Language of document : ECLI:EU:T:2012:174

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

29 mars 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale MERCATOR STUDIOS – Marques nationales et internationales figuratives antérieures Mercator et Mercator Slovenska košarica – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑417/09,

Poslovni Sistem Mercator d.d., établie à Ljubljana (Slovénie), représentée par Mes J. Güell Serra et M. Curell Aguilà, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Mercator Multihull, Inc., établie à Vancouver (Canada),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 16 juillet 2009 (affaire R 1031/2008-1), relative à une procédure d’opposition entre Poslovni Sistem Mercator d.d. et Mercator Multihull, Inc.,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 octobre 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 28 janvier 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 août 2004, Mercator Multihull, Inc. a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MERCATOR STUDIOS.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à « fourniture de recherches techniques et mécaniques, conception et développement de véhicules à moteur, vaisseaux maritimes, avions, trains, moteurs, machines et autres produits industriels dans le domaine du transport ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 20/2005, du 16 mai 2005.

5        Le 16 août 2005, la requérante, Poslovni Sistem Mercator d.d., a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque slovène figurative, déposée le 20 janvier 1997, enregistrée le 26 juin 1997, sous le numéro 9770090, et renouvelée jusqu’au 20 janvier 2017 pour désigner, notamment, les services relevant de la classe 42 parmi lesquels figure le service « programmation informatique », reproduite ci-après :

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–        la marque slovène figurative déposée le 14 septembre 2000 et enregistrée le 28 février 2001, sous le numéro 200071437, pour des produits compris dans les classes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18, 20 à 34, reproduite ci-après :

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–        la marque slovène figurative, déposée le 7 mars 2003 et enregistrée le 6 mai 2004, sous le numéro 200370313, pour des produits et des services compris dans les classes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18, 20 à 34, 39, 41, 43 et 44, reproduite ci-après :

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–        la marque internationale figurative, déposée et enregistrée le 28 février 2001, sous le numéro 752846, pour des produits et des services compris dans les classes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18, 20 à 33, produisant ses effets en Italie et en Autriche, reproduite ci-après :

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–        la marque internationale figurative, déposée et enregistrée le 26 juin 1997, sous le numéro 678122, pour désigner, notamment, les services relevant de la classe 42 parmi lesquels figure le service « programmation informatique », produisant ses effets en Italie et en Autriche, reproduite ci-après :

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7        L’opposition était fondée sur la totalité des produits et des services couverts par les droits antérieurs et était dirigée à l’encontre des services visés par la marque demandée.

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

9        Par décision du 29 mai 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Elle a notamment estimé que, en dépit de la similitude des signes en conflit, une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), à savoir l’identité ou la similitude des produits ou des services, n’était pas remplie. Elle a également considéré que la requérante n’avait pas prouvé que l’usage de la marque demandée pour les services visés tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ou leur porterait préjudice.

10      Le 14 juillet 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 16 juillet 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a notamment estimé que le service « programmation informatique » couvert par la marque slovène antérieure n° 200071437 et la marque internationale antérieure n° 678122 étant différent des services visés par la marque demandée, l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), n’était pas remplie. Elle a également considéré que la requérante n’apportait pas la preuve que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porterait préjudice.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Le second moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

15      La requérante critique la partie de la décision attaquée qui conclut à l’absence de similitude entre le service « programmation informatique » couvert par la marque slovène antérieure n° 9770090 et la marque internationale antérieure n° 678122, d’une part, et les services « fourniture de recherches techniques et mécaniques, conception et développement de véhicules à moteur, vaisseaux maritimes, avions, trains, moteurs, machines et autres produits industriels dans le domaine du transport » visés par la marque demandée, d’autre part. Elle estime que, compte tenu de la similitude des signes en conflit et de la similitude des services en cause, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

16      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

20      À titre liminaire, il y a lieu de constater qu’il n’est pas contesté que les signes en conflit sont similaires, ainsi que l’a estimé à juste titre la chambre de recours.

21      Il convient donc d’examiner si la chambre de recours a considéré à bon droit qu’il n’existait pas de similitude entre les services en cause tels que mentionnés au point 15 ci-dessus, de sorte qu’une condition de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’était pas remplie. À cet égard, il convient de relever, ainsi qu’il ressort du point 11 ci-dessus, que, dans la décision attaquée, la chambre de recours cite erronément la marque slovène antérieure n° 200071437 au lieu de la marque slovène antérieure n° 9770090.

22      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

23      En l’espèce, ainsi que l’a relevé la chambre de recours sans que la requérante le conteste, les services en cause ne s’adressent qu’à des professionnels.

24      La chambre de recours a considéré que le service « programmation informatique » était différent des services visés par la marque demandée. Selon la chambre de recours, le service « programmation informatique » « est le processus consistant à écrire, tester, valider/diagnostiquer les pannes et maintenir le code source des programmes informatiques », tandis que les services visés par la marque demandée n’impliquaient pas l’écriture de programmes informatiques, mais se rapportaient au développement technique de véhicules dans le domaine du transport. La chambre de recours a ajouté que le simple fait que les ordinateurs utilisés pour offrir les services visés par la marque demandée devaient être programmés ne rendait pas les services en cause similaires, étant donné que presque tous les services impliquaient l’utilisation d’ordinateurs devant être programmés.

25      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours et fait valoir, en substance, que le service « programmation informatique » couvre le domaine de la recherche, de la conception et du développement de véhicules à moteur dans le domaine des transports. Elle indique ensuite que les moteurs et les produits industriels dans le domaine du transport sont tous contrôlés par des programmes informatiques. Il en serait ainsi des avions, trains, vaisseaux et voitures. À cet égard, la requérante indique que les voitures qu’elle produit sont munies d’ordinateurs de bord qui gèrent l’injection du carburant, contrôlent la vitesse et tous les aspects du véhicule sans exception (freins, direction, pression des pneus …), de sorte que la conception et le développement de moteurs et de produits industriels dans le domaine du transport supposent la conception et le développement de programmes informatiques. Selon la requérante, les services en cause seraient donc non seulement complémentaires, mais également similaires.

26      Il y a d’abord lieu de constater que la requérante ne remet pas en cause la constatation de la chambre de recours selon laquelle le service « programmation informatique » consiste, notamment, en l’écriture d’un code source, ce que n’impliquent pas les services visés par la marque demandée.

27      La requérante ne réfute pas davantage la constatation de la division d’opposition, dont la chambre de recours s’est appropriée l’analyse, selon laquelle les services en cause requièrent une expertise totalement différente et ne sont, dès lors, ni concurrents ni complémentaires. La requérante se borne à indiquer que, dans la mesure où elle « n’a jamais été tenue de prouver l’usage de ses marques antérieures, il convient de partir de l’hypothèse que [le service ‘programmation informatique’ est utilisé] le plus largement possible » et que dès lors « il est bien possible qu’[il couvre] la programmation informatique dans le domaine de la recherche, [de] la conception et [du] développement de véhicules à moteur dans le domaine du transport ». Toutefois, ce faisant, la requérante ne remet pas en cause la constatation de la division d’opposition selon laquelle les services visés par la marque demandée font appel à des professionnels hautement qualifiés, spécialisés dans la conception et le développement de moyens de transport, tandis que les produits et services couverts par les marques antérieures ne présentent aucun lien avec les véhicules en général, leur conception ou leur développement.

28      Force est également de constater que la requérante n’avance pas le moindre argument visant à contester l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les prestataires et les destinataires des services en cause sont différents. La requérante se contente d’alléguer, dans le cadre du mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours, que le service « programmation informatique » et le service « recherche technique et mécanique » sont souvent rendus par les mêmes prestataires et destinés au même public cible. Or, d’une part, la requérante n’étaye son allégation par aucun élément de fait concret. D’autre part, il importe de constater que la marque demandée désigne non pas le service « recherche technique et mécanique », mais le service « recherches techniques et mécaniques, conception et développement de véhicules à moteur, vaisseaux maritimes, avions, trains, moteurs, machines et autres produits industriels dans le domaine du transport » qui, comme l’indique la division d’opposition, est un service technique de pointe différent de la programmation informatique, qui vise tous les domaines de la vie et de l’activité commerciale.

29      Il résulte des considérations qui précèdent que les services visés par la marque demandée et le service « programmation informatique » couvert par la marque slovène antérieure n° 9770090 et la marque internationale antérieure n° 678122 ne sauraient être considérés comme similaires.

30      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel la conception et le développement de moteurs et de produits industriels sont étroitement liés à la programmation informatique, étant donné que les avions, trains, vaisseaux et voitures sont principalement gérés au moyen de programmes informatiques.

31      Certes, comme le reconnaît la division d’opposition elle-même sans être contredite par la chambre de recours, la programmation informatique peut être utilisée comme un outil aux fins de la recherche, de la conception et du développement des moyens de transport. Toutefois, cette circonstance ne saurait suffire, en tant que telle, à conclure à la similitude des services en cause. En tant que la programmation informatique concerne tous les domaines de la vie et de l’activité commerciale, ainsi qu’il a déjà été mentionné au point 29 ci-dessus, il est très fréquent, comme le relève à juste titre la chambre de recours, que de nombreux services impliquent l’utilisation d’ordinateurs qui doivent être programmés.

32      En conséquence, l’une des conditions indispensables pour appliquer l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, à savoir l’identité ou la similitude des services en cause, n’étant pas remplie, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

33      L’argument de la requérante tiré de la renommée de la marque antérieure Mercator n’est pas de nature à invalider cette conclusion.

34      En effet, s’il est de jurisprudence constante que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24, et du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18), il convient de souligner qu’un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les produits ou les services en conflit.

35      Partant, le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 doit être rejeté comme non fondé.

  Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94

36      La requérante soutient en substance qu’elle a apporté la preuve de l’existence d’un risque futur non hypothétique que le demandeur de la marque MERCATOR STUDIOS tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ou leur porterait préjudice.

37      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

38      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ».

39      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, la marque antérieure doit jouir d’une renommée. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du Tribunal du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, points 34 et 35, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec. p. II‑2353, points 54 et 55].

40      Par ailleurs, il convient d’interpréter l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 en ce sens qu’il peut être invoqué à l’appui d’une opposition formée aussi bien à l’encontre d’une demande de marque communautaire visant des produits et des services non identiques à ceux désignés par la marque antérieure et non similaires qu’à l’encontre d’une demande de marque communautaire visant des produits identiques à ceux de la marque antérieure ou similaires (arrêt VIPS, point 39 supra, point 33].

41      En l’espèce, il convient de constater, tout d’abord, qu’il n’est pas contesté devant le Tribunal que les marques antérieures ont acquis une renommée en Slovénie en ce qui concerne le service « commercialisation de biens de consommation » relevant de la classe 35.

42      La chambre de recours a cependant estimé que la façon dont la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ou la façon dont il leur serait porté préjudice n’avait pas été démontrée. La chambre de recours s’étant fondée, dans la décision attaquée, sur l’absence de la quatrième des conditions énumérées au point 39 ci-dessus, il suffit d’examiner si cette condition a été remplie en l’espèce.

43      Il convient de relever que cette condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre (voir arrêt VIPS, point 39 supra, points 36 à 42, et la jurisprudence citée).

44      En l’espèce, la requérante soutient en substance qu’il existe suffisamment d’éléments pour conclure que la marque demandée permettra à son titulaire de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, puisqu’il y aura exploitation et parasitisme manifestes de la célèbre marque Mercator. Selon la requérante, il ressort clairement de tous les éléments de preuve apportés que Mercator est un nom bien connu en Slovénie et que tout le monde l’associe aux célèbres magasins de vente au détail de biens de consommation Mercator. En outre, il n’y aurait aucun doute que, en raison des importantes campagnes publicitaires et de charité, ainsi que de l’image de Mercator véhiculée par les médias slovènes, toute personne en Slovénie estimera, à tort, que la marque MERCATOR STUDIOS est liée au propriétaire des célèbres magasins de détail Mercator.

45      Il importe de rappeler que, si le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, il doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 38).

46      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante n’a apporté aucun élément permettant d’établir que la marque demandée tirait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ou leur porterait préjudice.

47      La requérante se borne à invoquer la renommée des marques antérieures en Slovénie et en déduit que le public slovène est susceptible d’associer les marques en conflit. Or, à supposer même que le public établisse un lien immédiat entre la marque demandée et les marques antérieures, l’existence d’un tel lien ne suffit pas pour démontrer que l’enregistrement de la marque demandée serait susceptible de permettre à son titulaire de tirer indûment profit du caractère distinctif et de la renommée des marques antérieures ou de leur porter préjudice (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée au Recueil, point 38).

48      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’étaient pas toutes remplies en l’espèce.

49      En conséquence, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé, et donc le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Poslovni Sistem Mercator d.d. est condamnée aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.