Language of document : ECLI:EU:F:2009:21

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

10 mars 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Rémunération – Transfert d’une partie des émoluments en dehors du pays d’affectation – Article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut – Compte d’épargne-logement – Répétition de l’indu – Conditions – Irrégularité des transferts – Caractère évident de l’irrégularité »

Dans l’affaire F‑100/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Kyriakos Tsirimiagos, fonctionnaire du Comité des régions de l’Union européenne, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Me M.-A. Lucas, avocat,

partie requérante,

contre

Comité des régions de l’Union européenne, représenté par M. P. Cervilla, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel et H. Tagaras (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 octobre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 1er octobre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 octobre suivant), M. Tsirimiagos, fonctionnaire du Comité des régions de l’Union européenne (ci-après le « CDR »), demande en substance, d’une part, l’annulation de la décision du 21 novembre 2006 du CDR visant à récupérer, en application de l’article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, les montants qui lui ont été versés au titre du coefficient correcteur (ci-après le « CC ») sur la partie de ses émoluments transférée en France d’avril 2004 à mai 2005, montants s’élevant à 2 120,16 euros, d’autre part, l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision du 21 juin 2007 portant rejet de sa réclamation, dans la mesure où cette décision confirme la récupération pour un montant de 2 038,61 euros, et, enfin, la condamnation du CDR à lui rembourser la somme de 2 038,61 euros retenue sur sa rémunération.

 Cadre juridique

 Dispositions statutaires

2        L’article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») est rédigé comme suit :

« Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

La demande de répétition doit intervenir au plus tard au terme d’un délai de cinq ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Ce délai n’est pas opposable à l’autorité investie [du] pouvoir de nomination lorsque celle-ci est en mesure d’établir que l’intéressé a délibérément induit l’administration en erreur en vue d’obtenir le versement de la somme considérée. »

3        L’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut »), prévoyait :

« Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire peut :

a)      faire transférer régulièrement, par l’entremise de l’institution dont il relève, une partie de ses émoluments ne dépassant pas le montant qu’il perçoit au titre de l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation :

[…]

b)      faire effectuer des transferts réguliers dépassant le plafond indiqué [sous] a), in limine pour autant qu’ils soient destinés à couvrir des dépenses résultant notamment de charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer en dehors du pays du siège de son institution ou du pays où il exerce ses fonctions ;

[…] »

4        Sur la base de l’article 17 de l’annexe VII de l’ancien statut, un « Règlement fixant les modalités relatives aux transferts d’une partie des émoluments des fonctionnaires des Communautés européennes » (ci-après l’« ancienne réglementation commune ») est entré en vigueur le 1er janvier 1980, avec effet au 1er avril 1979. L’article 1er de cette ancienne réglementation commune permettait au fonctionnaire de faire transférer régulièrement une partie de ses émoluments non supérieure au montant qu’il percevait au titre de l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation, tandis que l’article 2 de celle-ci disposait :

« En application de l’article 17, paragraphe 2, [sous] b), de l’annexe VII [de l’ancien] statut, le fonctionnaire peut, en outre, faire transférer régulièrement, sur sa demande et par l’entremise de l’institution, une partie de ses émoluments supérieure au montant visé à l’article 1er, pour autant que ces transferts soient destinés à couvrir des dépenses résultant de charges régulières et prouvées hors du pays de son affectation.

Sont à considérer comme des dépenses justifiant de tels transferts :

[...]

–        sur présentation de l’acte notarié et du contrat de prêt, le remboursement d’un prêt hypothécaire remboursable pendant sept ans au moins et relatif soit à l’acquisition d’un terrain à bâtir pour maison individuelle, soit à la construction, l’achat ou la transformation d’une première habitation ou, le cas échéant, d’une deuxième habitation dans un pays des Communautés,

–        sur présentation de l’acte notarié, les rentes viagères, et, sur présentation du contrat, les primes dues au titre de contrats d’assurance vie/invalidité ou de contrats d’épargne-logement relatifs aux opérations immobilières visées ci-dessus.

[...] »

5        Les chefs d’administration des différentes institutions communautaires ont approuvé, le 3 décembre 1992, la conclusion n° 204/92 sur les modalités relatives aux transferts d’une partie des émoluments des fonctionnaires, conclusion se référant en substance à l’article 2 de l’ancienne réglementation commune (ci-après la « conclusion des chefs d’administration »), laquelle a précisé à ses points 2 et 4 :

« 2. Est considéré comme ‘contrat d’épargne-logement’, tout régime d’épargne particulier qui permet au fonctionnaire qui verse à un compte bancaire spécial d’obtenir à l’issue d’une période contractuelle d’épargne, un prêt destiné aux opérations immobilières visées aux deux derniers tirets de l’article 2 de [l’ancienne] réglementation [commune]. Un contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation nationale le régissant est acceptable au terme de la présente définition.

4. En cas de contrat d’épargne-logement le fonctionnaire est tenu de produire une attestation de l’organisme financier concerné, par laquelle celui-ci s’engage à informer l’institution chaque fois que le fonds d’épargne sera débloqué, ainsi que de souscrire lui-même un engagement portant sur l’affectation des fonds d’épargne à des opérations immobilières telles que définies par le [2e tiret ci-dessus du deuxième alinéa] de l’article 2 de [l’ancienne] réglementation [commune].

Au cas où cette affectation des fonds d’épargne n’est pas respectée, l’institution met fin au transfert et récupère la partie correspondant à la participation de l’institution […] »

6        Suite à l’entrée en vigueur, le 1er mai 2004, du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut a limité les possibilités de transfert, avec application du CC, d’une partie de la rémunération des fonctionnaires, en ne l’autorisant plus que dans le cas des frais de scolarité des enfants à charge fréquentant un établissement d’enseignement dans un État membre autre que celui d’affectation et, dans la limite de 5 % du traitement de base, dans le cas de versements réguliers au profit de toute autre personne vis-à-vis de laquelle le fonctionnaire démontre avoir des obligations en vertu d’une décision de justice ou d’une décision administrative.

7        L’article 17 de l’annexe XIII du statut prévoit cependant des mesures transitoires :

« Pendant la période allant du 1er mai 2004 au 31 décembre 2008, par dérogation à l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, le fonctionnaire peut transférer un montant supplémentaire, sous réserve du respect des conditions suivantes :

a)      ce montant doit avoir été transféré régulièrement avant le 1er mai 2004 et les conditions requises pour l’autorisation doivent toujours être remplies ;

b)      ce montant supplémentaire ne peut avoir pour effet d’augmenter le total des transferts au-delà des seuils suivants, exprimés en pourcentage du montant total transféré chaque mois avant le 1er mai 2004 :

1er mai – 31 décembre 2004 : 100 %

1er janvier – 31 décembre 2005 : 80 %

1er janvier – 31 décembre 2006 : 60 %

1er janvier – 31 décembre 2007 : 40 %

1er janvier – 31 décembre 2008 : 20 % »

8        Sur la base de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, une « Réglementation commune relative aux transferts d’une partie des émoluments des fonctionnaires des Communautés européennes », applicable à partir du 1er mai 2004, a abrogé et remplacé l’ancienne réglementation commune. Le CDR a approuvé, par décision du 11 octobre 2004, cette nouvelle réglementation commune. L’article 3, premier alinéa, de celle-ci dispose :

« L’institution vérifie régulièrement que les conditions qui ont justifié l’autorisation de transfert demeurent toujours remplies. Elle peut, dans ce cadre, demander la production de toute pièce justificative qu’elle juge utile. Elle met fin au transfert lorsqu’elle constate que les conditions qui ont justifié l’octroi du transfert ne sont plus remplies ou lorsque le fonctionnaire ne produit pas les pièces justificatives qui lui sont demandées. De telles vérifications peuvent donner lieu à l’application de l’article 85 du statut. »

 Droit français

9        Les articles L315-1 et suivants du code français de la construction et de l’habitation, dans leur version applicable à la date d’ouverture des comptes bancaires dans le cas d’espèce (ci-après le « CCH »), articles relatifs à l’épargne-logement, énoncent :

« Article L315-1

Le régime de l’épargne-logement a pour objet de permettre l’octroi de prêts aux personnes physiques qui ont fait des dépôts à un compte d’épargne-logement et qui affectent cette épargne au financement de logements destinés à l’habitation principale.

Les titulaires d’un compte d’épargne-logement qui n’affectent pas cette épargne au financement de logements destinés à l’habitation principale dans les conditions du premier alinéa peuvent l’affecter au financement de logements ayant une autre destination dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État qui détermine notamment les destinations autorisées. Ces destinations sont exclusives, à l’exception des résidences de tourisme, de tout usage commercial ou professionnel.

[…]

Article L315-3

Les dépôts d’épargne-logement sont reçus par la caisse nationale d’épargne et les caisses d’épargne ordinaires ainsi que dans les banques et organismes de crédit qui s’engagent par convention avec l’État à appliquer les règles fixées pour le fonctionnement de l’épargne-logement.

Article L315-4

Les bénéficiaires d’un prêt d’épargne-logement reçoivent de l’État, lors de la réalisation du prêt, une prime d’épargne dont le montant est fixé compte tenu de leur effort d’épargne.

Article L315-5

Les intérêts et la prime d’épargne versés aux titulaires de comptes d’épargne-logement ne sont pas pris en compte pour le calcul de l’allocation de logement. »

10      Les articles R*315-2 et suivants du CCH relatifs au compte d’épargne-logement (ci-après le « CEL ») disposent :

« Article R*315-2

Les sommes inscrites aux [CEL] portent intérêt, à un taux fixé par arrêté du ministre chargé des finances [et] du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

Au 31 décembre de chaque année, l’intérêt s’ajoute au capital et devient lui-même productif d’intérêt.

Article R*315-3

Il est délivré aux titulaires de [CEL] un livret mentionnant les opérations effectuées à leur compte.

Le montant du dépôt minimum auquel est subordonnée l’ouverture d’un [CEL] et le montant minimum des versements ultérieurs sont fixés par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

Les sommes inscrites au compte sont remboursables à vue. Toutefois, le retrait de fonds qui aurait pour effet de réduire le montant du dépôt à un montant inférieur au dépôt minimum prévu à l’alinéa précédent entraîne la clôture du compte.

Article R*315-4

Le montant maximum des sommes qui peuvent être portées à un [CEL] est fixé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation.

[…]

Article R*315-7

Les titulaires d’un [CEL] peuvent […] obtenir un prêt lorsque ce compte est ouvert depuis [18] mois au moins et lorsque le montant des intérêts acquis s’élève au moins à un montant fixé par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de la construction et de l’habitation, en fonction du minimum exigé pour l’ouverture du compte ainsi que du taux d’intérêt appliqué aux dépôts.

[…]

Article R*315-12

[…] le montant et la durée maximum des prêts sont fixés de telle sorte que le total des intérêts à payer par l’emprunteur soit égal au total des intérêts acquis à la date de la demande du prêt et pris en compte pour le calcul du montant du prêt multiplié par un coefficient au minimum égal à 1.

[…]

Article R*315-16

Les bénéficiaires des prêts […] reçoivent de l’État une prime d’épargne versée au moment de la réalisation du prêt.

[…] »

11      L’article R*315-24 du CCH dispose qu’il est institué une catégorie particulière de CEL sous la forme de plans contractuels d’épargne à terme déterminé, appelés plans d’épargne-logement (ci-après le « PEL »).

 Notes internes au CDR

12      Le requérant, chef de l’unité du personnel du CDR, a rédigé et fait diffuser, le 23 mars 2004, une communication au personnel, dont le contenu était le suivant (ci-après la « note du 23 mars 2004 ») :

« L’article 16 de l’annexe XIII du projet de […] statut […] prévoit la possibilité de continuer à effectuer, pendant une période transitoire et à des pourcentages dégressifs, des transferts d’une partie des émoluments qui ne seraient plus autorisés sur la base de l’article 17, paragraphe 2, du […] statut.

Votre attention est attirée sur le fait que pour bénéficier de ces dispositions transitoires, le transfert doit exister avant le 1er mai 2004. L’interprétation qui semble actuellement prévaloir est que ‘pour exister avant le 1er mai 2004’, le transfert doit avoir été effectué lors du paiement de la rémunération du mois d’avril 2004.

Il en résulte que pour pouvoir effectuer le transfert avec la rémunération d’avril, l’[u]nité du [p]ersonnel (M. Didier G[oetz]) doit être en possession des demandes et des pièces justificatives pour le 31 mars 2004 au plus tard.

Sont concernées : les personnes qui souhaitent modifier les transferts existants ou les personnes qui souhaiteraient effectuer à l’avenir un transfert. Ces personnes sont dès lors invitées à faire les démarches le plus rapidement possible, afin de tenir compte du temps nécessaire pour le traitement du dossier. »

13      Le requérant, toujours en sa qualité de chef de l’unité du personnel, a également rédigé et fait diffuser, le 23 décembre 2004, la note suivante (ci-après la « note du 23 décembre 2004 ») :

« 1. Conformément à la réglementation en vigueur en la matière […], les demandes de transferts doivent faire l’objet d’une confirmation annuelle des bénéficiaires et d’un contrôle annuel par l’administration.

À cet effet, je vous prie de bien vouloir :

1.1      confirmer votre volonté de continuer à transférer une partie des émoluments en 2005, par retour d’e-mail à Mme B[uceta] […] avec copie à M. G[oetz] […]

1.2      fournir pour l’année 2004, les pièces justificatives (relevé des comptes bancaires actualisé au 31 [décembre] 2004 et copie des contrats) pour les montants dépassant l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation.

L’ensemble de ces informations devra impérativement être communiqué pour le 12 janvier 2005, au plus tard, à Mme B[uceta] […]

À défaut de production de ces pièces, il sera mis fin au transfert avec effet immédiat et application éventuelle de l’article 85 du [s]tatut (répétition de l’indu).

[…] »

 Faits à l’origine du litige

14      Le requérant, ressortissant grec et juriste de formation, a été nommé fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes au mois d’octobre 1996. Au mois de février 1997, il a été transféré au CDR et affecté, en tant qu’administrateur, au sein du service du personnel, avant d’être promu, le 1er juillet 2001, au poste de chef de l’unité du personnel, qu’il a occupé jusqu’à son affectation au poste de chef du service juridique du CDR, le 1er décembre 2005.

15      Après avoir rédigé et fait diffuser, en tant que chef de l’unité du personnel, la note du 23 mars 2004, le requérant, souhaitant introduire une demande de transfert d’une partie de ses émoluments avec application du CC, aurait pris contact avec la Banque populaire d’Alsace (ci-après la « banque ») à la fin du mois de mars 2004. Le 25 mars 2004, il aurait passé un accord oral avec un employé de la banque, s’agissant de l’ouverture d’un PEL et d’un CEL ; le 26 mars 2004, il a ouvert un compte-chèques auprès de la banque.

16      Le requérant a ensuite introduit, au titre de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, une « [d]emande de transfert d’une partie des émoluments par les soins du CDR » auprès de M. Goetz, responsable du secteur « régime pécuniaire » de l’unité du personnel du CDR (ci-après le « responsable du secteur ‘régime pécuniaire’ ») ; dans le formulaire de demande, daté du 1er avril 2004 bien que le requérant soutient que la demande a été effectuée le 31 mars 2004, celui-ci indiquait comme motif l’ouverture d’un « [PEL] » et cochait la rubrique prévoyant que le montant serait transféré dans l’État membre « où [il avait] des obligations de paiement dont la preuve [était] établie » . Cependant, le requérant, toujours dans le même formulaire, n’a pas rempli les rubriques relatives respectivement au numéro de compte et au nom de la banque et n’a pas joint de documents justificatifs.

17      Le responsable du secteur « régime pécuniaire » et M. Bescós Ferraz, directeur de l’administration du CDR (ci-après le « directeur de l’administration du CDR »), agissant en qualité d’ordonnateur, ont complété et signé, d’après le requérant en date du 31 mars 2004, la partie du formulaire de demande de transfert réservée au secteur « régime pécuniaire ». Le même jour, ils ont transmis à M. Di Rocco, « liquidateur » du CDR, une note, pour exécution avec effet au 1er avril 2004, concernant le transfert d’une partie des émoluments du requérant, note indiquant le numéro de son compte-chèques à la banque et les coordonnées de cette dernière, en précisant les termes suivants : « à la demande de l’intéressé du 31 mars 2004 ».

18      En dates respectivement des 6 et 7 avril 2004, le requérant a signé les contrats d’ouverture d’un CEL et d’un PEL auprès de la banque. Des transferts mensuels d’une partie de ses émoluments ont alors commencé à être effectués vers son compte-chèques auprès de la banque, ces transferts étant destinés à alimenter son CEL et son PEL. Le montant mensuel transféré était de 2 183,42 euros jusqu’en décembre 2004 et de 1 746, 74 euros à compter de janvier 2005, montants affectés d’un CC de 1,191 en avril 2004, 1,063 de mai à décembre 2004 et 1,069 à compter de janvier 2005. Ainsi, par les transferts que le CDR effectuait, le compte-chèques du requérant auprès de la banque a été crédité, de 2 600,45 euros en avril 2004, de 2 320,88 euros mensuellement pour la période allant de mai à décembre 2004 et de 1 867,27 euros mensuellement à compter de janvier 2005 ; il est constant qu’un montant de 100 euros était transféré mensuellement du compte-chèques sur le PEL du requérant et que le reste des sommes transférées devait alimenter le CEL.

19      Ainsi que cela ressort d’un relevé bancaire annexé à la requête et concernant le CEL du requérant, le solde de ce compte était, en date du 30 novembre 2004, de 15 000 euros. Le plafond du CEL, fixé à 15 300 euros en application de l’article R*315-4 du CCH, allant être atteint avec le transfert du mois de décembre 2004, le requérant a ouvert, le 3 décembre 2004, un compte sur livret (ci-après le « CSL ») auprès de la banque, compte sur lequel il a transféré une somme de 14 700 euros provenant de son CEL. Cette opération de déplafonnement a ainsi permis la continuation des versements du compte-chèques vers le CEL.

20      À la suite de la diffusion de la note du 23 décembre 2004, le requérant a confirmé, par courriel du même jour adressé à Mme Buceta, avec copie au responsable du secteur « régime pécuniaire » (conformément à la note du 23 décembre 2004), qu’il souhaitait poursuivre le transfert d’une partie de ses émoluments et lui a communiqué les pièces justificatives des transferts opérés en 2004, à savoir cinq documents de la banque, le premier indiquant le solde de ses compte-chèques, CSL, CEL et PEL au 3 janvier 2005 et les mouvements du compte-chèques du 3 au 15 décembre 2004, le deuxième ceux du PEL du mois de mai au mois de décembre 2004, le troisième les mouvements du CSL à la date du 3 décembre 2004 et le solde de ce compte au 31 décembre 2004, le quatrième les mouvements du CEL à la date du 3 décembre 2004, le cinquième document étant la convention d’ouverture de son CSL.

21      Par lettre du 30 mai 2005, le directeur de l’administration du CDR a indiqué au requérant que les transferts qu’il faisait à l’étranger étaient « dans certains cas effectués sur [la] base de contrats prévoyant une simple faculté [de paiement] et non [une] obligation de [paiement] » et l’a ainsi informé que, à partir du mois de juin 2005, les « versements [effectués sur la base] d’un contrat ne faisant pas apparaître clairement une obligation de versement ne [seraient] donc plus considérés comme des contrats remplissant les conditions de l’article 2 [deuxième alinéa] de [l’ancienne] réglementation commune[ ; i]ls ne [pourraient] donc justifier la continuation des transferts à l’étranger ».

22      Ce même 30 mai 2005, le requérant a adressé au responsable du secteur « régime pécuniaire » un courriel par lequel il demandait l’arrêt de tout transfert le concernant à partir du mois de juin 2005.

23      Par lettre du 13 janvier 2006, le directeur de l’administration du CDR, se référant à l’article 17, paragraphe 2, sous a), de l’annexe VII de l’ancien statut, a demandé au requérant de lui indiquer les raisons justifiant le transfert de 16 % de sa rémunération en France – effectué du mois d’avril 2004 jusqu’au moment où celui-ci avait décidé d’interrompre ledit transfert – dans la mesure où le requérant ne possédait pas la nationalité française.

24      En réponse, par lettre datée de ce même 13 janvier 2006, le requérant a indiqué que le transfert d’une partie de ses émoluments d’avril 2004 à mai 2005 avait pour fondement l’article 17, paragraphe 2, sous b), – et non sous a), – de l’annexe VII de l’ancien statut et que l’arrêt de ces transferts sur son CEL résultait de la décision du CDR du 30 mai 2005, le requérant faisant observer qu’il avait volontairement demandé l’arrêt des transferts vers son PEL.

25      Par courrier du 1er juin 2006, le directeur de l’administration du CDR a indiqué au requérant qu’il n’avait fourni aucune information quant au transfert d’une partie de ses émoluments, transfert effectué au titre de l’article 17, paragraphe 2, sous a), de l’annexe VII de l’ancien statut et correspondant à la demande faite le 1er avril 2004 ; ce transfert ne nécessiterait aucune justification pour autant qu’il soit effectué dans le pays dont le bénéficiaire est ressortissant ou dans lequel se situe son domicile propre ou la résidence d’un membre de sa famille à sa charge, ce qui, cependant, ne serait pas le cas du requérant. Dans ce courrier, le directeur de l’administration du CDR a ajouté que, suite à l’opération de déplafonnement, les justificatifs bancaires du requérant étaient incomplets et insuffisants et que, vu ses fonctions antérieures de chef de l’unité du personnel et en application de l’article 85 du statut, le CDR procèderait, en l’absence de toute explication satisfaisante ou autre pièce justificative, à la répétition de l’indu des sommes versées au titre du CC sur les montants indûment transférés.

26      En réponse, par courrier du 19 juillet 2006, le requérant a fait observer que les transferts d’une partie de ses émoluments avaient été effectués conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut et qu’il avait procédé à l’opération de déplafonnement afin de se conformer à la législation française ; le requérant a également fait état de contradictions dans la position du CDR quant aux transferts effectués sur le CEL.

27      Par note du 26 juillet 2006, le directeur de l’administration du CDR, se référant à sa lettre du 1er juin 2006 et à la réponse du requérant du 19 juillet 2006, a indiqué à celui-ci, d’une part, qu’une analyse approfondie de son dossier confirmait l’absence d’obligation de versement d’une partie de ses émoluments au titre de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, d’autre part, que « l’obligation légale qui justif[iait] les [transferts en application de l’article susmentionné], c’est-à-dire le PEL et le CEL, ne [contenaient] pas la totalité des sommes transférées, dont la plus grande partie se [serait trouvée] sur un [CSL] ou sur un compte-chèque[s] » et qu’[il « en découl[ait] qu’une partie considérable de [ses] transferts n’[avait] pas de base légale » ; le directeur de l’administration du CDR en concluait qu’il y avait lieu de procéder à la répétition de l’indu, mais constatait ne pas disposer de certains justificatifs et invitait le requérant à soumettre pour le 10 août 2006 certains relevés bancaires et autres informations, ce afin de calculer de manière exacte les sommes à recouvrer (ci-après la « note du 26 juillet 2006 »).

28      Par courrier du 6 septembre 2006 adressé au directeur de l’administration du CDR, le requérant a affirmé avoir transmis toutes les explications concernant les transferts effectués en faveur du CEL et l’opération de déplafonnement.

29      Par courrier du 21 novembre 2006 adressé au requérant, le directeur de l’administration du CDR a décidé qu’une « partie des versements » des émoluments de celui-ci avait été réalisée sans base légale et que les montants versés au titre du CC entre avril 2004 et mai 2005, s’élevant à 2 120,16 euros, allaient être répétés en application de l’article 85 du statut (ci-après la « décision du 21 novembre 2006 »).

30      Le 22 février 2007, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 21 novembre 2006. Dans cette réclamation, le requérant défendait la régularité de ses transferts et invoquait l’irrégularité de la récupération des sommes correspondant aux CC appliqués à ces transferts, cette irrégularité étant, selon lui, manifeste en ce qui concerne les transferts effectués au profit du PEL.

31      Par décision du 21 juin 2007, le CDR a rejeté l’essentiel de la réclamation du requérant au motif que les conditions de l’article 85 du statut, tenant à l’irrégularité des transferts effectués au profit du CEL et au caractère évident pour le requérant de cette irrégularité, étaient remplies dans le cas d’espèce ; cependant, considérant que le montant déjà récupéré de 2 120,16 euros englobait « à tort les [CC] appliqués tant sur le PEL que sur le CEL et qu’il [devait] de fait être corrigé en conséquence », le CDR a accueilli partiellement la réclamation introduite par le requérant et a décidé que le montant total qui aurait dû être récupéré s’élevait finalement à 2 038,61 euros et que, dès lors, un montant de 81,55 euros, correspondant au CC applicable au titre des transferts opérés vers le PEL, devait être reversé au requérant (ci-après la « décision du 21 juin 2007 »).

 Conclusions des parties et procédure

32      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du CDR du 21 novembre 2006 visant à récupérer les montants qui lui ont été versés au titre du CC sur la partie de ses émoluments transférée en France d’avril 2004 à mai 2005, pour un montant de 2 120,16 euros ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision du 21 juin 2007 de rejet de sa réclamation, dans la mesure où cette décision confirme la récupération pour un montant de 2 038,61 euros ;

–        condamner le CDR à lui rembourser la somme de 2 038,61 euros retenue sur sa rémunération, majorée d’intérêts de retard au taux de 8 % l’an à dater du 1er décembre 2006, date de la récupération et jusqu’à complet payement ;

–        condamner le CDR au paiement d’un montant de 1 000 euros en compensation du préjudice moral subi ;

–        condamner le CDR aux dépens.

33      Le CDR conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le présent recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

34      Au cours de l’audience du 14 octobre 2008, le président a décidé de suspendre l’audience et d’inviter les parties à participer à une réunion informelle afin d’entamer une tentative de règlement amiable ; les parties n’ayant pas trouvé d’accord lors de la réunion informelle, l’audience a été reprise. Toujours lors de cette audience, et conformément à l’article 55 du règlement de procédure, le Tribunal a décidé de mesures d’organisation de la procédure, qui ont été portées à la connaissance des parties à l’issue de l’audience, puis par courrier du 15 octobre 2008 ; les parties ont déféré à ces mesures dans le délai imparti.

 Sur l’objet du litige

35      Il y a lieu de constater que, outre l’annulation de la décision du 21 novembre 2006 visant à récupérer les montants versés au titre du CC sur la partie de ses émoluments transférée en France d’avril 2004 à mai 2005, pour un montant de 2 120,16 euros, le requérant demande également l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision du 21 juin 2007, dans la mesure où cette décision, déduisant du montant à récupérer une somme de 81,55 euros, confirme la récupération pour un montant de 2 038,61 euros. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée et sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T‑33/91, Rec. p. II‑2499, point 23 ; du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 13, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43).

36      Dès lors, la décision contre laquelle les conclusions en annulation sont dirigées (ci-après la « décision attaquée ») est la seule décision du 21 novembre 2006, telle que modifiée par la décision du 21 juin 2007.

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

37      À titre liminaire, le CDR excipe de l’irrecevabilité du recours en ce que l’acte faisant grief serait la note du 26 juillet 2006, avec comme conséquence la tardiveté de la réclamation introduite par le requérant et donc l’irrégularité de la procédure précontentieuse.

38      En réponse, le requérant fait valoir en substance que la note du 26 juillet 2006 n’arrêtait pas le montant de la somme à récupérer et comportait une ambiguïté fondamentale sur la question de savoir si la répétition de l’indu était justifiée par l’absence d’obligation de paiement caractérisant le CEL, à savoir si « seuls les transferts opérés sur le PEL étaient réguliers et devaient être recouvrés les montants correspondant à tous les transferts opérés sur le CEL », ou par l’absence d’obligation de transfert après l’opération de déplafonnement, à savoir si « les transferts opérés tant sur le CEL que sur le PEL avant le 3 décembre 2004 étaient réguliers et ne devaient être récupérés que les montants correspondant aux transferts opérés sur le CEL après cette date ». Dès lors, la note du 26 juillet 2006 du CDR ne constituerait qu’un acte préparatoire de l’acte faisant grief.

 Appréciation du Tribunal

39      Il convient de rappeler d’emblée la jurisprudence selon laquelle un acte faisant grief est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, RecFP p. I‑A‑1‑55 et II‑A‑1‑199, point 33 et la jurisprudence citée), un tel acte devant émaner de l’autorité compétente et renfermer une prise de position définitive de l’administration (voir arrêts du Tribunal de première instance du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, points 13 et 14, ainsi que du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 83 et 84).

40      Force est de constater que la note du 26 juillet 2006 ne correspond pas à cette définition.

41      En premier lieu, si la note du 26 juillet 2006 annonce au requérant l’intention ou, même, la décision du CDR de procéder à la répétition de l’indu, il n’en reste pas moins qu’elle ne constitue pas pour autant une décision ordonnant la répétition de l’indu. En effet, il ressort de la note du 26 juillet 2006 que le CDR, bien que considérant qu’il y avait lieu de procéder à la répétition de l’indu, constatait qu’il ne disposait pas de certains justificatifs et invitait le requérant à soumettre, pour le 10 août 2006, certains relevés bancaires et autres informations, ce afin de calculer de manière exacte les sommes à recouvrer. Ainsi, et dès lors que la note du 26 juillet 2006 n’ordonnait pas la répétition de l’indu, rien n’excluait que, à la lumière des relevés et informations transmis par le requérant, le CDR renonce à la répétition.

42      En second lieu, la note du 26 juillet 2006 n’indique ni le montant de la répétition, lequel devait être déterminé sur la base des relevés bancaires et autres informations à soumettre par le requérant, ni les modalités de la récupération des sommes indûment versées. Or, en raison de la technicité et de la complexité des règles applicables aux transferts d’une partie des émoluments, et en particulier des règles relatives au calcul des majorations auxquelles donne lieu l’application des CC, il n’était pas possible pour le requérant de déterminer avec une précision suffisante le montant de la répétition à venir ; par ailleurs, il ignorait totalement les modalités de récupération qui lui seraient imposées. Dans ces conditions, non seulement la note du 26 juillet 2006 ne peut être considérée comme affectant directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, ni comme une prise de position définitive de l’administration du CDR, mais, de surcroît, une telle note ne permettait nullement au requérant d’apprécier l’opportunité d’une contestation de celle-ci, par l’introduction d’une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

43      En rapport avec les considérations exposées au point précédent, le Tribunal relève également que la note du 26 juillet 2006 semble reconnaître que les versements opérés tant sur le PEL que sur le CEL correspondaient à une obligation légale et que seuls les versements effectués sur le CEL après l’opération de « déplafonnement » étaient irréguliers ; ce, tandis que le calcul du montant à récupérer, calcul effectué ensuite par le CDR et dont le résultat apparaît dans la décision du 21 novembre 2006, part de la prémisse que tous les versements effectués sur le CEL, mais aussi tous ceux effectués sur le PEL, étaient irréguliers (même si cette dernière décision déclare qu’est entachée d’irrégularité seulement « une partie » des transferts du requérant, expression due à une erreur, ainsi que le CDR l’a reconnu de l’audience). En outre, dans la décision du 21 juin 2007 accueillant partiellement la réclamation, le CDR revient de nouveau sur sa position précédente, en ce qu’il considère qu’il n’y avait pas lieu de récupérer le montant résultant de l’application du CC aux transferts destinés au PEL. Devant de telles incohérences dans la position du CDR, il ne pourrait raisonnablement être fait grief au requérant de ne pas avoir attaqué la note du 26 juillet 2006, laquelle reflète une position du CDR non seulement imprécise mais qui, comme cela vient d’être exposé, a été modifiée par la suite à deux reprises, d’abord dans la décision du 21 novembre 2006, puis dans la décision du 21 juin 2007.

44      Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

45      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque deux moyens.

46      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut, ainsi que de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut et de l’article 2, deuxième alinéa, dernier tiret, de l’ancienne règlementation commune, dans la mesure où la décision attaquée a conclu à l’irrégularité des transferts. Le second moyen, également tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut, repose sur le prétendu caractère évident de l’irrégularité des transferts.

 Sur le premier moyen, tiré de la prétendue irrégularité des transferts

47      Ce moyen comporte deux branches.

48      Dans la première branche du moyen, le requérant fait grief au CDR d’avoir considéré, dans la décision attaquée, que les transferts d’une partie de ses émoluments opérés au titre du CEL ne correspondaient pas à une obligation de paiement, de telle sorte qu’ils n’étaient pas « dus », au sens de l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, ni destinés à couvrir des dépenses résultant de « charges régulières et prouvées » que l’intéressé aurait eu à assurer en dehors du pays du siège de son institution ou du pays où il exerce ses fonctions, selon les termes de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut ; ce, alors que l’ancienne réglementation commune, telle qu’interprétée par la conclusion des chefs d’administration, et une décision du 4 juillet 2005 du secrétaire général du CDR ressortant d’une note de celui-ci du 11 juillet 2005, annexée à la requête (ci-après la « note du 11 juillet 2005 »), et dont le requérant était parmi les destinataires, n’exigerait pas que les transferts correspondent à des versements obligatoires, mais seulement qu’ils relèvent d’un régime d’épargne permettant au fonctionnaire qui verse les sommes transférées à un compte bancaire spécial d’obtenir à la fin d’une période contractuelle d’épargne un prêt immobilier, étant entendu que relève d’un tel régime un contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation nationale le régissant. Or, en l’espèce, les transferts auraient été effectués vers un contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation française, à savoir un CEL.

49      S’agissant de la première branche de ce moyen, le CDR estime que le requérant méconnaît clairement le contenu des dispositions de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, ainsi que de l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, qui, tant par leur libellé que par leur finalité, plaident dans le sens de l’exigence d’une obligation de paiement, obligation qui n’existerait pas concernant les versements effectués sur le CEL. Le CDR ajoute que la conclusion des chefs d’administration ne saurait déroger ni à l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, ni à l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, ce en vertu de la hiérarchie des normes. Concernant la note du 11 juillet 2005, outre le fait qu’elle est postérieure à la période litigieuse, le CDR indique qu’elle n’est que le résultat d’une réflexion interne et n’était d’ailleurs pas destinée à être communiquée. Enfin, le CDR fait observer que le requérant n’a introduit aucune réclamation à l’encontre de la décision du 30 mai 2005 par laquelle les transferts d’une partie de ses émoluments avaient été interrompus.

50      En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, le requérant fait grief au CDR d’avoir considéré, dans la décision attaquée, que les transferts d’une partie de ses émoluments effectués après l’opération de « déplafonnement », intervenue le 3 décembre 2004, n’avaient pas ou plus été opérés au titre d’un contrat d’épargne-logement au sens de l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, alors que, d’une part, cette opération de « déplafonnement » du CEL vers le CSL correspondrait à une pratique bancaire constante conforme à la réglementation française du CEL, réglementation à laquelle renverrait la conclusion des chefs d’administration et que, d’autre part, cette pratique « permet[trait] à l’intéressé de se constituer [une] épargne supplémentaire […] nécessaire pour financer la majeure partie de son opération immobilière ».

51      Sur la seconde branche du premier moyen, relative à la régularité des transferts du CEL vers le CSL, à savoir de l’opération de « déplafonnement », le CDR fait valoir que, même si une telle opération n’est pas expressément prohibée par la réglementation française, elle est, d’une part, dénuée de tout intérêt au regard de cette réglementation et n’est, d’autre part, pas couverte par la réglementation communautaire.

 Sur le second moyen, tiré du prétendu caractère évident de l’irrégularité des transferts

52      Le second moyen est tiré de la violation de l’article 85, premier alinéa, du statut en ce que le CDR a considéré que l’irrégularité des transferts du requérant était si évidente qu’il ne pouvait, compte tenu de ses qualifications et de son expérience professionnelles, manquer d’en avoir connaissance. Le requérant estime que, au regard de la conclusion des chefs d’administration, qui reflétait la pratique interinstitutionnelle en définissant la notion de contrat d’épargne-logement sans la moindre référence à la notion d’obligation de paiement et qui disposait que tout régime d’épargne reconnu comme tel par la législation applicable était acceptable au regard de cette définition, et de la note du 11 juillet 2005, il ne pouvait évidemment pas, quelles qu’aient pu être ses qualifications et son expérience professionnelles, imaginer que les transferts opérés vers son CEL étaient irréguliers, au motif qu’ils ne correspondaient pas à des paiements obligatoires. De plus, le requérant allègue que l’opération de « déplafonnement » de son CEL par le virement du solde de ce dernier sur un CSL était conforme à une pratique bancaire constante, correspondant elle-même apparemment au régime légal et réglementaire français de l’épargne-logement.

53      En réponse, le CDR soutient que, conformément à une jurisprudence constante, au regard de sa formation, de son niveau de connaissances et des responsabilités et tâches qui lui étaient attribuées, à savoir chef de l’unité du personnel et, à ce titre, ordonnateur, il ne fait aucun doute que le requérant savait « dès le départ » ou ne pouvait manquer de savoir que les versements effectués de son compte-chèques vers son CEL étaient irréguliers ; ceci serait corroboré par le caractère manifestement irrégulier de la « dénaturation » du CEL à compter de l’opération de déplafonnement, l’irrégularité des versements effectués après cette opération étant connue du requérant ou ne pouvant lui échapper.

 Appréciation du Tribunal

54      Il convient de rappeler d’emblée que, à compter du 1er mai 2004, l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut ne couvre plus les transferts du type de ceux visés dans la présente affaire et que ce n’est qu’à titre transitoire, et pour une période expirant le 31 décembre 2008 (et avec un plafond qui décroît chaque année), que l’article 17 de l’annexe XIII du statut autorise la poursuite des transferts couverts par l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, ce sous forme d’un montant supplémentaire et à la condition notamment que ce montant ait été « transféré régulièrement » avant le 1er mai 2004. Selon les parties, qui sont en accord sur ce point, pour que cette condition soit remplie, il suffit qu’un seul transfert ait été effectué avant le 1er mai 2004.

55      Il ressort, par ailleurs, de l’article 85 du statut que la répétition de l’indu est soumise à deux conditions cumulatives, dont la première consiste dans l’irrégularité du versement que l’administration cherche à récupérer et, la seconde, dans la connaissance de cette irrégularité par le fonctionnaire ou dans la constatation que l’irrégularité en question était si évidente que le fonctionnaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

56      En l’espèce, le CDR fait valoir, d’une part, que l’application d’un CC aux transferts d’une partie des émoluments du requérant en France, transferts effectués entre avril 2004 et mai 2005 et destinés à alimenter son CEL auprès de la banque, a donné lieu, dans la mesure où ces derniers auraient eu pour base légale les dispositions de l’article 17, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII de l’ancien statut, combinées avec celles de l’article 2, deuxième alinéa, de l’ancienne réglementation commune, à des versements irréguliers au sens de l’article 85 du statut, d’autre part, que l’irrégularité était si évidente que le requérant la connaissait « dès le départ » ou ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. Le requérant, quant à lui, nie l’irrégularité des opérations de transfert et, en particulier, l’irrégularité du versement que représente le montant résultant de l’application du CC ; il ajoute que, à supposer même qu’il existe une telle irrégularité, celle-ci ne pourrait être considérée comme si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

57      En ce qui concerne la question de la régularité des transferts effectués vers le CEL du requérant, il y a lieu de constater que, comme il ressort d’ailleurs de l’argumentation des parties, elle se pose en deux branches distinctes. La première a trait à la régularité, de manière générale, de tout versement effectué sur le CEL, tandis que la deuxième porte, en particulier, sur les versements effectués sur le CEL après que le requérant a transféré vers le CSL la quasi-totalité des montants se trouvant sur le CEL (dont le plafond de 15 300 euros allait être atteint), de sorte que puissent reprendre les versements du CDR destinés au CEL.

58      S’agissant de la première branche de la question relative à la régularité des transferts vers le CEL, le CDR tire notamment argument de la référence de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut aux « charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer » pour conclure à l’irrégularité des versements alimentant le CEL ; en effet, les versements sur le CEL ne résultant, selon le CDR, d’aucune obligation de paiement, ils ne relèveraient donc pas de la notion susmentionnée de « charges » et, partant, du champ d’application matériel de l’article 17 susmentionné. Pour soutenir sa position, le requérant prend, en revanche, appui sur l’article 2 de l’ancienne réglementation commune, laquelle, parmi les exemples qu’elle donne de dépenses justifiant les transferts au titre de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, cite expressément celles résultant de versements opérés au titre de « contrats d’épargne-logement » ; il se réfère aussi à l’interprétation de cette réglementation, telle qu’elle apparaît dans la conclusion des chefs d’administration et telle qu’elle prévaudrait également au sein du CDR.

59      Toutefois, le Tribunal considère être à même de résoudre le litige dont il est saisi sans se prononcer sur la première branche de la question relative à la régularité des transferts vers le CEL.

60      En effet, à supposer même que l’interprétation soutenue par le CDR soit correcte, de sorte que les versements sur le CEL ne relèveraient pas du champ d’application matériel de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut et que les montants reçus par le requérant au titre du CC pour les transferts effectués vers le CEL constitueraient des versements irréguliers au sens de l’article 85 du statut, force est de constater que, contrairement à ce que le CDR fait valoir, cette irrégularité est loin de présenter le caractère évident qui permettrait au Tribunal de conclure que le requérant la connaissait ou ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

61      D’une part, en ce qui concerne le libellé des textes applicables, il y a lieu de relever qu’il ne permet pas de donner une réponse claire et non équivoque à la question de l’applicabilité de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut aux transferts vers le CEL.

62      Si la référence de cet article aux « charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer » semble plaider plutôt en faveur de l’interprétation soutenue par le CDR, en revanche, la mention dans l’ancienne réglementation commune des « contrats d’épargne-logement », en tant qu’exemple de contrats engendrant des dépenses susceptibles de justifier des transferts au titre de l’article 17 susmentionné, pourrait, en dépit de la référence de cette disposition aux « primes dues » au titre de tels contrats, rejoindre l’interprétation défendue par le requérant.

63      Ainsi, sur la seule base des textes applicables, il ne peut raisonnablement être soutenu que l’une ou l’autre des deux interprétations, auxquelles ces textes se prêtent, est si manifestement infondée que l’article 85 du statut pourrait trouver application dans la présente affaire.

64      D’autre part, l’interprétation que ces textes ont reçue de la part des personnes responsables de leur application apparaît aller davantage dans le sens de la thèse du requérant que de celle du CDR.

65      À cet égard, il convient de rappeler la conclusion des chefs d’administration, dans laquelle il est expressément énoncé qu’« [e]st considéré comme ‘contrat d’épargne-logement’, tout régime d’épargne particulier qui permet au fonctionnaire qui verse à un compte bancaire spécial d’obtenir à l’issue d’une période contractuelle d’épargne, un prêt destiné aux opérations immobilières visées aux deux derniers tirets de l’article 2 de [l’ancienne] réglementation [commune ; u]n contrat d’épargne-logement reconnu en tant que tel par la législation nationale le régissant est acceptable aux termes de la présente définition ».

66      De plus, et surtout, le Tribunal relève que, à supposer même que le CDR n’avait pas une position arrêtée quant à l’interprétation à retenir des textes applicables en matière de transfert d’une partie des émoluments vers un CEL, le comportement des services compétents de cette institution a pu raisonnablement laisser croire au requérant que leur position penchait en faveur de l’applicabilité de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut aux versements effectués sur le CEL. Tout d’abord, il résulte de la demande du requérant du 23 décembre 2004, visant à pouvoir continuer les transferts pour l’année 2005, que les services compétents du CDR ont eu parfaitement connaissance du fait que la majeure partie des transferts du requérant avaient été opérés vers le CEL, ce sans que lesdits services n’expriment même un quelconque doute quant à l’applicabilité de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut à ces transferts ; de surcroît, le secrétaire général du CDR a, dans sa note du 11 juillet 2005, reconnu, aux fins de l’application de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, tous les schémas d’épargne visant des transactions immobilières, « même s’ils ne comportent pas d’obligation juridique d’effectuer des paiements réguliers au sens strict du terme » ; en outre, dans la note du 26 juillet 2006, qui, selon le CDR, constitue le véritable acte faisant grief, il est expressément énoncé que les versements sur le CEL correspondent à une obligation légale (« [o]r, l’obligation légale qui justifie lesdits transferts, c’est-à-dire le PEL et le CEL, ne contiennent pas la totalité des sommes transférées, dont la plus grande partie se trouverait sur un [CSL] »), avec comme conséquence inéluctable que de tels versements semblent relever, dans ladite décision, de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut.

67      Dans ces conditions, lorsque le CDR conclut à l’irrégularité des versements sur le CEL, le Tribunal ne saurait retenir la position de celui-ci suivant laquelle cette irrégularité était si évidente que le requérant la connaissait dès le départ ou ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

68      Les constatations auxquelles le Tribunal aboutit aux points 61 à 67 du présent arrêt ne peuvent nullement être tenues en échec par la circonstance, mise en avant par le CDR, que le requérant était un juriste expérimenté dans le droit de la fonction publique. En effet, il n’existe aucune raison objective permettant non seulement de supposer qu’un tel juriste, et en l’occurrence le requérant, pouvait avoir une position arrêtée en faveur de la thèse de l’irrégularité des versements sur le CEL, alors même que cela n’était pas le cas des services compétents au sein du CDR et que le secrétaire général du CDR avait, au contraire, une position en faveur de la régularité de tels versements, mais, au surplus, d’imaginer que le bien-fondé d’une telle position était du degré d’évidence requis pour l’application de l’article 85 du statut.

69      Doivent aussi être écartés, comme inopérants, les arguments que le CDR tire des démarches que le requérant a entreprises en mars et avril 2004 afin de pouvoir bénéficier d’un premier transfert avant le 1er mai 2004 et, partant, du régime transitoire introduit par l’article 17 de l’annexe XIII du statut. En effet, à supposer même que le comportement du requérant lors de ces démarches n’ait pas été irréprochable, par exemple en ce que, dans sa demande datée du 1er avril 2004, il faisait état d’obligations de paiement dont la preuve aurait été établie, ainsi que d’un compte ouvert à son nom, en s’appuyant sur un accord oral avec un employé de la banque, et ce malgré le fait que la signature par lui de ses PEL et CEL n’est intervenue, respectivement, que les 6 et 7 avril 2004, il n’en reste pas moins que, de par sa nature, un tel comportement est étranger à la question de savoir si le requérant pouvait ou non manquer d’avoir connaissance du fait que les versements sur le CEL ne relevaient pas de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut ; le CDR ne saurait non plus déduire d’un tel comportement du requérant, l’existence d’une sorte de mauvaise foi générale, qui plaiderait en faveur de la thèse suivant laquelle le requérant ne pouvait que connaître l’irrégularité et devait ainsi faire l’objet d’une mesure d’application de l’article 85 du statut. Par ailleurs, si la demande du 1er avril 2004 du requérant, susmentionnée, ne comportait pas, en dépit de l’indication expresse du formulaire utilisé, les pièces justificatives requises (ou si elle a été introduite en dehors du délai expirant le 31 mars 2004, et quelle que soit la nature de ce délai), le Tribunal observe que les services compétents du CDR ont donné suite à une telle demande ; par conséquent, et au-delà des reproches visant le requérant, le CDR pourrait également s’élever contre ses propres services qui ont décidé de faire droit à une telle demande. Dans ce contexte, le Tribunal constate que, si le CDR fait des allusions à une collusion entre le requérant et d’autres fonctionnaires et agents de l’institution, notamment une personne subordonnée au requérant et mise en cause tant dans une enquête de l’OLAF que dans une procédure disciplinaire engagée au sein du CDR, il convient cependant de constater que la personne qui a signé, en qualité d’ordonnateur, la demande de transfert introduite par le requérant était le directeur de l’administration du CDR, lequel, comme l’institution l’a confirmé lors de l’audience, n’a nullement été visé par la procédure disciplinaire en cours.

70      En revanche, en ce qui concerne la seconde branche de la question relative à la régularité des transferts vers le CEL, à savoir celle relative à l’opération de « déplafonnement », force est de constater que, à supposer même que les versements sur le CEL relèvent du champ d’application matériel de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, de tels versements ne peuvent être effectués qu’à hauteur du plafond du CEL, tel que fixé par la législation nationale.

71      Toute autre interprétation aurait comme conséquence d’ouvrir, au bénéfice des intéressés, un droit pratiquement illimité au transfert vers un CEL, au titre des dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, combiné avec l’article 17 de l’annexe XIII du statut, alors même que la législation française prévoit un plafond d’épargne sur le CEL. Serait ainsi conférée aux intéressés la possibilité de profiter d’un avantage pécuniaire important et injustifié, ce par un moyen détourné, à savoir l’utilisation d’un compte avec un plafond limité, dont la finalité serait éventuellement conforme aux dispositions statutaires, mais qui, en réalité, ne servirait qu’à faire écran à un autre compte, lequel, en revanche, ne serait à l’évidence pas conforme auxdites dispositions et pourrait, au surplus, être alimenté de manière illimitée. En outre, lorsque le requérant, pour conclure à la régularité des transferts vers le CEL, tire argument de la conclusion des chefs d’administration, force est de constater que cette conclusion accepte comme relevant de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut les versements sur un contrat d’épargne-logement « reconnu en tant que tel par la législation nationale le régissant » ; or, si pour défendre la régularité éventuelle des versements effectués sur un CEL, au titre de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, le requérant s’appuie sur la reconnaissance par la législation nationale d’un tel contrat d’épargne-logement, il devrait également admettre que, dans l’appréciation de la régularité de ces transferts au regard des dispositions statutaires, il doit être tenu compte de ladite législation, laquelle, concernant le CEL, a clairement fixé les conditions d’alimentation d’un tel compte, en limitant les possibilités de versements sur ce compte par l’existence d’un plafond à hauteur de 15 300 euros, les versements effectués au-delà d’une telle somme ne pouvant ainsi, en aucun cas, entrer dans le champ d’application matériel de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut.

72      Le requérant n’a présenté aucun argument de nature à mettre en doute cette constatation. En particulier, s’agissant de l’argument suivant lequel la législation française autorise le titulaire d’un CEL à effectuer des versements à partir de ce compte vers un autre compte, le Tribunal considère que la question qui se pose, concernant l’application des dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, n’est pas de savoir si la législation française autorise une telle opération de « déplafonnement », mais de vérifier qu’une telle opération, lorsqu’elle a lieu et permet ainsi de reprendre les versements sur un compte qui était plafonné, est conforme aux dispositions statutaires autorisant le transfert d’une partie des émoluments avec application du CC. Or, cette question ne peut recevoir qu’une réponse négative.

73      En outre, et en ce qui concerne la déclaration sur l’honneur de M. Torti, lequel, ainsi que cela ressort de ladite déclaration, exercerait la fonction de comptable au sein du CDR et serait ancien auditeur de la Cour des comptes des Communautés européennes, déclaration lue et déposée par le requérant lors de l’audience, force est de constater que, à la supposer même recevable, cette déclaration, par ailleurs non datée, ne fait en substance qu’exposer le point de vue de son rédacteur sur la régularité de l’opération de déplafonnement ; s’il est vrai que M. Torti déclare avoir été amené à vérifier des dossiers de transferts d’une partie des émoluments de fonctionnaires de la Commission, il ne parle par la suite que de sa position personnelle à l’égard de cette opération de « déplafonnement », sans déclarer directement et expressément que cette pratique avait été admise, par la Commission ou par une autre institution, comme étant conforme aux dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut.

74      Le Tribunal ayant répondu à la seconde branche de la question relative à la régularité des transferts vers le CEL en ce sens que les versements effectués après que le requérant a procédé à l’opération de « déplafonnement » de son CEL vers son CSL ne peuvent en aucun cas être considérés comme réguliers et relever ainsi du champ d’application matériel de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut, il convient dès lors d’aborder l’examen de la deuxième condition à laquelle est subordonnée la légalité de la répétition de l’indu, à savoir la condition suivant laquelle le requérant connaissait l’irrégularité ou ne pouvait manquer d’en avoir connaissance en raison de l’évidence de celle-ci.

75      Au regard des considérations exposées au point 71 du présent arrêt, et au vu de l’expérience du requérant dans le domaine du droit de la fonction publique communautaire, le Tribunal aboutit à la conclusion que l’irrégularité de l’opération de « déplafonnement » au regard des dispositions statutaires devait être pour lui si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. Dans ce contexte, le Tribunal rappelle, concernant la mise en œuvre de l’article 85 du statut, la décision en vertu de laquelle il suffit que l’intéressé éprouve de simples doutes sur le bien-fondé des versements en question pour qu’il soit obligé de se manifester auprès de l’administration pour que cette dernière effectue les vérifications nécessaires (voir arrêt du Tribunal de première instance du 30 mai 2001, Barth/Commission, T‑348/00, RecFP p. I‑A‑119 et II‑557, point 34) ; en l’espèce, indépendamment même de sa qualité de juriste et de chef de l’unité du personnel du CDR, le requérant, comme toute personne de bon sens, ne pouvait raisonnablement croire qu’il était en droit d’affecter mensuellement, et aussi longtemps qu’il le souhaitait, ce malgré la législation française fixant le plafond des versements sur le CEL à hauteur de 15 300 euros, une partie substantielle de ses émoluments sur un tel compte, afin de bénéficier d’un CC avantageux – entraînant en conséquence une augmentation de fait de la rémunération qu’il percevait au sein du CDR – mais a dû éprouver bien plus que des doutes quant au bien-fondé de l’opération de « déplafonnement » au regard des dispositions statutaires applicables pour le transfert d’une partie de ses émoluments avec application du CC ; ce, sachant de surcroît qu’il ne serait jamais tenu d’apporter la preuve qu’il allait procéder à une acquisition immobilière que les transferts de l’article 17, paragraphe 2, de l’annexe VII de l’ancien statut étaient destinés à faciliter.

76      Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où elle ordonne la récupération des montants résultant de l’application du CC aux transferts effectués en faveur du CEL pour un montant de 15 300 euros, correspondant au plafond fixé par la législation française. En revanche, les conclusions en annulation doivent être rejetées en ce qu’elles tendent à l’annulation de ladite décision dans la mesure où elle ordonne la récupération des montants résultant de l’application du CC aux transferts effectués en faveur du CEL au-delà du montant de 15 300 euros.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

77      Le requérant demande, par un « recours en indemnité et de pleine juridiction », réparation du préjudice matériel consistant dans la récupération de la somme de 2 038,61 euros, ainsi que réparation du préjudice moral, pour un montant évalué à 1 000 euros, en raison de l’atteinte à sa tranquillité d’esprit et surtout à son honneur et à sa réputation professionnelle.

78      Le CDR considère, à supposer même que cette demande puisse être qualifiée valablement de « recours en indemnité », que, dès lors que la décision attaquée est légale, aucun comportement illégal ne peut être reproché au CDR et que le recours en indemnité doit donc être rejeté. Partant, la conclusion tendant à la récupération de la somme de 2 038,61 euros reviendrait en définitive à demander une injonction au Tribunal, pour laquelle il ne serait pas compétent.

 Appréciation du Tribunal

79      En ce qui concerne la réparation du préjudice matériel, le Tribunal constate que le montant demandé par le requérant, à savoir 2 038,61 euros, correspond exactement à celui dont le CDR a déjà procédé à la récupération. Les conclusions en annulation de la décision attaquée ayant été partiellement rejetées, il y a lieu de rejeter également la demande indemnitaire dans la mesure où elle se rapporte aux montants pour lesquels les conclusions en annulation ont été rejetées. S’agissant, en revanche, des montants pour lesquels les conclusions en annulation ont été accueillies, le Tribunal, disposant de pouvoirs de pleine juridiction en matière pécuniaire, est compétent pour ordonner le remboursement de ces sommes au requérant.

80      Il y a lieu, dès lors, de condamner le CDR à rembourser au requérant le montant, déjà récupéré, correspondant à l’application du CC aux transferts effectués en faveur du CEL pour un montant de 15 300 euros, augmenté des intérêts moratoires à compter de la date de la récupération et jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicable durant la période concernée, majoré de deux points (voir arrêts du Tribunal de première instance du 18 septembre 2002, Puente Martín/Commission, T‑29/01, RecFP p. I‑A‑157 et II‑833, point 88, et du 9 juillet 2003, Efthymiou/Commission, T‑22/01, RecFP p. I‑A‑177 et II‑891, point 45 ; arrêt du Tribunal du 16 janvier 2007, Borbély/Commission, F‑126/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑89, point 73).

81      S’agissant du prétendu préjudice moral, le Tribunal constate, d’une part, que son arrêt donne en partie raison au requérant, ce qui, selon la jurisprudence, est de nature à constituer une satisfaction suffisante pour le préjudice moral éventuellement subi, et d’autre part, que rien dans le dossier de l’affaire, et en particulier dans l’argumentation du requérant, ne permet de soutenir que ce dernier a subi un préjudice moral plus important que d’autres fonctionnaires lorsqu’ils font l’objet d’une répétition de l’indu. Il convient dès lors de rejeter la demande fondée sur un prétendu préjudice moral.

 Sur les dépens

82      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement relatives aux dépens et frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

83      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

84      En outre, selon l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

85      En l’espèce, les conclusions en annulation du requérant ont été rejetées dans la mesure où elles visaient la répétition des montants résultant de l’application du CC aux transferts effectués en faveur du CEL au-delà du montant de 15 300 euros, tandis qu’elles ont été accueillies dans la mesure où elles visaient les transferts effectués en faveur du CEL pour ce montant de 15 300 euros.

86      Il sera ainsi fait une juste appréciation de l’espèce en condamnant le CDR à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Comité des régions de l’Union européenne du 21 novembre 2006, telle que modifiée par la décision du 21 juin 2007, est annulée en ce qu’elle ordonne la récupération des montants résultant de l’application du coefficient correcteur aux transferts effectués par M. Tsirimiagos en faveur de son compte d’épargne-logement, d’avril 2004 à mai 2005, pour un montant de 15 300 euros.

2)      Le Comité des régions de l’Union européenne est condamné à rembourser à M. Tsirimiagos le montant, augmenté des intérêts moratoires, retenu sur sa rémunération, correspondant à l’application du coefficient correcteur aux transferts effectués en faveur de son compte d’épargne-logement, d’avril 2004 à mai 2005, pour un montant de 15 300 euros ; ces intérêts courent à compter de la date de la récupération et jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicable durant la période concernée, majoré de deux points.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Comité des régions de l’Union européenne est condamné à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens du requérant.

5)      Le requérant supporte la moitié de ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mars 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.