Language of document : ECLI:EU:T:2011:121

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

24 mars 2011(*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale AK 47 – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), et article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑419/09,

Cybergun SA, établie à Bondoufle (France), représentée par Me S. Guyot, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Umarex Sportwaffen GmbH & Co. KG, établie à Arnsberg (Allemagne), représentée par Me M. Hoffmann, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 5 août 2009 (affaire R 1101/2007-1), relative à une procédure de nullité entre Umarex Sportwaffen GmbH & Co. KG et Cybergun SA,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 octobre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 30 mars 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 19 mars 2010,

vu la décision du 5 mai 2010 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu les observations de la requérante, de l’OHMI et de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal respectivement le 18, le 8 et le 20 octobre 2010 concernant la jonction éventuelle de la présente affaire et de l’affaire T‑503/09 aux fins de la procédure orale,

vu l’ordonnance du 21 octobre 2010 portant jonction des affaires T‑419/09 et T‑503/09 aux fins de la procédure orale,

à la suite de l’audience du 17 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 mai 2001, M. J. a obtenu auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) l’enregistrement du signe verbal AK 47 en tant que marque communautaire, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été effectué relèvent des classes 24, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

3        Le 23 mai 2005, la requérante, Cybergun SA, a demandé la division de la marque au motif que celle-ci avait été transférée à son profit pour les produits relevant de la classe 28. La division a eu lieu le 8 juillet 2005. Les produits pour lesquels l’enregistrement de la nouvelle marque, en cause en l’espèce, a été effectué relèvent de la classe 28 au sens de l’arrangement de Nice et correspondent à la description suivante : « Jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport compris dans la classe 28, à l’exception des articles pour la chasse et les sports de tir ».

4        Le 4 juillet 2006, l’intervenante, Umarex Sportwaffen GmbH & Co. KG, a présenté une demande en nullité de cette marque sur le fondement de l’article 51 du règlement n° 40/94 (devenu article 52 du règlement n° 207/2009). À la page 2 du formulaire de demande en nullité, l’intervenante a apposé une croix dans la case située en regard de la mention « Article 51[, paragraphe] 1[, sous] b), du [règlement n° 40/94] – Demandeur de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque ». Aucune croix n’a en revanche été apposée dans la case située en regard de la mention « Article 51[, paragraphe] 1[, sous] a), du [règlement n° 40/94] – Marque communautaire enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du [règlement n° 40/94 (devenu article 7 du règlement n° 207/2009)] ». Toutefois, dans l’exposé des motifs de la demande, l’intervenante a indiqué que la marque AK 47 était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009] et que la requérante était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque communautaire.

5        Le 22 juin 2007, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

6        Le 13 juillet 2007, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 5 août 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation et a déclaré la nullité de la marque en cause. En substance, elle a tout d’abord relevé que la division d’annulation n’aurait pas dû rejeter la demande en nullité au seul motif que l’intervenante n’avait pas coché une case du formulaire de demande. À cet égard, elle a fait valoir que, lorsque l’OHMI était amené à statuer sur une demande en nullité, il devait examiner le contenu de la demande dans son intégralité ainsi que ses annexes et que, s’il ressortait de l’exposé des motifs de celle-ci que le demandeur fondait sa demande en nullité sur le caractère descriptif de la marque contestée et sur l’impératif de disponibilité existant à son égard au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, l’OHMI devait examiner si la marque avait été enregistrée en violation de cette disposition. La division d’annulation n’ayant pas effectué cet examen, la chambre de recours a conclu que la décision de celle-ci devait être annulée.

8        Exerçant ensuite les compétences dont elle jouit en vertu de l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a examiné si la marque avait été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. À cet égard, elle a considéré que, pour les produits concernés, la marque en cause serait comprise comme faisant référence au célèbre fusil d’assaut conçu par M. Kalachnikov et mis en service dans l’armée de l’Union soviétique en 1947 et était donc descriptive.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que la chambre de recours a déclaré nulle la marque AK 47 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de ce que la chambre de recours a outrepassé ses compétences et, le second, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la chambre de recours a outrepassé ses compétences

13      La requérante fait valoir que la chambre de recours ne pouvait annuler la marque en cause en raison de son caractère descriptif étant donné que l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 n’était pas visé dans le formulaire de demande de nullité. Selon elle, étant donné que la procédure en nullité peut être introduite à tout moment, et ce alors même que le caractère descriptif de la marque a fait l’objet d’un examen lors de l’enregistrement, la procédure en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 doit être insérée dans un cadre procédural strict, afin d’assurer la sécurité juridique des titulaires des marques et des tiers. Partant, dès lors que ledit article n’aurait été visé ni dans le formulaire de demande ni dans les annexes de celui-ci, il n’appartiendrait pas à la chambre de recours de se substituer au demandeur en ajoutant un fondement textuel à la demande en déclaration de nullité.

14      L’OHMI et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

15      Le Tribunal rappelle que, ainsi qu’il ressort de l’article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours peut soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour suite à donner.

16      Cette disposition contient une indication non seulement quant au contenu que peut avoir une décision de la chambre de recours, mais également quant à l’étendue de l’examen que celle-ci est tenue d’opérer à l’égard de la décision faisant l’objet du recours [arrêt du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, Rec. p. II‑3253, point 24].

17      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’il existe une continuité fonctionnelle entre l’examinateur et la chambre de recours. Or, cette jurisprudence a vocation à s’appliquer également au rapport existant entre les autres unités de l’OHMI statuant en première instance, telles que les divisions d’opposition et d’annulation ainsi que les chambres de recours (arrêt KLEENCARE, précité, point 25).

18      Dès lors, la compétence des chambres de recours de l’OHMI implique un réexamen des décisions prises par les unités de l’OHMI statuant en première instance (arrêt KLEENCARE, précité, point 26).

19      Partant, il convient d’examiner si, en l’espèce, la division d’annulation devait examiner la cause de nullité visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, de sorte que la chambre de recours pouvait également, lors du réexamen de la décision de la division d’annulation, étendre son examen à ladite cause.

20      À cet égard, il doit être relevé que la chambre de recours a considéré que la division d’annulation n’aurait pas dû rejeter la demande en nullité au seul motif que la demanderesse n’avait pas coché une case du formulaire de demande.

21      Cette appréciation doit être validée. En effet, ainsi que l’a fait valoir l’OHMI, lorsqu’elle examine une demande, la division d’annulation ne saurait se limiter à l’examen des motifs pour lesquels une case a été cochée dans le formulaire de demande en nullité, mais doit examiner l’ensemble de la demande, en particulier au regard de l’exposé détaillé des motifs étayant celle-ci.

22      Le fait pour la division d’annulation de limiter l’examen aux seuls motifs pour lesquels une case du formulaire de demande a été cochée pourrait en effet porter atteinte à l’objectif de l’article 52 du règlement n° 207/2009, qui concerne les causes absolues de nullité et qui vise à protéger le marché et tous ses acteurs contre les enregistrements de signes contraires à l’intérêt général (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Ruiz‑Jarabo Colomer sous l’arrêt de la Cour du 25 février 2010, Lancôme/OHMI et CMS Hasche Sigle, C‑408/08 P, non encore publiées au Recueil, point 50).

23      De plus, le législateur n’ayant pas entendu restreindre le cercle des personnes pouvant présenter une demande en nullité fondée sur une cause de nullité absolue (voir, en ce sens, arrêt Lancôme/OHMI et CMS Hasche Sigle, précité, point 39), il serait contraire à la volonté de celui-ci de limiter la portée d’une telle demande par un formalisme juridique excessif.

24      Cette interprétation est confirmée, d’une part, par l’article 56, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, qui, sur le plan du contenu de la demande, se borne à exiger que celle-ci soit présentée par écrit et motivée, et, d’autre part, par la règle 37 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), qui énonce que, en ce qui concerne une demande en nullité présentée en vertu de l’article 51, du règlement n° 40/94 (devenu article 52, du règlement n° 207/2009), celle-ci doit contenir une déclaration précisant la cause de nullité invoquée à l’appui de la demande. En effet, ni l’article 56, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 ni la règle 37 du règlement n° 2868/95 ne prévoient que l’examen de ladite demande doit être circonscrit aux seuls motifs pour lesquels une case a été cochée dans le formulaire de demande en nullité.

25      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la procédure en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 doit être insérée dans un cadre procédural strict, afin d’assurer la sécurité juridique des titulaires des marques et des tiers, il doit être écarté dès lors que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, il ne trouve aucun soutien dans ledit règlement et qu’il aurait pour conséquence de s’opposer à l’objectif même de cette disposition, tel qu’énoncé au point 22 ci-dessus.

26      En l’espèce, il ressort clairement du dossier devant la division d’annulation que l’intervenante invoquait au soutien de sa demande, non seulement le motif de nullité visé à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, mais également celui visé au paragraphe 1, sous a), dudit article. En effet, dans le cadre de la première partie de l’exposé des motifs de la demande en nullité, qui est intitulée « I. Indication descriptive » et comporte plus de douze pages, l’intervenante a invoqué la jurisprudence concernant le refus d’enregistrement des marques descriptives et a avancé des arguments visant à faire valoir que la marque en cause serait couverte par ce motif absolu de refus.

27      Partant, le fait que l’intervenante a omis de cocher, dans le formulaire de demande en nullité, la case en regard de la mention relative au motif visé à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 ne saurait impliquer que la division d’annulation n’était pas saisie d’une demande sur le fondement de cette disposition, dès lors qu’il ressort explicitement de l’exposé des motifs de la demande d’annulation que celle-ci se fondait notamment sur ledit motif.

28      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que la division d’annulation aurait dû procéder à l’examen de la demande en nullité au regard de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 et a elle-même procédé à cet examen.

29      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009

30      La requérante soutient, premièrement, que le signe AK 47 constitue une indication d’origine commerciale des produits sur lesquels il est apposé, étant donné qu’il fait directement référence à M. Kalachnikov et à l’usine russe ayant assuré la production de l’arme à feu du même nom, deuxièmement, que ledit signe a acquis un caractère distinctif par l’usage avant son enregistrement et, troisièmement, qu’il est dans l’intérêt du consommateur concerné que ce signe soit enregistré en tant que marque communautaire. Lors de l’audience, la requérante a également fait valoir, en substance, que la chambre de recours avait violé son obligation de motivation de la décision attaquée.

31      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

32      Le Tribunal rappelle que l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 dispose :

« La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’[OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a)       lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 ;

[…] »

33      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce que son paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

34      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public ciblé, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, point 39, et arrêt du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 24].

35      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (arrêt PAPERLAB, précité, point 25).

36      Partant, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du Tribunal du 16 mars 2006, Telefon & Buch/OHMI – Herold Business Data (WEISSE SEITEN), T‑322/03, Rec. p. II‑835, point 90, et la jurisprudence citée].

37      En l’espèce, il convient tout d’abord de constater que les produits concernés, qui, eu égard à leur description, relèvent du domaine du jeu, des jouets ou du sport, sont destinés à la consommation générale et non pas aux seuls professionnels ou amateurs, dès lors que toute personne est susceptible à un moment ou à un autre d’acquérir de tels produits de manière soit régulière soit ponctuelle [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 mai 2005, Naipes Heraclio Fournier/OHMI – France Cartes (Épée d’un jeu de cartes, Cavalier de massue et Roi d’épée), T‑160/02 à T‑162/02, Rec. p. II‑1643, point 45]. Partant, il y a lieu de considérer que le public pertinent est le consommateur moyen de l’Union normalement informé, raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Épée d’un jeu de cartes, Cavalier de massue et Roi d’épée, précité, point 45, et du 19 mai 2010, Ravensburger/OHMI – Educa Borras (EDUCA Memory game), T‑243/08, non publié au Recueil, point 24]. C’est donc à tort que la requérante fait valoir que le public pertinent dispose d’un haut niveau d’attention et possède une connaissance approfondie de l’armement.

38      Il convient ensuite d’examiner, sur la base d’une signification donnée du signe AK 47, s’il existe, du point de vue du public ciblé, un rapport suffisamment direct et concret entre ce signe et les produits concernés [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juin 2007, MacLean-Fogg/OHMI (LOKTHREAD), T‑339/05, non publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée].

39      À cet égard, il est constant entre les parties, ainsi que cela a été confirmé lors de l’audience, d’une part, que le signe AK 47 fait référence à un fusil d’assaut automatique notoirement connu, conçu par l’ingénieur soviétique M. Kalachnikov, et, d’autre part, que, dans ce signe, l’élément « a » désigne le type d’arme, à savoir une arme automatique, l’élément « k » désigne son créateur, à savoir M. Kalachnikov, et l’élément « 47 » désigne l’année de sa création, à savoir 1947.

40      Aussi, dans le contexte des produits concernés, le public pertinent comprendra le signe en cause, non comme une indication de leur origine commerciale, mais comme faisant référence, comme la chambre de recours l’a relevé à bon droit, au célèbre fusil d’assaut AK 47.

41      En effet, les produits concernés sont susceptibles d’inclure des produits, tels que des jouets ayant la forme d’une arme ou des jeux de tir, qui ont trait, dans le domaine du jeu ou des jouets, aux armes ou à l’armement. Le signe en cause informe donc immédiatement et sans équivoque le public pertinent que ces produits sont des jeux ou des jouets reproduisant le célèbre fusil d’assaut AK 47 ou possédant les caractéristiques de celui-ci.

42      Partant, pour le public pertinent, le signe en cause désigne une des caractéristiques des produits concernés, en l’occurrence, leur espèce ou leur type.

43      Force est, par ailleurs, de constater qu’il ressort des éléments de preuve présentés à l’OHMI que le signe AK 47 est effectivement utilisé, dans le commerce, par plusieurs fabricants pour désigner des jouets ayant la forme d’une arme ou des armes dites « airsoft », reproduisant, le cas échéant en taille réduite, le célèbre fusil d’assaut. Cela ressort tant d’annonces publicitaires et de catalogues de vente, que d’extraits de revues spécialisées, qui ont été produits devant l’OHMI.

44      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’il existe un rapport suffisamment direct et concret entre le signe AK 47 et les produits concernés.

45      Il résulte de ce qui précède que le signe AK 47 est, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à bon droit, descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé. À cet égard, à supposer même que ledit signe ne soit pas descriptif pour tous les produits inclus dans la catégorie visée au point 3 ci‑dessus, il importe de préciser que la requérante a demandé l’enregistrement de ce signe pour l’ensemble des produits relevant de cette catégorie sans faire de distinction entre eux. Dès lors, il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours en ce qu’elle porte sur l’ensemble de ces produits [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 juin 2001, DKV/OHMI (EuroHealth), T‑359/99, Rec. p. II‑1645, point 33 ; du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 46, et du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI (TRUCKCARD), T‑358/00, Rec. p. II‑1993, point 37].

46      Aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de remettre en cause cette conclusion.

47      S’agissant, en premier lieu, de l’argument de la requérante selon lequel le signe AK 47 fait directement référence à M. Kalachnikov et à l’usine de fabrication russe ayant assuré la production de l’arme à feu du même nom, il suffit de constater que, même à supposer qu’un lien entre ledit signe et cette personne ou cette usine soit établi, cela n’impliquerait pas que ce signe fasse référence à une origine commerciale déterminée, l’inventeur d’un produit ou l’usine assurant la production de celui-ci ne correspondant pas nécessairement à l’entreprise qui commercialise un tel produit. Tel est d’autant plus le cas que, ainsi qu’il ressort du point 43 ci-dessus, le signe en cause est utilisé dans le commerce par plusieurs fabricants pour désigner des produits imitant le célèbre fusil d’assaut.

48      Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle seuls les fabricants dûment autorisés par M. Kalachnikov ou ses ayants droit produisent des armes et des jouets revêtus dudit signe, elle doit être rejetée. En effet, d’une part, la requérante n’a avancé aucun élément concret susceptible de démontrer que des droits exclusifs sur le signe AK 47, qui permettraient un tel contrôle, seraient détenus par M. Kalachnikov. Elle a d’ailleurs indiqué, lors de l’audience, que ce dernier ne possédait aucun droit de marque sur ledit signe. D’autre part, l’affirmation de la requérante selon laquelle les différents pays produisant des armes reproduisant les caractéristiques de celles créées par M. Kalachnikov ont donné à leurs fusils des appellations différentes n’est pas en mesure de démontrer que seuls les fabricants dûment autorisés utilisent le signe AK 47. Elle n’est de surcroît pas en mesure de démontrer que ce signe ne sera pas, quant à lui, associé au célèbre fusil d’assaut.

49      Dans ces conditions, c’est à tort que la requérante fait valoir que le public pertinent présume nécessairement que les produits revêtus du signe AK 47 ont été fabriqués et commercialisés avec l’accord de M. Kalachnikov ou de ses ayants droit.

50      En deuxième lieu, il convient également d’écarter l’argument de la requérante pris du prétendu caractère distinctif du signe en cause acquis par l’usage avant son enregistrement. En effet, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait. Il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie, grâce à la marque, les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Glaverbel/OHMI (Texture d’une surface de verre), T‑141/06, non publié au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée]. Or, en l’espèce, tel n’est pas le cas. En effet, ainsi qu’il ressort de l’ensemble des considérations précédentes, aucun élément ne permet de considérer que le public identifiera, grâce au signe AK 47, les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée et que ce signe permettra de distinguer ces produits de ceux d’une autre entreprise. Il ressort au contraire du point 43 ci-dessus que ce signe est utilisé par plusieurs fabricants pour désigner leurs produits imitant le célèbre fusil d’assaut.

51      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’intérêt général commande l’enregistrement du signe en cause dans le but de permettre au consommateur d’identifier clairement l’origine du produit et de lui éviter d’acheter une imitation, force est de constater que le règlement n° 207/2009 ne prévoit pas d’exception aux motifs absolus de refus d’enregistrement visés à l’article 7 de celui-ci qui serait justifiée par un tel intérêt. À cet égard, la requérante ne saurait valablement prendre appui sur l’arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, Rec. p. I‑4893). En effet, cet arrêt concerne l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur de marque au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il n’énonce pas de principe concernant un prétendu dépôt qui s’imposerait dans l’intérêt général et permettant l’enregistrement d’une marque communautaire tombant dans le champ d’application de l’article 7 dudit règlement.

52      En quatrième lieu, s’agissant du grief invoqué par la requérante lors de l’audience, qui est pris de la violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée, il convient de constater que la chambre de recours a exposé, en particulier aux considérants 16 à 20 de ladite décision, les raisons pour lesquelles elle a considéré que la marque en cause était descriptive des produits concernés et devait être annulée. À cet égard, elle a notamment examiné les éléments de preuve apportés par l’intervenante, dont elle a estimé qu’ils prouvaient que le signe AK 47 était une indication descriptive (considérant 16 de la décision attaquée), ainsi que ceux invoqués par la requérante, en indiquant que ces derniers n’étaient pas suffisants pour démontrer l’existence de droits exclusifs liés à l’utilisation dudit signe (considérants 17 à 20 de la décision attaquée). La requérante a ainsi été en mesure de connaître les justifications de la décision attaquée et le Tribunal de contrôler la légalité de cette décision. Il s’ensuit que le présent grief doit être écarté.

53      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen, ainsi que, par voie de conséquence, le recours.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Cybergun SA est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.