Language of document : ECLI:EU:T:2014:886

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

16 octobre 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition –Demande de marque communautaire verbale LINEX – Marque nationale verbale antérieure LINES PERLA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑444/12,

Novartis AG, établie à Bâle (Suisse), représentée par Me M. Douglas, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Tenimenti Angelini SpA, établie à Montalcino (Italie), représentée par Me R. Almaraz Palmero, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 6 août 2012 (affaire R 414/2011‑4), relative à une procédure d’opposition entre Tenimenti Angelini SpA et Novartis AG,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 octobre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 22 janvier 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 janvier 2013,

vu la réplique déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2013,

vu la duplique de l’intervenante déposée au greffe du Tribunal le 12 juillet 2013,

à la suite de l’audience du 26 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 février 2009, la requérante, Novartis AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal LINEX.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « produits pharmaceutiques contenant du lactobacillus acidophilus ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 17/2009, du 11 mai 2009.

5        Le 31 juillet 2009, l’intervenante, Tenimenti Angelini SpA, a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 1 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur plusieurs droits antérieurs qui n’ont pas été pris en considération par la chambre de recours et sur la marque verbale italienne n° 1281045 LINES PERLA (ci-après la « marque italienne antérieure »), enregistrée en date du 4 mai 2010, suite à une demande d’enregistrement datée du 22 novembre 2007, pour les produits suivants :

–        classe 5 : « serviettes hygiéniques pour femmes ; couches hygiéniques pour incontinents » ;

–        classe 16 : « couches jetables en papier ou cellulose, mouchoirs en papier » ;

–        classe 25 : « couches sous forme de culottes ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), paragraphe 2, sous c), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

8        Le 21 janvier 2011, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, au motif de l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, entre la marque demandée et la marque italienne antérieure (ci-après dénommées ensemble les « marques en conflit »), par rapport aux produits visés par la demande.

9        Le 17 février 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 6 août 2012 (ci-après la « décision attaquée ») et au motif qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la quatrième chambre de recours a rejeté ce recours. Elle a considéré que le public pertinent était le grand public italien composé des consommateurs exposés aux problèmes de santé tout en estimant que leur niveau d’attention était élevé quant aux produits visés par la marque demandée et supérieur à la moyenne quant aux produits revendiqués par la marque italienne antérieure. Elle a examiné la similitude entre les serviettes hygiéniques, notamment les serviettes hygiéniques pour femmes, visées par la marque italienne antérieure, et les produits pharmaceutiques contenant du lactobacillus acidophilus désignés par la marque demandée (ci-après les « produits en cause ») et conclu que ces produits étaient hautement similaires, car ils appartiendraient à la même catégorie générale des produits pour les soins de santé, seraient destinés aux traitements médicaux ou aux opérations chirurgicales visant, notamment, l’incontinence urinaire et pourraient contenir du lactobacillus acidophilus. Ce dernier serait une bactérie qui se trouverait naturellement dans le vagin et qui aurait un effet bénéfique pour lutter contre les infections à levures. L’absence de ce bacille dans cette partie du corps pourrait être palliée par des serviettes auxquelles le lactobacillus acidophilus est ajouté afin de lutter contre une éventuelle infection à levures. De plus, les produits en cause seraient commercialisés, inter alia, en pharmacie et s’adresseraient aux consommateurs finaux qui ont des problèmes de santé liés à l’incontinence urinaire. Les similitudes visuelle et phonétique des marques en conflit seraient moyennes, notamment en raison de l’identité des quatre premières lettres de chacune des marques en conflit. Conceptuellement, les marques en conflit ne seraient pas similaires. Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a constaté que l’intervenante n’avait pas prouvé que la marque italienne antérieure possédait un caractère distinctif accru en raison de son usage, ni que le caractère distinctif intrinsèque de la marque italienne antérieure était moyen. Eu égard à la similitude élevée entre les produits en cause, au degré moyen de similitudes visuelle et phonétique entre les marques en conflit et au caractère distinctif moyen de la marque italienne antérieure, le public pertinent, malgré son niveau d’attention accru, pourrait attribuer la même origine commerciale aux produits en cause lorsqu’ils sont commercialisés sous les marques en conflit.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 octobre 2012, la requérante a introduit le présent recours. Les 22 et 23 janvier 2013, l’OHMI et l’intervenante ont respectivement déposé au greffe du Tribunal leur mémoire en réponse. En date du 16 avril, la requérante a déposé un mémoire en réplique et le 12 juillet 2013 l’intervenante a déposé son mémoire en duplique.

12      Par lettre du 27 août 2013, la requérante a demandé à être entendue en ses conclusions lors d’une audience.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante à supporter les dépens de l’intervenante, y compris les dépens afférents aux procédures devant la division d’opposition et la chambre de recours de l’OHMI.

 En droit

16      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 207/2009 et le second d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

17      Ces deux moyens concernant les mêmes questions factuelles, le Tribunal estime opportun d’examiner les prétendues violations de l’article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 207/2009, pour autant que cela s’avère nécessaire, dans le cadre du second moyen.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée]. Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

20      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

21      Selon la chambre de recours, le public pertinent visé par les produits en cause est composé des consommateurs italiens qui ont des problèmes de santé en général, voire des problèmes de santé liés à l’incontinence urinaire.

22      La chambre de recours n’a, à juste titre, pris en compte que les consommateurs italiens, étant donné que la marque antérieure est une marque nationale au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), qui a été enregistrée en Italie. Toutefois, comme l’OHMI l’a reconnu lors de l’audience, la définition fournie par la chambre de recours est imprécise dans la mesure où les serviettes hygiéniques pour femmes, commercialisées sous la marque italienne antérieure, visent les femmes italiennes en général, et non les personnes ayant des problèmes de santé, l’objectif d’une serviette hygiénique pour femmes n’étant pas la lutte contre une maladie, mais la protection des vêtements et le maintien d’une hygiène générale pendant les cycles de menstruation. Ce ne sont que les couches hygiéniques pour incontinents qui sont destinées aux patients italiens quel que soit leur sexe souffrant des problèmes liés à l’incontinence.

23      La marque demandée vise, en revanche, pour les motifs exposés aux points 46 et suivants ci-après, les consommateurs finaux exposés à des risques ou à des troubles liés au système gastro-intestinal.

24      Il s’ensuit que le public pertinent visé tant par les produits revendiqués par la marque demandée que par ceux revendiqués par la marque italienne antérieure est composé des femmes italiennes exposées aux risques ou problèmes gastro-intestinaux ainsi que des patients de tout sexe exposés tant aux risques ou problèmes gastro-intestinaux qu’aux problèmes liés à l’incontinence urinaire.

25      Quant au degré d’attention des consommateurs des produits pharmaceutiques contenant du lactobacillus acidophilus, c’est à juste titre que toutes les parties au présent litige estiment que le degré d’attention est élevé. La chambre de recours a, de plus, estimé à bon droit que le niveau d’attention des consommateurs de serviettes hygiéniques était supérieur à la moyenne, sans être contredite à cet égard par les parties.

 Sur la comparaison des produits

26      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

27      Quant à l’évaluation de ces facteurs, la chambre de recours souligne que la comparaison entre les produits en cause est une question de droit et qu’elle était donc appelée à effectuer l’évaluation de la similitude entre les produits concernés de sa propre initiative, de sorte qu’elle pouvait même tenir compte des « arguments » qui n’avaient pas été avancés par les parties.

28      La requérante conteste cette approche. En vertu de l’article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours ne serait pas autorisée à tenir compte de faits qui n’ont pas été soulevés par les parties. La requérante met également en doute le fait que la chambre de recours puisse se fonder sur des faits notoires.

29      Il ressort de la jurisprudence du Tribunal que les critères d’application d’un motif relatif de refus, dont l’évaluation de la similitude des produits, font partie des éléments de droit soumis à l’examen de l’OHMI et qu’une question de droit peut devoir être tranchée par l’OHMI, alors même qu’elle n’a pas été soulevée par les parties, si la résolution de cette question est nécessaire pour assurer une correcte application du règlement n° 207/2009 [arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec, EU:T:2005:29, point 21].

30      Toutefois et contrairement à ce que suggère la chambre de recours, cela n’implique pas que l’OHMI puisse d’office soulever des faits sur la base desquels une telle évaluation de la similitude doit être effectuée. En effet, le système d’opposition pour motif relatif de refus introduit par le règlement n° 207/2009 est basé sur le principe ancré dans l’article 76, paragraphe 1, in fine, dudit règlement, selon lequel il incombe aux parties d’invoquer les motifs à l’appui de leurs demandes et de présenter les faits et les preuves y afférents [arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE‑Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec, EU:T:2005:200, point 76]. La chambre de recours ne peut donc pas, pour la seule raison que la comparaison entre les produits en cause constitue une question de droit, procéder à un examen du cadre factuel sous-jacent en se fondant sur des faits qui n’ont pas été soulevés par les parties, étant entendu toutefois qu’il n’est pas exclu qu’elle prenne en considération des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [arrêt du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec, EU:T:2004:189, point 29], ou encore qui résultent de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits. Dans un tel cas, la chambre de recours n’est, de plus, même pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique [voir arrêt du 3 février 2011, Gühring/OHMI (Combinaison de jaune genêt et de gris argent et combinaison de jaune ocre et de gris argent), T‑299/09 et T‑300/09, EU:T:2011:28, point 36 et jurisprudence citée].

31      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il convient d’examiner les facteurs pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de sa comparaison des produits concernés.

 Sur les canaux de distribution

32      La chambre de recours, soutenue sur ce point par l’OHMI et l’intervenante, a estimé que tant les serviettes hygiéniques que les produits pharmaceutiques contenant du lactobacillus acidophilus étaient commercialisés, inter alia, dans les pharmacies italiennes.

33      La requérante s’oppose à ce constat et fait valoir que la chambre de recours n’était pas en droit de tenir compte d’une prétendue vente des produits mentionnés dans les pharmacies italiennes au motif que tel ne résulterait pas des documents présentés par l’intervenante lors de la procédure et ne serait de surcroît pas un fait notoire.

34      Le Tribunal constate qu’il est notoire qu’une grande partie des pharmacies, et pas seulement en Italie, vend des produits hygiéniques tels que des solutions dentaires, des dentifrices, des brosses à dents, des couches pour enfants, des lotions pour le corps, etc., et également des serviettes hygiéniques [voir, en ce sens pour le marché espagnol, arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec, EU:T:2006:247, point 37]. La grande majorité des femmes, pas seulement en Italie, se les procure dans une pharmacie, quand les drogueries ou les supermarchés sont fermés ou non accessibles. La chambre de recours pouvait, par conséquent, considérer à bon droit que les pharmacies ne vendaient pas seulement des médicaments, mais également des serviettes hygiéniques.

35      Dès lors que ce fait est notoire, la chambre de recours a pu fonder sa décision sur ce constat sans violer ni l’article 8, paragraphe 1, sous b), ni l’article 76, article 1, in fine, du règlement n° 207/2009. L’argument soulevé par la requérante tiré du fait que ce constat ne serait pas notoire, doit donc être rejeté.

 Sur la nature et les modalités d’usage des produits

36      La demande d’enregistrement de la marque demandée fait référence à des « produits pharmaceutiques contenant le lactobacillus acidophilus », à savoir tous les produits à vocation médicamenteuse contenant cette bactérie, à savoir notamment des comprimés, des capsules, des solutions et des poudres. Les produits revendiqués par la marque italienne antérieure sont des serviettes hygiéniques pour femmes, des couches hygiéniques pour incontinents, des couches jetables en papier ou cellulose, des mouchoirs en papier et des couches sous forme de culottes.

37      La chambre de recours a estimé que les produits en cause étaient hautement similaires, inter alia au motif qu’ils appartiendraient à la même catégorie de produits des soins de la santé.

38      Le Tribunal constate qu’il s’agit, d’une part, de médicaments à appliquer ou à avaler et, d’autre part, d’absorbants de sang ou d’urine en papier, cellulose ou plastique à enfiler ou à apposer sur des slips ou culottes. Il est évident, comme le fait valoir la requérante et ainsi que l’OHMI l’a reconnu lors de l’audience, que la nature et les modalités d’usage de ces produits sont dissemblables.

39      Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument de l’intervenante selon lequel les produits en cause seraient hautement similaires en ce qu’ils appartiendraient à deux catégories, à savoir les « produits pharmaceutiques » et les « produits hygiéniques », entre lesquelles le Tribunal aurait déjà constaté un degré élevé de similitude. Il est certes vrai que le Tribunal a déjà eu l’occasion de conclure à l’existence d’une similitude relativement élevée entre, d’une part, les produits hygiéniques, qu’il a définis aux fins de sa comparaison comme étant des « produits hygiéniques pour la médecine et pour l’hygiène intime », et, d’autre part, les « produits pharmaceutiques », notamment car ils ont la même vocation, à savoir « à être utilisés dans le cadre d’un traitement médical ou d’une intervention chirurgicale » [arrêt du 15 mars 2012, Cadila Healthcare/OHMI – Novartis (ZYDUS), T‑288/08, EU:T:2012:124, point 44]. Il convient toutefois de constater que le Tribunal, dans l’arrêt ZYDUS, précité (EU:T:2012:124), a procédé à une comparaison générale de ces deux catégories de produits. Le Tribunal a notamment relevé que ces produits « [étaient] étroitement complémentaires, dans la mesure où certains produits hygiéniques à usage médical tels que les antiseptiques ou les lotions antibactériennes [pouvaient] se révéler indispensables lorsque certains produits pharmaceutiques [étaient] administrés » (arrêt ZYDUS, précité, EU:T:2012:124, point 44). S’il est vrai que deux catégories de produits définies de façon très générale sont effectivement similaires dès lors qu’il y a un chevauchement des gammes de produits concernées qui revêtent un certain niveau de similitude, il y a toutefois lieu de retenir que, en l’espèce, il convient de comparer des produits très particuliers, tout en tenant compte de leurs caractéristiques spécifiques. Or, le fait que ces produits appartiennent à des catégories très vastes qui sont globalement similaires, à savoir les produits pharmaceutiques et les produits hygiéniques, ne permet pas, en tant que tel, de constater que ces produits sont similaires.

 Sur la finalité des produits

40      Quant à la finalité des produits en cause, la requérante conteste premièrement qu’il résulte des moyens de preuve fournis que le lactobacillus acidophilus a vocation à soigner l’incontinence ou les infections urinaires, voire vaginales qui la provoquent. Deuxièmement, même à supposer que tel soit le cas, il ne serait possible de traiter ni l’incontinence ni les infections urinaires ou vaginales au moyen d’une serviette à laquelle sont ajoutés des agents actifs contenant cette bactérie. De plus, aucune preuve à cet égard n’aurait été présentée par les parties.

41      L’OHMI et l’intervenante sont d’avis que l’analyse factuelle effectuée par la chambre de recours est correcte, ce qui ressortirait des moyens de preuves fournis par l’intervenante, à savoir un extrait du site Internet de l’université de Maryland (États-Unis) et une description du médicament Linex Forte. Ils font référence également à des informations extraites du site Internet Wikipedia. De plus, la similitude entre les produits en cause résulterait également du fait qu’ils sont tous destinés aux soins du corps, voire aux soins de santé. L’intervenante fait aussi valoir que les produits en cause sont complémentaires. Enfin, les arguments présentés par la requérante seraient en contradiction avec ceux qu’elle a fait valoir dans une autre affaire.

–       Sur les caractéristiques thérapeutiques du lactobacillus acidophilus

42      Quant aux caractéristiques thérapeutiques du lactobacillus acidophilus, la chambre de recours a constaté que « [les produits en cause] [avaient] la même destination, à savoir leur utilisation lors de traitements médicaux ou d’opérations chirurgicales et, notamment, en ce qui concern[ait] l’incontinence urinaire. Ainsi que l’a démontré l’opposante, les compléments probiotiques contenant du lactobacillus acidophilus font partie d’une thérapie contre l’incontinence urinaire ». L’OHMI et l’intervenante sont d’avis que les documents fournis sont suffisants pour justifier le constat de la chambre de recours.

43      Il convient donc d’examiner si les documents cités au point 41 ci-dessus et les extraits du site Internet Wikipedia présentés par les parties à différents stades de la procédure administrative et devant le Tribunal sont suffisants pour constater que le lactobacillus acidophilus peut être considéré comme un moyen de traiter l’incontinence ou les infections urinaires, voire vaginales donnant lieu à l’incontinence.

44      Quant au constat selon lequel le lactobacillus acidophilus permet de traiter l’incontinence ou les infections qui la provoquent, il y a lieu de noter que l’extrait du site Internet de l’université de Maryland est un texte contenant six pages de courts passages et de nombreux mots-clés, publié sur le site Internet du centre médical de l’université de Maryland. Le document semble être un dépliant d’information destiné aux patients dudit centre médical. Le document est en anglais et est intitulé « Urinary Incontinence » (Incontinence urinaire). La première partie indique les symptômes et les causes. Ensuite, les traitements possibles sont énumérés sous le titre « Treatment options » (Possibilités de traitement). Enfin, sous le titre « Complementary and Alternative Therapies » (Thérapies complémentaires et alternatives) le document énumère sous le sous-titre « Nutrition and Supplements » (Alimentation et compléments alimentaires) toute une série d’aliments à éviter ou à consommer. Enfin, sous la phrase introductive « You can address nutritional deficiencies with the following supplements : » (« vous pouvez remédier aux carences nutritionnelles à l’aide des compléments [alimentaires] suivants »), plusieurs vitamines et compléments alimentaires sont énumérés dont le « probiotic supplement (containing Lactobacillus acidophilus) , 5 – 10 billion CFUs (colony forming units) a day, for maintenance of gastroinestinal and immune health » [« complément probiotique (contenant du lactobacillus acidophilus), 5–10 milliards UFC (unités formant colonies) par jour, pour le maintien de la santé gastro-intestinale et immunitaire »]. Les autres sous-catégories relatives aux thérapies alternatives ou complémentaires font référence aux herbes (Herbs), à l’homéopathie (Homeopathy) et à l’acupuncture (Acupuncture). Le résumé sous le titre « Following up » conseille de s’adresser à un entraîneur personnel ou de faire des exercices ou de suivre une thérapie comportementale pour mettre en œuvre les changements de style de vie proposés dans le dépliant. Se trouve à la fin du document une bibliographie contenant 26 articles scientifiques en la matière. Aucun des titres de ces 26 articles ne contient d’ailleurs le mot « lactobacillus acidophilus ». Le document ne contient, de plus, aucune référence à des serviettes hygiéniques.

45      La description du médicament Linex Forte invoqué par l’intervenante et l’OHMI est un communiqué de presse portant sur ledit médicament publié sur le site Internet slovène www.lek.sl et qui a été imprimé le 16 janvier 2012. Il y est indiqué que la société dénommée lek, sur la page Internet de laquelle le document est publié, fait partie du groupe Novartis. Le document expose, en substance, que le médicament Linex Forte est un médicament 100 fois plus concentré en bactéries probiotiques que le médicament Linex, qu’il contient des bactéries des familles Lactobacillus et Bifidobacterium qui permettent de traiter la diarrhée, la flatulence et la distension, qu’il équilibre la flore intestinale et qu’il évite la croissance des bactéries malignes. Il n’y a aucune référence à l’incontinence, aux infections vaginales, voire urinaires ou à des serviettes hygiéniques ou couches hygiéniques pour incontinents.

46      Le Tribunal constate qu’il ne résulte ni de l’extrait tiré du site Internet de l’université de Maryland, ni de la description du médicament Linex Forte, que les médicaments contenant du lactobacillus acidophilus peuvent être utilisés pour traiter les problèmes d’incontinence. Il ressort plutôt des documents précités que le lactobacillus acidophilus est un stabilisateur de la flore intestinale, qui ajoute des bactéries bénéfiques aux intestins et qui permet d’éviter les carences nutritionnelles. La prise de compléments contenant du lactobacillus acidophilus est également conseillée afin d’améliorer la santé en complément d’un traitement contre l’incontinence, tout comme d’ailleurs diverses vitamines, certains fruits et aliments. Or, le lactobacillus acidophilus en tant que tel n’est pas considéré comme une substance médicamenteuse destinée à traiter l’incontinence ou des infections urinaires ou vaginales qui pourraient provoquer des problèmes d’incontinence. Le seul fait que cette bactérie est conseillée en complément d’un traitement contre l’incontinence en ce qu’il est recommandé de l’intégrer dans le cadre d’un changement général des habitudes nutritionnelles que devrait effectuer un patient qui souffre d’incontinence, n’est pas suffisant pour établir qu’elle a une finalité médicamenteuse ou thérapeutique ainsi que la chambre de recours l’a constaté. Par conséquent, les documents invoqués par l’intervenante et l’OHMI ne permettent pas d’établir que les médicaments ou compléments contenant du lactobacillus acidophilus doivent être considérés comme destinés aux traitements de l’incontinence ou d’infections donnant lieu à des problèmes d’incontinence. La chambre de recours a donc commis une erreur.

47      Dans la mesure où les parties font référence aux informations tirées du site Internet Wikipedia, le Tribunal rappelle sa jurisprudence constante en vertu de laquelle des informations fondées sur la base d’informations issues de Wikipedia doivent être écartées, dès lors que, étant fondées sur des articles issus d’une encyclopédie collective établie sur l’Internet, dont le contenu est modifiable à tout moment et, dans certains cas, par tout visiteur, même anonyme, de telles constatations reposent sur des informations incertaines [voir, en ce sens, arrêts du 10 février 2010, O2 (Germany)/OHMI (Homezone), T‑344/07, Rec, EU:T:2010:35, point 46, et du 16 novembre 2011, Dorma/OHMI – Puertas Doorsa (doorsa FÁBRICA DE PUERTAS AUTOMÁTICAS), T‑500/10, EU:T:2011:679, point 55]. Le caractère incertain des informations issues de Wikipedia est d’ailleurs mis en relief dans le cas d’espèce en lui-même par le fait que l’extrait de ce site Internet soumis lors de la procédure devant l’OHMI et cité par ce dernier lors de l’audience est libellé d’une manière différente à celui fourni par la requérante en annexe à sa requête. En tout état de cause, il ne résulte nullement des extraits Wikipedia présentés lors de la procédure devant le Tribunal que les médicaments ou compléments contenant du lactobacillus acidophilus doivent être considérés comme destinés aux traitements de l’incontinence. De plus, il n’en résulte pas non plus que le grand public pense que tel est le cas. Enfin, le Tribunal constate que le fait que l’incontinence peut être traitée au moyen de lactobacillus acidophilus n’est pas non plus notoire.

48      Il s’ensuit que des bienfaits thérapeutiques du lactobacillus acidophilus pour traiter l’incontinence ne sont à considérer ni comme ayant été démontrées, ni comme étant notoires. Il y a donc lieu de considérer que les « produits pharmaceutiques contenant du lactobacillus acidophilus » ne sont pas liés au traitement médical contre l’incontinence. La chambre de recours ne pouvait donc pas, sur la base des preuves disponibles, conclure à l’existence d’un tel lien. Par conséquent, le premier argument soulevé par la requérante doit être accueilli.

–       Sur la possibilité de libérer du lactobacillus acidophilus dans le vagin au moyen d’une serviette médicamenteuse

49      La chambre de recours expose, au point 16 de la décision attaquée, que « […] le lactobacillus acidophilus peut normalement être présent dans le vagin et avoir un effet bénéfique pour lutter contre les infections à levures. L’absence de lactobacillus acidophilus dans cette partie du corps peut être palliée par des serviettes auxquelles ce bacille est ajouté afin de lutter contre une éventuelle infection à levures ». Selon la chambre de recours, il est donc possible de libérer du lactobacillus acidophilus dans le vagin à l’aide de serviettes ou de couches hygiéniques pour ainsi équilibrer ou augmenter la présence naturelle de cette bactérie dans cette partie du corps.

50      Avant d’examiner le bien-fondé de cet argument, il y a tout d’abord lieu de statuer sur la recevabilité de celui-ci qui est contestée par l’intervenante et l’OHMI.

51      Selon la jurisprudence, la production d’un moyen nouveau en cours d’instance est interdite, à moins que ce moyen ne se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélé pendant la procédure, comme le prévoit l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure. En revanche, un moyen qui constitue l’amplification d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci est recevable (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec, EU:C:2007:252, points 38 et suivants, et arrêt du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, Rec, EU:T:2010:366, point 87). S’il est vrai que la requérante ne s’est prononcée, de façon explicite que dans son mémoire en réplique, sur l’existence de serviettes hygiéniques médicamenteuses sur le marché, elle a toutefois, au point 37 de la requête, contesté qu’« il exist[ait] un lien entre les produits désignés par la demande de marque contestée et les serviettes hygiéniques » et ajouté que « [t]outefois, cette hypothèse n’ayant pas été démontrée, il [convenait] d’annuler la décision ». En outre, elle expose, au point 41 de la requête, que « […] l’[OHMI] a méconnu à tort, en l’espèce, le fait que […] l’espèce ne concern[ait] même pas deux produits pharmaceutiques, mais deux produits totalement différents ». Il ressort très clairement de ces arguments que la requérante conteste la nature pharmaceutique des serviettes hygiéniques et qu’elle qualifie l’hypothèse de l’existence d’un lien entre les produits en cause d’incorrecte. Dès lors, cet argument constitue une amplification d’un moyen énoncé antérieurement et s’avère recevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure.

52      Ce constat n’est pas non plus infirmé par l’argument soulevé par l’OHMI selon lequel la requérante n’a pas contesté l’existence de serviettes médicamenteuses devant la chambre de recours. Il résulte du dossier de l’OHMI que l’argument portant sur l’existence des serviettes médicamenteuses n’a pas été soulevé par les parties lors de la procédure d’opposition devant l’OHMI. Cet argument apparaît pour la première fois dans la décision rendue par la division d’opposition qui constate uniquement que les serviettes hygiéniques peuvent contenir des substances médicamenteuses. De même, l’intervenante reprend cet argument avancé par la division d’opposition dans ses observations en réponse devant la chambre de recours. Toutefois, ni la division ni l’intervenante n’ont constaté qu’il existait des serviettes hygiéniques qui contenaient du lactobacillus acidophilus afin qu’il soit libéré dans le vagin. Ce lien entre les serviettes et le lactobacillus acidophilus a, pour la première fois, été mentionné par la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée. Dès lors, la requérante n’a pas été en mesure de se prononcer sur cet argument devant la chambre de recours et pouvait, par conséquent, se prononcer valablement sur celui-ci devant le Tribunal.

53      Quant au bien-fondé de cet argument, le Tribunal constate premièrement que, au moment où la chambre de recours a adopté la décision attaquée, l’existence de serviettes hygiéniques médicamenteuses n’avait pas été démontrée. Il est vrai que, comme le rappellent l’intervenante et l’OHMI, un produit dénommé « serviette médicamenteuse » (medicated napkin) a fait l’objet d’une demande d’enregistrement dans une affaire traitée par la division d’opposition, mais ce fait, dont la chambre de recours n’avait apparemment pas connaissance quand elle a adopté la décision attaquée, n’est pas suffisant en tant que tel pour démontrer l’existence de serviettes hygiéniques médicamenteuses. Qui plus est, ce fait n’est nullement notoire, car, comme l’a exposé à juste titre la requérante lors de l’audience, le public pertinent ne peut connaître que des produits existants et non ceux qui pourraient en théorie exister un jour. Deuxièmement, il n’a pas non plus été démontré, comme le relève à juste titre la requérante, qu’il soit possible d’insérer une bactérie dans le vagin au moyen d’une serviette ou couche hygiénique. Le raisonnement de l’OHMI lors de l’audience selon lequel il ne serait pas surprenant que des bactéries, « probablement des organismes vivants, pourraient trouver leur chemin dans le corps humain » depuis une serviette hygiénique, n’est ni étayé par un quelconque moyen de preuve, ni notoire, comme l’OHMI a lui-même dû le reconnaître lors de l’audience. Troisièmement, même à supposer qu’il soit possible de libérer du lactobacillus acidophilus dans le vagin à l’aide d’une serviette ou d’une couche, un tel constat devrait, en l’absence de son caractère notoire, être étayé et ne saurait, contrairement à ce qu’expose l’intervenante, être déduit du seul fait qu’il est en principe possible d’ajouter n’importe quelle substance à des serviettes hygiéniques.

54      Or, comme il a déjà été exposé aux points 44 et suivants ci-dessus, les documents présentés par l’intervenante ne contiennent aucun élément qui permettrait de conclure qu’il est possible de libérer du lactobacillus acidophilus dans le vagin au moyen de serviettes ou de couches hygiéniques. En l’absence de preuve du contraire, il faut considérer que les couches ou serviettes qui contiennent du lactobacillus acidophilus pour libérer cette bactérie dans le vagin n’existent pas. La chambre de recours n’aurait donc pas dû, sur la base des preuves disponibles, conclure à l’existence d’un tel produit. Il s’ensuit que le second argument soulevé par la requérante doit également être accueilli.

–       Sur les autres arguments présentés par l’intervenante

55      Quant à l’argument avancé par la chambre de recours et l’OHMI selon lequel les produits en cause sont tous des produits destinés aux soins du corps, voire aux soins de santé, le Tribunal observe que les serviettes hygiéniques pour femmes ainsi que les couches hygiéniques pour incontinents ne semblent pas avoir pour objectif principal de soigner le corps ou d’améliorer la santé, mais plutôt de protéger les vêtements en cas d’incontinence ou de perte de sang (voir, en ce sens, arrêt PAM-PIM’S BABY-PROP, point 34 supra, EU:T:2006:247, point 37). S’il ne peut toutefois pas être nié qu’elles puissent également servir à des fins hygiéniques et ainsi, d’une manière plutôt indirecte et secondaire, à « soigner le corps », un tel constat ne peut impliquer qu’un très faible degré de similitude.

56      Quant au caractère complémentaire invoqué par l’intervenante, il convient de rappeler que les produits complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (voir arrêt easyHotel, point 19 supra, EU:T:2009:14, points 57 et 58 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce un tel lien n’existe pas. L’utilisation d’une serviette hygiénique pour femmes ou d’une couche hygiénique pour incontinents ne requiert, ni ne facilite nullement la consommation d’un complément alimentaire pharmaceutique. Comme exposé au point 46 ci-dessus, les produits en cause ne se complètent ni pour le traitement de l’incontinence, ni pour le traitement des infections qui donnent lieu aux problèmes d’incontinence. Dans ces circonstances, les produits en cause ne peuvent pas être considérés comme étant complémentaires.

57      L’argument selon lequel la requérante aurait défendu une position opposée quant à la similitude des produits dans une autre affaire est sans pertinence, car sa position dans cette autre affaire ne fait pas l’objet du présent litige.

 Conclusion

58      Il résulte de tout ce qui précède que les produits en cause sont en partie commercialisés dans les mêmes points de vente. Ils sont dissemblables de par leurs natures et leurs modalités d’usage et très faiblement similaires quant à leurs finalités, mais ils ne revêtent pas un caractère complémentaire. En conclusion, ces circonstances ne permettent au Tribunal de constater que l’existence d’un très faible degré de similitude entre les produits en cause. Dès lors, la chambre de recours a commis une erreur en désignant les produits en cause comme étant hautement similaires et non comme étant faiblement similaires.

 Sur la comparaison des signes

59      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

60      La chambre de recours, soutenue sur ce point par l’OHMI et l’intervenante, a considéré que le degré de similitudes visuelle et phonétique était moyen dans la mesure où les signes coïncideraient par leurs premières lettres « line » et du fait que le consommateur prêterait plus d’attention à la partie initiale de la marque. Sur le plan phonétique, la similitude entre les marques en conflit serait également due à la prononciation similaire des consonnes « s » et « x » en italien. Quant à la similitude conceptuelle, les marques en conflit ne véhiculeraient aucun concept.

61      La requérante conteste cette appréciation. Notamment en raison de la présence de la lettre « x » dans la marque demandée et de l’élément supplémentaire « perla » dans la marque italienne antérieure, il n’existerait aucune similitude sur les plans visuel et phonétique. Rien ne permettrait d’affirmer que le mot « perla », second élément de la marque italienne antérieure, sera complètement ignoré par le public pertinent.

62      En ce qui concerne la similitude des marques en conflit sur le plan visuel, il convient d’observer que, d’une part, leur début est composé des mêmes lettres, à savoir le groupe de lettres « line », suivies d’un « s » dans le premier élément de la marque italienne antérieure et d’un « x » dans la marque demandée. La marque demandée et le mot « lines » sont, par conséquent, visuellement similaires, même si la lettre « x » est en quelque sorte caractéristique du mot « linex ». D’autre part, la marque italienne antérieure contient un second élément, à savoir le mot « perla » qui signifie « perle ». Cet élément n’est pas négligeable dans l’impression d’ensemble produite par la marque et relativise en quelque sorte la similitude entre les mots « lines » et « linex », sans toutefois la neutraliser complètement. Les marques en conflit revêtent donc un degré de similitude visuelle plutôt faible.

63      Sur le plan phonétique, il y a lieu de considérer que la prononciation de la marque LINEX et du mot « lines » est similaire pour un public italophone, pour lequel la lettre « x » se prononce « cs ». De plus, les mots « lines » et « linex » sont prononcés en italien en deux syllabes, l’accent tonique étant mis à chaque fois sur la première syllabe. Toutefois, il faut également tenir compte du second élément de la marque antérieure italienne, à savoir l’élément « perla », qui sera également prononcé, de sorte que le Tribunal estime que les marques en conflit revêtent un degré de similitude plutôt faible également sur le plan phonétique.

64      Quant à la similitude conceptuelle, la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle les marques en conflit ne véhiculent pas un concept similaire, doit être approuvée, étant donné que les mots « lines » et « linex » n’ont aucune signification en italien et que le mot « perla » signifie « perle » dans cette langue.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

65      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et notamment de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 74].

66      La chambre de recours, contestée par la requérante et soutenue par l’OHMI, a considéré que le caractère distinctif intrinsèque de la marque italienne antérieure était moyen et qu’un caractère distinctif accru en raison de son usage n’avait pas été établi par l’intervenante. Nonobstant le niveau d’attention élevé des consommateurs concernés, la forte similitude des produits en cause ainsi que le degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique impliqueraient que le public pertinent pourrait confondre l’origine commerciale des produits commercialisés sous les marques en conflit.

67      L’intervenante se rallie à l’appréciation de la chambre de recours à l’exception du constat selon lequel le caractère distinctif accru n’a pas suffisamment été prouvé. L’intervenante souligne qu’elle a bien démontré, lors de la procédure administrative, le caractère distinctif accru en raison de l’usage de la marque.

68      Concernant le caractère distinctif intrinsèque de la marque italienne antérieure, l’appréciation de la chambre de recours doit être approuvée. En effet, l’élément verbal « lines » n’a aucune signification en italien, tandis que le mot « perla » signifie « perle » dans cette langue, signification qui ne fait aucunement référence aux produits visés par la marque italienne antérieure. Chacun de ces éléments revêt donc, tout comme la marque italienne antérieure dans son ensemble, un caractère distinctif normal.

69      Quant à l’argument tiré d’un éventuel caractère distinctif accru en raison de l’usage de la marque italienne antérieure, l’intervenante ne soulève aucun argument de droit ou de fait pour étayer son argument, mais renvoie simplement à ce qui « a été mis en évidence en amont de la procédure ». Or, il résulte de la jurisprudence du Tribunal qu’un simple renvoi global aux arguments contenus dans les écritures déposées dans le cadre de la procédure administrative ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et ne saurait donc être pris en considération [arrêt du 31 mars 2004, Interquell/OHMI – SCA Nutrition (HAPPY DOG), T‑20/02, Rec, EU:T:2004:95, point 20].

70      Étant donné que le niveau d’attention des consommateurs concernés est élevé par rapport aux produits invoqués par la marque demandée et supérieur à la moyenne par rapport aux produits couverts par la marque italienne antérieure, que le degré de similitude entre les produits en cause est très faible et que le caractère distinctif de la marque italienne antérieure normal, le degré de similitude visuelle et phonétique entre les marques en conflit qui est plutôt faible n’est pas suffisant pour compenser le degré très faible de similitude des produits en cause. Par conséquent, les erreurs que la chambre de recours a commises dans le cadre de l’évaluation de la similitude de produits et des marques se sont répercutées sur son appréciation globale du risque de confusion. Notamment, la chambre de recours n’aurait pas pu constater l’existence d’un tel risque si elle avait pris en considération le degré très faible de similitude entre les produits en cause. Il y a donc lieu de constater, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

71      Il résulte de tout ce qui précède que le second moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 est fondé et que de ce seul fait, le Tribunal est tenu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre de son premier moyen.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante ayant succombé en ses conclusions, celle-ci supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 6 août 2012 (affaire R 414/2011‑4) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

3)      L’intervenante supportera ses propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 octobre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.