Language of document : ECLI:EU:C:2018:876

Affaire C257/17

C
et
A

contre

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie

[demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State (Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Compétence de la Cour – Directive 2003/86/CE – Droit au regroupement familial – Article 15 – Refus d’octroi d’un titre de séjour autonome – Réglementation nationale prévoyant une obligation de réussir un examen d’intégration civique »

Sommaire – Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 7 novembre 2018

1.        Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Dispositions du droit de l’Union rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle à des situations ne relevant pas de leur champ d’application – Inclusion – Dispositions du droit de l’Union excluant expressément certaines situations de leur champ d’application – Absence d’incidence

(Art. 267 TFUE ; directive 2003/86 du Conseil, art. 3, § 3, et 15)

2.        Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Droit au regroupement familial – Directive 2003/86 – Entrée et séjour des membres de la famille – Droit de séjour autonome après cinq ans de résidence – Réglementation nationale permettant de rejeter une demande de titre de séjour autonome en cas d’absence de justification d’avoir réussi un examen d’intégration civique – Admissibilité – Condition – Proportionnalité

(Directive 2003/86 du Conseil, art. 15, § 1 et 4)

3.        Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’immigration – Droit au regroupement familial – Directive 2003/86 – Entrée et séjour des membres de la famille – Droit de séjour autonome après cinq ans de résidence – Délivrance du titre de séjour – Réglementation nationale ne permettant la délivrance qu’à partir de la date de l’introduction de la demande d’octroi de titre de séjour autonome – Admissibilité

(Directive 2003/86 du Conseil, art. 15, § 1 et 4)

1.      La Cour est compétente, au titre de l’article 267 TFUE, pour interpréter l’article 15 de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, dans des situations telles que celles en cause au principal, dans lesquelles la juridiction de renvoi est appelée à se prononcer sur l’octroi d’un titre de séjour autonome à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne qui n’a pas fait usage de son droit de libre circulation, lorsque cette disposition a été rendue applicable à de telles situations, de manière directe et inconditionnelle, par le droit national.

En effet, dans de telles situations, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2012, Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638, point 46, et du 22 mars 2018, Jacob et Lassus, C‑327/16 et C‑421/16, EU:C:2018:210, point 34).

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/86 exclut expressément les situations telles que celles en cause au principal du champ d’application de cette directive.

(voir points 32, 36, 44, disp. 1)

2.      L’article 15, paragraphes 1 et 4, de la directive 2003/86 ne s’oppose pas à une réglementation nationale permettant de rejeter une demande de titre de séjour autonome, introduite par un ressortissant d’un pays tiers ayant résidé plus de cinq ans sur le territoire d’un État membre au titre du regroupement familial, au motif qu’il n’a pas justifié avoir réussi un examen d’intégration civique portant sur la langue et la société de cet État membre, pour autant que les modalités concrètes de l’obligation de réussir cet examen ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de facilitation de l’intégration des ressortissants de pays tiers.

Il découle de la combinaison de ces deux dispositions que, si la délivrance d’un titre de séjour autonome constitue, en principe, un droit au terme d’un séjour de cinq ans sur le territoire d’un État membre au titre du regroupement familial, le législateur de l’Union a néanmoins autorisé les États membres à subordonner l’octroi d’un tel titre à certaines conditions qu’il leur appartient de définir.

Pour autant, l’octroi d’un titre autonome au terme de la période mentionnée à l’article 15, paragraphe 1, de cette directive étant la règle générale, la marge de manœuvre reconnue aux États membres par l’article 15, paragraphe 4, de ladite directive ne doit pas être utilisée par ceux-ci d’une manière qui porterait atteinte à l’objectif de cet article, qui est, ainsi que le souligne le considérant 15 de la même directive, de permettre aux membres de la famille du regroupant d’accéder à un statut indépendant de celui-ci, ainsi qu’à l’effet utile dudit article (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453, point 50).

Partant, les conditions supplémentaires auxquelles un État membre subordonne l’octroi d’un titre de séjour autonome ne sauraient être à ce point exigeantes qu’elles constitueraient un obstacle difficilement surmontable, empêchant, en pratique, les ressortissants de pays tiers mentionnés à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2003/86 d’obtenir normalement un tel titre au terme du délai visé à cette disposition (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453, point 59).

Cela suppose, en particulier, que les connaissances exigées pour réussir l’examen d’intégration civique correspondent à un niveau élémentaire, que la condition imposée par la réglementation nationale ne conduise pas à empêcher l’octroi d’un titre de séjour autonome aux ressortissants de pays tiers ayant apporté la preuve de leur volonté de réussir cet examen et des efforts déployés à cette fin, que les circonstances individuelles particulières soient dûment prises en considération et que les frais afférents audit examen ne soient pas excessifs (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453, points 54 à 70).

À cet égard, il importe notamment de souligner que des circonstances telles que l’âge, le niveau d’éducation, la situation financière ou l’état de santé des membres de la famille du regroupant concernés doivent pouvoir conduire les autorités compétentes à ne pas subordonner l’octroi d’un titre de séjour autonome à la réussite d’un examen d’intégration civique, lorsque, en raison de ces circonstances, il s’avère que ceux-ci ne sont pas en mesure de se présenter à cet examen ou de réussir celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, K et A, C‑153/14, EU:C:2015:453, point 58).

(voir points 48, 51, 52, 63-65, disp. 2)

3.      L’article 15, paragraphes 1 et 4, de la directive 2003/86 ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant que le titre de séjour autonome ne peut être délivré qu’à compter de la date de l’introduction de la demande y afférente.

(voir point 71, disp. 3)