Language of document : ECLI:EU:T:2013:53

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

1er février 2013 (*)

« REACH – Mesures transitoires concernant les restrictions applicables à la mise sur le marché et à l’utilisation de l’acrylamide pour les applications d’étanchéisation – Annexe XVII du règlement (CE) nº 1907/2006 – Proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑368/11,

Polyelectrolyte Producers Group, établi à Bruxelles (Belgique),

SNF SAS, établie à Andrézieux-Bouthéon (France),

Travetanche Injection SPRL, établie à Bruxelles,

représentés par Mes K. Van Maldegem et R. Cana, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Oliver et E. Manhaeve, en qualité d’agents, assistés de Mme K. Sawyer, barrister,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes C. Wissels, M. Noort et B. Koopman, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (UE) n° 366/2011 de la Commission, du 14 avril 2011, modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne l’annexe XVII (acrylamide) (JO L 101, p. 12),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le premier requérant, Polyelectrolyte Producers Group, est un groupement européen d’intérêt économique qui est établi en Belgique. Il représente les intérêts des sociétés productrices ou importatrices d’acrylamide, de polyélectrolytes, de polyacrylamide ou d’autres polymères contenant de l’acrylamide. Tous les producteurs d’acrylamide de l’Union européenne sont membres de ce groupement. La deuxième requérante, SNF SAS, est une société membre du premier requérant. Elle a principalement pour activité la fabrication d’acrylamide, notamment destiné aux produits d’étanchéité, et de polyacrylamide qu’elle vend directement à ses clients dans l’Union. La troisième requérante, Travetanche Injection SPRL, est une société de droit belge dont l’activité principale consiste à fournir des services d’étanchéisation avec de l’acrylamide sur des chantiers de construction.

2        La substance en cause, l’acrylamide (CAS 79-06-1), est employée au cours de la fabrication du polyacrylamide, qui est utilisé, dans le secteur de la construction et des travaux publics, pour réparer les ouvrages de maçonnerie et le béton en vue d’empêcher les infiltrations d’eau. Il est notamment utilisé pour des applications d’étanchéisation, à savoir pour colmater des infiltrations d’eau, réparer des ouvrages en béton et traiter des remontées capillaires.

3        Le 23 mars 1993, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 793/93 concernant l’évaluation et le contrôle des risques présentés par les substances existantes (JO L 84, p. 1). Ce règlement s’est appliqué, selon son article 1er, paragraphe 1, d’une part, à la collecte, à la diffusion et à l’accessibilité des informations sur les substances existantes et, d’autre part, à l’évaluation des risques pour l’homme, y compris les travailleurs et les consommateurs, et pour l’environnement des substances existantes dans le but de permettre une meilleure gestion de ces risques dans le cadre des dispositions communautaires. Les articles 3 et 4 de ce règlement ont instauré l’obligation pour les fabricants et les importateurs de ces substances de communiquer certaines données pertinentes en fonction des quantités produites ou importées. Sur la base notamment de ces informations, la Commission des Communautés européennes, en consultation avec les États membres, devait régulièrement dresser des listes de substances ou de groupes de substances prioritaires nécessitant une attention immédiate du fait des effets potentiels qu’elles pourraient avoir sur l’homme et l’environnement (ci-après les « listes prioritaires »), conformément à l’article 8 du même règlement. En vertu de l’article 10 du règlement n° 793/93, pour chaque substance figurant sur les listes prioritaires, un État membre devait être désigné comme responsable de l’évaluation des risques que présentait ladite substance pour l’homme et pour l’environnement et devait, le cas échéant, proposer une stratégie pour limiter ces risques, y compris des mesures de contrôle ou des programmes de surveillance. Les principes d’évaluation des risques pour l’homme et pour l’environnement présentés par les substances existantes conformément au règlement n° 793/93 étaient établis par le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission, du 28 juin 1994 (JO L 161, p. 3).

4        Le 25 mai 1994, l’acrylamide a été incluse sur la première liste prioritaire et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été désigné comme responsable de l’évaluation de cette substance par le règlement (CE) n° 1179/94 de la Commission concernant cette liste, conformément au règlement n° 793/93 (JO L 131, p. 3).

5        Par la suite, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a élaboré un rapport d’évaluation des risques de l’Union relatif à l’acrylamide. Ce rapport a été discuté par un groupe d’experts des États membres au sein du comité technique sur les substances nouvelles et existantes (TCNES). En 2001, le TCNES est parvenu à un accord sur ledit rapport et le comité scientifique de la toxicité, de l’écotoxicité et de l’environnement, établi conformément à la décision 97/579/CE de la Commission, du 23 juillet 1997, instituant des comités scientifiques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sûreté alimentaire (JO L 237, p. 18), a atteint un consensus relatif à ce rapport. Le rapport d’évaluation des risques de l’Union relatif à l’acrylamide a été publié en 2002. Ledit rapport a notamment conclu qu’il était nécessaire de réduire les risques suivants :

–        les risques existant pour le milieu aquatique dus à l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide dans les applications de construction et les risques pour d’autres organismes dus à une exposition indirecte par l’intermédiaire d’eaux contaminées résultant de ces mêmes applications (point 5.2) ;

–        les risques existant pour les travailleurs à la suite d’une exposition découlant de l’utilisation à petite et à grande échelle de produits d’étanchéité à base d’acrylamide (point 5.3.1.1) ;

–        les risques existant pour les personnes exposées par le biais de leur environnement à l’acrylamide à la suite d’une exposition découlant de l’utilisation à grande échelle de produits d’étanchéité à base d’acrylamide (point 5.3.1.3).

6        Le résultat de l’évaluation des risques et la stratégie de réduction des risques pour l’acrylamide ont été adoptés par la Commission dans sa recommandation 2004/394/CE, du 29 avril 2004 (JO L 144, p. 75), conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 793/93. Afin de limiter les risques pour la santé humaine et pour l’environnement, il a été notamment recommandé d’étudier la possibilité d’introduire au niveau communautaire, dans la directive 76/769/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses (JO L 262, p. 201), des restrictions à la commercialisation et à l’utilisation d’acrylamide dans les produits d’étanchéité pour des applications à petite et à grande échelle. Pour les travailleurs, la législation concernant leur sécurité en vigueur à ce moment-là au niveau communautaire a été généralement considérée comme offrant un cadre adéquat pour limiter les risques présentés par l’acrylamide dans la mesure du nécessaire.

7        Sur cette base, la Commission a, en juin 2007, envisagé de proposer des mesures communautaires relatives à des restrictions applicables pour l’acrylamide dans le cadre de la directive 76/769, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 793/93.

8        Le 4 février 2008, la Commission a produit une analyse d’impact accompagnant un projet de décision modifiant la directive 76/769 en ce qui concerne l’acrylamide.

9        Avec effet aux 1er juin 2008 et 1er juin 2009, le règlement n° 793/93 et la directive 76/769 ont respectivement été abrogés, en vertu de l’article 139 du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement nº 793/93 et le règlement nº 1488/94 ainsi que la directive 76/769 et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1).

10      L’article 137, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1907/2006 contient des mesures transitoires. Cette disposition prévoit que, au plus tard le 1er juin 2010, la Commission élabore, au besoin, un projet de modification de l’annexe XVII dudit règlement, conformément à toute évaluation des risques et à toute stratégie recommandée pour limiter les risques qui a été adoptée au niveau communautaire conformément à l’article 11 du règlement n° 793/93, dans la mesure où il comprend des propositions de restriction conformément au titre VIII du règlement n° 1907/2006, tout en n’ayant pas encore donné lieu à une décision au titre de la directive 76/769. Ainsi, la Commission a élaboré un projet de modification de l’annexe XVII du règlement n° 1907/2006 qui contient les restrictions applicables à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation de certaines substances dangereuses et de certains mélanges et articles dangereux.

11      Le 14 avril 2011, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 366/2011, modifiant le règlement n° 1907/2006 en ce qui concerne son annexe XVII (acrylamide) (JO L 101, p. 12, ci-après le « règlement attaqué »). Par l’article 1er du règlement attaqué, l’annexe XVII du règlement n° 1907/2006 a été modifiée et le texte suivant, relatif à l’acrylamide, a été inséré dans ladite annexe :

« Ne peut être mis sur le marché ni utilisé en tant que substance ou constituant de mélanges à des concentrations égales ou supérieures à 0,1 % en poids pour les applications d’étanchéisation après le 5 novembre 2012. »

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juillet 2011, les requérants ont introduit le présent recours.

13      Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 18 octobre 2011, le Royaume des Pays-Bas a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Il a été fait droit à cette demande, les parties principales ayant été entendues, par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 22 novembre 2011.

14      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2011, le Royaume des Pays-Bas a renoncé au dépôt d’un mémoire en intervention.

15      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

16      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire le compte rendu de la réunion du TCNES des 6 et 7 mars 2008. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

17      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 octobre 2012, le Royaume des Pays-Bas a renoncé à intervenir dans la phase orale de la procédure.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2012, la troisième requérante a introduit une demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution du règlement attaqué.

19      Par ordonnance du président du Tribunal du 5 novembre 2012, Travetanche Injection/Commission (T‑368/11 R, non publiée au Recueil), il a été sursis à l’exécution du règlement attaqué, dans la mesure où il concerne la troisième requérante, jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à la procédure en référé, et les dépens ont été réservés.

20      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2012, les requérants ont déposé des observations sur le rapport d’audience.

21      Les requérants et la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 novembre 2012. Au cours de cette audience, les requérants ont indiqué que la mention, dans leur réplique, d’une violation du principe d’égalité de traitement par le règlement attaqué constituait une erreur de plume.

22      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et bien fondé ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens des deux parties.

 En droit

24      À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent trois moyens. Le premier est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative à l’évaluation des risques. Le deuxième concerne une prétendue violation du principe de proportionnalité. Le troisième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative à l’évaluation des risques

25      Les requérants font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dès lors que l’évaluation des risques sur le fondement de laquelle le règlement attaqué a été adopté serait erronée. Plus précisément, les requérants font observer que la Commission, en évaluant les risques relatifs à l’acrylamide, n’a pas pris en considération tous les éléments et circonstances pertinents. En outre, d’une part, les requérants affirment, que les informations sur lesquelles se fonde le règlement attaqué n’étaient liées ni à une exposition provoquée par des utilisations connues ou raisonnablement prévisibles de l’acrylamide dans l’Union, ni à des utilisations auxquelles les êtres humains ou l’environnement étaient soumis ou susceptibles de l’être. D’autre part, ils font valoir que les informations sur lesquelles les restrictions à l’utilisation de l’acrylamide dans les applications d’étanchéisation à grande échelle étaient fondées portaient sur un produit contenant du N-(hydroxylméthyl)acrylamide (NMA), à savoir un agent d’étanchéité autre que l’acrylamide.

 Observations liminaires

26      Il convient de relever que le règlement attaqué a été adopté en vertu de l’article 137, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1907/2006, selon lequel, au plus tard le 1er juin 2010, la Commission devait élaborer, au besoin, un projet de modification de l’annexe XVII dudit règlement, conformément à toute évaluation des risques et à toute stratégie recommandée pour limiter les risques qui a été adoptée au niveau communautaire conformément à l’article 11 du règlement n° 793/93, dans la mesure où il comprend des propositions de restriction conformément au titre VIII du règlement n° 1907/2006, tout en n’ayant pas encore donné lieu à une décision au titre de la directive 76/769.

27      L’évaluation des risques et la stratégie de réduction des risques pour l’acrylamide ayant été adoptées par la Commission dans sa recommandation 2004/394 (voir point 6 ci-dessus), l’instauration de nouvelles restrictions relatives à l’acrylamide par le règlement attaqué devait être conforme au titre VIII du règlement n° 1907/2006. L’instauration de telles restrictions devait donc respecter les exigences visées à l’article 68, paragraphe 1, dudit règlement qui énonce que, quand la fabrication, l’utilisation ou la mise sur le marché de substances entraînent pour la santé humaine ou l’environnement un risque inacceptable qui nécessite une action au niveau de l’Union, l’annexe XVII de ce règlement est modifiée par l’adoption de nouvelles restrictions applicables à la fabrication, à l’utilisation ou à la mise sur le marché de substances telles quelles ou contenues dans des mélanges ou des articles, conformément à la procédure visée aux articles 69 à 73 de ce règlement. Toute décision de ce type devait prendre en compte l’impact socio-économique, y compris l’existence de solutions de remplacement.

28      Par conséquent, afin de pouvoir adopter le règlement attaqué, la Commission devait considérer que la fabrication, l’utilisation ou la mise sur le marché de l’acrylamide entraînaient pour la santé humaine ou l’environnement un risque inacceptable qui nécessitait une action au niveau de l’Union.

29      À cet égard, il y a lieu de souligner que, dans un cadre technique complexe à caractère évolutif tel que celui de la présente affaire, les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, tandis que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, Rec. p. I‑7027, point 28, et du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, non encore publié au Recueil, points 59 et 60).

30      Contrairement à ce qu’allèguent les requérants, cette jurisprudence est applicable au cas d’espèce. En effet, même si des produits d’étanchéité à base d’acrylamide ont été utilisés de la même façon depuis des décennies, la détermination de la nature et de l’étendue des mesures de restriction en cause exigeait une appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes.

31      Néanmoins, il convient de préciser que le large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de leur exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (voir, par analogie, arrêt Afton Chemical, point 29 supra, points 33 et 34).

 Sur le grief tiré de l’absence de prise en compte de tous les éléments et circonstances pertinents

32      Les requérants font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation parce qu’elle n’aurait pas, en évaluant les risques relatifs à l’acrylamide, pris en compte tous les éléments et circonstances pertinents.

33      En premier lieu, les requérants font observer que la Commission n’a pas tenu compte du rapport du 14 mars 2000 intitulé « La stratégie de réduction des risques et l’analyse des avantages et inconvénients de l’acrylamide », préparé par un cabinet de conseil pour le ministère de l’Environnement, du Transport et des Régions du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après le « rapport préparé par un cabinet de conseil »). Ce rapport n’aurait pas recommandé de limitation de la mise sur le marché et de l’utilisation des produits d’étanchéité à base d’acrylamide, du fait qu’une telle mesure serait disproportionnée.

34      Une telle argumentation ne saurait être accueillie. En effet, le rapport préparé par un cabinet de conseil a été pris en compte par la Commission au cours de la procédure administrative précédant l’adoption du règlement attaqué, ainsi qu’il ressort de l’analyse d’impact de la Commission du 4 février 2008 accompagnant le projet de décision de cette dernière modifiant la directive 76/769 en ce qui concerne l’acrylamide. L’objectif du rapport préparé par un cabinet de conseil était, selon son point 1.3, l’évaluation du caractère approprié des mesures de réduction des risques fondé sur leurs probables effectivités, praticabilité, impact économique et monitorabilité. L’analyse d’impact de la Commission traitait des possibles options politiques, ainsi que de leur avantages et inconvénients comparatifs, qui pouvaient être adoptées pour contrôler les risques pour la santé humaine et l’environnement causés par l’utilisation de l’acrylamide pour des applications spécifiques concernées par le projet de décision en cause. La section 6 de ladite analyse contenait une description des différentes options politiques pour lesquelles l’analyse d’impact avait été menée en prenant en considération l’effectivité et la proportionnalité des options envisagées pour réduire les risques identifiés. Cette section indiquait que les avantages et inconvénients avaient été examinés pour chaque option. La Commission s’est référée au rapport préparé par un cabinet de conseil dans la partie de l’analyse d’impact relative à l’interdiction totale des produits d’étanchéité à base d’acrylamide. Cette référence a été faite dans le cadre de l’appréciation des substances de remplacement qui était également un des points centraux du rapport préparé par un cabinet de conseil (voir point 2.4 de ce rapport). En outre, ce rapport a également été mentionné parmi les références à la fin de l’analyse d’impact.

35      La conclusion selon laquelle la Commission a pris en compte le rapport préparé par un cabinet de conseil est confirmée par le point 5 du projet de compte rendu du groupe de travail des autorités compétentes responsables pour la mise en œuvre de la directive 76/769 du 15 février 2006, selon lequel ledit rapport a été discuté en présence de la Commission. Par ailleurs, cette conclusion est corroborée par le fait que, dans la lettre du 22 septembre 2010 adressée par le premier requérant à la Commission, celui-ci a indiqué que la Commission reconnaissait la pertinence du rapport préparé par un cabinet de conseil, mais n’approuvait pas les conclusions relatives à l’absence de substances de remplacement.

36      En second lieu, les requérants font valoir que la Commission n’a pas pris en considération les informations que le premier requérant aurait fournies à la Commission dans sa lettre du 17 janvier 2006, concernant l’utilisation de l’acrylamide aux Pays-Bas et en Belgique dans les applications d’étanchéisation à petite échelle.

37      Il est vrai que le rapport d’évaluation des risques de l’Union indique, aux points 4.1.1.1.7 et 5.3.1.1, qu’aucune information concernant l’exposition relative auxdites applications dans l’Union n’est disponible, mais qu’il existe des données provenant des États-Unis d’Amérique à cet égard, et que, sur la base de cette appréciation, le règlement attaqué a été adopté par la Commission.

38      Toutefois, il ne ressort pas du dossier que des informations pertinentes concernant l’exposition à l’acrylamide relatives auxdites applications dans l’Union étaient disponibles. La Commission fait observer, à cet égard, que de telles informations ne pouvaient être obtenues pendant toute la procédure menée au titre du règlement n° 793/93 et de la directive 76/769.

39      Cette considération n’est pas remise en cause par le contenu de la lettre du 17 janvier 2006. En effet, dans cette lettre, le premier requérant s’est borné à faire référence, de manière générale, à l’utilisation de l’acrylamide pour traiter certains dommages causés dans des maisons par l’action destructive de l’humidité et des sels aux Pays-Bas et en Belgique. Par cette lettre, le premier requérant a décrit la genèse de ces dommages et a indiqué les avantages résultant de l’utilisation de l’acrylamide ainsi que son estimation de la quantité de cette substance utilisée pour le traitement desdits dommages dans les deux pays. Les requérants ne précisent aucunement comment ces informations très générales relatives à l’utilisation de l’acrylamide auraient pu être pertinentes pour l’évaluation des risques relative à l’exposition à cette substance.

40      Par conséquent, le présent grief doit être rejeté.

 Sur le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation relative à l’évaluation des données d’exposition prises en compte par la Commission

41      Les requérants affirment que la Commission a fondé le règlement attaqué sur des données relatives à l’exposition provenant des États-Unis et sur des informations relatives à des scénarios d’exposition en Norvège et en Suède. Contrairement à ce qui serait prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1488/94, de telles expositions ne seraient ni connues ni raisonnablement prévisibles dans l’Union. Les populations humaines et l’environnement ne seraient donc ni soumis ni susceptibles d’être soumis à l’exposition à l’acrylamide en raison des applications d’étanchéisation telles que décrites dans l’évaluation des risques, contrairement à ce qui serait exigé en vertu des articles 4 et 5 dudit règlement. Ainsi, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

42      En vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1488/94, « l’évaluation des risques comprend l’identification du danger et, le cas échéant, l’évaluation du rapport dose (concentration)-réponse (effet), l’évaluation de l’exposition et la caractérisation du risque ». Elle doit être fondée « sur les informations sur la substance transmises en application des articles 3 et 4, de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’article 9, paragraphes 1 et 2, et de l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 793/93 ainsi que sur toute autre information disponible et elle est normalement effectuée conformément aux procédures prévues aux articles 4 et 5 du [règlement n° 1488/94] ». En vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1488/94, « lors de l’évaluation de l’exposition, le rapporteur tient compte des populations humaines ou des composantes de l’environnement dont l’exposition à la substance est connue ou raisonnablement prévisible à la lumière des informations disponibles sur la substance, et plus particulièrement sur sa fabrication, son transport, son stockage, son incorporation dans une préparation ou son utilisation dans un autre procédé, son usage et son élimination ou sa récupération ».

43      Les articles 4 et 5 du règlement n° 1488/94 concernent respectivement l’évaluation des risques pour la santé humaine et pour l’environnement. L’article 4, sous a), ii), et l’article 5, sous a), ii), dudit règlement précisent que l’évaluation de l’exposition est celle à laquelle des populations humaines (les travailleurs, les consommateurs et l’homme exposé indirectement par le biais de l’environnement) sont soumises ou susceptibles de l’être ainsi que celle à laquelle les composantes de l’environnement sont soumises ou susceptibles de l’être.

44      En premier lieu, les requérants font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en prenant en compte exclusivement, pour son évaluation des risques, des données provenant des États-Unis d’Amérique en ce qui concerne les applications d’étanchéisation à petite échelle. En effet, ces données ne seraient pas connues ou raisonnablement prévisibles dans l’Union. Les populations humaines et l’environnement ne seraient donc ni soumis ni susceptibles d’être soumis à une exposition à l’acrylamide en raison desdites applications d’étanchéisation.

45      Premièrement, il convient de relever qu’il n’est pas contesté par la Commission que les données en cause, figurant dans le rapport d’évaluation des risques de l’Union, sur lesquelles la Commission a fondé son évaluation des risques en ce qui concerne les applications d’étanchéisation à petite échelle et, par la suite, le règlement attaqué, proviennent exclusivement des Etats-Unis. Toutefois, le fait que l’évaluation des risques par la Commission en ce qui concerne les applications d’étanchéisation à petite échelle est fondée exclusivement sur des données provenant d’un État extérieur à l’Union n’est pas de nature à démontrer que la Commission a pris en compte, pour son évaluation des risques, une exposition à l’acrylamide qui n’était pas connue ou raisonnablement prévisible dans l’Union et que, dès lors, l’appréciation de la Commission est entachée d’une erreur manifeste.

46      En effet, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 793/93, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, en tant que responsable du rapport d’évaluation des risques de l’Union relatifs à l’acrylamide, était chargé d’évaluer non seulement les informations communiquées par les fabricants et les importateurs, conformément aux articles 3, 4, 7 et 9 dudit règlement, mais également toute autre information disponible. En outre, selon l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 1488/94, l’évaluation des risques devait être fondée sur les informations sur la substance transmises en application des articles 3, 4, de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’article 9, paragraphes 1 et 2, et de l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 793/93 ainsi que sur toute autre information disponible. De plus, les annexes I B et III B du règlement n° 1488/94, qui contiennent les lignes directrices relatives à l’évaluation des risques pour la santé humaine et l’environnement, précisent que, lorsque des données d’exposition convenablement mesurées et représentatives sont disponibles, il en est particulièrement tenu compte lors de l’évaluation de l’exposition. Il résulte de ces dispositions que l’évaluation des risques pouvait, en principe, également être fondées sur des données autres que celles transmises en vertu du règlement n° 793/93 et qu’il n’était pas exigé que ces données proviennent de l’Union.

47      À cet égard, il convient de rejeter l’argumentation des requérants selon laquelle tant l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 793/93 que l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1488/94 font référence à « toutes autres informations disponibles » comme une source supplémentaire d’information et non comme une source alternative. En effet, ces dispositions ne font pas référence à des données d’exposition provenant de l’Union et il n’est donc pas exigé que de telles données soient disponibles pour qu’une évaluation des risques soit entreprise.

48      Deuxièmement, s’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle les utilisations de l’acrylamide aux États-Unis invoquées comme applications d’étanchéisation à petite échelle n’existaient pas dans l’Union, d’une part, il convient de relever qu’il ressort du rapport d’évaluation des risques de l’Union que l’évaluation des risques portait, sur la base des informations disponibles, sur l’évaluation globale des risques pour toutes les expositions à la substance connues ou raisonnablement prévisibles à partir de toutes les utilisations de l’acrylamide. D’autre part, il ressort du point 5.3.1.1 dudit rapport qu’il était possible de s’attendre à des similitudes entre les utilisations d’agents d’étanchéité à base d’acrylamide aux États-Unis et dans l’Union et que, par conséquent, les expositions dans cet État et dans l’Union pouvaient raisonnablement être considérées comme similaires. À cet égard, il convient de relever que le TCNES est parvenu à un accord sur le rapport d’évaluation des risques de l’Union et que le comité scientifique de la toxicité, de l’écotoxicité et de l’environnement a atteint un consensus relatif à ce rapport (voir point 5 ci-dessus). Eu égard à l’approbation des données en cause par des experts, l’argumentation des requérants ne saurait remettre en cause la considération de la Commission selon laquelle les données provenant des États-Unis relatives aux applications d’étanchéisation à petite échelle étaient représentatives des utilisations de l’acrylamide et de l’exposition à cette substance raisonnablement prévisibles dans l’Union. Par ailleurs, les requérants n’expliquent aucunement pourquoi cette considération de la Commission serait manifestement erronée.

49      Par conséquent, en fondant son évaluation des risques relatifs aux applications d’étanchéisation à petite échelle sur les données provenant des États-Unis figurant dans le rapport d’évaluation des risques de l’Union, la Commission a pris en compte des données relatives à une exposition à l’acrylamide raisonnablement prévisible, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1488/94, et n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

50      En second lieu, les requérants font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant le règlement attaqué sur des informations relatives à des scénarios d’exposition en Suède et en Norvège qui n’étaient pas connus ou raisonnablement prévisibles dans l’Union en ce qui concerne les applications d’étanchéisation à grande échelle. Les données résultant de l’utilisation de l’acrylamide dans deux tunnels situés en Suède et en Norvège ne seraient pas représentatives des conditions d’exposition connue à l’acrylamide, du fait que l’utilisation de produits d’étanchéité n’aurait pas été conforme aux instructions du fabricant et ne serait donc pas représentative de la bonne utilisation de ces produits. S’agissant du tunnel situé en Suède, cela aurait été constaté dans un jugement du tingsrätt (tribunal local) de Helsingborg du 25 septembre 2007. Les difficultés constatées auraient également été dues à une mauvaise utilisation desdits produits.

51      Il convient de constater que, en ce qui concerne l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide dans les applications d’étanchéisation à grande échelle, le rapport d’évaluation des risques de l’Union, sur lequel la Commission a fondé son évaluation des risques, fait référence, à plusieurs reprises, à l’application desdits produits pour la construction de deux tunnels, à savoir l’un à Hallandsås (Suède) et l’autre à Romeriksporten (Norvège) (voir notamment point 3.1.4.2.1, relatif à l’exposition de l’environnement, et point 4.1.1.1.7, relatif à l’exposition professionnelle de la santé humaine).

52      Il convient donc d’examiner si, en se fondant sur les données relatives à la construction desdits tunnels, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’exposition à l’acrylamide lors de ces applications d’étanchéisation était représentative d’une exposition connue ou raisonnablement prévisible, conformément à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1488/94.

53      Premièrement, il y a lieu de relever que, ainsi que l’allègue la Commission, le rapport d’évaluation des risques de l’Union, sur lequel la Commission a fondé son évaluation des risques relatifs à l’exposition à l’acrylamide, était fondé, concernant les applications d’étanchéisation à grande échelle, sur le scénario le plus défavorable dans des conditions d’utilisation normales des produits d’étanchéité utilisés.

54      En effet, le fait que le rapport d’évaluation des risques de l’Union est, en général, fondé sur le scénario le plus défavorable en ce qui concerne les applications d’étanchéisation à grande échelle ressort de plusieurs de ses considérations. Ainsi, il convient de constater que le point 3.1.2.3 dudit rapport, relatif aux libérations de l’acrylamide résultant de l’utilisation des produits d’étanchéité à base d’acrylamide et de NMA, et le point 5.3.1.3 de ce rapport, relatif aux conclusions concernant la santé humaine des personnes exposées par le biais de leur environnement, font expressément référence à la prise en compte du scénario le plus défavorable. En outre, il ressort du scénario pris en compte relatif aux conclusions concernant la santé humaine des travailleurs (point 5.3.1.1 dudit rapport) que l’évaluation des risques était fondée, en ce qui concerne les applications d’étanchéisation à grande échelle de produits d’étanchéité utilisés, sur le scénario le plus défavorable. Selon le point 5.3.1.1 de ce rapport, une partie du risque à apprécier était la question de la probabilité qu’une exposition imprévisible et excessive se produise dans le cadre d’applications à grande échelle et qu’il en découle des effets néfastes pour la santé humaine. De plus, d’après ce point, le risque était considéré comme très élevé pour une substance comme l’acrylamide, du fait de ses propriétés dangereuses et parce que les travailleurs appliquaient généralement le produit dans des zones confinées ou peu ventilées.

55      S’agissant de la question de savoir si, dans le rapport d’évaluation des risques de l’Union, les risques liés aux applications d’étanchéisation à grande échelle ont été évalués en prenant en compte les conditions d’utilisation normales des produits d’étanchéité utilisés, il convient de relever que ces produits ont été utilisés dans les deux tunnels pour colmater ceux-ci et arrêter les infiltrations d’eau, ainsi qu’il ressort également des points 2.2.2 et 2.2.3 du rapport préparé par un cabinet de conseil. Une telle application figure parmi les utilisations normales de ces produits d’étanchéité. Par ailleurs, l’utilisation desdits produits dans le secteur de la construction des tunnels figure parmi celles que les requérants énumèrent comme faisant partie des applications de ces produits.

56      La considération selon laquelle la Commission, en se fondant sur le rapport d’évaluation des risques de l’Union, a pris en compte les conditions d’utilisation normales des produits d’étanchéité utilisés n’est pas remise en cause par l’argumentation des requérants selon laquelle ce rapport a considéré de manière erronée que l’utilisation des produits en cause dans les deux tunnels était représentative d’un usage correct.

57      Il est vrai que le point 4.1.1.1.7 du rapport d’évaluation des risques de l’Union, relatif à l’analyse de l’exposition professionnelle de la santé humaine pendant l’utilisation des produits d’étanchéité, énonce que le produit d’étanchéité a été appliqué par des moyens corrects et que les données relatives à l’exposition ont donc été interprétées comme étant représentatives d’un usage correct. À la suite des incidents survenus dans les deux tunnels en cause au cours de l’application des produits d’étanchéité, il ne saurait cependant être considéré que l’utilisation de produits d’étanchéité dans ces tunnels était représentative d’un usage correct. En effet, s’agissant du tunnel situé à Hallandsås, il n’est pas contesté par la Commission que, ainsi qu’il ressort du jugement du tingsrätt de Helsingborg du 25 septembre 2007, le produit d’étanchéité utilisé a été manipulé d’une façon complètement inappropriée et en faisant preuve d’une négligence choquante quant aux risques encourus, et que ce produit a été utilisé par un personnel non qualifié et sans tenir compte des effets éventuels sur l’environnement. S’agissant du tunnel situé à Romeriksporten, il ressort du point 2.2.3 du rapport préparé par un cabinet de conseil que les problèmes survenus dans ce tunnel étaient similaires.

58      Toutefois, le point 4.1.1.1.8 du rapport d’évaluation des risques de l’Union, relatif à l’exposition par inhalation, conclut que les données relatives à ce type d’exposition ont été interprétées comme étant représentatives d’un usage normal. En outre, le point 5.3.1.1 du rapport d’évaluation des risques de l’Union énonce qu’il « semble que le mode d’utilisation ait été normal pour ce qui est de la façon dont le produit a été appliqué, même si ce qui est arrivé ultérieurement ne se produit pas nécessairement lors de l’utilisation de ces produits ». De plus, il convient de relever que, lors de l’analyse de l’exposition professionnelle de la santé humaine à l’occasion de l’utilisation des produits d’étanchéité dans le tunnel de Hallandsås, ledit rapport a pris en compte le fait que les règles de sécurité prescrites pour l’utilisation desdits produits n’avaient pas été respectées. En effet, ce rapport indique que la fiche de données de sécurité n’était pas correcte et que la fiche incluant des informations sur le produit en cause contenait des données incorrectes relatives à la limite de concentration d’acrylamide dans l’air autorisée (point 4.1.1.1.7 dudit rapport).

59      Il ressort de ce qui précède que, si le rapport d’évaluation des risques de l’Union a tenu compte, pour examiner le scénario le plus défavorable, du fait que des incidents étaient survenus dans les deux tunnels lors de l’utilisation des produits d’étanchéité, il a également pris en compte les conditions d’utilisation normales des produits d’étanchéité utilisés, ainsi qu’il a été indiqué au point 55 ci-dessus.

60      Deuxièmement, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, en se fondant sur le scénario le plus défavorable dans des conditions d’utilisation normales, que l’exposition à l’acrylamide lors des applications d’étanchéisation en Suède et en Norvège était représentative d’une exposition connue ou raisonnablement prévisible à la lumière des informations disponibles.

61      En effet, la Commission doit prendre en considération l’ensemble des manipulations et des utilisations qui peuvent être faites dans des circonstances normales, ce qui inclut, notamment, la nécessité de tenir compte des accidents réalistes et prévisibles (voir, en ce sens, arrêt Etimine, point 29 supra, point 71). À supposer même que les incidents survenus dans les deux tunnels situés en Suède et en Norvège aient pu être évités en évaluant les risques à l’avance, ainsi que cela semble être le cas en ce qui concerne le tunnel en Suède d’après le rapport final de la commission relative aux événements dans ce tunnel, cité dans le rapport préparé par un cabinet de conseil, il y a lieu de relever que les données résultant de l’utilisation du produit d’étanchéité dans ces tunnels démontrent qu’un tel scénario n’était pas irréaliste ni imprévisible. Cela vaut d’autant plus que les incidents survenus dans les deux tunnels lors de l’application de l’acrylamide étaient similaires, ainsi qu’il ressort du point 2.2.3 du rapport préparé par un cabinet de conseil (voir point 57 ci-dessus).

62      Cette considération est confirmée par les objectifs du règlement n° 1907/2006, tels que définis au considérant 1 et à l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement, qui consistent à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que la libre circulation des substances tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Selon les considérants 87, 89 et 91 de ce règlement, le législateur a fixé comme objectif principal à l’instauration de nouvelles restrictions et à la modification des restrictions existantes prévues au titre VIII du même règlement, le premier de ces trois objectifs, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a., C‑558/07, Rec. p. I‑5783, point 45). Cet objectif est conforme à l’article 168, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE, selon lequel un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union, et à l’article 191, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, selon lequel la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé et est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 1er avril 2008, Parlement et Danemark/Commission, C‑14/06 et C‑295/06, Rec. p. I‑1649, point 75).

63      Au vu de ce qui précède, le présent grief doit être rejeté.

 Sur le grief tiré de la prise en compte d’un produit contenant un agent d’étanchéité autre que l’acrylamide

64      Les requérants font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant les restrictions relatives à la mise sur le marché et à l’utilisation de l’acrylamide dans les applications d’étanchéisation à grande échelle sur des informations liées à l’utilisation, dans les tunnels de Hallandsås et de Romeriksporten, de produits d’étanchéité qui contenaient une substance autre que l’acrylamide, à savoir le NMA. L’acrylamide et le NMA seraient des substances différentes en vertu du règlement n° 1907/2006. L’acrylamide ne serait qu’une impureté dans les produits d’étanchéité qui contiennent du NMA en tant qu’agent d’étanchéité. En outre, la Commission n’aurait pas examiné la question de savoir si les données liées aux produits d’étanchéité qui contenaient du NMA étaient une référence appropriée pour l’évaluation des produits d’étanchéité qui contenaient de l’acrylamide.

65      La Commission ne conteste pas que l’acrylamide et le NMA sont des substances différentes en vertu de la définition visée à l’article 3, point 1, du règlement n° 1907/2006. Cependant, elle affirme que l’évaluation des risques a couvert toutes les expositions connues à l’acrylamide et notamment l’exposition de l’être humain et de l’environnement résultant tant de l’utilisation de la substance telle quelle dans les applications d’étanchéisation que de l’application de produits d’étanchéité à base de NMA. Ces derniers contiendraient également de l’acrylamide et, lors de leur application, le NMA pourrait se transformer partiellement en acrylamide.

66      Certes, il ressort du point 3.1.2.3 du rapport d’évaluation des risques de l’Union que le produit d’étanchéité utilisé jusqu’alors dans l’Union contenait du NMA ainsi que de l’acrylamide et du formaldéhyde en tant qu’impuretés. Toutefois, même si l’acrylamide et le formaldéhyde sont présents en tant qu’impuretés dans le NMA ainsi que l’indiquent les requérants, il ne saurait être considéré que l’acrylamide était présent dans les produits d’étanchéité utilisés lors des applications d’étanchéisation dans les deux tunnels en cause seulement en tant qu’impureté, eu égard aux indications précises concernant la teneur en substances figurant à d’autres points du rapport d’évaluation des risques de l’Union.

67      En effet, il ressort du point 2.2.1.2 de ce rapport que ces produits d’étanchéité étaient à base de NMA. Selon ce point, le NMA est un dérivé de l’acrylamide et est également utilisé lors des applications d’étanchéisation. Le produit « Siprogel » utilisé dans le tunnel à Hallandsås serait préparé en mélangeant mécaniquement deux solutions destinées à être dissoutes avec de l’eau et mélangées sur place. La première solution, à savoir le « Rhoca Gil », contient, selon les points 2.2.1.2 et 4.1.1.1.7 dudit rapport, environ 37 % de NMA et environ 1 % de formaldéhyde. La teneur d’acrylamide du « Rhoca Gil » est, selon le point 2.2.1.2 de ce rapport, au maximum de 1,5 %, tandis qu’il ressort du point 4.1.1.1.7 du même rapport que, après avoir effectué des analyses, le fabricant a indiqué un taux d’environ 4 %. Ainsi qu’il ressort des ces deux points, la seconde solution contient du silicate de sodium et du persulfate de sodium.

68      En outre, il ressort du point 2.2.1.2 du rapport d’évaluation des risques de l’Union que le NMA peut se régénérer en acrylamide, bien que l’ampleur d’une telle régénération en pratique ne soit pas connue et dépende des conditions environnementales. En outre, il ressort de ce point que le NMA peut partiellement être transformé en acrylamide en cas d’adjonction de silicate de sodium. Dans les systèmes d’étanchéisation à base de deux solutions, le silicate de sodium serait souvent utilisé dans l’une de ces solutions et l’acrylamide ou le NMA dans l’autre. Il serait possible que, lorsque ces deux composants sont mélangés pour lancer une polymérisation, le potentiel hydrogène (pH) du mélange change pour atteindre un niveau qui permette la transformation du NMA en acrylamide. L’exposition à un produit mélangé, mais pas encore polymérisé, serait donc susceptible de mener à l’exposition à des concentrations plus élevées que prévues d’acrylamide. Selon les points 2.2.1.2 et 3.1.2.3 de ce rapport, une fois les deux solutions mélangées avec de l’eau et après que la polymérisation a commencé, le monomère d’acrylamide résiduaire doit être consumé d’après les fabricants du produit d’étanchéité à base de NMA. Dans des expériences faites en laboratoires, ces fabricants auraient constaté que le taux d’acrylamide contenu dans la résine finale était de 1 % après trois heures et de 0,04 % après sept jours.

69      Au vu de ces considérations, il ne saurait être conclu que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en basant son évaluation des risques, concernant l’exposition à l’acrylamide dans les applications d’étanchéisation à grande échelle, sur des données relatives à des produits d’étanchéité à base de NMA. En effet, étant donné que les produits d’étanchéité à base de NMA contiennent également de l’acrylamide et que le NMA contenu dans ces produits peut se transformer en acrylamide, de sorte que le taux d’acrylamide contenu dans la résine finale est encore de 1 % trois heures après que les solutions en cause ont été mélangées avec de l’eau et que la polymérisation a commencé, les êtres humains et l’environnement sont exposés à l’acrylamide lors des applications d’étanchéisation à grande échelle.

70      S’agissant, plus particulièrement, de l’argumentation des requérants selon laquelle les articles 68 et 69 du règlement n° 1907/2006 se réfèrent aux restrictions adoptées en raison des conditions dans lesquelles la fabrication, l’utilisation ou la mise sur le marché d’une substance, telle quelle ou contenue dans un mélange ou un article, ont eu lieu, il convient de relever que le rapport d’évaluation des risques de l’Union portent bien sur les risques découlant de l’utilisation de l’acrylamide, ainsi qu’il a été indiqué aux points 66 à 69 ci-dessus.

71      Enfin, en ce qui concerne l’argumentation des requérants selon laquelle ni le rapport d’évaluation des risques de l’Union, ni la Commission n’auraient examiné la question de savoir si les données liées aux produits d’étanchéité qui contiennent du NMA étaient une référence appropriée pour l’évaluation des produits d’étanchéité qui contiennent de l’acrylamide, il suffit de relever qu’il ressort du point 2.2.1.2 dudit rapport que cette question a été examinée dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué (voir point 68 ci-dessus). En outre, aux points 3.1.2.3 et 3.1.4.2.1 dudit rapport, la composition et l’utilisation des produits d’étanchéité à base de NMA ont été examinées par rapport à l’exposition de l’environnement à l’acrylamide. De plus, au point 4.1.1.1.7 de ce rapport, l’exposition des êtres humains à l’acrylamide lors de l’utilisation de produits d’étanchéité à base de NMA dans les applications d’étanchéisation à grande échelle a été examinée.

72      Par conséquent, dans ledit rapport, l’étendue et la manière dont les produits d’étanchéité à base de NMA sont susceptibles d’avoir un effet sur l’exposition des êtres humains et de l’environnement à l’acrylamide ont été examinées. En outre, dès lors que, dans les systèmes d’étanchéisation à base de NMA et de silicate de sodium, les produits d’étanchéité à base de NMA contiennent également de l’acrylamide et que le NMA peut se transformer en acrylamide, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a examiné la pertinence des données résultant de l’utilisation des produits d’étanchéité à base de NMA pour fonder les restrictions instaurées pour l’acrylamide.

73      Au vu de ce qui précède, le présent grief et donc le premier moyen dans son intégralité doivent être rejetés.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

74      Les requérants font valoir que le règlement attaqué méconnaît le principe de proportionnalité. Ce règlement serait inapproprié par rapport à l’objectif poursuivi, à savoir protéger la santé humaine et l’environnement, dès lors qu’il serait fondé sur des informations dépourvues de lien avec la mise sur le marché de l’acrylamide et qu’il n’affecterait ni la mise sur le marché, ni l’utilisation des produits d’étanchéité à base de NMA. En outre, les requérants affirment que les substances pouvant être utilisées en remplacement de l’acrylamide peuvent induire des risques encore plus élevés que cette substance. De plus, selon les requérants, la Commission aurait pu prendre d’autres mesures appropriées et moins contraignantes.

75      Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Etimine, point 29 supra, point 124, et la jurisprudence citée).

76      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point précédent, il y a lieu de reconnaître à la Commission un large pouvoir d’appréciation dans un domaine qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel elle est appelée à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que le législateur entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêt Etimine, point 29 supra, point 125, et la jurisprudence citée).

77      En l’espèce, il ressort du considérant 5 du règlement attaqué que l’objectif de ce règlement consiste à protéger la santé humaine et l’environnement. Cet objectif est conforme aux objectifs poursuivis par le règlement n° 1907/2006. En effet, ce dernier vise, selon son article 1er, paragraphe 1, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Eu égard aux considérants 87, 89 et 91 du règlement n° 1907/2006, il convient de constater que le législateur a fixé comme objectif principal à l’instauration de nouvelles restrictions et à la modification de restrictions existantes prévues au titre VIII dudit règlement, le premier de ces trois objectifs, celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir point 62 ci-dessus).

78      Selon le considérant 86 du règlement n° 1907/2006, il devrait être de la responsabilité du fabricant, de l’importateur et de l’utilisateur en aval de déterminer les mesures de gestion des risques qui sont nécessaires pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement contre les effets de la fabrication, de la mise sur le marché ou de l’utilisation d’une substance, telle quelle ou contenue dans un mélange ou un article. Toutefois, lorsque cette obligation est jugée insuffisante et que l’adoption d’une législation de l’Union est justifiée, des restrictions appropriées devraient être prévues.

79      En premier lieu, s’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle le règlement attaqué n’est pas approprié par rapport à l’objectif poursuivi, il convient de rappeler que ce règlement vise l’instauration de restrictions relatives à la mise sur le marché et à l’utilisation de l’acrylamide en tant que substance ou constituant de mélanges.

80      Dans ce contexte, s’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle le règlement attaqué est fondé sur des informations dépourvues de lien avec la mise sur le marché de l’acrylamide et selon laquelle il n’affecte ni la mise sur le marché, ni l’utilisation des produits d’étanchéité à base de NMA, d’une part, il convient de relever que celle-ci ne concerne pas la question de savoir si le règlement attaqué respecte le principe de proportionnalité. D’autre part, il y a lieu de relever que les restrictions imposées par le règlement attaqué ne concernent pas seulement la mise sur le marché et l’utilisation de l’acrylamide en tant que substance, mais également en tant que constituant de mélanges. Ainsi qu’il résulte des considérations énoncées aux points 66 à 72 ci-dessus, ces restrictions peuvent également concerner les produits d’étanchéité à base de NMA qui contiennent de l’acrylamide et dans lesquels le NMA peut se transformer en acrylamide.

81      Pour ce qui est de l’argumentation des requérants selon laquelle le règlement attaqué est inapproprié du fait que les substances pouvant être utilisées en remplacement de l’acrylamide peuvent induire des risques encore plus élevés que cette substance, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 8 du règlement n° 793/93, l’acrylamide a été incluse sur la liste prioritaire (voir points 3 et 4 ci-dessus). Les substances susceptibles de remplacer l’acrylamide n’ont pas été incluses sur cette liste. Celles-ci sont couvertes par le règlement n° 1907/2006 et pourraient, en fonction de leurs caractéristiques, être soumises à une autorisation ou à une restriction en vertu des titres VII et VIII dudit règlement. À cet égard, selon le considérant 80 de ce règlement, il convient de veiller à une interaction adéquate entre les dispositions relatives à l’autorisation et aux restrictions afin de préserver le bon fonctionnement du marché intérieur ainsi que la protection de la santé, de la sécurité et de l’environnement. Au vu de ce qui précède, le fait que les substances de remplacement ne fassent pas l’objet d’une restriction n’implique pas que le règlement attaqué soit inapproprié par rapport à l’objectif poursuivi.

82      Par conséquent, l’argumentation des requérants relative au prétendu caractère inapproprié du règlement attaqué doit être rejetée.

83      En second lieu, les requérants font valoir que le règlement attaqué dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi, ainsi qu’il ressortirait de l’analyse d’impact de la Commission du 4 février 2008. En outre, selon les requérants, la Commission aurait pu adopter des mesures moins contraignantes en vue de prévenir les prétendus risques identifiés liés à l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide.

84      Premièrement, s’agissant de l’analyse d’impact de la Commission, il est vrai que, ainsi que les requérants le soulignent, celle-ci indique que, pour certains groupes particuliers de la population, les mesures de réduction des risques nécessaires sont déjà en place. Ainsi, la législation de l’Union fixerait les exigences minimales pour la protection des travailleurs et celles-ci seraient considérées comme des instruments législatifs appropriés et suffisants en vue d’éliminer ou de réduire les risques pour les travailleurs induits par l’exposition à l’acrylamide. Il est également vrai que ce rapport énonce que le cadre législatif existant est considéré comme suffisant pour prévenir les risques identifiés pour les consommateurs.

85      Toutefois, il y a lieu de relever que ces développements se trouvent dans la section 2 de l’analyse d’impact relative à l’identification des risques pour la santé humaine et l’environnement. Dans cette section, la Commission fait référence, d’une part, au rapport d’évaluation des risques de l’Union et, d’autre part, à la recommandation 2004/394, qui tient compte de ce rapport et de l’avis émis par le comité scientifique de la toxicité, de l’écotoxicité et de l’environnement et qui contient, sur cette base, l’évaluation des risques et la stratégie de réduction des risques pour l’acrylamide adoptées par la Commission. Avant d’effectuer les développements mentionnés au point 84 ci-dessus, la Commission décrit, sur la base desdits documents, les risques identifiés pour la santé humaine et l’environnement. Après ces développements, la Commission précise que ces risques ne se limitent pas à ceux identifiés pour les travailleurs et les consommateurs, pour lesquels les mesures de réduction des risques nécessaires sont déjà en place ou pour lesquels le cadre législatif existant est considéré comme suffisant. En effet, la Commission indique à nouveau que la recommandation 2004/394 définit une stratégie pour limiter les risques qui subsistent, à savoir ceux existant pour l’homme exposé par le biais de l’environnement résultant de l’utilisation des produits d’étanchéité à base d’acrylamide et ceux existant pour le milieu aquatique à la suite d’une exposition lors de l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide dans des applications de construction. Ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 3 du règlement attaqué, ce dernier visait précisément à limiter les risques qui subsistaient et qui ont été mentionnés dans l’analyse d’impact de la Commission. Par ailleurs, il convient de noter que, selon le point 5.3.1.1 du rapport d’évaluation des risques de l’Union, il était également nécessaire de réduire les risques existant pour les travailleurs (voir point 5 ci-dessus).

86      Au vu de ce qui précède, l’argumentation des requérants relative à l’analyse d’impact doit être écartée.

87      Deuxièmement, les requérants affirment que la Commission aurait pu prendre d’autres mesures appropriées et moins contraignantes, à savoir l’amélioration de la communication relative aux dangers et à l’étiquetage ainsi que l’adoption de conditions spécifiques pour l’usage de l’acrylamide, l’amélioration des équipements de protection individuelle ou la création de dérogations précises à l’interdiction des produits d’étanchéité à base d’acrylamide compte tenu de l’absence de produits de remplacement sur le marché, du moins en ce qui concerne leur utilisation essentielle consistant à colmater les infiltrations d’eau et à traiter les remontées capillaires.

88      À cet égard, il convient de relever que le règlement attaqué est le résultat d’une longue procédure administrative au cours de laquelle les différentes options politiques pour limiter les risques existant pour l’homme exposé par le biais de l’environnement résultant de l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide et les risques existant pour le milieu aquatique à la suite d’une exposition lors de l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide dans des applications de construction ont été examinées par la Commission dans son analyse d’impact. Il ressort de la section 5 de cette analyse que les différentes options examinées consistaient en un maintien du status quo, en un engagement volontaire de l’industrie concernée en faveur du remplacement de l’acrylamide par d’autres substances, en l’établissement des conditions spécifiques pour l’usage de l’acrylamide dans des produits d’étanchéité et en l’interdiction totale de cette substance dans lesdits produits. Après avoir comparé les différentes options politiques pour limiter les risques, la Commission a conclu, à la section 7 de son analyse d’impact, que l’option la plus efficace et proportionnée serait l’interdiction totale de la mise sur le marché et de l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide.

89      L’argumentation avancée par les requérants ne démontre pas que le règlement attaqué dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi.

90      En effet, pour ce qui est, d’une part, des mesures consistant en l’amélioration de la communication relative aux dangers et à l’étiquetage ainsi qu’en l’adoption de conditions spécifiques pour l’usage de l’acrylamide, les requérants font référence au rapport préparé par un cabinet de conseil. Il est vrai que, dans la section 6.2 de ce rapport, il a été conclu que, pour réduire les risques, les mesures de restriction étaient considérées comme la manière la moins préférable et que l’amélioration des fiches de données de sécurité et des systèmes d’étiquetage ainsi que l’établissement de conditions spécifiques pour l’usage de l’acrylamide ont été recommandées.

91      Toutefois, il convient de relever que ce rapport date de mars 2000. Ainsi qu’il ressort de la page ii du rapport préparé par un cabinet de conseil, la conclusion selon laquelle les mesures de restriction ne paraissaient pas justifiées était fondée sur le raisonnement selon lequel la réduction des risques envisagée pourrait être atteinte par l’établissement de conditions spécifiques pour l’usage de l’acrylamide à des frais inférieurs à ceux qu’impliqueraient des mesures de restriction. Cette considération a pourtant été jugée incertaine à cette même page. La Commission a pris en compte le rapport préparé par un cabinet de conseil lors de son analyse d’impact (voir points 33 et 34 ci-dessus). À la section 6 de son analyse, elle a indiqué que le marché de l’Union avait changé depuis 2000, dès lors que la majorité des entreprises était passée à des substances de remplacement et ne vendait plus de produits à base d’acrylamide dans l’Union. Selon cette analyse, il était donc impossible de s’attendre à ce que l’instauration d’une interdiction totale relative à la mise sur le marché et à l’utilisation de produits d’étanchéité à base d’acrylamide entraîne des frais significatifs par rapport aux avantages potentiels attendus de cette interdiction.

92      À cet égard, il importe également de relever que, contrairement à ce qu’allèguent les requérants en faisant référence à la lettre du premier requérant à la Commission du 22 septembre 2010, il ne ressort pas du rapport préparé par un cabinet de conseil que les considérations figurant dans l’analyse d’impact mentionnées au point 91 ci-dessus étaient erronées parce que des substances de remplacement n’existaient pas.

93      En effet, en analysant d’éventuelles substances de remplacement au point 2.4 du rapport préparé par un cabinet de conseil, les auteurs de ce rapport n’ont pas conclu que de telles substances n’existaient pas pour les applications d’étanchéisation à petite et à grande échelle. Au contraire, au point 2.4.3, il est indiqué que les produits d’étanchéité les plus populaires pour la construction au Royaume-Uni et en Europe sont les silicates de sodium et les aluminates de sodium et que ces produits constituent également les substances de remplacement les plus importantes aux produits d’étanchéité à base d’acrylamide et de NMA. En outre, il est énoncé que des produits d’étanchéité à base de ciment, de microciment et de bentonite sont également utilisés dans une large mesure du fait de leurs coûts relativement bas. À ce même point, il est également indiqué que les produits d’étanchéité à base d’acrylamide et de NMA ne sont utilisés que dans 1 % des cas et que, dans la plupart des cas, ces produits peuvent déjà être remplacés par d’autres produits. Selon le point 2.4.4 de ce rapport, relatif aux implications comparatives des risques, les substances de remplacement des produits d’étanchéité à base d’acrylamide et de NMA les plus importantes devraient être les polyuréthanes utilisés pour réparer les égouts et les bouches d’égout ainsi que les ciments, les microciments et les silicates utilisés dans les applications de construction. De plus, l’analyse d’impact tient compte du fait que les substances de remplacement pourraient être moins efficaces. S’agissant, plus particulièrement, de l’utilisation de l’acrylamide pour colmater des microfissures ou des remontées capillaires, il ressort de la lettre de la Commission du 30 juillet 2010 au premier requérant que, selon elle, des produits à base de siloxanes et de résine époxyde pourraient être utilisés comme substances de remplacement.

94      Par ailleurs, au point 1.1 du rapport préparé par un cabinet de conseil relatif à l’arrière-plan de l’analyse ainsi que dans la note en bas de page n° 18 de ce rapport, il a été indiqué que ce rapport n’envisageait pas d’aborder de manière exhaustive les risques pour la santé humaine, dès lors que ceux-ci seraient examinés séparément par une autorité du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

95      L’argumentation des requérants relative au rapport préparé par un cabinet de conseil doit donc être rejetée.

96      En ce qui concerne, d’autre part, l’argumentation des requérants relative à des mesures moins contraignantes consistant en l’amélioration des équipements de protection individuelle, ils font référence au rapport de l’Environmental Protection Agency (agence pour la protection de l’environnement) des États-Unis d’Amérique (EPA), adopté en 2002, dans lequel cette agence a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’interdire l’utilisation des produits d’étanchéisation à base d’acrylamide afin de protéger la santé des employés qui les manipulaient. À cet égard, il convient de relever que les requérants n’ont pas fait valoir que l’évaluation scientifique et technique de l’acrylamide de cette agence était différente de celle de la Commission. La gestion des risques ne suit cependant pas les mêmes principes et règles aux États-Unis que dans l’Union dès lors que les cadres légaux et les politiques sont différents. Le fait que cette agence n’ait pas conclu à la nécessité d’interdire l’utilisation des produits d’étanchéisation à base d’acrylamide, n’est donc pas de nature à démontrer une erreur manifeste dans l’appréciation de la Commission qui était fondée sur les estimations du TCNES et du comité scientifique de la toxicité, de l’écotoxicité et de l’environnement. En outre, il ressort du rapport de l’EPA qu’elle a abandonné en 2001 sa proposition initiale, datant de 1991, d’interdire la fabrication, l’importation, la distribution et l’utilisation des produits d’étanchéité à base d’acrylamide et de NMA uniquement en raison de la prétendue disponibilité d’un équipement de protection individuel abordable et efficace et en prévoyant que les travailleurs qui utiliseraient correctement un tel équipement pourraient être protégés adéquatement pendant l’utilisation desdits produits. Or, les risques devant être réduits selon le rapport d’évaluation des risques de l’Union et la recommandation 2004/394 ne concernaient pas seulement ceux existant pour les travailleurs, mais également ceux existant pour le milieu aquatique et pour les personnes exposées à l’acrylamide par le biais de leur environnement. L’amélioration des équipements de protection individuelle n’aurait donc pas été appropriée par rapport à l’objectif visé par le règlement attaqué. À cet égard, il importe également de relever que, en ce qui concerne les risques existant pour les travailleurs, dans la stratégie de limitation des risques prévue par la recommandation 2004/394, il n’a plus été envisagé de prendre des mesures de restrictions (voir point 6 ci-dessus). L’argumentation des requérants doit donc être rejetée.

97      Enfin, les requérants font référence à la lettre du premier requérant du 11 juin 2010 pour ce qui est de la création de dérogations précises à l’interdiction des produits d’étanchéité à base d’acrylamide compte tenu de l’absence de produits de remplacement sur le marché, du moins en ce qui concerne leur utilisation essentielle consistant à colmater les infiltrations d’eau et à traiter les remontées capillaires. Cette lettre indique, certes, que le premier requérant a communiqué, le 2 février 2010, des informations à la Commission et que cette dernière a considéré que celles-ci étaient insuffisantes pour justifier une dérogation aux restrictions proposées pour les applications d’étanchéisation. Cependant, ni le contenu ni l’étendue desdites informations ne ressortent de ladite lettre. Il ressort certes de la lettre de la Commission du 30 juillet 2010 au premier requérant que ce dernier a demandé des dérogations précises. Toutefois, la Commission a répondu à cette demande que des produits à base de siloxanes et de résine époxyde pouvaient être utilisés en tant que substances de remplacement. Sur cette base, il ne saurait être conclu que le règlement attaqué dépasse les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi.

98      Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas établi que le principe de proportionnalité a été méconnu lors de l’instauration des restrictions relatives à l’acrylamide dans le règlement attaqué.

99      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

100    Les requérants font valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation lui incombant en ce qu’elle n’aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles elle a fait référence, dans le règlement attaqué, aux concentrations de 0,1 % en poids d’acrylamide.

101    Conformément à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, les actes juridiques tels que le règlement attaqué doivent être motivés. En vertu d’une jurisprudence constante, cette motivation doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte. Elle doit, d’une part, permettre aux intéressés de comprendre la portée et les justifications de l’acte en cause afin d’être en mesure de défendre leurs droits et, d’autre part, mettre le juge de l’Union en mesure d’exercer son contrôle de légalité. Le respect de l’obligation de motivation doit, par ailleurs, être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 12 décembre 2006, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑380/03, Rec. p. I‑11573, points 107 et 108, et la jurisprudence citée). En outre, la participation des intéressés à la procédure d’élaboration d’un acte peut réduire les exigences de motivation, puisqu’elle contribue à leur information (arrêt Etimine, point 29 supra, point 116).

102    En l’espèce, la Commission a motivé la référence aux concentrations de 0,1 % en poids d’acrylamide au considérant 4 du règlement attaqué, selon lequel la valeur limite de 0,1 % d’acrylamide est prévue pour couvrir d’autres sources d’acrylamide libérée pendant le processus d’étanchéisation telles que le NMA, comme indiqué dans la recommandation 2004/394.

103    La recommandation 2004/394 énonce, dans la partie relative à la stratégie de limitation des risques pour la santé humaine et pour l’environnement, selon laquelle il est recommandé d’étudier la possibilité d’introduire au niveau communautaire, dans la directive 76/769, des restrictions à la commercialisation et à l’utilisation en ce qui concerne l’utilisation d’acrylamide dans les produits d’étanchéité pour des applications à petite et à grande échelle, que l’utilisation de produits d’étanchéité à base de NMA est également une source potentielle de libération d’acrylamide et que les risques liés à cette substance chimique devraient donc être étudiés.

104    Au vu de ces considérations et du contexte de la procédure d’élaboration du règlement attaqué, qui était connu des requérants ainsi qu’il ressort de la requête et des annexes de celle-ci, la Commission n’a pas violé l’obligation de motivation lui incombant.

105    En effet, le point 2.2.1.2 du rapport d’évaluation des risques de l’Union indique que le NMA peut se transformer partiellement en acrylamide dans des systèmes d’étanchéisation à base de deux solutions, ce qui serait susceptible de mener à l’exposition à des concentrations plus élevées d’acrylamide que prévues (voir point 68 ci-dessus). Ensuite, il ressort de la partie de la section 6 de l’analyse d’impact de la Commission relative à l’interdiction de l’acrylamide dans les applications d’étanchéisation qu’une valeur limite de 0,1 % pour l’acrylamide devrait être établie dès lors que, au-dessous de cette limite, des substances sont habituellement considérées comme des impuretés ou des contaminants à l’état de trace qui n’ont pas été ajoutés délibérément. Par conséquent, il ressort, à suffisance de droit, de la motivation du règlement attaqué que le taux de concentration de 0,1 % en poids d’acrylamide a été instauré aux fins d’inclure également les produits d’étanchéité à base de NMA. De plus, il ressort, en tout état de cause, de la lettre du 18 juin 2010 du premier requérant que ce dernier, en tant que représentant du secteur concerné, a participé à la procédure d’élaboration de l’acte pendant des années.

106    S’agissant de la question de savoir si les produits d’étanchéité à base de NMA entrent effectivement dans le champ d’application des restrictions visées par le règlement attaqué, il convient de noter que celle-ci concerne le bien-fondé des motifs, qui relève de la légalité au fond de l’acte en cause et qui doit être distinguée de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, non encore publié au Recueil, point 146, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, cette question a déjà été examinée au point 80 ci-dessus.

107    Par conséquent, le troisième moyen et donc le recours dans son intégralité doivent être rejetés.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

109    Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens afférents à la procédure principale, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. Les dépens afférents à la procédure de référé seront supportés par la troisième requérante, conformément aux conclusions de la Commission. Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Polyelectrolyte Producers Group, SNF SAS et Travetanche Injection SPRL supporteront, outre leurs propres dépens afférents à la procédure principale, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Travetanche Injection supportera les dépens afférents à la procédure de référé.

4)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.