Language of document : ECLI:EU:T:2006:261

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

19 septembre 2006 (*)

« Recours en annulation – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Décision 2004/813/CE – Liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique atlantique – Personnes directement et individuellement concernées – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑117/05,

Andreas Rodenbröker, demeurant à Hövelhof (Allemagne), et les 81 autres requérants dont les noms figurent en annexe à la présente ordonnance, représentés par Me H. Glatzel, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. van Beek et B. Schima, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2004/813/CE de la Commission, du 7 décembre 2004, arrêtant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique atlantique (JO L 387, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. D. Cooke et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique et factuel

1        Le 21 mai 1992, le Conseil a adopté la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la « directive habitats »).

2        La directive habitats a pour objet, selon son article 2, paragraphe 1, de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire des États membres où le traité CE s’applique.

3        Elle précise, en son article 2, paragraphe 2, que les mesures prises pour son application visent à assurer le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de la faune et de la flore sauvages d’intérêt communautaire.

4        Selon le sixième considérant de la directive habitats, il y a lieu, en vue d’assurer le rétablissement ou le maintien des habitats naturels et des espèces d’intérêt communautaire dans un état de conservation favorable, de désigner des zones spéciales de conservation afin de réaliser un réseau écologique européen cohérent suivant un calendrier défini.

5        Aux termes de l’article 1er, sous l), de la directive habitats, la zone spéciale de conservation est définie comme « un site d’importance communautaire désigné par les États membres par un acte réglementaire, administratif et/ou contractuel où sont appliquées les mesures de conservation nécessaires au maintien ou au rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et/ou des populations des espèces pour lesquels le site est désigné ».

6        L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive habitats prévoit la constitution d’un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé « Natura 2000 », qui est formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I de la directive habitats ainsi que des habitats des espèces figurant à l’annexe II de cette dernière et qui doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

7        L’annexe I de la directive habitats arrête les types d’habitats naturels d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation ; son annexe II arrête les espèces animales et végétales d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation.

8        L’article 4 de la directive habitats prévoit une procédure en trois étapes pour la désignation des zones spéciales de conservation. En vertu du paragraphe 1 de cette disposition, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d’habitats naturels de l’annexe I et les espèces indigènes de l’annexe II de la directive habitats qu’ils abritent. Dans les trois ans suivant la notification de la directive habitats, cette liste est transmise à la Commission, en même temps que les informations relatives à chaque site.

9        Selon l’article 4, paragraphe 2, de la directive habitats, la Commission établit, à partir de ces listes, sur la base des critères énumérés à l’annexe III de celle-ci et en accord avec chacun des États membres, un projet de liste de sites d’importance communautaire. La liste des sites d’importance communautaire est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l’article 21 de la directive habitats.

10      L’article 4, paragraphe 4, de la directive habitats dispose que, une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2 du même article, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans, en établissant les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat naturel de l’annexe I ou d’une espèce de l’annexe II et pour la cohérence du réseau Natura 2000, ainsi qu’en fonction des menaces de dégradation ou de destruction qui pèsent sur eux.

11      La directive habitats précise, en son article 4, paragraphe 5, que, dès qu’un site est inscrit sur la liste des sites d’importance communautaire établie par la Commission, il est soumis aux dispositions de son article 6, paragraphes 2 à 4.

12      L’article 6 de la directive habitats porte sur les mesures nécessaires pour assurer la protection des zones spéciales de conservation. Il dispose :

« 1.      Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.

2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur. »

13      La Commission a adopté le 7 décembre 2004, sur le fondement de l’article 4 de la directive habitats, la décision 2004/813/CE arrêtant, en application de la directive habitats, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique atlantique (JO L 387, p. 1, ci-après la « décision attaquée »). Cette liste, figurant dans l’annexe I de la décision attaquée, inclut les sites suivants :

–        DE4117301 Sennebäche ;

–        DE4117302 Holter Wald ;

–        DE4118301 Senne mit Stapellager Senne.

14      Parmi les requérants, se trouve Carl Stefan Biermeier, titulaire d’un bail et exploitant un lot situé sur l’un des sites d’importance communautaire au sens de la décision attaquée (site portant la référence DE4118301).

15      Le site portant la référence DE4117301 se trouve sur le territoire de la Gemeinde Hövelhof. Cette commune ne revendique pas être propriétaire de lots situés sur les sites classés par la décision attaquée.

16      Certains requérants sont propriétaires de lots situés en dehors desdits sites, mais qui soit avaient été proposés par les autorités nationales aux fins de leur classification en tant que sites d’importance communautaire (site portant la référence DE4118401 et dénommé Vogelschutzgebiet Senne mit Teutoburger Wald), soit se trouvent à proximité d’un site d’importance communautaire. Il s’agit notamment de la Bussemas & Pollmeier GmbH & Co. KG et de Manfred Jürgenliemke.

17      D’autres requérants (Gabriele Berenbrinker, Josef Biermeier, Karl-Heinz Deppe, Heinz Göke, Franz-Josef Kipshagen, Heike Meuser, Anton et Irene Rampsel) sont propriétaires tant des lots situés en dehors des sites classés comme sites d’importance communautaire que de lots situés sur lesdits sites, sur lesquels ils exercent des activités économiques.

18      Enfin, certains requérants sont propriétaires de lots situés sur les sites classés et y gèrent des exploitations agricoles, forestières, des piscicultures ou des hôtels.

 Procédure

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2005, les requérants ont introduit le présent recours.

20      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 mars 2005, en vertu de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal et des articles 242 CE et 243 CE, les requérants ont introduit une demande en référé ayant pour objet le sursis à exécution et l’octroi de mesures provisoires concernant la décision attaquée. La Commission a déposé ses observations au greffe du Tribunal le 13 avril 2005 et les requérants y ont répondu le 21 avril 2005. La Commission a fait savoir qu’elle n’avait pas d’observations à formuler en retour. Le président du Tribunal a rejeté la demande en référé le 5 juillet 2005.

21      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 mai 2005, la partie défenderesse a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure. Les requérants ont déposé leurs observations sur cette exception le 19 juillet 2005.

 Conclusions des parties

22      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qui concerne le classement des sites portant les références DE4117301, DE4118301, DE4118401 et DE4117302 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

24      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal estime être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

25      La Commission, après avoir fait valoir le manque de clarté et de précision de la requête et contesté l’intérêt à agir des requérants ainsi que la nature d’acte attaquable au sens de l’article 230, premier alinéa, CE de la décision attaquée, concentre son exception d’irrecevabilité sur l’affectation directe et individuelle des requérants au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. C’est cette dernière allégation qu’il convient d’examiner en premier lieu.

26      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, « [t]oute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement ».

27      Dès lors qu’il n’est pas contesté que les requérants ne sont pas les destinataires de la décision attaquée, cette dernière étant adressée seulement aux États membres, il convient d’examiner si cette décision les concerne directement et individuellement.

28      Étant donné que la situation juridique des requérants ayant la qualité de personnes privées diffère sensiblement de celle de la commune requérante, laquelle n’est pas propriétaire de lots situés sur des sites classés comme sites d’importance communautaire par la décision attaquée, il est opportun d’examiner séparément la situation de ces deux catégories de requérants.

 Sur l’affectation des personnes privées requérantes

 Arguments des parties

29      Après avoir qualifié le contenu de la décision attaquée de règles générales à caractère normatif et donc la décision attaquée elle‑même d’acte de portée générale, la Commission maintient que les personnes privées requérantes ne sont pas directement concernées au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Puisque c’est la situation juridique et non la situation de fait qui doit être prise en considération (arrêt du Tribunal du 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T‑172/98, T‑175/98 à T‑177/98, Rec. p. II‑2487, point 62), une éventuelle dépréciation des biens des personnes privées requérantes provoquée par la décision attaquée ne suffirait pas à fonder leur affectation directe.

30      De plus, aucune affectation directe des personnes privées requérantes ne découle de l’article 4, paragraphe 5, de la directive habitats, aux termes duquel, dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2, troisième alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de cette même directive.

31      Les dispositions litigieuses constituent, en substance, selon la Commission, des dispositions semblables à celles d’une directive, lesquelles ne peuvent imposer d’obligations à l’encontre des particuliers. Ainsi, l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats ne crée d’obligations qu’à l’égard des États membres, et non des particuliers.

32      La Commission rappelle que, aux fins de déterminer si un requérant est directement concerné, il faut vérifier si le contenu de l’action des États membres peut être déduit des dispositions attaquées sans que ces derniers disposent d’un pouvoir d’appréciation. Or, en l’espèce, il ne pourrait être déterminé quand et, le cas échéant, en quoi la décision attaquée modifie les droits des personnes privées requérantes. En effet, l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats laisserait aux États membres une marge d’appréciation sur au moins deux points : la question de savoir quand une perturbation peut avoir des effets significatifs et la question de la détermination des mesures appropriées pour éviter les détériorations et les perturbations. De même, l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive habitats laisserait aux États membres une marge d’appréciation, dans la mesure où c’est nécessairement dans le contexte d’un plan ou d’un projet concret que l’exigence d’un examen de compatibilité avec les objectifs de préservation peut avoir des effets juridiques.

33      En invoquant par analogie l’ordonnance du Tribunal du 10 septembre 2002, Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil (T‑223/01, Rec. p. II‑3259), la Commission fait valoir que l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats ne soumet les personnes privées requérantes à aucune restriction. Selon la Commission, pour que des restrictions pour les particuliers en vertu de la directive habitats soient envisageables, l’État membre doit toujours commencer par examiner et approuver la nécessité de l’intervention et décider ensuite du type d’intervention approprié. S’agissant, par exemple, d’une certaine utilisation d’un bien foncier, il pourrait l’interdire complètement, l’approuver en l’assortissant ou non de charges ou de conditions, ou fixer lui‑même ou par l’intermédiaire de tiers des mesures destinées à compenser les désavantages de l’utilisation litigieuse.

34      De toutes ces considérations, il résulte, selon la Commission, que les personnes privées requérantes ne sont pas directement concernées par la décision attaquée.

35      Après avoir rappelé l’arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309), les personnes privées requérantes exposent qu’elles sont directement concernées, car les dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats attestent que le classement de leurs lots comme sites d’importance communautaire produit directement des effets juridiques contraignants sur leur situation juridique. Les questions de savoir si et quand une perturbation existe, si et quand elle peut être considérée comme ayant des effets significatifs et quelle mesure est appropriée pour éviter cette perturbation sont laissées ensuite à l’appréciation et à la responsabilité des personnes privées requérantes.

36      D’après les personnes privées requérantes, la déclaration nationale de protection d’un site intervient de manière automatique et obligatoire. Le même résultat découlerait, d’ailleurs, des dispositions nationales transposant la directive habitats. Il en va de même, selon les personnes privées requérantes, pour la pratique administrative. Les autorités nationales se borneraient à un renvoi au droit communautaire, sans jugement concret de leur part ou même sans exercice d’un pouvoir d’appréciation propre.

37      En vertu de l’interdiction de détérioration et de l’obligation d’une évaluation appropriée conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats, les États membres devraient prendre toutes les mesures appropriées, d’où il résulterait une entrave à la libre exploitation du droit de propriété ou de jouissance des personnes privées requérantes.

38      À cet égard, les États membres ne disposeraient pas de pouvoir d’appréciation, car toutes les mesures permettant d’éviter les perturbations ou les détériorations doivent être prises. Les mesures nationales intermédiaires ne seraient donc pas nécessaires à cette fin et elles ne revêtiraient qu’un caractère déclaratif. Selon les personnes privées requérantes, même si les dispositions communautaires engendrent une obligation d’agir pour les autorités nationales, celle-ci ne constitue pas une condition de l’obligation d’agir des personnes privées requérantes. En fin de compte, l’appréciation et la responsabilité en ce qui concerne le caractère significatif des perturbations et le caractère approprié des mesures prévues par l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats dépendraient exclusivement des propriétaires des biens fonciers ou des personnes bénéficiant d’un droit de jouissance sur ces biens fonciers et donc des personnes privées requérantes.

39      L’obligation d’évaluation appropriée en vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats impliquerait que les éventuels effets d’accumulation et les effets à distance doivent être recensés. Dès lors, les effets de la directive habitats se répercuteraient également sur les alentours des sites classés comme sites d’importance communautaire. Il s’ensuit, selon les personnes privées requérantes, que les lots situés en dehors desdits sites sont également directement concernés.

40      La présente affaire se différencierait de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil, précitée, invoquée par la Commission dans son exception d’irrecevabilité. En effet, d’après les personnes privées requérantes, la directive faisant l’objet de cette affaire n’a pas tranché la question de savoir si la dénomination « mild » était expressément interdite ou si le législateur national pouvait choisir, lors de la transposition de la directive sur le tabac, une formulation plus ouverte, si bien que les États membres jouissaient d’une marge d’appréciation.

41      Enfin, les personnes privées requérantes, ainsi d’ailleurs que la commune requérante, font valoir qu’un rejet du présent recours comme irrecevable ne leur garantirait pas une protection juridictionnelle suffisante. En effet, elles ne disposeraient pas d’autres voies de recours. En particulier, il n’existerait pas de possibilité d’examiner la question décisive en l’espèce par la voie d’un renvoi préjudiciel des juridictions nationales conformément à l’article 234 CE, puisque la liste communautaire constituerait un acte d’un des organes de la Communauté ne relevant pas de la compétence des juridictions allemandes. Cela signifie, selon les requérants, que les juridictions nationales ne peuvent pas examiner la question de savoir si la Commission a inclus à tort les terrains des requérants dans la décision attaquée.

42      La Commission rétorque que, en cas de rejet du présent recours comme irrecevable, les requérants conservent la possibilité de soulever l’illégalité de la décision attaquée devant les juridictions nationales, qui ont le devoir d’interroger la Cour de justice sur la légalité de la décision attaquée au sens de l’article 234 CE.

 Appréciation du Tribunal

43      Il découle de la jurisprudence de la Cour que l’affectation directe requiert que la mesure communautaire incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt Dreyfus/Commission, précité, point 43, et la jurisprudence citée, et arrêt Salamander e.a./Parlement et Conseil, précité, point 52).

44      Il en va de même lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte communautaire est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêt Dreyfus/Commission, précité, point 44).

45      Les personnes privées requérantes font notamment valoir que le régime de protection prévu par l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats, auquel la décision attaquée soumet leurs lots, entraîne pour elles des conséquences négatives directes, telles que l’interdiction de détérioration et l’obligation d’évaluation des incidences des projets réalisés sur le site.

46      Or, s’il est vrai que l’article 4, paragraphe 5, de la directive habitats prévoit que, dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2, troisième alinéa, du même article, il est soumis aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive habitats, il importe de vérifier si ces dernières dispositions laissent ou non une marge de manœuvre aux autorités nationales.

47      L’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats oblige les États membres à prendre, dans les zones spéciales de conservation, « les mesures appropriées pour éviter […] la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive ». L’adjectif « appropriées » employée par cette disposition indique clairement que les États membres doivent apprécier au cas par cas si des mesures doivent être prises et, dans l’affirmative, quels types de mesures sont à prendre afin d’éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats. En outre, les mesures appropriées pour éviter les perturbations touchant les habitats et les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées ne doivent être prises qu’à la condition que « ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive ». La question de savoir si une perturbation est susceptible d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la directive habitats est donc laissée à l’appréciation des autorités nationales.

48      Il résulte de ces considérations que, contrairement aux allégations des personnes privées requérantes, l’article 6, paragraphe 2, de la directive habitats laisse aux États membres un pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt de la Cour du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, C‑127/02, Rec. p. I‑7405, I‑7409, point 133).

49      En vertu de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive habitats, tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d’un site, mais susceptible d’affecter celui-ci de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, doit faire l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site concerné eu égard aux objectifs de conservation de ce dernier. Il découle de cette disposition que seuls les plans ou projets susceptibles d’affecter un site de manière significative doivent faire l’objet d’une évaluation. En effet, l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats subordonne l’exigence d’une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet à la condition qu’il y ait une probabilité ou un risque qu’il affecte le site concerné de manière significative (arrêt de la Cour du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni, C‑6/04, Rec. p. I‑9017, point 54).

50      Un tel risque existe dès lors qu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, que ledit plan ou projet affecte le site concerné de manière significative (arrêts Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, précité, points 44 et 45, et Commission/Royaume‑Uni, précité, point 54). Néanmoins, la question de savoir si oui ou non et sur la base de quels critères un plan ou un projet remplit cette condition comporte nécessairement une appréciation de la part des autorités nationales (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Tizzano sous l’arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Commission/Allemagne, C‑98/03, Rec. p. I‑53, I‑57, point 38). Il en résulte que les États membres ne sont pas obligés de soumettre tous les plans ou projets dont sont titulaires les personnes privées requérantes à une évaluation appropriée de leurs incidences sur le site concerné.

51      Si les autorités nationales estiment qu’un projet est susceptible d’affecter les sites concernés de manière significative, elles doivent procéder, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, combiné au dixième considérant de la directive habitats, à une évaluation appropriée des incidences dudit projet sur les sites concernés. L’adjectif « appropriée » indique l’existence d’un pouvoir d’appréciation des États membres quant au type d’évaluation à effectuer. Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive habitats, « [c]ompte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public ». Il incombe aux autorités nationales compétentes, eu égard aux conclusions de l’évaluation des incidences du plan ou du projet sur le site concerné, de n’approuver un tel plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité dudit site. À cet égard, les autorités nationales disposent d’une marge d’appréciation qu’elles exercent selon les modalités définies par l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats (voir, en ce sens, arrêt Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging, précité, points 67 et 70).

52      En outre, l’article 6, paragraphe 4, de la directive habitats, que réserve la seconde phrase de l’article 6, paragraphe 3, de celle-ci, prévoit, sous certaines conditions, la possibilité d’autoriser un plan ou un projet pour des raisons impératives d’intérêt public majeur même en présence de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive habitats. De toute évidence, les autorités nationales disposent d’une marge d’appréciation en ce qui concerne la question de savoir si un plan ou un projet doit être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur.

53      Par conséquent, les États membres ne sont pas obligés d’interdire les plans ou les projets dont sont titulaires les personnes privées requérantes ou qui sont envisagés par ces dernières. Une interdiction éventuelle de l’un de ces projets découlerait non pas de la directive, mais de la décision de chaque État membre de donner exécution à la décision attaquée et à la directive habitats au cas par cas d’une façon plutôt qu’une autre (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 22 juin 2006, Freiherr von Cramer-Klett et Rechtlerverband Pfronten/Commission, T‑136/04, non encore publiée au Recueil, points 47 et 52 ; Mayer e.a./Commission, T‑137/04, non encore publiée au Recueil, points 60 et 65, et Sahlstedt e.a./Commission, T‑150/05, non encore publiée au Recueil, points 54 et 59 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Salamander e.a./Parlement et Conseil, précité, point 68, et ordonnance Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil, précitée, points 51 et suivants).

54      Il résulte des considérations précédentes que l’inclusion d’un site dans la liste des sites d’importance communautaire ne donne aucune indication précise quant aux mesures qui seront prises par les autorités nationales conformément aux dispositions de la directive habitats.

55      Les personnes privées requérantes, ainsi d’ailleurs que la commune requérante, invoquent enfin, en substance, leur droit à une protection juridictionnelle effective.

56      À cet égard, il convient de rappeler que le traité, par ses articles 230 CE et 241 CE, d’une part, et par son article 234 CE, d’autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23). Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes communautaires de portée générale ont la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit de manière incidente en vertu de l’article 241 CE devant le juge communautaire, soit devant les juridictions nationales et d’amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité desdits actes (arrêt de la Cour du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, Rec. p. 4199, point 20), à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 40).

57      Ainsi, il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 41).

58      Dans ce cadre, conformément au principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE, les juridictions nationales sont tenues, dans toute la mesure du possible, d’interpréter et d’appliquer les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière qui permette aux personnes physiques et morales de contester en justice la légalité de toute décision ou de toute autre mesure nationale relative à l’application à leur égard d’un acte communautaire de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 42).

59      Dès lors, à défaut d’être en mesure de demander l’annulation de l’acte attaqué, les requérants pourront contester les actes nationaux d’exécution de la directive habitats et de la décision attaquée les affectant et, dans ce contexte, ils conservent la possibilité d’en exciper l’illégalité devant les juridictions nationales, statuant dans le respect de l’article 234 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 novembre 1998, Kruidvat/Commission, C‑70/97 P, Rec. p. I‑7183, point 49 ; ordonnance du Tribunal du 12 juillet 2000, Conseil national des professions de l’automobile e.a./Commission, T‑45/00, Rec. p. II‑2927, point 26).

60      Il s’ensuit que les personnes privées requérantes ne sont pas directement concernées par la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si cette dernière les concerne individuellement.

 Sur l’affectation individuelle de la commune requérante

 Arguments des parties

61      S’agissant de l’affectation individuelle de la commune requérante, après avoir souligné les différences entre la présente affaire et celles ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil(C‑309/89, Rec. p. I‑1853), et à l’arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil (T‑13/99, Rec. p. II‑3305), la Commission considère que la commune requérante n’appartenait pas à un cercle fermé de personnes déterminées au moment de l’adoption de l’acte, et dont la Commission aurait voulu régler les droits.

62      D’après la Commission, même si l’on admet que la décision attaquée pourrait imposer certaines obligations à la commune requérante, ce ne serait que la conséquence d’une situation déterminée objectivement, à savoir la situation géographique des sites reprise dans l’annexe de la décision attaquée. La commune requérante ne serait pas non plus individualisée par le fait que la Commission aurait l’obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences de l’acte en question sur sa situation, une telle obligation n’étant pas prévue. En outre, il n’y aurait aucune règle prévoyant le droit d’être entendu pour la commune requérante. Le fait que la commune requérante affirme qu’elle devait, en tant que partie concernée, être entendue dans une procédure nationale d’audition et qu’elle l’a été serait à cet égard sans la moindre importance.

63      La Commission fait encore valoir que tout acte de portée générale de droit communautaire imposant aux États membres des obligations peut, suivant la structure institutionnelle de ces derniers, impliquer que diverses collectivités territoriales nationales soient tenues au respect de ces obligations. La situation de la commune requérante ne différerait pas de la situation d’autres organismes nationaux de droit public territorialement compétents à l’égard des sites classés comme sites d’importance communautaire dans la décision attaquée. La conception inverse aurait pour conséquence, selon la Commission, que tout organisme de droit public national chargé, sur la base de la répartition nationale des compétences, de mettre en œuvre un acte de droit communautaire serait en droit de former un recours en annulation contre cet acte. Cela porterait gravement atteinte à la neutralité du droit communautaire par rapport aux ordres constitutionnels nationaux.

64      La commune requérante fait valoir qu’elle se différencie d’autres organismes de droit public nationaux territorialement compétents pour des sites classés comme sites d’importance communautaire en ce que les espèces animales et végétales à protéger en vertu de la directive habitats n’existent pas sur le territoire de la commune. En outre, elle invoque l’arrêt de la Cour du 11 juillet 1984, Commune de Differdange e.a./Commission (222/83, Rec. p. 2889), dans le cadre duquel cinq communes luxembourgeoises contestaient une décision de la Commission adressée au Grand-Duché de Luxembourg et relative à des aides à certaines entreprises du secteur sidérurgique. Dans cet arrêt, la Cour aurait sous-entendu la capacité à ester en justice des communes et il devrait en aller de même pour la commune requérante.

65      La commune requérante fait également valoir que sa souveraineté territoriale, prévue à l’article 28, paragraphe 2, du Grundgesetz (loi fondamentale allemande), comprend l’autonomie de planification, c’est-à-dire le pouvoir de fixer des orientations à long terme et notamment de déterminer l’utilisation des sols sur son propre territoire. Ce pouvoir serait restreint, pour la commune requérante, par le classement de certaines parties de son territoire comme sites d’importance communautaire.

66      La commune requérante soutient également être individualisée par le droit de participation à la procédure, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt de la Cour du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26/76, Rec. p. 1875). En effet, elle a été entendue ou aurait dû être entendue dans le cadre de la procédure de consultation au niveau national faisant partie de la première étape au sens de la procédure prévue par l’article 4 de la directive habitats.

67      En outre, en raison de l’obligation de protection des alentours, l’affectation individuelle de la commune requérante devrait être également affirmée par rapport à la partie de son territoire située en dehors des sites classés mais se trouvant à proximité de ces derniers.

68      Enfin, la commune requérante, sur la base des considérations exposées au point 41 de la présente ordonnance, fait valoir qu’un rejet du présent recours comme irrecevable ne lui garantirait pas une protection juridictionnelle suffisante. La Commission soutient, sur la base des considérations exposées au point 42 de la présente ordonnance, l’opinion opposée.

 Appréciation du Tribunal

69      Il y a lieu de vérifier si la commune requérante est affectée par la décision attaquée en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de la décision attaquée (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 10 avril 2003, Commission/Nederlandse Antillen, C‑142/00 P, Rec. p. I‑3483, point 65).

70      La commune requérante fonde, en substance, son affectation individuelle notamment sur sa compétence autonome en matière d’aménagement du territoire ainsi que sur la protection des alentours.

71      S’agissant de l’argument tiré du pouvoir autonome de la commune requérante en matière d’aménagement du territoire, même à supposer qu’elle soit compétente pour l’exécution de la directive habitats, cette compétence ne saurait l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En effet, sa situation juridique à cet égard ne se différencie pas de celle de toute autre autorité nationale chargée de donner exécution à la directive habitats, et notamment à l’article 6, paragraphes 2 à 4, de cette dernière.

72      Il est vrai que les autorités compétentes au niveau national pour l’exécution de la directive habitats sont obligées, en vertu de l’article 6 de la directive habitats, de prendre des mesures de conservation nécessaires, notamment celles visant à éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces (paragraphe 2) et celles visant à évaluer d’une façon appropriée des incidences sur les sites classés des plans ou des projets susceptibles de les affecter de manière significative (paragraphe 3). Toutefois, la définition des sites d’importance communautaire dans la décision attaquée est de nature générale et abstraite, dans la mesure où elle vise non pas des personnes précises, mais des parties de territoire. Si ces dernières sont très restreintes, elles sont cependant uniquement déterminées en fonction de la dénomination, de la superficie et des coordonnées géographiques d’un site, qui sont des critères généraux et abstraits.

73      Or, eu égard au caractère général et abstrait de la définition des sites classés dans la décision attaquée, l’influence éventuelle des obligations issues de la directive habitats sur l’exercice de la compétence de la commune requérante pour l’aménagement et la protection du territoire s’exerce de la même manière à l’égard de toute autre commune dont le territoire comprend un site classé par la décision attaquée. D’ailleurs, ainsi que le relève à juste titre la Commission dans son exception d’irrecevabilité, tout acte général de droit communautaire imposant aux États membres des obligations peut, suivant la structure institutionnelle de ces derniers, impliquer que diverses collectivités territoriales nationales soient tenues au respect de ces obligations. Dès lors, la présente situation ne différencie nullement la commune requérante par rapport à la situation d’autres organismes nationaux de droit public territorialement compétents à l’égard des sites classés comme sites d’importance communautaire dans la décision attaquée.

74      À cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt général qu’une entité administrative régionale ou locale, en tant qu’autorité compétente pour les questions d’ordre économique et social sur son territoire, peut avoir à obtenir un résultat favorable pour la prospérité économique de ce dernier ne saurait, à lui seul, suffire à le considérer comme étant concerné, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par des actes de portée générale (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 22 novembre 2001, Nederlandse Antillen/Conseil, C‑452/98, Rec. p. I‑8973, point 64, et Commission/Nederlandse Antillen, précité, point 69).

75      S’agissant de l’argument tiré de la protection des alentours, il suffit de relever que ces derniers ne sont pas concernés par la décision attaquée.

76      Quant à l’arrêt Commune de Differdange e.a./Commission, précité, qui est invoqué par la commune requérante, il importe de souligner que, si, dans cet arrêt, la Cour a rejeté la requête, notamment en raison de la marge d’appréciation laissée aux autorités nationales par la décision attaquée dans cette affaire, elle n’a pas pris position de manière générale sur la question de l’affectation individuelle des communes au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

77      En outre, la commune requérante fait valoir que les espèces animales et végétales à protéger énumérées par la directive habitats n’existeraient pas sur son territoire. Or, cette prétendue erreur de la Commission dans la désignation d’une partie du territoire de la commune requérante comme site d’importance communautaire ne concerne que le fond du présent recours et ne saurait donc individualiser la commune requérante au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE tel qu’interprété par la jurisprudence.

78      De plus, la commune requérante n’est pas titulaire d’un droit de participation à la procédure qui pourrait l’individualiser au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 22 et suivants), ou de l’arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Métropole télévision/Commission (T‑528/93, T‑542/93, T‑543/93 et T‑546/93, Rec. p. II‑649, point 62).

79      En effet, il est de jurisprudence constante que – en principe – ni le processus d’élaboration des actes de portée générale ni ces actes eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit communautaire, tels que le droit d’être entendu, la participation des personnes affectées, les intérêts de celles‑ci étant censés être représentés par les instances politiques appelées à adopter ces actes (ordonnances du Tribunal du 15 septembre 1998, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, T‑109/97, Rec. p. II‑3533, point 60, et du 9 novembre 1999, CSR Pampryl/Commission, T‑114/99, Rec. p. II‑3331, point 50).

80      Il résulte également de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission, C‑48/96 P, Rec. p. I‑2873, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C‑135/92, Rec. p. I‑2885, points 39 et 40), que l’exigence d’entendre les intéressés avant l’adoption de l’acte qui les concerne ne s’impose que lorsque la Commission envisage l’application d’une sanction ou de prendre une mesure susceptible d’affecter leur situation juridique. Le droit d’être entendu dans le contexte d’une procédure administrative visant une personne spécifique ne saurait être transposé dans le contexte d’une procédure législative conduisant à l’adoption de mesures de portée générale. La jurisprudence constante en matière de concurrence, qui exige que les entreprises présumées avoir enfreint les règles du traité soient entendues en leurs observations avant que des mesures, notamment des sanctions, soient prises à leur égard doit être appréciée dans son propre contexte et ne saurait être étendue à celui d’une procédure législative communautaire aboutissant à l’adoption de mesures normatives qui impliquent un choix de politique économique et s’appliquent à la généralité des opérateurs concernés (arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./CE, T‑521/93, Rec. p. II‑1707, point 70).

81      La commune requérante ainsi d’ailleurs que les personnes privées requérantes invoquent enfin, en substance, leur droit à une protection juridictionnelle effective pour fonder leur qualité pour agir.

82      Pour les raisons déjà exposées aux points 56 et suivants de la présente ordonnance, cet argument ne saurait être retenu.

83      Il résulte des considérations précédentes que la commune requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de savoir si cette dernière la concerne directement.

84      Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Les requérants sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Fait à Luxembourg, le 19 septembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’allemand.