Language of document : ECLI:EU:T:2013:312

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 juin 2013(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans les affaires T‑128/12 et T-182/12,

HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes J. Kienzle, M. Schlingmann et F. Lautenschlager, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. M. Bishop, Mme Z. Kupčová et M. F. Naert, puis par M. Bishop et Mme Kupčová , en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu, dans l’affaire T-182/12, par

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. J. Möller, T. Henze et N. Graf Vitzthum, puis par MM. Möller et Henze en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, dans l’affaire T-128/12, une demande en annulation de la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 19, p. 22), en ce qu’elle a inscrit la requérante pour de nouveaux motifs à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 39), ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 19, p. 1), en ce qu’il a inscrit la requérante pour de nouveaux motifs à l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), et, dans l’affaire T-182/12, une demande en annulation du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), en ce qu’il a maintenu le nom de la requérante sur la liste des personnes, entités et organismes dont les avoirs sont gelés,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH (ci-après « HTTS » ou la « requérante »), est une société de droit allemand fondée en mars 2009 par M. Naser Bateni, qui en est l’associé unique et le directeur. HTTS exerce les activités d’agent maritime et de gestionnaire technique de navires.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci-après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 39). L’annexe II de cette décision énumère les personnes, les entités et les organismes – autres que ceux désignés par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies créé par la résolution 1737 (2006) – dont les avoirs sont gelés en application de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de cette décision. Par ladite décision, le Conseil a inscrit HTTS sur la liste des entités figurant dans le tableau III de ladite annexe II, au motif que cette société « agit pour le compte d’HDSL en Europe ».

4        En conséquence, dans le cadre du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 25), a inscrit HTTS à l’annexe V du règlement n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), pour le même motif que celui énoncé à l’annexe II de la décision 2010/413, voir point 3 ci-dessus).

5        La décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81) a maintenu HTTS sur la liste comprise à l’annexe II de la décision 2010/413, au motif qu’elle est une société « [c]ontrôlée et/ou agissant pour le compte [de l’IRISL] ».

6        Le 25 octobre 2010, le Conseil a également adopté le règlement (UE) n° 961/2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007 (JO L 281, p. 1). L’annexe VIII de ce règlement contenait la liste des personnes, des entités et des organismes dont les avoirs étaient gelés en application de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement. HTTS a été inscrite au point 26 du tableau B de cette liste, au motif qu’elle « [était] placée sous le contrôle et/ou agi[ssait] pour le compte [de l’]IRISL ».

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2010, HTTS a introduit un recours tendant à l’annulation du règlement n° 961/2010 pour autant qu’il la concernait. Par arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, non encore publié au Recueil), le Tribunal a fait droit à cette demande, avec effet au 7 février 2012.

8        Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé HTTS que, après avoir revu les listes des personnes et entités comprises à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, à la suite des observations présentées par cette société par lettre du 1er juin 2011, il estimait que les motifs de l’inscription de ladite société dans ces annexes, selon lesquels HTTS serait contrôlée et/ou agirait pour le compte de l’IRISL, restaient valables. Il a relevé à cet égard que HTTS était enregistrée à la même adresse que l’IRISL Europe et que son directeur était employé précédemment par l’IRISL.

9        Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). Par cette décision, le Conseil a maintenu, sur la base de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’inscription de HTTS sur la liste figurant dans le tableau III de l’annexe II de la décision 2010/413, pour les nouveaux motifs suivants : « Société contrôlée par l’IRISL et/ou agissant pour le compte de l’IRISL. HTTS est enregistrée à Hambourg, à la même adresse que [l’]IRISL Europe GmbH, et le Dr. Naser Ba[t]eni, son dirigeant, était employé précédemment par [l’]IRISL. » En conséquence, HTTS a été inscrite, pour ces nouveaux motifs, dans le tableau III de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, par le règlement d’exécution (UE) n° 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 19, p. 1).

10      Par lettre du 25 janvier 2012, parvenue à HTTS le 27 janvier 2012, le Conseil a informé cette société du maintien de son inscription pour de nouveaux motifs, par la décision 2012/35 et le règlement d’exécution n° 54/2012.

11      Par lettres du 26 janvier et du 13 février 2012, HTTS, en réponse respectivement aux lettres du Conseil du 5 décembre 2011 et du 25 janvier 2012, a fait valoir que son inscription, pour les nouveaux motifs énoncés par la décision 2012/35 et par le règlement d’exécution n° 54/2012, était privée de base légale à la suite de l’annulation du règlement n° 961/2010 en tant qu’il la concernait, par l’arrêt HTTS/Conseil, précité. De plus, ces nouveaux motifs ne tireraient pas les conséquences, en ce qui concerne l’exigence de motivation, des points 37 et 38 dudit arrêt, dans la mesure où le Conseil n’aurait précisé ni la nature du contrôle prétendument exercé par l’IRISL sur HTTS ni les activités de cette dernière pour le compte de l’IRISL. En outre, ces nouveaux motifs ne permettraient pas de justifier pareille inscription. HTTS invitait dès lors le Conseil à se conformer à l’arrêt susmentionné et à retirer son nom des listes considérées. Par lettre du 13 mars 2012, se référant à ces lettres du 26 janvier et du 13 février 2012, HTTS a réitéré cette demande.

12      Le 23 mars 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 267/2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), à la suite de l’adoption de la décision 2012/35, prévoyant des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran. Sur la base de son article 23, paragraphe 2, ce règlement maintient l’inscription de HTTS sur la liste figurant dans le tableau III de son annexe IX.

13      L’inscription de la requérante a été maintenue à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, en substance pour les mêmes motifs : « Est placée sous le contrôle et/ou agit pour le compte [de l’]IRISL. HTTS est enregistrée à la même adresse [que l’]IRISL Europe […] à Hambourg, et son dirigeant, M. Naser Ba[t]eni, était précédemment employé par [l’]IRISL. »

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mars 2012, la requérante a introduit un recours, dans l’affaire T-128/12, en vue d’obtenir l’annulation de la décision 2012/35 et du règlement d’exécution n° 54/2012, en ce qu’ils la concernent.

15      À la suite de l’abrogation et du remplacement du règlement n° 961/2010 par le règlement n° 267/2012, la requérante a introduit, par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 avril 2012, un recours dans l’affaire T‑182/12, en vue d’obtenir l’annulation du règlement n° 267/2012 en ce qu’il la concerne.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé que le Tribunal statue selon une procédure accélérée, en vertu de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 16 mai 2012, la partie défenderesse entendue, le Tribunal a rejeté cette demande.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2012, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans l’affaire T-182/12, au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 4 septembre 2012, le président de la quatrième chambre a admis cette intervention.

18      Par ordonnance du 12 décembre 2012, le président de la quatrième chambre a ordonné, après avoir entendu l’ensemble des parties dans les présentes affaires T‑128/12 et T-182/12 ainsi que dans les affaires T‑42/12 et T-181/12, Bateni/Conseil, de joindre ces quatre affaires aux fins de la procédure orale.

19      Par ailleurs, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur une éventuelle jonction des présentes affaires T-128/12 et T-181/12 aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure.

20      Dans l’affaire T-128/12, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2012/35 et le règlement d’exécution n° 54/2012, en ce qu’ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

21      Dans cette affaire, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

22      Dans la réplique déposée dans cette affaire, la requérante a invité le Tribunal à prononcer un non-lieu à statuer, en ce que le recours tend à l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012, et à condamner le Conseil aux dépens.

23      Dans la duplique déposée dans cette affaire, le Conseil a indiqué ne pas avoir d’objection à ce que le Tribunal constate que le recours dans l’affaire T-128/12 était devenu sans objet, en ce qu’il tendait à l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012, et a invité le Tribunal à condamner la requérante aux dépens.

24      Dans l’affaire T-182/12, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement n° 267/2012 en ce qu’il la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

25      Dans cette affaire, le Conseil, soutenu par la République fédérale d’Allemagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      Lors de l’audience, le Conseil a demandé à titre subsidiaire au Tribunal, en cas d’annulation des actes attaqués en ce qu’ils concernent la requérante, de maintenir les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle de l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

 En droit

27      Les parties ayant été entendues à cet égard (voir point 20 ci-dessus), le Tribunal a décidé de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, en application de l’article 50 du règlement de procédure. 

 Sur la demande de non-lieu à statuer partiel dans l’affaire T‑128/12

28      Dans la réplique déposée dans l’affaire T-128/12, la requérante fait observer que, à la suite de l’abrogation et du remplacement du règlement n° 961/2010 par le règlement n° 267/2012, elle ne justifie plus d’un intérêt à obtenir l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012, qui avait maintenu son inscription pour de nouveaux motifs à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Elle conclut dès lors à ce que le Tribunal prononce un non-lieu à statuer, en ce que le recours tend à l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012.

29      À titre liminaire, force est de constater que, contrairement à ce que prétend le Conseil, la demande de la requérante formulée dans la réplique ne saurait être interprétée comme un désistement partiel. En effet, la requérante n’a aucunement indiqué au Tribunal qu’elle se désistait de son recours, mais a expressément conclu à ce qu’un non-lieu à statuer soit constaté.

30      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

31      Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42, et ordonnance du Tribunal du 7 décembre 2011, Fellah/Conseil, T‑255/11, non publiée au Recueil, point 12).

32      En l’espèce, il convient de rappeler que le règlement d’exécution n° 54/2012 avait inscrit la requérante à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Or, ce dernier règlement, tel que modifié notamment par ce règlement d’exécution, a été abrogé et remplacé par le règlement n° 267/2012. Partant, tant le règlement n° 961/2010 que le règlement d’exécution n° 54/2012 ont cessé de produire des effets juridiques depuis la date de cette abrogation.

33      Certes, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la partie requérante peut conserver un intérêt à voir annuler un acte abrogé en cours d’instance si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (voir ordonnance du Tribunal du 14 janvier 2013, Divandari/Conseil, T‑497/10, non publiée au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée).

34      Toutefois, en l’espèce, à la suite de l’introduction du recours dans l’affaire T-182/12, visant à obtenir l’annulation de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 en ce que cette annexe concerne la requérante, cette dernière a indiqué qu’elle n’avait plus d’intérêt à obtenir l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012.

35      Partant, il convient de constater que le recours dans l’affaire T-128/12 n’est plus susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la requérante, en ce qu’il tend à l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012. Il n’y a dès lors plus lieu de statuer sur la demande en annulation de ce règlement, ni d’examiner le moyen invoqué spécifiquement à l’appui de cette demande, tiré de l’absence de base juridique dudit règlement et de la violation de l’article 266 TFUE.

 Sur le fond

36      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision 2012/35 et de ses conclusions en annulation du règlement n° 267/12, en ce qu’ils la concernent, la requérante invoque trois moyens identiques. Le premier moyen est tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective, de l’obligation de motivation et des droits de la défense. Le deuxième moyen est tiré de l’absence de fondement de l’inscription de la requérante. Le troisième moyen est tiré d’une violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité.

37      Il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen, lequel, à la lumière de l’argumentation de la requérante, doit être entendu comme un moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

38      Avant d’examiner les motifs spécifiques et concrets de l’inscription de la requérante (points 61 à 73 ci-après), il convient, d’une part, de préciser l’intensité du contrôle juridictionnel (points 39 à 49 ci-après) et, d’autre part, de déterminer les éléments susceptibles d’être utilement invoqués par le Conseil devant le Tribunal, eu égard aux motifs de cette inscription et au déroulement de la procédure administrative (points 50 à 60 ci-après).

–       Sur l’intensité du contrôle juridictionnel

39      La requérante soutient que le bien-fondé des mesures restrictives en cause est soumis à un contrôle entier du Tribunal, conformément au principe d’une Union de droit et au principe de protection juridictionnelle effective.

40      Le Conseil estime, pour sa part, que les mesures en cause ne doivent faire l’objet que d’un contrôle restreint, dans la mesure où elles ont pour finalité d’exercer des pressions sur la République islamique d’Iran, afin que ce pays mette fin à ses activités présentant un risque de prolifération nucléaire. Il effectue à cet égard une distinction entre, d’une part, les mesures de lutte contre le terrorisme, dont il admet qu’elles sont soumises à un contrôle entier, et, d’autre part, les mesures de lutte contre la prolifération nucléaire, lesquelles viseraient toutes les personnes et entités participant ou apportant un appui aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran présentant un risque de prolifération nucléaire. Le contrôle restreint se justifierait ainsi par le fait que les mesures de lutte contre la prolifération nucléaire visent des agissements plus larges, dont les auteurs font partie d’un cercle plus vaste que celui des personnes et entités liées au terrorisme, lesquelles sont impliquées dans des actions criminelles particulièrement abominables.

41      Afin de déterminer, en l’espèce, l’intensité du contrôle du Tribunal, il convient d’examiner la pertinence de la distinction proposée à cet égard par le Conseil entre les mesures restrictives en matière de lutte contre la prolifération nucléaire et les mesures restrictives en matière de lutte contre le terrorisme.

42      En premier lieu, il convient de rappeler que les mesures de gel des fonds prises à l’encontre d’une personne ou d’une entité, sur la base des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, constituent des mesures préventives ciblées, qui visent à lutter contre les menaces pour la paix et la sécurité internationale et dont l’adoption s’inscrit dans le cadre strict des conditions légales définies par une décision adoptée sur la base de l’article 29 TUE et par un règlement fondé sur l’article 215, paragraphe 2, TFUE mettant en œuvre cette décision dans le champ d’application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Par leur nature conservatoire ainsi que par leur finalité préventive, ces mesures se distinguent de sanctions pénales, y compris lorsque les comportements reprochés aux intéressés se rapportent à des actions de nature criminelle. En effet, ces mesures restrictives visent à faire obstacle au développement d’activités mettant en péril la paix et la sécurité internationale, dans le cadre de la mise en œuvre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Il n’en demeure pas moins que de telles mesures affectent lourdement les droits et libertés des personnes ou des entités concernées, qu’il s’agisse de prévenir, d’une part, des actions terroristes ou, d’autre part, le développement de la prolifération nucléaire en faisant pression sur la République islamique d’Iran pour qu’elle mette fin à ses activités de prolifération nucléaire.

43      Dans ce contexte, eu égard à la nature et à la gravité identiques de ces différentes mesures restrictives, et compte tenu des objectifs similaires de sécurité internationale qu’elles poursuivent, rien ne justifie d’appliquer, en ce qui concerne les mesures imposées dans le cadre de la lutte contre la prolifération nucléaire, un standard de contrôle juridictionnel distinct de celui s’appliquant aux mesures imposées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

44      En particulier, dans la mesure où le Conseil entend souligner qu’une lutte efficace contre la prolifération nucléaire nécessite de cibler le cercle plus étendu des personnes, des entreprises et des entités dont les agissements sont susceptibles de contribuer, directement ou indirectement, aux activités de prolifération nucléaire, il y a lieu de rappeler que, dans une Union de droit, des considérations d’efficacité ne sauraient justifier un allégement du contrôle juridictionnel exercé sur les mesures restrictives adoptées à l’égard de personnes physiques ou morales (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, non encore publié au Recueil, point 44).

45      En second lieu, pour délimiter, dans le domaine des mesures restrictives, l’étendue du pouvoir d’appréciation du Conseil et l’intensité du contrôle juridictionnel sur l’exercice de ce pouvoir, la jurisprudence distingue entre, d’une part, les règles générales définissant les conditions légales entourant l’adoption de telles mesures – énoncées, en l’espèce, par les dispositions générales de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012 – et, d’autre part, l’adoption, sur la base d’un examen individuel, de décisions de gel de fonds, en application de ces conditions légales, à l’égard de personnes et d’entités déterminées, en l’occurrence par l’inscription de ces personnes et de ces entités à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, Rec. p. II‑2629, point 44, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 35).

46      En effet, premièrement, en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités font ainsi l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles les mesures restrictives sont fondées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, dit « OMPI I », T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 159 ; Melli Bank/Conseil, précité, point 45, et Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 36).

47      En l’espèce, la requérante n’invoque pas, par voie d’exception, l’illégalité des critères juridiques définis à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012. Partant, le Tribunal n’est pas appelé à effectuer, conformément au standard de contrôle décrit au point 46 ci-dessus, un contrôle restreint sur la légalité de ces critères.

48      Deuxièmement, en ce qui concerne l’application concrète de ces règles générales, il découle de la jurisprudence que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer au cas par cas si les critères juridiques entourant l’adoption de mesures restrictives sont remplis. Le Conseil est en revanche tenu d’adopter une mesure de gel des fonds à l’égard de la personne ou de l’entité concernée, s’il reconnaît qu’elle remplit l’un de ces critères (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, non encore publié au Recueil, points 40 à 42).

49      Dans le cadre de son contrôle de la légalité de l’inscription d’une personne ou d’une entité sur les listes établies de manière autonome par le Conseil, comme en l’espèce, à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012, il incombe au Tribunal de vérifier, au regard des moyens d’annulation invoqués par la requérante, notamment, que le cas d’espèce répond à l’un des critères juridiques définis en l’occurrence par les articles 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et par l’article 23, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 267/2012. Cela implique que le contrôle juridictionnel de la légalité de l’inscription en question s’étend, en principe, à l’appréciation des faits et circonstances invoqués comme la justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation (voir, par analogie, arrêts OMPI I, précité,  point 154 ; du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, précité, point 46, et Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 37).

 Sur les éléments susceptibles d’être utilement invoqués en l’espèce par le Conseil ou l’État membre intervenant

50      En l’espèce, la requérante a été maintenue sur la liste au motif qu’elle était contrôlée par l’IRISL ou agissait pour le compte de cette dernière. Les motifs spécifiques et concrets de cette inscription, énoncés dans les actes attaqués, se rapportent uniquement à l’adresse de la requérante, qui serait la même que celle de l’IRISL Europe, et aux anciennes fonctions du dirigeant de la requérante, M. Bateni, qui était précédemment directeur juridique de l’IRISL (voir points 8 et 13 ci-dessus).

51      Force est de constater que ces motifs ne contiennent ainsi aucune indication sur la nature du contrôle allégué de HTTS par l’IRISL ou sur les activités exercées par HTTS pour le compte de l’IRISL.

52      En premier lieu, dans ce contexte, le Conseil fait valoir, devant le Tribunal, qu’il est « bien connu que l’IRISL a transféré ses activités à d’autres sociétés afin de contourner les mesures prises à son encontre », en particulier les exigences en matière d’inspections. Il souligne que le développement des activités de prolifération nucléaire de la République islamique d’Iran est tributaire des services fournis par les compagnies maritimes, telles que l’IRISL, HTTS et les entités ayant des liens avec elles, pour la livraison des matières nécessaires au développement de ces activités. Il se fonde en particulier sur l’article du New York Times du 7 juin 2010, intitulé « Companies Linked to IRISL », contenant la liste de 66 entreprises, parmi lesquelles figurait HTTS, auxquelles l’IRISL aurait transféré des navires, ainsi que sur un rapport d’Iran Watch daté du 2 août 2012.

53      À cet égard, la République fédérale d’Allemagne, intervenant au soutien des conclusions du Conseil, ajoute notamment que HTTS entretient des liens avec HDSL, qui a été créée au printemps 2009 dans le contexte de la privatisation de l’IRISL. Fin novembre 2009, HDSL aurait repris la flotte de porte-containers de l’IRISL. Parallèlement, HTTS aurait été constituée dans le seul but de tourner les mesures restrictives à l’encontre de l’IRISL. HTTS serait l’agent de HDSL en Europe, tandis que l’IRISL Europe resterait l’agent de l’IRISL pour le reste de la flotte de l’IRISL. HTTS exercerait l’ensemble de son activité pour l’IRISL.

54      Au vu de cette argumentation, il y a lieu de rappeler que la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels elle a été adoptée, et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de ces actes, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que lesdits éléments pouvaient valablement compléter les motifs énoncés dans ces actes et contribuer à fonder leur adoption. En effet, le Tribunal ne saurait souscrire à l’invitation faite par le Conseil de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels ces actes se fondent (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, non encore publié au Recueil, point 29).

55      Or, en l’espèce, le Conseil a déclaré, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, qu’il ne disposait, au moment de l’adoption des actes attaqués, ni des informations fournies par la République fédérale d’Allemagne dans le mémoire en intervention, ni de l’article du New York Times du 7 juin 2010, mentionné au point 52 ci-dessus.

56      Dans ces conditions, les informations communiquées par la République fédérale d’Allemagne dans le mémoire en intervention ne sauraient être prises en considération par le Tribunal, quand bien même elles permettraient, en raison de leur nature détaillée et pertinente, de justifier l’inscription de la requérante. En effet, la prise en considération de ces informations reviendrait à admettre la possibilité, pour le Conseil, sur la base des éléments factuels avancés par l’État membre intervenant, d’invoquer utilement des éléments de preuve ou des motifs supplémentaire, fondés sur des éléments de fait ou de droit qui ne figuraient pas dans son dossier lors de l’adoption des actes attaqués. De même, le Conseil ne saurait invoquer utilement l’article du New York Times du 7 juin 2010, dont il n’a eu connaissance qu’après l’adoption des actes attaqués, et le rapport d’Iran Watch du 2 août 2012, postérieur à cette adoption.

57      Il convient d’ajouter que la possibilité pour le Conseil d’invoquer les éléments d’information mentionnés au point 56 ci-dessus lui permettrait d’avancer des motifs supplémentaires, en vue de compléter ceux énoncés dans les actes attaqués (voir point 50 ci-dessus), ce qui porterait également atteinte aux droits de la défense de la requérante et à son droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, la requérante n’ayant pas été en mesure de connaître ces motifs en temps utile pour, d’une part, défendre sa position lors de la procédure administrative et, d’autre part, apprécier le bien-fondé de son inscription et l’opportunité de former un recours, elle disposerait uniquement, à la suite du dépôt du mémoire en intervention, de la procédure orale pour présenter ses observations contre de tels motifs. Le principe d’égalité des parties devant le juge de l’Union s’en trouverait ainsi affecté (voir, en ce sens, arrêt OMPI I, précité, points 139 et 140).

58      En second lieu, dans la duplique, le Conseil fait valoir qu’il avait été informé par un État membre, avant l’adoption des actes attaqués, de ce que M. Bateni était le directeur de l’IRISL Europe, entièrement détenue par l’IRISL. En réponse à une lettre du Conseil lui communiquant cet élément, la requérante aurait cependant indiqué que M. Bateni avait démissionné de son poste de directeur de l’IRISL Europe le 9 août 2010. Dans le mémoire en intervention, la République fédérale d’Allemagne fait observer que, en septembre 2012, cette démission n’avait toujours pas été inscrite au registre du commerce.

59      À cet égard, il convient de relever que les fonctions de directeur de l’IRISL Europe, exercées par le directeur de la requérante, n’ont pas été mentionnées par le Conseil parmi les motifs de l’inscription de cette dernière énoncés dans les actes attaqués ou communiqués à la requérante au cours de la procédure administrative. En conséquence, conformément à la jurisprudence rappelée au point 57 ci-dessus, ces fonctions ne sauraient être prises en considération, en l’espèce, en tant que motifs supplémentaires de l’inscription de la requérante.

60      Pour l’ensemble de ces raisons, seuls les éléments mentionnés dans les actes attaqués et dans les lettres du Conseil à la requérante du 5 décembre 2011 et du 25 janvier 2012 peuvent être pris en considération, en l’espèce, afin d’apprécier si l’inscription de la requérante était justifiée.

 Sur les motifs spécifiques et concrets de l’inscription de la requérante

61      Il convient de rappeler que l’arrêt HTTS/Conseil, précité (points 37 et 38), avait annulé le règlement n° 961/2010 en ce qu’il concernait HTTS, pour violation de l’obligation de motivation, notamment dans la mesure où la motivation de l’inscription de cette société se bornait en substance à reproduire les critères juridiques relatifs au contrôle par, et à l’activité pour le compte, d’une entité apportant un appui à la prolifération nucléaire, à savoir l’IRISL. Afin de compléter cette motivation, les actes attaqués ont ainsi précisé, d’une part, que HTTS était enregistrée à Hambourg (Allemagne), à la même adresse que l’IRISL Europe, et, d’autre part, que M. Bateni, son dirigeant, était employé précédemment par l’IRISL. Quant aux lettres du Conseil du 5 décembre 2011 et du 25 janvier 2012, elles ne contiennent pas d’autres explications.

62      La requérante estime que ces nouveaux motifs ne sauraient justifier son inscription. Les actes attaqués seraient dès lors entachés d’une erreur manifeste d’appréciation.

63      Le Conseil explique que c’est en raison des anciennes fonctions du directeur de HTTS, M. Bateni, au sein de l’IRISL, et du fait que HTTS et l’IRISL Europe ont leur siège à la même adresse, ou du moins dans les mêmes bâtiments, avec des entrées différentes, qu’il a établi un lien entre HTTS et l’IRISL. La circonstance que M. Bateni soit un ancien directeur juridique de l’IRISL et le directeur actuel de HTTS montrerait qu’il participe activement aux actions de l’IRISL consistant à tourner les mesures restrictives adoptées à son égard, par la création d’autres sociétés agissant en son nom et pour son compte.

64      Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 61 ci-dessus, la motivation de l’inscription de la requérante ne contient que deux motifs spécifiques et concrets, l’un concernant les anciennes fonctions de son dirigeant, M. Bateni, et l’autre relatif à l’adresse de la requérante, qui serait la même que celle de l’IRISL Europe.

65      Premièrement, en ce qui concerne le motif de l’inscription de la requérante relatif aux fonctions de directeur juridique de l’IRISL exercées précédemment par son dirigeant, M. Bateni, il y a lieu de relever que des liens personnels entre deux entités constituent un indice pertinent de ce que l’une est contrôlée par la seconde ou agit pour son compte.

66      Cependant, la requérante fait valoir que M. Bateni a cessé d’exercer les fonctions de directeur juridique de l’IRISL depuis 2008.

67      À cet égard, il convient de souligner que la circonstance que M. Bateni a cessé d’exercer ses fonctions au sein de l’IRISL n’implique pas, à elle seule, que ces anciennes fonctions sont dénuées de pertinence, dans la mesure où ses activités passées pourraient influencer le comportement de M. Bateni au sein de la requérante.

68      Toutefois, si le Conseil entend se fonder sur les activités passées de M. Bateni, il lui incombe d’établir l’existence d’un risque actuel que la requérante soit placée sous le contrôle ou agisse pour le compte de l’IRISL, en raison du rôle joué en son sein par M. Bateni. Dans les circonstances de l’espèce, il lui incombe notamment d’avancer des indices permettant raisonnablement de considérer que M. Bateni a maintenu des liens avec l’IRISL, après la cessation de ses fonctions auprès de cette dernière.

69      Or, en l’espèce, force est de constater que ni les actes attaqués ni les lettres du Conseil du 5 décembre 2011 et du 25 janvier 2012 ne font état d’éléments concrets permettant de considérer que M. Bateni a maintenu des liens avec l’IRISL.

70      Quant aux motifs de l’inscription de M. Bateni lui-même, énoncés dans les actes attaqués, ils ne fournissent aucun élément de fait ou de droit supplémentaire montrant qu’il a maintenu des liens avec l’IRISL. En effet, M. Bateni est lui-même inscrit à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 aux seuls motifs, en substance, qu’il est l’ancien directeur juridique de l’IRISL et le directeur actuel de HTTS.

71      Deuxièmement, en ce qui concerne le motif de l’inscription de la requérante relatif à son adresse, il convient de relever que la circonstance, à la supposer établie, que la requérante soit enregistrée à la même adresse que l’IRISL Europe – elle-même inscrite au motif qu’elle est un « [a]gent [de l’]IRISL en Allemagne » – ne permet pas à elle seule d’établir que la requérante est placée sous le contrôle de l’IRISL ou agit pour le compte de cette entité.

72      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l’inscription de la requérante ne saurait être valablement justifiée par les deux motifs individuels énoncés dans les actes attaqués. Partant, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.

73      Il s’ensuit que l’inscription de la requérante à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation partielle des actes attaqués

74      Pour ce qui est des effets dans le temps de l’annulation de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 en ce qu’elle concerne la requérante, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

75      Or, le règlement n° 267/2012, en ce compris son annexe IX, a la nature d’un règlement, dès lors que son article 51, second alinéa, prévoit qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, ce qui correspond aux effets d’un règlement tels que prévus à l’article 288 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, non encore publié au Recueil, point 45, et arrêt du Tribunal du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, non encore publié au Recueil, point 84).

76      En ce qui concerne la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011 (JO L 319, p.71), il convient de relever que l’annulation de cette décision en ce qu’elle concerne la requérante entraînerait la disparition immédiate de l’inscription de cette dernière à son annexe II.

77      En vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

78      En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation partielle de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 et celle de l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’issue de la décision 2012/35, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes prévoyant des mesures identiques.

79      Les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’issue de la décision 2012/35, doivent dès lors être maintenus en ce qui concerne la requérante jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle de l’annexe IX du règlement n° 267/2012 (voir, par analogie, arrêt Sina Bank/Conseil, précité, point 89).

 Sur les dépens

80      L’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en ses conclusions dans l’affaire T‑128/12, en ce que le recours tend à l’annulation de la décision 2012/35 pour autant qu’elle concerne la requérante, et dans l’affaire T‑182/12, il y a lieu de le condamner à supporter, dans cette même mesure, ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

81      L’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure prévoit que, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. En l’espèce, dans la mesure où, d’une part, le règlement n° 267/2012 maintient l’inscription de la requérante sur la liste figurant à son annexe IX, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le règlement d’exécution n° 54/2012, et où, d’autre part, les moyens en annulation invoqués dans l’affaire T-128/12, en ce que le recours tendait à l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012, et dans l’affaire T‑182/12, sont identiques, il y a lieu de condamner le Conseil à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la requérante dans l’affaire T-128/12, en ce que le recours tendait à l’annulation du règlement d’exécution n° 54/2012, conformément aux conclusions de la requérante.

82      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres intervenus au litige supportent leurs dépens. En conséquence, la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T-128/12 et T-182/12 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Dans l’affaire T-128/12, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, en ce qu’il concerne HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH.

3)      La décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée en ce qu’elle a inscrit le nom de HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping à l’annexe II de la décision 2010/413.

4)      L’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010, est annulée, pour autant qu’elle concerne HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping.

5)      Les effets de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, telle que modifiée par la décision 2012/35 sont maintenus en ce qui concerne HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping, depuis son entrée en vigueur, le vingtième jour suivant sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement n° 267/2012.

6)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping.

7)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la demande de non-lieu à statuer partiel dans l’affaire T‑128/12

Sur le fond

– Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

– Sur l’intensité du contrôle juridictionnel

Sur les éléments susceptibles d’être utilement invoqués en l’espèce par le Conseil ou l’État membre intervenant

Sur les motifs spécifiques et concrets de l’inscription de la requérante

Sur les effets dans le temps de l’annulation partielle des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.