Language of document : ECLI:EU:T:2021:582

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 septembre 2021 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en République démocratique du Congo – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission sur les territoires des États membres – Maintien du nom du requérant sur les listes des personnes visées – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Preuve du bien-fondé de l’inscription et du maintien sur les listes – Erreur manifeste d’appréciation – Perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives – Droit au respect de la vie privée et familiale – Présomption d’innocence – Proportionnalité – Exception d’illégalité »

Dans l’affaire T‑106/20,

Gabriel Amisi Kumba, demeurant à Kinshasa (République démocratique du Congo), représenté par Mes T. Bontinck, P. De Wolf, A. Guillerme et T. Payan, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes H. Marcos Fraile et M.-C. Cadilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2019/2109 du Conseil, du 9 décembre 2019, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2019, L 318, p. 134), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) 2019/2101 du Conseil, du 9 décembre 2019, mettant en œuvre l’article 9 du règlement (CE) no 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2019, L 318, p. 1), en ce que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos (rapporteur), président, Mme I. Reine et M. L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Requérant et contexte des mesures restrictives

1        Le requérant, M. Gabriel Amisi Kumba, est un ressortissant de la République démocratique du Congo ayant occupé, au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), les fonctions de commandant de la première zone de défense, puis de chef d’état-major adjoint chargé des opérations et du renseignement.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives imposées par le Conseil de l’Union européenne en vue de l’instauration d’une paix durable en République démocratique du Congo et de l’exercice de pressions sur les personnes et les entités agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à cet État.

 Mesures adoptées par l’Union de manière autonome

3        Le 18 juillet 2005, le Conseil a adopté, sur le fondement des articles 60, 301 et 308 CE, le règlement (CE) no 1183/2005, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2005, L 193, p. 1).

4        Le 14 mai 2008, le Conseil a adopté la position commune 2008/369/PESC, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2005/440/PESC (JO 2008, L 127, p. 84).

5        Le 20 décembre 2010, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2010/788/PESC, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2008/369 (JO 2010, L 336, p. 30).

6        Le 17 octobre 2016, le Conseil a adopté des conclusions aux termes desquelles il a, tout d’abord, fait part de la profonde préoccupation de l’Union européenne quant à la situation en République démocratique du Congo, aggravée par les « actes d’extrême violence qui [avaie]nt eu lieu les 19 et 20 septembre 2016, en particulier à Kinshasa » (République démocratique du Congo), de tels actes « [ayant] encore aggravé la situation d’impasse dans laquelle se trouv[ait] la [République démocratique du Congo] du fait de la non-convocation dans les délais constitutionnels du corps électoral en vue de l’organisation de l’élection présidentielle », et a rappelé « la responsabilité première des autorités de la [République démocratique du Congo] dans l’organisation des élections ». Ensuite, le Conseil a indiqué que, afin d’assurer un climat propice à la tenue du dialogue et des élections, le gouvernement de la République démocratique du Congo devait prendre l’engagement clair de veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et de cesser toute instrumentalisation de la justice. En outre, il a indiqué que l’Union appelait à la libération de tous les prisonniers politiques et à la cessation des poursuites judiciaires politiquement motivées contre l’opposition et la société civile ainsi qu’à la réhabilitation des personnes victimes de jugements politiques, avant de préciser que l’interdiction des manifestations pacifiques, l’intimidation et le harcèlement à l’encontre de l’opposition, de la société civile et des médias ne permettaient pas de préparer une transition paisible et démocratique. Enfin, le Conseil a fait savoir que « l’[Union] utiliser[ait] tous les moyens à sa disposition, y compris le recours à des mesures restrictives individuelles contre ceux qui [étaie]nt responsables de graves violations des droits de l’homme, incit[ai]ent à la violence ou qui [auraient fait] obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l’aspiration du peuple congolais à élire ses représentants ».

7        Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision (PESC) 2016/2231, modifiant la décision 2010/788 (JO 2016, L 336 I, p. 7).

8        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) 2016/2230, modifiant le règlement no 1183/2005 (JO 2016, L 336 I, p. 1).

9        Les considérants 2 à 4 de la décision 2016/2231 reprennent les conclusions adoptées par le Conseil le 17 octobre 2016 telles que mentionnées au point 6 ci-dessus.

10      Le 6 mars 2017, le Conseil a adopté des conclusions dans lesquelles il a fait part, tout d’abord, de la préoccupation de l’Union quant à la situation politique en République démocratique du Congo provoquée par le blocage dans la mise en œuvre d’un accord politique inclusif conclu entre la majorité présidentielle et les partis d’opposition le 31 décembre 2016 ainsi que par la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays, soumises à un usage disproportionné de la force. Ensuite, le Conseil a précisé, après avoir condamné les violations graves des droits de l’homme, que la lutte contre l’impunité était l’une des conditions nécessaires pour une transition apaisée et une stabilisation durable du pays. Enfin, le Conseil a indiqué que l’Union déplorait l’émergence de foyers de violence dans les trois provinces du Kasaï et au Kongo Central (République démocratique du Congo) et s’inquiétait des informations faisant état de violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire commises par les milices locales dans le Kasaï, notamment du recrutement et de l’utilisation illicite d’enfants soldats ainsi que du meurtre de civils par des membres des forces de sécurité de la République démocratique du Congo, qui auraient pu constituer des crimes de guerre au regard du droit international.

11      Le 29 mai 2017, le Conseil a adopté, sur le fondement notamment de l’article 31, paragraphe 2, TUE et de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2010/788, la décision d’exécution (PESC) 2017/905, mettant en œuvre la décision 2010/788 (JO 2017, L 138 I, p. 6). À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/904, mettant en œuvre l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1183/2005 (JO 2017, L 138 I, p. 1).

12      Le considérant 2 de la décision d’exécution 2017/905 se lit comme suit :

« Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté la décision […] 2016/2231 en réponse aux entraves au processus électoral et aux violations des droits de l’homme qui y sont liées en République démocratique du Congo (RDC). Le 6 mars 2017, le Conseil a adopté des conclusions dans lesquelles il s’est déclaré gravement préoccupé par la situation politique en RDC provoquée par le blocage dans la mise en œuvre de l’accord politique inclusif du 31 décembre 2016, ainsi que par la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays, où un usage disproportionné de la force a été observé. »

 Critères appliqués pour adopter les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo

13      L’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« Les mesures restrictives prévues à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphes 1 et 2, sont instituées à l’encontre des personnes et entités :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’État de droit ;

b)      contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      associées à celles visées [sous] a) et b),

dont la liste figure à l’annexe II. »

14      L’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, dispose que « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées à l’article 3 ».

15      Aux termes de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, il est prévu ce qui suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques que les personnes ou entités visées à l’article 3 possèdent ou contrôlent directement ou indirectement, ou qui sont détenus par des entités que ces personnes ou entités ou toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions, qui sont visées aux annexes I et II, possèdent ou contrôlent directement ou indirectement.

2. Aucun fonds, autre avoir financier ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes ou entités visées au paragraphe 1 ou utilisé à leur profit. »

16      Quant au règlement no 1183/2005, l’article 2 ter, paragraphe 1, de ce dernier, tel que modifié par le règlement 2016/2230, prévoit ce qui suit :

« 1. L’annexe I bis comprend les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes désignés par le Conseil pour l’un des motifs suivants :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’[É]tat de droit ;

b)      préparant, dirigeant ou commettant des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      étant associés aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes visés [sous] a) et b). »

17      Aux termes de l’article 2 du règlement no 1183/2005, tel que modifié par le règlement 2016/2230, il est prévu ce qui suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis, qui sont en leur possession ou qui sont détenus ou contrôlés par ceux-ci, directement ou indirectement, y compris par un tiers agissant pour leur compte ou sur leurs instructions.

2. Aucun fonds ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes figurant sur la liste de l’annexe I ou de l’annexe I bis ni utilisé à leur profit. »

 Durée initiale de l’application des mesures restrictives

18      Selon l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, « [l]es mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2017 » et « [e]lles sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints ».

 Inscription initiale du nom du requérant sur les listes des personnes visées par les mesures restrictives

19      Par la décision 2016/2231 et par le règlement 2016/2230, le nom du requérant a été inscrit sur les listes des personnes et des entités visées par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe II de la décision 2010/788 et à l’annexe I bis du règlement no 1183/2005 (ci-après, dénommées ensemble, les « listes litigieuses »).

20      Le Conseil a justifié une telle inscription par les motifs suivants :

« Commandant de la première zone de défense de l’armée congolaise (FARDC) dont les forces ont participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. À ce titre, Gabriel Amisi Kumba a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en [République démocratique du Congo]. »

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2017, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑141/17, tendant, en substance, à l’annulation du règlement 2016/2230, pour autant que cet acte le concernait. L’affaire T‑141/17 a été rayée du registre du Tribunal par l’ordonnance du 7 décembre 2018, Amisi Kumba/Conseil (T‑141/17, non publiée, EU:T:2018:989), à la suite du désistement du requérant.

 Première prorogation des mesures restrictives imposées au requérant

22      Par la décision (PESC) 2017/2282 du Conseil, du 11 décembre 2017, modifiant la décision 2010/788 (JO 2017, L 328, p. 19), les mesures restrictives appliquées au requérant ont été maintenues, avec les mêmes motifs, jusqu’au 12 décembre 2018.

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2018, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑163/18, contre la décision 2017/2282, pour autant que cette décision le concernait. Ce recours a été rejeté par arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil (T‑163/18, EU:T:2020:57).

 Deuxième prorogation des mesures restrictives imposées au requérant

24      Le 10 décembre 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/1940, modifiant la décision 2010/788 (JO 2018, L 314, p. 47), et le règlement d’exécution (UE) 2018/1931, mettant en œuvre l’article 9 du règlement no 1183/2005 (JO 2018, L 314, p. 1). Par ces actes, l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses a été maintenue.

25      Au considérant 4 de la décision 2018/1940 figurait la précision suivante :

« Compte tenu des élections à venir, le Conseil réaffirme l’importance de la tenue d’élections crédibles et ouvertes à tous dans le respect de l’aspiration du peuple congolais à élire ses représentants. Le Conseil réexaminera à nouveau les mesures restrictives compte tenu des élections en [République démocratique du Congo] et se tient prêt à les adapter en conséquence. »

26      L’article 1er de la décision 2018/1940 a remplacé le texte de l’article 9, paragraphe 2, première phrase, de la décision 2010/788 par le texte suivant :

« Les mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2019. »

27      En outre, en annexe à la décision 2018/1940 et au règlement d’exécution 2018/1931, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ont été mis à jour comme suit :

« Ancien commandant de la première zone de défense de l’armée congolaise (FARDC), dont les forces ont participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. À ce titre, Gabriel Amisi Kumba a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en [République démocratique du Congo]. En juillet 2018, Gabriel Amisi Kumba a été nommé chef d’état-major adjoint des [FARDC] chargé des opérations et du renseignement. »

28      Par courrier du 11 décembre 2018, le Conseil a notifié au requérant la décision 2018/1940 et précisé que, dans le cas où il souhaitait présenter de nouvelles observations, celles-ci devaient être envoyées avant le 1er septembre 2019.

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2019, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑118/19, contre la décision 2018/1940 et le règlement d’exécution 2018/1931, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été rejeté par arrêt du 3 février 2021, Amisi Kumba/Conseil (T‑118/19, non publié, EU:T:2021:57).

 Réexamen

30      Le 5 février 2019, le requérant a écrit au Conseil afin que ce dernier procède au réexamen des mesures restrictives en cause et organise la tenue d’une audition, compte tenu de l’organisation des élections présidentielles et législatives du 30 décembre 2018, qui, selon lui, se sont déroulées dans le calme et sans heurt, marquant la première transition et alternance pacifique de l’histoire de la République démocratique du Congo.

31      Le 13 mai 2019, le Conseil a adressé au requérant un courrier portant rejet de ses demandes de réexamen et d’audition, rédigé dans les termes suivants :

« [L]e Conseil souhaite mentionner le caractère à ce stade inachevé du cycle électoral avec notamment les élections locales et une partie des élections sénatoriales et des gouverneurs qui doivent encore se tenir. En outre, […] le gouvernement central, qui doit procéder du résultat des élections législatives, n’est toujours pas formé. »

32      Le 30 août 2019, le requérant a adressé au Conseil un courrier ayant pour objet une « demande de réexamen et d’accès au dossier ».

33      En annexes à un courrier adressé au requérant le 24 octobre 2019, le Conseil lui a communiqué cinq documents de travail, portant les références WK 4773/2019 INIT, WK 11017/2019 ADD 1, WK 11017/2019 INIT, WK 11029/2019 ADD 1, et WK 11029/2019 INIT.

34      Dans ce courrier du 24 octobre 2019, le Conseil a précisé que ces éléments l’avaient conduit à mettre à jour l’exposé des motifs concernant le requérant en y ajoutant la mention suivante :

« Ancien commandant de la première zone de défense de l’armée congolaise (FARDC), dont les forces ont participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. Gabriel Amisi Kumba est depuis juillet 2018 chef d’État-major adjoint des armées congolaises (FARDC) chargé des opérations et du renseignement. De par ses fonctions, il porte une responsabilité dans les récentes violations des droits de l’homme commises par les FARDC. Gabriel Amisi Kumba a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo]. »

35      Le Conseil a encore précisé que, dans le cas où le requérant souhaitait présenter de nouvelles observations, celles-ci devaient être envoyées avant le 8 novembre 2019.

36      Le 7 novembre 2019, le requérant a fait part au Conseil de ses observations dans une nouvelle demande de réexamen et d’accès au dossier.

37      Le 18 novembre 2019, le Conseil a transmis au requérant deux documents de travail, portant les références WK 11029/2019 ADD 2 et WK 13013/2019 INIT.

38      Par lettre du 19 novembre 2019, le requérant a présenté par écrit ses observations à la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux ambassadeurs de l’Union, de la République française et du Royaume de Belgique à Kinshasa ainsi qu’aux représentants permanents des États membres.

 Troisième prorogation des mesures restrictives imposées au requérant

39      Le 9 décembre 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/2109, modifiant la décision 2010/788 (JO 2019, L 318, p. 134), et le règlement d’exécution (UE) 2019/2101, mettant en œuvre l’article 9 du règlement no 1183/2005 (JO 2019, L 318, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués »). Par ces actes, l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses a été maintenue jusqu’au 12 décembre 2020. Le Conseil a actualisé l’exposé des motifs justifiant cette inscription, celui-ci se lisant désormais comme suit :

« Ancien commandant de la première zone de défense de l’armée congolaise (FARDC), dont les forces ont participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. Gabriel Amisi Kumba est depuis juillet 2018 chef d’État-major adjoint des armées congolaises (FARDC) chargé des opérations et du renseignement. De par ses fonctions, il porte une responsabilité dans les récentes violations des droits de l’homme commises par les FARDC. Gabriel Amisi Kumba a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo]. »

40      Par courrier du 10 décembre 2019, le Conseil a notifié au requérant la décision 2019/2109 en rappelant que les situations de violation des droits de l’homme perduraient.

41      Dans ce même courrier, le Conseil a précisé que la situation du requérant, au moment de l’adoption des actes attaqués, justifiait le maintien de son nom sur les listes litigieuses. Le Conseil a ajouté que, dans le cas où le requérant souhaitait présenter de nouvelles observations, celles-ci devaient être envoyées avant le 1er septembre 2020.

 Procédure et conclusions des parties

42      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2020, le requérant a introduit le présent recours.

43      Le Tribunal a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

44      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués, pour autant que ces actes le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

45      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation des actes attaqués, maintenir les effets de la décision 2019/2109 « jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement d’exécution 2019/2101 » ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

46      À l’appui de ses conclusions en annulation des actes attaqués, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation, le troisième, d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du principe de la présomption d’innocence ainsi que du principe de proportionnalité et, le quatrième, de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

47      Le premier moyen se décompose en deux branches, tirées, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective et, la seconde, d’une violation du droit d’être entendu.

 Sur la prétendue violation de l’obligation de motivation et du droit à une protection juridictionnelle effective

48      Dans la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que le Conseil a violé l’obligation de motivation d’un acte faisant grief prévue, en général, à l’article 296 TFUE et, en particulier, à l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2010/788 et à l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1183/2005. Le requérant en déduit que le contrôle juridictionnel de la légalité des actes attaqués ne peut pas être effectué, de sorte que son droit à une protection juridictionnelle effective a été méconnu.

49      En particulier, le requérant soutient n’avoir pas été en mesure de comprendre les faits que le Conseil a retenus pour maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. À cet égard, il souligne que, bien que le Conseil lui ait transmis un « certain nombre d’annexes », les actes attaqués n’évoquent sa situation individuelle que de manière très brève et que leur motivation ne repose sur aucune accusation précise, ni sur aucun fait susceptible de s’apparenter à des raisons individuelles, spécifiques et concrètes, de nature à lui donner une indication suffisante de leur bien-fondé, en particulier dans le cadre d’un renouvellement de mesures. Il s’ensuivrait que le requérant se trouve dans l’obligation d’apporter des preuves négatives de l’inexistence des faits généraux qui lui sont reprochés, entraînant un renversement de la charge de la preuve.

50      Le requérant ajoute que le retrait du nom de deux individus de la liste des personnes visées par les mesures restrictives, à l’occasion du dernier renouvellement, à l’exception des noms des douze autres personnes maintenus, dont le sien, témoignerait du caractère artificiel de la motivation du Conseil.

51      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

52      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), impose que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

53      Ensuite, il convient de préciser que l’obligation de motiver un acte faisant grief, ainsi prévue en général à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, en particulier, à l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2010/788 et à l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1183/2005, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil, T‑562/10, EU:T:2011:716, point 32).

54      En outre, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 82).

55      L’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte ainsi, d’une part, sur l’indication de la base juridique de la mesure adoptée et, d’autre part, sur les circonstances qui permettent de considérer que l’un ou l’autre des critères d’inscription est satisfait dans le cas des intéressés (arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 86).

56      Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la motivation de l’acte attaqué contient des références explicites au critère d’inscription litigieux et si, le cas échéant, cette motivation peut être regardée comme étant suffisante pour permettre à la partie requérante de vérifier le bien-fondé de l’acte attaqué, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 88).

57      Par ailleurs, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52, et du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 55).

58      Enfin, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114). Sans aller jusqu’à imposer de répondre de manière détaillée aux observations soulevées par la personne concernée, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE implique en toutes circonstances que l’institution en cause identifie les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles il est considéré que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 116).

59      En l’espèce, il convient de rappeler que la motivation retenue par le Conseil à l’égard du requérant, reproduite au point 39 ci‑dessus, vise, dans une première partie, son ancienne qualité de commandant de la première zone de défense des FARDC, puis de chef d’État-major adjoint des FARDC chargé des opérations et du renseignement, et l’implication de ces forces armées dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente ayant été ordonnés en septembre 2016 à Kinshasa.

60      À cet égard, dans les arrêts du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil (T‑163/18, EU:T:2020:57, points 41 à 45), et du 3 février 2021, Amisi Kumba/Conseil (T‑118/19, non publié, EU:T:2021:57, points 47 à 64), concernant, respectivement, la première et la deuxième prorogation de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Tribunal a déjà tranché certaines questions quant au caractère suffisant de ces motifs. En effet, le Tribunal a jugé que, contrairement à ce qu’avançait le requérant, lesdits motifs étaient suffisamment clairs et précis, dans la mesure où ils lui permettaient de comprendre que le Conseil avait considéré que, étant donné ses fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC, puis de chef d’État-major adjoint des FARDC chargé des opérations et du renseignement, il était impliqué dans les graves violations des droits de l’homme imputées à des militaires desdites forces armées et prétendument commises dans le cadre d’un recours disproportionné à la force et d’une répression violente, en réponse à des manifestations s’étant déroulées à Kinshasa en septembre 2016.

61      Or, en l’espèce, dans le cadre de la première branche du premier moyen, le requérant se limite à avancer, de nouveau, le même grief tiré du caractère insuffisamment clair et précis des motifs retenus par le Conseil contre lui dans les listes litigieuses ainsi que les mêmes arguments au soutien de ce grief. Partant, s’agissant de la première partie des motifs retenus contre le requérant, il convient de conclure que, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 60 ci-dessus, un tel grief ne saurait prospérer dans le cadre du présent recours.

62      Par ailleurs, il est vrai que le Conseil a retenu, à l’égard du requérant, des motifs identiques à ceux qui avaient justifié l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses ainsi que les première et deuxième prorogations d’une telle inscription, sans indiquer, dans les actes attaqués, les raisons pour lesquelles de tels motifs demeuraient pertinents à l’issue de la période de réexamen.

63      Si une telle façon de procéder peut rendre difficile l’appréciation des considérations ayant conduit le Conseil à proroger les mesures restrictives en cause, il convient néanmoins de constater que les motifs concernant le requérant dans les listes litigieuses comportent, dans une seconde partie, une référence aux fonctions de chef d’état-major adjoint des FARDC chargé des opérations et du renseignement qu’il occupe depuis juillet 2018 ainsi que, à la suite de l’adoption des actes attaqués, l’indication selon laquelle, « [d]e par ses fonctions, il porte une responsabilité dans les récentes violations des droits de l’homme commises par les FARDC ».

64      À cet égard, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 54 ci-dessus, selon laquelle le contexte d’adoption d’une décision est pris en compte pour l’examen du caractère suffisant de celle-ci, il convient de relever que, dans son courrier adressé au requérant le 10 décembre 2019, portant notification de la décision 2019/2109, le Conseil a mis en exergue que « les documents qui [lui avaient] été adressés attest[ai]ent notamment que de graves violations des droits de l’homme commises par les FARDC persist[ai]ent en [République démocratique du Congo] » et que le requérant « port[ait] une responsabilité dans ces actuelles violations des droits de l’homme, en tant qu’officier supérieur au sein des FARDC et y disposant, à ce titre, de responsabilités importantes ».

65      Ainsi, le requérant était en mesure de comprendre que le Conseil avait tiré la raison spécifique et concrète l’ayant conduit à prolonger l’inscription de son nom sur les listes litigieuses du fait que, malgré son implication dans des violations des droits de l’homme dans le cadre de ses fonctions passées de commandant de la première zone de défense des FARDC chargé des opérations et du renseignement, il continuait, au moment de l’adoption des actes attaqués, à jouer un rôle dans la perpétuation de la situation sécuritaire en République démocratique du Congo, au titre de ses fonctions importantes, au sein des FARDC, de chef d’état-major adjoint chargé des opérations et du renseignement.

66      S’agissant enfin de l’argument du requérant tiré du retrait des listes litigieuses du nom de deux autres personnes visées par les mesures restrictives en cause, il convient de rappeler que les actes attaqués en tant qu’ils maintiennent le nom du requérant, après réexamen, sur les listes litigieuses constituent un acte de nature individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2014, Sina Bank/Conseil, T‑67/12, non publié, EU:T:2014:348, point 42). Ainsi, rien ne justifiait que le Conseil expose au requérant les raisons pour lesquelles il avait décidé de retirer les noms de deux autres personnes desdites listes.

67      Au vu de ce qui précède, la motivation des actes attaqués doit être considérée comme étant suffisante pour permettre au requérant d’exercer son droit à une protection juridictionnelle effective en le mettant en mesure d’en contester la validité, ce qu’il a d’ailleurs fait dans le cadre de son deuxième moyen, et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. La première branche du premier moyen doit, dès lors, être rejetée.

 Sur la prétendue violation du droit d’être entendu

68      Par la seconde branche du premier moyen, le requérant reproche au Conseil d’avoir méconnu son droit d’être entendu avant l’adoption des actes attaqués.

69      En substance, tout d’abord, le requérant souligne que, dans le délai imposé par la procédure prenant fin le 1er septembre 2019, le Conseil s’est contenté de rejeter sa demande de réexamen du 5 février 2019, par une seule réponse datée du 13 mai 2019, sans procéder à l’actualisation des motifs du renouvellement et sans produire d’élément nouveau afin de justifier la décision de procéder au renouvellement des mesures restrictives en cause. Le requérant estime que le respect de son droit d’être entendu commandait que les éléments que le Conseil lui a transmis, tant le 24 octobre 2019 que le 10 décembre 2019 l’eussent été avant la date fixée pour la demande de réexamen, à savoir le 1er septembre 2019.

70      Ensuite, le requérant soutient que ce n’est qu’à partir du courrier du 24 octobre 2019 que le Conseil lui a communiqué, tardivement, une mise à jour de l’exposé des motifs, éléments nouveaux à l’appui, en lui laissant la possibilité de les commenter dans un délai « extrêmement court », à savoir un délai de quinze jours, et en précisant par ailleurs qu’il ne répondrait aux arguments du requérant contenus dans sa demande de réexamen du 30 août 2019 qu’après cette date. L’ensemble des documents transmis auraient pu lui être adressés pour observation avant le 1er septembre 2019. Dans ces conditions, le requérant n’aurait pas pu présenter effectivement ses observations dans un temps utile, avant l’adoption des actes attaqués. Il en serait de même pour les documents transmis par le Conseil dans sa lettre du 18 novembre 2019, auxquels le requérant n’aurait eu la possibilité de répondre qu’en urgence, par sa lettre du 19 novembre 2019.

71      Par ailleurs, le courrier du 24 octobre 2019 démontrerait que la décision de procéder au renouvellement des mesures restrictives en cause était déjà prise à cette date par le Conseil, à tout le moins dans son principe. Cela aurait conduit à placer le requérant dans une situation qui consistait pour lui à participer à sa propre incrimination, violant ses droits de la défense et son droit d’être entendu.

72      Dans le même sens, le requérant relève que le groupe « Afrique » du Conseil (COAFR), le groupe des conseillers pour les relations extérieures du Conseil (RELEX), et le comité des représentants permanents (Coreper) auraient, dès les mois d’octobre et de novembre 2019, réexaminé les mesures restrictives en cause et décidé de leur renouvellement et du texte des projets de motifs modifiés, de règlement d’exécution et de décision. Cela serait la preuve que la décision de procéder au renouvellement des mesures restrictives à son égard était intervenue sans tenir compte de ses observations du 7 novembre 2019. À cet égard, le requérant met également en cause la transmission effective par le Conseil de ses différentes demandes de réexamen et observations à l’ensemble des délégations des États membres et des comités concernés.

73      Enfin, le requérant affirme que, bien qu’il ait répondu au courrier du 24 octobre 2019, par ses lettres des 7 et 19 novembre 2019, le Conseil ne lui a répondu que dans son dernier courrier, daté du 10 décembre 2019, en se référant à l’ensemble de ses lettres, mais sans répondre formellement aux observations formulées.

74      Il ressortirait de l’ensemble de ces arguments que le droit d’être entendu du requérant aurait été vidé de sa substance, dans la mesure où il n’aurait pas été informé préalablement de la teneur du projet de décision, ni des éléments sur lesquels le Conseil entendait se fonder, et dans la mesure où ces éléments n’auraient jamais fait l’objet d’une procédure contradictoire.

75      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

76      À titre liminaire, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense est consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée). Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

77      Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont elle dispose à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue en ce qui concerne les motifs retenus contre elle (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112, et du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 93).

78      Dans le cas d’une décision de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et des entités dont les fonds sont gelés est maintenu sur cette liste, l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

79      Le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives s’impose lorsque le Conseil a retenu, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments contre cette personne, à savoir des éléments qui n’étaient pas pris en compte dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette même liste (voir arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 54 et jurisprudence citée).

80      À cet égard, il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59).

81      Dans ces conditions, le respect des droits de la défense implique que, avant d’adopter une décision portant renouvellement de mesures restrictives imposées à l’égard d’une personne ou d’une entité, le Conseil, même lorsqu’il ne modifie pas les motifs retenus à l’égard de cette personne ou de cette entité, lui communique les éléments nouveaux par lesquels il a procédé, lors du réexamen périodique des mesures en cause, à une réactualisation des informations qui avaient justifié l’inscription précédente de son nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de telles mesures restrictives, afin de vérifier si une telle inscription demeurait justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 60 et jurisprudence citée).

82      Il est par ailleurs utile d’observer que, d’une part, aux termes de l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2010/788 et de l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 1183/2005, le Conseil communique sa décision à la personne concernée, y compris les motifs de l’inscription de son nom sur la liste des personnes visées par les mesures restrictives, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations. À l’article 7, paragraphe 3, de la décision 2010/788, il est précisé que, si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et informe la personne ou l’entité concernée en conséquence. D’autre part, l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788 fixe un terme annuel aux mesures restrictives et prévoit que ces mesures sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints.

83      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la seconde branche du premier moyen.

84      En l’espèce, il convient de relever que, par son courrier du 11 décembre 2018, le Conseil a notifié au requérant la décision 2018/1940 et l’a expressément invité à présenter des observations avant le 1er septembre 2019.

85      C’est dans ce contexte que le requérant, d’une part, a présenté une demande de réexamen le 5 février 2019, expressément rejetée par le Conseil dans un courrier qui lui a été adressé le 13 mai 2019, et, d’autre part, a adressé le 30 août 2019un courrier ayant pour objet une « demande de réexamen et d’accès au dossier ».

86      Par courrier du 24 octobre 2019, le Conseil a communiqué au requérant l’existence d’éléments nouveaux le concernant et sur la base desquels il envisageait, à l’issue de la procédure de réexamen, de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et de mettre à jour les motifs d’une telle inscription. Dans ce courrier, le Conseil avait expressément exposé les motifs mis à jour qu’il envisageait de retenir et, en annexe, joint les documents portant les références WK 4773/2019 INIT, WK 11017/2019 ADD 1, WK 11017/2019 INIT, WK 11029/2019 ADD 1 et WK 11029/2019 INIT, au sein desquels se trouvaient différents rapports et articles de presse concernant la situation particulière du requérant et la situation générale en République démocratique du Congo. En outre, dans ledit courrier, le requérant était expressément invité à formuler ses observations avant le 8 novembre 2019.

87      Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus, le Conseil a transmis au requérant, en temps utile avant l’adoption des actes attaqués, les éléments sur la base desquels il considérait, au terme de son appréciation actualisée effectuée lors du réexamen périodique des mesures restrictives, que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses demeurait justifiée.

88      À cet égard, tout d’abord, c’est à tort que le requérant reproche au Conseil de lui avoir adressé de nouveaux éléments après l’expiration du délai pour présenter ses observations, fixé par le Conseil, le 11 décembre 2018, au 1er septembre 2019.

89      En effet, l’appréciation actualisée de la situation, qui vise à permettre au Conseil d’établir le bilan de l’impact des mesures restrictives dans le cadre de leur réexamen périodique rappelé au point 80 ci-dessus, impliquait que le Conseil examine les éléments qu’il avait rassemblés à la lumière, le cas échéant, des observations transmises par le requérant.

90      Partant, la communication au requérant des éléments nouveaux sur la base desquels le Conseil estimait que, au terme d’une appréciation actualisée, il y avait lieu de maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et de mettre à jour les motifs d’une telle inscription, ne pouvait intervenir qu’après le1er septembre 2019, qui était le délai fixé par le Conseil et communiqué au requérant afin de lui permettre de présenter des observations.

91      Ensuite, ne saurait davantage prospérer l’argument du requérant selon lequel les différents rapports et articles qui lui ont été transmis le 24 octobre 2019 étaient antérieurs au 1er septembre 2019, ce qui aurait justifié leur communication avant cette date. En effet, d’une part, il convient de relever que les documents de travail transmis le 24 octobre 2019, sur la base desquels le Conseil a procédé à l’appréciation actualisée de sa situation, ont, à l’exception du document portant la référence WK 4773/2019 INIT, daté du 5 avril 2019, été formellement versés au dossier du Conseil au mois d’octobre 2019, de sorte qu’il ne peut être présumé que le Conseil en avait connaissance avant cette date. D’autre part, et en tout état de cause, l’obligation de communiquer en temps utile, avant l’adoption d’un acte portant renouvellement des mesures restrictives, l’appréciation actualisée sur la base de laquelle le Conseil estime qu’il y a lieu de prolonger les mesures restrictives ne saurait se traduire par une obligation de communiquer l’ensemble des éléments de preuve figurant au dossier du Conseil au fur et à mesure que ceux-ci y sont versés. En effet, admettre une telle règle reviendrait à imposer au Conseil de transmettre spontanément les éléments du dossier, ce qui, selon la jurisprudence, constituerait une exigence excessive (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 201 et jurisprudence citée).

92      Enfin, s’agissant du délai de quinze jours laissé au requérant pour répondre aux éléments qui lui ont été transmis le 24 octobre 2019, il convient de souligner que la jurisprudence a considéré qu’un délai de douze jours était suffisant (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, Ocean Capital Administration e.a./Conseil, T‑332/15, non publié, EU:T:2020:308, point 191). Dès lors, faute d’éléments particuliers avancés par le requérant, un délai de quinze jours n’apparaît pas déraisonnable.

93      Une telle conclusion est confortée par le fait que le requérant a effectivement présenté ses observations dans ce délai, par courrier du 7 novembre 2019, par lequel il a contesté la pertinence de la prise en compte par le Conseil de sa fonction actuelle de chef d’État-major adjoint des FARDC, en vue de démontrer son implication individuelle en ce qui concerne les actes de violations graves des droits de l’homme documentés en annexe du courrier du 24 octobre 2019.

94      Par ailleurs, il importe de rappeler que l’obligation pour les institutions de l’Union de permettre aux personnes concernées de faire connaître utilement leur point de vue lorsqu’ un acte faisant grief est en voie d’être adopté requiert seulement que ce point de vue ait pu être soumis en temps voulu pour que lesdites institutions puissent en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu dudit acte (voir arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 330 et jurisprudence citée). Ainsi, lorsqu’il fixe le délai à l’expiration duquel des observations doivent lui être soumises, le Conseil doit tenir compte de la période dont il aurait besoin pour examiner ces observations (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, Ocean Capital Administration e.a./Conseil, T‑332/15, non publié, EU:T:2020:308, point 190).

95      En l’occurrence, ainsi qu’il a été relevé au point 26 ci-dessus, les mesures restrictives concernant le requérant arrivaient à échéance le 12 décembre 2019. De même, ainsi que cela ressort des listes litigieuses, le requérant n’était pas la seule personne visée par les mesures restrictives qui étaient sur le point d’expirer.

96      Dans ces circonstances, le Conseil pouvait estimer qu’il était nécessaire de fixer un délai allant jusqu’au 8 novembre 2019, lui laissant un peu plus d’un mois avant l’expiration des mesures restrictives, pour tenir compte d’éventuelles observations présentées par le requérant.

97      À la lumière des circonstances qui précèdent, il convient de conclure que le Conseil s’est acquitté de ses obligations en ce qui concernait le respect des droits de la défense du requérant au cours de la procédure qui a abouti à l’adoption des actes attaqués. En effet, le requérant a eu accès aux éléments qui avaient justifié le maintien des mesures restrictives contre lui et a été mis en mesure de formuler, en temps utile, des observations à cet égard, ce qu’il a effectivement fait.

98      Une telle conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments du requérant.

99      En premier lieu, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel il n’a pas été mis en mesure de répondre en temps utile au courrier qui lui a été adressé par le Conseil le 18 novembre 2019 et qui contenait en annexes les documents portant les références WK 11029/2019 ADD 2 et WK 13013/2019 INIT, il est vrai que ce courrier ne fait pas mention d’un quelconque délai pour y répondre. Il n’en demeure pas moins que le requérant a présenté des observations dans son courrier du 19 novembre 2019 et que ces observations ont été prises en compte par le Conseil, ainsi que cela ressort du courrier qu’il a adressé au requérant le 10 décembre 2019.

100    Ainsi, force est de constater que la présentation de ces observations par le requérant permet de considérer que son droit d’être entendu a bien été garanti, dès lors qu’il a pris position, en temps utile, avant l’adoption des actes attaqués.

101    En deuxième lieu, ne saurait prospérer l’argument présenté par le requérant dans la réplique, selon lequel il ressort des documents qu’il a reçus après l’adoption des actes attaqués, que les comités décisionnels du Conseil (à savoir le RELEX, le Coreper et le COAFR) avaient déjà donné leur accord, dès le mois d’octobre 2019, à la prorogation des mesures restrictives, préjugeant ainsi de sa situation sans tenir compte de ses éventuelles observations à intervenir. En effet, il ressort expressément des documents en cause que le COAFR, le RELEX et le Coreper avaient uniquement approuvé, à ce stade, un projet de texte de motifs modifiés, laissant ainsi ouverte la possibilité d’une modification ultérieure de ceux-ci pour tenir compte des éventuelles observations du requérant.

102    En troisième lieu, l’argument du requérant selon lequel, en substance, le Conseil n’aurait ni cherché à répondre à ses observations, ni aucunement tenu compte des éléments à décharge qu’il avait produits, ni communiqué ces éléments aux comités et aux représentants des États membres, procède d’une appréciation erronée des faits et des obligations qui s’imposent au Conseil au titre du respect des droits de la défense.

103    D’une part, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci (arrêts du 7 juillet 2017, Arbuzov/Conseil, T‑221/15, non publié, EU:T:2017:478, point 84, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 330).

104    Ainsi, le seul fait que le Conseil n’a pas conclu à l’absence de bien-fondé de la prorogation de l’imposition de mesures restrictives contre des personnes, ni même jugé utile de procéder à des vérifications au vu des observations présentées par elles, ne saurait impliquer que de telles observations n’ont pas été prises en compte (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 331).

105    En tout état de cause, en l’espèce, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier que le Conseil a dûment tenu compte des observations et des éléments à décharge qu’il avait produits, en veillant à ce que ces éléments soient communiqués aux délégations des États membres, préalablement à l’adoption des actes attaqués, par lettres du 2 septembre et des 8 et 19 novembre 2019, afin que ses observations soient transmises aux différents comités décisionnels et analysées par eux.

106    D’autre part, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le Conseil n’est pas tenu de répondre aux observations présentées par la personne ou l’entité concernée avant l’adoption des mesures restrictives envisagées. En effet, l’envoi d’une telle réponse, une fois les intéressés entendus, se rattache à la motivation de l’acte par lequel ces mesures sont adoptées plutôt qu’au respect des droits de la défense (arrêt du 31 janvier 2019, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, C‑225/17 P, EU:C:2019:82, point 92).

107    Or, en l’espèce, il résulte des points 64 à 67 ci-dessus que les actes attaqués, lus à la lumière du courrier adressé par le Conseil au requérant le 10 décembre 2019, satisfont à l’obligation de motivation s’agissant du maintien des mesures restrictives prises contre lui.

108    En tout état de cause, le Conseil a précisé dans son courrier du 10 décembre 2019, en son premier paragraphe, qu’il entendait se référer explicitement aux « lettres du 30 août, du 23 octobre et des 7 et 19 novembre 2019 ». Il y a indiqué, dans les troisième et quatrième paragraphes, qu’il souhaitait, en réponse aux observations du requérant, rappeler que les violations des droits de l’homme commises par les FARDC persistaient en République démocratique du Congo et que le requérant portait une responsabilité dans ces actuelles violations des droits de l’homme, en tant qu’officier supérieur au sein des FARDC.

109    Ainsi, il est établi que le Conseil a accusé réception des observations avancées par le requérant et a pris soin, en réponse, de lui apporter spécifiquement plusieurs éléments d’explication, ce qui permet de confirmer que le point de vue du requérant a bien été pris en compte par le Conseil et que ce dernier a procédé à une appréciation actualisée de sa situation au regard de l’ensemble de ces éléments.

110    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le droit d’être entendu du requérant a bien été garanti.

111    En conséquence, la seconde branche du premier moyen et, dès lors, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une « erreur manifeste d’appréciation »

112    Le présent moyen se divise en trois branches. Dans une première branche, le requérant invoque une erreur manifeste d’appréciation quant au contexte du réexamen de la situation démocratique et politique en République démocratique du Congo précédant le renouvellement des mesures restrictives à son égard. Dans une deuxième branche, le requérant conteste la pertinence des motifs retenus contre lui par le Conseil, en ce que ces motifs portent sur des faits passés, au mépris de la rédaction au présent du critère d’inscription prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005. Dans une troisième branche, le requérant conteste le bien-fondé des motifs retenus par le Conseil à son égard. En effet, ces motifs ne seraient pas établis étant donné que, d’une part, ils seraient fondés sur une appréciation erronée de ses fonctions et de ses missions et que, d’autre part, ils ne seraient pas étayés par des éléments factuels suffisamment précis et concrets le concernant.

113    Il convient de relever que, par la troisième branche du deuxième moyen, le requérant conteste le caractère établi des motifs retenus contre lui dans les listes litigieuses, tandis que, par la deuxième branche, il met en cause la pertinence de ces motifs pour maintenir l’inscription de son nom sur ces listes au regard du critère retenu par le Conseil. Ainsi, il conviendra d’examiner, d’abord, la première branche du deuxième moyen, puis la troisième branche et, enfin, la deuxième branche.

 Sur l’appréciation de la situation en République démocratique du Congo à la date de l’adoption des actes attaqués

114    Le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil a commis une erreur manifeste dans son appréciation de l’état de la situation politique et démocratique en République démocratique du Congo au moment de l’adoption des actes attaqués. Dès lors que les élections présidentielles et législatives se seraient déroulées dans le calme et sans heurts le 30 décembre 2018, ce dont il a fait part au Conseil par courrier du 5 février 2019, le Conseil aurait dû constater une disparition des motifs au soutien du maintien des mesures restrictives prises à son égard.

115    La réponse du Conseil du 13 mai 2019, qui souligne le caractère inachevé du cycle électoral, avec notamment les élections locales et une partie des élections sénatoriales ainsi que la formation en cours du gouvernement central, viendrait ajouter des échéances électorales supplémentaires injustifiées à l’ambition initiale des mesures en cause de permettre la tenue d’élections favorisant une alternance démocratique en République démocratique du Congo.

116    Selon le requérant, le Conseil ne pouvait ignorer, ainsi que cela a été relevé par la communauté internationale, que ces élections marquaient au contraire la première transition et alternance pacifique du pouvoir de l’histoire de la République démocratique du Congo, démontrant la volonté de changement, de transparence et de démocratie de la population congolaise, ce qui a été confirmé par la prestation de serment du nouveau président élu le 24 janvier 2019.

117    Le requérant rappelle que le considérant 4 de la décision 2018/1940, par laquelle les mesures restrictives en cause avaient été précédemment maintenues pour une durée d’un an, précisait que, « [c]ompte tenu des élections à venir, le Conseil réaffirm[ait] l’importance de la tenue d’élections crédibles et ouvertes à tous dans le respect de l’aspiration du peuple congolais à élire ses représentants », « réexaminera[it] à nouveau les mesures restrictives compte tenu des élections en République démocratique du Congo et se tien[drai]t prêt à les adapter en conséquence ». Il cite également la déclaration de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 22 novembre 2018 dans laquelle elle concluait que « l’Union européenne suivra[it] attentivement le déroulement des élections en République démocratique du Congo » et que « [l]a tenue d’élections inclusives, transparentes, crédibles et pacifiques sera[it] importante pour son engagement futur en République démocratique du Congo avec les autorités démocratiquement élues pour le développement du pays dans l’intérêt de la population congolaise ».

118    Le requérant relève que diverses instances internationales se seraient prononcées en faveur de la levée des sanctions en cours, dont l’Union africaine (UA) et la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Cela serait confirmé par une déclaration de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies du 24 juillet 2019, mettant en avant les « réformes audacieuses » que le nouveau président élu souhaitait engager, ses efforts pour « transformer la région des Grands Lacs en un havre de paix et l’engagement de celui-ci et des dirigeants de la région pour la paix et l’intégration économique ».

119    En particulier, un rapport de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme et les activités du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en République démocratique du Congo du 14 août 2019, transmis par le Conseil au requérant le 24 octobre 2019, ferait état de façon équilibrée de toute une série d’éléments positifs qui justifieraient le retrait du nom du requérant des listes litigieuses. À cet égard, le requérant y relève la mention d’une « certaine ouverture démocratique, illustrée notamment par la libération d’un nombre significatif de prisonniers politiques », de la « tenue sans incidents de manifestations pacifiques et du retour au pays de figures de l’opposition », d’une « baisse documentée du nombre de violations des droits de l’homme depuis février 2019 », d’efforts notés « dans le domaine de la lutte contre l’impunité, illustrés notamment par la traduction en justice de commandants de groupes armés et par la condamnation de hauts responsables militaires pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, y compris pour des violences sexuelles », de l’engagement du nouveau président à « améliorer la situation des droits de l’homme » et citant « la promotion des médias et la lutte contre l’impunité comme des priorités », ou encore de « l’organisation pacifique de plusieurs manifestations et rassemblements publics portant des revendications politiques et/ou sociales » s’étant déroulées « sans intervention des forces de l’ordre ».

120    Par ailleurs, selon le requérant, les conclusions du Conseil sur la République démocratique du Congo adoptées lors de la 3 738e session du Conseil du 9 décembre 2019 démontreraient elles-mêmes que les dernières élections en République démocratique du Congo ont permis le premier transfert de pouvoir pacifique de l’histoire du pays et que l’Union a noté avec satisfaction les engagements pris par le président « en faveur d’un redressement national basé sur le respect de l’état de droit, la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris l’égalité hommes-femmes et l’autonomisation des femmes et des filles, la lutte contre l’impunité et contre la corruption et l’amélioration de la situation sécuritaire ».

121    Le requérant rappelle que les mesures restrictives sont en principe des mesures conservatoires de nature préventive et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. En l’espèce, en raison de la réalisation de ces objectifs, les mesures restrictives en cause s’apparenteraient à des peines de nature pénale.

122    Par conséquent, selon le requérant, au jour du renouvellement des mesures restrictives par les actes attaqués en décembre 2019, la situation relative au « caractère inachevé du cycle électoral », alléguée par le Conseil dans sa réponse du 13 mai 2019 en vue du maintien des mesures en cause, n’existait plus, et le Conseil n’aurait pas établi en quoi une appréciation actualisée de la situation des droits de l’homme sur le plan général en République démocratique du Congo aurait pu justifier le maintien de ces mesures à son égard.

123    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

124    Selon la jurisprudence, en ce qui concerne les règles générales définissant les modalités des mesures restrictives, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures restrictives. Le juge de l’Union ne pouvant, en particulier, substituer son appréciation des preuves, des faits et des circonstances justifiant l’adoption de telles mesures à celle du Conseil, le contrôle exercé par le Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles de telles mesures sont fondées (arrêts du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 36, et du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 94).

125    Il convient de rappeler que, de manière générale, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour adopter des actes dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), qui constitue un domaine impliquant de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. De même, la jurisprudence reconnaît au Conseil une large marge d’appréciation pour la définition des critères généraux délimitant le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives, au regard des objectifs sur lesquels ces mesures reposent. Une marge d’appréciation de même portée doit donc lui être reconnue s’agissant de la prorogation de l’application de ces critères (arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 130).

126    Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer, dans le contexte du présent recours, sur le bien-fondé de la politique de soutien du Conseil au processus de stabilisation politique et démocratique en République démocratique du Congo, dans le cadre de laquelle la décision 2010/788, le règlement no 1183/2005 et les actes attaqués s’inscrivent.

127    De même, il n’appartient pas non plus au Tribunal de substituer son appréciation à celle du Conseil quant au contexte politique et sécuritaire auquel la décision 2010/788 et le règlement no 1183/2005 se rapportent et quant à la nécessité de les proroger au regard de ce contexte. Il lui appartient seulement d’examiner si, pour évaluer cette nécessité, le Conseil n’a pas manifestement méconnu l’importance et la gravité des éléments relatifs au contexte politique et sécuritaire congolais invoqués par le requérant, au regard des autres informations à sa disposition et des objectifs de ces actes.

128    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les différents arguments du requérant au soutien de la première branche du présent moyen.

129    Il y a lieu de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, et l’article 2 ter, paragraphe 1, du règlement no 1183/2005, prévoient que les mesures restrictives sont instituées à l’encontre des personnes et des entités, d’une part, faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en République démocratique du Congo, notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou à des actions portant atteinte à l’État de droit et, d’autre part, contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en République démocratique du Congo.

130    En l’espèce, il peut être constaté que, à l’issue des élections présidentielles du 30 décembre 2018, une certaine ouverture de l’espace démocratique a été observée en République démocratique du Congo. Cela ressort, ainsi que l’a relevé le requérant, du rapport de la Haute‑Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme du 14 août 2019 (voir point 119 ci‑dessus), qui établit que le BCNUDH a constaté une baisse du nombre de violations des droits de l’homme depuis février 2019. De même, comme le souligne le requérant, le Conseil lui-même, dans ses conclusions du 9 décembre 2019, sur la République démocratique du Congo, énonce que « les dernières élections en République démocratique du Congo ont permis le premier transfert de pouvoir pacifique de l’histoire du pays, ouvrant une fenêtre d’opportunité pour la stabilité et le développement durable et inclusif en République démocratique du Congo et dans la région toute entière ».

131    Néanmoins, il importe de relever que les entraves au processus électoral en République démocratique du Congo n’ont pas été le seul élément pris en considération par le Conseil lors du renouvellement des mesures restrictives au titre du présent réexamen.

132    En effet, le Conseil a, dans l’exercice de sa marge d’appréciation, apprécié la situation politique et démocratique actuelle en République démocratique du Congo en application du second critère de désignation énoncé à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 visant les personnes et les entités contribuant à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits.

133    À cet égard, d’une part, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, dans son rapport sur la situation des droits de l’homme et les activités du BCNUDH en République démocratique du Congo du 14 août 2019, sur lequel le requérant prend appui, a souligné, notamment, que « le nombre de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits documentées […], leur gravité et leurs conséquences pour la population demeur[ai]ent inquiétants », étant précisé que « près de 60% de ces violations [avaient] été commises par des agents de l’État, principalement des membres des [FARDC] et de la Police nationale congolaise ».

134    Dans le même rapport, il est également souligné ce qui suit :

« [L]es violations […] liées à l’activisme des groupes armés et des milices dans les provinces touchées par le conflit demeurent élevées. Le processus électoral s’est déroulé dans un contexte de restrictions de l’espace démocratique marqué par de nombreuses violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les forces de défense et les services de sécurité congolais ont notamment fait un usage excessif de la force pour disperser des rassemblements politiques et des manifestations pacifiques organisés durant la campagne électorale et suite à la proclamation des résultats, causant des morts et des blessés. [L]e [BCNUDH] a constaté une poursuite des attaques et menaces à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et autres acteurs de la société civile […] La situation des droits de l’homme dans les provinces où le conflit perdure n’a pas connu d’amélioration […] Peu de progrès ont été faits sur le plan législatif en matière de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales […] [D]es officiers accusés de graves violations des droits de l’homme ont été promus ou maintenus à des postes de haut commandement au sein des forces de défense et de sécurité, sans faire l’objet d’une enquête. »

135    Enfin, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a exposé, aux termes de sa première conclusion, au paragraphe 80 de son rapport, que, « [a]u cours de la période considérée, la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo a[vait] été marquée par une augmentation des atteintes aux libertés publiques pendant la période électorale et post-électorale, suivie d’une ouverture partielle de l’espace démocratique », et que « la répression violente de manifestations pacifiques et le recours à des menaces et intimidations à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes [avaie]nt toutefois continué ».

136    D’autre part, le Conseil, dans ses conclusions du 9 décembre 2019 sur la République démocratique du Congo, dont se prévaut également le requérant, a précisé, dans le même esprit, que « la persistance d’un nombre élevé d’atteintes aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, ainsi que de violences, dont des violences sexuelles, nécessit[ait] une réponse judiciaire adaptée ». Aux termes de ces conclusions, le Conseil a souligné que l’Union avait appelé à la « réforme des institutions garantes de la démocratie et des processus électoraux, en particulier la Cour constitutionnelle et la Commission électorale nationale indépendante », afin de « consolider la démocratie et garantir la stabilité », avant d’énoncer que « la transparence et la crédibilité des prochains scrutins ainsi que la participation de tous, y compris des jeunes et des femmes, ser[aie]nt essentielles pour consolider la stabilité » et que, « dans l’est du pays, en particulier au Nord-Kivu, Sud-Kivu et en Ituri, le niveau d’insécurité et d’instabilité, l’absence de l’autorité de l’État sur certains territoires et le nombre élevé de violations des droits de l’homme commises par les groupes armés, mais aussi par des agents de l’État, demeur[ai]ent préoccupants ». Selon le Conseil, « [d]es efforts supplémentaires d[evai]ent être engagés par les autorités, notamment en matière de lutte contre les groupes armés ». L’Union y a en outre appelé les autorités congolaises à redoubler d’efforts dans le domaine de la lutte contre l’impunité afin de traduire en justice les auteurs de graves violations des droits de l’homme.

137    Par conséquent, il ressort d’une lecture intégrale du rapport de la Haute‑Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme et les activités du BCNUDH en République démocratique du Congo du 14 août 2019 et des conclusions du Conseil du 9 décembre 2019 sur la République démocratique du Congo, dont se prévaut le requérant, que, malgré la tenue des élections présidentielles du 30 décembre 2018, il existait toujours une situation préoccupante en ce qui concernait le respect de l’État de droit et des droits de l’homme en République démocratique du Congo.

138    En outre, il ressort des documents énumérés aux points 33 et 37 ci‑dessus que le Conseil disposait d’un faisceau d’informations provenant d’autres sources variées, selon lesquelles les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 pouvaient être réunies.

139    À cet égard, l’observation de l’existence de nombreuses violations des droits de l’homme imputables à des agents de l’État en République démocratique du Congo pendant la période de réexamen est également corroborée, en particulier, par une note du BCNUDH sur les principales tendances des violations des droits de l’homme entre janvier et juin 2019. Dans cette note, il est exposé ce qui suit :

« [E]ntre janvier et juin 2019, le BCNUDH a documenté 3 039 violations et atteintes aux droits de l’homme sur l’ensemble du territoire de la République démocratique du Congo[,] une augmentation de 8% par rapport à la même période il y a deux ans (janvier-juin 2017) […] Plus de 59 % des violations documentées durant le premier semestre 2019 ont été commises par des agents de l’État, qui ont notamment été responsables des exécutions extrajudiciaires d’au moins 245 personnes, dont 39 femmes et 26 enfants, sur l’ensemble du territoire de la République démocratique du Congo […] Les combattants de tous les groupes et milices armés confondus ont quant à eux commis près de 41% des violations documentées […] Parmi les agents de l’État, les militaires des [FARDC] sont ceux ayant commis le plus grand nombre de violations (847 violations, dont les exécutions extrajudiciaires de 157 personnes […]) […] Les agents de la Police nationale congolaise (PNC) ont pour leur part commis 689 violations, dont les exécutions extrajudiciaires de 79 personnes […] Dans les provinces affectées par les conflits, près de la moitié des 2 457 violations et atteintes aux droits de l’homme documentées sont attribuables à des agents de l’État, tandis que l’autre moitié a été commise par des combattants de groupes armés […] [L]e nombre de victimes d’exécutions extrajudiciaires par des agents de l’État et d’exécutions arbitraires par des groupes armés dans ces provinces a augmenté : au moins 589 personnes, dont 142 femmes, ont été tuées dans le cadre de conflits, soit trois civils par jour en moyenne. Parmi les provinces en conflit, celle du Nord-Kivu reste de loin la plus affectée (1 215 violations), suivie notamment du Kasaï (269 violations), du Sud-Kivu (240 violations), du Maniema (167 violations), du Tanganyika (166 violations) et de l’Ituri (161 violations). Le nombre de violences sexuelles liées au conflit a connu une augmentation importante[,] les principaux auteurs parmi les agents de l’État sont les militaires des FARDC et de la PNC […] Certaines manifestations ont été réprimées par les autorités policières, y compris à travers la promulgation d’interdictions générales de manifester par les autorités locales, ainsi que par un recours excessif à la force et des arrestations arbitraires […] Si les agents de la PNC restent les principaux auteurs de ces violations (227 violations)[,] les militaires des FARDC (107 violations) ont montré une implication importante dans les restrictions de l’espace démocratique, notamment à travers la répression violente des manifestations pacifiques […] [D]ans le cadre de son programme de protection, le BCNUDH a traité plus de 111 cas de menaces et de violations des droits de l’homme à l’encontre de 195 défenseurs des droits de l’homme, 36 journalistes et autres professionnels des médias, ainsi que de 28 victimes et cinq témoins de violations des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire congolais. Le BCNUDH s’inquiète du nombre de menaces [et] intimidations à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme (près de 74% des cas de protection). »

140    Par conséquent, compte tenu des informations dont le Conseil disposait au moment de l’adoption des actes attaqués, détaillées aux points 133 à 139 ci‑dessus, il ne saurait être soutenu que, en raison du déroulement et des résultats des élections présidentielles, il ait commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant de renouveler l’imposition de mesures restrictives au regard de la situation en République démocratique du Congo. En effet, il ne ressort nullement de ces éléments que la tenue de ces élections aurait conduit à la cessation des graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits observées sur le territoire de la République démocratique du Congo, commises notamment par des agents de l’État, dont les militaires des FARDC et les agents de la police nationale congolaise (PNC), et prises spécifiquement en considération par le Conseil en vue du renouvellement des mesures restrictives en cause.

141    Par ailleurs, à supposer même que les questions ayant trait au contexte politique soient pertinentes pour le maintien des mesures restrictives sur le fondement du critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005, l’argumentation du requérant tirée de l’évolution d’un tel contexte en République démocratique du Congo, en raison de la tenue des élections, n’est pas démontrée.

142    À cet égard, il ressort des éléments soumis par le Conseil, et en particulier d’un rapport du secrétariat général sur la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) du 27 septembre 2019, que le régime dirigé par l’ancien président n’a que partiellement changé au cours de la période de réexamen en 2019, avec la désignation du nouveau président de la République démocratique du Congo. En effet, au moment de l’adoption des actes attaqués, le régime au pouvoir résultait d’une alliance entre les deux principales coalitions, à savoir le Cap pour le changement (CACH), du nouveau président élu, et le Front commun pour le Congo (FCC), de l’ancien président. Le gouvernement de coalition du nouveau Premier ministre, lui-même membre du FCC, procédait en outre d’un accord entre les deux coalitions, qui prévoyait 42 portefeuilles ministériels pour le FCC et 23 pour le CACH. Ainsi que le souligne le Conseil, sans que le requérant le conteste, des ministères importants, tels que notamment ceux de la justice, des finances, de la défense et des mines, ont été attribués à des proches de l’ancien président, tandis que l’Assemblée nationale, le Sénat et les assemblées provinciales sont composés, en majorité, de membres du FCC, dont le président du Sénat.

143    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la situation en République démocratique du Congo continuait de justifier l’imposition de mesures restrictives concernant cet État.

 Sur le caractère établi des motifs retenus contre le requérant dans les listes litigieuses

144    Par la troisième branche du deuxième moyen, le requérant conteste le caractère établi des motifs retenus par le Conseil à son égard.

145    D’une part, les motifs relatifs à son implication, en tant que commandant de la première zone de défense des FARDC, dans le recours disproportionné à la force et dans la répression violente de manifestations ne seraient pas établis. En effet, les fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC qu’il occupait en 2016 ne permettraient pas de retenir son implication dans la répression de manifestations à Kinshasa, dans la mesure où la sécurisation de ces dernières relevait de la compétence de la PNC, et non des FARDC. Le requérant ajoute que le Conseil n’a pas établi en quoi un quelconque recours à la force n’était ni légal, ni nécessaire, ni proportionné au regard du contexte interne et des impératifs de sécurité publique en République démocratique du Congo au moment des faits incriminés.

146    D’autre part, le requérant conteste la pertinence des différents éléments communiqués par le Conseil au cours de la période couverte par le réexamen, en ce qu’aucun de ces éléments ne permettrait d’établir sa responsabilité individuelle dans les actes de violences qui y sont dénoncés. De même, selon le requérant, la référence à ses anciennes fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC dans les motifs retenus à son égard par le Conseil ne permettrait pas d’établir son implication dans des violations des droits de l’homme. À cet égard, le requérant souligne que les documents transmis par le Conseil lui-même font état de ce qu’il a été désigné par le nouveau président élu pour réaliser des missions de pacification de certaines régions.

147    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

148    Selon la jurisprudence, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

149    À cet égard, il importe de rappeler que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107). Notamment, il ressort de la jurisprudence que le juge de l’Union peut prendre en considération des rapports d’organisations internationales (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 48).

150    L’appréciation du caractère suffisamment solide de la base factuelle retenue par le Conseil doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

151    À cet égard, il a déjà été jugé que le Conseil n’était pas tenu de démontrer l’implication personnelle d’une personne dans les actes de répression visés par des mesures restrictives, mais qu’il lui était suffisant, du fait des responsabilités importantes exercées par la personne concernée, de pouvoir légitimement considérer que celle-ci faisait partie des responsables de la répression contre la population civile [voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 141, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T-163/18, EU:T:2020:57, point 112 (non publié)].

152    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la troisième branche du deuxième moyen.

153    En l’espèce, en premier lieu, il importe de rappeler que les motifs retenus par le Conseil dans les actes attaqués pour l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses portent sur son implication, en tant que commandant de la première zone de défense des FARDC, dans la répression violente et disproportionnée de manifestations qui se sont déroulées à Kinshasa en septembre 2016.

154    À cet égard, ces mêmes motifs avaient déjà été retenus par le Conseil dans les listes litigieuses telles que modifiées par la décision 2018/1940 et par le règlement d’exécution 2018/1931, portant deuxième prorogation de l’inscription du nom du requérant sur ces listes. Or, dans le cadre du recours introduit contre ces actes, le Tribunal a considéré, au point 114 de l’arrêt du 3 février 2021, Amisi Kumba/Conseil (T‑118/19, non publié, EU:T:2021:57), que le Conseil était fondé à retenir de tels motifs.

155    En l’espèce, aux fins de mettre à nouveau en cause le caractère établi desdits motifs, le requérant fournit exactement les mêmes arguments et éléments que ceux qui sont résumés au point 96 de l’arrêt du 3 février 2021, Amisi Kumba/Conseil (T‑118/19, non publié, EU:T:2021:57). Il convient de rejeter ces arguments pour les mêmes motifs que ceux énoncés par le Tribunal dans cet arrêt.

156    En second lieu, il importe de rappeler que l’exposé des motifs concernant le requérant vise également son implication dans des violations des droits de l’homme au titre de ses fonctions de chef d’état-major adjoint des FARDC chargé des opérations et du renseignement, qu’il occupe depuis juillet 2018. À cet égard, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le Conseil se fonderait uniquement sur les fonctions actuelles qu’il exerce, ce qui serait insuffisant pour établir sa responsabilité individuelle, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence mentionnée au point 151 ci‑dessus, il est suffisant que, du fait des responsabilités importantes exercées par le requérant, le Conseil puisse légitimement considérer que celui-ci faisait partie des responsables de la répression contre la population civile.

157    Or, en l’espèce, il ressort des éléments de preuve soumis par le Conseil, et notamment de ceux émanant de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et du BCNUDH, dont des extraits sont reproduits aux points 133 à 140 ci-dessus, que des effectifs appartenant aux FARDC, dont le requérant était responsable en tant que chef d’état-major adjoint chargé des opérations et du renseignement, étaient spécifiquement mentionnés comme ayant fait partie des principaux responsables des actes constitutifs de violations des droits de l’homme pris en compte lors de la période de réexamen en cause.

158    Le fait que, par ailleurs, le requérant ait été chargé, par le nouveau président élu de la République démocratique du Congo, de réaliser des missions de pacification dans certaines régions n’est pas de nature à remettre en cause la réalité des graves violations des droits de l’homme commises en République démocratique du Congo par les militaires des FARDC et pour lesquelles le Conseil pouvait retenir la responsabilité du requérant. Il en va d’autant plus ainsi que, comme le souligne le Conseil, les fonctions de chef d’état-major adjoint positionnent le requérant comme le « numéro 2 de l’armée » de la République démocratique du Congo.

159    En outre, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel les motifs d’inscription de son nom sur les listes litigieuses ne reposeraient pas sur des documents suffisamment probants et pertinents pour établir sa responsabilité individuelle, il convient de considérer que, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 149 et 150 ci‑dessus, le Conseil était en droit de se fonder sur l’ensemble des sources d’information issues de la presse écrite accessible au public et de rapports d’organisations non gouvernementales et de s’en prévaloir en tant qu’éléments de preuve au soutien des informations par ailleurs disponibles dans les rapports non contestés de l’Organisation des Nations unies (ONU). L’ensemble de ces éléments, envisagés non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent, constitue un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’étendue des violences perpétrées par les forces de sécurité et les agents de l’État, dont les FARDC, ainsi que les fonctions du requérant au sein des FARDC, sur la période couvrant les années2016 à 2019. Partant, l’argument du requérant tiré de l’absence de pertinence et de force probante de ces documents doit être rejeté.

160    Partant, le Conseil a satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait.

161    Dans ces conditions, il convient de conclure que le Conseil a établi un lien suffisant, au sens de la jurisprudence citée au point 150 ci-dessus, entre le requérant et la situation préoccupante résultant d’actes de graves violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo.

162    Par conséquent, la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur le bien-fondé du maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses au regard du critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005

163    Par la deuxième branche du deuxième moyen, le requérant conteste, en substance, le bien-fondé des actes attaqués en ce qu’ils maintiennent l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, pour deux séries de raisons.

164    Premièrement, le requérant conteste toute implication actuelle dans les faits qui fondent la décision d’inscrire son nom sur les listes litigieuses. Il précise que, au-delà de l’appréciation erronée qui est faite de ses fonctions, le Conseil ne justifie pas en quoi les faits reprochés perdureraient ou risqueraient de perdurer en décembre 2019 au moment du renouvellement des mesures restrictives. En effet, le Conseil ne fournirait aucun élément de nature à justifier que ses fonctions au moment du renouvellement des mesures ont eu pour conséquence qu’il contribue, « en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en République démocratique du Congo », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005. Le Conseil n’aurait à aucun moment actualisé la situation individuelle du requérant.

165    Deuxièmement, le requérant reproche au Conseil d’avoir maintenu l’inscription de son nom sur les listes litigieuses pour des faits passés et en raison de fonctions qu’il n’occupait plus au moment de l’adoption des actes attaqués, au mépris du critère d’inscription, rédigé au présent. À cet égard, il conteste que les prétendus liens qu’il aurait conservés avec les autorités de la République démocratique du Congo aient permis de justifier, au moment de l’adoption des actes attaqués, son implication dans de graves violations des droits de l’homme.

166    Selon le requérant, sa situation d’« associé » à des membres du gouvernement, du fait de ses fonctions uniquement antérieures, aurait commandé l’inscription de son nom sur les listes litigieuses sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, sous c), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1183/2005, et non sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005. Ce faisant, le Conseil aurait dû établir la responsabilité personnelle, individualisée, actuelle et concrète du requérant pour les motifs avancés.

167    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

168    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la rédaction au présent du critère d’inscription s’opposait au maintien de son nom sur les listes litigieuses pour des faits qui ne seraient plus actuels, il a déjà été jugé qu’une rédaction au participe présent ne renvoyait pas à une période temporelle donnée et ne faisait dès lors pas obstacle à ce que le Conseil décide de maintenir sur les listes litigieuses les noms de personnes en conservant les motifs à l’origine de leur inscription initiale, sans que les personnes en cause aient commis de nouvelles violations des droits de l’homme au cours de la période précédant le réexamen, pourvu que ce maintien reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’auraient pas été atteints (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 82 à 84 et jurisprudence citée).

169    En l’espèce, il résulte des considérants 3 et 4 de la décision 2016/2231 que les mesures restrictives en cause à l’encontre de certaines catégories de personnes, et notamment de celles qui contribuent à de graves violations des droits de l’homme, avaient pour objectifs de permettre, d’une part, une transition démocratique en République démocratique du Congo et, d’autre part, une stabilisation de la situation dans cet État en incitant le gouvernement à assurer un climat propice à la tenue d’un dialogue démocratique, à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et à cesser toute instrumentalisation de la justice en vue de permettre de traduire, devant une justice indépendante, les auteurs d’atteintes graves à ces droits (voir points 6 à 12 ci-dessus). À cette fin, elles visaient à faire pression sur les personnes tenues pour responsables de l’instabilité de la situation politique, sécuritaire et démocratique en République démocratique du Congo.

170    C’est ainsi que le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses, par la décision 2016/2231 et par le règlement 2016/2230, aux motifs, en substance, qu’il occupait les fonctions de commandant de la première zone de défense des FARDC, dont les militaires étaient impliqués dans un recours disproportionné à la force et dans la répression violente des manifestations s’étant tenues à Kinshasa en septembre 2016.

171    Certes, au moment de l’adoption des actes attaqués, les faits retenus dans les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses dataient, en partie, de plus de trois ans. En outre, le requérant n’occupait plus les fonctions qui avaient justifié l’inscription initiale de son nom sur les listes litigieuses, mais il était devenu, en juillet 2018, chef d’état-major adjoint des FARDC chargé des opérations et du renseignement.

172    Toutefois, il convient de rappeler que l’exposé des motifs a été actualisé pour comprendre désormais la mention selon laquelle le requérant, « de par ses fonctions, […] porte une responsabilité dans les récentes violations des droits de l’homme commises par les FARDC ».

173    À cet égard, il ressort des éléments de preuve retenus par le Conseil, et notamment ceux émanant de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et du BCNUDH, dont des extraits sont reproduits aux points 133 à 140 ci-dessus, que la situation sécuritaire en République démocratique du Congo était toujours préoccupante au moment de l’adoption des actes attaqués, cet État connaissant une instabilité caractérisée par de nombreux actes de violations graves des droits de l’homme. En particulier, il a été rapporté que les militaires des FARDC ainsi que les groupes armés ont continué de commettre un grand nombre de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits, y compris des violences sexuelles.

174    En outre, il a été conclu que le Conseil avait établi à suffisance l’existence d’un lien entre le requérant et cette situation (voir point 161 ci‑dessus).

175    Par conséquent, le Conseil pouvait considérer, à la date d’adoption des actes attaqués, que, malgré l’imposition de mesures restrictives contre le requérant en 2016, en raison de son implication dans des violations des droits de l’homme à partir de septembre 2016, en tant que commandant de la première zone de défense des FARDC, dont les militaires étaient impliqués dans un recours disproportionné à la force et dans la répression violente des manifestations s’étant tenues à Kinshasa, de telles mesures continuaient d’être justifiées au moment de l’adoption des actes attaqués, en raison de la persistance établie des violences commises par les FARDC et du fait que le requérant, chef d’état-major adjoint des FARDC chargé des opérations et du renseignement, occupait toujours, à ce moment-là, des fonctions parmi les plus hautes au sein de la hiérarchie des FARDC. Le Conseil pouvait dès lors en déduire que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses demeurait justifié au regard de l’objectif initial poursuivi de faire cesser en République démocratique du Congo les actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits, c’est-à-dire sur la base du critère prévu à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005.

176    En conséquence, il y a lieu d’écarter l’argument du requérant tiré de ce que, en substance, l’évolution de sa situation individuelle s’opposait au maintien de mesures restrictives à son égard. La deuxième branche du deuxième moyen et, dès lors, le deuxième moyen dans son ensemble, doivent être écartés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du principe de la présomption d’innocence et du principe de proportionnalité

177    Le requérant soutient que le maintien des mesures imposant aux États membres de lui refuser l’entrée et le passage en transit sur le territoire de l’Union constitue une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ainsi qu’au principe de la présomption d’innocence. Selon le requérant, premièrement, de telles mesures « ont eu un impact psychologique fort, pour lui-même comme pour les membres de sa famille, en partie lié à l’incompréhension qui en a résulté », deuxièmement, le Conseil a retenu, à son égard, des « indices sérieux et crédibles » de nature à faire naître dans l’esprit du public une présomption de culpabilité et, troisièmement, ces mesures ne permettent pas de contribuer à prévenir la commission d’actes constitutifs d’une violation des droits de l’homme sur le territoire de la République démocratique du Congo.

178    Le Conseil conteste cette argumentation.

 Sur l’existence d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale

179    En premier lieu, il convient de constater que le requérant n’apporte aucun élément de preuve concret susceptible d’étayer ses arguments s’agissant du prétendu « impact psychologique » des mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union et de la prétendue atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale.

180    En second lieu, à supposer que les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union portent atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, garanti par l’article 7 de la Charte, il ressort de la jurisprudence que ce droit n’est pas absolu et qu’il peut comporter des restrictions (voir arrêt du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 162 et jurisprudence citée), dès lors que, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, ces restrictions sont prévues par la loi, respectent le contenu essentiel de ce droit, sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

181    En l’espèce, premièrement, les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union doivent être considérées comme étant « prévues par la loi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, étant donné que le Conseil a agi sur la base de l’article 29 TUE et qu’il a adopté la décision 2019/2109, prévoyant ces mesures, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/788, en respectant les critères énoncés dans cette disposition, ainsi que cela ressort de l’examen du deuxième moyen.

182    Deuxièmement, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union poursuivent bien des objectifs d’intérêt général, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale, objectifs mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE.

183    Troisièmement, d’une part, quant au caractère approprié des mesures en cause, au regard d’objectifs d’intérêt général aussi fondamentaux pour la communauté internationale que ceux mentionnés au point 182 ci‑dessus, celles-ci ne sauraient, en tant que telles, passer pour inadéquates (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 177 et jurisprudence citée). D’autre part, en ce qui concerne leur caractère nécessaire, tout d’abord, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les personnes responsables de la situation en République démocratique du Congo, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 178 et jurisprudence citée). Ensuite, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2010/788, les États membres ne sont pas tenus de refuser l’entrée sur leur territoire à leurs propres ressortissants qui seraient visés par les mesures prévues dans cette décision. En outre, l’article 4, paragraphe 7, de la décision 2010/788 prévoit la possibilité, pour les États membres, de déroger aux mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union, notamment lorsque « le déplacement […] se justifie pour des raisons humanitaires urgentes ». Enfin, il convient d’observer que le maintien du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/788 fait l’objet d’un réexamen périodique en vue de garantir que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer sur cette liste en soient radiées (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 180 et jurisprudence citée).

184    Ainsi, compte tenu de leur caractère temporaire et réversible, les mesures restrictives en cause ne portent pas atteinte au contenu essentiel du droit au respect d’une vie privée et familiale (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 2017, Ben Ali/Conseil, T‑149/15, non publié, EU:T:2017:693, point 173 et jurisprudence citée).

185    Par conséquent, les mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union frappant le requérant constituent des restrictions qui n’ont méconnu ni son droit au respect de la vie privée et familiale ni le principe de proportionnalité.

 Sur la prétendue violation du principe de la présomption d’innocence

186    S’agissant de la prétendue violation du principe de la présomption d’innocence, il convient de constater que le requérant se limite à faire valoir que le Conseil a retenu contre lui des « indices sérieux et crédibles » de nature à faire naître dans l’esprit du public une présomption de culpabilité. Toutefois, un tel grief n’est pas étayé, le requérant ne précisant pas sur quoi porteraient ces « indices », ni à quelle occasion ou dans quel acte le Conseil les aurait retenus. En tout état de cause, le principe de la présomption d’innocence ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires, qui ne constituent pas des sanctions et ne préjugent aucunement de l’innocence ou de la culpabilité de la personne visée par celles-ci, pourvu que de telles mesures conservatoires soient prévues par la loi, adoptées par une autorité compétente et présentent un caractère limité dans le temps (voir arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, point 64 et jurisprudence citée).

187    En l’espèce, les mesures restrictives prévues dans la décision 2010/788 et dans le règlement no 1183/2005, dont l’application a été maintenue par l’adoption des actes attaqués, ont été adoptées, respectivement, sur le fondement de l’article 29 TUE, qui attribue compétence au Conseil pour prendre les décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique, et sur le fondement des dispositions de l’article 215 TFUE, qui permet au Conseil, à son paragraphe 1, d’adopter les mesures nécessaires lorsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE, prévoit l’interruption ou la réduction des relations économiques et financières avec un pays tiers et, à son paragraphe 2, d’adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques, lorsque cela est prévu par une décision adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité UE (voir points 7 et 8 ci-dessus). Il s’ensuit que lesdites mesures sont prévues par la législation de l’Union et que le Conseil était compétent pour les adopter, ce que le requérant ne conteste pas.

188    Par ailleurs, aux termes de l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, les mesures prévues en application de cette décision s’appliquent pendant douze mois, font l’objet d’un réexamen et peuvent être prorogées ou modifiées, le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. De même, les mesures restrictives adoptées sur la base du règlement no 1183/2005 ne présentent pas de caractère définitif, ainsi que cela ressort de l’article 9 de ce règlement. En effet, d’une part, selon l’article 9, paragraphe 2, de ce règlement, « [l]e Conseil établit et modifie la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes figurant à l’annexe I bis » et, d’autre part, selon l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement, « [l]orsque des observations sont formulées ou lorsque de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil réexamine sa décision et informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme en conséquence ». Partant, les mesures restrictives dont les actes attaqués ont maintenu l’application sont limitées dans le temps, ce que le requérant ne conteste pas non plus.

189    Enfin, il y a lieu de relever que, lorsqu’il a décidé de maintenir l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, le Conseil n’a pas constaté l’existence d’une infraction pénale, mais a adopté les actes attaqués dans le cadre et aux fins d’une procédure de nature administrative ayant une fonction conservatoire et ayant pour unique but de lui permettre de garantir la protection des populations civiles [voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 78 (non publié)].

190    Dans ces conditions, il ne peut être soutenu que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses viole le principe de la présomption d’innocence [voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 79 (non publié)].

 Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

191    Dans le cadre de ce grief, le requérant fait valoir qu’il ne comprend pas en quoi une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union serait susceptible de contribuer à l’objectif visé par les mesures restrictives. Ce faisant, le requérant met en cause la proportionnalité des mesures restrictives générales, ce qu’il convient d’examiner dans le cadre du quatrième moyen.

192    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005

193    Par le quatrième moyen, le requérant excipe, sur le fondement de l’article 277 TFUE, de l’illégalité, d’une part, de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et, d’autre part, de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005, afin de contester le bien-fondé du critère défini dans ces dispositions et sur le fondement duquel les mesures restrictives le visant ont été adoptées (ci-après le « critère litigieux »).

194    Dans une première branche, le requérant allègue que, par sa formulation très large, le critère litigieux méconnaît le principe de prévisibilité des actes de l’Union et le principe de sécurité juridique, en conférant au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire et discrétionnaire.

195    Le requérant ajoute que, bien que le critère litigieux soit rédigé au présent, qui suppose une actualité dans les faits reprochés, il a été utilisé de façon répétée par le Conseil, même pour des faits passés, ce qui tendrait à démontrer que ledit critère lui a conféré un pouvoir d’appréciation arbitraire.

196    Dans une seconde branche, le requérant fait valoir que le critère litigieux méconnaît le principe de proportionnalité. À cet égard, il souligne ne pas relever des catégories, larges et abstraites, de personnes visées par ce critère. De plus, le requérant souligne que le critère litigieux excède les objectifs poursuivis par la PESC tendant, dans le cas de la République démocratique du Congo, à l’élaboration d’une stratégie globale visant à la mise en place d’un processus électoral.

197    Le Conseil conteste l’argumentation des requérants.

198    Selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65).

199    Il n’en demeure pas moins que, selon la jurisprudence mentionnée au point 125 ci-dessus, en ce qui concerne les règles générales définissant les critères juridiques et les modalités d’adoption des mesures restrictives, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération. Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions de la décision 2010/788 et du règlement no 1183/2005 prévoyant le critère litigieux visé par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45).

200    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le quatrième moyen.

 Sur la prétendue violation du principe de sécurité juridique

201    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union, exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

202    Un tel principe est applicable aux mesures restrictives, telles que celles en cause en l’espèce, qui affectent les droits et les libertés des personnes concernées (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

203    Or, le critère litigieux vise bien une catégorie précise de personnes, à savoir les personnes ayant contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits.

204    Si ce critère confère une certaine marge au Conseil dans l’appréciation de ce que recouvre la notion de « contribution à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits », il ne peut être considéré qu’une telle marge confère au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire. En effet, le critère litigieux s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant, en général, les mesures restrictives et, en particulier, celles instituées à l’encontre de la République démocratique du Congo.

205    À cet égard, d’une part, les objectifs du traité UE concernant la PESC sont notamment ceux visés à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale.

206    D’autre part, il résulte des considérants 3 et 4 de la décision 2016/2231 que, en recourant à des mesures restrictives à l’encontre de certaines catégories de personnes, et notamment à l’encontre de celles qui contribuent à de graves violations des droits de l’homme, le Conseil a poursuivi l’objectif consistant à inciter la République démocratique du Congo à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et à cesser toute instrumentalisation de la justice.

207    Dans ces conditions, il convient de considérer que la règle instituée par le critère litigieux est claire, précise et prévisible dans ses effets, de sorte qu’elle respecte le principe de sécurité juridique. Par ailleurs, l’argument du requérant tiré du maintien de mesures restrictives à son égard pour des faits passés, alors que le critère d’inscription en cause est rédigé au présent, n’est pas pertinent aux fins du présent moyen.

208    En effet, par le présent moyen, le requérant conteste le critère litigieux en tant que mesure de portée générale. Or, la légalité d’une telle mesure ne peut dépendre de l’application individuelle qu’en a faite le Conseil. En tout état de cause, le bien-fondé d’un tel argument a déjà été examiné dans le cadre du deuxième moyen.

209    Au vu de ce qui précède, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

 Sur la prétendue violation du principe de proportionnalité

210    Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à atteindre les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour ce faire [voir arrêt du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60 (non publié) et jurisprudence citée].

211    Premièrement, ainsi que cela ressort du point 204 ci-dessus, la définition du critère litigieux répond aux objectifs légitimes rappelés aux points 205 et 206 ci-dessus.

212    En effet, en adoptant des mesures restrictives à l’encontre de personnes responsables de violations graves des droits de l’homme en République démocratique du Congo, le Conseil pouvait légitimement s’attendre à ce que de telles actions cessent ou qu’elles deviennent plus coûteuses pour ceux qui les entreprennent (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 105).

213    Deuxièmement, les considérations exposées aux points 182 et 183 ci‑dessus à propos des mesures d’interdiction d’entrée sur le territoire, quant à leur caractère nécessaire, approprié et limité dans le temps et au fait qu’elles sont de nature à poursuivre les objectifs d’intérêt général visés aux points 205 et 206 ci-dessus, valent pour toutes les mesures restrictives qui découlent du critère litigieux. En particulier, en ce qui concerne les mesures restrictives portant gel des fonds des personnes visées, l’article 5, paragraphe 5, de la décision 2010/788 prévoit qu’il peut y être dérogé afin de couvrir les « besoins fondamentaux » et les frais de justice ou bien encore les « dépenses extraordinaires » des personnes visées et des membres de leur famille.

214    Dès lors, le critère litigieux ne méconnaît pas le principe de proportionnalité.

215    S’agissant par ailleurs de l’argument du requérant selon lequel il ne relève pas des catégories de personnes visées par le critère litigieux, force est de constater qu’un tel argument ne met pas en cause le critère lui-même, mais son application par le Conseil. Or, cet argument a déjà été examiné dans le cadre du deuxième moyen.

216    En conséquence, il convient d’écarter le quatrième moyen et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

217    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Gabriel Amisi Kumba est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.