Language of document : ECLI:EU:T:2020:395

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 septembre 2020 (*)

« Droit institutionnel – Recours en indemnité – Conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union – Régime d’importation de produits biologiques en provenance des pays tiers – Organisme de contrôle privé – Notion de supervision appropriée au sens de l’article 33, paragraphe 3, du règlement (CE) no 834/2007 – Règlement (CE) no 1235/2008 – Imputabilité du comportement »

Dans l’affaire T‑565/18,

P. Krücken Organic GmbH, établie à Mannheim (Allemagne), représentée par Me H. Schmidt, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme B. Eggers, MM. B. Hofstötter et A. Dawes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi à la suite, d’une part, de la prétendue violation par la Commission des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 33, paragraphe 3, du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91 (JO 2007, L 189, p. 1), et, d’autre part, d’un certain nombre de comportements commis par Ecocert SA et prétendument imputables à la Commission,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 février 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, P. Krücken Organic GmbH, est une société de droit allemand exerçant depuis 2002 une activité de commerce de produits issus de l’agriculture biologique. Elle se procure notamment des produits dans des pays tiers afin de les commercialiser dans l’Union européenne pour l’alimentation d’animaux d’élevage biologique.

2        Depuis 2012, Ecocert SA est inscrite sur la liste des organismes de contrôle désignés aux fins de l’équivalence figurant à l’annexe IV du règlement (CE) no 1235/2008 de la Commission, du 8 décembre 2008, portant modalités d’application du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil en ce qui concerne le régime d’importation de produits biologiques en provenance des pays tiers (JO 2008, L 334, p. 25, ci-après le « règlement d’exécution »), en tant qu’organisme de contrôle reconnu par la Commission européenne, habilité à délivrer des certificats d’inspection dans des pays tiers, dont la Chine, aux fins de l’importation de produits biologiques présentant des garanties équivalentes. Ecocert a été accréditée par le comité français d’accréditation (ci-après le « COFRAC »). Aux fins de son activité de contrôle, Ecocert possède un établissement en Chine.

3        Aux mois de mai et de juin 2017, une évaluation sur place a été réalisée par le COFRAC au siège d’Ecocert ainsi que dans son établissement en Chine. Dans son rapport d’évaluation du 10 août 2017, le COFRAC a identifié l’établissement d’Ecocert en Chine comme « site critique » bien qu’aucune non-conformité n’ait été constatée.

4        Le 17 octobre 2017, la requérante a importé depuis la Chine 490 960 kg de tourteau de sésame en tant que produit issu de l’agriculture biologique à des fins d’alimentation d’animaux d’élevage biologique dans l’Union (ci-après le « produit en cause »). L’importation a été visée par les autorités douanières néerlandaises et le produit en cause a été mis en libre pratique. Préalablement, Ecocert a établi, le 19 septembre 2017, un « certificat d’inspection requis pour l’importation de produits biologiques dans l’Union » pour le produit en cause.

5        Du 14 au 24 novembre 2017, la Commission a réalisé un audit du bureau d’Ecocert en Chine. Dans son rapport d’audit, la Commission a constaté que des lacunes avaient été décelées dans la détection de certains risques et a formulé sept recommandations qu’elle a transmises à Ecocert le 2 mai 2018. À la suite de ce rapport, Ecocert a présenté un plan d’action. La Commission a évalué ce plan d’action et des échanges ont eu lieu entre Ecocert et la Commission quant aux réponses aux recommandations.

6        Le 23 mars 2018, la requérante a informé Ecocert, par l’intermédiaire de l’organisme de contrôle dont elle relève (Lacon GmbH), de la détection, dans le produit en cause, de pesticides qui ne sont pas autorisés en production biologique. Ecocert a alors mené une enquête sur la cause de l’irrégularité ou de l’infraction soupçonnée, incluant une inspection du moulin à huile utilisé pour la production du produit en cause, et a communiqué les résultats de cette enquête par l’Organic Farming Information System, la base de données gérée par la Commission (ci-après l’« OFIS »).

7        Le 1er juin 2018, Ecocert a informé Lacon, l’organisme de contrôle dont relève la requérante, des irrégularités qu’elle avait constatées dans le moulin à huile et des mesures de déclassement qu’elle avait prises en conséquence, à savoir la révocation du certificat d’inspection relatif au produit en cause, d’une part, et la révocation de la certification du moulin à huile utilisé pour la transformation de celui-ci, d’autre part.

8        Le 19 juin 2018, le Regierungspräsidium Karlsruhe (préfecture de Karlsruhe, Allemagne) a communiqué à la requérante un extrait de l’OFIS contenant les mêmes indications quant au motif de révocation du certificat relatif au produit en cause.

9        Par courriers électroniques des 28 et 29 juin 2018, la requérante a demandé à Ecocert de vérifier ses conclusions quant aux irrégularités constatées.

10      Le 23 juillet 2018, le Regierungspräsidium Freiburg (préfecture de Fribourg, Allemagne) a, en conséquence de la décision de déclassement d’Ecocert, interdit à la requérante de commercialiser le produit en cause en tant que produit issu de l’agriculture biologique.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui payer la somme de 216 749,02 euros ainsi que des intérêts moratoires sur cette somme à compter de la date de signification de la requête, à un taux annuel égal au taux de base de la Banque centrale européenne (BCE) majoré de 8 points ;

–        condamner la Commission à lui donner accès aux documents générés dans le cadre de l’activité d’Ecocert lors du contrôle de la société ayant produit le produit en cause, notamment les rapports d’inspection et les courriers d’évaluation correspondants des années 2016, 2017 et 2018, qui se rapportent aux constatations, évaluations et décisions d’Ecocert sur la base desquelles le certificat d’inspection relatif au produit en cause a été établi et sur la base desquelles ledit certificat d’inspection a ensuite été retiré par Ecocert ;

–        enjoindre à la Commission :

–        d’obliger les organismes de contrôle auxquels elle confie, dans des pays tiers, une mission d’exécution de tâches dans le cadre du système de contrôle de l’agriculture biologique mis en place par l’Union, à notifier à tout importateur concerné leurs décisions concernant le retrait, la révocation ou l’annulation des certificats d’inspection délivrés, à recevoir les réclamations de ces importateurs et à se prononcer sur celles-ci,

–        d’inviter les organismes de contrôle mandatés par elle dans les pays tiers à mettre à la disposition des importateurs les documents de la procédure de contrôle de la production biologique sur lesquels ces décisions reposent, notamment les rapports d’inspection et courriers d’évaluation, après en avoir noirci les éléments relevant de la protection des données de tiers.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur l’absence de clarté de la requête

14      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission conteste la recevabilité du recours au motif que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ne ressortiraient pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même, en violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

15      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 9 juin 2016, IREPA/Commission et Cour des comptes, T‑825/14, non publiée, EU:T:2016:345, point 31 et jurisprudence citée).

16      Pour satisfaire aux exigences de clarté et de précision qui découlent de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, tel qu’interprété par la jurisprudence, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêt du 19 juillet 2007, FG Marine/Commission, T‑360/04, non publié, EU:T:2007:235, point 34).

17      En l’espèce, il ressort de manière suffisamment explicite de la requête que la requérante reproche, en substance, à la Commission, d’une part, d’avoir omis d’assurer une supervision appropriée de l’organisme de contrôle Ecocert au sens de l’article 33, paragraphe 3, du règlement (CE) no 834/2007 du Conseil, du 28 juin 2007, relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) no 2092/91 (JO 2007, L 189, p. 1, ci-après le « règlement de base »), et, d’autre part, certains comportements commis par Ecocert dans le cadre de ses activités de contrôle en Chine et qu’elle estime être imputables à la Commission. Ces comportements auraient conduit à la révocation du certificat d’inspection délivré par Ecocert le 19 septembre 2017 et engendré l’impossibilité, pour la requérante, de commercialiser le produit en cause en tant que produit issu de l’agriculture biologique. Cette impossibilité aurait entraîné, pour la requérante, un manque à gagner de 216 749,02 euros.

18      Il s’ensuit que les exigences posées par l’article 76, sous d), du règlement de procédure sont remplies en l’espèce. Au demeurant, la Commission a répondu, dans son mémoire en défense, à l’ensemble des griefs invoqués par la requérante, de telle sorte que, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, elle a été en mesure d’identifier les arguments de la requérante.

19      Partant, les allégations de la Commission relatives à l’irrecevabilité du recours du fait de l’absence de clarté de la requête doivent être rejetées.

 Sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions

20      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande à ce que le Tribunal enjoigne à la Commission de lui donner accès à des documents générés dans le cadre de l’activité de l’organisme de contrôle Ecocert. À cet égard, la requérante fait valoir qu’elle a demandé audit organisme l’accès au rapport d’inspection et au courrier d’évaluation correspondant concernant le moulin à huile en 2017 et en 2018 et que cet accès lui a été refusé. La requérante fonde ce chef de conclusions sur le droit d’accès au dossier que le droit de l’Union reconnaîtrait aux entreprises concernées s’agissant des procédures administratives de la Commission.

21      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande à ce que le Tribunal adresse diverses injonctions à la Commission visant à obliger les organismes de contrôle à effectuer certaines actions. La requérante fonde ce troisième chef de conclusions sur le droit d’être entendue et sur le droit à une protection juridictionnelle effective.

22      La Commission estime que les deuxième et troisième chefs de conclusions sont manifestement irrecevables en faisant valoir, notamment, que le Tribunal ne peut, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions de l’Union.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le juge de l’Union ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution ou à un organe de l’Union (voir ordonnance du 26 janvier 2007, Theofilopoulos/Commission, T‑91/06, non publiée, EU:T:2007:18, point 21 et jurisprudence citée).

24      Ainsi, dès lors que les deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante doivent être compris comme tendant à ce que le Tribunal adresse des injonctions à la Commission, il y a lieu de les rejeter comme étant irrecevables.

25      Il convient toutefois d’ajouter que, lors de l’audience, la requérante a fait valoir que le deuxième chef de conclusions visant à faire produire certains documents générés dans le cadre de l’activité d’Ecocert pouvait être interprété comme une demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction au titre de l’article 88 du règlement de procédure. Dans la mesure où l’examen de la pertinence de cette demande relève d’une appréciation au fond, il y a lieu de l’examiner dans le cadre de celle-ci.

 Sur le fond

 Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

26      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

27      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de la disposition mentionnée au point précédent, pour comportement illicite de ses institutions est subordonné à la réunion de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 28 février 2018, Vakakis kai Synergates/Commission, T‑292/15, EU:T:2018:103, point 62 ; voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 39 à 42, et du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, points 106 et 164 à 166).

28      À cet égard, il importe de rappeler que seuls les actes ou les comportements imputables à une institution ou à un organe de l’Union peuvent donner lieu à l’engagement de la responsabilité de l’Union (voir arrêt du 30 novembre 2005, Autosalone Ispra/Commission, T‑250/02, EU:T:2005:432, point 42 et jurisprudence citée).

29      Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union fait défaut, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir arrêt du 17 février 2017, ASPLA et Armando Álvarez/Union européenne, T‑40/15, EU:T:2017:105, point 55). En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, point 42).

 Sur l’illégalité des comportements reprochés

30      La requérante se prévaut de deux illégalités distinctes, à savoir, d’une part, le manquement de la Commission à l’obligation d’assurer une supervision appropriée de l’organisme de contrôle Ecocert, au titre de l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base et, d’autre part, un certain nombre de comportements illicites commis par ledit organisme et prétendument imputables à la Commission.

31      Pour que la condition relative à l’illégalité du comportement reproché soit satisfaite, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. À cet égard, il convient de rappeler que le régime dégagé par la jurisprudence en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union prend notamment en compte la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes et, plus particulièrement, la marge d’appréciation dont dispose l’auteur de l’acte mis en cause. Le critère décisif pour considérer une violation du droit de l’Union comme suffisamment caractérisée réside dans la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation [arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 43, et du 18 septembre 2014, Holcim (Romania)/Commission, T‑317/12, EU:T:2014:782, point 87]. C’est seulement lorsque celle-ci ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, que la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt du 31 mai 2018, Consorzio di garanzia dell’olio extra vergine di oliva di qualità/Commission, T‑163/17, non publié, EU:T:2018:318, point 37).

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la légalité des deux comportements distincts qui, tels qu’exposés au point 30 ci-dessus, sont reprochés par la requérante à la Commission.

–       Précisions sur le système de contrôle de l’importation de produits présentant des garanties équivalentes

33      Le cadre juridique applicable aux importations dans l’Union de produits biologiques en provenance des pays tiers est régi, principalement, par le règlement de base et par le règlement d’exécution (ci-après, pris ensemble, les « règlements en cause »).

34      Le titre VI du règlement de base, consacré aux échanges avec les pays tiers, prévoit que, afin de pouvoir être mis sur le marché en tant que produit issu de l’agriculture biologique, un produit importé en provenance d’un pays tiers doit être certifié soit en tant que produit conforme, au sens de l’article 32 dudit règlement, soit en tant que produit présentant des garanties équivalentes, au sens de l’article 33 du même règlement.

35      Le produit en cause dans la présente affaire a été importé en tant que produit présentant des garanties équivalentes. Au sein de cette catégorie de produits, certains sont considérés comme tels parce qu’ils proviennent d’un pays tiers que la Commission a reconnu comme pays équivalent en vertu de l’article 33, paragraphe 2, du règlement de base. Cependant, en l’espèce, le produit en cause provient de Chine, un État tiers ne bénéficiant pas de cette reconnaissance.

36      Concernant les produits qui ne sont pas importés depuis un pays tiers reconnu comme pays équivalent, l’article 33, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base dispose que la Commission peut, conformément à la procédure visée à l’article 37, paragraphe 2, dudit règlement, reconnaître les autorités et organismes de contrôle, y compris les autorités et organismes de contrôle visés à l’article 27 du même règlement, compétents pour effectuer les contrôles et délivrer les certificats dans les pays tiers et qu’elle dresse, à cette fin, une liste de ces autorités et organismes de contrôle.

37      En l’espèce, afin de garantir le respect des règles de production équivalentes, les étapes de la production et de la distribution du produit en cause ont été soumises au contrôle d’Ecocert, reconnue par la Commission parmi les organismes visés à l’article 27 du règlement de base. Ecocert figure ainsi sur la liste établie par la Commission au titre de l’article 33, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base. En vertu de l’article 27 du règlement de base, Ecocert est accréditée par le COFRAC, lui-même chargé d’évaluer Ecocert et de lui transmettre les rapports d’évaluation correspondants.

–       Sur la prétendue illégalité tirée du défaut de supervision de la Commission

38      S’agissant de la première illégalité invoquée, la requérante reproche à la Commission d’avoir manqué à son obligation de superviser de manière appropriée l’activité d’Ecocert en Chine. À cet égard, en réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, la requérante a confirmé que la norme dont elle invoquait la violation était l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base.

39      Selon la requérante, le règlement de base aurait notamment pour but de faire assurer l’équivalence de la production biologique et du contrôle des importations depuis des pays tiers  de façon centrale et uniforme, et ce au moyen de la supervision, par la Commission, des organismes chargés du contrôle de la production biologique dans les pays tiers. La Commission serait chargée de superviser de façon constante ces organismes de contrôle et, partant, aurait l’obligation de s’informer continûment de la réalité des faits au moyen de ses propres audits et non en se contentant d’une activité de supervision fondée uniquement sur ce qu’il ressort du contenu de documents.

40      Or, la requérante soutient que la Commission, de façon systématique, ne s’acquitte pas de cette mission et qu’il n’y a pas de supervision constante de l’activité d’Ecocert en Chine. Ainsi, ni la Commission ni l’organisme d’accréditation n’auraient effectué d’audit avant l’année 2017 alors qu’un risque élevé de corruption l’aurait rendu nécessaire.

41      En outre, selon la requérante, le contrôle des organismes de contrôle effectué par la Commission serait inefficace par rapport au contrôle qu’assuraient les États membres, de manière exclusive, avant la réforme de 2007. En particulier, l’audit effectué en novembre 2017 par la Commission présenterait des défaillances. À cet égard, la requérante reproche aux auditeurs de la Commission de ne pas s’être rendus dans les locaux du moulin à huile en Chine.

42      En ce qui concerne le caractère suffisamment caractérisé de la violation reprochée à la Commission, la requérante soutient que cette dernière ne dispose d’aucune marge d’appréciation quant à l’obligation de supervision des organismes de contrôle qui lui incombe. La requérante ajoute que, en omettant de procéder à des audits, la Commission a manqué de façon manifeste et grave à son obligation de supervision. En outre, il ne reviendrait pas à la Commission de déterminer, par sa pratique administrative, ce qui serait approprié lorsqu’il lui incombe d’assurer une surveillance appropriée. En revanche, cette compétence relèverait pleinement du contrôle juridictionnel.

43      La Commission conteste cette argumentation.

44      Afin d’apprécier l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit, il convient de prendre en compte la marge d’appréciation dont dispose l’institution (voir la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus). Dans la mesure où la requérante soutient que l’illégalité du comportement reproché à la Commission réside dans un manquement à l’obligation de supervision de l’organisme de contrôle au sens de l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base, il y a lieu, dans un premier temps, de déterminer la marge d’appréciation dont disposait la Commission, en vertu des dispositions pertinentes, aux fins d’assurer une supervision appropriée et, dans un second temps, d’examiner si la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée de ces dispositions.

45      L’article 33, paragraphe 3, du règlement de base dispose, en ses troisième, quatrième et cinquième alinéas, ce qui suit :

« Lorsqu’elle examine une demande de reconnaissance, la Commission invite l’autorité ou l’organisme de contrôle concerné à fournir tous les renseignements nécessaires. L’autorité ou l’organisme de contrôle est soumis à une évaluation sur place, à une surveillance et à une réévaluation pluriannuelle régulières de ses activités par un organisme d’accréditation ou, le cas échéant, par une autorité compétente. La Commission peut également confier à des experts la tâche d’évaluer sur place les règles de production et les mesures de contrôle mises en œuvre dans le pays tiers par l’autorité ou l’organisme de contrôle concerné.

Les autorités ou organismes de contrôle reconnus fournissent les rapports d’évaluation délivrés par l’organisme d’accréditation ou, le cas échéant, par l’autorité compétente, relatifs à l’évaluation sur place, à la surveillance et à la réévaluation pluriannuelle régulières de leurs activités.

Sur la base de ces rapports d’évaluation, la Commission, assistée par les États membres, assure une supervision appropriée des autorités et organismes de contrôle reconnus en réexaminant régulièrement leur reconnaissance. La nature de la supervision est fixée sur la base d’une évaluation des risques de cas d’irrégularités ou d’infractions aux dispositions prévues dans le présent règlement. »

46      D’une part, il ressort des dispositions citées du règlement de base que la supervision des organismes de contrôle par la Commission s’effectue par le réexamen régulier de leur reconnaissance. À cet égard, l’article 33, paragraphe 3, cinquième alinéa, du règlement de base précise que la nature de la supervision de la Commission est fonction des conclusions qu’elle tire de son évaluation des risques de cas d’irrégularités ou d’infractions aux dispositions du règlement de base. Ainsi, l’intensité de la supervision de la Commission dépend de la détection d’un risque et de la nature de celui-ci. Or, aux fins de la détermination de l’existence d’un risque, il y a lieu de constater que la Commission dispose d’une certaine liberté dans le choix des éléments de fait qu’elle est susceptible de prendre en compte. Certes, l’article 33, paragraphe 3, cinquième alinéa, du règlement de base prévoit que la supervision de la Commission s’effectue sur la base des rapports d’évaluation établis par les organismes d’accréditation. Toutefois, ces rapports ne constituent que la base et non le fondement exclusif de l’évaluation de la Commission. À cet égard, dans son mémoire en duplique, la Commission a notamment indiqué que son évaluation annuelle des risques tenait compte, notamment, des informations pertinentes figurant dans le rapport annuel le plus récent fourni par l’organisme de contrôle, des irrégularités notifiées dans l’OFIS ainsi que d’autres informations dont elle disposait.

47      D’autre part, il convient de souligner la diversité des moyens dont dispose la Commission en vue d’assurer une supervision appropriée des organismes de contrôle. En fonction du résultat de son évaluation annuelle des risques, la Commission peut soit suspendre l’inscription [article 12, paragraphe 1, sous c), du règlement d’exécution], soit retirer l’organisme de contrôle de la liste de l’annexe IV du règlement d’exécution (article 12, paragraphe 2, du règlement d’exécution). En outre, en vertu de l’article 33, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de base, si l’organisme de contrôle est soumis à une surveillance régulière par un organisme d’accréditation ou par une autorité compétente, la Commission dispose également d’un pouvoir d’initiative en matière de contrôle de l’activité de l’organisme de contrôle en tant qu’elle peut confier à des experts la tâche d’effectuer un contrôle de ladite activité dans le pays tiers. À cet égard, l’article 11, paragraphe 4, du règlement d’exécution précise que, « [l]orsqu’elle examine une demande d’inscription sur la liste des organismes ou autorités de contrôle, ainsi que pendant toute la période suivant l’inscription, la Commission peut demander tout complément d’information, y compris la présentation d’un ou de plusieurs rapports d’examen sur place établis par des experts indépendants [et que, d]e plus, en cas d’irrégularités présumées, la Commission peut organiser, sur la base d’une évaluation des risques, la réalisation d’un examen sur place par des experts qu’elle désigne ». Par ailleurs, eu égard aux dispositions précitées, il y a lieu de relever que la mise en œuvre de l’un ou l’autre des moyens visant à assurer une supervision appropriée relève d’une faculté, dont l’exercice est fonction du résultat de l’évaluation des risques.

48      Dès lors, en vue d’assurer une supervision appropriée des organismes de contrôle, l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base confère à la Commission une large marge d’appréciation quant à l’évaluation du risque, d’une part, et quant au choix des moyens à adopter en conséquence de sa détection, d’autre part.

49      Partant, pour engager la responsabilité de l’Union, la requérante doit établir une méconnaissance manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation de la Commission.

50      Premièrement, la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir pris de mesure de nature à assurer une supervision appropriée d’Ecocert avant l’audit mené en 2017. Cependant, la requérante ne s’appuie sur aucun rapport antérieur à 2017, ni n’avance aucune circonstance, dont la Commission aurait eu connaissance, permettant de démontrer qu’elle aurait dû détecter l’existence d’un risque avant 2017. En outre, la requérante ne conteste pas que la Commission ait analysé les rapports d’évaluation soumis annuellement par Ecocert. Or, ainsi que cela ressort du point 47 ci-dessus, en l’absence de détection d’un risque, le règlement de base n’impose pas à la Commission l’obligation de mener un audit sur le site d’Ecocert en Chine, ni même de prendre d’autres mesures déterminées.

51      Deuxièmement, en ce qu’il conviendrait de comprendre l’argument de la requérante relatif à l’absence de mesure de supervision comme visant également l’année 2017, il convient de relever que, en l’espèce, une évaluation sur place a été réalisée par le COFRAC durant les mois de mai et de juin 2017 au siège d’Ecocert, ainsi que dans son établissement en Chine. Dans le rapport de surveillance de l’organisme d’accréditation, l’établissement d’Ecocert en Chine a été classé comme « site critique », bien qu’aucune non-conformité n’ait été constatée. Or, à la suite de cette évaluation sur place et de son évaluation annuelle des risques, la Commission a mis en œuvre la prérogative dont elle dispose, en vertu de l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base, en réalisant un contrôle d’Ecocert en Chine en novembre 2017.

52      En outre, quant à l’allégation de la requérante selon laquelle le moulin à huile aurait également dû faire l’objet d’un contrôle sur place de la part de la Commission, il convient de relever que, si l’article 33, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de base prévoit que la Commission peut confier à des experts la tâche d’évaluer sur place les règles de production et les mesures de contrôle mises en œuvre dans le pays tiers par l’autorité ou l’organisme de contrôle concerné et qu’elle peut, par conséquent, décider d’effectuer un audit de l’organisme de contrôle, la Commission ne saurait cependant être tenue d’inclure, dans le cadre de cet audit, l’ensemble des producteurs dont les produits sont certifiés par Ecocert en Chine. Au demeurant, ainsi que la Commission le précise dans sa duplique, elle ne disposait d’aucune information qui, au-delà de l’audit, aurait justifié une inspection sur place des règles de production du moulin à huile en cause.

53      Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré que la Commission aurait méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation en matière de supervision d’Ecocert au sens de l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base.

54      Il importe enfin de relever que cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante tirés, d’une part, de la violation du règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2017, concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles servant à assurer le respect de la législation alimentaire et de la législation relative aux aliments pour animaux ainsi que des règles relatives à la santé et au bien-être des animaux, à la santé des végétaux et aux produits phytopharmaceutiques, modifiant les règlements du Parlement européen et du Conseil (CE) no 999/2001, (CE) no 396/2005, (CE) no 1069/2009, (CE) no 1107/2009, (UE) no 1151/2012, (UE) no 652/2014, (UE) 2016/429 et (UE) 2016/2031, les règlements du Conseil (CE) no 1/2005 et (CE) no 1099/2009 ainsi que les directives du Conseil 98/58/CE, 1999/74/CE, 2007/43/CE, 2008/119/CE et 2008/120/CE, et abrogeant les règlements du Parlement européen et du Conseil (CE) no 854/2004 et (CE) no 882/2004, les directives du Conseil 89/608/CEE, 89/662/CEE, 90/425/CEE, 91/496/CEE, 96/23/CE, 96/93/CE et 97/78/CE ainsi que la décision 92/438/CEE du Conseil (règlement sur les contrôles officiels) (JO 2017, L 95, p. 1), et, d’autre part, des conclusions formulées par la Cour des comptes européenne dans son rapport spécial no 4/2019 intitulé « Même si le système de contrôle des produits biologiques s’est amélioré, certains défis restent à relever » (ci-après le « rapport spécial »).

55      Quant au premier argument, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission lors de l’audience, il convient d’observer, d’une part, que la requérante invoque de manière abstraite le règlement 2017/625 et n’indique ni quelles dispositions de celui-ci auraient été violées ni en quoi la violation consisterait et, d’autre part, que ledit règlement ne trouve pas application en l’espèce, dans la mesure où son article 167 prévoit que ses dispositions n’entrent en vigueur qu’à compter du 14 décembre 2019, soit après la survenue des circonstances factuelles à l’origine du présent recours.

56      Quant au second argument, il convient d’observer que, là encore, la requérante n’indique pas avec précision quelle conclusion tirée du rapport spécial serait de nature à établir que la Commission aurait manqué à l’obligation de surveillance qui lui incombe en vertu du règlement de base. En outre, si, certes, le rapport spécial formule diverses recommandations en vue d’optimiser la surveillance des systèmes de contrôle de la production biologique à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union, ces recommandations ne sont établies que dans le cadre d’une analyse globale du fonctionnement des systèmes de contrôle. Il ne saurait donc être considéré que le rapport spécial soit de nature à établir que la Commission aurait méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation en matière de supervision d’Ecocert au sens de l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base.

57      Il s’ensuit que le premier grief doit être écarté.

–       Sur la responsabilité non contractuelle de l’Union tirée de l’imputabilité des comportements prétendument illégaux d’Ecocert à la Commission

58      Selon la requérante, Ecocert aurait commis un enchaînement d’agissements fautifs imputables à la Commission. D’une part, certains de ces comportements auraient été commis antérieurement à la révocation du certificat d’inspection. La requérante allègue, en substance, qu’Ecocert a manqué à son obligation d’effectuer dûment le contrôle de la production biologique en 2017. En particulier, Ecocert n’aurait pas contrôlé les principaux points de risque de la production biologique lors de son contrôle annuel sur place en juin 2017 et aurait illégalement certifié le moulin à huile dans lequel a été traité le produit en cause, en conséquence d’une négligence grave, si ce n’est intentionnellement. D’autre part, la requérante avance que la délivrance comme la révocation du certificat d’inspection relatif au produit en cause constituent également des comportements fautifs.

59      La requérante soutient que la méconnaissance par Ecocert de ses obligations dans le cadre de sa mission de contrôle en Chine serait directement imputable à la Commission. En effet, en vertu du système de contrôle de la production biologique mis en place par les règlements en cause, Ecocert agirait comme un représentant de la Commission.

60      Or, selon la requérante, la Commission serait chargée, par le règlement de base, d’une mission de puissance publique quant au contrôle du respect de l’équivalence en matière de production biologique dans les États tiers. La reconnaissance de l’organisme de contrôle par la Commission, en ce qu’elle produit un effet juridique à l’égard des tiers, impliquerait que les organismes reconnus accomplissent, pour la Commission et l’Union, une telle mission de puissance publique. Dès lors qu’Ecocert a été reconnue par la Commission, il conviendrait de considérer que ledit organisme bénéficie d’une délégation de puissance publique relevant du droit de l’Union.

61      Au soutien de son argumentation, la requérante opère une analogie entre la relation existante entre les organismes de contrôle et les États membres dans le cadre du contrôle de la production biologique sur le territoire de l’Union et la relation entre les organismes de contrôle et la Commission dans le cadre du contrôle de la production biologique dans les États tiers. Ces relations seraient de même nature en ce que, dans les deux cas, le « contrat de contrôle » aurait un caractère non pas de droit privé, mais de droit public. Dans ce contexte, la délivrance tout comme la révocation du certificat d’inspection constitueraient des décisions administratives individuelles et, partant, ces actes seraient directement imputables à la Commission.

62      L’imputabilité du comportement d’Ecocert à la Commission résulterait également, selon la requérante, du fait que la Commission intervienne dans des cas concrets de certification dans des pays tiers et exerce, de manière effective, le pouvoir de décision à l’occasion de cette pratique. De manière générale, les organismes de contrôle ne seraient en aucune manière « indépendants », mais, au contraire, soumis aux instructions de la Commission.

63      La Commission conteste cette argumentation.

64      Il y a lieu d’examiner si, conformément à la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, les comportements reprochés à Ecocert dans le cadre de son activité de contrôle de la production biologique en Chine sont imputables, tel que le prétend la requérante, à une institution ou à un organe de l’Union.

65      En premier lieu, il convient de relever que la requérante se borne à soutenir que les actes d’Ecocert devraient être imputés à la Commission sans pour autant s’appuyer sur une disposition précise à cet égard. Or, l’analyse du système de contrôle instauré par les règlements en cause ne permet pas de révéler le fondement d’une telle imputabilité.

66      Premièrement, en ce que la requérante considère qu’Ecocert est un organisme privé auquel la Commission aurait confié la mission de puissance publique que serait le contrôle de la production biologique en Chine, il y a lieu de relever qu’une telle assertion est fondée sur la prémisse selon laquelle la Commission s’est elle-même vue attribuer, par le règlement de base, une telle mission de puissance publique.

67      Or, la requérante ne vise aucune disposition précise du règlement de base susceptible d’établir qu’une telle mission ait été conférée à la Commission. Par ailleurs, il ne ressort pas de l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base que la Commission dispose d’une compétence générale pour effectuer le contrôle de la production biologique des produits en provenance des pays tiers. La seule compétence en matière de contrôle attribuée à la Commission par l’article 33, paragraphe 3, du règlement de base est circonscrite au contrôle des organismes de contrôle eux-mêmes. Il ne peut donc être considéré que la Commission puisse, en tout état de cause, déléguer aux organismes de contrôle une compétence qui ne lui est pas attribuée par le règlement de base.

68      Deuxièmement, quant à l’argument de la requérante selon lequel le fondement d’une telle imputabilité serait susceptible de résider dans la reconnaissance, par la Commission, de l’organisme de contrôle en vertu de l’article 33, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base, il y a lieu de souligner que, si l’article 27, paragraphe 4, sous b), dudit règlement, relatif au système de contrôle établi par les États membres, prévoit que l’autorité compétente, c’est-à-dire l’autorité centrale d’un État membre compétente pour l’organisation de contrôles officiels dans le domaine de la production biologique [article 2, sous n), du règlement de base], peut « déléguer » des tâches de contrôle à un ou plusieurs organismes de contrôle, une telle délégation ne peut être confondue avec l’acte de reconnaissance, par la Commission, d’organismes de contrôle en matière de produits importés de pays tiers. En effet, au titre de l’article 33, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de base, la Commission n’est compétente que pour reconnaître un organisme de contrôle ou le suspendre ou le retirer de la liste dès lors qu’il ne remplit plus les conditions prévues à l’article 12 du règlement d’exécution. Les prérogatives attribuées à la Commission, dont la faculté d’effectuer un contrôle ciblé d’un organisme de contrôle, ne sont établies qu’aux fins d’assurer un réexamen régulier de la légitimité de la reconnaissance accordée.

69      Dès lors, l’argument de la requérante visant à établir l’imputabilité des décisions prises par Ecocert à la Commission au moyen d’un raisonnement par analogie avec la situation juridique relative à la délégation des compétences des États membres en matière de contrôle à un organisme de contrôle, prévue par l’article 27, paragraphes 4 à 14, du règlement de base, ne saurait prospérer.

70      En second lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’imputabilité des décisions d’Ecocert pourrait être fondée sur un hypothétique pouvoir d’intervention de la Commission dans le processus décisionnel de l’organisme de contrôle, il y a lieu de relever que, d’une part, l’indépendance organique et fonctionnelle des organismes de contrôle est consacrée par le règlement de base, en son article 2, sous p), en vertu duquel ces derniers sont des « tiers indépendant[s] privé[s] procédant aux inspections et à la certification ».

71      D’autre part, si la Commission est compétente pour établir et réviser la liste des organismes de contrôle reconnus aux fins de l’équivalence, la reconnaissance d’Ecocert et son inscription sur la liste ne confèrent toutefois pas à la Commission une quelconque possibilité légale de prendre part à ses décisions, notamment, lors de l’attribution d’un certificat d’inspection au titre de l’article 33, paragraphe 1, sous d), du règlement de base. Dès lors, les décisions d’Ecocert ne sauraient lui être imputées (voir, en ce sens, ordonnances du 22 février 2001, Lamberts/Médiateur et Parlement, T‑209/00, EU:T:2001:66, points 17 et 18, et du 16 décembre 2008, Italie/Commission et CESE, T‑117/08, non publiée, EU:T:2008:582, point 18).

72      Il résulte de tout ce qui précède que les comportements prétendument illicites d’Ecocert dans le cadre de son activité de contrôle en Chine ne sont pas imputables à une institution ou à un organe de l’Union. Partant, il y a lieu d’écarter le second grief.

73      Dans ces conditions, le recours doit être rejeté comme non fondé sans qu’il soit besoin d’examiner, en vertu de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, si les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union sont réunies en l’espèce.

 Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction

74      Pour autant que le deuxième chef de conclusions visant à faire produire certains documents générés dans le cadre de l’activité d’Ecocert puisse être interprété comme une demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction (voir point 25 ci-dessus), il convient, en tout état de cause, de ne pas faire droit à une telle demande.

75      En effet, il y a lieu de constater que la requérante n’indique pas avec précision les motifs de nature à justifier cette demande, comme cela est exigé par l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure. Au demeurant, rien ne permet d’établir que la production de ces documents serait pertinente ou utile afin de statuer sur le présent recours.

76      En tout état de cause, les éléments contenus dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

77      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      P. Krücken Organic GmbH est condamnée aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2020.

Signatures


*Langue de procédure : l’allemand.