Language of document : ECLI:EU:T:2020:567

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

25 novembre 2020 (*)

« Recherche, développement technologique et espace – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” (2014-2020) – Procédure d’appel à propositions H2020-CS 2-CFP08-FRC‑2018-01 – Rejet de la proposition soumise par le requérant – Attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier – Article 15, paragraphe 4, du règlement (UE) no 1290/2013 – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Détournement de pouvoir – Défaut d’examen suffisant de la proposition – Dénaturation des faits »

Dans l’affaire T‑71/19,

BMC Srl, établie à Medicina (Italie), représentée par Mes S. Dindo et L. Picotti, avocats,

partie requérante,

contre

Entreprise commune Clean Sky 2, représentée par M. B. Mastantuono, en qualité d’agent, assisté de Me M. Velardo, avocate,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’entreprise commune Clean Sky 2 du 10 octobre 2018 rejetant la proposition no 831874 « smart De-icing bARrier Filter (DwARF) » présentée par la requérante dans le cadre de l’appel à propositions H2020-CS 2-CFP08-FRC‑2018-01 et de sa décision du 6 décembre 2018 rejetant la demande de la requérante concernant la révision de l’évaluation de ladite proposition et confirmant la décision de rejet de la proposition du 10 octobre 2018,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et J. Laitenberger, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, BMC Srl, est une entreprise italienne opérant dans les secteurs de l’automobile, du motocycle et de l’aéronautique.

2        L’entreprise commune Clean Sky 2 est un partenariat public-privé associant l’Union européenne, représentée par la Commission européenne, et des membres issus du secteur privé. Elle a été établie, en vertu de l’article 1er du règlement (UE) no 558/2014 du Conseil, du 6 mai 2014, établissant l’entreprise commune Clean Sky 2 (JO 2014, L 169, p. 77), aux fins de la mise en œuvre de l’initiative technologique conjointe dans le domaine de l’aéronautique.

3        Selon l’article 2, sous a) et b), du règlement no 558/2014, l’entreprise commune Clean Sky 2 a pour objectifs, notamment, de contribuer à la mise en œuvre du règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et abrogeant la décision no 1982/2006/CE (JO 2013, L 347, p. 104), et, plus spécifiquement, d’un objectif dans le domaine des « transports intelligents, verts et intégrés », ainsi que de contribuer à l’amélioration de l’impact environnemental des technologies de l’aéronautique.

4        Il ressort de l’article 2, sous a), et de l’article 8, paragraphe 2, sous m) et n), de l’annexe I du règlement no 558/2014 que l’entreprise commune Clean Sky 2 est chargée, notamment, d’apporter un soutien financier aux actions indirectes de recherche et d’innovation, principalement sous la forme de subventions à la suite d’appels à propositions ouverts, transparents et concurrentiels, après évaluation et classement des propositions par des experts indépendants.

5        En vertu de l’article 17 du règlement no 558/2014, le règlement (UE) no 1290/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, définissant les règles de participation au programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et les règles de diffusion des résultats et abrogeant le règlement (CE) no 1906/2006 (JO 2013, L 347, p. 81), s’applique aux actions financées par l’entreprise commune Clean Sky 2. Cet article dispose, en outre, notamment, que, conformément au règlement no 1290/2013, « l’entreprise commune Clean Sky 2 est considérée comme un organisme de financement ».

6        L’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1290/2013 fixe les critères d’attribution sur la base desquels les propositions sont évaluées, à savoir « excellence », « incidence » et « qualité et efficacité de la mise en œuvre ». Conformément au paragraphe 4 de cet article, le programme de travail ou le plan de travail détaillent les modalités d’application desdits critères d’attribution et précisent les pondérations et les seuils. Selon les paragraphes 6 et 7 de cet article, l’évaluation est effectuée par des experts indépendants, les propositions sont classées en fonction des résultats de l’évaluation et la sélection se fait sur la base de ce classement.

7        Selon l’article 2, paragraphe 1, points 21 et 22, du règlement no 1290/2013, le « programme de travail » est le document adopté par la Commission pour la mise en œuvre du programme spécifique d’exécution du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et le « plan de travail » est le document, analogue au programme de travail de la Commission, adopté par les organismes de financement, dont l’entreprise commune Clean Sky 2, chargés d’une partie de la mise en œuvre dudit programme-cadre.

8        L’article 16 du règlement no 1290/2013 établit une procédure de révision de l’évaluation pour les candidats qui estiment que l’évaluation de leur proposition n’a pas été réalisée conformément aux procédures énoncées dans ce règlement, le programme de travail, le plan de travail ou l’appel à propositions correspondants. Conformément au paragraphe 3 de cet article, la Commission ou l’organisme de financement compétent se charge de l’examen de la demande de révision de l’évaluation lequel porte uniquement sur les aspects procéduraux de l’évaluation et non sur la pertinence de la proposition. Conformément au paragraphe 4 de cet article, le comité de révision de l’évaluation émet un avis sur les aspects procéduraux du processus d’évaluation. Le comité peut recommander soit une réévaluation de la proposition, soit la confirmation de l’évaluation initiale. En vertu du paragraphe 5 de cet article, une décision est prise par la Commission ou l’organisme de financement compétent sur la base de la recommandation visée au paragraphe 4 et notifiée au coordonnateur de la proposition. Enfin, selon le paragraphe 7 du même article, la procédure de révision ne fait pas obstacle à toute autre action que le participant est susceptible d’engager conformément au droit de l’Union.

9        L’entreprise commune Clean Sky 2 publie son plan de travail semestriel, les appels à propositions et ses règles applicables aux procédures de soumission, d’évaluation, de sélection, d’attribution et de réexamen de propositions (ci-après les « règles CS 2 »). Ces documents sont accessibles sur le site Internet de l’entreprise commune Clean Sky 2 et sur le portail de la Commission dédié aux participants. Le point 4 des règles CS 2 précise les aspects procéduraux de l’évaluation d’une proposition. Il en ressort que les experts indépendants, au nombre de trois, voire plus, évaluent les propositions au cours d’une procédure qui peut impliquer trois étapes. Premièrement, chaque expert effectue une évaluation individuelle. Deuxièmement, les experts se concertent au sein de « groupes de consensus » afin de parvenir à un consensus sur les observations et les notes à attribuer. Lors d’une troisième étape, la cohérence de l’ensemble des évaluations des « groupes de consensus » est vérifiée par un comité d’examen. Cette troisième étape peut être effectuée lors de la deuxième étape si les experts sont les mêmes. Le rapport du comité d’examen inclut le rapport de synthèse de l’évaluation de chaque proposition et la liste des propositions ayant atteint le seuil minimal et obtenu une note finale. Ensuite, l’entreprise commune Clean Sky 2 classe les propositions ayant atteint le seuil sur la base des évaluations des experts indépendants. La liste des propositions sélectionnées pour un financement sur le fondement de ce classement est soumise au comité directeur de l’entreprise commune Clean Sky 2 pour approbation. La procédure relative aux demandes de révision est également évoquée dans les règles CS 2. Il y est indiqué, notamment, que la révision porte uniquement sur les aspect procéduraux de l’évaluation et non sur la pertinence de la proposition.

10      Le 3 mai 2018, l’entreprise commune Clean Sky 2 a publié l’appel à propositions H2020-CS 2-CFP08-2018-01 [8th Call for proposals (CFP08)] (ci-après l’« appel à propositions »), dans le cadre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020).

11      Il était précisé dans l’appel à propositions que les participants devaient se référer aux règles applicables telles qu’énoncées dans un document de l’entreprise commune Clean Sky 2 intitulé « First amended Work Plan 2018-2019 » (ci-après le « plan de travail 2018-2019 ») ainsi qu’aux règles CS 2.

12      L’appel à propositions comprenait, notamment, le sujet thématique JTI-CS 2-2018-CFP08-FRC‑01-21 intitulé « Development of effective engine air intake and protection systems for Tilt Rotor ». Celui-ci avait pour objet le développement d’un système intégré d’aspiration et de protection antigel pour le moteur des hélicoptères avec des rotors basculants.

13      Le 12 juillet 2018, la requérante a envoyé une proposition intitulée « smart De-icing bARrier Filter (DwARF) » (ci-après la « proposition DwARF ») relative au sujet thématique mentionné au point 12 ci-dessus. Le numéro 831874 a été attribué à cette proposition.

14      Par lettre du 10 octobre 2018 (ci-après la « décision du 10 octobre 2018 »), l’entreprise commune Clean Sky 2 a informé la requérante que sa proposition n’avait pas été retenue pour bénéficier du financement sollicité, faute d’avoir atteint le seuil nécessaire (ci-après l’« évaluation initiale »). Le rapport de synthèse de l’évaluation initiale (ci-après le « rapport de synthèse »), fondé sur les observations et l’avis des experts qui avaient évalué la proposition pour le compte de l’entreprise commune Clean Sky 2, était joint à cette lettre.

15      Il ressort du rapport de synthèse que la proposition DwARF s’est vu attribuer les notes de 2,5 sur 5 pour le critère d’attribution « excellence », de 3,5 sur 5 pour le critère d’attribution « incidence » et de 2,5 sur 5 pour le critère d’attribution « qualité et efficacité de la mise en œuvre » et, par conséquent, une note totale de 8,5 sur 15.

16      Le 8 novembre 2018, la requérante a présenté une demande de révision de l’évaluation initiale.

17      Par lettre du 6 décembre 2018 (ci-après la « décision du 6 décembre 2018 »), l’entreprise commune Clean Sky 2 a informé la requérante que le comité de révision de l’évaluation avait estimé que la procédure d’évaluation n’était entachée d’aucune défaillance procédurale, de sorte que sa demande de révision de l’évaluation initiale avait été rejetée et que cette dernière était confirmée.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2019, la requérante a introduit le présent recours. Celui-ci était dirigé contre la Commission et contre l’entreprise commune Clean Sky 2.

19      Le 7 mai 2019, par acte séparé, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 15 juillet 2019.

20      Par l’ordonnance du 22 octobre 2019, BMC/Commission et Entreprise commune Clean Sky 2 (T‑71/19, non publiée, EU:T:2019:755), le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable en tant qu’il était dirigé contre la Commission.

21      Le 28 mai 2019, l’entreprise commune Clean Sky 2 a déposé le mémoire en défense.

22      Le 3 septembre 2019, la requérante a déposé la réplique.

23      Le 18 octobre 2019, l’entreprise commune Clean Sky 2 a déposé la duplique.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Par lettre du greffe du 11 mars 2020, les parties ont été invitées, à titre de mesures d’organisation de la procédure, à répondre à plusieurs questions et l’entreprise commune Clean Sky 2 a été invitée à produire certains documents, ce qu’elles ont fait dans les délais impartis.

26      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 6 décembre 2018 ;

–        annuler la décision du 10 octobre 2018 ;

–        condamner l’entreprise commune Clean Sky 2 aux dépens.

27      Dans la réplique, la requérante a demandé, en outre, que le Tribunal ordonne à l’entreprise commune Clean Sky 2 de produire la proposition qui a été sélectionnée par cette dernière dans le cadre du sujet thématique en cause.

28      L’entreprise commune Clean Sky 2 conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable et non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

29      Dans la duplique, l’entreprise commune Clean Sky 2 a demandé au Tribunal de rejeter, en tant qu’irrecevable, la demande de production de document formulée par la requérante dans la réplique.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 septembre 2020.

 En droit

 Sur la recevabilité 

31      Sans soulever une exception d’irrecevabilité par acte séparé sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’entreprise commune Clean Sky 2 conclut à l’irrecevabilité du recours en raison du manque de clarté et de précision des moyens.

32      En l’espèce, si les moyens invoqués par la requérante manquent quelque peu de clarté et se recoupent, au vu de l’argumentation présentée dans le mémoire en défense et dans la duplique, il y a lieu de considérer que l’entreprise commune Clean Sky 2 a été en mesure de comprendre les reproches qui lui étaient adressés par la requérante dans la mesure où elle n’a pas exprimé de doutes quant à l’objet du recours et où elle est parvenue à répondre aux moyens soulevés sur le fond. Ce constat suffit pour considérer que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours est fondé ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même.

33      Dans ces circonstances, les conditions prévues au titre de la recevabilité par l’article 76, sous d), du règlement de procédure doivent être considérées comme étant remplies.

 Sur la demande visant à l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure

34      En ce qui concerne la demande d’enjoindre à l’entreprise commune Clean Sky 2 de produire la proposition qui a été sélectionnée par cette dernière dans le cadre du sujet thématique en cause, il convient de relever que, dans la requête, la requérante a indiqué qu’elle entendait obtenir une copie des propositions ayant obtenu un financement et a formulé une réserve quant à l’invocation éventuelle de moyens supplémentaires. Elle fait valoir que, en l’absence du document concerné, il lui est impossible de vérifier si le consortium attributaire a respecté les objectifs à atteindre et éventuellement de contester l’attribution.

35      En l’espèce, d’une part, il convient de relever que, conformément à l’article 15 du règlement no 558/2014, sans préjudice de l’article 16 de ce même règlement, l’entreprise commune Clean Sky 2 protège les informations sensibles dont la divulgation risque de porter préjudice aux intérêts, notamment, des participants à ses activités. Le point 2 des règles CS 2 souligne, parmi certains « points clés », que la confidentialité des propositions sera respectée. D’autre part, il convient de relever que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 558/2014, le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), s’applique aux documents détenus par l’entreprise commune Clean Sky 2.

36      Ainsi, le document demandé, détenu par l’entreprise commune Clean Sky 2, aurait pu faire l’objet d’une demande d’accès sur le fondement du règlement no 1049/2001, sous réserve d’éventuelles exceptions tirées de la protection de secrets d’affaires pouvant justifier un refus d’accès partiel. Or, il ne ressort pas du dossier que la requérante ait présenté une telle demande. En outre, elle n’a pas exposé les raisons pour lesquelles une telle demande n’avait pas pu être faite à un stade antérieur. Par ailleurs, elle n’a pas fourni un minimum d’éléments accréditant l’utilité du document demandé pour les besoins de l’instance.

37      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la demande de la requérante visant à l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure.

 Sur le fond

38      Au soutien de son recours, la requérante soulève sept moyens.

39      Le premier moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 15 du règlement no 1290/2013 et de l’obligation de motivation visée à l’article 296 TFUE et à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et d’un détournement de pouvoir, en ce qu’il a été attribué à la proposition DwARF, pour chacun des trois critères d’attribution, une note non prévue dans le barème de notation, du fait qu’elle ne correspond pas à un nombre entier. Ce moyen s’articule, en substance, autour de deux branches. La première porte sur la légalité de l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier. La seconde, qui se divise en trois griefs, porte sur le bien-fondé des notes attribuées à la proposition DwARF et des appréciations des experts s’agissant de chacun des trois critères d’attribution, « excellence », « incidence » et « qualité et efficacité de la mise en œuvre ».

40      Le deuxième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir en ce qu’il a été appliqué pour les trois critères d’attribution une note non prévue dans le barème de notation, en ce qu’elle ne correspond pas à un nombre entier.

41      Le troisième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir lié à un défaut d’examen suffisant de la proposition et à une dénaturation des faits ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne l’évaluation de la capacité de la requérante à mettre en œuvre la proposition DwARF. Dans le cadre de ce moyen, la requérante met en exergue le caractère prétendument complet et novateur de cette proposition, relatif au critère d’attribution « excellence ».

42      Le quatrième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir en raison d’un défaut d’examen suffisant de la proposition et d’une dénaturation des faits en ce qui concerne le critère d’attribution « excellence ».

43      Le cinquième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir en raison d’un défaut d’examen suffisant de la proposition et d’une dénaturation des faits en ce qui concerne le critère d’attribution « incidence ».

44      Le sixième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir en ce que la décision du 10 octobre 2018 et la décision du 6 décembre 2018 ne permettraient pas la réalisation de certains objectifs plus larges que l’entreprise commune Clean Sky 2 serait censée poursuivre.

45      En outre, par un moyen préliminaire figurant dans la partie introductive de la requête, la requérante reproche à l’entreprise commune Clean Sky 2 d’avoir confirmé la décision du 10 octobre 2018 dans la décision du 6 décembre 2018 sans répondre aux griefs soulevés dans la demande de révision de l’évaluation initiale.

46      Le Tribunal estime que les moyens et les arguments présentés peuvent être utilement regroupés. En premier lieu, le Tribunal examinera le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation de la décision du 6 décembre 2018 (moyen figurant dans la partie introductive de la requête). En deuxième lieu, il examinera la légalité de l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier et les griefs tirés d’un détournement de pouvoir lié à cette attribution et d’un défaut de motivation (première branche du premier moyen et deuxième moyen). En troisième lieu, il examinera les griefs relatifs au bien-fondé des appréciations et tirés d’un détournement de pouvoir lié à un défaut d’examen suffisant de la proposition et à une dénaturation des faits concernant les critères d’attribution « excellence » (premier grief de la seconde branche du premier moyen, certains arguments soulevés dans le cadre du troisième moyen et quatrième moyen), « incidence » (deuxième grief de la seconde branche du premier moyen et cinquième moyen) et « qualité et efficacité de la mise en œuvre » (troisième grief de la seconde branche du premier moyen) ainsi que concernant la « capacité opérationnelle » de la requérante (troisième moyen). En quatrième et dernier lieu, il examinera le sixième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir plus large.

 Sur le moyen préliminaire relatif à une prétendue violation de l’obligation de motivation de la décision du 6 décembre 2018

47      La requérante reproche à l’entreprise commune Clean Sky 2 d’avoir confirmé la décision du 10 octobre 2018 par la décision du 6 décembre 2018 sans répondre aux griefs soulevés dans sa demande de révision de l’évaluation initiale.

48      L’entreprise commune Clean Sky 2 conteste cette argumentation.

49      Il convient de rappeler que l’obligation de motivation, prévue à l’article 296 TFUE, constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celle-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence et inopérants dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (arrêts du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37, et du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, points 52 et 59 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, points 35 à 38).

50      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑301/96, EU:C:2003:509, point 87, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66).

51      Ainsi, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, la décision du 10 octobre 2018 avait pour objet de statuer sur la proposition DwARF, présentée par la requérante en réponse à l’appel à propositions. L’objet de la décision du 6 décembre 2018 était de statuer sur la régularité procédurale de l’évaluation de cette proposition au regard des arguments invoqués, le cas échéant, à l’appui de la demande de révision de la décision du 10 octobre 2018. Partant, la décision du 6 décembre 2018 ne pouvait reposer que sur des motifs différents de ceux de la décision du 10 octobre 2018 et la motivation de la décision du 6 décembre 2018 doit être appréciée en tenant compte également des éléments de motivation contenus dans la décision du 10 octobre 2018.

53      Dans sa demande de révision de l’évaluation initiale, d’une part, la requérante a souligné son positionnement sur le marché aérospatial et la circonstance qu’elle était titulaire de plusieurs brevets protégeant des technologies novatrices de filtration d’air avec système de dégivrage. D’autre part, elle a contesté les appréciations des experts relatives aux trois critères d’attribution, y compris en ce qui concernait les divers manques d’informations répertoriés, et a indiqué que l’appel à propositions manquait lui-même de précision.

54      La décision du 6 décembre 2018 a informé la requérante des motifs justifiant le rejet de sa demande de révision, en particulier le fait qu’elle n’avait identifié aucun élément factuel permettant de constater une éventuelle défaillance procédurale dans la procédure d’évaluation et que cette dernière n’était entachée d’aucune défaillance de cette nature.

55      Dans la mesure où la procédure de révision prévue à l’article 16 du règlement no 1290/2013 ne porte que sur les aspects procéduraux de l’évaluation, et non sur la pertinence de la proposition, et où les éléments soulevés par la requérante dans sa demande de révision ne portaient que sur le bien-fondé des appréciations des experts, et non sur des aspects procéduraux de l’évaluation, l’entreprise commune Clean Sky 2 pouvait, sans méconnaître son obligation de motivation dans le cadre de la procédure de révision, s’abstenir de répondre aux griefs de la requérante relatifs au bien-fondé des appréciations des experts. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que la requérante n’a pas soulevé la question de l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier au stade de la demande de révision.

56      Il s’ensuit que la décision du 6 décembre 2018 fait apparaître de façon claire et suffisante les raisons pour lesquelles la demande de révision a été rejetée. Cette décision est donc motivée à suffisance de droit au regard des exigences rappelées par la jurisprudence citée aux points 49 à 51 ci-dessus.

57      Partant, le moyen préliminaire relatif à la violation de l’obligation de motivation de la décision du 6 décembre 2018 doit être écarté.

 Sur la première branche du premier moyen et sur le deuxième moyen, relatifs à la légalité de l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier

58      Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier constitue une violation de l’article 15, paragraphe 4, du règlement no 1290/2013 et un vice de la procédure d’évaluation qui, en raison d’un détournement de pouvoir, a conduit à ce que la proposition DwARF se soit vu attribuer une note inférieure au seuil minimal. Par le deuxième moyen, la requérante soutient que l’attribution de telles notes pour chaque critère d’attribution traduit une intention d’empêcher la proposition DwARF d’atteindre le seuil minimal de dix points, qui aurait permis d’obtenir un financement, et constitue dès lors un détournement de pouvoir. Selon elle, il n’y a aucune raison logique pour attribuer une note ne correspondant pas à un nombre entier pour chacun des trois critères d’attribution. Par ailleurs, aucune motivation et aucun critère n’ont été fournis pour appuyer une telle démarche.

59      L’entreprise commune Clean Sky 2 conteste ces arguments.

60      À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1290/2013, les propositions sont évaluées sur la base de trois critères d’attribution, à savoir « excellence », « incidence » et « qualité et efficacité de la mise en œuvre ». Le paragraphe 4 de cet article dispose que « [l]e programme de travail ou le plan de travail détaillent les modalités d’application des critères d’attribution fixés au paragraphe 1 et précisent les pondérations et les seuils ».

61      D’une part, force est de constater que l’article 15, paragraphe 4, du règlement no 1290/2013 n’interdit pas l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier. D’autre part, les autres textes auxquels il renvoie explicitement, à savoir le programme de travail ou le plan de travail, s’agissant des modalités d’application, des pondérations et des seuils des critères d’attribution, ne prévoient pas non plus une telle interdiction.

62      En effet, en l’espèce, et conformément à l’article 15, paragraphe 4, du règlement no 1290/2013, les modalités d’application des critères d’attribution fixés au paragraphe 1 de cet article étaient détaillées dans la partie H des annexes générales du programme de travail du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) pour la période allant de 2018 à 2019 (ci-après les « annexes générales ») et au point 3.3 du plan de travail 2018-2019, ce dernier renvoyant à l’appel à propositions qui, à son tour, renvoyait aux règles CS 2.

63      La partie H des annexes générales et le point 3.3 du plan de travail 2018-2019 n’interdisent pas l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier. Par ailleurs, le point 4.3 des règles CS 2 dispose qu’une note entre zéro et cinq sera attribuée pour chaque critère d’attribution et associe une mention explicative à chaque note correspondant à un nombre entier. Elle dispose en outre que des notes intermédiaires, à savoir des demi-points, sont possibles. Ainsi, les règles CS 2 permettent explicitement l’attribution de telles notes. Partant, le cadre réglementaire applicable à l’appel à propositions, dont tous les textes constitutifs avaient été publiés à l’avance, autorisait expressément l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier.

64      Il s’ensuit que, en attribuant des notes ne correspondant pas à un nombre entier à la proposition DwARF, les experts n’ont pas violé l’article 15, paragraphe 4, du règlement no 1290/2013. Ils n’ont pas davantage méconnu le programme de travail, le plan de travail ou l’appel à propositions. Partant, ils ont pleinement respecté le barème de notation qui avait été établi à l’avance.

65      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la requérante selon lesquels l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier ouvrirait la voie à des évaluations subjectives, ne permettrait pas de déterminer si la note doit être comprise comme correspondant à moins 0,5 point par rapport à la note supérieure ou à plus 0,5 point par rapport à la note inférieure, pourrait être assimilée à un excès de pouvoir pour « perplexité » en droit administratif italien, ou traduirait une intention d’empêcher la proposition DwARF d’atteindre le seuil minimal de dix points et constituerait de ce fait un détournement de pouvoir.

66      Premièrement, sans qu’il ait été nécessaire que le cadre réglementaire le précise explicitement par des mentions explicatives supplémentaires, il est évident qu’une note ne correspondant pas à un nombre entier était susceptible d’être attribuée si les experts considéraient qu’une proposition se situait entre deux notes en ce qui concernait le critère d’attribution pertinent. Ainsi, l’attribution de notes ne correspondant pas à des nombres entiers, en l’occurrence, de 2,5 sur 5 pour les critères d’attribution « excellence » et « qualité et efficacité de la mise en œuvre » et de 3,5 sur 5 pour le critère d’attribution « incidence », démontre précisément que les experts avaient estimé que la proposition DwARF se situait entre deux notes en ce qui concernait ces critères d’attribution. Dès lors, même à supposer recevable et applicable l’argument portant sur la « perplexité » mentionnée par la requérante pour la première fois lors l’audience, aucune perplexité n’est engendrée par l’attribution de notes ne correspondant pas à des nombres entiers.

67      En outre, l’attribution de telles notes, loin de comporter un risque de subjectivité, permet une évaluation plus précise des mérites des propositions au regard des différents critères et, de ce fait, contribue à une plus grande objectivité et à une plus grande transparence.

68      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 5 février 2018, Ranocchia/ERCEA, T‑208/16, EU:T:2018:68, point 69 et jurisprudence citée).

69      Or, en l’espèce, la requérante n’a présenté aucun élément objectif, pertinent et concordant susceptible de démontrer que l’entreprise commune Clean Sky 2 aurait utilisé son pouvoir d’appréciation à d’autres fins, en l’espèce, que celle d’évaluer la proposition DwARF à la lumière des critères d’attribution prévus à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1290/2013 et conformément à l’appel à propositions et aux règles CS 2, et encore moins susceptible de démontrer une intention d’empêcher la proposition DwARF d’atteindre le seuil de dix points. La décision du 10 octobre 2018 et la décision du 6 décembre 2018 ne sont donc pas entachées d’un détournement de pouvoir à cet égard.

70      Troisièmement, pour autant que la requérante fait valoir que l’attribution de notes ne correspondant pas à un nombre entier ne ferait pas l’objet d’une motivation, il convient de relever que, dès lors que l’attribution de telles notes était expressément autorisée et que la requérante n’a aucunement contesté cette attribution dans la demande de révision de l’évaluation, la décision du 10 octobre 2018 et la décision du 6 décembre 2018 ne devaient pas comporter de motivation particulière sur ce point et ne sont pas entachées d’irrégularité à cet égard.

71      Il résulte des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen ainsi que le deuxième moyen doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur les trois griefs de la seconde branche du premier moyen ainsi que sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, relatifs aux critères d’attribution « excellence », « incidence » et « qualité et efficacité de la mise en œuvre » ainsi qu’à la « capacité opérationnelle » de la requérante

–       Observations liminaires

72      Conformément à l’article 263, premier alinéa, deuxième phrase, TFUE, le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des organes ou organismes de l’Union destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Selon le deuxième alinéa de cet article, le recours devant le juge de l’Union est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

73      Il est de jurisprudence constante que, en cas d’appréciations complexes, les autorités de l’Union disposent, dans certains domaines du droit de l’Union, d’un large pouvoir d’appréciation, de telle sorte que le contrôle du juge de l’Union à l’égard de ces appréciations doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté et de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 5 février 2018, Ranocchia/ERCEA, T‑208/16, EU:T:2018:68, point 70 et jurisprudence citée).

74      Or, l’appréciation de l’excellence scientifique d’une proposition par un panel d’experts et par des évaluateurs individuels des disciplines concernées appartient à la catégorie des appréciations complexes au sens de la jurisprudence mentionnée au point 73 ci-dessus (arrêt du 5 février 2018, Ranocchia/ERCEA, T‑208/16, EU:T:2018:68, point 71).

75      Par ailleurs, un organisme de financement tel que l’entreprise commune Clean Sky 2 jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’existence des conditions justifiant l’octroi d’un concours financier de l’Union et le Tribunal ne peut, dans le cadre d’un recours devant lui, procéder à un réexamen au fond de la proposition en cause (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C‑258/90 et C‑259/90, EU:C:1992:199, point 25 ; du 13 décembre 1995, Windpark Groothusen/Commission, T‑109/94, EU:T:1995:211, point 57, et du 8 juillet 2009, Zenab/Commission, T‑33/06, non publié, EU:T:2009:250, point 38).

76      En outre, selon la jurisprudence, afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision. Par conséquent, le moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, points 86 et 87).

77      Ainsi, la seule hypothèse dans laquelle les appréciations dont procède une décision prise sur la base de faits complexes sont susceptibles d’être examinées par le Tribunal est celle dans laquelle la partie requérante allègue que les appréciations factuelles en cause sont dépourvues de plausibilité.

78      Dans un tel contexte, la circonstance qu’un candidat dont la proposition n’a pas été retenue dans le cadre d’un appel à propositions relevant du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) soit en désaccord avec les appréciations des experts qui ont examiné sa proposition, en dehors de l’hypothèse où il allègue que ces appréciations sont dépourvues de plausibilité, relève d’une contestation qui va au-delà du contrôle restreint du Tribunal prévu dans la jurisprudence mentionnée aux points 73 et 74 ci-dessus.

79      C’est à la lumière des considérations qui précèdent ainsi que de la jurisprudence citée au point 68 ci-dessus, dans la mesure où la requérante invoque également un détournement de pouvoir, qu’il convient d’examiner les trois griefs de la seconde branche du premier moyen ainsi que les troisième, quatrième et cinquième moyens.

–       Sur le premier grief de la seconde branche du premier moyen, sur certains arguments soulevés dans le cadre du troisième moyen et sur le quatrième moyen, tirés de ce que la proposition DwARF aurait dû recevoir la note de 3 sur 5 s’agissant du critère d’attribution « excellence » et d’un détournement de pouvoir lié à une dénaturation des faits et à un défaut d’examen suffisant de la proposition

80      Par le premier grief de la seconde branche du premier moyen, relatif au critère d’attribution « excellence », la requérante soutient que la proposition DwARF aurait dû se voir attribuer la note de 3 sur 5, correspondant à la mention « bien », et non la note de 2 sur 5, correspondant à la mention « acceptable », puisque la note de 3 sur 5 convient si la proposition est « bonne », mais présente « des lacunes », alors que la note de 2 sur 5 correspond à une proposition « acceptable », mais avec des « faiblesses importantes ». Selon la requérante, l’absence de certaines informations, qui, de plus, ne seraient pas déterminantes, serait moins grave que la présence de faiblesses importantes.

81      Dans le cadre du troisième moyen et en réponse aux points 11 et 77 du mémoire en défense, la requérante soutient, en substance, que la décision du 10 octobre 2018 est entachée d’un détournement de pouvoir lié à une dénaturation des faits et à un défaut d’examen suffisant de la proposition, ce dernier étant assimilé à un vice de procédure, s’agissant des appréciations des experts concernant la complétude et le caractère innovant de la proposition DwARF. D’une part, elle expose que les termes sommaires et génériques de l’appel à propositions ne lui ont pas permis de formuler une proposition plus spécifique et détaillée que celle présentée. D’autre part, en se référant au contenu de la proposition DwARF et en citant de multiples passages de celle-ci, la requérante expose les raisons pour lesquelles, selon elle, cette proposition est innovante et complète. Enfin, elle expose que le rapport d’expertise, qu’elle a joint à la réplique, d’un ingénieur qu’elle a consulté concernant la conformité de la proposition DwARF à l’appel à propositions conclut que cette proposition est globalement cohérente au regard des exigences de l’appel à propositions.

82      Par le quatrième moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision du 10 octobre 2018 est entachée d’un détournement de pouvoir lié à une dénaturation des faits et à un défaut d’examen suffisant de la proposition, ce dernier étant assimilé à un vice de procédure, s’agissant des appréciations des experts à l’égard du critère d’attribution « excellence », et plus particulièrement concernant sa capacité à concevoir et à optimiser l’entrée d’air et le système de dérivation, le manque de détails s’agissant du système antigel ainsi que les risques liés au projet DwARF. Elle expose que ces appréciations ne sont pas fondées, car les experts n’auraient pas tenu compte du fait qu’elle détenait déjà certains brevets dont les descriptions étaient publiquement accessibles et dont l’existence démontrerait qu’elle était en mesure de fabriquer le système de filtration faisant l’objet de l’appel à propositions.

83      L’entreprise commune Clean Sky 2 conteste ces arguments.

84      À cet égard, il y a lieu de relever que le point 3.3 du plan de travail 2018-2019 dispose que la partie H des annexes générales s’applique aux appels à propositions lancés par l’entreprise commune Clean Sky 2. La partie H desdites annexes présente, sous la forme d’un tableau, les aspects à prendre en considération par les experts s’agissant des trois critères d’attribution. Parmi les aspects mis en exergue pour le critère d’attribution « excellence » figurent, notamment, la clarté et la pertinence des objectifs, la solidité du concept, la crédibilité de la méthodologie et la mesure dans laquelle la proposition dépasse l’état de la technique et démontre un potentiel novateur.

85      Les experts ont attribué la note de 2,5 sur 5 pour le critère d’attribution « excellence ». Il ressort de leurs appréciations que, s’ils ont estimé que la description de l’excellence de la proposition DwARF était « généralement bonne », d’une part, ils ont relevé des défaillances portant sur la description des objectifs techniques du projet, l’exposé relatif à la manière dont les exigences de l’appel à propositions seraient satisfaites par le projet proposé, l’exposé relatif à la conception et à l’optimisation du système d’admission d’air et de dérivation et l’exposé relatif à la mise en œuvre du système antigel ainsi que le potentiel novateur du système. D’autre part, ils ont également relevé des risques liés à un manque de détails s’agissant de l’expérience de la requérante en matière de conception de systèmes d’admission d’air pour l’industrie aérospatiale et la circonstance que la requérante ne disposait pas d’agréments d’organisme de conception ou de production.

86      Il convient de constater que de telles appréciations relèvent de la marge d’appréciation dont disposent les experts auxquels un organisme de financement tel que l’entreprise commune Clean Sky 2 confie l’évaluation des propositions techniques qui lui sont présentées.

87      Or, en premier lieu, ainsi qu’il a été rappelé aux points 73 à 76 ci-dessus, l’étendue du contrôle de légalité du juge de l’Union est limitée en cas d’appréciations complexes.

88      L’argumentation soulevée par la requérante dans le cadre du premier grief de la seconde branche du premier moyen n’est pas de nature à établir une erreur quant à la matérialité des faits ou une erreur manifeste d’appréciation. Ainsi que le fait valoir l’entreprise commune Clean Sky 2, l’évaluation de la cohérence entre la note chiffrée et les appréciations qui y sont afférentes ne s’arrête pas à un examen purement linguistique, de sorte que la seule utilisation de l’adjectif « bon » dans les appréciations des experts ne doit pas nécessairement conduire à la note de 3 sur 5, correspondant à la mention « bon ». Partant, la circonstance que les experts ont attribué à la proposition DwARF la note de 2,5 sur 5, correspondant à une appréciation se situant entre l’appréciation « 2 – Acceptable : la proposition satisfait au critère dans les grandes lignes, mais elle présente de sérieuses faiblesses » et l’appréciation « 3 – Bon : la proposition satisfait au critère de manière appropriée, mais avec un certain nombre de lacunes », pour le critère d’attribution « excellence », ne saurait être considérée comme manifestement erronée du seul fait de l’emploi dudit adjectif.

89      Il résulte des considérations qui précèdent que le premier grief de la seconde branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

90      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argumentation soulevée par la requérante dans le cadre du troisième moyen par laquelle elle invoque, en substance, une violation de l’appel à propositions par les experts qui n’auraient pas tenu compte des termes prétendument génériques de celui-ci, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère recevable de ladite argumentation, il convient de relever que, conformément à l’article 10, paragraphe 4, sous g), de l’annexe I du règlement no 558/2014, le directeur exécutif supervise les appels à propositions sur la base du contenu et des thèmes proposés par le comité de pilotage concerné et compte tenu des objectifs du programme. Conformément à l’article 11, paragraphe 5, sous e), de ladite annexe, les comités de pilotage de l’entreprise commune Clean Sky 2 sont chargés de proposer le contenu des appels à propositions. Il s’ensuit que l’entreprise commune Clean Sky 2 jouit d’une marge d’appréciation dans la formulation des sujets thématiques faisant l’objet d’appels à propositions pour autant qu’ils soient cohérents avec les objectifs du programme.

91      Dans ce contexte, le degré approprié de précision de l’appel à propositions et, notamment, d’un sujet thématique relevant d’une « action d’innovation », comme dans le cas d’espèce, relève de l’appréciation scientifique de l’entreprise commune Clean Sky 2 et, notamment, des experts réunis au sein du comité de pilotage. À cet égard, à l’instar de ce que fait valoir, en substance, l’entreprise commune Clean Sky 2, il s’agit de décrire la portée du sujet thématique sans pour autant entraver la formulation de propositions innovantes par la prédéfinition de caractéristiques trop contraignantes.

92      Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort du point 2, intitulé « Portée du travail », du sujet thématique pertinent de l’appel à propositions que ce sujet contenait des exigences précises de haut niveau concernant, notamment, l’admission d’air et le système antigel. Il était prévu à ce point ce qui suit :

« [L]’admission d’air inclut des systèmes de protection complète de l’admission du moteur. Un système de dégivrage ou antigel sera conçu afin d’empêcher […] la formation de glace dans l’admission du moteur. En outre, l’admission d’air comprend un filtre barrière, afin de réduire la corrosion des composants du moteur, d’éviter des dommages et d’allonger la vie du moteur une fois installée sur [l’aéronef à] rotors basculants. »

93      L’appel à propositions détaillait également des exigences de haut niveau concernant, notamment, le filtre barrière, la maintenance, certaines analyses et certains tests et les produits et les jalons essentiels.

94      Dès lors, il n’apparaît pas que l’évaluation de la proposition DwARF par les experts ait méconnu les termes de l’appel à propositions.

95      En ce qui concerne l’argumentation soulevée par la requérante dans le cadre du troisième moyen et portant sur la complétude et le caractère innovant de la proposition DwARF, il convient de relever que l’évaluation desdits aspects relève de l’appréciation scientifique des experts réunis au sein du comité d’examen chargé d’évaluer les propositions soumises.

96      À cet égard, les éléments avancés par la requérante ne sont pas de nature à démontrer que l’évaluation de la proposition DwARF poursuivait un but autre que l’évaluation de sa qualité scientifique. Comme cela est indiqué au point 85 ci-dessus, il ressort des appréciations des experts qu’ils ont estimé que la proposition DwARF présentait un certain nombre de déficiences. Or, la simple reproduction de passages de la proposition DwARF dans la réplique n’est pas de nature à démontrer un défaut d’examen suffisant de la proposition ou une dénaturation des faits. Par ailleurs, rien n’indique que les éléments mis en avant par la requérante dans la réplique, tels qu’ils étaient exposés dans la proposition DwARF, n’ont pas été pris en compte par les experts. Dès lors, aucun défaut d’examen suffisant, ni aucune dénaturation des faits à leur égard ne peut être constaté à ce titre. Enfin, contrairement à ce que semble faire valoir la requérante, il ne ressort pas du rapport de synthèse que les experts ont estimé qu’elle avait soumis une proposition ne concernant que « la fourniture d’une prise d’air ou de parties séparées » ou de « composants isolés ».

97      Au vu des considérations qui précèdent, la décision du 10 octobre 2018 n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’un défaut d’examen suffisant de la proposition ou d’une dénaturation des faits en ce qui concerne l’évaluation de la complétude ou du caractère innovant de la proposition DwARF.

98      Il s’ensuit que les arguments soulevés dans le cadre du troisième moyen, relatifs au critère d’attribution « excellence » doivent être rejetés comme non fondés.

99      En ce qui concerne les arguments soulevés par la requérante dans le cadre du quatrième moyen, il convient de relever que l’évaluation de l’exposé relatif à la conception et à l’optimisation du système d’admission d’air et de dérivation, à la mise en œuvre du système antigel, au potentiel novateur du système et à l’expérience de la requérante dans le domaine concerné relèvent de l’appréciation scientifique des experts. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir, en substance, l’entreprise commune Clean Sky 2, la détention de brevets ne saurait étayer le caractère innovant, à savoir dépassant l’état de la technique, de la proposition DwARF.

100    Ensuite, les éléments avancés par la requérante ne sont pas de nature à démontrer que l’évaluation de la proposition DwARF poursuivait un but autre que l’évaluation de sa qualité scientifique.

101    En outre, conformément aux points 4.3 et 4.4 des règles CS 2, les propositions sont évaluées sur leur propre pertinence, telles qu’elles ont été soumises. Il s’ensuit que, lors de l’évaluation, les experts ne pouvaient prendre en considération que les informations contenues dans la proposition DwARF.

102    En l’espèce, aux points 1.3.1, 1.3.2 et 1.4.2 de la proposition DwARF, la requérante a mentionné avoir développé un concept de système de dégivrage/antigel IBF qui avait déjà été testé avec succès en chambre climatique en janvier 2018 et pour lequel elle avait déjà obtenu un brevet en Italie et demandé une extension mondiale. Toutefois, cette proposition ne contenait pas une description détaillée du système breveté. En outre, la requérante reconnaît ne pas s’être expressément référée, dans la proposition DwARF, aux trois autres brevets mentionnés dans la requête. Dès lors, et indépendamment du fait que la détention de brevets n’était pas exigée par l’appel à propositions, aucun défaut d’examen suffisant de la proposition, ni aucune dénaturation des faits ne peut être reproché à cet égard à l’entreprise commune Clean Sky 2.

103    Au vu des considérations qui précèdent, la décision du 10 octobre 2018 n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’un défaut d’examen suffisant de la proposition ou d’une dénaturation des faits s’agissant des appréciations des experts, relatives à l’exposé concernant la conception et l’optimisation du système d’admission d’air et de dérivation, la mise en œuvre du système antigel, le potentiel novateur du système et l’expérience de la requérante.

104    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

105    Il résulte des considérations qui précèdent que le premier grief de la seconde branche du premier moyen, certains arguments soulevés dans le cadre du troisième moyen et le quatrième moyen doivent être rejetés comme non fondés.

–       Sur le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen et sur le cinquième moyen, tirés de ce que la proposition DwARF aurait dû recevoir la note de 4 sur 5 s’agissant du critère d’attribution « incidence » et d’un détournement de pouvoir lié à une dénaturation des faits et à un défaut d’examen suffisant de la proposition

106    Par le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen, relatif au critère d’attribution « incidence », la requérante soutient que la proposition DwARF aurait dû se voir attribuer, pour ce critère, la note de 4 sur 5, correspondant à la mention « très bien », et non la note de 3,5 sur 5, correspondant à la mention « bien », puisque la note de 4 sur 5 est appropriée si la proposition est « très bonne », mais présente « de rares lacunes ». Selon la requérante, s’il manquait certaines informations, celles-ci seraient en nombre réduit et ne seraient pas déterminantes. Par ailleurs, il n’aurait pas été tenu compte du fait que le système antigel qu’elle avait proposé avait été développé à un niveau de maturité technologique (technology readiness level, ci-après « TRL ») relativement élevé, bénéficiait de brevets, avait déjà été testé en conditions de gel en soufflerie et avait obtenu des résultats positifs à certains tests requis par la norme AESA CS-29, ce qui aurait exclu tout doute sur les tests et les performances dudit système.

107    Par le cinquième moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision du 10 octobre 2018 est entachée d’un détournement de pouvoir lié à une dénaturation des faits et à un défaut d’examen suffisant de la proposition DwARF, ce dernier étant assimilé à un vice de procédure, s’agissant des appréciations des experts à l’égard de ce même critère d’attribution. Selon elle, les appréciations portant sur les tests, les performances du système faisant l’objet de la proposition DwARF et la non-diffusion de résultats seraient erronées dans la mesure où, premièrement, lors d’essais en soufflerie en janvier 2018, il aurait été satisfait aux exigences de la norme AESA CS-29 ainsi qu’à celles, plus strictes, des principaux constructeurs ; deuxièmement, lors de réunions ayant eu lieu les 17 et 26 avril 2018, elle aurait montré les résultats positifs des tests avec des détails techniques et des vidéos à deux constructeurs européens d’hélicoptères ; troisièmement, elle n’aurait pas divulgué les résultats chiffrés, car le test avait été réussi ; et, quatrièmement, les brevets qu’elle a obtenus pour les solutions proposées constitueraient une reconnaissance objective de leur nouveauté.

108    L’entreprise commune Clean Sky 2 conteste ces arguments.

109    Il y a lieu de relever que le tableau mentionné au point 84 ci-dessus énumère, parmi les aspects à prendre en considération par les experts s’agissant du critère d’attribution « incidence », la mesure dans laquelle les résultats du projet proposé contribueront aux « incidences » du sujet thématique en question, les éventuelles « incidences » supplémentaires qui pourraient améliorer la capacité d’innovation, créer de nouveaux marchés et renforcer la compétitivité ainsi que la qualité des mesures proposées en ce qui concerne l’exploitation et la diffusion des résultats. Le point 3.3 du plan de travail 2018-2019 dispose, en outre, en ce qui concerne l’exploitation, que le participant devra démontrer son engagement à exploiter les résultats et à contribuer à la compétitivité de l’Union. En l’espèce, l’appel à propositions énonce que les « incidences » du sujet thématique en cause concernent l’amélioration de la compétitivité de l’Union et de la mobilité.

110    Les experts ont attribué la note de 3,5 sur 5 au critère d’attribution « incidence », à savoir une note supérieure au seuil de 3 sur 5. Il ressort de leurs appréciations que, s’ils ont estimé que la description de l’incidence de la proposition DwARF était « bonne », d’une part, ils ont relevé des défaillances portant sur la description de l’incidence pour l’industrie aérospatiale ainsi que sur l’exposé relatif au nouveau concept de filtre doté de capacités antigel qui aurait été développé par la requérante et à ses performances au cours de tests en soufflerie. D’autre part, ils ont également exprimé des réserves sur la divulgation de résultats eu égard à la politique de la requérante en matière de propriété intellectuelle.

111    Il convient de constater que de telles appréciations relèvent de la marge d’appréciation dont disposent les experts auxquels un organisme de financement tel que l’entreprise commune Clean Sky 2 confie l’évaluation des propositions techniques qui lui sont présentées.

112    Or, en premier lieu, ainsi qu’il a été rappelé aux points 73 à 76 ci-dessus, l’étendue du contrôle de légalité du juge de l’Union est limitée en cas d’appréciations complexes.

113    Il est vrai que, aux points 1.3.1, 1.3.2, 1.4.2, 2.2.3.3 et 2.2.5 de la proposition DwARF, la requérante a mentionné avoir développé un concept de système de dégivrage/antigel IBF qui avait déjà été testé avec succès en chambre climatique en janvier 2018 et pour lequel elle avait déjà obtenu un brevet en Italie et demandé une extension mondiale. Toutefois, aucune information détaillée n’était donnée en ce qui concernait ce système, les tests effectués et les résultats obtenus. Aux points 1.3.3 et 4.1 de cette proposition, la requérante a mentionné un projet à l’initiative de la région d’Émilie-Romagne (Italie) concernant le développement d’un nouveau système de filtration d’air qui aurait mis en œuvre un système de dégivrage pour hélicoptère. Toutefois, à cet égard encore, aucune information détaillée n’était fournie. Or, rien n’indique que ces éléments, tels qu’ils étaient exposés dans la proposition DwARF, n’ont pas été pris en compte par les experts. Par ailleurs, au point 4.1 de cette proposition, sous la rubrique « Publications pertinentes », la requérante a indiqué la mention suivante :

« Aucune publication pertinente – les résultats obtenus par [la requérante] sont classés secrets et protégés par brevets. »

114    Dès lors, les arguments de la requérante soulevés dans le cadre du deuxième grief de la seconde branche du premier moyen ne sont pas de nature à établir l’existence d’une erreur sur la matérialité des faits ou d’une erreur manifeste d’appréciation.

115    Partant, la circonstance que les experts ont attribué à la proposition DwARF la note de 3,5 sur 5, correspondant à une mention entre l’appréciation « 3 – Bon : la proposition satisfait au critère de manière appropriée, mais avec un certain nombre de lacunes » et l’appréciation « 4 – Très bon : la proposition satisfait au critère de manière tout à fait appropriée, mais avec un nombre limité de lacunes », pour le critère d’attribution « incidence » n’est pas manifestement erronée.

116    Il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

117    En deuxième lieu, les éléments avancés par la requérante dans le cadre du cinquième moyen ne sont pas de nature à démontrer que l’évaluation de la proposition DwARF poursuivait un but autre que l’évaluation de sa qualité scientifique.

118    Ainsi qu’il a été rappelé au point 101 ci-dessus, lors de l’évaluation, les experts ne pouvaient prendre en considération que les informations contenues dans la proposition DwARF.

119    Or, comme cela est indiqué au point 113 ci-dessus, la requérante n’a fourni, dans la proposition même, aucune information détaillée en ce qui concernait le concept de système de dégivrage/antigel IBF qui avait déjà été testé avec succès en chambre climatique en janvier 2018, les tests effectués et les résultats obtenus. De plus, dans la requête, la requérante reconnaît ne pas avoir communiqué, dans la proposition DwARF, les informations concernant la performance du concept susvisé, dont l’absence lui a été reprochée. Or, il lui était loisible d’expliquer dans la proposition DwARF quels étaient les enseignements qu’elle envisageait de tirer de ses brevets dans le cadre de l’appel à propositions. Dès lors, aucun défaut d’examen suffisant de la proposition, ni aucune dénaturation des faits ne peut être reproché à l’entreprise commune Clean Sky 2 à cet égard.

120    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la décision du 10 octobre 2018 n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’un défaut d’examen suffisant de la proposition DwARF ou d’une dénaturation des faits en ce qui concerne les appréciations des experts relatives au critère d’attribution « incidence ».

121    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme non fondé.

122    Il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième grief de la seconde branche du premier moyen et le cinquième moyen doivent être rejetés comme non fondés.

–       Sur le troisième grief de la seconde branche du premier moyen, tiré de ce que la proposition DwARF aurait dû recevoir la note de 3 sur 5 s’agissant du critère d’attribution « qualité et efficacité de la mise en œuvre »

123    Par le troisième grief de la seconde branche du premier moyen, relatif au critère d’attribution « qualité et efficacité de la mise en œuvre », la requérante soutient que la proposition DwARF aurait dû se voir attribuer la note de 3 sur 5, correspondant à la mention « bien ». Selon la requérante, les réserves exprimées par les experts quant au fait qu’elle avait présenté sa proposition en tant qu’entité unique et quant à la description des risques du projet seraient injustes ou erronées.

124    L’entreprise commune Clean Sky 2 conteste ces arguments.

125    Il y a lieu de relever que le tableau mentionné au point 84 ci-dessus énumère, parmi les aspects à prendre en considération par les experts s’agissant du critère d’attribution « qualité et efficacité de la mise en œuvre », la qualité et l’efficacité du plan de travail et le caractère approprié de la gestion des risques. Le point 3.3 du plan de travail 2018-2019 dispose, en outre, que sera prise en considération, notamment, la cohérence des capacités et des compétences par rapport au sujet thématique et aux objectifs du programme visés.

126    Les experts ont attribué la note de 2,5 sur 5 pour le critère d’attribution « qualité et efficacité de la mise en œuvre ». Il ressort des appréciations des experts, notamment, qu’ils ont considéré que la circonstance que la proposition DwARF repose sur un participant unique représentait une faiblesse dans la mesure où la requérante n’avait pas démontré de manière convaincante disposer des connaissances requises, dans diverses disciplines scientifiques et techniques, pour résoudre un problème aussi complexe et pluridisciplinaire. Ils ont également estimé que la description des risques ne fournissait pas d’indication quant à l’impact (faible, moyen ou élevé) de chaque risque. Ils ont souligné que le risque qu’un employé clé quitte la requérante pourrait avoir un impact « énorme » pour la raison susvisée.

127    Il convient de constater que de telles appréciations relèvent de la marge d’appréciation dont disposent les experts auxquels un organisme de financement tel que l’entreprise commune Clean Sky 2 confie l’évaluation des propositions techniques qui lui sont présentées.

128    Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 73 à 76 ci-dessus, l’étendue du contrôle de légalité du juge de l’Union est limitée en cas d’appréciations complexes.

129    En ce qui concerne la circonstance que la requérante a soumis la proposition DwARF en tant qu’« entité unique », il ressort de la lecture conjointe de l’article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement no 1290/2013 et de l’article 1er du règlement délégué (UE) no 624/2014 de la Commission, du 14 février 2014, portant dérogation au règlement no 1290/2013 en ce qui concerne l’entreprise commune Clean Sky 2 (JO 2014, L 174, p. 14), que les entités uniques peuvent, par dérogation à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1290/2013, soumettre des propositions en réponse aux appels à propositions lancés par l’entreprise commune Clean Sky 2. Par ailleurs, le point 3.3 du plan de travail 2018-2019 et les points 2.1.2 et 3.1 des règles CS 2 énoncent expressément que des propositions peuvent être soumises par des entités uniques.

130    Or, il ressort des appréciations des experts telles que résumées au point 126 ci-dessus que ceux-ci n’ont pas mis en cause la recevabilité de la proposition DwARF au motif qu’elle reposait sur une entité unique. Ils ont simplement considéré que cette circonstance constituait une faiblesse étant donné que la requérante n’avait pas exposé de manière convaincante qu’elle disposait des connaissances pluridisciplinaires pertinentes nécessaires au projet.

131    À cet égard, l’argumentation de la requérante concernant son intention de recourir à des sous-traitants pour apporter des connaissances complémentaires dans des domaines spécifiques n’est pas de nature à établir une erreur sur la matérialité des faits ou une erreur manifeste d’appréciation. Ainsi que l’indique l’entreprise commune Clean Sky 2, la proposition DwARF n’exposait pas de manière claire la nature des collaborations envisagées avec des entreprises tierces.

132    En effet, la requérante s’est désignée comme candidate unique dans la case 2, intitulée « Participants et contacts », du formulaire de soumission de propositions ainsi que dans la « liste des candidats » à la page 1 de la partie B.1 dudit formulaire. Certes, la requérante a mentionné, au point 2.2.2 de la partie B.1 du formulaire susvisé, intitulé « Parties prenantes participant à la mise en œuvre du projet », le fait qu’elle collaborait avec trois entreprises dans les domaines de simulations, d’actionneurs et de tests en soufflerie et, au point 3.2, intitulé « Ressources à engager », et dans le tableau 13, intitulé « Coûts des produits et des services », de la même partie dudit formulaire, cinq entreprises auprès desquelles elle envisageait de s’approvisionner en matériel pour le développement d’un prototype et de réaliser des tests. En revanche, au point 4.2 de la partie B.II du même formulaire, intitulé « Parties tierces impliquées dans le projet », elle a indiqué ne pas envisager de sous-traiter certaines tâches et ne pas envisager la réalisation par des tiers de parties de son travail. Or, rien n’indique que ces éléments, tels qu’ils étaient exposés dans la proposition DwARF, n’ont pas été pris en compte par les experts.

133    En ce qui concerne l’argumentation de la requérante portant sur l’évaluation des risques du projet, il y a lieu de relever que celle-ci repose sur une lecture erronée de l’appréciation en question. En effet, les experts n’ont pas considéré que la requérante avait omis de fournir une évaluation des risques du projet. Ils ont simplement considéré que celle qui avait été fournie était lacunaire, ce dont ils ont fourni un exemple concret.

134    À cet égard, la requérante a bien présenté une évaluation des risques dans le tableau 10 de la proposition DwARF, mentionnant divers risques ainsi que des mesures d’atténuation. Néanmoins, si elle a donné, pour chacun des risques identifiés, une indication, selon l’échelle « faible/moyen/élevé », de la probabilité qu’il se concrétise, il ne ressort pas dudit tableau que cette indication précisait, ainsi que le fait valoir la requérante, la gravité du risque par rapport à cette probabilité ou, selon les termes de la mention explicative du formulaire de l’appel à propositions tels que repris dans le rapport de synthèse, l’impact du risque en question pour le projet. Par ailleurs, il ressort du rapport de synthèse que les experts reprochaient à la requérante non pas d’avoir omis d’identifier comme risque le départ d’un ingénieur clé, mais d’avoir sous-estimé l’impact d’un tel départ pour le projet. Dès lors, l’argumentation de la requérante, qui est fondée sur une lecture erronée du passage concerné dudit rapport, n’est pas de nature à établir une erreur sur la matérialité des faits ou une erreur manifeste d’appréciation.

135    Partant, la circonstance que les experts ont attribué à la proposition DwARF la note de 2,5 sur 5, correspondant à une mention entre l’appréciation « 2 – Acceptable : la proposition satisfait au critère dans les grandes lignes, mais elle présente de sérieuses faiblesses » et l’appréciation « 3 – Bon : la proposition satisfait au critère de manière appropriée, mais avec un certain nombre de lacunes » pour le critère d’attribution « qualité et efficacité de la mise en œuvre » n’est pas manifestement erronée.

136    Il résulte des considérations qui précèdent que le troisième grief de la seconde branche du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

137    Étant donné que la première branche du premier moyen et les trois griefs de la seconde branche dudit moyen ont été rejetés comme non fondés, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

–       Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir lié à une dénaturation des faits et à un défaut d’examen suffisant de la proposition DwARF concernant la « capacité opérationnelle » de la requérante

138    Par le troisième moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision du 10 octobre 2018 est entachée d’un détournement de pouvoir lié à un défaut d’examen suffisant de la proposition DwARF et à une dénaturation des faits ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation, s’agissant de l’appréciation des experts à l’égard de sa « capacité opérationnelle » à mener à bien la proposition DwARF. D’une part, elle souligne sa présence continue sur le marché en tant que fournisseur du plus grand fabricant allemand d’hélicoptères depuis dix ans. D’autre part, elle fait valoir que l’appréciation contestée ne tient pas compte de certains éléments qui ressortiraient pourtant de la proposition DwARF. Dans ce contexte, elle souligne, notamment, ses qualités de « chef de file » européen, de seul fabricant de filtres à air de type IBF pour moteurs dans le secteur aéronautique et de seul propriétaire d’une technologie de système antigel ayant été testée avec succès en soufflerie, ayant atteint le niveau TRL 4 et ayant satisfait à la norme AESA CS-29. Elle souligne également les circonstances qu’elle détient plusieurs brevets, serait certifiée conformément à la norme ISO 9100 :2015 et aurait réalisé les systèmes de filtration installés dans certains hélicoptères d’Airbus Allemagne. Selon la requérante, l’entreprise commune Clean Sky 2 aurait ignoré l’existence de ses brevets, son expérience attestée par les documents versés au dossier et les résultats positifs des essais en soufflerie.

139    L’entreprise commune Clean Sky 2 conteste ces arguments.

140    En ce qui concerne la « capacité opérationnelle » des participants, la partie H des annexes générales dispose ce qui suit :

« Les experts indiquent, en tant qu’exercice distinct lors de l’évaluation du critère d’attribution “qualité et efficacité de la mise en œuvre”, si chaque participant individuel possède, ou possédera en temps utile, une capacité opérationnelle suffisante pour mener à bien ses tâches dans le plan de travail proposé. Cette évaluation est fondée sur les compétences et l’expérience du participant, en ce compris ses ressources opérationnelles (humaines, techniques et autres) et, le cas échéant, à titre exceptionnel, les mesures concrètes proposées afin d’en disposer au moment de la mise en œuvre des tâches. »

141    Les points 4.1.1 et 4.2 des règles CS 2 énoncent que, aux fins d’évaluer la capacité du participant, les experts évaluent la capacité opérationnelle du participant à mettre en œuvre l’action et à contribuer à la mise en œuvre du programme de l’entreprise commune Clean Sky 2. Les critères de sélection permettront d’évaluer les capacités, les compétences et le palmarès du participant et sa capacité à effectuer le travail proposé.

142    L’appréciation portée par les experts quant à la capacité opérationnelle de la requérante est la suivante :

« Il existe de sérieux doutes quant à la capacité à concevoir une entrée d’air. L’expérience mentionnée date de dix ans et n’est pas convaincante. »

143    Il convient de constater qu’une telle appréciation relève de la marge d’appréciation dont disposent les experts auxquels un organisme de financement tel que l’entreprise commune Clean Sky 2 confie l’évaluation des propositions techniques qui lui sont présentées.

144    Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 73 à 76 ci-dessus, l’étendue du contrôle de légalité du juge de l’Union est limitée en cas d’appréciations complexes.

145    En l’espèce, les éléments avancés par la requérante ne sont pas de nature à démontrer que l’évaluation de la proposition DwARF était entachée d’un défaut de motivation ou poursuivait un but autre que l’évaluation de sa qualité scientifique.

146    Premièrement, ainsi qu’il a été rappelé au point 50 ci-dessus, d’une part, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents et, d’autre part, l’évaluation de la capacité opérationnelle de la requérante doit être replacée dans son contexte, et donc lue à la lumière de l’intégralité de l’évaluation initiale, en particulier de la partie de celle-ci relative au critère d’attribution « qualité et efficacité de la mise en œuvre ». Or, les experts ont clairement indiqué tant les points positifs de la proposition DwARF que les diverses lacunes et faiblesses de celle-ci à l’égard des trois critères d’attribution. Ils ont notamment exprimé des réserves quant à la preuve des connaissances pluridisciplinaires de la requérante et de son expérience en matière de conception de systèmes d’admission d’air pour l’industrie aérospatiale (voir points 85, 110, 126 et 130 ci-dessus). Partant, aucun défaut, ni aucune insuffisance de motivation ne saurait être constaté à l’égard de l’évaluation de la capacité opérationnelle de la requérante en l’espèce.

147    Deuxièmement, ainsi qu’il a été rappelé au point 101 ci-dessus, lors de l’évaluation, les experts ne pouvaient prendre en considération que les informations contenues dans la proposition DwARF.

148    À cet égard, il y a lieu de relever que, aux points 1.3.1, 1.3.2, 1.4.2, 2.2.3.3 et 2.2.5 de la proposition DwARF, la requérante a mentionné avoir développé un concept de système de dégivrage/antigel IBF qui avait déjà été testé avec succès en chambre climatique en janvier 2018 et à l’égard duquel elle avait déjà obtenu un brevet en Italie et demandé une extension mondiale. Toutefois, aucune information détaillée n’était donnée à propos de ce concept et aucune information n’était donnée en ce qui concernait les tests effectués et les résultats obtenus, hormis la circonstance qu’un prototype simplifié aurait passé tous les tests AESA CS-29. Au point 2.2.5 de ladite proposition, elle mentionnait également une demande de brevet pour une admission d’air pour le moteur d’un aéronef. Toutefois, à cet égard encore, aucune autre information n’était donnée. En outre, la requérante reconnaît, au point 29 de la requête, ne pas avoir fait référence, dans la proposition DwARF, aux trois autres brevets mentionnés aux points 30 à 32 de la requête. Il y a lieu de relever également que, aux points 1.3.3 et 4.1 de cette proposition, la requérante mentionnait un projet à l’initiative de la région d’Émilie-Romagne concernant le développement d’un nouveau système de filtration d’air qui aurait mis en œuvre un système de dégivrage pour hélicoptères. Toutefois, aucune information détaillée n’était donnée à propos de ce projet et de l’implication de la requérante dans ledit projet. De plus, aux points 1.3.4, 1.4.1, 3.1.5, 3.1.10, 3.1.12 et 4.1 de la proposition DwARF, elle évoquait son expérience dans le secteur de l’automobile ainsi que sur le marché de l’aéronautique avec la réalisation d’un système de filtrage pour hélicoptères. Enfin, aux points 3.1.1, 3.1.5 et 3.1.6 et dans la description du lot de travail 7, elle mentionnait ses certifications ISO9100.

149    Or, rien n’indique que les éléments énumérés au point 148 ci-dessus, tels qu’ils étaient exposés dans la proposition DwARF, n’ont pas été pris en compte par les experts. Dès lors, aucun défaut d’examen suffisant de la proposition, ni aucune dénaturation des faits ne peut être reproché à cet égard à l’entreprise commune Clean Sky 2. Par ailleurs, pour ce qui est des annexes A.9 à A.16 et A.18 et A.19 de la requête, aucun défaut d’examen suffisant de la proposition, ni aucune dénaturation des faits ne peut être utilement reproché à l’entreprise commune Clean Sky 2 dès lors que ces documents n’étaient pas joints à la proposition DwARF.

150    Au vu des considérations qui précèdent, la décision du 10 octobre 2018 n’est pas entachée d’un défaut de motivation, d’un détournement de pouvoir, d’un défaut d’examen suffisant de la proposition ou d’une dénaturation des faits en ce qui concerne l’évaluation de la capacité opérationnelle de la requérante.

151    Il résulte des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le sixième moyen

152    Par le sixième moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision du 10 octobre 2018 serait entachée d’un détournement de pouvoir en ce qu’elle ne permettrait pas d’atteindre certains objectifs plus larges que l’entreprise commune Clean Sky 2 serait censée poursuivre. Ces objectifs, énumérés dans un document disponible sur le site Internet de la Commission relatif aux appels à propositions de l’entreprise commune Clean Sky 2, portent sur le renforcement de la primauté industrielle de l’Union, les programmes et la gestion de la chaîne logistique, les délais de mise sur le marché, la réduction des coûts et des risques et la nécessité de solutions à court terme et de la validation de technologies par la démonstration. Selon la requérante, la proposition DwARF répondait à ces objectifs. À cet égard, elle expose, notamment, que le système proposé serait intégralement fabriqué dans l’Union par des entreprises européennes certifiées, que des brevets pertinents ont déjà été obtenus et que le système aurait déjà atteint le niveau TRL 4 et passé avec succès des essais en soufflerie. Le système proposé pourrait déjà être installé dans la nouvelle génération d’hélicoptères.

153    L’entreprise commune Clean Sky 2 conteste ces arguments.

154    Tout d’abord, il y a lieu de relever que le document auquel se réfère la requérante est un document « d’information » général portant sur l’entreprise commune Clean Sky 2. En tant que tel, il ne fait pas partie du cadre réglementaire applicable à l’appel à propositions.

155    Ensuite, selon l’article 2, sous b), du règlement no 558/2014, les objectifs de l’entreprise commune Clean Sky 2 comprennent, notamment, les objectifs suivants :

« b)      contribuer à l’amélioration de l’impact des technologies aéronautiques sur l’environnement, y compris celles relatives à la petite aviation, ainsi qu’à la mise en place, en Europe, d’une industrie et d’une chaîne d’approvisionnement aéronautiques solides et compétitives au niveau mondial.

Cela peut être réalisé en accélérant le développement de technologies de transport aérien plus propres, de manière à en assurer le déploiement le plus tôt possible, et en particulier l’intégration, la démonstration et la validation de technologies capables :

i)      d’accroître le rendement du carburant d’aviation, réduisant ainsi les émissions de CO2 de 20 à 30 % par rapport aux aéronefs de nouvelle génération qui entreront en service à partir de 2014 ;

ii)      de réduire les émissions de NOx et les émissions sonores de 20 à 30 % par rapport aux aéronefs de nouvelle génération qui entreront en service à partir de 2014. »

156    Le point 3 de l’appel à propositions, intitulé « Cadre général/[o]bjectifs », fait expressément référence aux objectifs (environnementaux) de haut niveau précisés à l’article 2, sous b), du règlement no 558/2014, mentionnés au point 155 ci-dessus, et énonce que les sujets thématiques individuels détaillent la connexité entre lesdits sujets et les objectifs de haut niveau. Le sujet thématique pertinent précise qu’il a vocation à contribuer à améliorer la compétitivité de l’Union et à améliorer la mobilité.

157    Force est de constater que les éléments avancés par la requérante, qui portent sur la pertinence de sa proposition, ne sont pas de nature à démontrer que l’évaluation de la proposition DwARF poursuivait un but autre que l’évaluation de la qualité scientifique de la proposition compte tenu des critères d’attribution pertinents et des objectifs de haut niveaux visés aux points 155 et 156 ci-dessus, applicables au sujet thématique en cause.

158    La décision du 10 octobre 2018 n’est donc pas entachée d’un détournement de pouvoir. Dans ces conditions, la décision du 6 décembre 2018, en ce qu’elle a constaté que la procédure d’évaluation n’était entachée d’aucune défaillance procédurale, n’est pas entachée de l’illégalité alléguée.

159    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté comme non fondé.

160    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

161    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’entreprise commune Clean Sky 2.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BMC Srl est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 novembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.