Language of document : ECLI:EU:T:2023:861

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

20 décembre 2023 (*)

« Clause compromissoire – Accord de prêt relatif à un projet de réalisation d’une route de haute qualité dans un pays tiers – Inexécution du contrat – Remboursement des sommes avancées – Intérêts de retard – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑465/22,

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. T. Gilliams, R. Stuart et F. Oxangoiti Briones, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Arts et E. Paredis, avocats,

partie requérante,

contre

République arabe syrienne,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme R. Frendo (rapporteure) et M. M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la Banque européenne d’investissement (BEI) demande la condamnation de la République arabe syrienne à lui verser la somme de 233 051,96 euros, assortie d’intérêts, en application de l’accord de prêt no 60136 relatif à un projet de réalisation d’une route de haute qualité entre Alep (Syrie) et Tall Kochak (Irak) (ci-après l’« accord de prêt »).

 Antécédents du litige

2        Faisant suite à l’accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne du 18 janvier 1977 (JO 1978, L 269, p. 2) et à ses protocoles, la BEI a conclu, le 15 mai 1979, l’accord de prêt avec la République arabe syrienne, modifié par lettres des 16 mars, 22 août, 8 novembre 1983, 13 février 1984, 13 janvier, 3 décembre 1987 et 21 février 1989.

3        En vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de l’accord de prêt, la BEI a accordé à la République arabe syrienne un prêt de 3 500 000 écus à décaisser sur demande. Ce prêt a été décaissé par tranches entre le 14 juillet 1982 et le 9 novembre 1992.

4        Selon l’article 4, paragraphe 1, de l’accord de prêt, lu en combinaison avec son annexe C, la République arabe syrienne devait rembourser le prêt selon 60 échéances semi-annuelles, à compter du 31 mars 1989, avec des intérêts :

–        sur le solde de l’avance, sur une base semestrielle à terme échu, au taux annuel bonifié de 1 % (article 3, paragraphe 1) (ci-après les « intérêts contractuels ») ;

–        en cas de retard de remboursement, sur tous les montants échus à un taux annuel de 3,5 %, lequel se substitue au taux susmentionné de 1 % (article 3, paragraphe 2) (ci-après les « intérêts de retard »).

5        Depuis le mois d’avril 2012, la République arabe syrienne a cessé d’honorer les échéances dues en application de l’accord de prêt.

6        Par arrêt du 6 juin 2019, BEI/Syrie (T‑589/17, non publié, EU:T:2019:388), la République arabe syrienne a été condamnée à rembourser à la BEI, d’une part, la somme de 820 451,25 euros au titre des échéances de paiement non honorées par elle entre le 2 avril 2012 et le 31 mars 2017 ainsi que des intérêts contractuels et de retard pour la période du 2 avril 2012 au 25 août 2017 et, d’autre part, les intérêts de retard à compter du 25 août 2017 et jusqu’à la date de paiement.

7        Entre le 25 août 2017 et le 30 juin 2022, trois tranches visées par l’accord de prêt sont venues à échéance et, la République arabe syrienne n’ayant pas effectué les paiements dus, la BEI a, à chaque reprise, émis des rappels de paiement, comme suit :

Échéance

Montant principal

Intérêts contractuels

Rappel

2 octobre 2017

66 500,10 EUR

1 004,50 EUR

12 octobre 2017

3 avril 2018

66 850,10 EUR

672 EUR

13 avril 2018

1er octobre 2018

67 550,10 EUR

337,75 EUR

11 octobre 2018


8        Toutefois, la République arabe syrienne est restée en défaut de paiement.

 Procédure et conclusions de la BEI 

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2022, la BEI a introduit le présent recours.

10      Deux tentatives de signification de la requête à la République arabe syrienne, effectuées par envois postaux recommandés avec accusés de réception, des 1er août et 18 novembre 2022, sont demeurées infructueuses.

11      Le greffe du Tribunal a procédé à une nouvelle tentative de signification de la requête à la partie défenderesse, par courrier express avec accusé de réception du 15 juin 2023. Ce courrier a été réceptionné le 6 juillet 2023. Conformément à l’article 12, paragraphe 1, de l’accord de prêt, la signification a été faite à l’ambassade où sont situés les locaux de la mission de la République arabe syrienne auprès de l’Union européenne à Bruxelles (Belgique).

12      La République arabe syrienne n’ayant pas produit de mémoire en défense dans le délai prescrit à l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal, la BEI a, par acte déposé le 2 octobre 2023, demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, conformément à l’article 123, paragraphe 1, dudit règlement.

13      La BEI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la République arabe syrienne a manqué à ses obligations contractuelles en vertu de l’accord de prêt en ce qui concerne le paiement des montants principaux, des intérêts contractuels et des intérêts de retard à réaliser sur chaque échéance due et impayée entre le 2 octobre 2017 et le 1er octobre 2018 et, par conséquent, condamner la République arabe syrienne à lui payer, premièrement, la somme de 233 051,96 euros, à titre de montant principal, d’intérêts contractuels et d’intérêts de retard pour la période du 25 août 2017 au 30 juin 2022 et, deuxièmement, les intérêts de retard supplémentaires à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la réalisation du paiement ;

–        condamner la République arabe syrienne aux dépens.

 En droit

14      En vertu de l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque le Tribunal constate que la partie défenderesse, régulièrement mise en cause, n’a pas répondu à la requête dans le délai prescrit, la partie requérante peut demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions.

15      En l’espèce, il convient de constater que, conformément à l’article 12, paragraphe 1, de l’accord de prêt, la requête a été signifiée à l’ambassade où sont situés les locaux de la mission de la République arabe syrienne auprès de l’Union à Bruxelles.

16      Or, ainsi qu’il ressort du point 12 ci-dessus, bien que la requête de la BEI ait été régulièrement signifiée à la République arabe syrienne, cette dernière n’a pas produit de mémoire en défense dans le délai prescrit à l’article 81 du règlement de procédure.

17      Dès lors que la requérante a demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, il convient de faire application de l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure, aux termes duquel le Tribunal adjuge à la partie requérante ses conclusions, à moins qu’il ne soit manifestement incompétent pour connaître du recours ou que ce recours soit manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur la compétence du Tribunal

18      Conformément à l’article 272 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte.

19      Il convient de relever qu’il ressort des dispositions liminaires de l’accord de prêt que celui-ci a été conclu, notamment, en application de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du protocole no 1 relatif à la coopération technique et financière, annexé à l’accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne, signé à Bruxelles le 18 janvier 1977, de sorte qu’il doit être considéré comme ayant été conclu pour le compte de l’Union.

20      Or, l’article 11, paragraphe 3, de l’accord de prêt contient une clause compromissoire en vertu de laquelle tous les litiges concernant cet accord seront soumis à la Cour de justice de l’Union européenne.

21      En outre, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal est compétent pour connaître en première instance des recours introduits sur la base d’une clause compromissoire, tels qu’ils sont visés à l’article 272 TFUE.

22      Au vu de ce qui précède, il convient de considérer que le Tribunal n’est pas manifestement incompétent pour connaître du présent recours.

 Sur la recevabilité du recours

23      Par son recours, la BEI vise à obtenir la condamnation de la République arabe syrienne à lui payer la somme de 233 051,96 euros à titre de montant principal et d’intérêts contractuels et de retard, en application de l’accord de prêt, et une somme représentant les intérêts de retard supplémentaires à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la réalisation du paiement.

24      À cet effet, il convient de constater, d’une part, que sur la base de l’accord de prêt, la BEI détient, à l’égard de la République arabe syrienne, les créances mentionnées au point 7 ci-dessus, de sorte qu’il n’apparaît pas que le présent recours, introduit sur le fondement de l’article 272 TFUE, soit manifestement irrecevable. D’autre part, les éléments figurant au dossier ne soulèvent pas d’autres difficultés de nature à considérer que le présent recours serait manifestement irrecevable.

25      Par conséquent, il y a lieu de conclure que le présent recours n’est pas manifestement irrecevable.

 Sur le bien-fondé du recours

26      En premier lieu, il ressort du dossier que, sur la base de l’accord de prêt, la BEI a accordé à la République arabe syrienne un prêt remboursable selon les échéances mentionnées au point 7 ci-dessus.

27      En outre, il ressort des indications de la BEI que la République arabe syrienne n’a pas honoré ces échéances de remboursement, en violation de l’article 4, paragraphe 1, de l’accord de prêt.

28      Par conséquent, les conclusions tendant à la condamnation de la République arabe syrienne au remboursement de la somme de 200 900,30 euros, au titre du montant principal, empruntée par cette dernière et qui aurait dû être remboursée entre le 2 octobre 2017 et le 1er octobre 2018 inclus ne sont pas manifestement dépourvues de fondement en droit.

29      En second lieu, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de l’accord de prêt que les intérêts contractuels sont dus sur l’encours du prêt, semestriellement à terme échu, au taux annuel nominal de 1 %, et que, en application de l’article 3, paragraphe 2, de l’accord de prêt, en cas de retard de remboursement du prêt, le taux annuel nominal des intérêts de retard est fixé à 3,5 %.

30      Par conséquent ne sont pas non plus manifestement dépourvues de tout fondement en droit les conclusions tendant à la condamnation de la République arabe syrienne au paiement de la somme de 32 151,66 euros au titre des intérêts contractuels et de retard pour la période du 25 août 2017 au 30 juin 2022, d’une part, et des intérêts de retard dus sur la somme de 200 900,30 euros, au taux annuel de 3,5 %, à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la date du paiement, d’autre part.

31      Partant, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la BEI tendant à lui adjuger ses conclusions et, ainsi, à condamner la République arabe syrienne par défaut, conformément à l’article 123 du règlement de procédure.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République arabe syrienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La République arabe syrienne est condamnée à rembourser à la Banque européenne d’investissement (BEI) la somme de 233 051,96 euros représentant les montants principaux et les intérêts contractuels et de retard dus au 30 juin 2022.

2)      La somme de 200 900,30 euros comprenant les montants principaux porte intérêts de retard au taux annuel de 3,5 % à compter du 30 juin 2022 et jusqu’à la date du paiement.

3)      La République arabe syrienne est condamnée aux dépens.

Truchot

Frendo

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.