Language of document : ECLI:EU:T:2023:539

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 septembre 2023 (*)

« Rapprochement des législations – Directive 95/16/CE – Directive 2014/33/UE – Clause de sauvegarde – Mesure nationale interdisant la mise sur le marché d’un modèle d’ascenseur – Exigences essentielles de sécurité et de santé – Décision de la Commission déclarant la mesure injustifiée – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑349/21,

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller, R. Kanitz et N. Scheffel, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Ondrůšek et R. Pethke, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président (rapporteur), M. I. Nõmm et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 17 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation de la décision (UE) 2021/534 de la Commission, du 24 mars 2021, déterminant, conformément à l’article 39, paragraphe 1, de la directive 2014/33/UE du Parlement européen et du Conseil, si une mesure adoptée par l’Allemagne visant à interdire la mise sur le marché d’un modèle d’ascenseur fabriqué par Orona est justifiée ou non (JO 2021, L 106, p. 60, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Orona Sociedad Cooperativa (ci-après « Orona ») est un fabricant espagnol d’ascenseurs.

3        Le 17 juillet 2012, Liftinstituut, un organisme de certification établi aux Pays-Bas qui avait été choisi par Orona en qualité d’organisme notifié, conformément à l’annexe V de la directive 95/16/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 1995, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux ascenseurs (JO 1995, L 213, p. 1), a délivré une attestation CE de type, révisée le 15 mars 2013, certifiant la conformité du modèle d’ascenseur M33v3 fabriqué par Orona (ci-après l’« ascenseur M33v3 ») avec les exigences de ladite directive.

4        Le 7 août 2014, l’organisme allemand TÜV Süd, après avoir contrôlé la conformité d’un ascenseur de type M33v3, installé sur un site, avec l’attestation CE de type délivrée par Liftinstituut, a délivré une attestation de contrôle final conformément à l’article 8, paragraphe 2, sous ii), de la directive 95/16 et au paragraphe 4 de l’annexe VI de la même directive.

5        En octobre 2014, les autorités locales allemandes de surveillance du marché ont ouvert une enquête concernant le modèle d’ascenseur M33v3 fabriqué par Orona. L’enquête a par la suite été reprise par la Zentralstelle der Länder für Sicherheitstechnik (autorité centrale des Länder pour les technologies de sécurité, Allemagne, ci-après l’« autorité centrale des Länder »).

6        Après un contrôle de la documentation en janvier et en février 2015, puis, le 23 mars 2015, l’essai à Munich (Allemagne) d’une installation comportant l’ascenseur M33v3, l’autorité centrale des Länder a conclu que l’ascenseur M33v3 ne répondait pas aux exigences de la norme harmonisée EN 81‑1:1998+A3:2009 intitulée « Règles de sécurité pour la construction et l’installation des ascenseurs – Partie 1 : Ascenseurs électriques » et ayant fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2010, C 52, p. 5) (ci-après la « norme EN 81‑1 »), ni à celles de la norme harmonisée EN 81‑21:2009 intitulée « Règles de sécurité pour la construction et l’installation des élévateurs – Élévateurs pour le transport de personnes et d’objets – Partie 28 : Téléalarme pour ascenseurs et ascenseurs de charge » et ayant fait l’objet d’une publication au Journal officiel (JO 2009, C 263, p. 3) (ci-après, prises ensemble, les « normes harmonisées »). Le motif invoqué était que la réserve supérieure prévue dans l’ascenseur M33v3, à savoir 0,5 mètre (m) entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine, était insuffisante, étant donné qu’une distance de 1 m était requise par le point 5.7.1.1 de la norme EN 81‑1. L’autorité centrale des Länder a estimé que les mesures de sécurité alternatives prises dans le cadre de la conception et de la construction de l’ascenseur M33v3 n’étaient pas équivalentes à l’état de la technique représenté par les normes harmonisées, qui établissent des spécifications techniques qui sont considérées comme étant adaptées ou suffisantes pour respecter les exigences techniques de la législation de l’Union européenne, et qu’elles ne respectaient donc pas les exigences essentielles de sécurité et de santé énoncées au point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16 (ci-après les « exigences essentielles »).

7        Le 10 mars 2016, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission européenne la mesure qu’elle avait adoptée le 26 novembre 2015 conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 95/16 (ci-après la « mesure de sauvegarde »). Ladite mesure interdisait la mise sur le marché de l’ascenseur M33v3 et introduisait des conditions pour une mise sur le marché de cet équipement.

8        La République fédérale d’Allemagne a justifié l’adoption de la mesure de sauvegarde par les activités de surveillance du marché menées précédemment par l’autorité centrale des Länder. En particulier, cette dernière aurait constaté que l’ascenseur M33v3 contrevenait aux exigences essentielles.

9        Dès le 11 décembre 2015, Orona avait transmis à la Commission ses objections à l’encontre de la mesure de sauvegarde, en affirmant que l’ascenseur M33v3 présentait des systèmes de sécurité alternatifs qui équivalaient à un niveau de sécurité au moins équivalent à celui de tout ascenseur conçu selon les normes harmonisées pertinentes et qu’il satisfaisait donc aux exigences essentielles et en invoquant la nécessité pour l’autorité centrale des Länder de notifier la mesure de sauvegarde à la Commission.

10      Le 15 mars 2016, Orona a transmis à la Commission une étude réalisée par l’organisme IK4-Ikerlan et intitulée « Mesure du temps de réaction nécessaire pour adopter une position de sécurité sur le toit de l’ascenseur M33v3 ». Cette étude était destinée, notamment, à tester la possibilité pour le personnel de maintenance de se tenir dans l’espace de sécurité situé sur le toit de la cabine de l’ascenseur M33v3 et à effectuer des comparaisons entre ledit ascenseur et un ascenseur conforme aux standards de la norme EN 81‑1 et de la norme EN 81‑20:2014, intitulée « Règles de sécurité pour la construction et l’installation des élévateurs – Élévateurs pour le transport de personnes et d’objets – Partie 20 : Ascenseurs et ascenseurs de charge » et ayant fait l’objet d’une publication au Journal officiel (JO 2016, C 293, p. 64) (ci-après la « norme EN 81‑20 »).

11      En avril 2016, la Commission a engagé une consultation avec les États membres et Orona pour évaluer la mesure de sauvegarde.

12      Par une lettre du 20 avril 2016, la Commission a invité Orona à présenter ses observations sur la mesure de sauvegarde, ce qu’Orona a fait dans une lettre du 18 mai 2016 qui comprenait des observations détaillées et des documents justificatifs. Une réunion de suivi entre la Commission et Orona s’est tenue le 9 juin 2016.

13      Par une lettre séparée du 20 avril 2016, la Commission a également invité Liftinstituut à présenter ses observations. Toutefois, Liftinstituut ayant déjà envoyé à la Commission, dans une lettre datée du 20 janvier 2016, des observations détaillées et des documents justificatifs conformes aux observations d’Orona, il n’a pas communiqué d’autres observations substantielles.

14      Lors d’une réunion du groupe de travail des autorités nationales de surveillance du marché des ascenseurs, organisée le 16 juin 2016 et présidée par les États membres (ci-après la « réunion du 16 juin 2016 »), l’autorité centrale des Länder a présenté la mesure de sauvegarde aux autorités de surveillance du marché des ascenseurs des États membres. La Commission a participé à la réunion en tant que membre de ce groupe de travail.

15      La Commission a également mené une étude d’experts indépendante (ci-après l’« étude indépendante »). Cette dernière avait été initialement commandée le 29 novembre 2016 et, le 9 février 2017, l’autorité centrale des Länder, Orona, l’expert indépendant et la Commission ont assisté à une inspection sur place de l’ascenseur M33v3. Toutefois, le contrat conclu entre la Commission et l’expert indépendant a ensuite été résilié et un second expert a été engagé. Cet expert a réalisé l’étude indépendante et a rendu son rapport final le 10 décembre 2018. Dans le rapport final, il a été conclu que l’ascenseur « satisfais[ai]t de façon concluante à l’exigence essentielle du point 2.2 [de l’annexe I de la directive 95/16] en atteignant, au moment de son installation, un niveau de sécurité au moins équivalent à celui de la norme harmonisée qui a[vait] conféré la présomption de conformité à l’exigence essentielle de santé et de sécurité figurant au point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16 ». Le 17 décembre 2018, la Commission a invité l’autorité centrale des Länder, Orona et Liftinstituut à présenter leurs observations sur l’étude indépendante. La Commission a reçu les observations de Liftinstituut le 14 janvier 2019, celles d’Orona le 15 janvier 2019 et celles de l’autorité centrale des Länder le 28 février 2019.

16      Le 16 mai 2019, afin de clarifier les observations reçues sur l’étude indépendante, la Commission, l’autorité centrale des Länder, Orona et Liftinstituut ont participé à une réunion, à la suite de laquelle de nouvelles observations ont été formulées.

17      Le 24 mars 2021, la Commission a adopté la décision attaquée. L’article 1er de la décision attaquée dispose que la mesure de sauvegarde, visant à interdire la mise sur le marché du modèle d’ascenseur M33v3 fabriqué par Orona, n’est pas justifiée. La Commission a estimé que, selon son analyse, qui était confirmée par les résultats de l’étude indépendante, l’ascenseur M33v3 était conforme aux exigences essentielles et que son niveau de sécurité était au moins équivalent à celui d’un ascenseur conforme à la norme EN 81‑1.

 Conclusions des parties

18      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission et le Royaume d’Espagne concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

 En droit

20      Au soutien de son recours, la République fédérale d’Allemagne a soulevé un moyen unique, tiré de la violation du point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16. Ce moyen comporte cinq branches, tirées, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation, de droit et de fait et tenant, premièrement, à une méconnaissance de la part de la Commission de l’importance de l’exigence d’une distance verticale entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine de l’ascenseur, deuxièmement, à une erreur de la Commission lors de la détermination des scénarios d’accidents présentant une pertinence pour l’appréciation du risque d’écrasement, troisièmement, à une méconnaissance de la part de la Commission de l’importance du temps nécessaire pour se mettre en position sûre ainsi que du risque d’un mouvement incontrôlé en montée de la cabine, quatrièmement, à une comparaison globale erronée fondée sur l’étude indépendante, cinquièmement, à des erreurs de la Commission lors de l’évaluation de l’existence d’une présomption de conformité en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 95/16 et à une répartition illégale de la charge de la preuve de la conformité de l’ascenseur M33v3.

21      En outre, lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a soulevé un moyen nouveau, tiré de la violation de l’article 38, paragraphe 7, de la directive 2014/33.

22      La Commission conclut au rejet des cinq branches du moyen tiré de la violation du point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16 comme étant non fondées. Elle conclut, en outre, à l’irrecevabilité et, en tout état de cause, à l’absence de bien-fondé du moyen nouveau soulevé lors de l’audience.

23      Le Royaume d’Espagne a développé dans son mémoire en intervention une argumentation qui, en substance, vise à réfuter plus spécifiquement les deuxième et cinquième branches du moyen tiré de la violation du point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16, tout en comportant des considérations d’ordre général relatives au risque de fragmentation du marché intérieur. Il conclut en outre au rejet du moyen nouveau soulevé lors de l’audience comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

24      À titre liminaire, il convient de relever que, s’agissant des règles de fond applicables en l’espèce, la directive 95/16 trouve à s’appliquer, dans la mesure où elle était en vigueur lors de la mise sur le marché de l’ascenseur M33v3 et de l’adoption de la mesure de sauvegarde.

25      La directive 95/16 a été abrogée par la directive 2014/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant les ascenseurs et les composants de sécurité pour ascenseurs (JO 2014, L 96, p. 251), avec effet au 20 avril 2016, de sorte que cette dernière directive était en vigueur lors de l’adoption de la décision attaquée et qu’elle régissait les règles procédurales relatives au contrôle par la Commission du caractère justifié de la mesure de sauvegarde.

26      Par ailleurs, la norme EN 81‑1, dans sa version initiale, est entrée en vigueur en 1998 et l’est restée jusqu’au 31 août 2017, lorsqu’elle a été remplacée par la norme EN 81‑20. Ainsi, les prescriptions de la norme EN 81‑1, qui concernaient les ascenseurs installés dans des bâtiments nouveaux, trouvaient à s’appliquer lors de la mise sur le marché de l’ascenseur M33v3. La norme EN 81‑21:2009, qui était également en vigueur lors de ladite mise sur le marché, concernait, quant à elle, les ascenseurs installés dans des bâtiments existants.

27      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le moyen nouveau soulevé lors de l’audience, puis la cinquième branche du moyen unique et, enfin, les autres branches de ce dernier moyen.

 Sur le moyen nouveau soulevé lors de l’audience, tiré de la violation de l’article 38, paragraphe 7, de la directive 2014/33

28      Lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a exposé que, lorsque la Commission avait adopté la décision attaquée, la mesure de sauvegarde était déjà réputée approuvée et ne pouvait plus être remise en cause. En effet, conformément à l’article 38, paragraphe 7, de la directive 2014/33, un délai de trois mois se serait écoulé à compter de la date à laquelle les informations relatives à la mesure de sauvegarde auraient été portées à la connaissance des autres États membres et de la Commission par l’autorité centrale des Länder à l’occasion de la réunion du 16 juin 2016, à laquelle participait également la Commission. Or, à défaut d’objections d’un État membre ou de la Commission, la mesure de sauvegarde aurait acquis un caractère définitif à compter du 16 septembre 2016. Un représentant de la Commission aurait d’ailleurs expressément indiqué, dans un courriel du 31 août 2016 adressé à un représentant de l’autorité centrale des Länder (ci-après le « courriel du 31 août 2016 »), que les États membres n’avaient pas soulevé d’objections à l’encontre de la mesure de sauvegarde ou de sa légalité. Dès lors, la Commission n’aurait plus disposé de la faculté de remettre en cause ladite mesure en adoptant, après le 16 septembre 2016, la décision attaquée.

29      Selon la République fédérale d’Allemagne, l’adoption de la décision attaquée équivaut à une violation des formes substantielles, qui doit être soulevée d’office par le Tribunal et dont le constat doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, à l’instar de la solution retenue dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156, point 103), et du 24 juin 2015, Allemagne/Commission (C‑549/12 P et C‑54/13 P, EU:C:2015:412, point 92).

30      La Commission et le Royaume d’Espagne, qui la soutient, se sont exprimés à la fois sur la recevabilité et l’éventuel bien-fondé du moyen nouveau soulevé lors de l’audience et leurs observations ont été portées à la connaissance de la République fédérale d’Allemagne, qui a pu formuler en réponse ses propres observations. La Commission et le Royaume d’Espagne contestent l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne.

31      Il y a lieu de rappeler que, si le Tribunal l’estime opportun, dans un souci de bonne administration de la justice et d’économie de la procédure, il peut se prononcer d’abord sur les questions de fond, sans statuer préalablement sur les questions de recevabilité (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52, et du 22 mai 2007, Mebrom/Commission, T‑216/05, EU:T:2007:148, point 60 et jurisprudence citée).

32      Le Tribunal considère que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, dans un souci d’économie de la procédure, d’examiner d’emblée le bien-fondé du moyen nouveau soulevé lors de l’audience par la République fédérale d’Allemagne, sans statuer préalablement sur sa recevabilité, ledit moyen étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.

33      En vertu des dispositions de l’article 38, paragraphe 7, de la directive 2014/33, lorsque, dans un délai de trois mois à compter de la réception des informations relatives aux mesures provisoires adoptées par les autorités nationales de surveillance du marché pour restreindre ou interdire, notamment, la mise sur le marché d’un ascenseur, aucune objection n’a été émise par un État membre ou la Commission à l’encontre desdites mesures, celles-ci sont réputées justifiées.

34      Ainsi que la République fédérale d’Allemagne l’a fait valoir lors de l’audience et comme cela a été rappelé au point 14 ci-dessus, à l’occasion de la réunion du 16 juin 2016, l’autorité centrale des Länder a porté la mesure de sauvegarde à la connaissance des autres États membres au sein du groupe de travail des autorités nationales de surveillance du marché des ascenseurs, auquel participait également la Commission.

35      Or, il convient de constater que le compte rendu de la réunion du 16 juin 2016 (produit par la Commission en tant qu’annexe Z.1 à ses observations sur le moyen nouveau soulevé lors de l’audience) fait apparaître que la mesure de sauvegarde a fait l’objet d’objections de la part du Royaume d’Espagne ainsi que de la Commission, après que l’autorité centrale des Länder a porté à leur connaissance les informations relatives à la mesure en question.

36      En effet, il est mentionné, dans la rubrique consacrée au sujet no 13, sous C, du compte rendu de ladite réunion, qu’après que la République fédérale d’Allemagne a succinctement présenté la mesure de sauvegarde, le Royaume d’Espagne a déclaré s’y opposer. En ce qui concerne la Commission, il est mentionné que cette dernière a déclaré que le cas en question donnerait lieu à des investigations dès qu’une partie neutre aurait été trouvée.

37      Au regard des objections soulevées tant par le Royaume d’Espagne que par la Commission, dans la mesure, en particulier, où cette dernière a déclaré que le cas en question donnerait lieu à des investigations dès qu’une partie neutre aurait été trouvée, il y a lieu de considérer que la mesure de sauvegarde ne pouvait pas bénéficier, à l’issue d’un délai de trois mois après sa présentation, de la présomption de justification visée à l’article 38, paragraphe 7, de la directive 2014/33, de sorte que, en vertu de ladite disposition, la mesure de sauvegarde ne présentait pas de caractère définitif lorsque la Commission a adopté la décision attaquée. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir méconnu les formes substantielles qui découlaient de la directive 2014/33 et qui entouraient l’adoption de la décision attaquée.

38      À cet égard, il y a lieu de rejeter les arguments développés par la République fédérale d’Allemagne dans ses observations écrites déposées à la suite de l’audience et tendant, en substance, à considérer que la mesure de sauvegarde n’aurait pas fait l’objet d’objections et que, en tout état de cause, les conditions dans lesquelles les objections du Royaume d’Espagne et de la Commission auraient été formulées n’auraient pas été susceptibles d’empêcher la mesure de sauvegarde de bénéficier d’une présomption de justification.

39      Tout d’abord, il y a lieu d’observer que, si la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, dès le 10 mars 2016, par l’envoi d’une lettre de sa représentation permanente auprès de l’Union, elle a porté à la connaissance de la Commission le fait qu’elle avait adopté la mesure de sauvegarde, elle ne démontre pas que les informations relatives à ladite mesure ont été portées à la connaissance des autres États membres dans d’autres circonstances qu’à l’occasion de la réunion du 16 juin 2016, de sorte que le délai de trois mois aurait commencé à courir à compter d’une autre date que celle de cette réunion.

40      Il convient de relever que la directive 2014/33 ne prescrit pas de forme particulière pour porter à la connaissance des autres États membres et de la Commission les informations relatives à une mesure de sauvegarde. Il apparaît, dans les circonstances de l’espèce, que cette information des autres États membres n’est intervenue que le 16 juin 2016, ainsi que le mentionne le compte rendu de la réunion du groupe de travail des autorités nationales de surveillance du marché des ascenseurs. La directive 2014/33 ne prévoyant aucune exigence de forme particulière s’agissant de la façon dont des objections peuvent être formulées par la Commission ou un État membre,il était parfaitement admissible que la Commission et le Royaume d’Espagne formulent des objections oralement lors de ladite réunion et que celles-ci soient consignées au procès-verbal, sans que soient pour autant méconnus les principes de transparence et de sécurité juridique.

41      Ensuite, si la République fédérale d’Allemagne allègue, en substance, que l’obligation d’informer les autres États membres de la mesure de sauvegarde incombait à la Commission, dès que cette dernière avait eu connaissance de l’existence de ladite mesure, et non aux autorités nationales de surveillance du marché des ascenseurs, elle n’explique pas comment les dispositions de la directive 2014/33 auraient mis à la charge de la Commission une telle obligation. Au contraire, il y a lieu de constater que l’article 38, paragraphe 4, troisième alinéa, de la directive 2014/33 impose expressément aux « autorités [nationales] de surveillance du marché [d’]inform[er] sans tarder la Commission et les autres États membres de ces mesures ». En outre, au regard de l’article 38, paragraphe 5, de la directive 2014/33, cette information doit être complète et comporter toutes les précisions disponibles. Le fait qu’une telle obligation incombe aux autorités nationales de surveillance concernées est parfaitement logique dans la mesure où seules lesdites autorités, qui sont à l’origine des mesures en question, disposent d’informations précises au sujet de ces dernières, alors que la Commission, si elle peut certes être informée de l’existence desdites mesures, ne dispose pas nécessairement des informations en cause.

42      Il doit également être souligné que, contrairement à ce que soutient la République fédérale d’Allemagne, il ressort clairement du libellé de l’article 38, paragraphe 4, troisième alinéa, de la directive 2014/33 que l’information des autres États membres et de la Commission relevait de la compétence de l’autorité centrale des Länder, en tant qu’autorité de surveillance du marché, et ce quelles qu’aient été par ailleurs les éventuelles compétences dévolues à la représentation permanente de la République fédérale d’Allemagne auprès de l’Union.

43      Enfin, s’il ressort du courriel du 31 août 2016 qu’un représentant de la Commission a admis que, le 1er avril 2016, cette dernière avait reçu un courrier officiel de la représentation permanente de la République fédérale d’Allemagne auprès de l’Union l’informant de l’adoption de la mesure de sauvegarde, celui-ci y déclare également que c’est à l’occasion de la réunion du 16 juin 2016 que les représentants des États membres ont été informés de la mesure de sauvegarde. Ledit courriel mentionne en outre que, si la Commission avait déjà commencé l’examen de la mesure de sauvegarde, elle a également indiqué aux participants à la réunion que, à défaut de disposer en interne des compétences techniques, elle devait recourir aux services d’un expert technique indépendant afin d’évaluer si la mesure de sauvegarde était justifiée. Or, une telle mention corrobore les termes du procès-verbal de la réunion du 16 juin 2016, selon lesquels la Commission considérait que le cas en question devait donner lieu à des investigations dès qu’une partie neutre aurait été trouvée, la déclaration selon laquelle il était nécessaire de recourir à un expert devant, en l’espèce, être assimilée à une objection, et non à un acquiescement tacite. Au demeurant, ces constatations démontrent que la Commission a émis une objection à l’encontre de la mesure de sauvegarde après avoir été informée de cette dernière, et ce avant même la réunion du 16 juin 2016.

44      Par ailleurs, il est exact que, dans le courriel du 31 août 2016, un représentant de la Commission, en réponse à un représentant de l’autorité centrale des Länder s’interrogeant sur la question de savoir si un autre État membre avait jusque-là soulevé une objection officielle, a indiqué qu’aucune objection officielle n’avait été formulée par les autres États membres à l’encontre de la mesure de sauvegarde.

45      Toutefois, ainsi que le fait valoir la Commission, le courriel du 31 août 2016 doit tout au plus être interprété en ce sens que, lors de la réunion du 16 juin 2016, aucune objection n’a été formulée par un État membre autre que le Royaume d’Espagne.

46      En effet, au regard des éléments de preuve qui ont été produits en l’espèce et qui, en apparence, présentent des contradictions, il y a lieu d’accorder davantage de valeur probante au procès-verbal de la réunion du 16 juin 2016, cette valeur probante étant déterminante, dans la mesure où il s’agit d’un document qui était destiné à une large diffusion, qui a été établi à l’issue d’une réunion à laquelle avait pris part un nombre significatif de participants et dont il n’est aucunement démontré qu’il contiendrait des informations erronées ou qui auraient été contestées, après sa diffusion, par certains de ses destinataires. À cet égard, il y a également lieu de rappeler que, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des preuves, le Tribunal est en droit de pondérer ces dernières, en attribuant à une catégorie de preuves un poids déterminant et à d’autres preuves une valeur probante limitée, voire aucune valeur probante, dans le respect des règles applicables en matière d’administration et de charge de la preuve (arrêt du 14 juillet 2022, SGI Studio Galli Ingegneria/Commission, C‑371/21 P, non publié, EU:C:2022:566, point 66).

47      Partant, sans qu’il soit besoin d’en examiner la recevabilité, il convient de constater que le moyen nouveau soulevé lors de l’audience par la République fédérale d’Allemagne, tiré de la violation de l’article 38, paragraphe 7, de la directive 2014/33, manque en fait, de sorte qu’il y a lieu de le rejeter comme étant non fondé.

 Sur la cinquième branche, tirée d’erreurs de la Commission lors de l’évaluation de l’existence d’une présomption de conformité en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 95/16 et d’une répartition illégale de la charge de la preuve de la conformité de l’ascenseur M33v3

48      La République fédérale d’Allemagne considère que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du fait que, ainsi que cela résulte, notamment, de l’étude indépendante, les preuves de conformité produites par Orona et Liftinstituut n’étaient pas complètes sur des points essentiels, de sorte qu’il n’était pas possible de conclure au respect des exigences essentielles. Il résulterait également de la motivation de la décision attaquée que la Commission considérerait, à tort, en cas de divergence au regard des normes harmonisées, que la charge de la preuve pèserait sur l’autorité nationale de surveillance du marché quand se pose la question de savoir si les exigences en matière de sécurité peuvent être satisfaites par une solution alternative équivalente. Or, en principe, il appartiendrait au fabricant de prouver la conformité de ses produits avec les exigences essentielles des normes harmonisées, ainsi que cela résulterait des orientations de la Commission, telles qu’elles figurent dans sa communication du 26 juillet 2016 intitulée « Le Guide bleu relatif à la mise en œuvre de la réglementation de l’Union européenne sur les produits 2016 » (JO 2016, C 272, p. 1), ainsi que de la position défendue par le Conseil de l’Union européenne dans sa résolution du 7 mai 1985 concernant une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et de normalisation (JO 1985, C 136, p. 1).

49      En outre, il ne serait pas possible de remédier à l’absence de preuve, de la part d’Orona et de Liftinstituut, de la conformité de l’ascenseur M33v3 en se prévalant soit de la délivrance par TÜV Süd d’une attestation de contrôle final avant la mise sur le marché dudit ascenseur, à la suite de l’examen CE de type effectué conformément à l’article 8, paragraphe 2, sous ii), de la directive 95/16 et au paragraphe 4 de l’annexe VI de ladite directive, soit des inspections réalisées par les autorités néerlandaises de surveillance du marché des ascenseurs.

50      Dans la réplique, la République fédérale d’Allemagne insiste, d’une part, sur le fait que la présomption de conformité énoncée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 95/16 ne saurait en aucun cas avoir une valeur absolue et, d’autre part, sur le fait que l’étude indépendante aurait retenu que la conformité de l’ascenseur M33v3 avec les exigences essentielles n’aurait été démontrée à suffisance ni par Orona ni par Liftinstituut. En particulier, l’examen CE de type effectué par Liftinstituut s’avérerait à de nombreux égards déficient et son existence ne saurait avoir pour effet un transfert de la charge de la preuve sur l’organisme national. En outre, Orona n’aurait pas fourni certains éléments essentiels relatifs à des aspects ayant trait à la sécurité, en particulier au temps nécessaire pour qu’une personne sur le toit de la cabine adopte une position sûre, afin que l’autorité centrale des Länder puisse vérifier la conformité de l’ascenseur M33v3 avec les exigences essentielles. Enfin, la Commission laisserait entendre que le contrôle final d’un ascenseur en application de l’annexe VI de la directive 95/16 aurait la même portée qu’un examen « CE » de type en application de l’annexe IV de la même directive, ce qui ne serait pas le cas.

51      Dans sa prise de position sur le mémoire en intervention du Royaume d’Espagne, la République fédérale d’Allemagne expose que, s’agissant de la charge de la preuve pesant sur les États membres qui adoptent une mesure de sauvegarde, ni la jurisprudence ni l’article 7, paragraphe 1, de la directive 95/16 ne sauraient être interprétés comme imposant auxdits États une obligation d’apporter la preuve absolument certaine que la sécurité et la santé des personnes sont en danger. Une telle obligation ne découlerait pas davantage du règlement (CE) no 765/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 9 juillet 2008, fixant les prescriptions relatives à l’accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits et abrogeant le règlement (CEE) no 339/93 du Conseil (JO 2008, L 218, p. 30), dans sa version en vigueur à la date d’adoption de la mesure de sauvegarde.

52      En outre, la République fédérale d’Allemagne allègue que tant la Commission que le Royaume d’Espagne procèdent à une interprétation erronée du contrôle final effectué par TÜV Süd en vertu de l’annexe VI de la directive 95/16. En effet, dans la mesure où la comparaison de la version de l’ascenseur M33v3 ayant fait l’objet de l’examen CE de type et de l’ascenseur contrôlé sur place a donné lieu à des essais dont le déroulement n’appelait aucune réserve, TÜV Süd n’avait d’autre choix que d’établir une attestation de contrôle final en vertu de l’annexe VI, point 6, de la directive 95/16.

53      La Commission et le Royaume d’Espagne contestent l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne.

54      En l’espèce, la directive 95/16 a été adoptée sur la base de l’article 100 A du traité instituant la Communauté européenne (devenu article 95 CE, puis article 114 TFUE), qui habilite les institutions de l’Union à arrêter des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres, qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Cette directive vise en particulier à définir les exigences essentielles de sécurité et de santé de portée générale et à faciliter aux producteurs la preuve de la conformité auxdites exigences lorsque les ascenseurs ou certains de leurs composants de sécurité sont munis du marquage CE et de la déclaration CE de conformité.

55      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 95/16, les États membres prennent toutes les mesures utiles pour que les ascenseurs auxquels s’applique ladite directive, de même que les composants de sécurité installés sur lesdits ascenseurs, ne puissent être mis sur le marché et mis en service que s’ils ne risquent pas de compromettre la sécurité et la santé des personnes ainsi que, le cas échéant, la sécurité des biens, lorsqu’ils sont installés et entretenus convenablement et utilisés conformément à leur destination.

56      L’article 3 de la directive 95/16 prévoit que les ascenseurs auxquels s’applique ladite directive doivent satisfaire aux exigences essentielles, telles qu’elles sont visées à son annexe I.

57      À ce titre, le point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16 énonce, notamment, que l’ascenseur doit être conçu et construit pour empêcher le risque d’écrasement lorsque la cabine se trouve dans l’une de ses positions extrêmes et que cet objectif est atteint par un espace libre ou un refuge au-delà des positions extrêmes.

58      Ainsi que la Commission l’a relevé, en substance, au considérant 44 de la décision attaquée, au regard des dispositions de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 95/16, un ascenseur construit conformément à la norme EN 81‑1, dans sa version en vigueur lors de la mise sur le marché de l’ascenseur M33v3, bénéficiait lors de cette mise sur le marché d’une présomption de conformité avec les exigences essentielles. Cette norme prévoit, notamment, l’existence d’un espace de 1 m entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine de l’ascenseur quand ce dernier se trouve en position haute à l’intérieur de celle-ci.

59      Il y a cependant lieu de relever que, les dispositions de la directive 95/16 ne rendant pas obligatoire le recours à cette présomption de conformité, un fabricant d’ascenseurs n’est pas tenu impérativement de s’appuyer sur les normes harmonisées pour se conformer aux exigences essentielles. Il dispose de la possibilité de retenir une solution technique alternative lui permettant d’atteindre un résultat équivalent en matière de sécurité.

60      L’article 5, paragraphe 1, de la directive 95/16 dispose que les États membres considèrent comme étant conformes à l’ensemble des dispositions de ladite directive, y compris aux procédures d’évaluation de la conformité, les ascenseurs et les composants de sécurité qui sont munis du marquage CE et accompagnés de la déclaration CE de conformité. À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’annexe V de la directive 95/16, intitulée « Examen “CE” de type », l’examen CE de type est la procédure par laquelle un organisme notifié constate et atteste qu’un ascenseur, doté éventuellement d’une extension ou d’une variante, ou qu’un exemplaire représentatif d’un composant de sécurité qui sera monté sur un ascenseur est conforme aux dispositions de ladite directive.

61      En application de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 95/16, avant la mise sur le marché d’un ascenseur certifié CE de type, celui-ci doit également avoir été soumis avec succès à une procédure d’évaluation de la conformité réalisée par un organisme notifié. L’ascenseur M33v3 a fait l’objet d’une telle procédure d’évaluation par TÜV Süd (voir point 4 ci-dessus).

62      Par application de l’article 4 de la directive 95/16, les États membres ne peuvent pas interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché et la mise en service sur leur territoire d’ascenseurs et/ou de composants de sécurité qui satisfont à ladite directive.

63      Néanmoins, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 95/16 autorise un État membre, lorsqu’il constate qu’un ascenseur ou un composant de sécurité muni du marquage CE et utilisé conformément à sa destination risque de compromettre la sécurité et la santé des personnes ainsi que, le cas échéant, la sécurité des biens, à prendre toutes les mesures utiles en vue d’un retrait du marché, d’une interdiction de mise sur le marché ou de mise en service, ou d’une restriction à la libre circulation, lesdites mesures étant soumises à une procédure de contrôle par l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 45).

64      Si l’article 7, paragraphe 1, de la directive 95/16 autorise un État membre à adopter une mesure de sauvegarde, il appartient à ce dernier de fournir une motivation adéquate à sa décision, en particulier si la non-conformité résulte du non-respect des exigences essentielles, d’une mauvaise application des normes ou d’une lacune des normes elles-mêmes, tandis que l’objet du contrôle devant être effectué par la Commission consiste uniquement à examiner si les mesures prises par l’État membre en question sont ou non justifiées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 101).

65      À cet égard, il y a lieu de relever que, s’agissant d’un domaine dans lequel la Commission est amenée à opérer des évaluations techniques complexes, notamment afin d’évaluer le caractère justifié des mesures nationales prises en application de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 95/16, il doit lui être reconnu un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne ces évaluations (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, points 74 et 75, et du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 80).

66      Lorsqu’il est appelé à contrôler l’exercice d’un large pouvoir d’appréciation, le juge de l’Union doit vérifier, en fonction des moyens soulevés devant lui, le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 81 et jurisprudence citée).

67      En l’espèce, ainsi que la Commission l’a rappelé au considérant 48 de la décision attaquée, l’autorité centrale des Länder, lorsqu’elle a adopté la mesure de sauvegarde, a estimé que la solution technique fournie par Orona en tant que fabricant de l’ascenseur M33v3 ne satisfaisait pas aux exigences essentielles, principalement parce que l’ascenseur M33v3 s’écartait de la norme EN 81‑1 en ce qu’il ne prévoyait qu’une distance verticale maximale de 0,5 m au lieu de 1 m entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine.

68      L’autorité centrale des Länder n’a pas entendu sanctionner en tant que telle une divergence avec la norme EN 81‑1, mais a considéré que ladite norme reflétait l’état de la technique au moment de la mise sur le marché de l’ascenseur M33v3 et que les solutions techniques retenues par Orona n’auraient pas permis d’atteindre le niveau d’exigence de cet état de la technique.

69      À cet égard, ainsi qu’il ressort des considérants 49 et 50 de la décision attaquée, l’autorité allemande a estimé que, si le point 5.7.1.1 de la norme EN 81‑1 exigeait une distance verticale de 1 m dans tout l’espace libre ou le refuge, du toit de la cabine au plafond de la gaine, ce n’était toutefois pas la distance verticale de 0,5 m en elle-même qu’elle considérait comme étant incompatible avec les exigences essentielles, mais plutôt le temps nécessaire à une personne se trouvant sur le toit de la cabine pour adopter une position de sécurité, en cas de montée incontrôlée de l’ascenseur vers le haut de la gaine.

70      La mesure de sauvegarde, produite en tant qu’annexe 2 de la requête, met en exergue le fait que cet aspect temporel n’a été pris en considération ni par Orona ni par Liftinstituut lors de l’examen CE de type, l’autorité centrale des Länder considérant comme étant non convaincant l’argument selon lequel la solution technique retenue permettrait à une personne de se mettre en sécurité sur le toit de la cabine aussi rapidement que dans une configuration conforme à la norme EN 81‑1.

71      Il est exact, ainsi que le fait valoir la République fédérale d’Allemagne et comme cela ressort, en substance, du point 4.1.3 de la communication de la Commission intitulée « Le Guide bleu relatif à la mise en œuvre de la réglementation de l’Union européenne sur les produits 2016 » ainsi que de la résolution du Conseil concernant une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et de normalisation (voir point 48 ci-dessus), que le fabricant d’un ascenseur qui décide de ne pas suivre les normes harmonisées a l’obligation de prouver que ledit ascenseur est conforme aux exigences essentielles par le recours à un autre moyen de son choix garantissant le respect desdites exigences.

72      Toutefois, comme la Commission l’a constaté aux considérants 45, 46 et 51 à 60 de la décision attaquée, Orona, bien qu’ayant décidé de ne pas suivre la norme EN 81‑1 pour se conformer aux exigences essentielles, a néanmoins fait devant l’autorité centrale des Länder la démonstration que l’ascenseur M33v3 satisfaisait à ces dernières.

73      En premier lieu, la Commission a relevé, au considérant 45 de la décision attaquée, que, selon l’attestation d’examen « CE » de type délivrée par Liftinstituut, l’ascenseur M33v3 disposait d’un espace libre minimal sur le toit de la cabine, destiné à prévenir les risques d’écrasement, qui, bien que ne présentant pas une distance verticale de 1 m, offrait néanmoins un volume rectangulaire plus grand que celui requis comme espace libre minimal dans la cuvette sous la cabine d’un ascenseur conçu selon la norme EN 81‑1, afin de prévenir le risque d’écrasement dans les positions extrêmes de la cabine.

74      En second lieu, la Commission a relevé, au considérant 45 de la décision attaquée également, en substance, que, en tout état de cause, une personne se trouvant sur le toit de la cabine était protégée par la mise en œuvre de moyens supplémentaires et fiables, qui garantissaient un espace temporaire vertical d’une hauteur de 1,8 m. Ces moyens étaient principalement au nombre de trois, à savoir l’application de deux contacts de sécurité supplémentaires, qui arrêtaient l’ascenseur lorsque celui-ci se trouvait à 1,8 m du plafond de la gaine, un frein à double action, dont la fiabilité était attestée par le fait qu’il s’agissait d’un composant de sécurité certifié CE de type, qui permettait d’assurer l’arrêt effectif de la cabine et d’éviter son mouvement incontrôlé en montée ainsi qu’une vitesse excessive, et un dispositif de surveillance de l’accès au toit de la cabine qui coupait directement le fonctionnement normal de l’ascenseur quand une personne accédait à son toit par une porte palière quelconque.

75      Or, l’existence de ces éléments n’est pas contestée par la République fédérale d’Allemagne en tant que telle, mais uniquement en ce que, pris ensemble, lesdits éléments seraient impropres à assurer le respect des exigences essentielles, en particulier en cas de maintenance de l’ascenseur M33v3, dans l’hypothèse où tous ces moyens supplémentaires viendraient à connaître simultanément une défaillance.

76      Toutefois, il convient de relever que la procédure de certification effectuée par Liftinstituut dans le cadre de la procédure d’examen CE de type atteste que l’ascenseur M33v3 satisfaisait aux exigences essentielles, étant précisé que, avant la mise en service de ce dernier, l’organisme TÜV Süd avait également vérifié qu’un ascenseur de type M33v3 était conforme aux spécifications du certificat d’examen CE de type. À cet égard, il doit être rappelé que le rôle de TÜV Süd consistait à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que l’ascenseur qui était mis en fonctionnement était en conformité avec l’ascenseur modèle décrit dans le certificat d’examen CE de type délivré par Liftinstituut et avec les exigences essentielles qui lui étaient applicables, conformément à l’annexe VI, paragraphe 2, de la directive 95/16.

77      Ainsi, contrairement à ce que soutient la République fédérale d’Allemagne, la Commission n’a pas méconnu les règles régissant la charge de la preuve, mais elle a constaté qu’Orona s’était conformée à la procédure d’homologation, en apportant la preuve que l’ascenseur M33v3 était conforme aux exigences essentielles. Pour sa part, la République fédérale d’Allemagne s’est limitée à envisager l’hypothèse très improbable d’une défaillance simultanée des éléments de sécurité dont était doté l’ascenseur M33v3, qui, au demeurant et comme le relève la Commission, lui conféraient un niveau de sécurité plus élevé que celui d’un ascenseur répondant uniquement aux exigences de la norme EN 81‑1.

78      Or, l’approche adoptée par l’autorité centrale des Länder ne saurait suffire à remettre en cause le constat de conformité de l’ascenseur M33v3.

79      À cet égard, il doit être relevé que la République fédérale d’Allemagne insiste sur l’importance du temps nécessaire à une personne se trouvant sur le toit de la cabine pour se mettre en position de sécurité, alors que ni les exigences essentielles, telles qu’elles sont mentionnées au point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16, ni la norme EN 81‑1 ne font expressément mention de ce facteur temporel qui, dans la mesure où il devrait être pris isolément, ne saurait être considéré comme étant pertinent pour évaluer le respect des exigences essentielles dans le cadre de la configuration technique de l’ascenseur M33v3.

80      Il doit enfin être constaté que le paragraphe 9.7.2 des conclusions de l’étude indépendante confirme que l’ascenseur M33v3 offre un niveau de sécurité conforme aux exigences essentielles, et ce de manière significativement supérieure au niveau prescrit par la norme EN 81‑1.

81      Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à la Commission d’avoir négligé le fait qu’Orona n’aurait pas fourni la totalité des éléments et des informations nécessaires que lui réclamait l’autorité centrale des Länder. En effet, il apparaît, au contraire, qu’Orona s’est parfaitement conformée à la démarche d’homologation de l’ascenseur M33v3 et que, dans ce cadre, elle a fourni la totalité des éléments nécessaires à la démonstration de la conformité de l’ascenseur M33v3 avec les exigences essentielles, ces éléments ayant été portés à la connaissance de l’autorité centrale des Länder, directement ou par l’intermédiaire de Liftinstituut. La République fédérale d’Allemagne ne peut dès lors prétendre que des éléments supplémentaires restaient nécessaires.

82      À cet égard, il y a lieu de constater que l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne revient, en substance, à considérer que seule la preuve de la mise en œuvre de mesures de sécurité identiques à celles prévues par la norme EN 81‑1 est susceptible d’assurer le respect des exigences essentielles. Or, cette approche, qui imposerait à Orona la présence en toutes circonstances d’un espace de sécurité d’au moins 1 m sur le toit de la cabine, aurait pour conséquence de s’opposer à ce que toutes les mesures alternatives, aussi efficaces et sûres soient-elles, puissent être considérées comme étant équivalentes à celles prescrites par la norme EN 81‑1 afin de se conformer aux exigences essentielles. Cela serait manifestement contraire aux objectifs de la directive 95/16, qui permet à un fabricant d’ascenseurs de retenir des solutions alternatives équivalentes, et entraverait toute innovation technique qui ne s’inscrirait pas dans un strict respect des normes harmonisées. Au demeurant, il y a lieu d’observer que l’étude indépendante, à son paragraphe 5.10.1, évoque un manque de clarté de la norme EN 81‑1 s’agissant du respect des exigences essentielles, ce qui tend également à indiquer que les prescriptions de ladite norme ne peuvent être prises en compte de manière univoque en tant qu’état de la technique.

83      Il apparaît ainsi que la Commission, d’une part, n’a pas commis d’erreur de fait en considérant qu’Orona, sans se référer directement à la norme EN 81‑1, avait valablement fourni à l’autorité centrale des Länder les éléments de preuve susceptibles de démontrer la conformité de l’ascenseur M33v3 avec les exigences essentielles et, d’autre part, n’a pas commis d’erreur de droit s’agissant de la charge de la preuve en estimant qu’il appartenait dès lors à la République fédérale d’Allemagne de démontrer le bien-fondé de la mesure de sauvegarde.

84      Il y a donc lieu de rejeter la cinquième branche comme étant non fondée.

 Sur la première branche, tirée d’une méconnaissance de la part de la Commission de l’importance de l’exigence d’une distance verticale entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine de l’ascenseur

85      La République fédérale d’Allemagne reproche à la Commission d’avoir méconnu l’importance de la distance verticale entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine de l’ascenseur, alors que cette distance minimale permanente de 1 m était déjà prescrite par la norme EN 81‑1 dans sa version initiale et avait encore été renforcée dans la version actualisée de cette norme, en l’occurrence la norme EN 81‑20. Il conviendrait de toujours mesurer cette distance verticale lorsque le contrepoids repose sur les amortisseurs de la cabine totalement comprimés, sans se référer à l’espace temporaire vertical d’une hauteur de 1,8 m entre le toit de la cabine de l’ascenseur M33v3 et le plafond de la gaine.

86      Dans la décision attaquée, la Commission aurait fondamentalement méconnu la mesure de la distance verticale minimale, en estimant que ce qui était déterminant pour apprécier les exigences essentielles prescrites par la directive 95/16 n’était pas, au premier chef, la distance verticale, mais le volume du refuge situé au-dessus du toit de la cabine. La Commission commettrait également une erreur en comparant les exigences relatives au refuge et à l’espace libre dans la réserve à celles relatives à l’espace de refuge sous forme de cuvette sous la cabine, tel qu’il est prévu au point 5.7.3.3 de la norme EN 81‑1.

87      Dans la réplique, la République fédérale d’Allemagne insiste sur le fait que, en cas de montée brusque de l’ascenseur M33v3 vers le haut de la gaine depuis les étages supérieurs, l’espace de protection d’un ascenseur conforme à la norme EN 81‑1 offre dans tous les cas une meilleure sécurité que la solution choisie par Orona. Liftinstituut aurait d’ailleurs lui-même confirmé ces éléments dans un courrier du 21 avril 2015.

88      La Commission conteste l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne.

89      En l’espèce, il est constant entre les parties que le respect des exigences essentielles impose un espace libre entre le toit de la cabine de l’ascenseur M33v3 et la partie supérieure de la gaine dans laquelle ledit ascenseur est amené à se déplacer.

90      Cette exigence est expressément rappelée au considérant 43 de la décision attaquée, qui mentionne que « [l]es exigences essentielles sont énoncées [au] point 2.2 [de l’annexe I] de la directive 95/16[...], qui dispose que l’ascenseur doit être conçu et construit pour empêcher le risque d’écrasement lorsque la cabine se trouve dans une de ses positions extrêmes et que cet objectif doit être atteint par un espace libre ou un refuge au-delà des positions extrêmes ».

91      Cependant, l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne revient, en substance, à considérer que la prise en compte d’un espace libre ne peut intervenir qu’à l’aune des prescriptions de la norme EN 81‑1, notamment en ce qui concerne la hauteur de cet espace.

92      Or, ainsi qu’il résulte de l’examen de la cinquième branche (voir point 59 ci-dessus), il y a lieu de tenir compte du fait que le fabricant d’un ascenseur peut décider de se conformer aux exigences essentielles non seulement en concevant celui-ci conformément aux normes harmonisées, mais également en retenant des solutions alternatives équivalentes.

93      À cet égard, au considérant 45 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, « [m]ême si l’espace libre minimal dans la partie supérieure de la gaine s’écart[ait] des exigences énoncées [au point] 5.7.1.1[, sous] a)[,] de la norme EN 81‑1, conformément à l’attestation d’examen “CE” de type […] délivrée par Liftinstituut, l’espace libre sur le toit de la cabine constitu[ait] un espace libre minimal (volume rectangulaire) plus grand que ce qui [était] requis comme espace libre minimal dans la cuvette selon la norme EN 81‑1, afin de prévenir le risque d’écrasement dans les positions extrêmes de la cabine ».

94      En outre, la Commission a également relevé au considérant 45 de la décision attaquée que Liftinstituut, lors de la procédure de certification, avait constaté que l’espace libre sur le toit de la cabine de l’ascenseur M33v3, bien que présentant des dimensions différentes de celles définies dans la norme EN 81‑1, était également compatible avec les exigences essentielles compte tenu de l’existence de moyens de protection supplémentaires fiables qui comprenaient trois éléments principaux, dont un frein à double action fiable certifié CE de type, et qui assuraient un espace temporaire sur le toit de la cabine plus grand que celui prescrit par la norme EN 81‑1.

95      Dans ces conditions, il apparaît que la Commission a dûment tenu compte du fait que les solutions alternatives conçues par Orona permettaient de disposer d’une distance verticale, entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine de l’ascenseur M33v3, satisfaisante au regard des exigences essentielles.

96      Il ne saurait dès lors être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en méconnaissant l’importance de l’exigence d’une distance verticale entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine de l’ascenseur M33v3, de sorte que la première branche doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur de la Commission lors de la détermination des scénarios d’accidents présentant une pertinence pour l’appréciation du risque d’écrasement

97      La République fédérale d’Allemagne expose que, aux considérants 17 et 55 de la décision attaquée, la Commission a effectué une appréciation erronée des exigences du point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16, en se référant uniquement à la défaillance du frein à double action en tant que scénario d’accident présentant une pertinence pour la suppression de risques d’écrasement. Ainsi, la Commission aurait procédé à un exposé erroné des faits pertinents dans la décision attaquée, alors que, en réalité, il aurait existé plus de possibilités de défaillances que celles prises en considération dans la décision attaquée, à savoir, notamment, une défaillance du frein, une défaillance de la commande et une défaillance du dispositif de sécurité, qui seraient susceptibles, par leur concomitance, et non uniquement dans le cas de la seule défaillance du frein à double action, d’avoir pour conséquence que la distance verticale entre le toit de la cabine et le plafond de la gaine se réduirait à 0,5 m.

98      Dans sa prise de position sur le mémoire en intervention du Royaume d’Espagne, la République fédérale d’Allemagne conteste l’interprétation par ce dernier de la norme ISO 14798:2013‑04 « Ascenseurs, escaliers mécaniques et trottoirs roulants – Méthodologie de l’appréciation et de la réduction du risque ». Si cette norme n’énonce pas expressément de principe de sécurité absolue, un ascenseur ne pourrait cependant être déclaré sûr que si et dans la mesure où son fonctionnement n’entraîne aucun risque inacceptable.

99      La Commission et le Royaume d’Espagne contestent l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne.

100    Il convient de rappeler que, lorsqu’un État membre adopte une mesure de sauvegarde fondée sur le non-respect des exigences essentielles, il lui appartient de fournir une motivation adéquate à sa décision, tandis que l’office de la Commission consiste uniquement à examiner si les mesures prises par l’État membre en question sont ou non justifiées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 101).

101    En l’espèce, la République fédérale d’Allemagne reproche à la Commission, en substance, de ne pas avoir considéré que l’ascenseur M33v3 ne satisfaisait pas aux exigences essentielles, en ne garantissant pas l’absence totale de tout risque d’écrasement d’une personne située sur le toit de la cabine dans le cas d’une défaillance simultanée des différents organes de sécurité de l’ascenseur, en particulier du frein à double action, des deux contacts de sécurité supplémentaires et du dispositif de surveillance de l’accès au toit de la cabine, qui viendrait éventuellement se cumuler avec une erreur humaine liée à l’absence d’enclenchement du mode « inspection » lors d’une intervention sur le toit de l’ascenseur.

102    Or, outre que ce scénario, s’agissant d’un modèle d’ascenseur bénéficiant de la certification CE de type, présente à l’évidence une probabilité de survenance très faible, il doit être observé que la République fédérale d’Allemagne se contente de formuler des scénarios d’accidents sans expliquer concrètement dans quelles conditions précises ils sont susceptibles de se réaliser dans le contexte technique de l’ascenseur M33v3.

103    Exiger de la Commission qu’elle démontre que les scénarios en question ne peuvent pas se réaliser revient à inverser la charge de la preuve et, en définitive, à exiger d’elle qu’elle produise un travail d’analyse qui incombe à la République fédérale d’Allemagne.

104    Par conséquent, cela ne saurait conduire au constat d’une quelconque carence de la Commission lors de l’adoption de la décision attaquée.

105    En tout état de cause, il y a lieu de constater que, aux considérants 51 à 56 de la décision attaquée, alors qu’elle n’y était pas tenue, la Commission a néanmoins examiné les causes potentielles d’un incident dans l’ascenseur M33v3 qui aurait été susceptible de faire chuter la distance verticale à 0,5 m au lieu de 1,8 m lorsque l’ascenseur M33v3 fonctionnait correctement.

106    Après avoir examiné les trois causes potentielles d’incident qu’elle avait identifiées, à savoir la défaillance du frein, l’erreur humaine et la défaillance du système hors course, la Commission est parvenue à la conclusion, fondée, notamment, sur les résultats de l’étude indépendante, que le risque de survenance d’un tel incident était très faible, voire presque inexistant.

107    À cet égard, il doit être relevé que les exigences essentielles, telles qu’elles sont formulées au point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16, mentionnent que l’ascenseur doit être conçu et construit pour empêcher le risque d’écrasement lorsque la cabine se trouve dans l’une de ses positions extrêmes, mais il ne saurait être raisonnablement considéré qu’elles visent l’exclusion totale et absolue d’un tel risque.

108    De même, la norme ISO 14798:2013‑04 « Ascenseurs, escaliers mécaniques et trottoirs roulants – Méthodologie de l’appréciation et de la réduction du risque », qui est invoquée par la République fédérale d’Allemagne, a pour objectif de décrire les principes et de fixer les procédures pour une méthodologie d’appréciation du risque cohérente et systématique appliquée aux ascenseurs, aux escaliers mécaniques et aux trottoirs roulants, mais sans retenir la possibilité d’une suppression totale de tout risque.

109    Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir suivi l’approche préconisée par la République fédérale d’Allemagne, qui aurait consisté, en substance, à sanctionner Orona pour la mise sur le marché d’un modèle d’ascenseur dont il n’aurait pas été possible d’assurer qu’il excluait 100 % des risques d’accident.

110    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de la détermination des scénarios d’accidents présentant une pertinence pour l’appréciation du risque d’écrasement.

111    La deuxième branche n’apparaissant pas fondée, il y a lieu de la rejeter.

 Sur la troisième branche, tirée d’une méconnaissance de la part de la Commission de l’importance du temps nécessaire pour se mettre en position sûre et du risque d’un mouvement incontrôlé en montée de la cabine

112    La République fédérale d’Allemagne conteste l’appréciation d’ensemble effectuée par la Commission, telle qu’elle figure aux considérants 55 à 57 de la décision attaquée, au regard, en particulier, des hypothèses de cette appréciation quant à la dangerosité de l’ascenseur M33v3, à la probabilité de survenance d’un écrasement du technicien sur le toit de la cabine et au mouvement incontrôlé en montée de la cabine, notamment en ce qui concerne la variante de l’ascenseur M33v3 avec une gaine raccourcie examinée dans le cadre de l’étude réalisée par l’organisme IK4-Ikerlan. À cet égard, la Commission n’aurait pas pris en considération le laps de temps nécessaire à une personne se trouvant sur le toit de la cabine pour adopter à temps une position de sécurité appropriée, ni évalué de façon appropriée la probabilité réduite de survenance d’un mouvement incontrôlé en montée de l’ascenseur M33v3.

113    Dans la réplique, la République fédérale d’Allemagne expose que, contrairement à ce que soutient la Commission, l’aspect temporel ne peut être considéré comme étant dénué d’importance, car il contribue à évaluer l’absence de risque d’écrasement des personnes travaillant sur le toit de la cabine, alors que ce risque devrait être exclu selon le point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16. La norme EN 81‑1 offrirait précisément une voie permettant d’atteindre cet objectif dans la mesure où elle prévoirait que les personnes travaillant sur le toit de la cabine pourraient, en cas de danger, adopter à temps une position de sécurité appropriée et sûre tant que et dans la mesure où l’espace au-dessus de la cabine respecterait les dimensions indiquées aux points 5.7.1.1 et 8.13.2 de ladite norme.

114    En outre, l’autorité centrale des Länder ne se serait pas fondée sur les différences constatées au regard de la norme EN 81‑1 en tant que telles, mais, sur la base des documents et des informations fournis par Orona et Liftinstituut, sur le fait que la solution d’Orona n’atteignait manifestement pas le niveau de sécurité garanti par la norme EN 81‑1 et, partant, les exigences essentielles. En particulier, le frein installé dans l’ascenseur M33v3 n’offrirait pas une meilleure protection que les systèmes de freinage certifiés CE dont seraient équipés des ascenseurs conformes à la norme EN 81‑1, notamment parce que, même lorsque le frein n’est pas un composant de sécurité certifié, le point 12.4.2.1 de la norme EN 81‑1 soulignerait expressément que les dispositifs de freinage électromécaniques d’ascenseurs doivent, par principe, être à double action. De même, le système de suspension en porte-à-faux dont est doté l’ascenseur M33v3 serait couramment présent dans les ascenseurs conformes à la norme EN 81‑1.

115    Il y aurait également lieu de constater que le système de freinage intégré à l’ascenseur M33v3 constituerait l’unique composant de sécurité qui serait apte à empêcher de façon mécanique un mouvement incontrôlé en montée de la cabine et, dans une analyse des risques établie au cours de l’année 2012 par Orona, cette dernière aurait elle-même admis que le scénario d’une défaillance des freins ne pouvait être exclu. En outre, il serait également possible qu’aucune action de freinage ne se produise sans que ce soit le frein lui-même qui soit défectueux, notamment en cas de dysfonctionnements électroniques ou logiciels.

116    La Commission conteste l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne.

117    En l’espèce, il y a lieu de constater que l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne, fondée sur l’absence de prise en compte par la Commission du facteur lié au temps nécessaire à une personne se trouvant sur le toit de la cabine pour se mettre en position de sécurité ainsi que du risque de mouvement incontrôlé de la cabine de l’ascenseur M33v3 en phase de montée, revient, en substance, à réitérer la critique formulée dans le cadre de la première branche à l’encontre de l’approche retenue par la Commission.

118    Or, rien ne permet de remettre en cause le constat de la Commission selon lequel les mesures alternatives mises en œuvre par Orona permettent de garantir le respect des exigences essentielles.

119    Il convient en particulier de rappeler, ainsi que cela résulte de l’examen de la cinquième branche, que ni le point 2.2 de l’annexe I de la directive 95/16 ni la norme EN 81‑1 ne font expressément mention d’un facteur temporel pour évaluer le respect des exigences essentielles par un ascenseur, un tel facteur n’étant susceptible de présenter une certaine pertinence que dans la mesure où il est pris en considération conjointement avec l’espace disponible sur le toit de la cabine dudit ascenseur.

120    En outre, il doit également être rappelé que les exigences essentielles, si elles fixent un objectif de sécurité très élevé, ne visent pas la suppression absolue de tout risque.

121    Néanmoins, au considérant 55 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, si, selon la mesure de sauvegarde, le risque d’écrasement causé par un temps insuffisant pour adopter une position sûre apparaissait lorsque la distance verticale était de 0,5 m, l’espace libre ou le refuge dans l’ascenseur M33v3 n’atteindrait une distance verticale de 0,5 m qu’en cas de défaillance du frein.

122    À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que le frein à double action installé sur l’ascenseur M33v3 a fait l’objet d’une certification CE de type et que cette dernière n’a fait l’objet d’aucune contestation par la République fédérale d’Allemagne, de sorte que le frein en question doit être considéré comme un dispositif présentant un degré très élevé de fiabilité, et que, contrairement à ce que fait valoir la République fédérale d’Allemagne, un tel dispositif ayant fait l’objet d’une certification CE de type n’est pas nécessairement installé dans un ascenseur répondant uniquement à la norme EN 81‑1. En effet, à supposer, comme le soutient la République fédérale d’Allemagne, que les ascenseurs conçus conformément à la norme EN 81‑1 soient également dotés de freins à double action, il n’existe à l’égard du fabricant de tels ascenseurs aucune obligation imposant que les freins soient certifiés CE de type.

123    Or, la certification CE de type d’un composant de sécurité, conformément à l’annexe V de la directive 95/16, atteste que celui-ci, à l’issue d’une procédure qui inclut des contrôles appropriés, assure sa fonction lorsqu’il est correctement monté sur l’ascenseur. La procédure de certification CE de type d’un composant de sécurité offre, par principe, des garanties que ne présente pas un composant de sécurité équivalent qui n’est pas certifié et qui est installé sur un ascenseur conforme à la norme EN 81‑1.

124    Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel, en substance, l’ascenseur M33v3 n’offrirait pas une meilleure protection qu’un ascenseur qui répondrait uniquement à la norme EN 81‑1.

125    Par ailleurs, si, comme le fait valoir la République fédérale d’Allemagne, il est exact qu’un ascenseur conçu conformément à la norme EN 81‑1 peut également être doté de freins certifiés CE de type, un tel argument est inopérant dès lors que, comme en l’espèce, il s’agit d’évaluer si les mesures de sécurité alternatives prises dans le cadre de la conception et de la construction de l’ascenseur M33v3 étaient équivalentes à l’état de la technique représenté par la norme EN 81‑1.

126    Il y a également lieu de relever, d’autre part, que rien ne permet de remettre en cause le constat de la Commission, qui figure au considérant 56 de la décision attaquée, selon lequel, en cas de défaillance du frein, le risque d’écrasement dans l’ascenseur M33v3 et dans un ascenseur conçu selon la norme EN 81‑1, nonobstant l’existence d’un espace libre sur le toit de la cabine, doit être considéré comme étant identique au regard du fait que, dans ces deux cas de figure, une cabine d’ascenseur ne pourrait pas être arrêtée, de sorte qu’une personne se trouvant sur son toit aurait toutes les chances d’être écrasée.

127    Le risque de mouvement incontrôlé de la cabine en montée a également été examiné par la Commission au considérant 53 de la décision attaquée. À cet égard, la Commission a relevé que l’ascenseur M33v3 était doté d’un frein de sécurité surveillé à double action et que chaque circuit de freinage avait une force suffisante pour arrêter l’ascenseur à lui seul. Selon la Commission, ces deux circuits freinent lorsque les ressorts sont appliqués, c’est-à-dire qu’en état de fonctionnement sous tension, le frein électromagnétique est ouvert et que, en cas de pannes de courant imprévisibles, les deux circuits de freinage se ferment automatiquement, actionnés par la force des ressorts, et assurent ainsi de manière fiable le maintien statique ou la décélération dynamique de la cabine d’ascenseur en mouvement dans toute situation de fonctionnement.

128    Il y a lieu de constater que la République fédérale d’Allemagne n’avance aucune explication valable susceptible de remettre en cause les constatations de la Commission, mais que, à nouveau, son argumentation consiste, à tort, à remettre en cause le principe selon lequel des mesures alternatives, dûment vérifiées et certifiées, ne seraient pas susceptibles de satisfaire aux exigences essentielles dans des conditions à tout le moins équivalentes à celles d’un ascenseur conçu selon la norme EN 81‑1.

129    L’argumentation de la République fédérale d’Allemagne ne saurait prospérer dans la mesure où il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation. Il y a lieu, par conséquent, de rejeter la troisième branche comme étant non fondée.

 Sur la quatrième branche, tirée d’une comparaison globale erronée fondée sur l’étude indépendante

130    La République fédérale d’Allemagne conteste la comparaison globale effectuée par la Commission telle qu’elle est fondée sur l’étude indépendante. Elle estime que l’hypothèse mentionnée dans ladite étude, selon laquelle l’ascenseur M33v3 présente un refuge plus grand que celui des prescriptions de la norme EN 81‑1, est inexacte. Or, ni l’auteur de l’étude indépendante ni la Commission ne fourniraient d’éléments permettant de savoir comment et selon quelle méthode les différents risques seraient évalués d’un point de vue mathématique et mis en rapport les uns avec les autres à des fins de comparaison.

131    La Commission fait valoir en réponse qu’elle a conduit sa propre analyse, dont les résultats ont simplement été corroborés par les résultats de l’étude indépendante, ainsi que cela résulterait, notamment, du considérant 62 de la décision attaquée. Contrairement aux allégations de la République fédérale d’Allemagne, elle aurait analysé la question d’une éventuelle défaillance du frein à double action ou du dispositif hors course intégré. Toutefois, ni le gouvernement allemand ni l’autorité centrale des Länder dans le cadre de la procédure de clause de sauvegarde n’auraient avancé d’arguments techniques solides pour étayer leur position.

132    En l’espèce, l’étude indépendante était destinée à déterminer si, au regard de l’état de la technique, les solutions techniques retenues par Orona, s’agissant de l’espace libre sur le toit de la cabine de l’ascenseur M33v3, pouvaient être considérées comme offrant un niveau de sécurité équivalent à celui d’un ascenseur conçu selon les normes harmonisées pertinentes.

133    Ainsi que cela est mentionné au considérant 9 de la décision attaquée, l’étude indépendante conclut que, dans des conditions normales d’entretien, l’ascenseur M33v3 satisfait de façon concluante aux exigences essentielles en atteignant, au moment de son installation, un niveau de sécurité au moins équivalent à celui de la norme EN 81‑1.

134    À son paragraphe 9.7.2.3, l’étude indépendante mentionne, en outre, que le volume d’espace libre de l’ascenseur M33v3 (d’une hauteur de 1,8 m multipliée par la superficie du toit de la cabine) offre une solution alliant ergonomie et accessibilité, ce qui ne serait pas le cas de la norme EN 81‑1.

135    Reprenant, au terme de son analyse globale, les conclusions de l’étude indépendante, la Commission a estimé, au considérant 62 de la décision attaquée, que, compte tenu des résultats de l’étude indépendante, qui confirmaient sa propre analyse, il pouvait être conclu que l’ascenseur M33v3 était conforme aux exigences essentielles et qu’il atteignait un niveau de sécurité au moins équivalent à celui d’un ascenseur conçu conformément à la norme EN 81‑1, dont le respect conférait une présomption de conformité au moment où l’ascenseur M33v3 avait été mis sur le marché.

136    Il apparaît que, contrairement à ce que soutient la République fédérale d’Allemagne, la décision attaquée, corroborée en ses appréciations par les conclusions de l’étude indépendante, comporte des explications détaillées et convaincantes permettant d’aboutir au constat de la conformité de l’ascenseur M33v3 avec les exigences essentielles.

137    À ce titre, il doit être rappelé que, en situation normale, l’ascenseur M33v3 est doté d’un espace libre vertical sur le toit de la cabine de 1,8 m, ce qui permet à une personne accédant au toit d’effectuer des opérations de maintenance en toute sécurité.

138    La Commission a expliqué que trois hauteurs distinctes, entre le toit de la cabine et le haut de la gaine, devaient être considérées, à savoir 1,8 m, 1 m et 0,5 m, de même que les conditions dans lesquelles ces hauteurs étaient susceptibles d’être atteintes. Ainsi, il apparaît que l’étude indépendante a calculé le volume de l’espace libre en se fondant sur la hauteur verticale de 1,8 m, qui correspond à la situation normale de fonctionnement de l’ascenseur M33v3 lors d’une opération de maintenance. La décision attaquée comporte des explications permettant de comprendre comment cette hauteur verticale de 1,8 m est maintenue grâce à des dispositifs techniques fiables et dans quelles circonstances exceptionnelles elle peut être réduite à 1 m, voire à 0,5 m.

139    Or, en se limitant à critiquer la validité de l’évaluation du volume du refuge sur le toit de l’ascenseur M33v3 en situation normale, telle que cette évaluation a été effectuée dans le cadre de l’étude indépendante ainsi que par la Commission, et en exigeant de cette dernière qu’elle justifie de la méthode selon laquelle les différents risques auraient été évalués d’un point de vue mathématique, la République fédérale d’Allemagne prétend à nouveau opérer un renversement de la charge de la preuve. En outre, il y a lieu de constater que l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne, tirée du fait que la Commission aurait dû indiquer comment et selon quelle méthode les différents risques étaient calculés et mis en rapport les uns avec les autres à des fins de comparaison, présente un caractère vague et non étayé.

140    Le mode de raisonnement défendu par la République fédérale d’Allemagne doit être rejeté et il y a lieu de constater, au contraire, que les éléments exposés par la Commission dans la décision attaquée, corroborés par l’étude indépendante, qui conclut à la conformité de l’ascenseur M33v3 avec les exigences essentielles s’agissant de l’existence d’un espace de sécurité sur le toit de la cabine, ne sauraient être remis en cause par les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne.

141    Il y a donc lieu de rejeter comme étant non fondée la quatrième branche tirée, en substance, d’une comparaison globale erronée fondée sur l’étude indépendante et, partant, le moyen unique soulevé, dans ses écritures, par la République fédérale d’Allemagne. En conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

142    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

143    Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Schalin

Nõmm

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.