Language of document : ECLI:EU:C:2023:823

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

27 octobre 2023 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non‑admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑504/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 7 août 2023,

Brooks England Ltd, établie à Smethwick (Royaume-Uni), représentée par Me S. A. Feltrinelli, avvocato,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Brooks Sports, Inc., établie à Seattle, Washington (États-Unis),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, M. S. Rodin (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Brooks England Ltd demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 juin 2023, Brooks England/EUIPO – Brooks Sports (BROOKS ENGLAND) (T‑63/22, ci‑après, l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:312), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 22 novembre 2021 (affaire R 2432/2020-4), relative à une procédure d’opposition entre Brooks Sports, Inc. et Brooks England.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission, la requérante fait valoir que les quatre moyens de son pourvoi soulèvent une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier moyen, la requérante allègue que le Tribunal, lors de son appréciation de la similitude des produits couverts par les marques en conflit, n’a pas motivé les raisons pour lesquelles, au point 92 de l’arrêt attaqué, il a fait prévaloir la circonstance que les produits concernés puissent être fabriqués par les mêmes entreprises et vendus dans les mêmes points de vente sur d’autres facteurs plus déterminants. Ce faisant, il aurait violé l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que l’article 117, sous m), du règlement de procédure du Tribunal.

8        En outre, le Tribunal aurait méconnu sa propre jurisprudence et celle de la Cour relative à l’appréciation de la similitude des produits et services au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), et notamment les arrêts du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, EU:C:1998:442) et du 8 juillet 2020, Scorify/EUIPO – Scor (SCORIFY) (T‑328/19, EU:T:2020:311).

9        Par son deuxième moyen, la requérante soutient que, en considérant, aux points 92 et 94 de l’arrêt attaqué, que les sacs pour le cyclisme pouvaient être également utilisés par des personnes s’adonnant à d’autres activités sportives, le Tribunal n’a pas respecté le principe selon lequel, aux fins de l’appréciation d’un risque de confusion entre deux marques, la comparaison des produits et services couverts par celles-ci doit se fonder, ainsi qu’il résulte de l’arrêt du 16 juin 2010, Kureha/OHMI – Sanofi-Aventis (KREMEZIN) (T‑487/08, EU:T:2010:237), sur le libellé de la liste des produits ou services pour lesquels leur protection a été demandée. Une telle approche serait également contraire à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, et porterait atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

10      Par son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir apprécié la similitude des produits concernés en considérant, aux points 54 à 56 de l’arrêt attaqué, que la marque antérieure était enregistrée pour la catégorie plus large des « chaussures d’athlétisme ». En effet, il n’aurait pas pris en compte le fait que la marque antérieure devait être considérée comme étant uniquement enregistrée pour des « chaussures de course à pieds ». Ainsi, le Tribunal aurait violé l’article 43, paragraphe 2, du règlement no 40/94.

11      Par son quatrième et dernier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, l’article 117, sous m), du règlement de procédure du Tribunal et l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en ce qu’il n’a pas motivé les raisons pour lesquelles il a considéré, au point 92 de l’arrêt attaqué, que les produits en cause pouvaient être fabriqués par les mêmes entreprises et vendus dans les mêmes points de vente, alors qu’aucun élément de preuve démontrant un tel lien n’aurait été déposé au cours de la procédure.

12      La requérante indique que les quatre moyens de son pourvoi ont une incidence sur l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union. Selon elle, l’approche suivie par le Tribunal dans l’arrêt attaqué conduirait au rejet d’un grand nombre de demandes d’enregistrement de marques de l’Union européenne en raison d’une prétendue similitude des produits ou services des marques examinés.

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par la requérante doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

16      En effet, une demande d’admission ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 26 septembre 2023, Mordalski/EUIPO, C‑321/23 P, EU:C:2023:705, point 13).

17      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation exposée aux points 7 et 11 de la présente ordonnance, tirée d’un défaut de motivation par le Tribunal lors de son appréciation de la similitude des produits concernés, il convient de relever que, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, au sens indiqué au point 15 de la présente ordonnance, que ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 17 juillet 2023, Topcart/EUIPO, C‑270/23 P, EU:C:2023:614, point 18 et jurisprudence citée).

18      Cette démonstration implique elle‑même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 28 et jurisprudence citée).

19      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument résumé au point 8 de la présente ordonnance, relatif à la méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence ainsi que de celle de la Cour relative aux critères d’appréciation de la similitude des produits et services, il convient de rappeler qu’une telle allégation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance (ordonnance du 11 mai 2023, Heinze/L’Oréal et EUIPO, C‑15/23 P, EU:C:2023:407, point 19 et jurisprudence citée).

20      Or, force est de constater que, en l’espèce, la requérante ne précise aucunement les raisons pour lesquelles, d’une part, le prétendu défaut de motivation de l’arrêt attaqué et, d’autre part, la prétendue contradiction entre les appréciations du Tribunal et la jurisprudence de celui-ci ainsi que de la Cour, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

21      À cet égard, il importe, par ailleurs, de souligner que, s’agissant des quatre moyens de son pourvoi, la requérante se borne à affirmer, ainsi qu’il ressort du point 12 de la présente ordonnance, que l’approche suivie par le Tribunal dans l’arrêt attaqué conduirait au rejet d’un grand nombre de demandes d’enregistrement de marques de l’Union européenne, sans toutefois préciser les raisons de l’importance d’une telle question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      En troisième et dernier lieu, pour ce qui est de l’argumentation mentionnée aux points 9 et 10 de la présente ordonnance, portant sur l’appréciation par le Tribunal de la similitude des produits des marques en conflit, il y a lieu de relever que, si la requérante identifie des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle se limite à les énoncer et à présenter des arguments d’ordre général, sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 19 avril 2023, Mendes/EUIPO, C‑42/23 P, EU:C:2023:325, point 15).

23      Dès lors, il échet de relever que la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences mentionnées au point 15 de la présente ordonnance.

24      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

25      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

26      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

27      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Brooks England Ltd supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.