Language of document : ECLI:EU:T:2014:763

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

2 septembre 2014 (*)

« Recours en annulation – Déclaration du président du Parlement européen, en séance plénière, informant l’assemblée de l’exclusion d’un député européen du groupe politique auquel il est inscrit – Acte non susceptible de recours – Recours manifestement irrecevable »

Dans l’affaire T‑336/13,

Mario Borghezio, demeurant à Turin (Italie), représenté par Me H. Laquay, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Lorenz, N. Görlitz et Mme M. Windisch, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Parlement, prise en la forme d’une déclaration de son président en séance plénière, le 10 juin 2013, selon laquelle le requérant siégeait depuis le 3 juin 2013 en qualité de député non inscrit, en raison de son exclusion du groupe politique « Europe Libertés Démocratie » à compter de cette date,


LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre réglementaire

1        Le règlement du Parlement européen, dans sa version en vigueur à l’époque des faits du litige du 5 mai 2011 (JO L 116, p. 1, ci-après le « règlement intérieur »), dispose à l’article 20, intitulé « Fonctions du président » :

 « 1. Le président dirige, dans les conditions prévues au présent règlement, l’ensemble des activités du Parlement et de ses organes, et dispose de tous les pouvoirs pour présider aux délibérations du Parlement et pour en assurer le bon déroulement.

2. Le président ouvre, suspend et lève les séances. Il statue sur la recevabilité des amendements, sur les questions adressées au Conseil et à la Commission et sur la conformité des rapports avec le règlement. Il assure l’observation du règlement, maintient l’ordre, donne la parole, déclare les discussions closes, met les questions aux voix et proclame les résultats des votes. Il adresse aux commissions les communications qui sont de leur ressort.

3. Le président ne peut prendre la parole dans un débat que pour présenter l’état de la question et y ramener; s’il veut participer au débat, il quitte le fauteuil et ne peut le reprendre qu’après que la discussion sur la question est terminée.

4. Dans les relations internationales, les cérémonies, les actes administratifs, judiciaires ou financiers, le Parlement est représenté par son président, qui peut déléguer ces pouvoirs. »

2        L’article 30, intitulé « Constitution des groupes politiques », prévoit ce qui suit :

« 1. Les députés peuvent s’organiser en groupes par affinités politiques.

2. Tout groupe politique est composé de députés élus dans au moins un quart des États membres. Le nombre minimal de députés nécessaires pour constituer un groupe politique est fixé à vingt-cinq.

[…]

5. La constitution d’un groupe politique doit être déclarée au président. Cette déclaration doit indiquer la dénomination du groupe, le nom de ses membres et la composition de son bureau.

6. La déclaration de constitution d’un groupe politique est publiée au Journal officiel de l’Union européenne. »

3        L’article 31 du règlement intérieur, intitulé « Activités et situation juridique des groupes politiques », prévoit ce qui suit:

« 1. Les groupes politiques exercent leurs fonctions dans le cadre des activités de l’Union, y compris les tâches qui leur sont dévolues par le règlement [intérieur]. Les groupes politiques disposent d’un secrétariat dans le cadre de l’organigramme du secrétariat général, doté de facilités administratives et de crédits prévus au budget du Parlement.

2. Le Bureau arrête les réglementations relatives à la mise à disposition, à la mise en œuvre et au contrôle de ces facilités et de ces crédits, ainsi qu’aux délégations de pouvoirs d’exécution du budget y afférentes.

[…] »

4        L’article 33 du règlement intérieur, intitulé « Députés non-inscrits », dispose :

« 1. Les députés qui n’adhèrent pas à un groupe politique disposent d’un secrétariat. Les modalités en sont fixées par le Bureau sur proposition du secrétaire général.

2. Le statut et les droits parlementaires de ces députés sont régis par le Bureau.

3. Le Bureau arrête les réglementations relatives à la mise à disposition, à l’exécution et au contrôle des crédits inscrits au budget du Parlement pour couvrir les dépenses de secrétariat et les facilités administratives des députés non-inscrits. »

5        Les statuts du groupe politique, auquel le requérant, M. Mario Borghezio, était inscrit, « Europe Libertés Démocratie » (ci-après le « groupe ELD ») prévoient à l’article 10, intitulé « Code disciplinaire », que, « [s]i un député est considéré en infraction par rapport aux statuts du groupe, il peut être suspendu par le Bureau jusqu’à la prochaine réunion du groupe, au cours de laquelle son cas est examiné et une décision est prise à la majorité des deux tiers au moins des députés du groupe. »

 Faits à l’origine du litige

6        Le requérant a été élu député au Parlement sur la liste du parti politique italien « Ligue du Nord ». Au sein du Parlement, il a adhéré au groupe ELD, constitué conformément à l’article 30 du règlement intérieur.

7        Le 21 mai 2013, les membres du groupe ELD, lors d’une réunion, ont ajouté à l’ordre du jour un point concernant l’éventuelle exclusion du requérant dudit groupe. Le requérant, présent à ladite réunion, a contesté le fait de ne pas avoir été correctement informé dudit point et, par conséquent, de ne pas avoir eu le temps de préparer sa défense. Conformément à l’article 10 des statuts du groupe ELD, il a été décidé, le jour même, de suspendre l’affiliation du requérant au groupe « jusqu’à la prochaine réunion du groupe à Strasbourg, le 11 juin 2013, durant laquelle [le requérant] aura[it] eu la possibilité de présenter ses moyens de défense avant qu’un vote n’ait lieu ».

8        Le 31 mai 2013, M. X, l’un des deux coprésidents du groupe ELD, a demandé par courriel à tous les députés européens membres du groupe, à l’exception du requérant, d’indiquer, pour le 2 juin 2013, à 12 h au plus tard, s’ils « avaient une objection à transformer la suspension [du requérant] en exclusion du groupe ELD », au motif que le requérant avait fait publier, le 30 mai 2013, une interview dont le contenu aurait été manifestement incompatible avec les valeurs fondamentales défendues par le groupe.

9        Par lettre du 3 juin 2013, le requérant a été informé par M. X de la décision du groupe ELD, prise à la majorité des deux tiers, de transformer sa suspension en exclusion permanente du groupe à compter du 2 juin 2013 (ci-après la « décision d’exclusion ») ainsi que du fait que ladite décision aurait été communiquée aux autorités compétentes du Parlement.

10      Par courriel du 4 juin 2013, adressé au secrétaire général du groupe ELD, le requérant a dénoncé l’illégalité de la décision d’exclusion. Par courriels et par télécopie du même jour, il a indiqué à M. X et à M. Y, l’autre des deux co-présidents du groupe ELD, que la décision d’exclusion était irrégulière et violait les statuts du groupe.

11      Le 5 juin 2013, le chef de la délégation de la Ligue du Nord au sein du groupe ELD a informé par courriel le président du Parlement que la décision d’exclusion n’avait pas été signée par le coprésident du groupe, M. Y. Le même jour, M. Y a transmis au président du Parlement le courrier que le requérant lui avait adressé la veille et le requérant, quant à lui, a adressé à MM. X et Y, ainsi qu’au président du Parlement, un « recours » dans lequel il faisait valoir que son exclusion était irrégulière, puisque les statuts du groupe avaient été violés.

12      Le 6 juin 2013, à l’occasion de la réunion de la conférence des présidents, le président du Parlement a mentionné que le requérant contestait la décision d’exclusion.

13      Le 10 juin 2013, le président du Parlement a déclaré, en séance plénière du Parlement, que le requérant siégeait, avec effet à partir du 3 juin 2013, parmi les députés non inscrits.

14      À la suite de cette déclaration, le requérant a pris la parole et a rappelé qu’il avait déposé un « recours » visant à l’annulation de la décision d’exclusion. Le président du Parlement a confirmé et précisé que le requérant lui avait effectivement demandé de vérifier si cette décision ou en tout cas les règles du groupe ELD étaient conformes aux règles du Parlement et a ajouté que « cette vérification [était] en cours ».

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 juin 2013, le requérant a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de l’acte du Parlement, pris en la forme de la déclaration de son président en séance plénière du 10 juin 2013, précisant que le requérant siégeait depuis le 3 juin 2013 en qualité de député non inscrit en raison de son exclusion du groupe ELD à compter de cette date (ci-après l’« acte attaqué »).

16      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande en référé, sollicitant, en substance, la suspension de l’exécution de l’acte attaqué, ainsi qu’une décision sur les dépens comme de droit. Le Parlement, dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 9 juillet 2013, a demandé le rejet de la demande en référé comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée, ainsi que la condamnation du requérant aux dépens.

17      Par ordonnance du 17 juillet 2013, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé comme irrecevable au motif que le recours principal était, à première vue, manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondée au motif que la condition tirée de l’urgence n’était pas remplie en l’espèce.

18      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 25 juillet 2013, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

19      Le requérant a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dire la demande recevable et fondée ;

–        annuler l’acte attaqué ;

–        disposer sur les dépens comme de droit.

20      Le Parlement a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

21      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond.

22      De même, aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

24      Le Parlement soutient que les conclusions en annulation du requérant sont irrecevables. En premier lieu, le recours ne porterait pas sur un acte attaquable au sens de l’article 263, paragraphe 1, TFUE. Le Parlement fait valoir, en substance, que, l’acte attaqué étant une déclaration de nature purement informative, il ne produit pas d’effets juridiques et que, en conséquence, il n’est pas susceptible d’affecter la situation juridique du requérant. Le Parlement fait siennes, en leur entièreté, les conclusions du président du Tribunal, ayant rejeté la demande de sursis à exécution et ayant déclaré le recours principal manifestement irrecevable à première vue, au motif qu’un acte attaquable au sens de l’article 263, paragraphe 1, TFUE, faisait défaut (ordonnance du président du Tribunal du 17 juillet 2013, Borghezio/Parlement, T‑336/13 R, non publiée au Recueil). En deuxième lieu, le Parlement, à titre surabondant, fait valoir que la requête ne satisferait pas aux conditions de recevabilité visées à l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure, au motif qu’elle ne contient pas de précision quant aux dispositions de droit que le requérant estimerait enfreintes. En troisième lieu, le Parlement invoque l’absence d’intérêt à agir du requérant, car l’annulation éventuelle de l’acte attaqué n’affecterait pas la décision d’exclusion du requérant du groupe politique ELD, laquelle resterait en vigueur indépendamment d’une telle annulation.

25      Le requérant estime que le recours principal est manifestement recevable, car l’acte attaqué est le seul à produire des effets juridiques directs affectant sa situation. Il considère que la décision d’exclusion du groupe ELD n’a pas d’effets juridiques à elle seule, et ce n’est qu’à partir du moment où elle est « confirmée, avalisée et rendue publique » par le président du Parlement qu’elle produit des effets juridiques. Son intérêt à agir découlerait du fait que l’acte attaqué, dépassant le cadre de la seule organisation interne des travaux du Parlement, l’aurait empêché d’exercer son mandat parlementaire dans les mêmes conditions que les députés appartenant à un groupe politique, et l’aurait également empêché de participer, aussi pleinement que ces derniers, au processus conduisant à l’adoption des actes du Parlement. De plus, le requérant estime que la décision du groupe ELD impliquait une violation grave et manifeste de ses droits de la défense, correspondant à la violation d’un principe général de droit applicable en toute circonstance, y compris dans l’enceinte du Parlement. À cet égard, il souligne le fait que le président du Parlement, alors même qu’il avait eu connaissance de ladite violation, a décidé que le requérant ne faisait plus partie du groupe ELD. Le requérant fait par ailleurs valoir qu’il n’a pas accès à d’autres voies de recours que celle de contester l’acte attaqué. À ce titre, il précise que, en raison de l’absence de personnalité juridique des groupes politiques en Belgique, il lui serait impossible de les attraire en justice devant une juridiction nationale.

26      À titre liminaire, il convient d’écarter la première fin de non-recevoir, soulevée par le Parlement, tirée de la violation de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. À cet égard, il y a lieu de constater que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête et permettent, ainsi, de procéder à l’examen de la recevabilité du recours.

27      À titre principal, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que l’Union européenne est une communauté de droit en ce que ses institutions n’échappent pas au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle constituée par les traités et que ces derniers ont établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour le contrôle de la légalité des actes des institutions (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23 ; du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, Rec. p. I‑1093, point 8, et du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, Rec. p. II‑2823, point 48). La Cour a également dit pour droit que les actes du Parlement n’ont pas été soustraits par principe à un recours en annulation (arrêt Les Verts/Parlement, précité, point 24).

28      En application de l’article 263 TFUE, la Cour contrôle la légalité des actes du Parlement destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers et distingue à cette fin deux catégories d’actes.

29      Les actes du Parlement qui ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation sont ceux ne touchant que l’organisation interne de ses travaux (ordonnances de la Cour du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement, 78/85, Rec. p. 1753, point 11, et du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement, C‑68/90, Rec. p. I‑2101, point 11 ; arrêt Weber/Parlement, point 27 supra, point 9). Relèvent de cette catégorie les actes du Parlement qui soit ne produisent pas d’effets juridiques, soit ne produisent des effets juridiques qu’à l’intérieur du Parlement en ce qui concerne l’organisation de ses travaux et sont soumis à des procédures de vérification fixées par son règlement intérieur (arrêt Weber/Parlement, point 27 supra, point 10, et arrêt Martinez e.a./Parlement, point 27 supra, point 52).

30      En revanche, sont attaquables devant le juge de l’Union les actes du Parlement qui produisent ou sont destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers ou, en d’autres termes, les actes dont les effets juridiques dépassent le cadre de l’organisation interne des travaux de l’institution (arrêt Weber/Parlement point 27 supra, point 11, et arrêt Martinez e.a./Parlement, point 27 supra, point 53).

31      Le Tribunal a rappelé que les membres du Parlement, détenteurs d’un mandat de représentant des peuples des États membres de l’Union, doivent, à l’égard d’un acte émanant du Parlement et produisant des effets juridiques en ce qui concerne les conditions d’exercice de ce mandat, être considérés comme des tiers au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt Martinez e.a./Parlement, point 27 supra, point 61).

32      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la question de la recevabilité d’un recours en annulation s’apprécie en fonction de critères objectifs tenant à la substance même des actes attaqués. La forme dans laquelle une décision ou un acte est pris est, en principe, indifférente en ce qui concerne la possibilité d’attaquer cet acte ou cette décision par un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt Martinez e.a./Parlement, point 27 supra, point 26, et la jurisprudence citée).

33      Il y a donc lieu de vérifier si, en dépit du fait que l’acte attaqué se présente formellement comme une déclaration du président du Parlement, cet acte peut être considéré, sur le plan substantiel, comme contenant une décision produisant des effets juridiques de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commision, 60/81, Rec. p. 2639, point 9).

34      À cet égard, il ressort des écritures des parties à la procédure que l’acte attaqué, consistant en la déclaration du président du Parlement aux députés européens rassemblés en séance plénière, de ce que le requérant siégeait depuis le 3 juin 2013 parmi les députés non-inscrits, fait suite à la décision d’exclusion du requérant adoptée par le groupe ELD. Par le biais de cet acte, le président du Parlement, en substance, informe l’assemblée plénière du nouveau statut du requérant, et ce afin d’assurer le déroulement correct des travaux parlementaires, conformément aux compétences qui lui sont reconnues au titre de l’article 20 du règlement intérieur.

35      Or, il convient de rappeler, en vertu de l’interprétation de l’article 30 du règlement intérieur, retenue par la commission compétente – au sens de l’article 211 dudit règlement –, ce qui suit : 

« [N]ormalement, il n’est pas nécessaire que le Parlement évalue les affinités politiques des membres d'un groupe. En formant un groupe en application du présent article, les députés concernés reconnaissent, par définition, qu’ils partagent des affinités politiques. C’est uniquement lorsque les députés concernés nient partager de telles affinités qu’il est nécessaire que le Parlement apprécie si le groupe a été constitué en conformité avec le règlement. »

36      Cette interprétation se réfère à l’interdiction de constituer des groupes mixtes ou techniques niant expressément toute affinité politique entre eux (voir, en ce sens, arrêt Martinez e.a./Parlement, point 27 supra, points 144 à 149).

37      Il découle de l’interprétation en question que le règlement intérieur n’a pas reconnu au Parlement le pouvoir d’interférer dans les choix relatifs à la composition et au fonctionnement des groupes politiques, sauf dans le cas où les députés concernés nient expressément partager des affinités politiques.

38      Il résulte de ce qui précède que les pouvoirs reconnus par le règlement intérieur au Parlement et à son président ne permettent pas d’admettre que l’acte attaqué soit susceptible de produire des effets juridiques pouvant affecter les intérêts du requérant en le privant notamment de ses prérogatives de député inscrit. Il est possible, tout au plus, de considérer que l’acte attaqué, ne concernant que l’organisation interne des travaux du Parlement, conformément à la jurisprudence de la Cour, comme précisé au point 29 ci-dessus, ne peut pas faire l’objet d’un recours en annulation (ordonnance Blot et Front national/Parlement, point 29 supra, point 12).

39      La tentative d’accorder à l’acte attaqué une valeur d’approbation de la décision d’exclusion, comme le fait le requérant en soutenant, notamment, que ledit acte « confirme et avalise » la décision en cause ou fixe la date à compter de laquelle cette décision produit ses effets juridiques affectant ses intérêts, ne trouve aucun fondement dans les dispositions du règlement intérieur. Au contraire, les groupes politiques exercent leurs activités, conformément aux dispositions du règlement intérieur, en toute indépendance.

40      En tout état de cause, à supposer même que le Parlement soit habilité à contrôler si l’exclusion d’un membre d’un groupe politique a été effectuée dans le respect des statuts de ce groupe et des droits fondamentaux du député exclu, l’acte attaqué n’est, en toute hypothèse, pas intervenu dans le contexte d’un tel contrôle ni ne correspond, contrairement à ce que fait valoir le requérant, à une décision d’approbation de la décision d’exclusion. À cet égard il suffit de rappeler qu’il ressort des pièces du dossier que, lors de la déclaration litigieuse, le président du Parlement a également indiqué au requérant que la vérification de la décision d’exclusion était en cours. Partant, l’acte attaqué ne pouvait pas constituer le résultat sous forme d’approbation de ladite vérification.

41      S’agissant de l’argument du requérant tiré de ce que l’acte attaqué ferait grief en ce qu’il a été adopté en violation de ses droits de la défense, au motif que le président du Parlement n’aurait pas examiné la validité de la décision d’exclusion, il y a lieu de constater que, l’acte attaqué étant dépourvu d’effets juridiques, il ne saurait être entaché du vice allégué. Au demeurant, il convient d’observer qu’aucune disposition du règlement intérieur n’impose au président du Parlement de procéder à un tel examen.

42      À la lumière des observations qui précèdent, il y a lieu de considérer que l’acte attaqué n’est pas de nature à produire des effets juridiques susceptibles d’affecter les intérêts du requérant. En l’espèce, le seul acte qui pourrait porter atteinte à la situation juridique du requérant est la décision d’exclusion. Cette dernière est en effet susceptible de priver le requérant des prérogatives conférées à un député membre d’un groupe politique et affecte, par conséquent, les conditions d’exercice de ses fonctions parlementaires (voir, en ce sens, arrêt Martinez e.a./Parlement, point 27 supra, points 59 et 60). Cependant une telle décision ne fait pas l’objet du présent recours. Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’aucune règle du droit de l’Union n’implique que les actes d’un groupe politique puissent être imputés au Parlement en tant qu’institution de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 mars 1990, Le Pen, C‑201/89, Rec. p. I‑1183, point 14).

43      Dès lors, dans la mesure où, premièrement, l’acte attaqué ne produit pas d’effets juridiques propres et, deuxièmement, la décision d’exclusion ne saurait être imputée directement au Parlement, ni d’ailleurs être considérée comme approuvée par le président du Parlement – auquel au demeurant le règlement intérieur ne reconnaît pas un tel pouvoir –, il y a lieu de conclure que les conditions visées par l’article 263 TFUE pour accueillir le recours en annulation ne sont pas remplies en l’espèce.

44      Enfin, s’agissant de l’argumentation du requérant portant sur la reconnaissance du droit à un recours effectif, il convient d’observer qu’elle se fonde principalement sur la prétendue absence de voie de droit pour contester la décision d’exclusion. Or, à supposer même que tel soit le cas en l’espèce, une telle absence de voie de droit, d’une part, ne saurait contraindre le juge de l’Union à déclarer recevable un recours visant à l’annulation d’un acte qui ne produit aucun effet juridique obligatoire de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, et, d’autre part, ne saurait impliquer que la décision prise par un groupe politique, telle que la décision d’exclusion, soit imputée au Parlement, afin de pouvoir faire l’objet d’un recours en annulation (voir, par analogie, arrêt Le Pen, point 42 supra, points 11 et 14).

45      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours comme manifestement irrecevable en ce qu’il conteste un acte qui n’est pas qualifiable d’acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement, y compris ceux relatifs à la procédure de référé, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mario Borghezio supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen, y compris ceux relatifs à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 2 septembre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : le français.