l’annexe IX du statut, l’AIPN a décidé d’infliger une sanction disciplinaire de blâme à la requérante.

164    Premièrement, il convient de noter que, pour contester la décision attaquée, la requérante fait valoir que les incidents invoqués à charge ne sont pas pertinents, que l’enquête a été menée de façon partiale et qu’elle a été soumise à un espionnage inconcevable de la part de l’IDOC. Or de telles allégations non étayées s’avèrent insuffisantes pour démontrer que les faits n’ont pas été correctement établis.

165    Deuxièmement, à l’instar de la Commission, il importe d’observer que la requérante fait référence uniquement à une partie des faits sur lesquels repose la décision attaquée, à savoir le « refus de participer à des réunions d’unité – refus de travailler – quatre faits » évoqués dans le rapport disciplinaire.

166    Or, il y a lieu de constater que les faits retenus à l’encontre de la requérante ont été considérés comme établis sur la base d’éléments de preuve décrits dans le rapport disciplinaire, en prenant pour référence le rapport d’enquête de l’IDOC du 12 avril 2018, joint à ce rapport, éléments dont la requérante n’a pas valablement remis en cause la matérialité.

167    Il ressort en outre du document produit par la Commission comportant les éléments de preuve, qui étaient joints au rapport d’enquête de l’IDOC, lui-même joint au rapport disciplinaire, que ces faits ont été amplement établis. Par ailleurs, dans le cadre de leurs observations ou de leurs auditions, la requérante et le représentant du personnel qui l’assistait n’ont pas nié les faits retenus dans la décision attaquée et n’ont pas davantage apporté la preuve de leur caractère inexact. En effet, ils ont cherché notamment à soutenir que le comportement de la requérante était justifié au motif qu’il s’agissait d’une réaction au contexte de travail dans lequel elle exerçait ses fonctions.

168    Enfin, l’allégation de la requérante visant à soutenir que son comportement était justifié par le contexte dans lequel elle exerçait ses fonctions ne peut davantage prospérer. En effet, la requérante se fonde sur les arguments tirés d’un harcèlement dont elle aurait été victime, qui ont été rejetés par le Tribunal.

169    Les arguments de la requérante tirés de l’absence de matérialité des faits invoqués dans la décision attaquée doivent donc être rejetés, ainsi que, par voie de conséquence, le second moyen et les conclusions en annulation dans leur ensemble.

B.      Sur les conclusions en indemnité

170    La requérante soutient que les irrégularités qui ont prétendument affecté la procédure disciplinaire et le blocage de sa carrière lui ont causé un préjudice moral et un préjudice matériel. Selon les précisions fournies lors de l’audience, elle demande 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et 3 500 euros en réparation de son préjudice matériel.

171    Dans la réplique, la requérante indique que, même à supposer que le Tribunal n’annule pas la décision attaquée, elle aurait, en tout état de cause, droit à une indemnisation pour le préjudice découlant du fait que l’enquête disciplinaire en cause a duré trop longtemps et que le délai raisonnable pour sa clôture n’a pas été respecté.

172    La Commission conclut au rejet de la demande de la requérante de se voir accorder une indemnité.

173    À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions indemnitaires présentées conjointement à des conclusions en annulation non fondées sont elles-mêmes non fondées en droit si elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation (voir arrêt du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, EU:T:2003:254, point 43 et jurisprudence citée).

174    En outre, il ressort de la jurisprudence que, dans le système de voies de recours prévu par les articles 90 et 91 du statut, des conclusions indemnitaires ne sont recevables que si elles ont été précédées d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette exigence n’est pas applicable lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et un recours en indemnité, ce dernier étant alors recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, A/Commission, T‑595/11 P, EU:T:2012:694, points 110 à 113).

175    En l’espèce, les conclusions indemnitaires de la requérante, présentées conjointement aux conclusions en annulation, reposent sur l’illégalité de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation, à l’exception de la conclusion relative au blocage de sa carrière et, pour partie, de celle relative au non-respect du délai raisonnable en ce qui concerne l’enquête disciplinaire.

176    Ainsi, les conclusions en annulation devant être rejetées, les conclusions indemnitaires étroitement liées à ces dernières doivent, par voie de conséquence, être rejetées également. En outre, le Tribunal ayant constaté, au point 142 ci-dessus, l’absence de caractère déraisonnable de la durée de l’enquête disciplinaire menée à l’encontre de la requérante, sa demande tendant à la réparation du préjudice résultant de la prétendue durée excessive de cette enquête ne peut qu’être rejetée.

177    Quant à l’allégation tirée d’un prétendu préjudice matériel résultant d’un blocage de sa carrière, elle est irrecevable. En effet, il n’existe aucun lien direct entre, d’une part, la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation, dont le seul but est d’infliger un blâme à la requérante, sans avoir aucun effet sur l’évolution de sa carrière, et, d’autre part, ce prétendu blocage de la carrière de l’intéressée. Ainsi, la demande tendant à la réparation dudit préjudice aurait dû être précédée par une procédure précontentieuse distincte, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

178    En tout état de cause, les préjudices moral et matériel allégués par la requérante ne sont étayés par aucun élément de preuve.

179    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation de la requérante dans son intégralité.

C.      Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction

180    Premièrement, la requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire tous les documents pertinents en l’espèce et concernant des rapports établis à son égard et à l’encontre de son chef d’unité à l’époque des faits, de sa collègue et de son chef de secteur avant le début de la procédure disciplinaire pertinente, ainsi que de produire tous les documents afférents à l’ouverture et à la conduite de cette procédure disciplinaire, y compris les communications internes de l’IDOC, afin d’établir les informations pertinentes dont l’IDOC a tenu compte et la manière dont il a été procédé à l’enquête.

181    Deuxièmement, elle demande à être citée en tant que témoin et de citer également en tant que témoin la directrice générale de la DG « Ressources humaines » en qualité d’AIPN,  la directrice de l’IDOC, son chef d’unité et sa collègue de bureau, « afin de déterminer les informations pertinentes qui ont été prises en considération par l’IDOC et la manière dont il a été procédé à l’enquête ».

182    La Commission observe que la requérante ne justifie pas la pertinence des mesures demandées et souligne que cette dernière dispose déjà du rapport d’enquête et des rapports disciplinaires.

183    À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient au Tribunal de décider de la nécessité de faire usage de son pouvoir d’adopter des mesures d’organisation de la procédure ou des mesures d’instruction afin de compléter les éléments d’information dont il dispose, étant entendu que le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 163, et du 11 juin 2015, EMA/Commission, C‑100/14 P, non publié, EU:C:2015:382, point 80).

184    En l’espèce, la requérante n’a pas expliqué en quoi la communication des documents susmentionnés était indispensable, alors que, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit, non seulement identifier les documents sollicités, mais aussi fournir au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 93, et du 18 janvier 2005, Entorn/Commission, T‑141/01, EU:T:2005:10, point 132). Il en va de même s’agissant des citations de témoins demandées. En effet, la simple indication que lesdites citations permettraient de déterminer les informations pertinentes qui ont été prises en considération par l’IDOC et la manière dont il a été procédé à l’enquête ne s’avère pas suffisante, eu égard aux nombreuses informations que le Tribunal détient déjà et qui lui ont permis de se prononcer utilement sur les moyens et les conclusions de la requérante.

185    Il n’y a, par conséquent, pas lieu de faire droit aux demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction formulées par la requérante.

IV.    Sur les dépens

186    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      WT est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

 Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Observations liminaires

2. Sur le premier moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

a) Sur la première branche du premier moyen, concernant la procédure d’enquête ouverte en 2013 sous la référence CMS 13/031, et sur la troisième branche du premier moyen, concernant le champ d’application matériel et temporel de l’enquête administrative enregistrée sous la référence CMS 17/011, ainsi que le droit d’être entendue de la requérante au cours de cette enquête

b) Sur la deuxième branche du premier moyen, visant à contester le traitement de ses demandes d’assistance et de réaffectation à un autre poste

c) Sur la quatrième branche du premier moyen, concernant la décision attaquée et la décision de rejet de la réclamation

1) Sur la violation alléguée du droit d’être entendue lors de l’adoption de la décision portant rejet de la réclamation

2) Sur la prétendue absence d’indépendance de l’AIPN

3) Sur la violation alléguée de l’obligation de motivation

3. Sur le second moyen, tiré de la violation du délai raisonnable mentionné à l’article 41 de la Charte, du principe de sécurité juridique et de l’article 12 bis du statut concernant l’interdiction de harcèlement ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation

a) Sur la première branche du second moyen, tirée d’un harcèlement moral commis par l’IDOC, et sur la cinquième branche du second moyen, tirée d’un harcèlement dont aurait été victime la requérante de la part de ses collègues de travail

b) Sur la deuxième branche du second moyen, tirée d’une violation du délai raisonnable mentionné à l’article 41 de la Charte

c) Sur la troisième branche du second moyen, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique

d) Sur la quatrième branche du second moyen, tirée du nonrespect de l’obligation de s’assurer que les faits sont établis

B. Sur les conclusions en indemnité

C. Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.