Language of document : ECLI:EU:T:2013:519

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

12 septembre 2013 (*)

« Aide judiciaire – Demande présentée antérieurement à l’introduction d’un recours en annulation »

Dans l’affaire T‑179/13 AJ,

CW, représenté par Me A. Tekari, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et G. Étienne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 95 du règlement de procédure du Tribunal,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure, demandes et arguments des parties

1        Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 19 mars 2013, le requérant, CW demande au Tribunal de l’admettre au bénéfice de l’aide judiciaire, en application des dispositions de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal.

2        Cette demande se rapporte à un recours qui sera ultérieurement introduit devant le Tribunal et qui tendra à l’annulation de la décision 2013/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2013, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 32, p. 20), en tant que cette décision concerne CW.

3        Dans ladite demande, CW fait valoir, en premier lieu, qu’il est sans revenu et sans emploi. En deuxième lieu, il prétend qu’il possède une maison en Tunisie achetée à crédit, mais que celle-ci a été saisie par les autorités tunisiennes. En troisième lieu, il allègue qu’il dispose d’un appartement à Paris, occupé par son épouse ainsi que ses trois enfants, pour l’achat duquel il a contracté un emprunt qu’il doit rembourser mensuellement à hauteur de 1 200 euros. En quatrième lieu, il affirme que « ses fonds sont épuisés ». Il ne disposerait en effet que d’un seul compte bancaire hors de Tunisie. Or, celui-ci, domicilié en France, aurait un solde nul. En cinquième lieu, « étant en instance de divorce », il verserait mensuellement à son épouse la somme de 997 euros à titre de pension alimentaire, somme qu’il puiserait sur son compte français, conformément à une dérogation au gel de ses fonds que les autorités françaises lui auraient accordée. En cinquième lieu, il allègue vivre en Algérie chez sa mère et être à la charge de ses oncles et cousins.

4        Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 13 mai 2013, le Conseil de l’Union européenne ne soulève aucune objection à ce qu’il soit fait droit à la demande d’aide judiciaire. Cependant, relevant que, dans d’autres affaires similaires, le Tribunal a limité le montant de l’aide judiciaire à la somme de 10 000 euros, le Conseil demande qu’il soit fait de même en l’espèce.

 Sur la demande d’aide judiciaire

 Observations liminaires

5        L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62), a instauré un gel des avoirs détenus par les « personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens » et leurs associés. Le paragraphe 2 du même article a par ailleurs interdit à des tiers de mettre, directement ou indirectement, des fonds à la disposition de ces personnes. Le paragraphe 3 dudit article a néanmoins précisé que les autorités compétentes d’un État membre pouvaient, en particulier, autoriser le déblocage des fonds « nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes [visées par le gel de fonds] et des membres de leur famille qui sont à leur charge » et des fonds « destinés exclusivement au paiement d’honoraires professionnels raisonnables et au remboursement de dépenses correspondant à la prestation de services juridiques ».

6        La décision d’exécution 2011/79/PESC du Conseil, du 4 février 2011, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO L 31, p. 40), a assujetti CW au gel d’avoirs instauré par la décision 2011/72, et ce au motif qu’il faisait « l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent ».

7        La décision 2012/50/PESC du Conseil, du 27 janvier 2012, modifiant la décision 2011/72 (JO L 27, p. 11), a prorogé jusqu’au 31 janvier 2013 l’application du gel d’avoirs instauré par la décision 2011/72.

8        La décision 2013/72 a, par la suite, maintenu applicable ce même gel jusqu’au 31 janvier 2014. Ainsi qu’il a été dit au point 2 ci-dessus, c’est la décision que CW entend attaquer.

 Sur le bien-fondé de la demande d’aide judiciaire

9        Aux termes de l’article 94, paragraphe l, du règlement de procédure :

« […] L’aide judiciaire couvre, totalement ou en partie, les frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal. Ces frais sont pris en charge par la caisse du Tribunal. »

10      En outre, aux termes du paragraphe 2 de ce même article :

« Toute personne physique qui, en raison de sa situation économique, est dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais visés au paragraphe 1 a le droit de bénéficier de l’aide judiciaire.

La situation économique est évaluée en tenant compte d’éléments objectifs tels que les revenus, le capital détenu et la situation familiale. »

11      Il ressort de ces dispositions combinées qu’il ne saurait, en tout état de cause, être fait droit à une demande d’aide judiciaire lorsqu’aucun élément du dossier n’indique que, eu égard au montant de ses revenus et de son patrimoine, le demandeur est dans l’impossibilité de régler, ne serait-ce que partiellement, ses frais d’assistance et de représentation en justice devant le Tribunal tout en subvenant aux besoins essentiels de sa famille.

12      En l’espèce, il ressort d’une attestation établie le 17 février 2012 par un avocat près la Cour de cassation de la République tunisienne que les biens détenus par CW en Tunisie ont été saisis « sans procédure préalable ». Celui-ci ne peut donc pas puiser dans le patrimoine qu’il détient en Tunisie pour régler les frais d’assistance et de représentation en justice devant le Tribunal.

13      Cependant, il ressort d’un courrier du directeur d’une agence de BNP Paribas SA, daté du 25 avril 2012, ainsi que d’un courrier émanant de la direction d’une agence de Crédit Lyonnais SA, daté du 17 septembre 2012, que CW détient un compte bancaire en France. Par ailleurs, il apparaît, à la lecture du courrier, précité, du 25 avril 2012 que, le 27 mars 2012, les autorités françaises ont permis que, en dérogation au gel de ses avoirs, CW transfère 997,35 euros par mois d’un compte à son nom détenu auprès de BNP Paribas SA, vers un compte au nom de son épouse, tenu par Crédit Lyonnais SA, de sorte que celle-ci puisse subvenir à ses besoins essentiels ainsi qu’à ceux de ses enfants. Il ressort également de ce courrier que, à la même date, le transfert entre ces deux comptes de la somme de 1 000 euros a été admis par les autorités françaises, afin que l’épouse de CW soit à même de payer des frais d’hospitalisation ainsi que des frais médicaux. Il était précisé, dans ce courrier, que ces transferts de compte à compte seraient réalisés « tant que le compte [de CW] sera[it] créditeur à concurrence desdites sommes ». Il ressort ainsi dudit courrier que, à la date de sa rédaction, soit le 25 avril 2012, le compte détenu par CW auprès de BNP Paribas SA était créditeur.

14      En outre, il peut, certes, être relevé que CW a produit deux lettres adressées, le 13 décembre 2011, par une assistante sociale scolaire relevant du département de Paris aux associations « Croix rouge française » et « Les Restaurants du Cœur – les Relais du Cœur ». Or, celles-ci indiquent que, à la fin de l’année 2011, l’épouse de CW et ses enfants rencontraient des « difficultés liées à une absence totale de ressources ». Toutefois, ces lettres sont le reflet d’une situation révolue : elles ont été établies avant que les autorités françaises n’autorisent CW à prélever les sommes susmentionnées sur son compte bancaire, en application de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision 2011/72.

15      En définitive, à supposer même que, comme il l’affirme, CW ne dispose plus à ce jour de revenus, il n’est pas démontré que, compte tenu de ses éventuelles dettes, le solde du compte bancaire qu’il détient en France soit, à ce jour, insuffisant pour lui permettre de payer tout ou partie des frais d’assistance et de représentation en justice susceptibles d’être occasionnés par le recours mentionné au point 2 ci‑dessus tout en subvenant aux besoins essentiels de sa famille. En d’autres termes, CW ne démontre pas être dans l’incapacité totale ou partielle de faire face auxdits frais.

16      Par suite, il convient de rejeter la demande d’aide judiciaire présentée par CW.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

La demande d’aide judiciaire dans l’affaire T-179/13 AJ est rejetée.

Fait à Luxembourg, le 12 septembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz



* Langue de procédure : le français.