Language of document : ECLI:EU:T:2012:243

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 mai 2012 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services informatiques concernant un système d’échange électronique d’informations sur la sécurité sociale (système EESSI) dans le domaine de la coordination de la sécurité sociale des personnes mobiles en Europe – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Attribution du marché – Obligation de motivation – Transparence – Égalité de traitement – Erreur manifeste d’appréciation – Absence d’intérêt à agir – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑17/09,

Evropaïki Dynamiki Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et P. Katsimani, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Bambara et E. Manhaeve, en qualité d’agents, assistés initialement de M. W. Sparks, solicitor, puis de ME. Petritsi, avocat, et enfin de M. O. Graber-Soudry, solicitor,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission de rejet de l’offre soumise par la requérante dans le cadre de l’appel d’offres VT/2008/019 EMPL EESSI, relatif à la fourniture de produits et de services informatiques dans le cadre du système EESSI (JO 2008/ S 111-148 213), ainsi que de la décision d’attribuer le marché à un autre soumissionnaire et, d’autre part, une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O.Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par un avis de marché du 10 juin 2008, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2008/S 111-148 213), la direction générale (DG) de l’emploi, des affaires sociales et de l’égalité des chances de la Commission des Communautés européennes (ci-après la « DG Emploi ») a lancé un appel d’offres, sous la référence VT/2008/019 EMPL EESSI, pour la « fourniture de produits et de services informatiques dans le cadre du système EESSI (échange électronique d’informations sur la sécurité sociale). La date limite de dépôt des offres a été fixée au 28 juillet 2008.

2        Le 28 juillet 2008, la requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, une société de droit grec active dans le domaine de la technologie de l’information et des communications, a soumissionné à l’appel d’offres.

3        L’ouverture des offres a eu lieu le 7 août 2008.

4        Le 21 août 2008, la DG Emploi a demandé par courrier électronique à trois soumissionnaires, dont la requérante, de vérifier auprès de leurs assureurs si les documents fournis au titre de l’assurance incluaient le type de couverture requis au point 18.1 des critères de sélection.

5        Par lettre du même jour, la requérante a répondu audit courrier électronique. Dans cette lettre, elle a contesté, d’une part, la légalité de la demande susmentionnée et fait part de sa crainte quant à un possible manque d’objectivité dans l’évaluation de son offre. D’autre part, elle a demandé à la DG Emploi des précisions sur le certificat à fournir.

6        Le 22 août 2008, la requérante a envoyé à la DG Emploi une attestation d’assurance et une déclaration signée par son représentant légal, datée du 28 juillet 2008 et certifiant que l’assurance présentée était conforme aux exigences de l’appel d’offres.

7        Le 27 août 2008, la DG Emploi a reçu un courrier électronique de la requérante accompagné d’un certificat d’assurance supplémentaire daté du 22 août 2008.

8        Le 28 août 2008, la DG Emploi a informé par courrier électronique chacun des trois soumissionnaires à qui il avait été demandé de fournir des précisions concernant leur certificat d’assurance qu’ils seraient informés par écrit si un complément d’informations était nécessaire et qu’ils seraient informés à temps de l’issue de la procédure de passation du marché.

9        Le 26 septembre 2008, le comité d’évaluation a daté et signé le rapport d’évaluation après examen des offres soumises.

10      Le 22 octobre 2008, la Commission a décidé d’attribuer le marché à Siemens IT Solutions & Services SA Brussels.

11      Par lettre du 30 octobre 2008, le résultat de la procédure d’appel d’offres a été communiqué à la requérante. Cette lettre l’a informée du rejet de son offre au motif que celle-ci « n’avait pas obtenu l[a] [note] minim[ale] de 70 % exigé[e] dans le cadre des critères d’attribution ». Il a notamment été constaté que des points fondamentaux de l’offre concernant les exigences techniques du système EESSI, leur développement et leur mise en œuvre présentaient des lacunes.

12      Par télécopie du même jour, la requérante a demandé à la DG Emploi des informations complémentaires, à savoir le nom du soumissionnaire retenu et le montant de son offre, les notes obtenues par ce dernier et par la requérante pour chaque critère d’évaluation, accompagnées d’une analyse détaillée faisant ressortir les avantages de l’offre retenue par rapport à la sienne, une copie détaillée du rapport d’évaluation ainsi que les noms des membres du comité d’évaluation afin de vérifier l’absence de conflit d’intérêts.

13      Par lettre du 7 novembre 2008, la DG Emploi a communiqué à la requérante le nom du soumissionnaire retenu, le prix de l’offre retenue, les notes attribuées pour chaque critère d’attribution et les commentaires du comité d’évaluation à la fois pour l’offre du soumissionnaire retenu et pour celle de la requérante.

14      Par télécopie du 11 novembre 2008, la requérante a contesté les appréciations portées par le comité d’évaluation.

15      Un agent extérieur au comité d’évaluation a procédé à un examen approfondi des allégations de la requérante et a consigné ses observations dans une « note au dossier » datée du 26 novembre 2008.

16      Par lettre du 27 novembre 2008, la DG Emploi a informé la requérante que les commentaires contenus dans son courrier du 11 novembre 2008 avaient été examinés, qu’aucune erreur d’appréciation n’avait été relevée et que, de surcroît, la procédure avait été menée de manière objective et impartiale.

17      Par lettre du 28 novembre 2008, la requérante a reproché à la DG Emploi de refuser de formuler des remarques concrètes sur les résultats de l’évaluation des offres pour le système EESSI, nécessaires pour qu’elle soit à même de décider si elle devait ou non intenter une action en justice. La requérante a également attiré l’attention de la DG Emploi sur le fait que le soumissionnaire retenu était la filiale d’une société impliquée dans une affaire de corruption et a invité la DG Emploi à vérifier la validité depuis 2006 des permis de travail des experts du soumissionnaire retenu.

18      Le même jour, la DG Emploi a signé le contrat de marché public avec le soumissionnaire retenu, à savoir Siemens IT Solutions & Services SA Brussels.

19      Le 15 décembre 2008, la DG Emploi a transmis à la requérante, en réponse à la lettre de cette dernière datée du 28 novembre 2008, une copie de la « note au dossier » du 26 novembre 2008 ainsi qu’une copie du « complément de dossier » élaboré par le comité d’évaluation dans le cadre de son rapport d’évaluation.

20      Le 16 décembre 2008, la requérante a adressé un nouveau courrier à la DG Emploi réitérant ses positions sur l’appel d’offres en cause. Elle y mentionnait en outre le caractère nouveau de certaines observations contenues dans la « note au dossier » du 26 novembre 2008 réalisée par l’agent extérieur au comité d’évaluation par rapport à celles contenues dans le rapport d’évaluation.

21      L’avis d’attribution du marché en cause a été publié le 20 décembre 2008 au Supplément au Journal officiel (JO 2008/S 248).

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 janvier 2009, la requérante a introduit le présent recours.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé, d’une part, d’ouvrir la procédure orale et, d’autre part, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la Commission à produire certains documents. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 mai 2011.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission de rejet de son offre ainsi que toutes les décisions ultérieures de la Commission relatives à l’appel d’offres en cause, y compris celle d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu ;

–        condamner la Commission à l’indemniser du préjudice subi du fait de la procédure de passation du marché en cause pour un montant de 883 703,50 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens, même en cas de rejet du recours.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la fin de non-recevoir

27      La Commission conteste la recevabilité du recours, sans pour autant soulever une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, au motif que la requête ne remplirait pas les conditions minimales énoncées à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

28      Il ressort des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure que la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 106 ; du 11 janvier 2002, Biret et Cie/Conseil, T‑210/00, Rec. p. II‑47, point 34, et du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, points 55 et 56, et la jurisprudence citée).

29      En l’espèce, en ce qui concerne les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de l’offre, à l’annulation de la décision d’attribution et au versement de dommages et intérêts, il convient de relever que la requête satisfait aux exigences fixées par les règles de procédure, dès lors qu’elle permet tant à la partie défenderesse qu’au Tribunal d’identifier le comportement reproché à la Commission, les faits ainsi que les circonstances qui sont à l’origine du litige. En outre, il ressort du dossier que la Commission a été à même d’organiser utilement sa défense et de développer une argumentation détaillée en réponse à chaque grief soulevé par la requérante.

30      La fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité formelle de la requête doit, par conséquent, être rejetée.

31      En revanche, en ce qui concerne la seconde partie du premier chef de conclusions par laquelle la requérante demande au Tribunal d’annuler toutes les décisions ultérieures de la Commission relatives à l’appel d’offres en cause, le Tribunal constate que la requérante ne précise pas quels actes sont visés par la seconde partie de son premier chef de conclusions, autre que la décision d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu, et ne développe aucune argumentation au soutien de sa demande.

32      Par conséquent, la seconde partie du premier chef de conclusions doit être rejetée comme étant irrecevable.

33      En ce qui concerne l’argument soulevé par la requérante selon lequel la Commission aurait dû soulever l’exception d’irrecevabilité par acte séparé, conformément à l’article 114 du règlement de procédure, il y a lieu d’observer que cet article n’exige pas que toute exception d’irrecevabilité soit présentée par acte séparé. Au contraire, la présentation par acte séparé n’est nécessaire, ainsi qu’il résulte clairement de ces dispositions, que dans le cas où la partie qui la présente entend demander au juge de se prononcer sur la recevabilité « sans engager le débat au fond ».

2.     Sur la demande en annulation de la décision de rejet de l’offre et de la décision d’attribution

34      À l’appui de sa demande en annulation de la décision de rejet de l’offre et de la décision d’attribution, la requérante invoque en substance quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation et du principe de transparence. Le deuxième est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Le troisième est tiré de la violation des règles régissant les critères d’exclusion. Le quatrième est tiré des erreurs manifestes d’appréciation commises lors de l’évaluation de son offre.

35      Il convient néanmoins d’observer que les moyens peuvent être classés en deux catégories. En premier lieu, les moyens relatifs à la décision de rejet de l’offre, à savoir les premier, deuxième et quatrième moyens, la décision de rejet résultant de l’incapacité de l’offre de la requérante d’atteindre la note minimale de 70 % exigée dans le cadre des critères d’attribution. En second lieu, le moyen relatif à la décision d’attribution, à savoir le troisième moyen, l’attribution du marché à Siemens IT Solutions & Services SA Brussels constituant le résultat de la comparaison des offres ayant atteint la note minimale de 70 % au niveau qualité/prix.

 Sur la décision de rejet

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du principe de transparence

36      La requérante estime en substance que la Commission n’a pas satisfait aux obligations que lui imposent l’article 100, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et l’article 149 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »). Elle fait valoir que les commentaires formulés par le comité d’évaluation à propos de son offre sont dénués de fondement et présentent un caractère trop générique et arbitraire pour lui permettre d’être à même de comprendre ce que l’offre du soumissionnaire retenu proposait de mieux que la sienne.

37      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 33, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 45).

38      Il convient également de relever que, lorsque la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union européenne dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; du Tribunal Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 54, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 61).

39      Il importe également de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

40      Par ailleurs, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35 ; arrêts du Tribunal du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑406/06, non publié au Recueil, point 47, et VIP Car Solutions/Parlement, précité, point 63).

41      Enfin, s’agissant d’une décision rejetant l’offre soumise par un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, les règles spécifiques qui déterminent la portée de la motivation qu’elle doit contenir sont fixées par l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution.

42      Il résulte de ces dispositions, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, que la Commission satisfait à son obligation de motivation si elle se contente, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et, ensuite, de fournir aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 47).

43      Il convient également de préciser que, lorsque l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires de la part d’un requérant au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, mais après la date fixée par l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation du cas d’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont le requérant disposait au moment de l’introduction du recours (arrêt VIP Car Solutions/Parlement, précité, point 73).

44      De même, il est de jurisprudence constante que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 58 ; du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 59, et VIP Car Solutions/Parlement, précité, point 73). Ainsi, l’éventuel envoi d’une troisième lettre ne peut être pris en compte que dans le cas où une telle lettre confirme la motivation initiale, en se limitant à fournir plus de détails quant aux motifs justifiant le rejet de l’offre du soumissionnaire évincé et l’attribution du marché au soumissionnaire retenu, et non dans le cas où la Commission expose d’autres considérations qui vont jusqu’à remettre en cause la motivation fournie dans les deux premières lettres (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 75). Il importe de souligner, à cet égard, que les réponses apportées par une institution aux demandes d’un soumissionnaire évincé ne sauraient être prises en considération en tant qu’éléments constitutifs de la motivation de la décision attaquée que pour autant qu’elles reposent sur des éléments de fait et de droit existant à la date de ladite décision.

45      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 48).

46      Il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante en tenant compte des considérations qui précèdent.

47      Pour déterminer si, en l’espèce, il est satisfait à l’exigence de motivation prévue par le règlement financier ainsi que par les modalités d’exécution, il convient d’examiner non seulement la décision du 30 octobre 2008, mais également la lettre du 7 novembre 2008, envoyée à la requérante en réponse à sa demande expresse du 30 octobre 2008 visant à obtenir des informations complémentaires sur le rejet de son offre.

48      Premièrement, dans la lettre du 30 octobre 2008, la DG Emploi a indiqué que l’offre n’avait pas été retenue parce que, au regard des critères d’attribution, elle n’avait pas obtenu la note minimale de 70 % exigée. Il a notamment été constaté que les points fondamentaux de l’offre concernant les exigences techniques du système EESSI, leur développement et leur mise en œuvre présentaient des lacunes. Cette lettre a précisé également que la requérante pouvait obtenir des informations additionnelles sur les motifs de rejet de son offre et que, si elle le demandait par écrit, elle pourrait être informée sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que sur le nom du soumissionnaire retenu. La lettre a indiqué enfin que certains détails de l’offre susmentionnée ne seraient pas communiqués si cette communication faisait obstacle à l’application des lois, était contraire à l’intérêt public, portait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pouvait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci.

49      Deuxièmement, la lettre du 7 novembre 2008 contient certaines précisions sollicitées par la requérante, à savoir le nom du soumissionnaire retenu, le prix de l’offre retenue, les notes attribuées pour chaque critère d’attribution et les commentaires du comité d’évaluation à la fois pour l’offre du soumissionnaire retenu et pour celle de la requérante.

50      Troisièmement, par courrier du 15 décembre 2008, la DG Emploi a transmis à la requérante, en réponse à la lettre de cette dernière datée du 28 novembre 2008 une copie de la « note au dossier » du 26 novembre 2008 ainsi qu’une copie du « complément de dossier » élaboré par le comité d’évaluation dans le cadre de son rapport d’évaluation.

51      Pour le cas où la motivation des lettres du 30 octobre et du 7 novembre 2008 serait insuffisante, il y a lieu de déterminer si la lettre du 15 décembre 2008 peut également être prise en considération pour apprécier si la décision de rejet de l’offre de la requérante est suffisamment motivée. Il est permis de prendre en compte les commentaires apportés dans la lettre du 15 décembre 2008, dans la mesure où ceux-ci ne se substituent pas à la motivation initiale contenue dans la décision de rejet de l’offre de la requérante et dans la lettre du 7 novembre 2008 (arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑387/08, non publié au Recueil, point 45).

52      En premier lieu, il convient d’examiner le grief tiré de la violation de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier en ce que la Commission n’aurait pas communiqué à la requérante les avantages de l’offre du soumissionnaire retenu.

53      En l’espèce, le Tribunal relève que la décision de rejet de l’offre de la requérante n’est pas fondée sur une comparaison des prestations des différents soumissionnaires. En effet, le rejet de l’offre de la requérante résulte de ce que la requérante « n’avait pas obtenu l[a] [note] minim[ale] de 70 % exigé[e] dans le cadre des critères d’attribution ».

54      Or, il y a lieu de constater que, aux termes de l’appel d’offres, seules les offres ayant obtenu la note minimale pondérée de 70 % au regard des critères d’attribution étaient ensuite examinées pour déterminer l’offre représentant le meilleur rapport qualité/prix.

55      Il en résulte que la requérante a été éliminée au motif que le seuil minimal n’avait pas été atteint et non à l’issue de la comparaison avec les autres offres et, en particulier, avec l’offre du soumissionnaire retenu.

56      Dès lors, les informations relatives au soumissionnaire retenu, communiquées par la DG Emploi par lettre du 7 novembre 2008, étaient suffisantes au regard des exigences imposées en la matière (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, points 106 à 108).

57      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

58      En second lieu, il convient d’examiner le grief tiré d’une motivation insuffisante de la décision de rejet de l’offre de la requérante au regard des différents critères d’attribution.

59      En ce qui concerne la motivation relative aux critères d’attribution nos 0 et 1, il y a lieu de constater que la décision de rejet de l’offre de la requérante et la lettre du 7 novembre 2008 comprennent suffisamment d’éléments, d’une part, pour permettre à la requérante d’identifier les raisons précises du rejet de son offre, à savoir qu’elle n’atteignait pas le niveau de qualité nécessaire pour certains critères d’attribution ainsi que le niveau nécessaire pour la qualité totale de son offre, et de comparer, pour chacun des critères d’attribution, ses résultats et ceux du soumissionnaire retenu et, d’autre part, pour permettre au juge d’exercer son contrôle. De surcroît, les commentaires généraux donnent des précisions sur les éléments de l’offre considérés comme non satisfaisants par la DG Emploi.

60      En effet, il y a lieu d’observer que la motivation du rejet de l’offre au regard des deux critères d’attribution susmentionnés comporte des éléments concrets qui étaient de nature à permettre à la requérante de comprendre les notes que la DG Emploi avait attribuées à son offre au regard desdits critères.

61      S’agissant de la motivation relative au critère d’attribution n° 0, il est notamment mentionné ce qui suit :

« Faible lisibilité, un matériel trop générique obscurcissant les propositions spécifiques du soumissionnaire pour le système EESSI. En ce qui concerne la lisibilité, par exemple, des calculs supplémentaires étaient nécessaires pour établir le nombre de ressources allouées au moyen de personne/jour en vue de distinguer les groupes de travaux (work packages). L’analyse technique en particulier manque de cohérence. »

62      S’agissant de la motivation relative au critère d’attribution n° 1, il est notamment mentionné :

« Sur les spécifications fonctionnelles, l’offre comporte un tableau résumant la compréhension des niveaux 1 et 2 desdites spécifications. L’achèvement des spécifications fonctionnelles est centré sur la mise en œuvre des spécifications fonctionnelles telles qu’identifiées dans l’avis de marché. Aucune amélioration notée, par exemple pas de conflit valable des spécifications fonctionnelles n’est mentionné dans la réponse. Plutôt que de démontrer qu’il a compris les exigences spécifiques de sécurité s’appliquant au système EESSI, le soumissionnaire répond par des recommandations génériques en matière de sécurité, applicables à n’importe quel projet. »

63      De surcroît, la motivation concernant ces critères d’attribution est utilement complétée par les éléments contenus dans la lettre du 15 décembre 2008, sans pour autant que ces derniers se substituent à la motivation existante. En effet, la motivation que comporte la lettre du 7 novembre 2008 permettait déjà à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles elle ne s’était pas vu attribuer une meilleure note au regard desdits critères. Les explications fournies dans la lettre du 15 décembre 2008 étayent et complètent, comme l’a souligné à juste titre la Commission, la motivation exposée dans la lettre du 7 novembre 2008.

64      Force est de constater que la décision de rejet de l’offre n’est pas entachée d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne les critères d’attribution nos 0 et 1. Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

65      Il y a lieu de rappeler l’importance particulière du principe d’égalité de traitement en matière de passation de marchés publics. En effet, dans le cadre d’une telle procédure, la Commission est tenue de veiller, à chaque phase de la procédure, au respect de l’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité de chances de tous les soumissionnaires (voir arrêt du Tribunal du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission, T‑160/03, Rec. p. II‑981, point 75, et la jurisprudence citée).

66      Le principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 34, et Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 93) .

67      S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle elle aurait rencontré des problèmes avec la Commission dans le cadre d’autres procédures de passation de marché, un tel argument n’est pas pertinent dans le cas d’espèce, chaque procédure d’appel d’offres devant être évaluée en fonction de ses caractéristiques propres. Il en est de même pour ce qui est de l’argument selon lequel le soumissionnaire retenu aurait par ailleurs violé ses obligations contractuelles dans le cadre de contrats-cadres.

68      Concernant le grief de la requérante tiré de ce que la Commission se serait fondée à tort sur une erreur dans le contenu du certificat d’assurance professionnelle qu’elle lui avait fourni, force est de constater ce qui suit :

–        trois soumissionnaires, dont le soumissionnaire retenu, ont reçu une demande de précision sur les certificats d’assurance fournis ;

–        la Commission pouvait valablement effectuer une demande de précisions complémentaires aux soumissionnaires, et ce en vertu de l’article 146, paragraphe 3, des modalités d’exécution ;

–        le principe d’égalité de traitement n’empêchait pas la DG Emploi de demander à certains soumissionnaires des précisions permettant de lever les ambiguïtés présentées dans leurs offres, étant donné que le point 18.1 du cahier des charges, qui fait partie des critères de sélection, a expressément prévu la possibilité de demander aux soumissionnaires de fournir un document supplémentaire relatif à leur capacité économique et financière au cas où les documents mentionnés au point 18.1 du cahier des charges ne pourraient être produits et étant donné que le comité d’évaluation était tenu de traiter tous les soumissionnaires de la même manière au regard de l’exercice de son pouvoir (voir, par analogie, arrêt Tideland Signal/Commission, précité, point 46) ;

–        la requérante a franchi avec succès la phase de sélection.

69      De surcroît, en ce qui concerne plus précisément la prétendue différence entre le libellé du point 18.1 du cahier des charges dans sa version originale et la version citée dans le courrier électronique de la Commission du 21 août 2008, il y a lieu de relever que la terminologie employée dans les deux courriers électroniques est identique. La seule différence notable réside dans le fait que le courrier électronique du 21 août 2008 donne une définition du certificat d’assurance professionnelle. Il ne s’agit dès lors pas d’une modification importante et tardive du cahier des charges comme le prétend la requérante.

70      En outre, est dénuée de pertinence l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission aurait toujours accepté, dans les procédures d’appels d’offres qu’elle a lancées, le certificat d’assurance initialement fourni par la requérante. En effet, les exigences du cahier des charges en cause ne peuvent être comparées à celles fixées pour tout autre appel d’offres, passé ou futur.

71      Il résulte des considérations qui précèdent que le présent moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’existence de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation

72      La requérante soutient que de multiples erreurs manifestes d’appréciation ont été commises par la DG Emploi au cours de la procédure de sélection des offres. À cet égard, elle conteste l’évaluation de son offre au regard de la plupart des critères d’attribution.

73      À titre liminaire, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été souligné au point 37 ci-dessus, que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la passation d’un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

74      En l’espèce, il ressort de l’avis de marché et du cahier des charges que l’attribution du marché s’est faite en fonction de l’offre économiquement la plus avantageuse, appréciée en fonction des critères énoncés dans le cahier des charges.

75      Le cahier des charges indique que l’évaluation comporte trois phases : une première phase au cours de laquelle sont appliqués des critères d’exclusion définis au point 17 du cahier des charges une deuxième phase durant laquelle sont mis en œuvre des critères de sélection définis au point 18 du cahier des charges et une troisième phase où est évaluée la mise en œuvre de critères d’attribution définis au point 19 du cahier des charges. En ce qui concerne les critères d’attribution, ils représentent ensemble un total de 100 points. Les notes attribuées sont pondérées en fonction de l’importance de chacun des huit critères d’attribution. La note minimale pondérée est fixée à 70 %. Chaque offre est évaluée afin de déterminer dans quelle mesure elle satisfait aux exigences énoncées. Le total des points des offres ayant obtenu 70 % ou plus est ensuite divisé par le prix, l’offre retenue étant celle qui représente le meilleur rapport qualité/prix.

76      Ainsi, dans les limites fixées par la jurisprudence citée au point 37 du présent arrêt, il convient d’examiner si la DG Emploi a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’offre au regard des différents critères d’attribution.

–       Sur le critère d’attribution n° 0, intitulé « Présentation des propositions du soumissionnaire »

77      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater que les paramètres utilisés dans l’évaluation du présent critère sont décrits au point 19.1 du cahier des charges. L’appel d’offres prévoit ce qui suit :

« L’évaluation portera sur la structure et la présentation générale de l’offre ainsi que sa cohérence globale, s’assurera que toutes les informations requises ont été fournies (dans le format demandé, le cas échéant) et rédigées de manière claire et non équivoque, et que la structure de l’offre a respecté le format prescrit. »

78      En premier lieu, la requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle les ressources totales pour chaque ensemble de travaux n’avaient pas été fournies et des calculs supplémentaires étaient nécessaires pour établir avec précision les ressources requises. Elle soutient que son offre définit les efforts alloués pour chacun des sous-ensembles de travaux en fournissant une présentation détaillée de la répartition des ressources à son point 4.2.2.

79      Toutefois, il y a lieu d’observer que la DG Emploi n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les ressources totales pour chaque ensemble de travaux n’avaient pas été fournies et que des calculs supplémentaires étaient nécessaires pour établir avec précision les ressources requises. Force est de constater que le tableau figurant au point 4.2.2 de l’offre de la requérante, intitulé « Répartition des tâches par profil » et concernant le critère d’attribution n° 2, ne mentionne pas les ressources totales allouées à chacun des lots, mais seulement la contribution de chacun des profils proposés pour chaque lot.

80      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission prétend que le fait que « les ressources totales pour chaque ensemble de travaux » n’avaient pas été indiquées a nui à l’exhaustivité et à la clarté de son offre. La requérante tient à souligner que l’avis de la Commission sur ce point diffère de celui exprimé dans le rapport d’évaluation, dans lequel le comité d’évaluation a détecté un problème avec la « lisibilité » de ce point de l’offre.

81      Il y a lieu de constater, à cet égard, ainsi que le souligne la Commission, que cette analyse reflète bien la position du comité d’évaluation en ce qui concerne la « lisibilité » de l’offre. La nécessité de recourir à des calculs supplémentaires a nui à l’exhaustivité et à la clarté de l’offre de la requérante.

82      En troisième lieu, la requérante soutient que l’offre ne présente aucune lacune susceptible de justifier la faible note attribuée par le comité d’évaluation. Il y a lieu de conclure, à l’instar de la Commission, que la note traduit toutes les insuffisances de l’offre telles que relevées par le comité d’évaluation comme suit :

« Faible lisibilité, un matériel trop générique obscurcissant les propositions spécifiques du soumissionnaire pour le système EESSI. En ce qui concerne la lisibilité, par exemple, des calculs supplémentaires étaient nécessaires pour établir le nombre de ressources allouées au moyen de personne/jour en vue de distinguer les groupes de travaux (work packages). L’analyse technique en particulier manque de cohérence. »

83      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la DG Emploi n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation de l’offre au regard du critère d’attribution n° 0.

–       Sur le critère d’attribution n° 2, intitulé « Projet de plan de gestion et de qualité proposé pour le système EESSI »

84      Il y a lieu de constater, tout d’abord, que le cahier des charges de l’appel d’offres, au paragraphe 2 du point 19.1, attribue la pondération la plus élevée, soit 35 sur 100, à la « répartition en ensembles de travaux à accomplir par étapes, en tenant compte de l’approche progressive telle qu’indiquée [au point] 7.1 du cahier des charges, considérée comme un élément distinct et spécifique du plan de gestion et de qualité ».

85      Ensuite, dans son rapport, le comité d’évaluation a relevé ce qui suit :

« L’utilisation de la méthodologie Prince 2 intégrée dans RUP fournit un projet acceptable de plan de gestion et de qualité divisé en ensembles de travaux. Analyse raisonnable des risques techniques identifiés. En dehors de ce qui est indiqué dans le diagramme de Gantt, le plan de gestion et de qualité du projet (PMQP) et la répartition en ensembles de travaux, l’offre ne donne aucun détail précis sur la façon d’assurer et de garantir l’exécution du projet au cours de l’approche progressive. Au vu de la complexité du projet EESSI et des délais très courts, l’offre du soumissionnaire souffre d’un manque de clarté quant à l’indépendance de l’équipe chargée des essais et à l’allocation catégorielle des ressources pour les experts ‘qualité’. »

86      La requérante conteste, en premier lieu, le bien-fondé de la conclusion du comité d’évaluation selon laquelle, « en dehors de ce qui est indiqué dans le diagramme de Gantt, le plan de gestion et de qualité du projet (PMQP) et la répartition en ensembles de travaux, l’offre ne donne aucun détail précis sur la façon d’assurer et de garantir l’exécution du projet au cours de l’approche progressive ». Elle considère que son offre établissait un plan d’exécution détaillé et fondé sur une analyse des activités proposées, des livrables à fournir et des étapes du projet et garantissant l’exécution correcte du contrat dans le strict respect du cahier des charges. Au point 5, intitulé « Interfaces et communication », de son offre, un plan de communication spécifique aurait été proposé. Au point 6.2, intitulé « Contrôle du projet », de son offre, la requérante aurait détaillé les mesures et les facteurs destinés à assurer le développement correct du projet. Au point 7, intitulé « Procédures d’admission et délais de réponse », de son offre, la requérante aurait présenté les procédures d’admission et les délais de réponse pour chaque livrable proposé.

87      Néanmoins, il y a lieu de constater que la « note au dossier » du 26 novembre 2008 indique que le commentaire du soumissionnaire, selon lequel cette condition a été remplie dans sa réponse aux précédents éléments distincts du plan de gestion et d’assurance qualité du projet (PMQP), révèle qu’il a négligé les critères d’attribution formels et fortement pondérés, mentionnés au paragraphe 2 du point 19.1 de l’appel d’offres. Même si l’offre de la requérante proposait une répartition des travaux à accomplir par étapes, celle-ci ne concernait que les exigences habituelles d’un plan de cette nature et figurait au nombre des éléments précédents et distincts du plan de gestion et de qualité, aucun détail précis et catégoriel sur la façon d’assurer et de garantir l’exécution du projet au cours de l’approche progressive n’ayant été proposé.

88      En second lieu, la requérante conteste l’appréciation faite par le comité d’évaluation selon laquelle, « au vu de la complexité du projet EESSI et des délais très courts, l’offre du soumissionnaire souffre d’un manque de clarté quant à l’indépendance de l’équipe chargée des essais et à l’allocation catégorielle des ressources pour les experts ‘qualité’ ». La requérante renvoie, à cet égard, au point 2.1.2 de son offre, dans lequel elle aurait précisé qu’elle « s’assur[ait] qu’un groupe chargé de l’assurance qualité, différent du groupe de développement, test[ait] l’application », ainsi qu’au point 6.2 de son offre, dans lequel elle aurait prévu d’attribuer des ressources spécifiques aux activités liées à la qualité. Elle soutient, en substance, avoir alloué environ 30 % de l’effort total aux activités de test et de soutien et avoir affecté de façon adéquate une équipe spécifique et hautement qualifiée aux activités de test, conformément au cahier des charges.

89      Toutefois, il y a lieu de constater que la « note au dossier » indique à cet égard ce qui suit :

« Il est établi que la répartition catégorielle des ressources du responsable interne de la qualité, pour le contrôle du projet du plan de gestion et d’assurance qualité mentionnée au [point] 6.2 de l’offre, n’est étayée par aucune répartition des ressources. En outre, l’équipe chargée de l’assurance de la qualité, mentionnée au [point] 6.2 de l’offre, n’est ni détaillée, ni confirmée. Il est indiqué au point 8.1.5.1 que le service chargé de l’assurance de la qualité [de la requérante] et, en particulier, des contrôleurs de la qualité effectueront des vérifications internes, mais cela n’est une fois encore étayée par aucune répartition catégorielle des ressources. Compte tenu de l’importance accordée par le cahier des charges à la qualité, du fait qu’il demande explicitement la mise en place d’un plan d’assurance de la qualité et d’un plan de gestion, il est légitime, du point de vue de la Commission, de s’attendre à ce que toutes les déclarations concernant l’emploi d’experts en matière de qualité soient étayées par une répartition catégorielle des ressources entre ces experts. »

90      Il y a lieu de constater en effet qu’il ne ressort pas clairement de l’offre de la requérante si les responsables des essais dans le cadre du projet EESSI seraient également chargés du développement. L’offre ne dit pas explicitement que l’approche proposée par la requérante serait celle adoptée pour le projet EESSI en cause, puisque l’offre mentionne seulement que, « [d]ans le cadre de plus grands projets, [la requérante] s’assure qu’un groupe chargé de l’assurance qualité, différent du groupe de développement, teste l’application […] ». De surcroît, il y a lieu de conclure, à l’instar de la Commission, que si l’offre prévoyait une répartition du travail à accomplir par étapes, elle ne proposait, hormis les conditions standards d’un PMQP, aucun détail précis sur la façon d’assurer et de garantir l’exécution du projet dans le cadre de l’approche progressive.

91      Au vu de tout ce qui précède, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a apprécié la mise en œuvre du critère d’attribution n° 2.

–       Sur le critère d’attribution n° 3, intitulé « Proposition pour répondre aux exigences techniques de l’EESSI »

92      La requérante conteste les commentaires du comité d’évaluation concernant cette partie de l’offre. En particulier, elle n’est pas d’accord avec l’argument selon lequel son offre n’était « pas convaincante » et conteste les deux exemples fournis par le comité d’évaluation de situations pour lesquelles l’offre technique de la requérante a été jugée peu satisfaisante. En outre, elle affirme que le comité d’évaluation n’est pas totalement informé des dernières avancées en matière d’ingénierie logicielle et de règles de l’art dans ce domaine, et ajoute que « de multiples services à valeur ajoutée offerts par une solution fondée sur des services orientés architecture » (Services Oriented Architecture), et utilisant un « Enterprise Service Bus » (ESB) ont été qualifiés de lacunaires.

93      La requérante affirme que, aux points 3.1 et 3.2 de son offre, elle explique en détail comment l’ESB s’insère dans le cadre du projet EESSI.

94      La Commission fait valoir que les remarques formulées par le comité d’évaluation concernant les exigences techniques de l’EESSI sont sans rapport avec l’utilisation proposée de l’ESB en tant que telle, mais sont liées à l’observation selon laquelle « la solution du soumissionnaire ne précise pas les fonctions des diverses composantes de l’architecture ». Le comité d’évaluation a observé que, bien que la requérante ait mis en évidence le lien entre le projet EESSI et l’ESB, elle n’a pas représenté correctement la fonctionnalité de l’ESB au sein de l’« architecture CN-AP », comme cela était spécifié dans le cahier des charges.

95      Les fonctionnalités proposées dans l’offre de la requérante concernent clairement l’« IPAP », ce qui n’est pas conforme au cahier des charges en son point 3.1.3, intitulé « L’application de référence ». Le point 3.1.3 du cahier des charges prévoit ce qui suit :

« [D]e crainte que cet aspect ne soit ignoré, nous tenons à souligner que le recours à une technologie JMS et EJB, à une base de données et à d’autres protocoles de communication est destiné aux interfaces de la partie nationale du point d’accès. Côté international, l’échange repose uniquement sur la partie SOAP des services Internet. Veuillez noter que la partie internationale est essentiellement un service de messagerie et n’implique pas un déploiement mondial et transnational des technologies JMS ou EJB. »

96      Quant à l’argument de la requérante selon lequel le comité d’évaluation n’a pas pris en compte, dans l’examen de son offre, le point 3.1.3.3, intitulé « Module de transformation », le point 3.1.2., intitulé « SED et flux d’activités », le point 3.1.2.5, intitulé « Éditeur de flux », ainsi que le point 3.2.9, intitulé « SED FormEngine et sélection du workflow », il y a lieu de relever que le comité d’évaluation s’y réfère explicitement dans la « note au dossier ». Par conséquent, le comité d’évaluation a examiné l’offre de la requérante en prenant en compte le contenu de ces points.

97      En conclusion, s’agissant du critère d’attribution n° 3, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le critère d’attribution n° 4, intitulé « Proposition pour le développement et la mise en œuvre du système EESSI »

98      La requérante soutient, en premier lieu, que la critique formulée par le comité d’évaluation concernant l’absence d’un projet de « plan d’itération » dans l’offre est erronée. La requérante prétend que, au point 4.1, intitulé « Structure de la répartition des travaux », et au point 4.2, intitulé « Travaux à fournir et étapes principales », son offre contient un projet de « plan d’itération ».

99      Selon la « note au dossier », il ne s’agit pas, au point 4 de l’offre de la requérante, intitulé « Calendrier de l’ensemble de travaux 2 : Développement », du « plan d’itération » suggéré par la requérante en tant que livrable au point 3.2.2.1.1.

100    Il y a lieu de constater que l’offre ne proposait aucun projet de « plan d’itération » et que la remarque du comité d’évaluation concernant l’avantage qu’un tel plan aurait apporté est justifiée.

101    En second lieu, elle rejette l’appréciation du comité d’évaluation selon laquelle l’offre présentait des incohérences en ce qui concerne l’utilisation de solutions privilégiant les « plug-ins » et les logiciels « open source ».

102    Le cahier des charges définit les « plug-ins » au point 3.1.3.18. De même, le point 3.3.1. invite les soumissionnaires de façon explicite à choisir entre des solutions utilisant soit un « plug-in », soit un logiciel « open source », ou encore à proposer leur propre solution.

103    Il ressort de la lecture de l’offre que la requérante est en faveur d’une solution « plug-in ». Au point 3.1.1 de la partie de l’offre consacrée à l’analyse technique, intitulé « Aperçu de la solution dans un cadre intégration contre développement intra-muros », une solution privilégiant un logiciel « open source » pour le projet EESSI est écartée. Des « plug-ins » sont également envisagés au point 3.1.4.16. En revanche, au point 3.1.1. de la partie de l’offre consacrée au développement et à la mise en œuvre, intitulé « Déploiement dans un environnement très hétérogène », une approche fondée sur un logiciel « open source » semble être envisagée. Le comité d’évaluation a dès lors conclu qu’il y avait une incohérence dans l’offre à ce sujet.

104    À cet égard, la Commission souligne à juste titre que, si la requérante avait prévu une solution qui repose sur un logiciel « open source » capable de supporter des « plug-ins », elle aurait dû l’exprimer clairement et distinctement dans son offre. En outre, il ne ressort pas de l’offre de la requérante qu’elle avait choisi de proposer sa propre solution.

105    Partant, il y a lieu de conclure que l’évaluation de l’offre au regard du critère d’attribution n° 4 n’a donné lieu à aucune erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le critère d’attribution n° 5, intitulé « Proposition pour répondre aux exigences en matière d’essais du système EESSI »

106    La requérante affirme que, en lui attribuant 70 des 100 points possibles, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, car le rapport d’évaluation ne formule aucune remarque négative. La Commission n’aurait pas indiqué les exigences en matière d’essais qui ne seraient pas couvertes par l’offre de la requérante, ni n’aurait précisé ce que le soumissionnaire retenu proposait de plus ou de mieux pour mériter une note supérieure.

107    Il y a lieu de rappeler l’appréciation du comité d’évaluation concernant ce critère :

« Les essais et les plans et procédures de soutien aux essais sont décrits de façon adéquate, la proposition relative aux essais incluant un calendrier. »

108    Il y a lieu de constater que, bien que le comité d’évaluation était d’avis que l’offre de la requérante satisfaisait au seuil minimal requis pour ce critère, elle n’était pas excellente, mais seulement « adéquate ». De surcroît, l’absence d’une remarque négative ne signifie pas que la requérante aurait dû recevoir d’office la note maximale.

109    Pour cette raison, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a apprécié le critère d’attribution n° 5.

110    Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire d’apprécier les arguments afférents au critère d’attribution n° 6, intitulé « Proposition pour répondre aux exigences en matière de formation au système EESSI », et au critère d’attribution n° 7, intitulé « Proposition pour répondre aux exigences en matière de transfert, d’assistance et de soutien, y compris l’ensemble de la documentation à fournir dans ce contexte », puisque, compte tenu du nombre maximal de points susceptibles d’être attribués au titre des sixième et septième critères, il est théoriquement impossible pour la requérante d’atteindre la note minimale de 70 %. En effet, la somme des points attribués au titre des cinq premiers critères, soit 43,24, majorée du nombre maximal de points pouvant être attribués au titre des critères d’attribution n° 6, soit 4, et n° 7, soit 22, est de 69,24.

111    En outre, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas précisé ce que le soumissionnaire retenu proposait de plus ou de mieux pour mériter une note supérieure, il y a lieu de rappeler que la requérante est en possession des commentaires du comité d’évaluation. Par lettre du 7 novembre 2008, la DG Emploi a communiqué à la requérante le nom du soumissionnaire retenu, le prix de l’offre retenue, les notes attribuées pour chaque critère d’attribution ainsi que les commentaires du comité d’évaluation à la fois pour l’offre du soumissionnaire retenu et pour celle de la requérante.

112    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme non fondé.

113    Tous les moyens et arguments visant la décision de rejet ayant été écartés, il y a lieu de rejeter la demande tendant à son annulation.

 Sur la décision d’attribution

114    À titre liminaire, il y a lieu d’examiner l’intérêt à agir de la requérante concernant la demande d’annulation de la décision d’attribution, le défaut d’intérêt à agir constituant une fin de non-recevoir d’ordre public que le juge de l’Union peut examiner d’office (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 45, et la jurisprudence citée).

115    La requérante soutient, dans le cadre de son troisième moyen, tiré de la violation des règles relatives aux critères d’exclusion, en substance, que le soumissionnaire retenu aurait dû être exclu de la procédure de passation de marché en cause au titre des critères d’exclusion. Elle fait valoir que le soumissionnaire retenu est une filiale détenue à 100 % par le groupe Siemens AG, lequel serait impliqué dans une affaire de corruption de grande envergure et aurait fait l’objet d’une condamnation par les tribunaux allemands. La requérante soutient que le comportement du soumissionnaire retenu correspond exactement à la teneur et à l’objet des articles 93 et 94 du règlement financier, des articles 133 et 134 des modalités d’exécution ainsi que de l’article 45 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114). La requérante considère que limiter l’applicabilité des dispositions du règlement financier aux seules sociétés mères priverait lesdites dispositions de tout « effet utile » et ouvrirait la voie à l’impunité dans les plus grosses affaires de corruption en matière de marchés publics en Europe.

116    En premier lieu, il convient de relever que, en vertu de l’article 105 du règlement financier, à partir du 1er janvier 2003 – date de l’entrée en application dudit règlement –, les directives portant coordination des marchés publics de fournitures, de services et de travaux ne s’appliquent aux marchés publics passés par les institutions de l’Union pour leur propre compte que pour les questions relatives aux seuils qui déterminent les modalités de publication, le choix des procédures et les délais correspondants. Il s’ensuit que le grief que la requérante soulève à l’encontre des critères d’exclusion du marché en cause doit être examiné uniquement à l’aune des dispositions du règlement financier et des modalités d’exécution.

117    En second lieu, selon la jurisprudence, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette personne a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du Tribunal du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec. p. II‑4439, point 33, et la jurisprudence citée).

118    Or, lorsque l’offre d’un soumissionnaire est rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution du marché, de sorte qu’elle n’est pas comparée aux autres offres, l’existence d’un intérêt à agir du soumissionnaire concerné contre la décision attribuant le marché est subordonnée à l’annulation de la décision rejetant son offre. En effet, ce n’est que si cette dernière décision est annulée que l’annulation de la décision attribuant le marché est susceptible, le cas échéant, d’avoir des conséquences juridiques pour le soumissionnaire dont l’offre a été rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution du marché et de lui procurer un bénéfice.

119    En revanche, lorsque la demande en annulation de la décision rejetant l’offre est rejetée, l’annulation de la décision attribuant le marché n’est pas susceptible d’avoir des conséquences juridiques pour le soumissionnaire dont l’offre a été rejetée parce que cette offre n’avait pas obtenu la note minimale de 70 % exigée dans le cadre des critères d’attribution. Dans cette hypothèse, la décision rejetant l’offre fait obstacle à ce que le soumissionnaire concerné soit affecté par la décision subséquente attribuant le marché à un autre soumissionnaire.

120    En l’espèce, la demande visant l’annulation de la décision de rejet a été rejetée au point 113 ci-dessus. Dans ces circonstances, il ressort de ce qui a été exposé aux points 117 à 119 ci-dessus que la requérante n’a pas d’intérêt à agir contre la décision d’attribution, de sorte que sa demande visant à l’annulation de cette dernière décision est irrecevable.

3.     Sur la demande en indemnité

121    La requérante formule une demande de dommages et intérêts d’un montant de 883 703,50 euros, qui correspond à la marge bénéficiaire brute, soit 50 %, qui aurait découlé de la procédure de passation du marché public en cause si elle s’était vu attribuer ledit marché. Elle fonde sa prétention sur les articles 235 CE et 288 CE.

122    Selon une jurisprudence bien établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, pour comportement illicite de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81).

123    Il résulte également de la jurisprudence que le recours appuyé sur le préjudice résultant du manque à gagner doit être rejeté, car il ne s’agirait pas d’un préjudice né et actuel, mais futur et hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T‑13/96, Rec. p. II‑4073, point 76).

124    Il convient dès lors d’examiner si ces conditions sont remplies.

125    En l’espèce, tous les arguments que la requérante a fait valoir afin de démontrer l’illégalité de la décision attaquée ont été examinés et rejetés.

126    Or, il ressort de l’examen de la demande en annulation que la requérante n’a pas apporté la preuve d’un comportement illégal de la part de la Commission.

127    Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée.

128    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

4.     Sur les dépens

129    La requérante demande au Tribunal, même s’il devait rejeter le recours, de condamner la Commission aux dépens sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure. Elle fait valoir que l’évaluation défectueuse de son offre, le défaut de motivation de cette évaluation ainsi que le refus de la DG Emploi de répondre à ses demandes administratives et aux observations les accompagnant et de lui communiquer les résultats de ses évaluations internes l’ont contrainte à introduire le présent recours.

130    Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut, pour des motifs exceptionnels, répartir les dépens.

131    Il est permis au Tribunal de condamner aux dépens une institution dont la décision n’a pas été annulée, en raison de l’insuffisance de cette dernière, qui a pu conduire un requérant à introduire un recours (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 13 décembre 1990, Kalavros/Cour de justice, T‑160/89 et T‑161/89, Rec. p. II‑871, points 79 à 81 ; du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, points 96 à 98, et du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, points 53 à 55).

132    En l’espèce, il a été constaté que tous les moyens doivent être rejetés comme non fondés. Par ailleurs, il n’y a aucune autre raison pour laquelle le Tribunal devrait s’écarter de la règle susmentionnée contenue à l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure. Par conséquent, la demande de la requérante doit être rejetée.

133    La requérante ayant succombé en toutes ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2012.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la fin de non-recevoir

2.  Sur la demande en annulation de la décision de rejet de l’offre et de la décision d’attribution

Sur la décision de rejet

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du principe de transparence

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

Sur le quatrième moyen, tiré de l’existence de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation

–  Sur le critère d’attribution n° 0, intitulé « Présentation des propositions du soumissionnaire »

–  Sur le critère d’attribution n° 2, intitulé « Projet de plan de gestion et de qualité proposé pour le système EESSI »

–  Sur le critère d’attribution n° 3, intitulé « Proposition pour répondre aux exigences techniques de l’EESSI »

–  Sur le critère d’attribution n° 4, intitulé « Proposition pour le développement et la mise en œuvre du système EESSI »

–  Sur le critère d’attribution n° 5, intitulé « Proposition pour répondre aux exigences en matière d’essais du système EESSI »

Sur la décision d’attribution

3.  Sur la demande en indemnité

4.  Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.