Language of document : ECLI:EU:T:2003:41

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 février 2003 (1)

«Recours en annulation - Ancien fonctionnaire - Demande de pension d'invalidité»

Dans l'affaire T-59/01,

Albert Nardone , ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Piétrain (Belgique), représenté par Mes J. R. Iturriagagoitia Bassas et K. Delvolvé, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d'annulation de la décision de la Commission du 20 mars 2000 refusant au requérant l'octroi d'une pension d'invalidité,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, N. J. Forwood et H. Legal, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 9 octobre 2002,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige et procédure

1.
    Le requérant, ancien fonctionnaire de la Commission, a démissionné de ses fonctions par lettre datée du 18 octobre 1981, avec effet au 31 décembre 1981. Le 18 novembre 1999, il a présenté une demande d'octroi d'une pension d'invalidité en application de l'article 78, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»). Par décision du 20 mars 2000 (ci-après la «décision litigieuse»), la Commission a rejeté cette demande, sans saisir la commission d'invalidité, au motif que le requérant ne remplissait pas les conditions d'octroi prévues à l'article 13 de l'annexe VIII du statut.

2.
    Le 23 mai 2000, le requérant a introduit une réclamation contre la décision litigieuse, au titre de l'article 90 du statut. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision implicite de rejet, le 23 septembre 2000. Une décision explicite de rejet est toutefois intervenue tardivement, le 15 décembre 2000.

3.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 2001, le requérant a introduit le présent recours.

4.
    Par deux actes séparés, également déposés le 13 mars 2001, le requérant a demandé, respectivement, l'application de la procédure accélérée prévue à l'article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal et le bénéfice de l'assistancejudiciaire au titre de l'article 94 de ce même règlement. La Commission a déposé des observations sur ces deux demandes le 30 mars 2001.

5.
    Par décision du 10 avril 2001, le Tribunal (première chambre) a rejeté la demande d'application de la procédure accélérée. Par ordonnance du 6 juin 2001, le président de la première chambre du Tribunal a fait droit à la demande d'assistance judiciaire.

6.
    Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2001, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure. Par ordonnance du 23 octobre 2001, le Tribunal (première chambre) a joint cette exception au fond.

7.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'entendre les parties, dans un premier temps, sur la recevabilité du recours et sur la question de savoir dans quelles conditions une institution communautaire peut rejeter la demande d'octroi d'une pension d'invalidité présentée par un ancien fonctionnaire. Les parties ont été invitées à déposer leurs observations écrites sur cette dernière question avant l'audience. Elles ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 9 octobre 2002.

Conclusions des parties

8.
    Dans sa requête, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    à titre principal:

    -    déclarer le recours recevable et fondé;

    -    annuler la décision explicite du 15 décembre 2000 portant rejet de sa réclamation;

    -    annuler la décision litigieuse;

    -    lui octroyer le bénéfice d'une pension d'invalidité calculée conformément à l'article 78, deuxième alinéa, du statut;

-    à titre subsidiaire, prononcer un arrêt interlocutoire ordonnant la constitution d'une commission d'invalidité au titre de l'article 53 du statut ayant pour mandat d'examiner s'il est atteint d'une invalidité permanente totale au sens de l'article 78, deuxième alinéa, du statut;

-    condamner la Commission aux dépens.

9.
    Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter l'exception d'irrecevabilité et statuer sur le fond du recours;

-    ordonner une enquête sur le local dans lequel le requérant avait travaillé de 1963 à 1970, sis 27, rue Aldringen, à Luxembourg.

10.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable;

-    à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la recevabilité

11.
    La Commission fait valoir que les conditions d'octroi d'une pension d'invalidité, prévues à l'annexe VIII du statut, n'étaient pas réunies en l'espèce. En particulier, elle soutient que, aux termes de l'article 13 de ladite annexe VIII, seul le fonctionnaire qui est tenu de suspendre l'exercice de ses fonctions par l'impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer de les exercer en raison de son état d'invalidité peut faire l'objet d'une procédure d'invalidité (arrêt du Tribunal du 3 juin 1999, Coussios/Commission, T-295/97, RecFP p. I-A-103 et II-577, point 37). En outre, si la commission d'invalidité est la seule instance autorisée à constater l'existence d'une invalidité au sens de l'article 78 du statut, elle ne serait compétente pour ce faire que pendant la période d'activité professionnelle du fonctionnaire.

12.
    La Commission déduit de ce qui précède que le présent recours doit être interprété comme étant dirigé, en réalité, contre la décision du 26 octobre 1981 par laquelle elle a accepté la démission du requérant et non, comme le prétend celui-ci, contre la décision du 20 mars 2000 lui refusant l'octroi d'une pension d'invalidité. Elle invoque, à cet égard, l'arrêt du Tribunal du 19 février 1998, Toller/Commission (T-142/96, RecFP p. I-A-77 et II-179), par lequel il a été constaté que le recours en annulation dirigé contre le rejet d'une demande présentée en 1995 par une ancienne fonctionnaire avait pour objet réel d'obtenir le réexamen d'une décision de 1993 prononçant le licenciement de l'intéressée pour insuffisance professionnelle. En l'absence de faits nouveaux justifiant le retard avec lequel le requérant a introduit le présent recours, ce dernier serait largement hors délai et, dès lors, irrecevable.

13.
    Le requérant soutient que le présent recours n'est pas dirigé contre la décision du 26 octobre 1981, mais bien contre la décision litigieuse.

Appréciation du Tribunal

14.
    Il y a lieu de considérer que le présent recours n'est pas dirigé, en réalité, contre la décision du 26 octobre 1981, comme le prétend la Commission, mais contre la décision litigieuse refusant l'octroi d'une pension d'invalidité au requérant. De plus, cette dernière décision n'est nullement un acte purement confirmatif de celle du 26 octobre 1981, dès lors que son contenu et les effets juridiques qu'elle produit sont clairement autonomes.

15.
    Les autres arguments avancés par la Commission dans son exception d'irrecevabilité se rapportent au fait que, selon elle, les conditions d'octroi d'une pension d'invalidité, prévues par le statut, ne sont pas réunies en l'espèce. Or, dans une telle hypothèse, le présent recours ne serait pas irrecevable, mais devrait être rejeté sur le fond.

16.
    Il s'ensuit que le présent recours est recevable.

Sur le fond

Arguments des parties

17.
    Le Tribunal ayant décidé d'entendre les parties, dans un premier temps, sur la question de savoir dans quelles conditions une institution communautaire peut rejeter la demande d'octroi d'une pension d'invalidité présentée par un ancien fonctionnaire, les arguments quant au fond du recours, résumés dans le présent arrêt, ne portent que sur cette question.

18.
    Le requérant fait valoir que la Commission a commis un détournement de pouvoir en rejetant sa demande d'octroi d'une pension d'invalidité du 18 novembre 1999 sans convoquer la commission d'invalidité, seule compétente pour statuer sur cette demande en vertu de l'article 53 du statut. Il se réfère, à cet égard, aux arrêts du Tribunal du 27 février 1992, Plug/Commission (T-165/89, Rec. p. II-367, point 75), et du 21 mars 1996, Chehab/Commission (T-10/95, RecFP p. I-A-135 et II-419, point 41).

19.
    En outre, le requérant soutient en substance que, dans des circonstances exceptionnelles telles que celles qui résulteraient de la manière négligente dont il prétend que son dossier a été géré par la Commission, une pension d'invalidité devrait pouvoir être octroyée à un ancien fonctionnaire nonobstant le fait qu'il a démissionné de ses fonctions.

20.
    Le requérant invoque l'arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Bähr/Commission (12/83, Rec. p. 2155), à l'appui de cette argumentation. Il rappelle que la Cour a considéré, dans cet arrêt, qu'un fonctionnaire ayant cessé ses fonctions depuis plusieurs années et qui est atteint par une maladie qui le rendrait inapte à exercer ses fonctions s'il les exerçait encore n'est pas en droit de demander, pour ce seulmotif, l'ouverture de la procédure d'invalidité (point 13 de l'arrêt). Le requérant déduit de ce passage, et notamment des termes «pour ce seul motif», qu'un ancien fonctionnaire a l'obligation de formuler une justification suffisante, de nature médicale, pour obtenir l'ouverture d'une procédure d'invalidité à son égard.

21.
    Selon le requérant, les circonstances pertinentes pour présenter une demande d'octroi d'une pension d'invalidité lui auraient été révélées par l'évolution de son état de santé, par les examens médicaux effectués depuis sa démission, en particulier celui du docteur Joppart, qui a conclu, dans un rapport du 9 novembre 1999, que le requérant était atteint d'une invalidité au sens de l'article 78 du statut, ainsi que par les révélations faites tardivement par la Commission quant à la présence d'amiante dans la structure du bâtiment Berlaymont. La Commission aurait su, dès les années 70, que le bâtiment Berlaymont contenait d'importantes quantités d'amiante et aurait, de ce fait, connu mieux que le requérant les causes de son état de santé et, partant, de sa gravité. Néanmoins, le requérant affirme que ce sont notamment déjà ses inquiétudes quant aux effets de ses conditions de travail sur sa santé, déjà altérée, qui l'ont poussé à démissionner en 1981 pour protéger celle-ci autant que possible. Il fait valoir que, dans de telles circonstances et à la lumière de l'arrêt Bähr/Commission, précité, la Commission avait l'obligation de saisir une commission d'invalidité en 1981, conformément aux articles 53 et 78 du statut et aux articles 13 à 16 de son annexe VIII.

22.
    Par ailleurs, la Cour aurait considéré, dans ce même arrêt Bähr/Commission, que la Commission manque à son obligation de saisir une commission d'invalidité lors de la démission d'un fonctionnaire lorsqu'il est établi que l'invalidité l'ayant finalement frappé a un lien direct et immédiat avec son état de santé au moment de la cessation des fonctions (points 14 à 16 de l'arrêt). Le requérant relève, à cet égard, que le docteur Joppart a précisément conclu, dans son rapport du 9 novembre 1999, à l'existence d'un lien direct et immédiat entre son invalidité actuelle et son état de santé au moment de sa démission.

23.
    Enfin, le requérant fait valoir que, dans l'hypothèse où des lacunes dans le droit positif mettent en péril la reconnaissance des droits des fonctionnaires et aboutissent, notamment, au refus d'une pension d'invalidité dans un cas tel que le sien, les principes généraux du droit social devraient s'appliquer pour suppléer le droit positif. Le requérant soutient que lesdits principes généraux résultent notamment des conventions et recommandations adoptées dans le cadre des travaux de l'Organisation internationale du travail. En particulier, il découlerait de ces textes que la circonstance qu'un employé est dans l'incapacité de travailler suffit, à elle seule, pour faire naître un droit à une prestation d'invalidité. Le requérant se réfère aussi, sur ce point, aux articles 31 et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1).

24.
    La Commission réitère l'argument exposé dans son exception d'irrecevabilité, selon lequel seul un fonctionnaire en service peut bénéficier de l'octroi d'une pension d'invalidité, dès lors que celle-ci est conçue comme un revenu de remplacement.

Appréciation du Tribunal

25.
    Il convient de rappeler d'abord les termes de l'article 78, premier alinéa, du statut qui dispose:

«Dans les conditions prévues aux articles 13 à 16 de l'annexe VIII, le fonctionnaire a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il est atteint d'une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l'impossibilité d'exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière.»

26.
    De plus, aux termes de l'article 13 de l'annexe VIII du statut:

«Sous réserve des dispositions de l'article 1er, paragraphe 1, le fonctionnaire âgé de moins de 65 ans qui, au cours de la période durant laquelle il acquérait des droits à pension, est reconnu par la commission d'invalidité comme atteint d'une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l'impossibilité d'exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière et qui, pour ce motif, est tenu de suspendre son service aux Communautés, a droit, tant que dure cette incapacité, à la pension d'invalidité visée à l'article 78 du statut.

Le bénéfice d'une pension d'invalidité ne peut se cumuler avec celui d'une pension d'ancienneté.»

27.
    À titre liminaire, le Tribunal relève que, si le requérant a fait référence, dans sa requête, à des principes généraux du droit qu'il conviendrait d'appliquer, le cas échéant, en lieu et place des dispositions statutaires pertinentes, il n'a pas soulevé, du moins expressément, une exception d'illégalité à l'encontre des dispositions du statut citées ci-dessus. En outre, rien dans les arguments de nature générale qu'il avance ne permet de conclure ni à l'existence d'un droit inconditionnel à une rémunération de remplacement en cas d'invalidité d'un ancien employé ni à l'illégalité de ces dispositions précises du statut qui s'inscrivent dans un ensemble cohérent de règles applicable aux fonctionnaires, sous réserve des modifications successives apportées à celui-ci, depuis le 5 mars 1968.

28.
    À la lumière de ce qui précède, force est de constater que la demande d'octroi d'une pension d'invalidité présentée par le requérant au titre de l'article 78 du statut ne peut être examinée qu'à la lumière des conditions prévues par les dispositions du statut, compte tenu du défaut de preuve en l'espèce de la pertinence et de l'autorité des différents textes et principes invoqués par lui.

29.
    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a rejeté la demande d'octroi d'une pension d'invalidité présentée par le requérant pour des raisons qu'elles aexposées de manière succincte mais claire dans la décision litigieuse, tenant à la circonstance que les conditions de droit relatives à sa situation administrative, et non médicale, prévues par ces mêmes dispositions du statut, et par son annexe VIII, n'étaient manifestement pas remplies. Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis un détournement de pouvoir en rejetant la demande du requérant pour ce motif sans convoquer la commission d'invalidité prévue à l'article 53 du statut, dès lors que celle-ci, qui est composée de trois médecins conformément à l'article 7 de l'annexe II du statut, ne saurait être compétente que pour résoudre des questions d'ordre médical et non des questions juridiques. Toutefois, il y a lieu de contrôler la justesse en droit de l'application des dispositions applicables, et notamment celles prévues par les articles 13 et suivants de l'annexe VIII du statut, faite par la Commission dans la décision litigieuse.

30.
    Il est constant que le requérant n'a pas présenté de demande d'octroi d'une pension d'invalidité avant la cessation de ses fonctions.

31.
    Or, il découle des termes de l'article 13 de l'annexe VIII du statut que seul le fonctionnaire qui est tenu de suspendre l'exercice de ses fonctions par l'impossibilité dans laquelle il se trouve de continuer à les exercer en raison de son état d'invalidité peut faire l'objet d'une procédure d'invalidité (arrêt Bähr/Commission, précité, point 12, et arrêt Coussios/Commission, précité, point 37).

32.
    Dès lors, un fonctionnaire ayant cessé ses fonctions depuis plusieurs années et qui est atteint d'une maladie qui le rendrait inapte à exercer ses fonctions s'il les exerçait encore n'est pas en droit de demander, pour ce seul motif, l'ouverture d'une procédure d'invalidité (voir arrêts Bähr/Commission, précité, point 13, et Coussios/Commission, précité, point 38). Le Tribunal constate que le requérant, ayant démissionné en 1981 et présenté sa demande d'octroi d'une pension d'invalidité en 1999, est dans cette situation de fait.

33.
    En outre, le requérant ne remplissait pas non plus la seconde des deux conditions cumulatives posées par l'article 13 de l'annexe VIII du statut, selon laquelle le fonctionnaire qui demande l'octroi d'une pension d'invalidité doit être en train d'acquérir des droits à pension au moment où la commission d'invalidité le reconnaît comme atteint d'une invalidité permanente considérée comme totale, dès lors qu'il a démissionné de son poste de fonctionnaire en 1981.

34.
    Aucune des deux conditions visées aux points 31 à 33 ci-dessus n'étant remplie, la demande en annulation de la décision litigieuse doit, en principe, être rejetée.

35.
    Toutefois, le requérant soutient qu'il y a lieu de déroger à la règle susmentionnée aux points 31 et 32 en précisant que, dans l'arrêt Bähr/Commission, précité, la Cour a envisagé l'éventuelle application de l'article 78 du statut à un ancien fonctionnaire qui, ayant volontairement quitté ses fonctions, est atteint ultérieurement d'une maladie qui le rendrait inapte à les exercer s'il les exerçaitencore, dans l'hypothèse où la Commission aurait manqué à l'une de ses obligations du fait qu'elle n'a pas saisi une commission d'invalidité au moment de la cessation des fonctions (voir points 14 et 15 de l'arrêt).

36.
    À cet égard, il y a lieu de constater d'abord que les circonstances de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Bähr/Commission, précité, sont très différentes de celles de l'espèce. En effet, comme l'a relevé l'avocat général M. VerLoren van Themaat dans ses conclusions sous ledit arrêt (Rec. p. 2165, 2169), M. Bähr avait conservé la qualité de «fonctionnaire» après la cessation de ses fonctions, n'ayant cessé de les exercer que dans le cadre d'un dégagement de personnel prévu par le règlement (Euratom/CECA/CEE) n° 2530/72 du Conseil, du 4 décembre 1972, instituant des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des Communautés européennes en raison de l'adhésion de nouveaux États membres ainsi que la cessation définitive des fonctions de fonctionnaires de ces Communautés (JO L 272, p. 1). Ainsi, à la différence du requérant dans la présente affaire, M. Bähr continuait, conformément aux dispositions du règlement n° 2530/72, à verser des contributions en vue d'acquérir des droits à pension (voir arrêt Bähr/Commission, précité, points 5 et 8) et, partant, à remplir cette condition d'application de l'article 13 de l'annexe VIII du statut rappelée ci-dessus au point 31. La circonstance selon laquelle cette condition n'était pas remplie suffit à justifier le rejet de la demande du requérant en l'espèce visant à l'octroi d'une pension d'invalidité sur le fondement de l'éventuelle dérogation susmentionnée au point 35.

37.
    En toute hypothèse, il convient de considérer que, dans les circonstances de la présente espèce, aucune obligation n'incombait à la Commission de faire vérifier l'état de santé du requérant par la commission d'invalidité au moment où celui-ci a démissionné de ses fonctions et quitté le service des Communautés.

38.
    À cet égard, il y a lieu de relever d'abord qu'il ne ressort ni de l'arrêt Bähr/Commission, précité, ni d'aucune autre source de droit communautaire qu'il existe une obligation généralisée pour une institution communautaire de vérifier l'aptitude au travail d'un fonctionnaire en cas de départ volontaire.

39.
    Par ailleurs, la Cour a précisé, au point 14 de son arrêt Bähr/Commission, précité, que c'est au moment de la cessation des fonctions que l'institution aurait, le cas échéant, l'obligation de convoquer une commission d'invalidité. Ainsi, la question de savoir s'il y avait lieu, ou non, de convoquer la commission d'invalidité dans le cas du requérant doit être appréciée en fonction des seuls éléments dont l'institution disposait à l'époque de la démission du requérant en 1981.

40.
    Si un fonctionnaire estime que son état de santé lui impose de quitter ses fonctions, il lui revient de présenter, avant son départ, une demande, conformément à l'article 90 du statut, visant à l'octroi d'une pension d'invalidité au titre de son article 78. En l'espèce, il ressort de la requête que le requérant était fortement préoccupé par son état de santé dès les années 70 et qu'il a démissionné en 1981 notammentparce qu'il était persuadé que ses conditions de travail insalubres nuisaient à celui-ci. Les fonctionnaires étant censés connaître les dispositions du statut (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 17 octobre 2000, Drabbe/Commission, T-27/99, RecFP p. I-A-213 et II-955), un fonctionnaire se trouvant dans une telle situation doit se prévaloir de cette faculté s'il souhaite bénéficier d'une pension d'invalidité. Il manque à la diligence requise s'il omet de le faire, d'autant plus que, par hypothèse, il connaît mieux que l'institution dont il relève ses antécédents médicaux et son état physique au moment de sa démission. Ainsi, sauf circonstances exceptionnelles, il ne saurait être reproché à une institution, du moins dans le cas d'un fonctionnaire qui la quitte volontairement sans que celle-ci sollicite ce départ, de ne pas avoir convoqué une commission d'invalidité d'office alors que l'intéressé n'a pas lui-même fait de demande en ce sens.

41.
    Les antécédents médicaux très graves de M. Bähr, à savoir le premier infarctus dont il avait été victime, six ans avant sa cessation de fonctions, étaient un fait constant dans son affaire (arrêt Bähr/Commission, précité, point 14, in fine). En l'espèce, s'il ressort du dossier que le requérant s'était plaint auprès du médecin-conseil de l'institution de son état de santé, et notamment des bronchites fréquentes dont il aurait été victime, ainsi que de l'insalubrité de ses conditions de travail, force est de constater que la Commission n'avait connaissance d'aucun antécédent médical dans son chef d'une gravité comparable au premier infarctus de M. Bähr qui permette au Tribunal de considérer qu'elle aurait dû convoquer une commission d'invalidité d'office au moment de sa démission, nonobstant l'absence d'une demande en ce sens de sa part (arrêt Bähr/Commission, précité, point 15). À cet égard, il convient d'observer que l'avocat du requérant a affirmé lors de l'audience que ce dernier ignorait lui-même, en 1981, l'importance des effets sur sa santé de la poussière qu'il avait inspirée et que cette méconnaissance a duré jusqu'en 1992.

42.
    Par ailleurs, l'existence d'un lien, à supposer que celui-ci soit établi, entre l'état de santé du requérant au moment où il a présenté sa demande du 18 novembre 1999 et son état de santé à l'époque de sa cessation de fonctions ne saurait constituer une preuve suffisante de ce que la Commission aurait dû convoquer la commission d'invalidité en 1981.

43.
    À la lumière des considérations qui précèdent, la demande en annulation de la décision litigieuse doit être rejetée, la pension d'invalidité demandée ne pouvant être octroyée au requérant dans les circonstances du cas d'espèce. Il n'y a pas lieu, dès lors, d'examiner les autres griefs que soulève le requérant et les pièces y afférentes.

44.
    Il n'y a également pas lieu de faire droit à la demande du requérant, figurant au second chef des conclusions reprises ci-dessus, et visant à l'adoption par le Tribunal d'une mesure d'instruction au titre de l'article 65 de son règlement de procédure.

45.
    Enfin, les autres demandes formulées par le requérant dans le cadre du présent recours étant fondées sur la prémisse suivant laquelle la décision litigieuse serait illégale, il découle du rejet de la demande en annulation de celle-ci que le recours est à rejeter dans son ensemble.

Sur les dépens

46.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2 du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En conséquence, chaque partie supportera ses propres dépens sans préjudice de l'assistance judiciaire accordée au requérant par l'ordonnance du 6 juin 2001, mentionnée au point 5 ci-dessus.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre),

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Vesterdorf

Forwood
Legal

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.