Language of document : ECLI:EU:T:2013:584

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 novembre 2013(*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un félin bondissant – Dessins ou modèles antérieurs – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Utilisateur averti – Degré de liberté du créateur – Absence d’impression globale différente – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 »

Dans l’affaire T‑666/11,

Danuta Budziewska, demeurant à Łódź (Pologne), représentée par Me J. Masłowski, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Puma SE, établie à Herzogenaurach (Allemagne), représentée par Me P. González-Bueno Catalán de Ocón, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 23 septembre 2011 (affaire R 1137/2010-3), relative à une procédure de nullité entre Puma AG Rudolf Dassler Sport et Danuta Budziewska,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. S. Frimodt Nielsen, faisant fonction de président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 5 juillet 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 juin 2012,

à la suite de l’audience du 5 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 mars 2007, la requérante, Mme Danuta Budziewska, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé (ci-après le « dessin ou modèle contesté ») est représenté comme suit :

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3        Les produits dans lesquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être incorporé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Logo ».

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré en tant que dessin ou modèle communautaire sous le numéro 697016-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires, du 2 mai 2007.

5        Le 26 février 2009, Puma AG Rudolf Dassler Sport, devenue l’intervenante, Puma SE, a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement n° 6/2002, une demande en nullité du dessin ou modèle contesté.

6        La demande de nullité était fondée sur divers dessins ou modèles antérieurs divulgués dans des enregistrements internationaux de marques, y compris l’enregistrement n° 369072, du 2 mai 1970, ainsi que les enregistrements n° 480105, du 30 septembre 1983, n° 499022, du 27 novembre 1985, n° 500081, du 3 janvier 1986, et n° 593987, du 17 juin 1992. Le dessin ou modèle antérieur divulgué dans la marque enregistrée sous le numéro 369072 (ci-après le « dessin ou modèle antérieur ») est représenté comme suit :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de la demande de nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, à savoir l’absence de nouveauté et l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté, ainsi qu’à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du même règlement, à savoir l’usage, dans le dessin ou modèle contesté, du signe distinctif d’autrui.

8        Le 23 avril 2010, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté pour absence de caractère individuel, conformément à l’article 6 et à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002.

9        Le 14 juin 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 23 septembre 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, lu conjointement avec l’article 6 du même règlement (points 10 et 24 de la décision attaquée).

11      À titre liminaire, la chambre de recours a constaté que le dessin d’un puma enregistré en tant que marque depuis les années 1970 par l’intervenante constituait un dessin ou modèle ayant fait l’objet d’une divulgation, dont la requérante ne contestait pas l’existence (point 12 de la décision attaquée). En ce qui concerne le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, la chambre de recours a considéré ce qui suit :

–        en premier lieu, elle a relevé que le produit auquel la requérante avait déclaré, au moment de l’enregistrement, vouloir appliquer le dessin ou modèle contesté, avait été identifié comme un « logo » (point 15 de la décision attaquée) ;

–        en deuxième lieu, elle a estimé que le « paramètre subjectif » à prendre en considération en l’espèce était l’utilisateur averti de logotypes (point 17 de la décision attaquée). Puisque les logotypes pouvaient avoir des usages très différents, toute personne pouvait en être utilisateur, par exemple un entrepreneur, un industriel, un commerçant, une banque, un organisme public, un artiste ou un parti politique (point 18 de la décision attaquée). Cet utilisateur devant cependant être averti, il s’agissait d’une personne qui, sans être un expert en dessin ou modèle, avait acquis une certaine expérience dans le secteur en consultant de la documentation afférente à la représentation graphique, des ouvrages de synthèse sur les logotypes et d’autres ouvrages similaires, dans le domaine qui l’intéressait. Elle a ensuite ajouté que, étant donné que le dessin ou modèle antérieur avait été divulgué, notamment, dans le secteur de l’habillement et du matériel sportif, il convenait de tenir compte de l’impression produite par le logotype litigieux sur l’utilisateur averti des logotypes utilisés dans ledit secteur (point 19 de la décision attaquée) ;

–        en troisième lieu, elle a ajouté qu’il convenait également de tenir compte de ce que la marge de liberté du créateur en matière de logotypes était large (point 22 de la décision attaquée). Plus spécifiquement, dans le secteur de l’habillement et du matériel sportif, cette marge était large, étant donné qu’il existait des logos de tous types, sur n’importe quel thème, de toutes les couleurs, formes, catégories, classes, genres, styles ou aspects, comme chacun le savait sans qu’il fût besoin de le démontrer. En conséquence, il était évident que l’auteur du dessin ou modèle contesté pouvait d’autant plus s’éloigner de la réalisation antérieure (point 23 de la décision attaquée) ;

–        en quatrième lieu, elle a constaté que l’impression générale produite par le dessin ou modèle contesté ne différait pas de l’impression produite par le dessin ou modèle antérieur, eu égard à de nombreux aspects communs : ils représentaient un félin, lequel sautait et se dirigeait vers la gauche, la queue de celui-ci pointant vers le haut et l’animal étant représenté dans une couleur claire sur un fond foncé (point 20 de la décision attaquée). Les différences ne portant que sur des petits détails, tels le museau, les pattes, les oreilles ou la queue, selon la chambre de recours, elles étaient faibles et n’influençaient pas l’impression globale, laquelle restait la même que celle produite par le dessin ou modèle antérieur (points 21 et 23 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée et faire droit au recours de la requérante, en annulant la décision de la division d’annulation du 23 avril 2010 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        ordonner la modification de la décision attaquée, de manière à inclure expressément comme motif supplémentaire de nullité du dessin ou modèle contesté sa similitude avec ses enregistrements antérieurs, conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, l’intervenante a renoncé à son deuxième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

 En droit

16      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, en ce que la chambre de recours aurait considéré à tort que le dessin ou modèle contesté ne présentait pas un caractère individuel au sens dudit article.

17      L’OHMI et l’intervenante réfutent les allégations de la requérante.

18      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le premier chef de conclusions de la requérante vise formellement à la réformation de la décision attaquée, sans demander l’annulation de cette décision de la chambre de recours, quoiqu’en mentionnant l’annulation de la décision de la division d’annulation. À cet égard, il convient néanmoins de considérer qu’il ressort du contenu de la requête que cette conclusion en réformation comprend nécessairement une conclusion en annulation et que, par le présent recours, la requérante tend, en substance, à obtenir l’annulation de la décision attaquée, au motif que la chambre de recours aurait conclu à tort à l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté [voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI ‑ Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 15, et du 26 octobre 2011, Intermark/OHMI ‑ Natex International (NATY’S), T‑72/10, non publié au Recueil, point 14].

19      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. Selon l’article 25, paragraphe 1, sous b), du même règlement, un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que dans les cas énumérés à cette disposition, notamment s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 dudit règlement.

20      En vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du même règlement ajoute que, pour apprécier ce caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Le considérant 14 dudit règlement précise que, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport au patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève.

21      Il ressort des dispositions qui précèdent que l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire procède, en substance, d’un examen en quatre étapes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, Rec. p. II‑981, points 54 à 84]. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, points 55 et 56), deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention dans la comparaison, directe si possible, des dessins ou modèles (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 55 et 59, et arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, point 62), troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, point 67) et, quatrièmement, le résultat de la comparaison des dessins ou modèles en cause, en tenant compte du secteur concerné, du degré de liberté du créateur et des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par tout dessin ou modèle antérieur divulgué au public (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, précité, point 72). Un prérequis à l’examen du caractère individuel d’un dessin ou modèle, ainsi qu’à l’examen de sa nouveauté au titre de l’article 5 du règlement n° 6/2002, consiste à établir l’existence et l’antériorité de la divulgation au public de tout dessin ou modèle invoqué au soutien de la nullité du dessin ou modèle contesté.

22      En l’espèce, la requérante invoque, en substance, deux griefs au soutien du moyen unique soulevé à l’encontre de la décision attaquée. Le premier est tiré de l’inexistence d’antériorités de l’intervenante au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002. Le deuxième est tiré d’une erreur d’appréciation dans la comparaison des dessins ou modèles litigieux.

23      Par le premier grief, la requérante fait valoir, en substance, que, même si, comme l’a relevé la chambre de recours au point 12 de la décision attaquée, les éléments invoqués par l’intervenante existaient et étaient antérieurs à sa demande d’enregistrement, ces antériorités étaient néanmoins des marques et non des dessins ou modèles divulgués au public au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, aux fins de l’application notamment de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du même règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans l’Union européenne. Selon la jurisprudence, ni le règlement n° 6/2002 ni le règlement (CE) nº 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002 (JO L 341, p. 28) ne spécifient la forme obligatoire des éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier d’une telle divulgation [voir arrêt du Tribunal du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié au Recueil, points 21 à 23, et la jurisprudence citée].

25      En l’espèce, il y a lieu de constater que l’enregistrement international en tant que marque, sous le numéro 369072, du dessin ou modèle de l’intervenante représenté au point 6 ci-dessus, constitue une preuve de la divulgation au public de ce dessin ou modèle au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. Cette divulgation au public étant intervenue le 2 mai 1970, ledit dessin ou modèle est manifestement antérieur au dessin ou modèle contesté, déposé le 27 mars 2007. Il en va de même pour les dessins ou modèles ultérieurs de l’intervenante, divulgués au public antérieurement à la date de dépôt du dessin ou modèle contesté de la requérante.

26      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a reconnu que l’enregistrement international de marque n° 369072 constituait la preuve de l’existence et de l’antériorité de la divulgation au public du dessin ou modèle représenté au point 6 ci-dessus à l’encontre du dessin ou modèle contesté.

27      Le premier grief doit donc être écarté.

28      Par le deuxième grief, la requérante allègue que, contrairement à ce qu’a conclu la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée, le dessin ou modèle contesté présente un caractère individuel. En particulier, elle conteste la comparaison, effectuée par la chambre de recours, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur de l’intervenante, tel que divulgué au public. À cet égard, elle avance deux arguments. Par un premier argument, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir effectué une « comparaison de marques » entre le dessin ou modèle contesté et les enregistrements internationaux des marques n°s 369072 et 480105 de l’intervenante, d’ailleurs enregistrées pour les classes 18, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. Par un deuxième argument, la requérante allègue que le dessin ou modèle contesté représenterait un « chat domestique retombant sur ses quatre pattes, comme le dit le proverbe », et non un puma sauvage bondissant, comme dans les marques de l’intervenante. D’autres différences entre le chat retombant et le puma bondissant concerneraient la position des oreilles (dressées et non collées sur la tête), la visibilité des pattes antérieures et postérieures (les deux et non une seule) et le mouvement de la queue (relevée et non tombante), car, dans le dessin ou modèle contesté, la phase de réception du chat serait mise en valeur par sa queue relevée au moment où il retombe, afin de diriger son corps et de prévenir une éventuelle chute. Au vu des silhouettes différentes des deux félins, le dessin ou modèle contesté présenterait un caractère individuel.

29      À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte de différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Représentation d’un support promotionnel circulaire, point 21 supra, points 77 à 84, et du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, Rec. p. II‑2517, points 73 et 74], mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 décembre 2010, Baena Grupo/OHMI – Neuman et Galdeano del Sel (Personnage assis), T‑513/09, non publié au Recueil, points 21 à 25].

30      Il importe, ensuite, de souligner que la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit porter uniquement sur les éléments effectivement protégés, sans tenir compte des caractéristiques exclues de la protection. Ladite comparaison doit porter sur les dessins ou modèles tels qu’enregistrés, sans qu’il puisse être exigé du demandeur en nullité une représentation graphique du dessin ou modèle invoqué, comparable à la représentation figurant dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 juin 2011, Sphere Time/OHMI – Punch (Montre attachée à une lanière), T‑68/10, Rec. p. II‑2775, point 74]. Toutefois, il n’est pas erroné de prendre en compte, à titre d’illustration lors de ladite comparaison, les produits effectivement commercialisés et correspondant à ces dessins ou modèles tels qu’enregistrés (voir, en ce sens, arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 21 supra, point 73).

31      En outre, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève (voir considérant 14 du règlement n° 6/2002), du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle (voir article 6, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002), d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 novembre 2012, Antrax It/OHMI – THC (Radiateurs de chauffage), T‑83/11 et T‑84/11, non encore publié au Recueil, point 81], ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (voir, en ce sens, arrêt Équipement de communication, point 29 supra, point 66).

32      Enfin, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, il convient également de tenir compte du point de vue de l’utilisateur averti. Or, la notion d’utilisateur averti, en tant que fiction juridique d’un personnage de référence, doit être comprise, selon la jurisprudence, comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, applicable dans le domaine des brevets, expert doté de compétences techniques approfondies et d’un niveau d’attention très élevé lors de sa comparaison directe des inventions en litige [voir, en ce sens, arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 21 supra, point 53, et arrêt du Tribunal du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, non publié au Recueil, point 100]. Ainsi, un faible degré de connaissance et un faible niveau d’attention, rapprochant l’utilisateur averti du consommateur moyen et l’éloignant de l’homme de l’art, renforcent la conclusion selon laquelle des dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne), T‑11/08, non publié au Recueil, point 33] et, partant, le dessin ou modèle contesté est voué à la nullité pour absence de caractère individuel, ou, le cas échéant, le dessin ou modèle allégué de contrefaçon viole effectivement le droit exclusif du titulaire. Un degré élevé de connaissance et un niveau élevé d’attention de l’utilisateur averti renforcent la conclusion inverse.

33      En l’espèce, concernant le premier argument de la requérante, tiré de ce que la chambre de recours aurait effectué une « comparaison de marques », il y a lieu de relever que la requérante n’étaye nullement cet argument et n’expose, même sommairement, aucun élément au soutien de celui-ci.

34      Or, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête introductive d’instance doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même [arrêt de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057, point 37, et arrêt du Tribunal du 6 mai 2008, Redcats/OHMI – Revert & Cía (REVERIE), T‑246/06, non publié au Recueil, point 23]. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2010, Grain Millers/OHMI – Grain Millers (GRAIN MILLERS), T‑430/08, non publié au Recueil, point 38, et du 13 mars 2013, Biodes/OHMI – Manasul Internacional (FARMASUL), T‑553/10, non publié au Recueil, point 22].

35      Force est, dès lors, de constater que le premier argument, faute de répondre aux exigences rappelées au point 34 ci-dessus, est irrecevable.

36      Concernant le deuxième argument de la requérante au sein du présent grief, tiré de ce que le dessin ou modèle contesté présenterait un caractère individuel, il y a lieu de considérer que, du point de vue de l’utilisateur averti de logotypes, dont la détermination n’est pas contestée par la requérante et qui connaît le dessin ou modèle renommé de l’intervenante, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté ne diffère pas de celle produite par le dessin ou modèle antérieur. En effet, l’impression globale donnée par les deux dessins ou modèles est façonnée par la silhouette d’un félin en position de saut avec la queue pointant vers le haut, vue de profil, dirigée vers la gauche et représentée dans une couleur claire sur un fond foncé.

37      L’appréciation qui précède ne saurait être remise en cause par les allégations de la requérante dans le cadre du deuxième argument.

38      S’agissant, premièrement, de l’allégation selon laquelle le dessin ou modèle contesté représenterait un chat domestique et non un puma sauvage, il y a lieu de considérer que l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté, qu’elle soit ou non celle d’un chat domestique ou d’un puma sauvage, est, en tout état de cause, celle d’un félin. Cela ressort, notamment, de la silhouette effilée et flexible, ainsi que de la dynamique prédatrice de l’animal qui y figure. C’est donc sans erreur que la chambre de recours a estimé que l’impression globale produite tant par le dessin ou modèle contesté que le dessin ou modèle antérieur était celle d’un félin. À cet égard, il convient de préciser que, du point de vue de l’appréciation du caractère individuel, le critère déterminant n’est pas la classification phylogénétique ou la taxinomie biologique des animaux représentés, mais l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par les dessins ou modèles comparés.

39      S’agissant, deuxièmement, de l’allégation selon laquelle le dessin ou modèle contesté représenterait un félin retombant sur ses quatre pattes et non un félin bondissant en position de saut comme dans le dessin ou modèle antérieur, force est de constater qu’elle ne ressort en aucune façon du dessin ou modèle contesté. En effet, un félin en position d’atterrissage toucherait d’abord le sol avec ses pattes antérieures et non ses pattes postérieures. Or, sur le dessin ou modèle contesté, ce sont les pattes postérieures qui sont les plus proches du sol imaginaire. Dès lors, il y a lieu de considérer que les félins sur les deux dessins ou modèles comparés présentent la même position de saut, ou bondissante.

40      S’agissant, troisièmement, de l’allégation selon laquelle les dessins ou modèles comparés présenteraient des différences relatives aux oreilles, aux pattes et à la queue de l’animal représenté, il convient de relever que la chambre de recours, ainsi qu’il ressort du point 23 de la décision attaquée, n’a pas omis de prendre ces différences en considération, mais qu’elle a estimé qu’elles ne portaient que sur des menus détails sans influence sur l’impression d’ensemble produite par les deux dessins ou modèles comparés. À cet égard, il y a lieu de considérer, en tenant compte du degré très élevé de liberté du créateur de logotypes, non contesté par la requérante, que les différences alléguées entre le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur, bien que perçues par l’utilisateur averti de logotypes, sont insuffisamment marquées pour invalider l’appréciation globale de similitude retenue par la chambre de recours.

41      Force est, dès lors, de constater que le deuxième argument s’avère non fondé et que c’est sans erreur que la chambre de recours a estimé que le dessin ou modèle contesté ne produisait pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur.

42      Le deuxième grief ne saurait donc prospérer.

43      Au vu de tout ce qui précède, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel et, en conséquence, a rejeté le recours formé contre la décision de la division d’annulation qui l’avait déclaré nul.

44      Le moyen unique de la requérante s’avérant non fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Danuta Budziewska est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kancheva

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le polonais.