Language of document : ECLI:EU:T:2019:739

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

10 octobre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque verbale de l’Union européenne DUNGEONS – Marque antérieure verbale de l’Union européenne DUNGEONS & DRAGONS – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑700/18,

Kalypso Media Group GmbH, établie à Worms (Allemagne), représentée par Me T. Boddien, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme G. Sakalaité-Orlovskiené, MM. A. Folliard-Monguiral et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Wizards of the Coast LLC, établie à Pawtucket, Rhode Island (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 21 septembre 2018 (affaire R 599/2018‑4), relative à une procédure d’opposition entre Wizards of the Coast et Kalypso Media Group,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et R. da Silva Passos, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 novembre 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2019,

à la suite de l’audience du 27 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 septembre 2014, la requérante, Kalypso Media Group GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal DUNGEONS.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 28 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels et programmes informatiques de traitement de données, en particulier logiciels de jeux informatiques, logiciels pour faire des jeux ; programmes de jeux électroniques téléchargeables ; supports de données électroniques et exploitables par une machine » ;

–        classe 28 : « Jeux, y compris les jeux pour les salons de jeux et les jeux électroniques ainsi que les jeux actionnés par des pièces ; jeux de cartes ; jouets ; figurines (jouets) ; maquettes (jouets) » ;

–        classe 41 : « Mise à disposition de jeux informatiques en ligne et services de publication en ligne ; organisation de jeux sur l’internet ; services d’informations en ligne concernant des jeux informatiques et des extensions informatiques pour jeux ; édition et publication de produits de l’imprimerie, publications de textes et en ligne, exclusivement en relation avec les jeux informatiques ; services de photographe et composition photographique pour le compte de tiers ; mise en page (excepté à usage publicitaire) ; production d’animations, enregistrements audio, enregistrements musicaux et vidéo ; divertissement, exclusivement en relation avec les jeux informatiques ; fourniture de vidéos téléchargeables en ligne et de musique numérique sur Internet ; traduction et interprétation ; aucun des services précités n’étant en relation avec la mise à disposition et l’exploitation d’attractions pour les visiteurs, de divertissement public ou d’hôtels et/ou de structures d’hébergement ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 206/2014 du 3 novembre 2014.

5        Le 3 février 2015, Wizards of the Coast LLC a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.  

6        L’opposition était fondée, notamment, sur les marques verbales antérieures de l’Union européenne DUNGEONS & DRAGONS, enregistrées respectivement le 22 novembre 2009 et le 11 juillet 2013 sous les numéros 8 206 336 et 11 620 391 (ci-après, respectivement, la « marque antérieure numéro 8206336 » et la « marque antérieure numéro 11620391 »).

7        Les produits et les services visés par la marque antérieure numéro 8206336 relèvent des classes 9, 28 et 41 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs ; logiciels de divertissement interactifs, à savoir, logiciels de jeux informatiques, programmes de jeux informatiques, cartouches de jeux informatiques, disques de jeux informatiques ; programmes de jeux multimédias interactifs ; logiciels téléchargeables à utiliser en rapport avec des ordinateurs, des dispositifs de jeux portables, des dispositifs de jeux sur console, des dispositifs de communications et des téléphones mobiles ; logiciels de jeux vidéo, programmes de jeux vidéo, cartouches de jeux vidéo, disques de jeux vidéo, tous à utiliser en rapport avec des ordinateurs, des dispositifs de jeux portables, des dispositifs de jeux sur console, des dispositifs de communications et des téléphones mobiles ; terminaux de loterie vidéo » ;

–        classe 28 : « Jeux, jouets ; machines de jeux, y compris machines à sous » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ».

8        Les produits et les services visés par la marque antérieure numéro 11620391 relèvent des classes 9 et 41 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Livres et publications électroniques téléchargeables » ; 

–        classe 41 : « Publication en ligne de livres et revues électroniques ».

9        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

10      Le 30 janvier 2018, la division d’opposition a, sur le fondement des deux marques antérieures mentionnées au point 6 ci-dessus, accueilli l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et les services visés par cette dernière, au motif qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. C’est ainsi que, sans examiner le motif d’opposition fondé sur l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, elle a rejeté, dans son intégralité, la demande de marque de l’Union européenne.

11      Le 3 avril 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 21 septembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours dans son intégralité. À titre liminaire, au point 10 de la décision attaquée, elle a indiqué que le recours de la requérante ne serait examiné qu’au regard de la marque antérieure numéro 8206336. À titre principal, premièrement, au point 12 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, ladite marque antérieure étant une marque de l’Union européenne, le territoire pertinent pour apprécier le risque de confusion était celui de l’Union européenne et de tous ses États membres. Deuxièmement, au point 14 de la décision attaquée, elle a entériné les conclusions de la division d’opposition relatives à l’identité ou à la similitude des produits et des services visés par les signes en conflit. Troisièmement, aux points 18 à 21 de la décision attaquée, elle a procédé à la comparaison des signes en conflit. À cet égard, elle a notamment estimé que, sur les plans visuel et phonétique, leur degré de similitude était « supérieur à la moyenne ». Sur le plan conceptuel, elle a considéré que les signes en conflit étaient similaires à « un degré moyen » pour le public anglophone, sur la base de la signification retenue par la division d’opposition, à savoir que, selon le dictionnaire Collins, le concept véhiculé par le mot commun auxdits signes, « dungeon », est celui de « prison sombre et souterraine d’un château ». Quatrièmement, aux points 27 à 29 de la décision attaquée, elle a indiqué que le public pertinent à l’égard duquel le risque de confusion devait être apprécié était composé de consommateurs moyens de l’Union faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. Cinquièmement, après avoir précisé, aux points 22 et 32 de la décision attaquée, que, pour le public pertinent, la marque antérieure numéro 8206336 ne faisait pas allusion aux produits et aux services compris dans les classes 9, 28 et 41, pour lesquels cette marque avait été enregistrée, elle a estimé, au point 36 de la décision attaquée, que ladite marque antérieure disposait d’un caractère distinctif intrinsèque normal. Au même point de la décision attaquée, elle a conclu qu’il existait, à tout le moins dans l’esprit de la partie anglophone du public pertinent, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour l’ensemble des produits et des services visés par la marque demandée. Enfin, ainsi qu’il est indiqué au point 38 de la décision attaquée, étant donné que l’opposition avait été accueillie sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours n’a pas examiné le motif de l’opposition fondé sur l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

 Conclusions des parties

13      Dans le cadre de son recours, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      Lors de l’audience, ainsi qu’il en a été pris acte dans le procès-verbal d’audience, la requérante a déclaré renoncer à ses conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les services de « mise en page (excepté à usage publicitaire) » et de « traduction et interprétation » relevant de la classe 41 visés par la marque demandée.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle fait valoir que, eu égard à la situation concrète qui existe sur le marché des produits et des services visés par les signes en conflit, la chambre de recours a apprécié de manière erronée le niveau d’attention du public pertinent, le caractère distinctif de la marque antérieure numéro 8206336 et le degré de similitude retenu entre les signes en conflit. La chambre de recours aurait donc conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion au sens de ladite disposition.

17      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques de l’Union européenne dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée]. 

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée]. En outre, il existe un risque de confusion lorsque, cumulativement, le degré de similitude des marques en cause et le degré de similitude des produits ou des services désignés par ces marques sont suffisamment élevés [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 45].

21      Enfin, lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

22      C’est à la lumière de ces considérations et au regard des arguments de la requérante qu’il y a lieu d’apprécier si la chambre de recours a, à juste titre, considéré que, s’agissant des signes en conflit, il existait, dans l’esprit du public pertinent, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Sur les produits et les services visés par les signes en conflit

23      S’agissant de la comparaison des produits et des services visés par les signes en conflit, la chambre de recours a, au point 14 de la décision attaquée, entériné les appréciations de la division d’opposition tout en précisant que lesdites appréciations n’avaient pas été contestées devant elle par la requérante.

24      À titre liminaire, il importe de noter que, au point 10 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé que, « conformément à la décision de la division d’opposition », le recours de la requérante ne serait examiné qu’au regard de la marque antérieure numéro 8206336. Cependant, contrairement à ce qui a été indiqué par la chambre de recours, la division d’opposition a, lors de la comparaison des produits et des services visés par les signes en conflit, pris en compte les deux marques antérieures mentionnées au point 6 ci-dessus.

25      En effet, dans sa décision (voir pages 4 et 5 de la décision d’opposition), résumée au point 5 de la décision attaquée, premièrement, la division d’opposition a estimé que les produits relevant des classes 9 et 28 visés par la marque demandée étaient identiques aux produits relevant des mêmes classes visés par la marque antérieure numéro 8206336. Deuxièmement, la division d’opposition a considéré que tous les services relevant de la classe 41 visés par la marque demandée, à l’exception des services de « mise en page (excepté à usage publicitaire) » et de « traduction et interprétation », étaient en partie identiques et en partie similaires aux services relevant de la même classe visés par la marque antérieure numéro 8206336. Troisièmement, elle a indiqué que les services de « mise en page (excepté à usage publicitaire) » et de « traduction et interprétation », relevant de la classe 41, visés par la marque demandée, présentaient un faible degré de similitude avec les services de « publication en ligne de livres et revues électroniques », relevant de la même classe, visés par la marque antérieure numéro 11620391.

26      Néanmoins, en l’espèce, il y a lieu de constater que, dans la mesure où, lors de l’audience, la requérante a déclaré renoncer à ses conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne les services de « mise en page (excepté à usage publicitaire) » et de « traduction et interprétation » relevant de la classe 41 visés par la marque demandée (voir point 14 ci-dessus), la légalité de la décision attaquée n’est plus contestée devant le Tribunal en ce qui concerne ces services.

27      Par conséquent, l’objet du litige devant le Tribunal a été limité en cours d’instance. Le Tribunal n’est donc plus saisi de la question de savoir si la chambre de recours pouvait conclure à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en se limitant à entériner des appréciations de la division d’opposition s’agissant de la seule marque antérieure numéro 8206336, sans explicitement vérifier si la condition tirée de l’existence d’une similitude entre les services relevant de la classe 41 cités au point 3 ci-dessus visés par la marque demandée et les produits et les services visés par la marque antérieure numéro 8206336 était remplie en l’espèce.

28      Par ailleurs, s’agissant des produits et des services visés par la marque demandée, relevant des classes 9, 28 et 41, à l’exception des services de « mise en page (excepté à usage publicitaire) » et de « traduction et interprétation », il convient de constater qu’il est constant qu’ils sont soit identiques soit similaires aux produits et aux services relevant des mêmes classes visés par la marque antérieure numéro 8206336.

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention 

29      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

30      Tout d’abord, aux points 27 à 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les produits en cause (jeux, logiciels informatiques et programmes informatiques) étaient des produits de consommation courante. Ensuite, elle a considéré que le marché des jeux ne présentait aucune « situation particulière » et que le cercle des consommateurs s’était élargi à tous les groupes d’âge, indépendamment du sexe et des connaissances spécifiques sur le secteur des jeux. En outre, elle a précisé que, la marque antérieure numéro 8 206 336 étant une marque de l’Union européenne, le public pertinent à l’égard duquel il convenait d’apprécier le risque de confusion était composé de consommateurs moyens de l’Union. Enfin, elle a conclu que les produits et les services en cause étaient destinés au grand public faisant preuve d’un niveau d’attention tout au plus moyen, au motif que les jeux étaient des produits « remplaçables, de faible valeur et au fort taux de rotation ».

31      La requérante soutient que la chambre de recours a estimé à tort que le niveau d’attention du public pertinent était « tout au plus moyen ». Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû considérer que, s’agissant des jeux et des jeux informatiques, le public pertinent faisait preuve d’un niveau d’attention élevé. À cet égard, premièrement, elle fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que lesdits produits sont des produits de « consommation courante ». En effet, la chambre de recours n’aurait pas suffisamment pris en compte les caractéristiques particulières du marché des jeux ou des jeux informatiques. Sur ce marché, il existerait des centaines, voire des milliers, de jeux et de jeux informatiques disponibles simultanément et dont le prix serait élevé. Par conséquent, l’achat de ces produits se fonderait sur la collecte préalable d’informations utiles, ce qui prouverait que les habitudes d’achat de jeux et de jeux informatiques diffèrent des habitudes d’achat de véritables produits de consommation courante. Les consommateurs se renseigneraient sur les forums Internet ou sur d’autres sources d’informations, en ligne ou non, sur les jeux ou les jeux informatiques à acheter. Deuxièmement, la requérante souligne qu’il est fréquent, dans le secteur en cause, que les noms de jeux provenant de développeurs différents ne se distinguent que légèrement, au motif que certains « sujets, thèmes ou styles de jeux sont très prisés et donc inclus dans les[dits] noms ». Ainsi, le public pertinent serait habitué à faire attention aux noms précis pour repérer un produit parmi la multitude de jeux similaires, ce qui impliquerait qu’il fasse preuve d’un niveau d’attention élevé. Troisièmement, la requérante affirme ne pas comprendre l’avis de la chambre de recours selon lequel les jeux et les jeux d’ordinateur sont des produits « remplaçables ».

32      En premier lieu, il convient de relever qu’il découle du libellé de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et de la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus que le public pertinent est celui du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Eu égard au fait que la marque antérieure numéro 8206336, prise en compte par la chambre de recours, est une marque de l’Union européenne, c’est à juste titre que, aux points 12 et 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, d’une part, que le territoire pertinent était celui de l’Union et, d’autre part, que, compte tenu des produits et des services en cause, le public pertinent était composé du « consommateur moyen » dudit territoire. D’ailleurs, ces constats ne sont pas contestés par les parties.

33      En second lieu, s’agissant des appréciations de la chambre de recours rappelées au point 30 ci-dessus et contestées par la requérante, selon lesquelles le niveau d’attention du public pertinent était « tout au plus moyen », il convient de procéder aux observations qui suivent.

34      À titre liminaire, dans la mesure où, ainsi que cela a été précisé au point 29 ci-dessus, le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause, il ressort de la jurisprudence que, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [arrêt du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI – Société de développement et de recherche industrielle (ERGO), T‑220/09, non publié, EU:T:2011:392, point 21]. Par conséquent, à supposer que les jeux et les jeux informatiques, visés par les marques en cause, s’adressent autant à un public spécialisé qu’au grand public, ce qui implique, en l’espèce, que le public pertinent fasse preuve d’un niveau d’attention moyen à élevé, il y a lieu de tenir compte, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, du public de l’Union normalement informé et raisonnablement attentif et avisé faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.

35      Premièrement, dans le cadre de la procédure d’opposition, il y a lieu de prendre en compte le libellé des produits visés par les marques en conflit, et non les produits effectivement commercialisés sous ces marques [voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Industrias Tomás Morcillo/EUIPO – Aucar Trailer (Polycart A Whole Cart Full of Benefits), T‑613/14, non publié, EU:T:2016:198, point 27 et jurisprudence citée]. En effet, les modalités particulières de commercialisation des produits ou des services en cause pouvant varier dans le temps et suivant la volonté du demandeur, elles ne sauraient être prises en compte aux fins de l’analyse prospective du risque de confusion. Ledit examen doit donc, en ce qui concerne les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement d’une marque est demandé, être effectué au regard du libellé de la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, tel qu’il figure dans la demande d’enregistrement ou, le cas échéant, tel qu’il a été limité dans la suite de la procédure (voir ordonnance du 14 avril 2016, KS Sports/EUIPO, C‑480/15 P, non publiée, EU:C:2016:266, point 57 et jurisprudence citée).

36      Deuxièmement, il importe de relever, à l’instar de la chambre de recours (voir points 27 à 29 de la décision attaquée) et de l’EUIPO, que les catégories « jeux » et « jeux informatiques » visent un nombre assez vaste de produits différents, qui ne sont pas des produits de luxe ou de niche réservés à un cercle restreint de personnes. Au contraire, lesdits produits s’avèrent disponibles tant en ligne qu’en libre-service, ils font l’objet d’une promotion importante sur différentes chaînes de télévision, selon la catégorie d’âge ciblée, leur prix est relativement peu élevé et des compétences ou des connaissances particulières ne sont pas indispensables ni requises pour leur achat. En d’autres termes, les jeux et les jeux informatiques sont facilement accessibles à tous, y compris aux personnes ne disposant pas de connaissances particulières, et peuvent, de ce fait, être assimilés à des produits de consommation courante, au motif que, comme l’a estimé à juste titre la chambre de recours, ils ne sont plus vendus sur un « marché ciblé », mais sur un « marché grand public ». L’argument de la requérante visant à soutenir qu’ils ne sont pas « achetés comme du café, un paquet de bonbons à la menthe ou un magazine » ne saurait infirmer la qualification desdits produits de produits de consommation courante.

37      Troisièmement, il convient d’admettre que, ainsi que le fait valoir la requérante, certains consommateurs de jeux et de jeux informatiques n’ont pas « tendance » à acheter spontanément ces produits et se fondent sur des recommandations ou des informations reçues préalablement à leur achat et peuvent ainsi faire preuve d’un niveau d’attention élevé. Cependant, compte tenu de l’accessibilité et de la diffusion desdits produits et services sur le marché ainsi que de la considération que des compétences ou des connaissances particulières ne sont pas indispensables ni requises pour procéder à leur achat, il ne saurait être exclu que des consommateurs ne disposant pas de telles connaissances ou compétences achètent lesdits produits. Tel peut, par exemple, être le cas de ceux qui achètent les jeux ou les jeux informatiques en cause pour offrir un cadeau à quelqu’un d’autre, ou encore de ceux qui procèdent audit achat pour découvrir de quoi il s’agit. De tels consommateurs font également partie du public pertinent, tout comme les consommateurs les plus avisés.

38      Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante visant à faire valoir que le public pertinent est habitué à faire attention pour repérer un produit donné parmi la multitude de jeux similaires, au motif que les noms de jeux de développeurs différents ne se distinguent que légèrement, étant donné que certains « sujets », « thèmes » ou « styles » de jeux sont très prisés, et donc souvent inclus dans le nom desdits jeux, force est de constater que la requérante ne démontre pas que ces jeux sont vendus sur le marché de l’Union ni que le public pertinent est capable de ne pas confondre les jeux provenant d’entreprises différentes.

39      Cinquièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, il convient d’observer que la chambre de recours a pris en compte les caractéristiques propres au marché des jeux et des jeux informatiques. En effet, elle a estimé, à juste titre, au point 29 de la décision attaquée, que le secteur de l’industrie des jeux vidéo et des jeux informatiques est passé d’un « marché ciblé » à un « marché grand public », au motif que les règles en matière de développement de jeux ont évolué, et que le cercle de clients pertinent s’est élargi à tous les groupes d’âge, indépendamment du sexe et des connaissances spécifiques sur le secteur des jeux. En outre, il y a lieu de relever que les jeux sont des produits « remplaçables », dont la valeur peut être faible et dont le taux de rotation est élevé, en ce sens que l’évolution continue, propre au secteur des jeux et des jeux informatiques, implique que les consommateurs remplacent fréquemment leurs produits et les services accessoires par de nouveaux produits et services proposés sur le marché. Cela s’explique également par le fait que certains jeux et les jeux informatiques peuvent avoir pour but d’être « terminés », impliquant de passer à une étape suivante et, par exemple, à un nouveau jeu.

40      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, si, comme l’affirme la requérante, une partie du public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention élevé, cela n’exclut pas que, eu égard à l’évolution du marché, les jeux et les jeux informatiques soient destinés également à des consommateurs faisant preuve d’un niveau d’attention « tout au plus moyen ».

41      Dès lors, dans la mesure où il convient d’apprécier l’existence d’un risque de confusion eu égard au public qui fait preuve du niveau d’attention le moins élevé (voir point 35 ci-dessus), c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours, s’agissant des jeux et des jeux informatiques, n’a pas fondé son appréciation de l’existence d’un risque de confusion sur les consommateurs faisant preuve d’un niveau d’attention élevé [voir arrêt du 30 mai 2013, Buzil-Werk Wagner/OHMI – Roca Sanitario (Roca), T‑115/12, non publié, EU:T:2013:285, point 46 et jurisprudence citée].

42      Le grief de la requérante visant à faire valoir que la chambre de recours aurait commis une erreur s’agissant de l’appréciation du niveau d’attention du public pertinent pour les jeux et les jeux informatiques doit donc être écarté.

43      S’agissant des produits et des services litigieux autres que les jeux et les jeux informatiques, relevant des classes 9, 28 et 41, il importe de noter que, ainsi que l’observe à juste titre l’EUIPO,  la requérante n’avance, dans son recours, aucun argument visant à remettre en cause les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles le niveau d’attention du public pertinent à leur égard est « tout au plus moyen ».

44      Ainsi, il y a lieu de considérer que, s’agissant des autres produits et services litigieux relevant des classes 9, 28 et 41, la chambre de recours a estimé à juste titre que le public pertinent était le même que celui des jeux et des jeux informatiques et faisait également preuve d’un niveau d’attention moyen.

 Sur la comparaison des signes

45      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée). Par ailleurs, il n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26).

46      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 59 et jurisprudence citée].

47      Selon une jurisprudence constante, un terme possédant une signification claire n’est considéré comme étant descriptif que s’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 24 février 2016, Tayto Group/OHMI – MIP Metro (REAL HAND COOKED), T‑816/14, non publié, EU:T:2016:93, point 63 et jurisprudence citée].

48      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir arrêt du 5 octobre 2016, Foodcare/EUIPO – Michalczewski (T.G.R. ENERGY DRINK), T‑456/15, EU:T:2016:597, point 37 et jurisprudence citée].

49      En l’espèce, les signes à comparer sont le signe verbal DUNGEONS pour la marque demandée et le signe verbal DUNGEONS & DRAGONS pour la marque antérieure numéro 8206336.

50      Ainsi que cela ressort des points 17 à 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne sur les plans visuel et phonétique et un degré moyen de similitude sur le plan conceptuel.

51      La requérante reconnaît que les marques prises en compte par la chambre de recours coïncident en ce qui concerne l’élément « dungeons ». Toutefois, selon la requérante, il n’existe qu’un « certain degré de similitude » entre lesdites marques, compte tenu de leur longueur différente.  

52      En premier lieu, même si la requérante soutient que les mots « dungeons » et « dragons » restent « très allusifs » au regard des produits tels que les jeux, les jeux informatiques et les produits et les services associés auxdits jeux, il y a lieu de constater que de tels arguments ne sont pas susceptibles de différencier le poids des éléments composant les signes en conflit et d’infirmer la conclusion quant à la similitude desdits signes découlant de la présence de l’élément unique de la marque demandée au sein des marques antérieures.

53      En deuxième lieu, il convient de constater que, comme l’a pertinemment souligné la chambre de recours, aux points 18 et 20 de la décision attaquée, le mot « dungeons » occupe la partie initiale des marques antérieures, susceptible, selon une jurisprudence constante, d’attirer davantage l’attention du consommateur, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique [voir arrêt du 13 octobre 2009, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑146/08, non publié, EU:T:2009:398, point 64 et jurisprudence citée].

54      En troisième lieu, aux points 18 et 19 de la décision attaquée, d’une part, la chambre de recours a à juste titre estimé que la comparaison technique du nombre de mots, d’éléments et de syllabes des marques en conflit ne permettait pas de neutraliser le fait que la marque demandée constituait l’intégralité du premier élément verbal (et donc le plus important) de la marque antérieure numéro 8206336. D’autre part, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que, sur le plan visuel, les mots « dragons » et « dungeons » commençaient tous deux par la lettre « d » et se terminaient par la succession des lettres « o », « n » et « s », se faisant ainsi écho sur le plan phonétique.

55      Au regard de ce qui précède et compte tenu du fait, premièrement, que, au sein de la marque antérieure numéro 8206336, il n’y a pas d’éléments moins distinctifs que d’autres, deuxièmement, que l’élément « dungeons » occupe une position susceptible d’attirer davantage l’attention du public pertinent et, troisièmement, que ledit élément est identique à l’unique élément qui compose la marque demandée, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a, aux points 18 à 20 de la décision attaquée, à l’instar de la division d’opposition, conclu, en substance, que les signes en conflit étaient fortement similaires sur les plans visuel et phonétique.

56      En outre, c’est également sans commettre d’erreur que, aux points 21 et 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, sur le plan conceptuel, les signes en conflit étaient moyennement similaires pour le public anglophone sur la base de la signification du terme « dungeons » retenue par la division d’opposition et rappelée au point 12 ci-dessus. Au demeurant, la requérante ne soulève aucun argument pour contester cette appréciation.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

57      Le caractère distinctif d’une marque, au sens du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc de distinguer ces produits et ces services de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée). Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport auxdits produits ou services et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, EU:C:2004:86, point 34 et jurisprudence citée).

58      Il a déjà été jugé que, à supposer même qu’une marque antérieure puisse être perçue comme une allusion à un terme renvoyant à des produits ou à des services qu’elle vise, il convient de reconnaître, dans le cadre d’une procédure d’opposition, que cette marque antérieure présente un caractère distinctif intrinsèque minimal du seul fait qu’elle a été enregistrée [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Red Lemon/EUIPO – Lidl Stiftung (ABTRONIC), T‑775/14, non publié, EU:T:2016:293, point 55].

59      En l’espèce, il importe de rappeler que, aux points 32 et 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé les appréciations de la division d’opposition selon lesquelles les termes « dungeons » et « dragons » n’étaient pas descriptifs et ne faisaient pas allusion aux produits et aux services en cause. Ensuite, au point 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la marque antérieure numéro 8206336 disposait d’un caractère distinctif intrinsèque normal.

60      La requérante soutient que la marque DUNGEONS & DRAGONS possède un caractère distinctif « nettement inférieur à la moyenne » et que l’étendue de la protection de celle-ci est relativement limitée, se fondant à cet égard sur les arguments rappelés au point 52 ci-dessus, à savoir notamment le caractère allusif desdits éléments et l’existence d’enregistrements de marques « parlantes », c’est-à-dire susceptibles d’indiquer des caractéristiques concrètes des produits et des services qu’elles visent.

61      Plus précisément, la requérante soutient que, si les mots « dungeons » et « dragons » ne présentent pas un caractère « purement » descriptif des produits et des services visés par les signes en conflit, ils restent tout de même « très allusifs », au motif qu’ils informent les consommateurs que les jeux, les jeux informatiques et les produits et les services associés constituent des jeux se déroulant dans des donjons où le joueur est amené à faire face à des dragons. Elle mentionne l’exemple d’un style de jeu de rôle couramment appelé « dungeon crawl », dans lequel des héros se fraient un chemin dans un environnement labyrinthique, en se battant contre divers monstres et en s’appropriant les trésors qu’ils peuvent trouver. Pour ce jeu, le mot « dungeons » désignerait l’environnement ou le lieu où le « crawling », à savoir l’avancée des héros, se déroule. Elle en déduit que les mots « dungeons » et « dragons » sont « parlants », en ce sens qu’ils indiquent des caractéristiques concrètes des produits et des services en cause.

62      De surcroît, la requérante estime avoir démontré que les thèmes des « donjons » et des « dragons » rencontrent un grand succès sur le marché des jeux et que les noms de très nombreux jeux évoquent ces thèmes. Elle indique qu’il existe une base de données qui contient une liste d’une « multitude » de jeux proposés sous des noms incluant les mots « dungeon » ou « dragon » avec ou sans la lettre « s » finale du pluriel et qu’elle a fourni des listes de marques de l’Union européenne enregistrées qui contiennent ce mot. L’existence de nombreux jeux liés à des marques similaires impliquerait que la marque invoquée à l’appui de l’opposition protège un nom figurant parmi de très nombreux autres noms similaires et, ainsi, dispose d’un caractère distinctif affaibli, à savoir nettement inférieur à la moyenne.

63      En premier lieu, il importe d’observer, à l’instar de la chambre de recours, au point 22 de la décision attaquée, que le fait qu’un jeu puisse se dérouler dans un donjon et impliquer des dragons n’est pas suffisant pour considérer que lesdits mots sont descriptifs d’une caractéristique propre, en général, aux produits et aux services en cause. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 35 ci-dessus, les produits et les services qu’il convient de prendre en compte sont ceux qui ont été désignés dans l’acte d’enregistrement des marques en cause, et non les produits effectivement commercialisés sous lesdites marques.

64      Ainsi, le seul fait que les jeux et les jeux informatiques puissent contenir des références à des « dungeons » (donjons) ou à des « dragons » dans leur contenu ou dans leur nom ne suffit pas pour considérer que les mots « dungeons » et « dragons » sont descriptifs des caractéristiques des jeux en tant que tels. De surcroît, la marque antérieure numéro 8206336 ne fait pas allusion aux produits et aux services que la requérante désigne comme « associés » aux jeux et aux jeux informatiques. En effet, comme le souligne pertinemment l’EUIPO, il serait déraisonnable de considérer que la marque DUNGEONS & DRAGONS fait allusion, par exemple, aux « cartouches de jeux informatiques » ou à d’autres produits ou services relevant des classes 9, 28 et 41 associés aux jeux et aux jeux informatiques.

65      Il s’ensuit que, compte tenu du libellé de la liste des produits couverts par la marque antérieure numéro 8206336, mentionné au point 7 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que l’argument de la requérante tiré de ce qu’il existait un style de jeu de rôle bien connu appelé « dungeon crawl », consistant en une progression dans un donjon, ne permettait pas de démontrer que le mot « dungeons » faisait en général allusion à une caractéristique propre aux jeux en tant que tels et était donc, de ce fait, faiblement distinctif, voire même descriptif.

66      En second lieu, il convient d’observer que, ainsi que le soutient, en substance, l’EUIPO, la requérante ne démontre pas que de nombreuses marques composées du terme « dungeons », ou contenant ce terme, ont été utilisées sur le segment de marché spécifique des jeux ou des jeux informatiques, ni que ces marques ont été utilisées pour les autres produits et services relevant des classes 9, 28 et 41 en cause en l’espèce. En effet, comme l’a estimé à juste titre la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, l’existence de plusieurs enregistrements de marques n’est pas particulièrement probante en soi, car cela ne reflète pas nécessairement la situation sur le marché. De plus, ainsi que le soutient l’EUIPO, les listes de noms de jeux ou de marques enregistrées dans l’Union présentées par la requérante ne contiennent pas d’indications concernant les caractéristiques des jeux visés ou le chiffre d’affaires obtenu par la vente desdits jeux, ni concernant la perception que les consommateurs de l’Union ont desdits noms de jeux ou des marques enregistrées dans l’Union.

67      Par ailleurs, il n’est pas démontré que le mot « dungeons » identifie l’objet, le type, la nature ou la destination desdits produits et services, ni que le public pertinent en perçoit immédiatement la signification sans autre réflexion comme désignant une caractéristique des produits et des services en cause [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 40].

68      Or, dans la mesure où aucun des arguments soulevés par la requérante pour démontrer que le caractère distinctif de la marque antérieure numéro 8206336 est faible n’a prospéré, il convient de considérer que, eu égard aux produits et aux services en cause et au public pertinent, ladite marque antérieure dispose d’un caractère distinctif à tout le moins normal.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

69      L’appréciation globale du risque de confusion dépend de nombreux facteurs dont, notamment, la connaissance de la marque sur le marché, l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, le degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou les services désignés (arrêt du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI, C‑206/04 P, EU:C:2006:194, point 17 ; voir, également, arrêt du 26 juillet 2017, Continental Reifen Deutschland/Compagnie générale des établissements Michelin, C‑84/16 P, non publié, EU:C:2017:596, point 95 et jurisprudence citée).

70      L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 44 et jurisprudence citée).

71      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 19).

72      La requérante considère que, malgré l’identité partielle des produits et des services en cause, la marque demandée « maintient la distance requise par rapport [à la marque] antérieur[e] ». Elle estime, en substance, que la prise en compte du caractère distinctif faible et du niveau d’attention élevé du public pertinent devait conduire la chambre de recours à exclure l’existence d’un risque de confusion.

73      En l’espèce, eu égard, premièrement, à l’identité et à la similitude des produits et des services litigieux visés par les signes en conflit (voir point 28 ci-dessus), deuxièmement, à la forte similitude sur les plans visuel et phonétique et à la similitude moyenne sur le plan conceptuel desdits signes (voir points 55 et 56 ci-dessus), troisièmement, au niveau d’attention moyen du public pertinent (voir point 44 ci-dessus) et, quatrièmement, au caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure numéro 8206336 (voir point 68 ci-dessus), la chambre de recours a conclu à bon droit, aux points 31 à 34 de la décision attaquée, qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, à tout le moins dans l’esprit de la partie anglophone du public pertinent.

74      À titre surabondant, il convient de rappeler que la Cour et le Tribunal ont itérativement jugé que la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêchait pas, en soi, de constater l’existence d’un risque de confusion. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément, parmi d’autres, intervenant dans cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, points 61 à 63 et jurisprudence citée, et ordonnance du 3 décembre 2018, Classic Media/EUIPO – Pirelli Tyre (CLASSIC DRIVER), T‑811/17, non publiée, EU:T:2018:894, point 30 et jurisprudence citée].

75      Ainsi, compte tenu des circonstances de l’espèce, même à supposer que la marque antérieure numéro 8206336 dispose, comme le fait valoir la requérante, d’un caractère distinctif intrinsèque faible en ce qui concerne, à tout le moins, les jeux et les jeux informatiques, cela ne suffirait pas pour remettre en cause la conclusion, exposée au point 73 ci-dessus, selon laquelle il existe un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en ce qui concerne les produits et les services litigieux visés par la marque demandée.

76      Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 134 du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Selon l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

78      En l’espèce, certes, la requérante a succombé en ses conclusions et l’EUIPO a conclu à sa condamnation aux dépens.

79      Toutefois, il importe de noter que, si la requérante a succombé intégralement et non partiellement en ses conclusions, cela résulte notamment de son attitude lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il est indiqué aux points 14 et 26 ci-dessus, lors de l’audience, elle a renoncé à ses conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée en ce que cette dernière concernait les services de « mise en page (excepté à l’usage publicitaire) » et de « traduction et interprétation » relevant de la classe 41 visés par la marque demandée. Une telle renonciation a permis d’éviter que, pour les circonstances expliquées aux points 23 à 25 ci-dessus, à savoir le fait que la chambre de recours n’avait pas pris en compte la marque antérieure numéro 11620391, dont les services avaient été considérés comme similaires aux services susmentionnés visés par la marque demandée, le Tribunal soit amené à constater l’illégalité de la décision attaquée en ce que cette dernière concernait lesdits services visés par la marque demandée et à renvoyer l’affaire aux instance de l’EUIPO pour ces seuls services.

80      Dans les circonstances particulières de la présente affaire, la requérante a ainsi adopté une attitude constructive et permis d’éviter que les autres parties à la procédure n’aient à supporter des frais liés à une possible annulation partielle de la décision attaquée.

81      Dans ces conditions, le Tribunal considère que l’équité exige que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie est condamnée à supporter ses propres dépens.

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.