Language of document : ECLI:EU:C:2024:109

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

2 février 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑597/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 septembre 2023,

Apart sp. z o.o., établie à Suchy Las (Pologne), représentée par Me J. Gwiazdowska, radca prawny,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

S. Tous, SL, établie à Manresa (Espagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, M. J.‑C. Bonichot (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. A. Collins, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Apart sp. z o.o. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 26 juillet 2023, Apart/EUIPO – S. Tous (Représentation du contour d’un ours) (T‑591/21, EU:T:2023:433, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 6 juillet 2021 (affaire R 222/2020-5), relative à une procédure de nullité entre Apart et S. Tous, SL.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union. À cet égard, elle avance deux moyens, divisés chacun en deux branches et tirés de la méconnaissance de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et sous e), iii), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), respectivement.

7        Par la première branche de son premier moyen, la requérante allègue que, en considérant, au point 67 de l’arrêt attaqué, que le fait que le marché des bijoux soit saturé de la forme d’un ours en peluche n’a pas d’importance pour l’appréciation du caractère distinctif de la marque contestée, le Tribunal a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. En effet, il aurait ainsi méconnu la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI (C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31), citée au point 43 de l’arrêt attaqué, aux termes de laquelle plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif.

8        Il serait donc important pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union de déterminer l’importance que revêt pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque figurative le fait que le marché soit saturé d’une forme de produit correspondant à la forme de cette marque, afin d’uniformiser l’appréciation du caractère distinctif des marques par les juridictions.

9        Par la seconde branche de son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir jugé, au point 71 de l’arrêt attaqué, que le contour de la marque contestée présentait suffisamment d’éléments pour considérer qu’il ne pouvait pas être comparé à une simple forme géométrique et qu’il était susceptible de transmettre un message au destinataire. Or, il aurait également estimé, au point 54 de l’arrêt attaqué, que le contour de la marque contestée était subtil et, au point 70 dudit arrêt, qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base n’est pas, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du 12 septembre 2007, Cain Cellars/OHMI (Représentation d'un pentagone) (T‑304/05, EU:T:2007:271, point 22), susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir.

10      Par conséquent, il serait important pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union de déterminer ce que signifie la forme simple de la marque et, plus spécifiquement, si le contour subtil et flou et les formes arrondies d’une marque suffisent pour considérer que les consommateurs sont en mesure de la mémoriser. D’après la requérante, une réponse à ces questions uniformiserait l’appréciation, par les juridictions, du caractère distinctif des marques simples, étant donné notamment que la Cour s’est uniquement prononcée sur la notion de « forme » (voir, arrêt du 14 mars 2019, Textilis, C‑21/18, EU:C:2019:199, points 35 et 36) et non sur celle de « forme simple ».

11      Par la première branche de son second moyen, la requérante fait valoir que, en jugeant que la marque contestée n’était pas un signe constitué exclusivement par une forme qui augmente la valeur des produits, le Tribunal a violé l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94. Ce faisant, il aurait aussi méconnu la jurisprudence issue de l’arrêt du 6 octobre 2011, Bang & Olufsen/OHMI (Représentation d'un haut-parleur) (T‑508/08, EU:T:2011:575), selon laquelle l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94 vise des formes telles que des bijoux, pour lesquelles il serait naturel que la valeur du produit dépende dans une large mesure de sa forme. En outre, il aurait omis de prendre en compte le fait que la forme de la marque contestée suscite des émotions positives, à savoir la nostalgie de l’enfance, qui déterminent l’achat du produit en augmentant son attractivité.

12      Dès lors, il serait important pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union de déterminer si un signe figuratif qui suscite des émotions aux consommateurs peut être considéré comme un signe constitué par une « forme qui augmente la valeur des produits » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94, ce qui permettrait d’uniformiser l’appréciation, par les juridictions, de cette notion.

13      Par la seconde branche de son second moyen, la requérante allègue que le Tribunal a violé l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/94, en ce qu’il a considéré, au point 90 de l’arrêt attaqué, que la marque contestée n’était pas constituée exclusivement par la forme du produit, sans toutefois examiner quelles caractéristiques de la forme de la marque et des produits affectaient la décision d’achat du consommateur, ni s’il s’agissait de caractéristiques originales ou fonctionnelles. Or, d’après la requérante, seules les caractéristiques originales du produit, et non les génériques, sont déterminantes et peuvent augmenter la valeur des produits. Il serait donc important pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union de déterminer si, pour être refusé à l’enregistrement au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement no 40/04, un signe doit être complètement identique à la forme des produits ou si, au contraire, l’identité au sens de cette disposition s’applique uniquement aux éléments originaux du produit et du signe. Une réponse à cette question conduirait à uniformiser l’appréciation, par les juridictions, de ladite disposition.

14      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

15      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

16      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

17      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 novembre 2023, Consulta/EUIPO, C‑443/23 P, EU:C:2023:859, point 15).

18      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée aux points 7, 9 et 11 de la présente ordonnance, tirée de la méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence ou de celle de la Cour, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance. Or, force est de constater que la requérante ne fournit pas suffisamment d’indications sur la similitude des situations visées dans ces décisions, permettant d’établir la réalité des contradictions alléguées (voir, par analogie, ordonnance du 13 juillet 2023, Hecht Pharma/EUIPO, C‑142/23 P, EU:C:2023:600, point 19).

19      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation exposée aux points 8, 12 et 13 de la présente ordonnance, il y a lieu de constater qu’elle ne répond pas aux exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance. En effet, si la requérante invoque des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle se limite à présenter des arguments d’ordre général, affirmant qu’il existerait un besoin d’uniformiser la jurisprudence, sans exposer de manière spécifique les raisons concrètes pour lesquelles de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi (voir, par analogie, ordonnance du 11 octobre 2023, Emmentaler Switzerland/EUIPO, C‑458/23 P, EU:C:2023:762, point 14).

20      En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’argumentation résumée au point 10 de la présente ordonnance, par laquelle la requérante fait valoir que la Cour ne s’est pas encore prononcée sur la notion de « forme simple », il suffit de rappeler que le fait qu’une question n’a pas fait l’objet d’un examen par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi est toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère nouveau de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard desdits critères (voir, en ce sens, ordonnance du 27 octobre 2023, Wallmax/EUIPO, C‑495/23 P, EU:C:2023:824, point 18).

21      Or, une telle démonstration ne ressort pas de la présente demande, la requérante se bornant à affirmer, de manière générique, que la Cour ne s’est pas encore exprimée sur la question concernée.

22      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

23      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

25      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Apart sp. z o. o. supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.