Language of document : ECLI:EU:T:2024:13

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

17 janvier 2024 (*)

« Produits biocides  Articles traités  Substance active carbendazime  Règlement (UE) no 528/2012  Directive 98/8/CE  Règlement d’exécution (UE) 2021/348  Approbation  Durée de l’approbation – Principe de non-discrimination  Confiance légitime  Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de précaution – Règles transitoires »

Dans l’affaire T‑297/21,

Troy Chemical Company BV, établie à Delft (Pays-Bas),

Troy Corp., établie à Florham Park, New Jersey (États-Unis),

représentées par Mes D. Abrahams et Z. Romata, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Farley et R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. G. Bain, en qualité d’agent,

et par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mmes M. Heikkilä, C. Buchanan et M. T. Zbihlej, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, M. Sampol Pucurull (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Troy Chemical Company BV et Troy Corp., demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2021/348 de la Commission, du 25 février 2021, approuvant la carbendazime en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans les produits biocides relevant des types de produits 7 et 10 (JO 2021, L 68, p. 174, ci-après le « règlement attaqué »).

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Troy Chemical Company est une société de droit néerlandais qui assure la mise sur le marché de l’Union européenne de produits biocides, notamment des produits de protection pour les pellicules et des produits de protection des ouvrages de maçonnerie contenant de la carbendazime. Troy Corp., qui est une société constituée selon le droit de l’État du Delaware (États-Unis), est la société holding de Troy Chemical Company.

3        Il ressort du considérant 3 de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides (JO 1998, L 123, p. 1), ainsi que du considérant 1 du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1) (ci-après, pris ensemble, la « réglementation sur les produits biocides »), que les produits biocides sont nécessaires pour lutter contre les organismes nuisibles pour la santé humaine ou animale et les organismes qui endommagent les matériaux naturels ou manufacturés et que ces produits peuvent faire peser des risques divers sur les êtres humains, les animaux et l’environnement, en raison de leurs propriétés intrinsèques et des usages qui y sont associés.

4        En tant que substance active existante dans des produits biocides, la carbendazime constitue un fongicide systématique ayant une action protectrice qui inhibe le développement des tubes germinatifs, la formation d’appressoria et la croissance de mycéliums.

5        Après avoir été notifiée en tant que substance active existante, la carbendazime a été intégrée, en 2003, dans le programme d’examen prévu par le règlement (CE) no 2032/2003 de la Commission, du 4 novembre 2003, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 et modifiant le règlement (CE) no 1896/2000 (JO 2003, L 307, p. 1). Plus récemment, la carbendazime a été inscrite à l’annexe II du règlement délégué (UE) no 1062/2014 de la Commission, du 4 août 2014, relatif au programme de travail pour l’examen systématique de toutes les substances actives existantes contenues dans des produits biocides visés dans le règlement no 528/2012 (JO 2014, L 294, p. 1), qui contient la liste des substances actives existantes à évaluer en vue de leur éventuelle approbation pour une utilisation dans des produits biocides (ci-après le « programme de travail »).

6        Le 31 octobre 2008, Troy Chemical Company a déposé une demande d’approbation de la carbendazime en tant que substance active auprès de l’autorité compétente d’évaluation, en l’espèce la République fédérale d’Allemagne (ci-après l’« autorité compétente d’évaluation »), pour le type de produits 7, à savoir les produits de protection pour les pellicules (ci-après le « TP 7 »), et le type de produits 10, à savoir les produits de protection des ouvrages de maçonnerie (ci-après le « TP 10 »), tels que décrits à l’annexe V de la directive 98/8, qui correspondent, respectivement, au TP 7 et au TP 10 tels que décrits à l’annexe V du règlement no 528/2012.

7        Le 2 août 2013, l’autorité compétente d’évaluation a présenté la version initiale du rapport d’évaluation assorti de ses conclusions à la Commission européenne.

8        En novembre 2019, dans sa dernière version du rapport d’évaluation, l’autorité compétente d’évaluation a fait part de ses préoccupations concernant les effets, qu’elle qualifiait d’inacceptables, de la carbendazime sur l’environnement lors de l’utilisation à l’extérieur de peintures (TP 7) et de plâtres (TP 10) contenant cette substance.

9        Le 10 décembre 2019, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement délégué no 1062/2014, les avis du comité des produits biocides de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), institué par l’article 75 du règlement no 528/2012 (ci-après le « CPB »), ont été adoptés compte tenu des conclusions de l’autorité compétente d’évaluation.

10      Dans lesdits avis, le CPB a proposé d’approuver la carbendazime et de l’inclure dans la liste des substances actives approuvées sur la base des exigences prévues à l’article 5 de la directive 98/8, pour autant que certaines spécifications et conditions relatives à l’autorisation des produits biocides et des articles traités soient respectées. Il a conclu également que la carbendazime répondait aux critères permettant de qualifier une substance de persistante et de toxique au regard des dispositions de l’annexe XIII du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1). En outre, le CPB a considéré, dans ses avis, que l’utilisation à l’extérieur de peintures et de plâtres traités avec de la carbendazime ou dans lesquels cette substance avait été incorporée présentait des risques inacceptables pour les eaux de surface et les sédiments pendant leur durée de vie et qu’aucune mesure appropriée d’atténuation des risques n’avait pu être définie pour éviter les rejets de carbendazime dans les égouts pendant la durée de vie de ces articles traités lorsqu’ils étaient utilisés à l’extérieur.

11      Le 23 septembre 2020, lors d’une réunion du comité permanent des produits biocides institué en vertu de l’article 28 de la directive 98/8 (ci-après le « comité permanent »), il a été discuté de la question de savoir si le projet de règlement attaqué devait prévoir des restrictions à l’utilisation des produits biocides et des articles traités contenant de la carbendazime. À la suite de cette réunion, la Commission a annoncé qu’elle présenterait une nouvelle version du projet de règlement attaqué qui inclurait de telles restrictions.

12      Le 5 novembre 2020, les services de la Commission ont tenu une réunion avec la Troy Chemical Company au sujet des modifications apportées au projet de règlement attaqué.

13      Le 23 novembre 2020, Troy Chemical Company a fait part à la Commission de ses observations sur le projet de résolution du Parlement européen concernant le projet de règlement attaqué.

14      Le 26 novembre 2020, le Parlement a adopté une résolution sur le projet de règlement attaqué dans laquelle il a considéré que ce projet n’était pas compatible avec le but et le contenu de la directive 98/8 et qu’il n’était pas proportionné au regard des risques inacceptables que la carbendazime était susceptible d’entraîner pour la santé humaine et pour l’environnement.

15      Le 10 décembre 2020, lors de la réunion du comité permanent, la Commission a présenté la version révisée du projet de règlement attaqué incluant certaines restrictions permettant de tenir compte des risques précédemment identifiés. Ce projet a été mis à la disposition des États membres et a été discuté.

16      Le 5 février 2021, le comité permanent a rendu un avis positif sur la version révisée du projet de règlement attaqué.

17      Le 25 février 2021, la Commission a adopté le règlement attaqué par lequel elle a approuvé, sous réserve de certaines spécifications et conditions (ci-après les « conditions spécifiques »), la carbendazime en tant que substance active destinée à être utilisée dans les produits biocides relevant du TP 7 et du TP 10.

18      Par courriel du 18 mars 2021, Troy Chemical Company a adressé à la Commission deux demandes d’accès à des documents portant sur la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

19      Par la décision C(2021) 5968 final, du 5 août 2021, la Commission a refusé à Troy Chemical Company l’accès à certaines parties de quatre documents afférents à la première des demandes mentionnées au point 18 ci-dessus.

20      Par requête dép osée au greffe du Tribunal le 15 octobre 2021, Troy Chemical Company a introduit un recours fondé sur l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la décision C(2021) 5968 final, enregistré sous le numéro T‑662/21. Le recours a été rejeté par l’arrêt du 26 juillet 2023, Troy Chemical Company/Commission (T‑662/21, non publié, EU:T:2023:442).

II.    Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2021, les requérantes ont introduit le présent recours.

22      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 juin 2021, les requérantes ont introduit une demande en référé tendant au sursis à l’exécution du règlement attaqué.

23      Par ordonnance du 25 octobre 2021, Troy Chemical Company et Troy/Commission (T‑297/21 R, non publiée, EU:T:2021:733), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé mentionnée au point 22 ci-dessus.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2021, les requérantes ont demandé au Tribunal d’adopter des mesures d’instruction visant à la production de plusieurs documents, conformément à l’article 88 et à l’article 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal.

25      Par ordonnance du 30 janvier 2023, le Tribunal a ordonné à la Commission, sur le fondement de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, et de l’article 103 du règlement de procédure, de produire la version intégrale du projet de présentation de la décision relative à la demande d’approbation de la carbendazime en vue de son utilisation dans les TP 7 et TP 10 figurant en pièce jointe au courriel de la direction générale (DG) « Santé et sécurité alimentaire » au service juridique de la Commission du 17 novembre 2020 (ci-après le « projet de présentation »).

26      Par décision du 9 mars 2023, le Tribunal a décidé que le projet de présentation était pertinent pour statuer sur le présent litige et ne présentait pas de caractère confidentiel. Il a ainsi été communiqué aux requérantes et ces dernières ont été invitées à formuler leurs observations sur ce document.

27      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        prendre toute autre mesure supplémentaire que la justice pourrait exiger.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

29      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

30      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

1.      Sur la recevabilité du recours

31      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes qui la concernent directement et individuellement.

32      Les requérantes n’étant pas destinataires du règlement attaqué, il convient de déterminer si ledit règlement les concerne directement et individuellement.

33      En premier lieu, il convient d’examiner la situation de Troy Chemical Company.

34      D’une part, la condition de l’affectation directe requiert que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêts du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 33 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Puma e.a./Commission, T‑781/16, non publié, EU:T:2021:328, point 46 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, le règlement attaqué approuve la carbendazime en tant que substance active dans le cadre de la poursuite du programme de travail visé au point 5 ci-dessus. En application de son article 1er, l’approbation de la carbendazime pour les TP 7 et TP 10 est sujette à certaines spécifications et conditions énoncées dans l’annexe dudit règlement. Ainsi, dans la mesure où Troy Chemical Company assure la mise sur le marché de produits biocides contenant de la carbendazime, le règlement attaqué produit directement des effets sur sa situation juridique. En outre, l’approbation de la carbendazime étant subordonnée aux conditions spécifiques que ce règlement détermine, les États membres ne disposent, à cet égard, d’aucun pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2021, Laboratoire Pareva et Biotech3D/Commission, T‑337/18 et T‑347/18, EU:T:2021:594, point 55 et jurisprudence citée). Partant, Troy Chemical Company est directement concernée par le règlement attaqué.

36      D’autre part, s’agissant de la condition de l’affectation individuelle, il convient de rappeler qu’un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

37      Les juridictions de l’Union ont constaté à plusieurs reprises que l’auteur de la demande d’approbation d’une substance active, ayant soumis le dossier et ayant participé à la procédure d’évaluation, était individuellement concerné tant par un acte autorisant la substance active sous conditions que par un acte refusant l’autorisation (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2021, Laboratoire Pareva et Biotech3D/Commission, T‑337/18 et T‑347/18, EU:T:2021:594, point 55 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il est constant, d’une part, que Troy Chemical Company est l’auteure de la demande d’approbation de la carbendazime déposée le 31 octobre 2008 dans le cadre du programme de travail et, d’autre part, qu’elle a participé à la procédure d’approbation de cette substance, dont les étapes ont été rappelées aux points 7 à 17 ci-dessus. En outre, ainsi que le reconnaît la Commission, elle était la seule entité juridique inscrite comme fournisseur des produits biocides à base de carbendazime relevant du TP 7 et du TP 10 au titre de l’article 95, paragraphe 2, du règlement no 528/2012. Dès lors, Troy Chemical Company est individuellement concernée par le règlement attaqué.

39      Il résulte des considérations exposées aux points 33 à 38 ci-dessus que Troy Chemical Company est recevable à contester le règlement attaqué, ce que la Commission ne conteste d’ailleurs pas.

40      En second lieu, s’agissant de Troy Corp., la Commission émet des doutes quant à sa qualité pour agir.

41      Or, il est de jurisprudence constante que, pour des raisons d’économie procédurale, si un même règlement d’exécution est attaqué par plusieurs parties requérantes et s’il est établi que l’une d’elles dispose de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 31, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 36 et 37).

42      Par conséquent, étant donné que Troy Chemical Company a qualité pour agir contre le règlement attaqué, il y a lieu de déclarer le présent recours recevable, sans qu’il soit besoin d’examiner la qualité pour agir de Troy Corp.

2.      Sur la recevabilité du quatrième chef de conclusions

43      Il y a lieu de rappeler que l’objet du litige et les conclusions de la partie requérante constituent deux indications essentielles devant, conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure, figurer dans la requête introductive d’instance.

44      Il importe également de préciser, à cet égard, que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. De même, les conclusions de la requête introductive d’instance doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que le juge ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir ordonnance du 7 mai 2013, TME/Commission, C‑418/12 P, non publiée, EU:C:2013:285, point 33 et jurisprudence citée).

45      Or, il suffit de constater que le quatrième chef de conclusions, dont le libellé est rappelé au point 27 ci-dessus, revêt un caractère général et imprécis, de sorte qu’il ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 76, sous e), du règlement de procédure.

46      Par conséquent, le quatrième chef de conclusions doit être déclaré irrecevable.

B.      Sur le fond

47      Au soutien de leur recours, les requérantes ont formellement invoqué quatre moyens, tirés :

–        le premier, d’une erreur de droit, d’un détournement de pouvoir, de la violation du principe de protection de la confiance légitime, de la violation du principe de non-discrimination et de l’erreur manifeste d’appréciation commis par la Commission en ce qu’elle a fixé à trois ans la période d’approbation de la carbendazime ;

–        le deuxième, de l’erreur manifeste d’appréciation et du détournement de pouvoir commis par la Commission en ce qu’elle a conclu que des conditions spécifiques étaient nécessaires pour interdire l’utilisation de produits biocides dans les peintures et les plâtres destinés à être utilisés à l’extérieur ;

–        le troisième, de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur de droit commises par la Commission en ce qu’elle a conclu que des conditions spécifiques étaient nécessaires pour interdire la mise sur le marché d’articles traités spécifiques (à savoir les peintures et plâtres traités avec de la carbendazime ou dans lesquels cette substance avait été incorporée) destinés à être utilisés à l’extérieur ;

–        le quatrième, de « l’erreur manifeste de droit et de fait » commise par la Commission en ce qu’elle a conclu que des conditions spécifiques étaient nécessaires pour que l’étiquetage des peintures et des plâtres traités avec de la carbendazime ou dans lesquels cette substance avait été incorporée, destinés à être utilisés à l’extérieur, rappelle aux utilisateurs qu’il était interdit de les utiliser à l’extérieur.

48      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le Tribunal doit interpréter les moyens d’une partie requérante par leur substance plutôt que par leur qualification et procéder, par conséquent, à la qualification des moyens et des arguments de la requête (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 51 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 54 et jurisprudence citée).

49      Dans ces conditions, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le Tribunal estime qu’il y a lieu de considérer que les requérantes soulèvent, en substance, sept moyens, tirés :

–        le premier, d’une erreur de droit dans l’application des règles transitoires prévues par le règlement no 528/2012 ;

–        le deuxième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime ;

–        le troisième, de la violation du principe de non-discrimination ;

–        le quatrième, d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un détournement de pouvoir quant à la fixation de la période d’approbation de la carbendazime ;

–        le cinquième, d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation du principe de non-discrimination et d’un détournement de pouvoir résultant de l’imposition de conditions spécifiques interdisant l’utilisation de certains produits biocides contenant de la carbendazime pour le traitement des peintures et des plâtres destinés à un usage à l’extérieur ;

–        le sixième, d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un détournement de pouvoir résultant de l’imposition de conditions spécifiques applicables à la mise sur le marché de certains articles traités avec de la carbendazime, ou dans lesquels cette substance est incorporée, et destinés à un usage à l’extérieur ;

–        le septième, d’une erreur de droit découlant des conditions spécifiques  imposées pour l’étiquetage des peintures et des plâtres traités avec de la carbendazime, ou dans lesquels cette substance a été incorporée, et destinés à un usage à l’extérieur.

1.      Observations liminaires

50      Il convient de rappeler que la directive 98/8 vise à améliorer la libre circulation des produits biocides dans l’Union, tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. Un tel objectif est également poursuivi par le règlement no 528/2012, lequel est venu abroger et remplacer cette directive. Dans ce contexte, le règlement no 528/2012 se fonde sur le principe de précaution afin de garantir que la fabrication et la mise à disposition sur le marché de substances actives et de produits biocides n’engendrent pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou d’incidences inacceptables sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2021, Laboratoire Pareva et Biotech3D/Commission, T‑337/18 et T‑347/18, EU:T:2021:594, point 111).

51      Afin de poursuivre efficacement cet objectif, et en considération des appréciations scientifiques complexes que la Commission doit opérer lorsqu’elle procède, dans le cadre de l’examen des demandes d’approbation de substances actives en vertu du règlement no 528/2012, à l’évaluation des risques présentés par l’utilisation de ces substances, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à cette institution (arrêt du 15 septembre 2021, Laboratoire Pareva et Biotech3D/Commission, T‑337/18 et T‑347/18, EU:T:2021:594, point 112). Cela vaut également pour les décisions en matière de gestion du risque qu’elle doit prendre en application dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 92).

52      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 93 et jurisprudence citée).

53      S’agissant de l’appréciation par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de préciser que, afin d’établir que la Commission a commis une telle erreur dans l’examen de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 94 et jurisprudence citée).

54      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, dans les cas où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. Ainsi, parmi ces garanties, figure, notamment, pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2021, Laboratoire Pareva et Biotech3D/Commission, T‑337/18 et T‑347/18, EU:T:2021:594, point 114 et jurisprudence citée).

55      Il a ainsi a été jugé que l’accomplissement d’une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance constituait une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires (arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 172).

56      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les sept moyens invoqués, en substance, par les requérantes au soutien de leur recours.

2.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application des règles transitoires prévues par le règlement no 528/2012

57      Le premier moyen invoqué par les requérantes comporte deux branches. La première porte sur l’application erronée de conditions d’approbation qui ne sont pas prévues par les règles transitoires de l’article 90, paragraphe 2, du règlement no 528/2012 (ci-après les « règles transitoires »). La seconde branche traite de la prise en compte erronée de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux dont ont bénéficié les produits biocides contenant de la carbendazime en tant que facteur pour la détermination de la période d’approbation de cette substance.

a)      Sur la première branche, tirée de l’application erronée de conditions d’approbation non prévues par les règles transitoires

58      Les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir appliqué les critères prévus par l’article 5 du règlement no 528/2012, en prenant en considération, au stade de l’approbation de la carbendazime, la classification de cette substance comme mutagène de catégorie 1B et toxique pour la reproduction de catégorie 1B au sens du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1) (ci-après les « propriétés intrinsèques »). Or, elles rappellent que la carbendazime fait partie des substances actives existantes bénéficiant des règles transitoires, de sorte qu’elle est soumise uniquement aux conditions matérielles d’évaluation de la directive 98/8, à l’exclusion de celles prévues par le règlement no 528/2012. Dès lors, en prenant en compte ces propriétés intrinsèques afin de déterminer la période d’approbation de la carbendazime, la Commission aurait, dans le règlement attaqué, appliqué en substance l’article 5 du règlement no 528/2012 en violation des règles transitoires.

59      La Commission, soutenue par l’ECHA, conteste l’argument des requérantes.

60      La République française, intervenant au soutien de la Commission, ajoute que tous les éléments caractérisant le profil de la substance active doivent être pris en compte pour fixer la durée de son approbation.

61      À titre liminaire, il convient de rappeler le contexte dans lequel les règles transitoires ont été adoptées, avant de déterminer si, ainsi que le font valoir les requérantes, la Commission a commis une erreur de droit dans leur application.

62      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de souligner que la directive 98/8 a établi pour la première fois un cadre réglementaire relatif à l’autorisation et à la mise sur le marché des produits biocides en posant comme condition un niveau élevé de protection de l’homme, des animaux et de l’environnement. En particulier, les États membres ne pouvaient, en vertu de cette directive, autoriser la mise sur le marché de produits biocides que s’ils contenaient des substances actives inscrites à l’annexe I, IA ou IB de cette même directive.

63      En outre, en vertu de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8, la Commission devait entamer un programme de travail de dix ans pour l’examen systématique de toutes les substances actives déjà sur le marché au 14 mai 2000. Ce programme de travail avait pour but de recenser les substances actives existantes et de déterminer celles qui devaient être examinées dans ce cadre en vue de leur éventuelle inscription à l’annexe I, IA ou IB de la directive 98/8.

64      Les règles relatives à l’autorisation et à la mise sur le marché des produits biocides ont, ensuite, été adaptées lors de l’adoption du règlement no 528/2012, lequel a abrogé et remplacé la directive 98/8 avec effet au 1er septembre 2013. Ce règlement établit les nouvelles règles régissant, notamment, l’établissement, au niveau de l’Union, d’une liste de substances actives pouvant être utilisées dans les produits biocides.

65      Afin de faciliter la transition de la directive 98/8 vers le règlement no 528/2012, des règles transitoires ont été prévues aux articles 89 à 95 dudit règlement concernant, notamment, l’évaluation des demandes d’approbation des substances actives et d’autorisation des produits biocides soumises avant l’application de ce même règlement.

66      Ainsi, d’une part, le programme de travail mentionné au point 63 ci-dessus a été poursuivi par la Commission en application de l’article 89, paragraphe 1, du règlement no 528/2012.

67      D’autre part, l’article 90, paragraphe 2, du règlement no 528/2012 prévoit que les demandes d’évaluation des substances actives soumises aux fins de la directive 98/8 dont les États membres n’ont pas terminé l’évaluation conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 98/8 au plus tard le 1er septembre 2013 sont évaluées par les autorités compétentes conformément aux dispositions dudit règlement.

68      Il s’en déduit que les substances actives pour lesquelles les États membres ont terminé l’évaluation au plus tard le 1er septembre 2013 doivent être évaluées conformément aux dispositions de la directive 98/8. En l’occurrence, il s’agit principalement des conditions matérielles prévues à l’article 5, paragraphe 1, et à l’article 10 de ladite directive, ce dernier fixant une durée maximale de dix ans pour la période initiale d’approbation de toute substance active.

69      Ainsi, les règles transitoires excluent l’application des conditions matérielles d’approbation prévues par le règlement no 528/2012 et, en particulier, l’application de la durée maximale de cinq ans pour la période initiale d’approbation dans les cas où il est satisfait aux critères d’exclusion prévus par l’article 5 du même règlement.

70      En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 5 ci-dessus, il convient de rappeler que la carbendazime a été intégrée en 2003 au programme de travail par le règlement no 2032/2003. Elle fait donc partie des substances actives existantes au sens de l’article 89, paragraphe 1, du règlement no 528/2012.

71      De plus, il n’est pas contesté que l’autorité compétente d’évaluation a transmis son rapport d’évaluation à la Commission le 2 août 2013, c’est-à-dire avant la date limite rappelée au point 67 ci-dessus.

72      De ce fait, seules les conditions matérielles d’approbation de la directive 98/8 étaient applicables à l’évaluation de la carbendazime par la Commission, à l’exclusion de celles prévues par le règlement no 528/2012.

73      C’est au regard de ces éléments qu’il convient de déterminer si, comme le soutiennent les requérantes, la Commission a commis une erreur de droit dans l’application des règles transitoires lors de l’adoption du règlement attaqué.

74      En l’espèce, le règlement attaqué a été adopté sur le fondement de l’article 89, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 528/2012. De plus, son considérant 9 rappelle que l’approbation de la carbendazime est soumise aux conditions matérielles de la directive 98/8.

75      En outre, il ressort du dossier transmis au Tribunal que les règles transitoires ont été prises en compte aux différents stades de la procédure d’approbation de la carbendazime. Ainsi, les avis du CPB du 10 décembre 2019 précisent que si cette substance active répond aux critères d’exclusion de l’article 5, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 528/2012, l’analyse des dérogations prévues par son paragraphe 2 n’est pour autant pas pertinente pour la décision d’approbation. De la même manière, tant le procès-verbal de la 68e réunion du comité permanent du 15 mai 2020 que la présentation annexée au procès-verbal de la 69e réunion de ce même comité attestent de l’application des règles transitoires.

76      Il en résulte que les conditions matérielles de la directive 98/8 ont été appliquées aux fins de l’adoption du règlement attaqué, conformément aux règles transitoires.

77      Une telle conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par les deux éléments suivants avancés par les requérantes.

78      D’une part, les requérantes tirent argument de la référence, au considérant 9 du règlement attaqué, à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 528/2012 pour conclure à l’application de cette disposition en ce qui concerne l’approbation de la carbendazime.

79      En l’occurrence, il est indiqué, au considérant 9 du règlement attaqué, que la période d’approbation de la carbendazime devrait être de trois ans afin que soit examinée au plus vite au niveau de l’Union, dans le cadre d’un éventuel renouvellement de l’approbation, la question de savoir si les conditions énoncées à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 528/2012 peuvent être remplies pour cette substance active.

80      Or, il suffit de constater que le considérant 9 du règlement attaqué mentionne uniquement la nécessité d’un examen futur des conditions prévues par l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 528/2012, qui n’interviendra donc qu’au stade du renouvellement de l’approbation de la carbendazime.

81      De ce fait, il ne saurait être inféré du considérant 9 du règlement attaqué une application de l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 528/2012 au stade de l’approbation de cette substance active.

82      D’autre part, les requérantes estiment que c’est à tort que la Commission a pris en compte les propriétés intrinsèques de la carbendazime afin de justifier une période d’approbation plus courte que celle prévue par l’article 10, paragraphe 1, de la directive 98/8.

83      À cet égard, certes, il convient de souligner que les propriétés intrinsèques d’une substance active constituent un critère d’appréciation juridique dans le cadre de la procédure d’approbation d’une substance active au titre du règlement no 528/2012.

84      Toutefois, il convient également de constater que les propriétés intrinsèques d’une substance active constituent, de manière plus générale, des caractéristiques pertinentes liées au profil toxicologique d’une substance active et représentent, en tant que telles, un élément factuel pertinent dans le cadre de l’évaluation de cette substance active, indépendamment de l’application des règles transitoires.

85      Ainsi, il importe de souligner que les propriétés intrinsèques des substances actives étaient déjà prises en compte dans le cadre de la directive 98/8. À ce titre, le considérant 3 de la directive 98/8 rappelle que les produits biocides peuvent faire peser sur les êtres humains, les animaux et l’environnement des risques divers en raison de leurs propriétés intrinsèques et des usages qui y sont associés.

86      En outre, si la directive 98/8 ne prévoyait pas de disposition similaire à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 528/2012, elle opérait néanmoins une distinction entre les substances actives selon le degré de risque présenté par les produits biocides dans lesquels elles étaient incorporées, ainsi qu’il résulte, notamment, de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de ladite directive.

87      Il en résulte que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission et rappelé au point 51 ci-dessus, l’application des conditions matérielles de la directive 98/8 en vertu des règles transitoires ne lui interdit pas de prendre en compte l’ensemble des éléments factuels pertinents afin de déterminer la période d’approbation d’une substance active. Or, figure, notamment, parmi ces éléments, la classification de la substance active comme mutagène de catégorie 1B et toxique pour la reproduction de catégorie 1B au sens du règlement no 1272/2008, telle qu’elle ressort du rapport d’évaluation de l’autorité compétente d’évaluation.

88      Partant, l’évaluation du profil de risque de la carbendazime en application de la directive 98/8 suppose la prise en compte de ses propriétés intrinsèques, dans la mesure où il s’agit d’une caractéristique pertinente, sur le plan factuel, liée au profil toxicologique de la carbendazime.

89      C’est donc sans commettre d’erreur de droit que la Commission a pris en compte, aux considérants 8 et 9 du règlement attaqué, les propriétés intrinsèques de la carbendazime pour justifier une période d’approbation réduite par rapport à la période maximale de dix ans prévue par l’article 10, paragraphe 1, de la directive 98/8 sans pour autant que la détermination de cette période soit fondée sur le règlement no 528/2012.

90      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée.

b)      Sur la seconde branche, tirée de la prise en compte erronée de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux

91      La seconde branche du premier moyen s’articule autour de deux griefs, tirés, le premier, de la violation des règles transitoires et, le second, d’un détournement de pouvoir.

1)      Sur le premier grief, tiré de la violation des règles transitoires

92      Les requérantes considèrent que la Commission a commis une erreur de droit en prenant en compte, dans la fixation de la période d’approbation de la carbendazime, la durée de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux dont ont bénéficié les produits biocides contenant cette substance active. En effet, en tant que substance active inscrite dans le programme de travail, l’accès au marché desdits produits biocides a été permis dans l’attente d’une décision d’approbation de la Commission. Selon les requérantes, ce simple accès dérogatoire ne peut pas constituer une considération légitime justifiant la réduction de la période d’approbation de la carbendazime. De plus, la durée de cet accès dérogatoire résulterait des importants retards du programme de travail, qui ne sont pas propres à la carbendazime.

93      La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste l’ensemble des arguments des requérantes.

94      Il y a lieu de rappeler que l’approbation de la carbendazime devait intervenir, en vertu des règles transitoires, sur le fondement des conditions matérielles d’approbation prévues par la directive 98/8 (voir points 61 à 76 ci-dessus). À cet effet, l’article 10 de la directive 98/8 impose, notamment, de vérifier s’il est permis d’escompter que les produits biocides contenant une substance active rempliront les conditions définies à l’article 5, paragraphe 1, sous b) à d), de la même directive.

95      Il convient donc de déterminer si les dispositions mentionnées au point 94 ci-dessus autorisaient la Commission à prendre en compte la période transitoire d’accès aux marchés nationaux des produits biocides contenant de la carbendazime dans le cadre du calcul de la période d’approbation de cette substance.

96      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que de l’économie générale, des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie (voir arrêt du 4 mars 2021, Agrimotion, C‑912/19, EU:C:2021:173, point 21 et jurisprudence citée).

97      En premier lieu, il convient de constater que ni le libellé de l’article 90, paragraphe 2, du règlement no 528/2012 ni celui de l’article 10 de la directive 98/8 ne font référence à la durée de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux aux fins de la fixation de la période d’approbation d’une substance active existante.

98      Partant, sans que cela permette de tirer de conclusion définitive, il résulte de l’interprétation littérale de ces dispositions que celles-ci n’interdisent pas formellement à la Commission de prendre en compte la durée d’une telle période transitoire dans le cadre du calcul de la période d’approbation d’une substance active.

99      En second lieu, il convient donc de procéder à une interprétation téléologique et contextuelle des dispositions applicables.

100    Tout d’abord, ainsi qu’il résulte des éléments rappelés au point 50 ci-dessus, la directive 98/8 et le règlement no 528/2012 partagent le même objectif en matière de réglementation des produits biocides et de leurs substances actives, à savoir améliorer la libre circulation des produits biocides dans l’Union tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement.

101    Ensuite, conformément à l’article 35 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union.

102    Enfin, il convient de rappeler que l’objectif de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux dont ont bénéficié certains produits biocides, d’abord au titre de l’article 16 de la directive 98/8, puis au titre de l’article 89 du règlement no 528/2012 est, ainsi qu’il ressort du considérant 7 de ce règlement, de faciliter la mise en œuvre du programme de travail tout en évitant de priver d’accès aux marchés nationaux les produits biocides qui contiennent des substances actives existantes.

103    Il s’en déduit que l’établissement d’une telle période transitoire était destiné à réaliser une mise en balance entre, d’une part, l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et, d’autre part, celui de préservation du fonctionnement du marché intérieur grâce au maintien d’un accès dérogatoire au marché pour certains produits biocides durant la mise en œuvre du programme de travail.

104    Il en résulte que l’un des objectifs poursuivis par la période transitoire d’accès aux marchés nationaux était d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, animale et environnementale, tel que cela est rappelé au point 100 ci-dessus.

105    Or, en l’espèce, il est constant que le programme de travail a subi d’importants retards nécessitant de proroger à deux reprises son terme, d’abord au 14 mai 2014, puis au 31 décembre 2024.

106    Partant, ainsi que le relève la Commission, la carbendazime et les produits biocides contenant cette substance ont bénéficié d’un accès transitoire aux marchés nationaux pendant une période plus longue que celle initialement prévue par le législateur de l’Union, et ce nonobstant les risques que présentait cette substance pour la santé humaine, animale et environnementale, tels qu’ils sont rappelés aux points 58 et 87 ci-dessus.

107    Dans ces conditions, la Commission pouvait légitimement considérer, compte tenu de la large marge d’appréciation dont elle disposait en la matière, qu’il était nécessaire de fixer à trois ans la période d’approbation de la carbendazime afin de clore rapidement le programme de travail et de garantir ainsi le respect des objectifs rappelés au point 100 ci-dessus.

108    Partant, il n’apparaît pas que la prise en compte de la durée de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux afin de déterminer la période d’approbation de la carbendazime soit contraire aux règles transitoires. Dès lors, le premier grief doit être écarté.

2)      Sur le second grief, tiré d’un détournement de pouvoir

109    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis un détournement de pouvoir dès lors que la prise en compte de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux visait, en réalité, à les pénaliser pour leur participation au programme de travail.

110    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste les arguments des requérantes.

111    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement ou à tout le moins de manière déterminante à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause avait été conféré [voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2005:275, point 38 et jurisprudence citée, et du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 334 et jurisprudence citée].

112    Or, rien ne permet de conclure que la Commission a, en l’espèce, commis un détournement de pouvoir.

113    En effet, les requérantes ne fournissent aucun indice objectif, pertinent et concordant sur la base duquel il pourrait être inféré que le règlement attaqué a été adopté exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause avait été conféré à la Commission. En particulier, ainsi qu’il a été établi ci-dessus, la prise en compte de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux poursuivait l’objectif de garantir le niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement inscrit dans la réglementation sur les produits biocides. Il s’ensuit que le second grief doit être écarté.

114    Il résulte de tout ce qui précède que, en prenant en compte la durée de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux dans la détermination de la période d’approbation de la carbendazime, la Commission n’a commis ni une erreur de droit dans l’application des règles transitoires ni un détournement de pouvoir.

115    Dans ces conditions, la seconde branche du premier moyen doit être écartée, de même que le premier moyen dans son ensemble.

3.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

116    Les requérantes considèrent que la période d’approbation de trois ans fixée par le règlement attaqué viole le principe de protection de la confiance légitime en ce qu’elle est plus courte que la période habituelle de cinq ans expressément prévue dans la note du groupe d’experts de la Commission sur les principes pour prendre des décisions sur l’approbation de substances actives dans le cadre du règlement no 528/2012 (ci-après la « note sur les principes ») et applicable aux substances actives existantes. Ce document aurait créé une attente légitime dans l’esprit des requérantes quant à la période d’approbation applicable en l’espèce.

117    De plus, cette confiance légitime aurait été renforcée par la pratique de la Commission selon laquelle des périodes de cinq ans auraient été accordées pour l’approbation de certaines substances actives dans des circonstances équivalentes, notamment le cholécalciférol, l’hexaflumuron, le cyproconazole et le MBM, bien que deux exceptions existent, à savoir le flufénoxuron et le formaldéhyde.

118    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste l’ensemble des arguments des requérantes.

119    À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, qui s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union, suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 109 et jurisprudence citée).

120    Ainsi, il y a lieu d’apprécier si la note sur les principes et la pratique décisionnelle de la Commission constituaient des assurances précises, inconditionnelles et concordantes émanant de sources autorisées et fiables qui auraient pu créer une attente légitime dans l’esprit des requérantes à ce que la période d’approbation de la carbendazime soit fixée à cinq ans.

121    En premier lieu, s’agissant de la note sur les principes, d’une part, il convient de relever que cette note a été élaborée par un groupe d’experts de la Commission issus des autorités nationales compétentes des États membres en matière de produits biocides, des services de la Commission et des parties prenantes de l’industrie.

122    D’autre part, l’objectif de la note sur les principes est, notamment, d’expliquer les conditions d’application des règles transitoires aux substances actives existantes incluses dans le programme de travail.

123    À cette fin, la note sur les principes mentionne la pratique existante de la Commission qui consiste à autoriser pour une durée maximale de dix ans les substances actives et pour une durée maximale de cinq ans les substances actives répondant aux critères d’exclusion prévus par l’article 5 du règlement no 528/2012.

124    Ainsi, à supposer même que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes aient été fournies par la note sur les principes en ce qui concerne le calcul de la période d’approbation des substances actives répondant aux critères d’exclusion au sens du règlement no 528/2012, force est de constater que celle-ci ne fait état que de durées maximales, et non minimales, de sorte que les requérantes ne pouvaient en tirer une quelconque conclusion quant à l’existence d’une durée automatique d’approbation de cinq ans pour une substance active telle que la carbendazime.

125    Partant, les requérantes ne parviennent pas à démontrer que des assurances quelconques leur auraient été fournies par la Commission concernant l’examen spécifique de la carbendazime et qui auraient pu faire naître une attente légitime dans leur esprit.

126    Dès lors que la première des trois conditions cumulatives, rappelées au point 119 ci-dessus, n’est pas remplie, aucune violation du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être caractérisée en ce qui concerne le contenu de la note sur les principes, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions.

127    En second lieu, il importe d’examiner si, ainsi que le soutiennent les requérantes, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission a fait naître une confiance légitime dans leur esprit quant à la durée d’approbation de la carbendazime.

128    Il y a lieu de rappeler que la légalité d’un acte doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement applicable, et non sur la base de la prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 116 et jurisprudence citée).

129    De plus, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (voir arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA, C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 71 et jurisprudence citée).

130    En particulier, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 76 et jurisprudence citée).

131    En effet, la pratique décisionnelle de la Commission est susceptible d’être modifiée, en fonction du changement des circonstances ou de l’évolution de son analyse [voir arrêt du 18 mai 2022, Canon/Commission, T‑609/19, EU:T:2022:299, point 395 (non publié) et jurisprudence citée].

132    En l’occurrence, il y a lieu d’observer que la fixation de la période d’approbation d’une substance active soumise aux règles transitoires intervient dans les limites de la marge d’appréciation octroyée à la Commission par la réglementation sur les produits biocides.

133    Partant, la Commission était en droit de fixer la durée adéquate de la période d’approbation dans la limite de la durée de dix ans prévue par l’article 10 de la directive 98/8, dont l’application a été maintenue par les règles transitoires.

134    Il s’ensuit que les requérantes ne pouvaient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne s’écarterait pas de la durée précédemment fixée pour d’autres substances actives telles que le cholécalciférol, l’hexaflumuron, le cyproconazole ou le MBM. De surcroît, les requérantes reconnaissent que la pratique décisionnelle de la Commission en la matière n’était pas constante, dans la mesure où une durée d’approbation de trois ans avait déjà été fixée pour le flufénoxuron, sous l’empire de la directive 98/8, et pour le formaldéhyde, sous l’empire des règles transitoires.

135    Par conséquent, c’est à tort que les requérantes invoquent une violation du principe de protection de la confiance légitime.

136    Compte tenu des éléments qui précèdent, il convient d’écarter le deuxième moyen comme non fondé.

4.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

137    Les requérantes considèrent que la période d’approbation fixée par le règlement attaqué pour la carbendazime constitue un traitement discriminatoire par rapport à celui appliqué par la Commission à d’autres substances actives se trouvant dans une situation substantiellement identique, sans que cette différence de traitement soit objectivement justifiée. Selon elles, cette discrimination apparaît principalement lorsque la durée d’approbation du propiconazole est comparée avec celle de la carbendazime, mais également avec celle d’autres substances actives similaires.

138    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste les arguments des requérantes.

139    Il découle d’une jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 16 novembre 2022, Sciessent/Commission, T‑122/20 et T‑123/20, EU:T:2022:712, point 121 et jurisprudence citée). Le caractère comparable de situations différentes s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 312 et jurisprudence citée].

140    Par ailleurs, il convient de constater que, compte tenu, notamment, de la spécificité de chaque procédure d’examen portant sur l’approbation des substances actives, qui rend particulièrement difficiles les comparaisons, ainsi que de la marge d’appréciation de la Commission quant à la façon dont elle mène des investigations d’une telle technicité et d’une telle complexité, il incombe à la partie qui l’invoque d’établir qu’il existe des différences dans le traitement des procédures d’approbation soumises à la comparaison et que celles-ci n’étaient pas objectivement justifiées [voir, en ce sens, arrêts du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 223].

141    En l’occurrence, les requérantes invoquent l’existence d’un traitement discriminatoire entre la carbendazime et d’autres substances actives qui se trouveraient dans une situation identique, telles que le propiconazole.

142    Or, force est de constater que les requérantes n’ont pas mis le Tribunal en mesure de constater que les substances actives évoquées se trouvaient, en l’espèce, dans une situation suffisamment semblable à celle de la carbendazime.

143    En effet, les requérantes se bornent à soutenir que la période d’approbation proposée pour la carbendazime est discriminatoire par rapport au traitement appliqué à d’autres substances actives comparables, sans fournir aucune démonstration en ce sens. Les requérantes n’apportent, en particulier, aucun élément permettant d’établir que lesdites substances présenteraient suffisamment de similitudes avec la carbendazime pour que leurs caractéristiques puissent être considérées comme étant comparables.

144    Partant, il y a lieu d’écarter le troisième moyen.

5.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un détournement de pouvoir quant à la fixation de la période d’approbation de la carbendazime

145    Au soutien de leur quatrième moyen, les requérantes invoquent, en substance, trois branches, tirées, respectivement, du fait que la Commission a commis une erreur de droit, du fait qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation et du fait qu’elle a commis un détournement de pouvoir en adoptant le règlement attaqué. Il convient d’examiner ensemble, dans un premier temps, les deux premières branches relatives à la conformité de la période d’approbation de la carbendazime prévue par le règlement attaqué aux contraintes liées à la réglementation sur les produits biocides et, dans un second temps, la troisième branche tirée d’un détournement de pouvoir.

146    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste les arguments présentés par les requérantes.

a)      Sur les première et deuxième branches, tirées d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

147    Les requérantes considèrent que la Commission a commis une erreur de droit en fixant une période d’approbation de la carbendazime incompatible avec les délais de procédure relatifs à l’autorisation des produits biocides et au renouvellement de l’approbation des substances actives prévus par le règlement no 528/2012. Or, une telle erreur de droit priverait d’effet utile la structure en deux étapes établie par ce règlement.

148    Les requérantes soutiennent que l’approbation de la carbendazime pour une période de trois ans constitue également une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où elle rend l’obtention d’autorisations pour les produits biocides contenant cette substance active, avant l’introduction d’une demande de renouvellement de l’approbation de ladite substance, très improbable, voire inutile, en cas de refus de renouvellement de son approbation.

149    Les requérantes estiment, en outre, que la période d’approbation minimale de la carbendazime devrait être supérieure à trois ans en raison des contraintes liées, d’une part, aux exigences du système de consultation de l’organisme évaluateur potentiel, préalable à la soumission d’une demande de renouvellement, et, d’autre part, à la durée de la procédure de renouvellement prévue par les articles 12 à 14 du règlement no 528/2012. Dans la réplique, les requérantes ajoutent qu’une période d’approbation supérieure à trois ans n’est pas de nature à remettre en cause l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, compte tenu de la procédure de réexamen prévue par l’article 15 du règlement no 528/2012.

150    À cet égard, il suffit de relever que la réglementation sur les produits biocides ne prévoit aucune durée minimale pour la période d’approbation des substances actives.

151    En effet, tant l’article 10, paragraphe 1, de la directive 98/8 que l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 se bornent à fixer une période maximale d’approbation initiale pour ces substances, laquelle ne peut être supérieure à dix ans.

152    De surcroît, il y a lieu d’observer que la seule référence à une « durée minimale » dans cette réglementation est la référence à l’article 10, paragraphe 4, de la directive 98/8, selon lequel le renouvellement de l’approbation d’une substance active peut, le cas échéant, n’être accordé que pour la durée minimale nécessaire pour procéder à un réexamen, après introduction d’une demande de renouvellement, et sera accordé pour la durée nécessaire pour fournir les informations supplémentaires requises en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de cette directive.

153    Dans ces conditions, il incombe à la Commission de fixer la période d’approbation qu’elle estime la plus appropriée, au vu de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes et compte tenu de la marge d’appréciation dont elle dispose en la matière, rappelée au point 51 ci-dessus.

154    Certes, il convient de constater que l’approbation d’une substance active s’inscrit, de manière plus générale, dans le contexte de la procédure d’autorisation d’un produit biocide et de renouvellement de l’approbation de cette substance.

155    En effet, s’agissant, d’une part, de la procédure d’autorisation des produits biocides, il ressort tant de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 98/8 que de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 que seules peuvent être approuvées les substances actives qui sont contenues dans au moins un produit biocide susceptible d’être autorisé. Cette règle permet d’éviter l’examen d’une substance active dans le cadre de la procédure d’approbation lorsque celle-ci ne peut être utilisée dans aucun produit biocide pouvant faire l’objet d’une autorisation.

156    De la même manière, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, sous a), du règlement no 528/2012, seuls peuvent être autorisés les produits biocides dont les substances actives ont été approuvées pour le type de produits concerné, et cela si les conditions spécifiées pour ces substances actives sont remplies.

157    Il résulte de cette structure en deux étapes qu’un produit biocide ne pourra être autorisé si l’approbation d’une seule des substances actives qui le composent arrive à expiration avant son autorisation.

158    D’autre part, quant à la procédure de renouvellement de l’approbation d’une substance active, l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 prévoit que ce renouvellement doit être demandé au moins 550 jours avant l’expiration de l’approbation de cette substance ou, dans le cas où il existerait différentes dates d’expiration pour différents types de produits, au moins 550 jours avant la date d’expiration la plus proche.

159    Par suite, l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 528/2012 autorise la Commission à adopter une décision prolongeant l’approbation initiale de la substance active arrivant à expiration de la durée nécessaire pour lui permettre d’examiner la demande de renouvellement afin d’assurer le maintien temporaire des autorisations de produits biocides qui contiennent ladite substance active.

160    Toutefois, à supposer que, comme le soutiennent les requérantes, le respect d’une période minimale d’approbation soit nécessaire, en pratique, afin de ne pas priver d’effet utile le système prévu par la réglementation sur les produits biocides rappelé aux points 154 à 159 ci-dessus, il suffit de constater que la Commission s’est attachée à préserver un tel effet utile en l’espèce.

161    En premier lieu, s’agissant de la prise en compte de la procédure d’autorisation des produits biocides, il convient de relever que, en l’espèce, l’adoption du règlement attaqué approuvant la carbendazime a eu lieu le 25 février 2021 et la date d’approbation de cette substance a été fixée au 1er février 2022, pour une durée de trois ans.

162    Il en résulte que les demandeurs d’autorisation de produits biocides contenant exclusivement de la carbendazime ou pour lesquels il s’agissait de la dernière substance existante approuvée disposaient de presque un an pour déposer leurs dossiers. En outre, selon les articles 29, 30 et 34 du règlement no 528/2012, l’évaluation de la demande d’autorisation aurait pris environ 29 mois. Il s’ensuit que les autorisations nationales seraient intervenues avant la date d’expiration de la période d’approbation initiale de la carbendazime rappelée au point 161 ci-dessus.

163    De plus, il y a lieu de constater que les avis du CPB sur l’approbation de la carbendazime ont été adoptés le 10 décembre 2019. Dès lors, les demandeurs d’autorisation de produits biocides disposaient, dès cette date, de suffisamment d’informations quant aux différentes utilisations susceptibles d’être approuvées sur la base des recommandations scientifiques présentes dans ces avis pour commencer la préparation de leurs dossiers.

164    En outre, les demandeurs d’autorisation de produits biocides disposaient déjà, pour leurs dossiers, des études pertinentes réalisées dans le cadre de la phase d’examen de la substance active. Par ailleurs, grâce au registre des produits biocides mis en place conformément à l’article 72 du règlement no 528/2012 et à la procédure de partage des données instituée par l’article 62 du même règlement, les demandeurs potentiels d’autorisation de produits biocides se trouvaient en mesure de solliciter la communication desdites études pour les utiliser selon les règles fixées aux articles 63 et 64 dudit règlement.

165    Il résulte de tout ce qui précède que, en approuvant la carbendazime pour une période de trois ans, la Commission n’a pas porté atteinte à l’effet utile de la réglementation sur les produits biocides.

166    En second lieu, s’agissant de l’incidence du règlement attaqué sur la procédure de renouvellement de l’approbation de la carbendazime, il y a lieu de constater que la distinction entre la date d’adoption de la décision d’approbation de la carbendazime, en l’espèce le 25 février 2021, et la date d’approbation de la substance active, à savoir le 1er février 2022 dans le règlement attaqué, a contribué à allonger le délai dont disposaient les demandeurs aux fins de leur demande de renouvellement de l’approbation de cette substance active. En l’occurrence, le délai entre la date d’adoption du règlement attaqué et la date limite de dépôt d’une telle demande de renouvellement de l’approbation de la carbendazime était encore supérieur à deux ans.

167    Ainsi, cette durée ne fait pas obstacle à l’introduction d’une demande de renouvellement de l’approbation de ladite substance.

168    De plus, étant donné que les requérantes sont impliquées tant dans la fabrication des produits biocides contenant de la carbendazime que dans celle de cette substance, il convient de remarquer que, en vertu de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 528/2012, les effets des éventuelles autorisations de produits biocides contenant ladite substance auraient été maintenus jusqu’à l’issue de la demande de renouvellement de l’approbation de cette dernière.

169    Dès lors, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas privé d’effet utile le système prévu par la réglementation sur les produits biocides en adoptant le règlement attaqué qui fixe à trois ans la période d’approbation de la carbendazime.

170    Par conséquent, les première et deuxième branches du quatrième moyen doivent être écartées.

b)      Sur la troisième branche, tirée dun détournement de pouvoir

171    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis un détournement de pouvoir en adoptant le règlement attaqué afin d’anticiper l’application des critères d’exclusion instaurés par l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 528/2012. Ce faisant, elle aurait uniquement poursuivi l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, alors que le règlement no 528/2012 vise également à améliorer le fonctionnement du marché intérieur.

172    Eu égard aux principes mentionnés au point 111 ci-dessus, rien ne permet de conclure que la Commission a, en l’espèce, commis un détournement de pouvoir.

173    En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 50 ci-dessus, la réglementation sur les produits biocides poursuit un double objectif, à savoir améliorer la libre circulation des produits biocides dans l’Union et garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement en se fondant sur le principe de précaution.

174    À cet égard, en raison de la nécessité de la mise en balance des deux objectifs mentionnés au point 172 ci-dessus, un large pouvoir d’appréciation doit, en principe, être reconnu à la Commission (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 92 et jurisprudence citée).

175    Or, compte tenu du fait que la carbendazime bénéficiait d’un régime dérogatoire, au titre duquel l’évaluation des critères d’exclusion prévus par l’article 5 du règlement no 528/2012 n’entraînait aucune conséquence, la mise en balance des deux finalités rappelées au point 173 ci-dessus devait la conduire à chercher un compromis qui relevait de sa marge d’appréciation.

176    À cet égard, la prise en considération, au considérant 9 du règlement attaqué, de la nécessité d’examiner dès que possible, au niveau de l’Union, dans le cadre d’un éventuel renouvellement de l’approbation de la carbendazime, si cette substance remplissait les conditions de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 528/2012 est pleinement conforme à l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, lequel a prévalu dans le cadre de la mise en balance opérée par la Commission. En effet, l’analyse des critères d’exclusion est menée tant lors de la phase d’approbation et de renouvellement de l’approbation de la substance active qu’au moment de l’autorisation des produits biocides.

177    Ainsi, au vu de la marge d’appréciation dont disposait la Commission en la matière, elle était fondée à faire primer l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement sur celui de la libre circulation au vu des circonstances propres au cas d’espèce.

178    Or, les requérantes n’apportent aucun indice objectif, pertinent et concordant permettant de considérer que le règlement attaqué a été adopté pour atteindre des fins autres que celles excipées qui sont légitimes.

179    Par conséquent, c’est à tort que les requérantes invoquent l’existence d’un détournement de pouvoir.

180    La troisième branche du quatrième moyen doit donc être écartée comme non fondée, de même que le quatrième moyen dans son ensemble.

6.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation du principe de non-discrimination et dun détournement de pouvoir résultant de l’imposition de conditions spécifiques interdisant l’utilisation de certains produits biocides contenant de la carbendazime pour le traitement des peintures et des plâtres destinés à un usage à l’extérieur

181    Au soutien de leur cinquième moyen, les requérantes invoquent, en substance, trois branches, tirées, respectivement, du fait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, du fait qu’elle a commis une violation du principe de non-discrimination et du fait qu’elle a commis un détournement de pouvoir en adoptant le règlement attaqué qui interdit l’utilisation des produits biocides contenant de la carbendazime dans des peintures et des plâtres destinés à être utilisés à l’extérieur.

182    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste l’ensemble des arguments présentés par les requérantes.

a)      Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation quant aux conditions spécifiques d’utilisation des produits biocides 

183    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en imposant dans le règlement attaqué des conditions spécifiques visant à interdire l’utilisation des produits biocides contenant de la carbendazime dans les peintures et les plâtres destinés à un usage à l’extérieur.

184    Tout d’abord, selon les requérantes, la Commission a porté atteinte à la répartition des compétences entre elle et les États membres issue du règlement no 528/2012 en confondant le stade de l’approbation de la substance active, qui n’impose que de démontrer l’existence d’une utilisation représentative sûre de cette substance, avec celui de l’autorisation des produits biocides, qui exige une évaluation de l’ensemble des utilisations spécifiques desdits produits et des risques qui y sont associés.

185    Ensuite, les requérantes considèrent que la Commission ne pouvait pas s’écarter des conclusions des avis du CPB sans exposer les motifs pour lesquels elle s’en était départie sur la base de preuves scientifiques d’un niveau à tout le moins équivalent à celui desdits avis.

186    Or, selon les requérantes, ni le rapport de l’autorité compétente d’évaluation ni les avis du CPB ne concluent à la nécessité d’imposer des conditions spécifiques au stade de l’approbation de la carbendazime. Dès lors, la Commission aurait dû davantage étayer sa décision de s’écarter des conclusions de l’évaluation scientifique indépendante présente dans les avis du CPB par des preuves scientifiques équivalentes démontrant l’existence d’un risque inacceptable pour l’ensemble des usages à l’extérieur des produits biocides. Elles ajoutent, à cet égard, que le « scénario à la campagne » avait établi l’existence d’au moins un usage à l’extérieur sûr de ces produits.

187    De plus, la décision d’inclure des conditions spécifiques d’utilisation résulterait d’une pression politique exercée par certains États membres et le Parlement dont témoigne la proposition tardive, faite au comité permanent, d’insérer de telles conditions dans le projet de règlement attaqué.

188    Par ailleurs, les requérantes considèrent que la Commission n’a pas envisagé l’adoption de mesures appropriées d’atténuation des risques consistant, premièrement, à étudier l’applicabilité d’une interdiction différenciée selon le scénario d’utilisation des produits biocides, deuxièmement, à proposer un étiquetage comportant des conditions d’utilisation restrictives desdits produits comme la mise en place d’une protection durant leur application ou la réduction de la zone traitée et, troisièmement, à considérer d’autres solutions telles que l’encapsulation ou la modification de la concentration de la substance active.

189    Enfin, les requérantes font valoir que, en tout état de cause, l’existence d’un risque inacceptable ne suffit pas pour imposer des conditions spécifiques d’utilisation, au stade de l’approbation d’une substance active, dans la mesure où elles constituent des interdictions générales et automatiques si aucune préoccupation majeure n’a été identifiée.

190    En premier lieu, il convient de répondre au premier argument des requérantes figurant au point 184 ci-dessus relatif à la compétence de la Commission pour imposer, sur le fondement de la réglementation sur les produits biocides, des conditions spécifiques d’utilisation desdits produits au stade de l’approbation d’une substance active donnée.

191    Ainsi qu’il ressort des points 74 à 89 ci-dessus, l’examen de la carbendazime a, conformément aux règles transitoires, été réalisé sur le fondement des conditions matérielles de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 98/8.

192    À cet effet, d’une part, l’article 10, paragraphe 2, sous i), d) et f), de la directive 98/8 prévoit que l’approbation d’une substance active est, si nécessaire, notamment subordonnée à des exigences relatives à son mode et à son domaine d’utilisation ainsi qu’à d’autres conditions particulières résultant de l’évaluation des informations concernant la substance active examinée.

193    D’autre part, l’article 19, paragraphe 1, sous a), du règlement no 528/2012 prévoit que l’autorisation d’un produit biocide n’est octroyée que si toutes les conditions spécifiées pour les substances actives approuvées pour ce type de produits sont remplies.

194    Ainsi, le cadre juridique applicable, rappelé aux points 192 et 193 ci-dessus, autorise la Commission à prescrire, lors de l’approbation d’une substance active, des conditions spécifiques d’utilisation de cette substance qui s’imposent au stade de l’autorisation des produits biocides qui la contiennent.

195    Par conséquent, c’est à tort que les requérantes soutiennent que la Commission, en imposant de telles conditions spécifiques d’utilisation dans le cadre du règlement attaqué, a porté atteinte à la répartition des compétences établie par la réglementation sur les produits biocides.

196    En second lieu, le Tribunal estime nécessaire, avant d’examiner les arguments des requérantes rappelés aux points 185 à 189 ci-dessus, de revenir sur les principales caractéristiques qui sous-tendent le système d’approbation des substances actives et d’autorisation des produits biocides afin de satisfaire à l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, qui occupe une place essentielle dans la réglementation sur les produits biocides (voir point 50 ci-dessus).

197    À cet égard, il convient de rappeler que, dans le processus aboutissant à l’adoption par une institution de mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement en vertu du principe de précaution, trois étapes peuvent être distinguées : premièrement, l’identification des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, deuxièmement, l’évaluation des risques pour la santé publique, la sécurité et l’environnement qui sont liés à ce phénomène et, troisièmement, lorsque les risques potentiels identifiés dépassent le seuil de ce qui est acceptable pour la société, la gestion du risque par l’adoption de mesures de protection appropriées (arrêts du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 60, et du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 111).

198    En l’espèce, dans la mesure où les requérantes ne contestent pas la première étape du processus mentionné au point 197 ci-dessus, à savoir l’identification des effets potentiellement négatifs de la carbendazime, mais invoquent uniquement l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation résultant, d’une part, de la deuxième étape portant sur l’évaluation des risques et, d’autre part, de la troisième étape ayant trait aux mesures de gestion des risques adoptées par la Commission dans le règlement attaqué, il convient d’analyser successivement ces deux dernières étapes.

1)      Sur l’évaluation des risques

199    En ce qui concerne l’évaluation des risques réalisée par l’autorité compétente d’évaluation, puis par l’ECHA, et sa prise en compte par la Commission, il y a lieu de souligner les éléments suivants.

200    Tout d’abord, il ressort du rapport de l’autorité compétente d’évaluation et des avis du CPB mentionnés respectivement au point 8 et au point 9 ci-dessus que la carbendazime présente globalement un risque inacceptable pour l’environnement s’agissant du TP 7 et du TP 10 destinés à une utilisation à l’extérieur et pour lesquels des demandes d’autorisation ont été déposées.

201    Plus précisément, il résulte des avis du CPB que, en ce qui concerne l’utilisation à l’extérieur de peintures ou de plâtres contenant de la carbendazime, il existe un risque inacceptable pour l’environnement, en particulier les eaux de surface et les sédiments, pour le TP 7 dans le « scénario urbain » uniquement et pour le TP 10 dans le « scénario urbain » et le « scénario à la campagne ».

202    Or, une telle conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par les arguments invoqués par les requérantes.

203    En premier lieu, les requérantes font valoir que, dans son évaluation de toutes les utilisations relatives aux deux types de produits en cause, le CPB a conclu, dans ses avis, à l’absence de risque inacceptable pour la santé humaine.

204    Toutefois, il suffit de constater qu’une telle conclusion est sans incidence sur celle relative à l’existence d’un risque inacceptable pour l’environnement, formulée par le CPB, dans la mesure où ces conclusions ont des objets différents.

205    En second lieu, les requérantes soutiennent que, malgré l’existence de scénarios spécifiques présentant un risque inacceptable pour l’environnement, les avis du CPB ont également identifié des scénarios dans lesquels l’usage à l’extérieur de la carbendazime dans des produits biocides présentait un risque acceptable pour l’environnement.

206    Néanmoins, l’existence de certains usages sûrs ou présentant un risque acceptable pour l’environnement ne remet pas en cause le constat issu de l’évaluation des risques de l’existence de scénarios pour lesquels un risque inacceptable pour l’environnement est avéré.

207    À cet égard, il résulte de l’article 5, paragraphe 1, sous b), iii) et iv), de la directive 98/8 que l’autorisation d’un produit biocide dépend de l’absence d’effet inacceptable, direct ou indirect, sur la santé humaine ou animale ainsi que sur l’environnement.

208    Dès lors, la réglementation applicable n’exige pas que l’ensemble des scénarios envisagés présente un risque inacceptable, mais seulement que l’un d’eux remplisse cette condition, ce qui est le cas en l’espèce.

209    Par conséquent, ainsi qu’il ressort du considérant 13 du règlement attaqué, la Commission ne s’est pas écartée des conclusions formulées dans les avis du CPB qui en constituaient le fondement scientifique. Dès lors, elle n’était pas tenue de motiver spécifiquement son appréciation soit sur la base d’un avis supplémentaire du même comité d’experts, soit sur la base d’autres éléments ayant une force probante à tout le moins équivalente. L’argument soulevé par les requérantes, mentionné au point 186 ci-dessus, doit donc être écarté comme non fondé.

2)      Sur la gestion des risques

210    En ce qui concerne la gestion des risques et l’adéquation de la mesure adoptée à l’évaluation des risques, il convient de distinguer, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, l’évaluation scientifique des risques et les recommandations opérationnelles formulées par le CPB, ces dernières portant sur le contenu de la mesure de gestion des risques.

211    À cet égard, il ressort du considérant 17 du règlement no 528/2012 que l’ECHA assure une coordination et une gestion efficaces des aspects techniques, scientifiques et administratifs dudit règlement. À cette fin, conformément à l’article 90, paragraphe 2, cinquième alinéa, du même règlement, la Commission est assistée par l’ECHA dans l’élaboration des décisions qu’elle doit adopter en application, notamment de l’article 89, paragraphe 1, dudit règlement.

212    Premièrement, il ressort d’une lecture combinée des articles 8 et 9 du règlement no 528/2012 et de l’article 9 du règlement délégué no 1062/2014 que, si la Commission adopte sa décision d’approbation ou de refus d’approbation de la substance active après avoir obtenu l’avis de l’ECHA, elle n’est pas tenue de suivre cet avis quant à son contenu. Au contraire, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation au stade de l’adoption de la mesure de gestion des risques.

213    Dès lors, en l’espèce, si le CPB, dans ses avis, évalue les risques présentés par la carbendazime, au vu de l’état des connaissances scientifiques disponibles au moment de cette évaluation, ces avis ne font qu’envisager des modalités de gestion des risques qui ne sauraient être interprétées autrement que comme constituant une recommandation.

214    L’argument des requérantes, mentionné au point 185 ci-dessus, doit donc être écarté comme non fondé.

215    Deuxièmement, conformément à l’article 9 du règlement no 528/2012, la Commission adopte, dès réception de l’avis de l’ECHA, un acte d’exécution en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 82, paragraphe 3, du même règlement.

216    Ainsi qu’il ressort de l’article 82, paragraphe 1, du règlement no 528/2012, la Commission est assistée par le comité permanent, qui est un comité au sens du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13).

217    Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 182/2011, ce comité permanent est composé des représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission.

218    La mission confiée au comité permanent par le règlement no 528/2012 ne saurait être confondue avec celle attribuée à l’ECHA. En effet, le comité permanent a été institué dans un objectif différent de celui de l’ECHA et remplit une fonction distincte.

219    À cet égard, il ressort des considérants 4, 6 et 8 du règlement no 182/2011 qu’un tel comité fait partie d’un mécanisme de contrôle par les États membres de l’exercice, par la Commission, de ses compétences d’exécution.

220    Ainsi, le comité permanent, une fois l’identification du danger et la caractérisation du risque effectuées par une évaluation indépendante, objective et transparente fondée sur les preuves scientifiques disponibles, participe, conformément à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 528/2012, à l’adoption de la mesure de gestion des risques par la Commission, qui suppose la détermination préalable du niveau de risque acceptable au stade de l’évaluation des risques, selon les circonstances particulières de chaque cas d’espèce, compte tenu des mesures d’atténuation des risques disponibles.

221    De plus, la participation du comité permanent est organisée sur la base d’un processus de consultation qui suppose un échange de points de vue quant à la meilleure façon de répondre au risque inacceptable pour l’environnement identifié dans les avis du CPB.

222    Il ressort de l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 182/2011 que, tant que le comité permanent n’a pas émis d’avis, tout membre du comité peut proposer des modifications du projet d’acte d’exécution et le président peut présenter des versions modifiées de ce dernier.

223    Dès lors, la Commission, en sa qualité de présidente du comité permanent, était en droit d’introduire des conditions spécifiques d’utilisation dans le projet de règlement attaqué jusqu’à ce que le comité permanent émette son avis.

224    De plus, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de la 69e réunion du comité permanent du 23 septembre 2020, la Commission a réitéré, lors de cette réunion, sa volonté d’introduire certaines restrictions et a précisé qu’elle allait diffuser une nouvelle version du projet de règlement à cette fin. Il en résulte que l’adoption subséquente, le 26 novembre 2020, de la résolution du Parlement a été sans incidence sur l’introduction des conditions spécifiques dans le règlement attaqué.

225    L’argument des requérantes, mentionné au point 187 ci-dessus, doit donc être écarté comme non fondé.

226    Troisièmement, ainsi qu’il résulte du considérant 13 du règlement attaqué, les deux avis du CPB ont conclu à l’existence d’un risque global inacceptable pour l’environnement et à l’absence de mesure appropriée d’atténuation des risques pour éviter les rejets dans les égouts pendant la durée de vie utile des peintures (à savoir 5 ans) et des plâtres (à savoir 25 ans) utilisés à l’extérieur.

227    À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une demande d’approbation introduite sur le fondement de la réglementation sur les produits biocides, c’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que les conditions d’approbation sont remplies afin d’obtenir l’approbation d’une substance active, et non à la Commission de prouver qu’il n’est pas satisfait aux conditions d’approbation afin de pouvoir la refuser (voir, par analogie, arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, points 86 et 88).

228    Ainsi, en vertu de l’article 8 de la directive 98/8, il incombe au demandeur de fournir à l’autorité compétente d’évaluation un dossier complet lui permettant de vérifier si la substance en cause respecte les conditions d’approbation des substances actives, telles que définies à l’article 10, paragraphe 1, de la même directive, à la lumière du principe de précaution.

229    Dans ces conditions, lorsque le demandeur conteste le rejet de sa demande, il lui appartient de démontrer, devant le juge de l’Union, l’innocuité de la substance en cause.

230    Par ailleurs, un tel constat est corroboré par l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 528/2012, qui dispose qu’une demande de modification ultérieure des conditions d’approbation d’une substance active est toujours envisageable dans la mesure où elle est accompagnée des pièces justificatives.

231    Or, ainsi que cela est rappelé aux points 199 à 209 ci-dessus, les requérantes n’ont fourni aucun élément susceptible de priver de plausibilité la conclusion de la Commission relative à l’existence d’un risque global inacceptable pour l’environnement dans l’ensemble des usages extérieurs de la carbendazime pour les TP 7 et TP 10.

232    Néanmoins, les requérantes considèrent que, à supposer qu’un tel risque existe, l’approbation de la substance active aurait pu faire l’objet de mesures appropriées d’atténuation des risques. À cette fin, elles proposent, en premier lieu, une interdiction différenciée selon le scénario d’utilisation du produit biocide, en deuxième lieu, un étiquetage comportant des conditions d’utilisation restrictives desdits produits comme la mise en place d’une protection durant leur application ou la réduction de la zone traitée afin de lutter contre le phénomène de lixiviation et, en troisième lieu, l’encapsulation ou la modification de la concentration de la substance active.

233    À cet égard, la Commission fait valoir à juste titre qu’une restriction à la mise sur le marché d’une substance active est souvent la mesure la plus efficace en vue d’atteindre l’objectif poursuivi par la réglementation sur les produits biocides, qui vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. En effet, si une substance n’est pas mise sur le marché, elle ne peut pas être utilisée. En revanche, d’hypothétiques restrictions interdisant l’utilisation de tels produits par les utilisateurs finaux, professionnels ou non, sans restreindre leur mise sur le marché, ne permettraient pas toujours de gérer efficacement le risque (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 559).

234    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, qu’une interdiction d’utilisation différenciée, limitée au cadre urbain, des peintures et des plâtres traités avec de la carbendazime ne constituerait pas une mesure appropriée. Une telle conclusion vaut également pour l’étiquetage des articles traités. Or, les requérantes n’apportent aucune preuve permettant de priver de plausibilité une telle conclusion au sens de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus.

235    De plus, une mesure ciblée sur la phase d’application des produits biocides n’est pas susceptible de remettre en cause le constat selon lequel il existe des risques environnementaux inacceptables pendant le cycle de vie desdits produits tant s’agissant des peintures que s’agissant des plâtres.

236    Partant, il convient de considérer que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que l’interdiction des produits biocides utilisés dans des peintures et des plâtres destinés à être utilisés à l’extérieur ne constituait pas une mesure appropriée au regard de l’évaluation des risques présentés par la carbendazime.

237    De la même manière, la référence faite par les requérantes à une étude en cours sur la technologie d’encapsulation utilisée dans les produits biocides dans le contexte des recherches sur la lixiviation n’est pas, en l’absence de résultats, de nature à remettre en cause la conclusion mentionnée au point 234 ci-dessus ni la légalité du règlement attaqué, laquelle s’évalue à l’aune des informations disponibles à la date de son adoption. Un tel constat vaut également pour l’argument tiré de l’applicabilité d’une interdiction différenciée, pour celui tiré de l’étiquetage et pour celui tiré de la modification de la concentration de la substance active. 

238    En effet, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (arrêts du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, EU:C:1979:29, point 7 ; du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, EU:C:2001:275, point 87, et du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37).

239    L’argument des requérantes, mentionné au point 188 ci-dessus, doit donc être écarté comme non fondé.

240    Quatrièmement, l’existence d’un risque inacceptable suffit pour imposer des conditions spécifiques d’utilisation au stade de l’approbation de la substance active, et ce même en l’absence de préoccupation majeure.

241    À cet égard, il y a lieu de relever que la notion de « préoccupation majeure » n’apparaît ni dans la directive 98/8 ni dans le règlement no 528/2012. Elle n’est abordée que dans certains documents du groupe d’experts de la Commission, composé, notamment, des autorités nationales compétentes des États membres en matière de produits biocides, mentionné au point 121 ci-dessus. De tels documents sont, cependant, dépourvus de valeur juridique contraignante dans le cadre du règlement no 528/2012 ou sur le fondement de l’article 288 TFUE, seule la Cour étant compétente pour fournir une interprétation contraignante du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2012, Chemische Fabrik Kreussler, C‑308/11, EU:C:2012:548, points 23 et 24). Lesdits documents ne peuvent donc restreindre la compétence de la Commission pour imposer des conditions spécifiques à l’occasion de l’approbation d’une substance active.

242    En tout état de cause, il ressort des avis du CPB que la carbendazime constitue bien une préoccupation majeure, au sens de la note sur les principes.

243    L’argument des requérantes, mentionné au point 189 ci-dessus, doit donc être écarté comme non fondé.

244    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en imposant, dans le règlement attaqué, des conditions spécifiques d’utilisation pour les produits biocides contenant de la carbendazime dans des peintures et des plâtres destinés à un usage à l’extérieur.

b)      Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de non-discrimination

245    Les requérantes affirment que la carbendazime a subi un traitement différent de celui appliqué à d’autres substances actives, notamment le propiconazole, pour lesquelles au moins un risque qualifié d’inacceptable avait été identifié dans certains milieux naturels et qui avaient été approuvées sans restrictions spécifiques relatives à l’autorisation des produits biocides ou à la mise sur le marché d’articles traités.

246    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste l’ensemble des arguments présentés par les requérantes.

247    Il ressort des pièces du dossier que la situation de plusieurs substances actives, ayant déjà été approuvées, a été évoquée lors de la 69e réunion du comité permanent du 23 septembre 2020. Il s’agit, pour le TP 7, du tebuconazole, du propiconazole, du folpet, du tolylfluanide, du fludioxonil et de l’azoxystrobin et, pour le TP 10, du tebuconazole, du pythium oligandrum, du fludioxonil et de l’azoxystrobin.

248    En complément de ces substances actives, la Commission fait référence, dans ses écritures, au MBM pour les types de produits 6 et 13, à la créosote et au cyproconazole pour le type de produits 8, à l’hexaflumuron pour le type de produits 18 et au dichlofuanide pour le type de produits 21. Les requérantes, quant à elles, mentionnent le CMIT/MIT et les types de produits 6, 11, 12 et 13.

249    À cet égard, il suffit de relever que, conformément à la jurisprudence citée aux points 139 et 140 ci-dessus, les requérantes n’ont pas mis le Tribunal en mesure de constater que les substances actives évoquées se trouvaient, en l’espèce, dans une situation suffisamment semblable à celle de la carbendazime.

250    En effet, les requérantes se bornent à soutenir que d’autres substances actives comparables à la carbendazime ont été approuvées sans restrictions d’utilisation et que les conditions imposées dans le règlement attaqué sont donc discriminatoires par rapport au traitement appliqué à ces autres substances, sans fournir aucune démonstration en ce sens. Les requérantes n’apportent, en particulier, aucun élément permettant d’établir que lesdites substances présenteraient suffisamment de similitudes avec la carbendazime pour que leurs caractéristiques soient considérées comme étant comparables.

251    De plus, à supposer même que certaines de ces substances actives se trouvent dans des situations comparables, les requérantes n’ont ni établi l’existence de différences de traitement ni présenté d’arguments circonstanciés susceptibles de démontrer que ces différences n’auraient pas été objectivement justifiées (voir point 140 ci-dessus).

252    La deuxième branche du cinquième moyen doit donc être écartée.

c)      Sur la troisième branche, tirée dun détournement de pouvoir

253    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis un détournement de pouvoir en imposant des conditions spécifiques d’utilisation de la carbendazime au stade de l’approbation de cette substance active. Ce faisant, la Commission aurait visé, en réalité, à empêcher les États membres de procéder à l’évaluation, au stade de l’autorisation des produits biocides, des utilisations qui auraient pu être autorisées.

254    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste la recevabilité ainsi que le bien-fondé des arguments présentés par les requérantes.

255    Il suffit de constater, sur le fondement de la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus, que les requérantes n’ont fourni aucun indice objectif, pertinent et concordant sur la base duquel il pourrait être inféré que le règlement attaqué a été adopté exclusivement ou à tout le moins de manière déterminante à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause avait été conféré à la Commission.

256    Partant, c’est à tort que les requérantes invoquent l’existence d’un détournement de pouvoir en l’espèce. Il en résulte qu’aucune illégalité du règlement attaqué sur ce fondement n’est démontrée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir invoquée par la Commission.

257    Dès lors, il convient d’écarter la troisième branche du cinquième moyen comme non fondée et, de ce fait, le cinquième moyen dans son intégralité.

7.      Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et dun détournement de pouvoir résultant de l’imposition de conditions spécifiques applicables à la mise sur le marché de certains articles traités avec de la carbendazime, ou dans lesquels cette substance est incorporée, et destinés à un usage à l’extérieur

258    Le sixième moyen se compose de trois branches, par lesquelles les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis, premièrement, une erreur de droit, deuxièmement, une erreur manifeste d’appréciation et, troisièmement, un détournement de pouvoir en concluant à l’interdiction de la mise sur le marché d’articles traités avec de la carbendazime, ou dans lesquels cette substance est incorporée, et destinés à un usage à l’extérieur.

259    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste l’ensemble des arguments présentés par les requérantes.

a)      Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit quant à l’interprétation des dispositions du règlement no 528/2012 en matière de mise sur le marché des articles traités 

260    Les requérantes considèrent que la Commission a outrepassé le cadre légal qui délimitait son pouvoir en matière d’articles traités, consacré à l’article 58 du règlement no 528/2012. Elles ajoutent, au stade de la réplique, que la Commission a également commis une erreur de droit dans l’interprétation des règles transitoires, puisque la directive 98/8 ne prévoit pas de critères d’évaluation liés aux conditions concernant les articles traités.

261    En outre, les requérantes soutiennent qu’il n’existe aucune base juridique autorisant la Commission, lors de l’approbation de substances actives, à réglementer leur utilisation dans des articles traités. À cet égard, ni le considérant 52 du règlement no 528/2012, qui ne porterait que sur la question de la non-discrimination entre les articles traités selon leur origine, ni l’article 15, paragraphe 1, ni l’article 58, paragraphe 3, du règlement no 528/2012 ne pourraient constituer une telle base juridique.

262    En tout état de cause, les requérantes affirment que, si la Commission est compétente pour appliquer des conditions portant sur les articles traités, en l’espèce, les deux conditions requises pour ce faire n’étaient pas remplies. En effet, l’utilisation d’une substance active dans les articles traités ne peut être réglementée par des conditions spécifiques au stade de son approbation que lorsqu’elle est appropriée et pertinente, c’est-à-dire qu’elle suppose, d’une part, l’identification d’une préoccupation majeure et, d’autre part, la justification de l’existence de cette préoccupation et l’explication de ses effets sur l’approbation. Or, la Commission aurait admis ne pas avoir tranché la question de savoir si ces deux conditions étaient remplies dans le cas d’espèce.

263    De plus, en l’absence de préoccupation majeure identifiée, les requérantes soutiennent que de telles conditions spécifiques ne devraient être introduites qu’au stade de l’autorisation du produit biocide, qui constituerait le moment approprié et conforme au cadre juridique existant pour ce faire.

1)      Sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission relative à l’erreur de droit dans l’interprétation des règles transitoires

264    La Commission oppose une fin de non-recevoir aux arguments invoqués par les requérantes, rappelés au point 260 ci-dessus, en ce qui concerne l’erreur de droit dans l’interprétation des règles transitoires. Selon elle, il s’agit d’un moyen nouveau qui n’a pas été invoqué dans la requête, laquelle ne ferait référence qu’à une erreur de droit liée à l’article 58 du règlement no 528/2012.

265    Selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

266    Selon la jurisprudence, l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable également aux griefs ou aux arguments. En outre, la généralité de l’intitulé d’un moyen invoqué au stade de la requête introductive d’instance ne saurait couvrir le développement, à un stade ultérieur de la procédure, d’arguments spécifiques ne présentant pas de lien suffisamment étroit avec les arguments soulevés dans cette requête (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 59 et jurisprudence citée).

267    Toutefois, un moyen, ou un grief, qui constitue l’ampliation d’un moyen ou d’un grief énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil, T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676, point 74 et jurisprudence citée). Pour pouvoir être considéré comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat dans le cadre d’une procédure contentieuse (voir arrêt du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 46 et jurisprudence citée).

268    En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il ne ressort aucunement de la requête qu’une erreur de droit tirée de la violation des règles transitoires a été mentionnée. En effet, dans la requête, le moyen portant sur l’erreur de droit fait uniquement référence à l’article 58 du règlement no 528/2012, à l’exclusion de l’incidence des règles transitoires sur la compétence de la Commission pour réglementer la mise sur le marché des articles traités. De plus, aucun des arguments ayant trait à l’erreur manifeste d’appréciation développés dans le cadre de ce moyen ou dans celui du cinquième moyen, auxquels les requérantes renvoient dans leur globalité, ne présente de lien suffisamment étroit pour constituer la base d’une telle ampliation. En outre, l’évolution normale du débat dans le cadre de la procédure contentieuse n’explique pas davantage l’ajout de ces développements, la Commission n’ayant pas fait référence à cette disposition dans son mémoire en défense.

269    En tout état de cause, à supposer qu’un tel argument porte sur le champ d’application de l’article 58 du règlement no 528/2012 en vertu des règles transitoires, il suffit de relever que, d’une part, ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée de l’article 58 et de l’article 94 du règlement no 528/2012, les mesures transitoires applicables aux articles traités ne portent que sur la date limite de leur mise sur le marché. D’autre part, compte tenu des éléments rappelés, notamment, aux points 61 à 76, 154 à 157 et 191 à 194 ci-dessus, les règles transitoires dont a bénéficié la carbendazime ont uniquement exclu l’application des conditions matérielles d’approbation des substances actives prévues par le règlement no 528/2012, sans pour autant écarter l’application de l’ensemble des dispositions du même règlement régissant l’autorisation des produits biocides et, a fortiori, celles encadrant la mise sur le marché des articles traités avec lesdits produits biocides.

270    Par conséquent, les arguments avancés par les requérantes en ce qui concerne l’erreur de droit tirée du non-respect des règles transitoires doivent être déclarés irrecevables et, en tout état de cause, non fondés, à supposer qu’ils portent sur le champ d’application de l’article 58 du règlement no 528/2012.

2)      Sur le bien-fondé de la première branche, tirée de l’erreur de droit dans l’interprétation de l’article 58 du règlement no 528/2012

271    Ainsi qu’il ressort des points 260 à 263 ci-dessus, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a outrepassé le cadre légal qui délimitait son pouvoir en matière d’articles traités, consacré à l’article 58 du règlement no 528/2012, et, en tout état de cause, que les conditions requises pour mettre en œuvre cette disposition n’étaient pas remplies.

272    En premier lieu, en ce qui concerne la compétence de la Commission pour imposer des conditions spécifiques aux articles traités, il ressort d’une lecture combinée de l’article 10 de la directive 98/8 ainsi que de l’article 15 et de l’article 58, paragraphes 2 et 8, du règlement no 528/2012 que les risques qu’une substance active peut faire courir à la santé humaine et animale ainsi qu’à l’environnement ne se manifestent que par l’intermédiaire de son utilisation dans un produit biocide ou de son incorporation dans un article traité.

273    Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, c’est la présence même d’une substance active en tant que telle dans un produit qui est susceptible de présenter un risque pour l’environnement (arrêt du 14 octobre 2021, Biofa, C‑29/20, EU:C:2021:843, point 35).

274    L’importance du lien direct avec la substance active ressort également des considérants 2 et 52 du règlement no 528/2012, selon lesquels il importe que tous les articles traités mis sur le marché intérieur ne contiennent que des substances actives approuvées, indépendamment de leur origine, c’est-à-dire du fait qu’ils soient ou non importés de pays tiers.

275    Dans ce contexte, l’article 58 du règlement no 528/2012 vise à encadrer la mise sur le marché des articles traités. Selon le paragraphe 2 dudit article, cette mise sur le marché est soumise à deux conditions. D’une part, toutes les substances contenues dans les produits biocides avec lesquels l’article a été traité, ou qui lui ont été incorporées, doivent être approuvées. D’autre part, il est nécessaire que toutes les conditions ou restrictions spécifiées dans l’acte d’approbation soient remplies. De la même manière, l’article 58, paragraphe 3, du règlement no 528/2012 précise que l’étiquetage comporte, si les conditions associées à l’approbation des substances actives l’exigent, notamment en raison d’un risque de dissémination dans l’environnement des substances actives concernées, toute instruction d’utilisation pertinente. Ces dispositions mentionnent expressément l’existence de potentielles conditions spécifiques ayant une incidence sur la mise sur le marché des articles traités qui auraient été adoptées au stade de l’approbation de la substance active.

276    Ainsi, dès lors que l’évaluation scientifique avait mis en évidence des risques, la Commission pouvait estimer, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que l’imposition de conditions spécifiques au stade de l’approbation de la substance active était la solution la plus appropriée pour gérer efficacement ces risques (voir points 51 et 233 à 237 ci-dessus).

277    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu considérer qu’elle pouvait, sur le fondement de l’article 58 du règlement no 528/2012, imposer des conditions spécifiques à la mise sur le marché des articles traités au stade de l’approbation de la substance active.

278    En second lieu, s’agissant de l’argument des requérantes rappelé au point 262 ci-dessus, il ressort de la réglementation sur les produits biocides que les conditions imposées aux articles traités sont liées aux risques présentés par les substances actives avec lesquelles ils ont été traités ou qui leur ont été incorporées (voir point 272 ci-dessus).

279    Selon la note du groupe d’experts de la Commission sur les conditions spécifiques à fixer pour l’approbation des substances actives liées aux articles traités, une telle préoccupation majeure correspond aux cas dans lesquels la substance active répond aux critères d’exclusion fixés à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 ou lorsqu’il existe des raisons liées à la nature de l’effet critique qui, conjointement avec certains modes d’utilisation prévisibles, pourraient présenter un risque pour la santé humaine ou l’environnement (voir points 121 et 122 ci-dessus).

280    De plus, il convient de remarquer que la notion de « préoccupation majeure » est absente du règlement no 528/2012. Elle ne figure que dans une note du groupe d’experts de la Commission qui ne dispose pas de valeur juridique contraignante (voir points 241 et 279 ci-dessus).

281    Dès lors, le respect des critères liés à la notion de « préoccupation majeure » ne peut constituer une condition juridique préalable restreignant la compétence de la Commission pour imposer des conditions spécifiques relatives aux articles traités à l’occasion de l’approbation d’une substance active.

282    Par conséquent, la première branche du sixième moyen doit être écartée comme non fondée.

b)      Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation quant au caractère approprié des conditions spécifiques relatives aux articles traités

283    Les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe d’excellence scientifique et les exigences établies par la réglementation sur les produits biocides en imposant des conditions spécifiques relatives aux articles traités, alors que les évaluations scientifiques indépendantes n’aboutissaient pas à une telle nécessité, pour les mêmes raisons que celles invoquées aux points 183 à 189 ci-dessus.

284    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste l’ensemble des arguments des requérantes.

285    En l’espèce, il résulte de l’analyse de la première branche du cinquième moyen, notamment de l’évaluation scientifique des risques, rappelée aux points 200 et 201 ci-dessus, que la carbendazime présente globalement un risque inacceptable pour l’environnement s’agissant de la combinaison substance active-type de produits relevant du TP 7 et du TP 10, ces produits étant destinés à une utilisation à l’extérieur.

286    Dans ces conditions, ainsi qu’il ressort du considérant 13 du règlement attaqué et des éléments rappelés au point 285 ci-dessus, la Commission ne s’est pas écartée des conclusions formulées dans les avis du CPB qui en constituaient la base scientifique.

287    Dès lors, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission n’était pas tenue de motiver spécifiquement son appréciation en se fondant sur un avis supplémentaire du même comité d’experts ou sur d’autres éléments ayant une force probante à tout le moins équivalente à celle de l’avis en question.

288    En ce qui concerne la mesure de gestion des risques, d’une part, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission (voir points 50 et 51 ci-dessus) et, d’autre part, eu égard aux principes rappelés aux points 233 et 272 ci-dessus, celle-ci était en droit de conclure que les restrictions liées à la mise sur le marché de certains articles traités et à l’autorisation de certains produits biocides formaient un ensemble cohérent de mesures, visant à gérer efficacement les risques présentés par la carbendazime.

289    Au surplus, comme le rappelle la République française, la nature des types de produits pour lesquels l’approbation de la carbendazime était demandée justifiait la fixation de conditions spécifiques de mise sur le marché pour les articles traités afin de garantir la poursuite harmonisée des objectifs du règlement no 528/2012. En effet, la carbendazime sert de fongicide systémique ayant une action protectrice qui inhibe le développement des tubes germinatifs, la formation d’appressoria et la croissance de mycéliums (voir point 9 ci-dessus).

290    Or, le risque prédominant à contenir avec la combinaison substance active-type de produits relevant du TP 7 et du TP 10, lesdits produits étant des produits de protection, réside dans le cycle de vie des articles traités avec les produits biocides ou dans lesquels ces derniers ont été incorporés, notamment pour l’environnement.

291    Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en introduisant des conditions spécifiques relatives aux articles traités qui sont en contact avec l’environnement pendant toute leur durée de vie afin d’en maîtriser les risques identifiés.

292    Par conséquent, la deuxième branche du sixième moyen doit être écartée comme non fondée.

c)      Sur la troisième branche, tirée dun détournement de pouvoir découlant de l’utilisation abusive du régime d’approbation des substances actives pour réglementer la mise sur le marché darticles traités

293    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis un détournement de pouvoir, en raison de l’utilisation abusive du régime d’approbation des substances actives pour réglementer la mise sur le marché d’articles traités. Ce faisant, elle aurait outrepassé les limites de l’article 58 du règlement no 528/2012.

294    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste la recevabilité ainsi que le bien-fondé des arguments présentés par les requérantes.

295    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus, la notion de « détournement de pouvoir » a une portée précise en droit de l’Union.

296    Or, force est de constater que les requérantes se sont limitées à énoncer la présente branche de façon très succincte dans leurs écritures. En particulier, elles n’indiquent pas précisément en quoi consiste le détournement de pouvoir qu’elles allèguent.

297    En effet, les requérantes ne fournissent aucun indice sur la base duquel il pourrait être inféré que le règlement attaqué a été adopté exclusivement ou à tout le moins de manière déterminante à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause avait été conféré à la Commission. Dans la réplique, elles se limitent à faire allusion à l’utilisation abusive de la procédure d’approbation d’une substance active pour encadrer la mise sur le marché d’articles traités. Or, il résulte de l’analyse de la première branche du sixième moyen que la Commission était en droit d’imposer de telles conditions pour satisfaire aux objectifs de la réglementation sur les produits biocides.

298    Partant, c’est à tort que les requérantes invoquent l’existence d’un détournement de pouvoir en l’espèce. Il en résulte qu’aucune illégalité du règlement attaqué sur ce fondement n’est démontrée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des arguments des requérantes.

299    Dès lors, il convient d’écarter la troisième branche du sixième moyen comme non fondée.

300    Par conséquent, le sixième moyen doit être écarté.

8.      Sur le septième moyen, tiré d’une erreur de droit découlant des conditions spécifiques imposées pour l’étiquetage des peintures et des plâtres traités avec de la carbendazime ou dans lesquels cette substance a été incorporée

301    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit en exigeant que l’étiquetage des peintures et des plâtres traités avec de la carbendazime ou dans lesquels cette substance a été incorporée rappelle aux utilisateurs les conditions spécifiques imposées par le règlement attaqué s’agissant de l’interdiction d’utiliser ces produits à l’extérieur. Dans la mesure où, selon elles, les exigences en matière d’étiquetage, énoncées dans le règlement attaqué, visent uniquement à renforcer lesdites conditions, elles-mêmes illégales, il s’ensuit que l’obligation d’apposer, sur la peinture ou le plâtre, une étiquette indiquant que ce produit ne doit pas être utilisé à l’extérieur est également illégale.

302    La Commission, soutenue par l’ECHA et la République française, conteste l’ensemble des arguments présentés par les requérantes.

303    Il suffit de relever que, ainsi que les requérantes le reconnaissent dans leurs écritures, le présent moyen est intrinsèquement lié à la question de la légalité des conditions spécifiques de mise sur le marché des articles traités faisant l’objet du sixième moyen, dans la mesure où il ne repose sur aucun raisonnement autonome au regard de ce dernier moyen.

304    Par conséquent, le sixième moyen ayant été écarté comme non fondé, le septième moyen doit lui aussi être écarté comme non fondé.

C.      Sur la demande d’adoption d’une mesure d’instruction

305    Les requérantes ont demandé, outre la communication du projet de présentation, mentionné au point 25 ci-dessus, la production de plusieurs documents se rapportant à la correspondance entre la DG « Santé et sécurité alimentaire » et le service juridique de la Commission dans le contexte de la préparation de la proposition de règlement d’exécution relatif à la carbendazime.

306    Conformément à l’article 91 du règlement de procédure, les mesures d’instruction visent à permettre de prouver la véracité des allégations factuelles faites par une partie à l’appui de ses moyens.

307    En application de l’article 88, paragraphe 1, du règlement de procédure, les mesures d’instruction peuvent être prises ou modifiées à tout stade de la procédure soit d’office, soit à la demande d’une partie principale.

308    Par ailleurs, en application de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, une mesure d’instruction peut viser à enjoindre à une partie de fournir des renseignements ou de produire toute pièce relative à l’affaire.

309    Il y a lieu de constater que le règlement de procédure confère au Tribunal un pouvoir discrétionnaire afin de décider s’il y a lieu ou non d’ordonner une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, Commission/Meierhofer, T‑560/08 P, EU:T:2010:192, points 61 et 62).

310    Lorsqu’une demande de production de documents, formulée par une partie, indique avec précision les motifs de nature à justifier une telle mesure, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de cette demande au regard de l’objet du litige et de la nécessité de procéder à une telle mesure (voir, par analogie, arrêt du 13 mai 2020, Talanton/Commission, T‑195/18, non publié, EU:T:2020:194, point 234 et jurisprudence citée).

311    Toutefois, il n’y a pas lieu d’ordonner la mesure d’instruction proposée par une partie requérante lorsque cette mesure n’a pas pour objet de préciser les griefs soulevés par la partie requérante ou de prouver la véracité des allégations factuelles de cette dernière, mais se présente plutôt comme une tentative d’obtenir de nouveaux éléments à l’appui du recours de la partie requérante, dès lors que celle-ci ne soulève pas de reproches concrets, susceptibles d’être vérifiés ou précisés par une demande de renseignements ou de documents spécifiques (arrêt du 11 juillet 2019, BP/FRA, T‑838/16, non publié, EU:T:2019:494, point 411 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑175/97, EU:T:2000:259, points 89 à 91).

312    En l’espèce, il y a lieu de constater que des versions non confidentielles des documents portant sur la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué ont été communiquées aux requérantes par la décision C(2021) 5968 final de la Commission, du 5 août 2021, à la suite de leur demande confirmative du 19 mai 2021 introduite sur le fondement du règlement no 1049/2001 (voir points 18 et 19 ci-dessus).

313    À cet égard, l’échange de courriels entre la DG « Santé et sécurité alimentaire » et le service juridique de la Commission ne constitue qu’une appréciation juridique fondée sur les éléments scientifiques existants. Sa production n’est donc pas de nature à permettre aux requérantes de préciser leurs griefs ou de prouver la véracité de leurs allégations dans le cadre des premier et deuxième moyens.

314    Partant, les éléments figurant dans le dossier ainsi que les explications données lors de l’audience et à l’occasion des mesures d’organisation de la procédure sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance ainsi que des documents déposés par les parties.

315    Il s’ensuit que la demande de mesures d’instruction des requérantes doit être rejetée en ce qui concerne les documents mentionnés au point 313 ci-dessus.

316    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit donc être rejeté dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

317    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

318    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

319    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement de procédure, le terme « institutions » désigne les institutions de l’Union visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE ainsi que les organes ou organismes créés par les traités ou par un acte pris pour leur exécution et qui peuvent être parties devant le Tribunal. Selon l’article 100 du règlement no 1907/2006, l’ECHA est un organisme de l’Union. La République française et l’ECHA supporteront donc chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Troy Chemical Company BV et Troy Corp. sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé enregistrée sous le numéro T297/21 R.

3)      La République française et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supporteront chacune leurs propres dépens.

Truchot

Sampol Pucurull

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2024.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

1. Sur la recevabilité du recours

2. Sur la recevabilité du quatrième chef de conclusions

B. Sur le fond

1. Observations liminaires

2. Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application des règles transitoires prévues par le règlement no 528/2012

a) Sur la première branche, tirée de l’application erronée de conditions d’approbation non prévues par les règles transitoires

b) Sur la seconde branche, tirée de la prise en compte erronée de la période transitoire d’accès aux marchés nationaux

1) Sur le premier grief, tiré de la violation des règles transitoires

2) Sur le second grief, tiré d’un détournement de pouvoir

3. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

4. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

5. Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un détournement de pouvoir quant à la fixation de la période d’approbation de la carbendazime

a) Sur les première et deuxième branches, tirées d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

b) Sur la troisième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

6. Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation du principe de non-discrimination et d’un détournement de pouvoir résultant de l’imposition de conditions spécifiques interdisant l’utilisation de certains produits biocides contenant de la carbendazime pour le traitement des peintures et des plâtres destinés à un usage à l’extérieur

a) Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation quant aux conditions spécifiques d’utilisation des produits biocides

1) Sur l’évaluation des risques

2) Sur la gestion des risques

b) Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe de non-discrimination

c) Sur la troisième branche, tirée d’un détournement de pouvoir

7. Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un détournement de pouvoir résultant de l’imposition de conditions spécifiques applicables à la mise sur le marché de certains articles traités avec de la carbendazime, ou dans lesquels cette substance est incorporée, et destinés à un usage à l’extérieur

a) Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit quant à l’interprétation des dispositions du règlement no 528/2012 en matière de mise sur le marché des articles traités

1) Sur la fin de non-recevoir opposée par la Commission relative à l’erreur de droit dans l’interprétation des règles transitoires

2) Sur le bien-fondé de la première branche, tirée de l’erreur de droit dans l’interprétation de l’article 58 du règlement no 528/2012

b) Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation quant au caractère approprié des conditions spécifiques relatives aux articles traités

c) Sur la troisième branche, tirée d’un détournement de pouvoir découlant de l’utilisation abusive du régime d’approbation des substances actives pour réglementer la mise sur le marché d’articles traités

8. Sur le septième moyen, tiré d’une erreur de droit découlant des conditions spécifiques imposées pour l’étiquetage des peintures et des plâtres traités avec de la carbendazime ou dans lesquels cette substance a été incorporée

C. Sur la demande d’adoption d’une mesure d’instruction

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.