Language of document : ECLI:EU:T:2014:143

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

7 mars 2014 (*)

« Recours en annulation – Dumping – Extension du droit antidumping définitif institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et de Chine étendu aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir en provenance de Macao – Association représentant des importateurs indépendants ‑ Défaut d’affectation individuelle – Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑134/10,

Fédération européenne de l’industrie du sport (FESI), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes E. Vermulst et Y. van Gerven, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par MM. J.‑P. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de MG. Berrisch, avocat, et de Mme N. Chesaites, barrister, puis par MM. Hix et Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et M. França, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 1294/2009 du Conseil, du 22 décembre 2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et de la République populaire de Chine, étendu aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir expédiées de la RAS de Macao, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de la RAS de Macao, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures mené conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil (JO L 352, p. 1),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé, lors du délibéré, de MM. H. Kanninen, président, G. Berardis et C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, la Fédération européenne de l’industrie du sport (FESI), est une association professionnelle de l’industrie des articles de sport. Elle compte parmi ses membres des entreprises actives dans la vente de chaussures de sport.

2        Le 5 octobre 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 1472/2006 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1, ci-après le « règlement initial »).

3        Par le règlement initial, le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur les importations de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué, à 1’exclusion des chaussures de sport, des chaussures à technologie spéciale, des pantoufles et d’autres chaussures d’intérieur et des chaussures avec coquille de protection originaires de Chine et du Viêt Nam et relevant de plusieurs codes de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), tel que modifié (article 1er, paragraphe 1, du règlement initial). Le taux de droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, a été établi entre 9 et 16,5 % pour les chaussures issues de la production chinoise et à 10 % pour la production vietnamienne (article 1er, paragraphe 3, du règlement initial). Selon l’article 3 du même règlement, celui-ci était applicable pendant une période de deux ans.

4        À la suite d’une enquête de contournement effectuée conformément au règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif au JO 2010, L 7, p. 22)], et en particulier sur le fondement de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 13, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009) le Conseil a adopté, le 29 avril 2008, le règlement (CE) n° 388/2008 portant extension des mesures antidumping définitives instituées par le règlement n° 1472/2006 sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine aux importations du même produit expédié de la RAS [région administrative spéciale] de Macao, qu’il ait ou non été déclaré originaire de la RAS de Macao (JO L 117, p. 1).

5        À la suite d’un avis d’expiration des mesures arrêtées par le règlement n° 1472/2006, paru au Journal officiel de l’Union européenne le 26 mars 2008 (JO C 75, p. 25), la Commission a été saisie, le 27 juin 2008, d’une demande de réexamen, introduite au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009). Cette demande a été déposée par la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC) au nom de producteurs représentant une proportion majeure, en l’occurrence plus de 35 %, de la production communautaire totale de certaines chaussures à dessus en cuir. La CEC faisait valoir que l’expiration des mesures entraînerait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice causé à l’industrie communautaire.

6        Ayant conclu qu’il existait des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, la Commission a annoncé, par un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 3 octobre 2008 (JO C 75, p. 25), l’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. La période d’enquête de réexamen prévue pour examiner la probabilité de continuation ou de réapparition du dumping et du préjudice causé à l’industrie européenne couvrait la période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008.

7        Eu égard au nombre élevé de producteurs-exportateurs dans les pays concernés, de producteurs de l’Union et d’importateurs concernés par l’enquête, le recours à la technique d’échantillonnage tel que prévu à l’article 17 du règlement de base (devenu article 17 du règlement n° 1225/2009) a été envisagé dans le cadre de la procédure de réexamen en cause. Parmi les importateurs indépendants visés par l’échantillon figurent quatre sociétés membres de l’association requérante, à savoir Adidas AG, Nike European Operations BV, Puma AG et Timberland Europe AG.

8        Au regard des conclusions de cette enquête, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1294/2009, du 22 décembre 2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et de la République populaire de Chine, étendu aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir expédiées de la RAS de Macao, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de la RAS de Macao, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures menées conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 384/96 du Conseil (JO L 352, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mars 2010, la requérante, déclarant agir au nom de ses membres, en particulier les quatre retenus dans l’échantillon dans le cadre de l’enquête de réexamen, en l’occurrence Adidas, Nike European Operations, Puma et Timberland Europe, a introduit le présent recours.

10      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le 17 mai 2010, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 5 août 2010.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 mai 2010, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 6 juillet 2010, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La partie intervenante a déposé son mémoire en intervention limité à la recevabilité et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

12      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. Par la suite, la présente affaire a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la même chambre.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ou, subsidiairement, réserver la décision sur la recevabilité jusqu’à la décision finale sur le fond ;

–        annuler le règlement attaqué dans sa totalité ou, à titre subsidiaire, dans la mesure où elle-même et ses membres sont concernés ;

–        ordonner au Conseil de communiquer les chiffres de la production pour chacun des producteurs de 1’Union retenus dans 1’échantillon qui ont servi de base à la sélection de l’échantillon dans l’enquête de réexamen, ainsi que les chiffres de l’emploi de chacun des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

14      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        en cas de doute sur la recevabilité du recours, tenir une audience limitée à cette question.

 En droit

16      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie présente par acte séparé une demande visant à ce que le Tribunal statue sur une exception d’irrecevabilité, celui-ci statue sur la demande ou la joint au fond. En l’espèce, le Tribunal décide de statuer sur l’exception d’irrecevabilité présentée par le Conseil sans engager le débat au fond.

17      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

18      En l’espèce, le Conseil, soutenu par la Commission, soulève deux fins de non-recevoir, tirées, respectivement, de ce que le règlement attaqué comporterait des mesures d’exécution et de ce que ce dernier n’affecterait pas individuellement la requérante.

19      En ce qui concerne la recevabilité du recours de la requérante, il convient, à titre liminaire, de constater qu’est recevable le recours introduit par une association agissant aux lieux et place d’un ou de plusieurs de ses membres qui auraient pu eux-mêmes introduire un recours recevable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 39).

20       Ainsi, afin de déterminer la recevabilité du présent recours, il y a lieu de vérifier si un ou plusieurs membres de la requérante auraient été recevables à introduire un recours dans l’une au moins des deux hypothèses envisagées par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, autres que celle tenant au fait d’être le destinataire de l’acte.

 Sur la première fin de non-recevoir, tirée de ce que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution

21      Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir, en substance, que le recours n’est pas recevable en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution.

22      La requérante soutient, notamment, pour sa part, que le règlement attaqué ne comporte pas de mesures d’exécution. Le règlement attaqué n’imposerait pas aux États membres de prendre des mesures d’exécution étant donné que les droits antidumping sont automatiquement dus et payables conformément au règlement attaqué. Ainsi, en l’espèce, la requérante se verrait refuser tout recours effectif lui permettant de contester la légalité du règlement attaqué, si le présent recours n’était pas jugé recevable.

23      À titre liminaire, il convient de constater que la notion d’acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs (ordonnance du Tribunal du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, non encore publiée au Recueil, point 42).

24      En l’espèce, le règlement attaqué, adopté par le Conseil sur la base de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, est un acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, le règlement attaqué a une portée générale, en ce qu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

25      En outre, le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif, dès lors qu’il n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE [arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec. p. II‑7697, point 21 ; ordonnances du Tribunal Eurofer/Commission, point 23 supra, points 43 et 44, et du 5 février 2013, BSI/Conseil, T‑551/11, non publiée au Recueil, point 43].

26      En ce qui concerne le critère de l’affectation directe, il ressort de la jurisprudence que les importateurs sont directement concernés par les règlements antidumping (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185, point 11). Ce critère se caractérise par l’absence de marge de manœuvre des autorités douanières nationales (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec. p. II‑1383, point 41). En l’espèce, il y a lieu de constater que le règlement attaqué concerne directement les membres de la requérante.

27      Eu égard à ce qui précède, il convient d’apprécier si le règlement attaqué contient des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

28      La requérante soutient que le règlement attaqué est directement applicable dans les États membres et qu’il a, par conséquent, une incidence directe sur sa position juridique en la modifiant, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des mesures d’exécution nationales ou émanant des institutions de l’Union.

29      Or, une telle argumentation est pertinente uniquement dans le cadre de l’analyse des conditions de l’affectation directe de la requérante et doit donc être écartée. En effet, selon une jurisprudence constante, l’affectation directe d’un particulier exige, premièrement, que l’acte de l’Union attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et, deuxièmement, qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de sa mise en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du Tribunal du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, Rec. p. II‑3099, point 61, et ordonnance BSI/Conseil, point 25 supra, point 55, et la jurisprudence citée).

30      Toutefois, l’exigence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, constitue une condition différente de celle tenant à l’affectation directe. Notamment, il y a lieu de relever que la question de savoir si le règlement attaqué laisse ou non un pouvoir d’appréciation aux autorités nationales chargées des mesures d’exécution n’est pas pertinente pour déterminer si le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution (ordonnances Eurofer/Commission, point 23 supra, point 59, et BSI/Conseil, point 25 supra, point 56).

31      En revanche, il convient de prendre en compte, dans le cadre de cette analyse, l’objectif poursuivi par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui est de permettre à une personne physique ou morale d’introduire un recours contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, en évitant ainsi les cas où une telle personne devrait enfreindre le droit pour avoir accès à un juge (ordonnances Eurofer/Commission, point 23 supra, point 60, et BSI/Conseil, point 25 supra, point 57).

32      À cet égard, la situation de la requérante n’est pas celle visée par l’objectif de la seconde hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En l’espèce, il est constant que, en application de l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 14, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009), le droit antidumping imposé à l’article 1er du règlement attaqué est perçu par les autorités douanières des États membres sur l’importation des produits concernés à partir de l’entrée en vigueur dudit règlement. Ainsi, chaque mise en libre pratique de marchandises assujetties à un droit antidumping s’accompagne nécessairement d’une mesure fiscale à l’égard de leur importateur, ainsi que le font valoir à bon droit le Conseil et la Commission.

33      En effet, l’article 217, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes communautaire ») prévoit que tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires. Conformément à l’article 221, paragraphe 1, dudit code, le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte, c’est-à-dire établi par les autorités nationales. Cette communication constitue donc la matérialisation, à l’égard du débiteur, de la mesure d’exécution du règlement antidumping attaqué, prise à son égard par les autorités nationales.

34      Une telle mesure d’exécution d’un règlement antidumping, tel que celui attaqué en l’espèce, existe même dans le cas de figure invoqué par la requérante, c’est-à-dire lorsque le montant des droits figurant dans la déclaration en douane correspond à celui déterminé par les autorités douanières. En effet, l’article 221, paragraphe 2, deuxième alinéa, du code des douanes communautaire dispose que « l’octroi de la mainlevée des marchandises par les autorités douanières vaut communication au débiteur du montant des droits pris en compte ».

35      Il convient à cet égard de rappeler qu’une éventuelle contestation de l’existence de la dette douanière relève de la compétence exclusive des autorités nationales, sur la base de l’article 236 du code des douanes, dont les décisions peuvent être attaquées devant les juridictions nationales en vertu de l’article 243 du même code (voir ordonnance BSI/Conseil, point 25 supra, point 51, et la jurisprudence citée).

36      En effet, le droit dérivé a expressément prévu la voie de droit ouverte à un débiteur de droits à l’importation qui estime avoir indûment fait l’objet de l’imposition de tels droits de la part des autorités douanières. Cette voie s’exerce au niveau national, selon la procédure de recours mise en place par l’État membre en cause, en conformité avec les principes posés aux articles 243 à 246 du code des douanes (voir ordonnance BSI/Conseil, point 25 supra, point 52, et la jurisprudence citée).

37      Par conséquent, le règlement attaqué implique bien l’adoption de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

38      En conclusion, il ressort de l’analyse du système douanier de l’Union tel que décrit ci-dessus que les membres de la requérante ne sont pas dépourvus d’un recours juridictionnel effectif et, ainsi, ne doivent pas enfreindre le droit pour contester les mesures en question.

39      Contrairement à ce qu’allègue la requérante dans le cadre de l’argumentation liée au droit à une protection juridictionnelle effective, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’objectif poursuivi par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En l’espèce, la requérante peut, en principe, sans avoir préalablement dû enfreindre le règlement attaqué, contester les mesures nationales d’exécution de celui-ci, en particulier dans le cadre de la procédure de recours mise en place par l’État membre en cause en conformité avec les principes posés aux articles 243 à 246 du code des douanes (voir, en ce sens, ordonnance BSI/Conseil, point 25 supra, points 51 et 52, et la jurisprudence citée) et, dans ce contexte, exciper de son illégalité devant les juridictions nationales, qui peuvent recourir, avant de statuer, aux dispositions de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance BSI/Conseil, point 25 supra, point 63, et la jurisprudence citée).

40      Il résulte de l’ensemble des considérations précédentes que le recours fondé sur la deuxième hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, doit être rejeté.

 Sur la seconde fin de non-recevoir, tirée de l’absence d’affectation individuelle de la requérante

41      Pour statuer sur le bien-fondé de cette seconde fin de non-recevoir, il convient de rappeler que, s’il est vrai que, au regard des critères de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les règlements instituant des droits antidumping ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu, pour autant, que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, point 11 et arrêt du Tribunal du 20 juin 2000, Euromin/Conseil, T‑597/97, Rec. p. II‑2419, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, T‑598/97, Rec. p. II‑1155, point 43.)

42      Il en résulte que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑2501, point 14).

43      Il convient d’examiner si la requérante ou ses membres sont individuellement concernés par le règlement attaqué pour déterminer la recevabilité du présent recours.

44      Le juge de l’Union a considéré que, en général, certaines dispositions de règlements instituant des droits antidumping pouvaient concerner directement et individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit en cause auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. Cela est le cas des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (ordonnance de la Cour du 8 juillet 1987, Sermes/Commission, 279/86, Rec. p. 3109, point 15). Encore faut-il que cette circonstance ait, d’une manière ou d’une autre, déterminé l’intervention des institutions de l’Union ou relève d’une quelconque façon de la raison d’être dudit règlement. Sont également, en général, directement et individuellement concernés par certaines dispositions de règlements instituant des droits antidumping ceux des importateurs indépendants dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l’exportation. Enfin, la Cour a également admis la recevabilité d’un recours introduit contre un tel règlement par un importateur indépendant dans des circonstances exceptionnelles et, notamment, lorsque ce règlement affectait sérieusement ses activités économiques (voir arrêt Euromin/Conseil, point 41 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

45      La requérante soutient qu’elle et ses membres sont individuellement concernés au regard de la jurisprudence du juge de l’Union.

46      En l’espèce, les membres de la requérante sont des importateurs indépendants. Il en résulte que, pour se voir accorder le droit à un recours direct au regard de la jurisprudence, il convient de vérifier si l’existence du dumping a été établie en fonction des prix de revente pratiqués par ces membres ou si ces derniers sont des fabricants OEM dont les particularités des relations commerciales avec les producteurs ont été prises en compte par les institutions de l’Union afin de fixer le taux de marge bénéficiaire dans le cadre de la construction de la valeur normale, laquelle a ensuite été prise en compte dans le calcul de la marge de dumping sur la base de laquelle le droit antidumping avait été fixé (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C‑133/87 et C‑150/87, Rec. p. I‑719, points 17 à 20, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec. p. I‑781, points 20 à 23).

47      À cet égard, il ne ressort ni du règlement attaqué ni du règlement initial que l’existence du dumping ait été établie en fonction des prix de revente pratiqués par les membres de la requérante ou que leur marge bénéficiaire ait servi pour la construction de la valeur normale. D’ailleurs, aucune marge antidumping définitive n’a été établie dans le règlement attaqué, comme le rappelle la Commission et le reconnaît la requérante.

48      La requérante allègue cependant que des informations et données fournies par ses membres, notamment leurs coûts de conception et de recherche et développement, ont été utilisées pour calculer la marge de dumping et la marge de préjudice et que ces informations ont été fondamentales pour conclure au risque de la continuation du dumping et du préjudice. À cet égard, la requérante précise que les frais de recherche et de développement, de conception et autres exposés par ses membres ont été pris en compte dans l’ajustement des prix à l’importation sur la base desquels est fait le calcul de la sous-cotation et la constatation du risque de poursuite du préjudice. Elle précise également que des ajustements de la valeur normale ont été effectués en fonction des frais de recherche et de développement non exposés par les exportateurs chinois et vietnamiens, mais par les membres de la requérante, et des différences de frais encourus pour les ventes aux fabricants de chaussures de marque, y compris les quatre membres de la requérante. La marge de dumping calculée en utilisant cette valeur normale aurait ainsi été la base fondamentale sur laquelle il a été conclu à un risque de poursuite du dumping.

49      Il ressort du règlement attaqué que les institutions de l’Union ont procédé à l’évaluation d’une multitude de questions économiques complexes pour faire un pronostic sur les conséquences de l’expiration des mesures antidumping. Par conséquent, l’ajustement du prix à l’importation pour le calcul de la marge de sous-cotation, afin de prendre en compte les coûts de conception et de recherche et développement des importateurs, n’est qu’un élément parmi d’autres permettant d’arriver à la conclusion concernant le préjudice et ne saurait nullement individualiser les fournisseurs de ces informations et données de la même manière que l’ont été les opérateurs dans les affaires ayant donné lieu à la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus.

50      Il n’a pas été établi, en l’espèce, que les institutions de l’Union aient fondé la probabilité de la continuation du préjudice en cas d’abrogation des mesures sur la particularité des relations commerciales entre les membres de la requérante et leurs producteurs dans les pays concernés (voir, en ce sens, arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 46 supra, points 17 à 20, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 46 supra, points 20 à 23).

51      En effet, il n’est pas établi que les institutions de l’Union ont assis le calcul de la marge de dumping sur la base des informations et données fournies par les membres de la requérante. Il ressort du considérant 122 du règlement attaqué et des considérants 133 et 135 du règlement initial qu’il a été tenu compte des coûts de conception et de recherche et développement supportés par les producteurs brésiliens pour faire un ajustement en fonction de la différence entre ceux-ci et les coûts de recherche et développement supportés par les producteurs vietnamiens et chinois. Certes, il ressort du considérant 135 du règlement initial que cet ajustement tient compte des écarts éventuels entre les ventes aux OEM et les ventes sous marque propre, mais cela n’implique pas que les données et informations fournies par les membres de la requérante ont été utilisées pour opérer un ajustement à la valeur normale de manière à les individualiser par rapport aux autres opérateurs économiques.

52      En ce qui concerne l’argument selon lequel les institutions de l’Union se sont fondées sur les données et informations fournies par la requérante et ses membres afin d’établir l’intérêt de l’Union, il convient de constater, comme le fait la Commission, à juste titre, qu’admettre cette thèse reviendrait à vider de sa substance l’exigence selon laquelle l’opérateur doit être individuellement concerné. En effet, il ressort du règlement attaqué que la détermination de l’intérêt de l’Union a été fondée sur une appréciation de tous les intérêts en cause, c’est-à-dire ceux de l’industrie de l’Union, des autres producteurs de l’Union, des importateurs, des détaillants/distributeurs, ainsi que des consommateurs.

53      Certes, il ressort du règlement attaqué que les informations et données fournies par la requérante et ses membres ainsi que par les autres importateurs faisant partie de l’échantillon ont été utilisées pour calculer les prix de revente dans l’Union ainsi que les marges bénéficiaires des importateurs pour déterminer l’intérêt de l’Union. Néanmoins, il est important de noter que ces calculs ne sont que des éléments parmi d’autres permettant de déterminer ledit intérêt. De plus, les membres de la requérante faisaient partie d’un échantillon représentatif de tous les importateurs de l’Union. Ainsi, comme il ressort des considérants 427 et 435 du règlement attaqué, les institutions de l’Union ont vérifié s’il y avait des éléments tendant à indiquer que les prix de revente et marges bénéficiaires des autres importateurs avaient suivi une autre direction que celle des importateurs faisant partie de l’échantillon, pour finalement constater qu’aucune information n’allait en ce sens.

54      Au vu de ce qui précède, il convient de constater que la requérante n’est pas individuellement concernée du fait que ses membres ont fourni des informations et données durant la période de réexamen. L’argument tiré de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus doit, ainsi, être rejeté.

55      En ce qui concerne la participation active de la requérante à la procédure, il convient de rappeler que la participation à une enquête menée par la Commission avant l’institution d’un droit antidumping n’est pas suffisante pour conférer le droit d’agir à un importateur indépendant à l’encontre d’un acte tel que le règlement attaqué , puisque la distinction entre un règlement et une décision est fondée « sur la nature de l’acte lui-même et les effets juridiques qu’il produit, et non pas sur les modalités de son adoption » (arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, Alusuisse Italia/Conseil et Commission, 307/81, Rec. p. 3463, point 13).

56      Il ne suffit pas non plus d’être mentionné dans le règlement attaqué pour être concerné individuellement. La requérante étaie d’abord l’allégation selon laquelle elle est concernée individuellement en avançant qu’elle est mentionnée et qu’il est fait référence à elle et à ses membres dans de nombreux considérants du règlement attaqué.

57      Or, le fait d’être mentionné dans un règlement antidumping ne suffit pas pour être concerné individuellement par ledit règlement, puisque la mention en cause ne fait que constater la participation à la procédure [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 avril 2012, Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil, T‑162/09, non publié au Recueil, point 35)].

58      Certes, il ressort notamment des considérants 34 à 38 ainsi que du point 5.4, qui figure sous le titre « A. Procédure », du règlement attaqué, que les membres de la requérante ont, comme d’autres importateurs indépendants, été retenus dans l’échantillon et qu’ils ont coopéré avec les institutions de l’Union. Or, s’agissant de cette participation, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, bien que la participation d’une entreprise à une procédure antidumping puisse être prise en compte, parmi d’autres éléments, afin d’établir que cette entreprise est individuellement concernée par le règlement instituant les droits antidumping adopté à l’issue de cette procédure, en l’absence d’autres éléments constitutifs d’une situation particulière de nature à caractériser ladite entreprise, au regard des mesures en cause, par rapport à tout autre opérateur économique, une telle participation n’est pas, en elle-même, de nature à faire naître à son profit un droit à intenter un recours direct contre ledit règlement (arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 41 supra, point 61, et ordonnance du Tribunal du 27 janvier 2006, Van Mannekus/Conseil, T‑278/03, non publiée au Recueil, point 127).

59      Il s’ensuit que l’argument relatif à la participation de la requérante et de ses membres à l’enquête de réexamen doit être rejeté.

60      Il convient ensuite d’examiner si la requérante et ses membres peuvent être considérés comme étant individuellement concernés par le règlement attaqué, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne (voir, en ce sens, arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 42 supra, point 16).

61      À cet égard, il convient de rappeler que le recours, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 42 supra, avait été déclaré recevable en raison de la situation particulière dans laquelle la partie requérante se trouvait, notamment du fait qu’elle était l’importateur le plus important et l’utilisateur final du produit faisant l’objet des mesures antidumping et qu’il existait un nombre restreint de producteurs du produit concerné et un seul producteur dans la Communauté auprès duquel elle éprouvait des difficultés à s’approvisionner (voir, en ce sens, arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 42 supra, point 17).

62      Or, la situation de la requérante et de ses membres n’est aucunement semblable à celle de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 42 supra. Les parts de marché de 18 % collectivement détenues par les membres de la requérante ainsi que par une autre entreprise faisant partie de l’échantillon ne sauraient suffire pour établir qu’ils sont collectivement ou individuellement considérés comme les importateurs les plus importants de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 42 supra, point 17).

63      La requérante soutient également que le règlement attaqué affecte sérieusement les activités économiques de ses membres, dans le sens où les bénéfices des importateurs inclus dans l’échantillon ont baissé de 16 % au cours de la période de réexamen. Cela serait imputable au fait que les membres de la requérante ont dû prendre des mesures de réduction de coûts en raison de la prorogation des mesures antidumping.

64      Afin d’étayer cet argument, la requérante indique, notamment, que ses membres ont versé au total 67,5 millions d’euros de droits antidumping durant la période d’avril 2006 à novembre 2010. De même, la requérante se réfère à l’analyse des institutions de l’Union dans le règlement attaqué qui, en substance, indique que les coûts ont augmenté pour les importateurs de l’échantillon et qu’il est possible qu’ils augmentent encore, car les paramètres économiques ont beaucoup changé. Enfin, la requérante soutient que, en tout état de cause, la rentabilité n’est pas la seule mesure des effets préjudiciables et qu’il peut aussi s’agir d’un manque à gagner ou d’une évolution moins favorable.

65      Il convient à cet égard de constater que les membres de la requérante n’ont, malgré les informations reprises ci-dessus, pas fourni de preuves démontrant que leurs importations étaient substantiellement affectées par le règlement attaqué. De plus, l’affectation substantielle des importations des membres de la requérante ne suffit pas, à elle seule, à établir qu’ils étaient individuellement concernés. En effet, il importe de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 42 supra, point 17), plusieurs facteurs autres que l’affectation substantielle des importations rendaient la requérante individuellement concernée. Outre cela, les montants versés par les membres de la requérante ne permettent pas de conclure que les conséquences économiques subies par eux sont plus importantes que celles auxquelles sont confrontés d’autres opérateurs économiques.

66      La requérante soutient qu’un approvisionnement auprès d’autres pays que la Chine ou le Viêt Nam, notamment auprès de producteurs de l’Union ou de pays tiers, serait impossible du fait que les membres de la requérante ont fait des investissements importants pour développer la production et les relations avec les producteurs de la Chine et du Viêt Nam. Ainsi, comme le soutient la requérante, ses membres, qui doivent continuer à s’approvisionner en Chine et au Viêt Nam, seraient individuellement concernés par le règlement attaqué.

67      Il importe d’abord de souligner, comme il est rappelé au considérant 452 du règlement attaqué, que l’institution des mesures antidumping concernées est intervenue dans le but de corriger une distorsion de marché. Elle n’est donc pas prohibitive, en ce sens qu’elle ne vise ni à obtenir la cessation des importations en provenance des pays concernés ni l’obligation pour les importateurs de s’approvisionner auprès d’autres pays.

68      Contrairement à ce que soutient la requérante, il n’est pas impossible pour ses membres de changer de sources d’approvisionnement. En effet, il ressort du considérant 451 du règlement attaqué que les importateurs de l’échantillon, notamment les entreprises de grandes marques de chaussures internationales, ont fait valoir que « changer de sources en délocalisant la production induirait des coûts élevés et d’importants retards (de 12 à 18 mois) ». De plus, il ressort du considérant 452 du règlement attaqué qu’un gros importateur ne faisant pas partie de l’échantillon a fait état d’une augmentation des importations en provenance d’autres pays asiatiques, au détriment des importations en provenance des pays concernés. Il s’ensuit, comme le constatent à juste titre les institutions de l’Union, que, bien qu’il puisse engendrer des coûts et certains délais supplémentaires, le transfert de la production d’un pays à un autre peut ne pas être considéré comme excessivement lourd.

69      De plus, il convient de considérer que ces difficultés, ainsi qu’une éventuelle augmentation des prix en découlant, touchent tous les importateurs qui ne changent pas de source d’approvisionnement ou qui sont obligés de se tourner vers d’autres pays fournisseurs.

70      La requérante n’apporte pas davantage d’éléments de preuve quant aux difficultés auxquelles elle et ses membres se seraient heurtés dans la recherche d’autres sources d’approvisionnement.

71      Par ailleurs, la question de l’approvisionnement sur le marché de l’Union a déjà été évoquée par les institutions de l’Union aux considérants 417 et 431 du règlement attaqué, ces institutions ayant constaté que la plupart des importateurs de l’échantillon avaient changé de fournisseurs pour les chaussures en cuir dans un laps de temps allant de 12 à 24 mois. De même, il est également signalé, au considérant 431 du règlement attaqué, que la plupart des importateurs de l’échantillon ont adapté leurs circuits d’approvisionnement et leur politique de prix au changement de circonstances.

72      Sur un plan plus général, et ainsi qu’il ressort du considérant 452 du règlement attaqué, il ne peut être exclu que le règlement attaqué ait eu un impact négatif sur les importateurs ayant dû procéder à une réorganisation et que cet impact négatif dépende de la position particulière que ceux-ci occupent sur le marché et de leurs relations avec les producteurs et exportateurs chinois et vietnamiens. Toutefois, même si les allégations de la requérante étaient exactes, elles s’appliqueraient à un grand nombre d’importateurs. En effet, la Commission soutient à juste titre que l’argument avancé a également été invoqué, au cours de l’enquête de réexamen au titre de l’expiration des mesures, par l’association European Footwear Alliance (EFA) qui est composée de la requérante ainsi que d’autres associations représentant de nombreuses petites et moyennes entreprises ainsi que des entreprises de grandes marques de chaussures européennes. Il s’ensuit que les informations communiquées par l’EFA devraient être considérées comme étant soumises au nom de chacun des membres de cette association, représentant ainsi un grand nombre d’importateurs. Par conséquent, la situation de la requérante et de ses membres ne se distingue pas de celle d’autres opérateurs économiques.

73      Force est donc de constater que la requérante n’a pas apporté d’éléments permettant d’établir l’existence d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une situation particulière de nature à caractériser ses membres, au regard du règlement attaqué, par rapport à tout autre opérateur économique (voir, en ce sens, arrêt Extramet Industrie/Conseil, point 42 supra, point 16).

74      Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué concerne la requérante et ses membres non pas en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne, mais en raison de leur seule qualité objective d’importateur des produits concernés, au même titre que tout autre opérateur se trouvant dans une situation similaire dans l’Union.

75      Par conséquent, les membres de la requérante ne sont pas individuellement concernés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, par le règlement attaqué.

76      Le présent recours doit dès lors être déclaré irrecevable.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

78      Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      La Fédération européenne de l’industrie du sport (FESI) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union Européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 7 mars 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : l’anglais.