Language of document : ECLI:EU:T:2020:408

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

9 septembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale PRIMUS – Marque de l’Union européenne verbale antérieure PRIMUS – Marque Benelux verbale antérieure PRIMUS – Motif relatif de refus – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑669/19,

Novomatic AG, établie à Gumpoldskirchen (Autriche), représentée par Me W. Mosing, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Brouwerij Haacht NV, établie à Boortmeerbeek (Belgique), représentée par Mes G. Glas et E. Taelman, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 19 juillet 2019 (affaire R 2528/2018-5), relative à une procédure d’opposition entre Brouwerij Haacht et Novomatic,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et J. Passer (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 octobre 2015, la requérante, Novomatic AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PRIMUS.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Équipements pour casinos, tables pour sle jeu de roulette, roues pour le jeu de roulette ; jeux de casino avec ou sans paiement de gains, machines automatiques et machines de jeux de hasard, en particulier à usage commercial dans des casinos et salles de jeux ou jeux de hasard avec ou sans paiement de gains via l’internet ou des réseaux de télécommunication, jeux de hasard avec paiement de gains utilisés dans des appareils de jeu en réseau ; machines à sous et/ou machines de jeux électroniques contre paiement avec ou sans possibilités de gains ; boîtiers de machines à sous, machines automatiques de jeux de hasard et machines de jeux de hasard ; appareils de jeux de hasard électroniques et électriques, jeux de hasard automatiques et machines de jeux de hasard, machines à sous actionnées par l’insertion de pièces, de jetons, de billets, de tickets ou au moyen de supports d’enregistrement électroniques, magnétiques ou biométriques, en particulier pour l’utilisation industrielle dans des casinos et des salles de jeu avec ou sans compensation monétaire ; boîtiers pour machines à sous, appareils de jeux de hasard, automates de jeux de hasard et machines de jeux de hasard actionnés par l’introduction de pièces de monnaie, de jetons, de tickets ou par des supports de mémoire électroniques, magnétiques ou biométriques ; appareils électriques, électroniques ou électromécaniques pour la réalisation de jeux de bingo, de jeux de loterie ou des jeux vidéo de loterie et pour bureaux de paris, connectés en réseau ou non ; machines à étirer électropneumatiques et électriques (jeux) ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2015/09, le 4 novembre 2015.

5        Le 1er février 2016, l’intervenante, Brouwerij Haacht NV, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’intégralité des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque Benelux verbale PRIMUS, déposée et enregistrée le 20 avril 1971, sous le numéro 21 521 désignant les produits relevant des classes 32 et 33 et correspondant, respectivement, aux descriptions suivantes : « Limonades, eaux potables et bières » et « Vins » ;

–        la marque de l’Union européenne verbale PRIMUS, déposée le 23 avril 2009 et enregistrée le 7 octobre 2009, sous le numéro 8 239 378, désignant les produits relevant de la classe 32 et correspondant à la description suivante : « Bières ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b) et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b) et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 25 octobre 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité aux motifs qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en cause et que la renommée des marques antérieures n’avait pas été établie.

9        Le 20 décembre 2018 l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 19 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition.

11      En premier lieu, la chambre de recours a constaté, à l’instar de la division d’opposition, l’absence d’un risque de confusion entre les marques en cause au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 au motif que les produits couverts par les marques antérieures et ceux couverts par la marque demandée étaient différents.

12      En second lieu, la chambre de recours a considéré, contrairement à la division d’opposition, que les éléments de preuve apportés par l’intervenante établissaient la renommée des marques verbales antérieures, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, et que les conditions nécessaires à l’application de cette disposition étaient réunies en l’espèce.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée avec pour conséquence le rejet de l’opposition et l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante au titre des procédures devant le Tribunal et la chambre de recours.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

 En droit

16      Il ressort de l’exposé des antécédents du litige fait aux points 1 à 12 ci‑dessus que, bien que la demande d’enregistrement de la marque contestée ait été introduite sous l’empire du règlement no 207/2009, la décision attaquée a été rendue par la chambre de recours après que le règlement 2017/1001 est entré en vigueur.

17      Ce dernier règlement ayant toutefois opéré une codification du règlement no 207/2009 sans modifier de façon substantielle les dispositions de celui-ci pertinentes pour le présent litige, il sera, dans la suite du présent arrêt, exclusivement fait référence aux dispositions du règlement 2017/1001.

18      À l’appui du recours, la requérante soulève formellement deux moyens. Le premier est tiré de la violation des formes substantielles, en ce que la chambre de recours n’aurait pas satisfait aux exigences de preuve en termes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et du fait qu’elle a prétendu que la requérante n’avait pas soumis d’observations en lien avec l’usage de la marque demandée pour un juste motif. Le second est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

19      Dans la mesure où les moyens soulevés par la requérante se recoupent, le Tribunal estime opportun de les examiner conjointement.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2 dudit article, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

21      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 que l’application de cette disposition est soumise aux conditions cumulatives tenant, premièrement, à l’identité ou à la similitude des signes, deuxièmement, à l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, à l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice (arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 54).

 Sur l’identité ou la similitude des signes

22      Il convient de rappeler que l’existence d’une similitude entre une marque antérieure et une marque demandée constitue une condition d’application commune au paragraphe 1, sous b), et au paragraphe 5 de l’article 8 du règlement 2017/1001. Cette condition présuppose, tant dans le cadre du paragraphe 1, sous b), que dans celui du paragraphe 5 dudit article, l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle [voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 52, et du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 148].

23      En l’espèce, à l’instar de l’appréciation de la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, et sans que la requérante ne le conteste au demeurant, il y a lieu de constater une identité des signes, dès lors qu’ils sont exclusivement composés de l’élément verbal « primus ».

24      Il s’ensuit que, dans le cas d’espèce, la première condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 est remplie.

 Sur l’existence d’une renommée des marques antérieures

25      La requérante soutient que la décision attaquée ne repose pas sur des éléments de preuve concrets et objectifs, mais que la chambre de recours a fondé son appréciation sur des présomptions et des probabilités pour établir la renommée des marques antérieures, y compris en Belgique. À cet égard, elle expose, pour chaque élément de preuve sur lequel repose ladite décision, les raisons pour lesquelles ils seraient insuffisants pour démontrer l’existence d’une telle renommée pour les bières ou l’usage sérieux des marques en Belgique et a fortiori dans l’Union.

26      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

27      En l’espèce, aux fins d’apprécier l’existence d’une renommée des marques antérieures, l’intervenante a produit les éléments de preuve suivants :

–        pièce no 1 : une publication portant sur l’histoire des activités générales de la brasserie de l’intervenante et sur l’usage desdites marques en particulier ;

–        pièce no 2 : des photographies d’un verre à bière et d’une bouteille portant ces marques, certaines datées du 14 février 2017, d’autres non datées ;

–        pièce no 3 : des publicités des mêmes marques affichées sur des commerces ; les photos sont datées et portent l’indication du lieu où elles ont été prises ;

–        pièce no 4 : des photographies de camions et de camionnettes portant des publicités pour de telles marques, datées en partie de 2017 ;

–        pièce no 5 : une vue d’ensemble du matériel destiné aux points de vente, à savoir des produits dérivés relatifs aux bières des marques en question ;

–        pièce no 6 : un article intitulé « A refreshing new brand for PRIMUS » (« Une nouvelle marque rafraîchissante pour PRIMUS ») daté de 2010, accompagné de photographies ;

–        pièce no 7 : le magazine promotionnel « Free spirits » daté de 2015 et publié par l’intervenante, contenant divers articles sur les bières commercialisées par l’intervenante, accompagnés de photographies ;

–        pièce no 8 : une liste de prix relatifs aux principales bières de l’intervenante, dont les bières de pareilles marques, pour les années 2013, 2014 et 2016 ;

–        pièce no 9 : une sélection de factures portant sur la période de 2008 à 2017, adressées à des clients de l’intervenante situés dans les pays du Benelux pour diverses boissons, en particulier de la bière ;

–        pièce no 10 : des exemples d’activités de parrainage organisées par l’intervenante autour des produits « bière », et plus particulièrement des marques en cause ;

–        pièce no 11 : divers articles de journaux portant sur les marques concernées, publiés entre 2007 et 2016 ;

–        pièce no 12 : une publication intitulée « Medium companies of Europe 1993/1994 » (« Entreprises européennes de taille moyenne 1993/1994 ») ;

–        pièce no 13 : des publications de résultats de tests portant sur les bières de type pilsner en 2011 et en 2012, avec le classement obtenu par les marques susmentionnées ;

–        pièce no 14 : des informations relatives à différentes récompenses obtenues par la bière des marques susdites en 2011, en 2012, en 2013 et en 2015 ;

–        pièce no 15 : une déclaration d’une société de sondages, d’expertise et de conseil, datée du 20 juillet 2017 indiquant que l’intervenante a fait réaliser plusieurs enquêtes de suivi de marques concernant le marché des bières en mars 2014, en mars 2015 et en mars 2016, la méthode utilisée consistant à procéder à des entretiens en ligne assistés par ordinateur et comprenant trois questions ;

–        pièce no 16 : quatre sortes d’établissements de jeux et une liste de débits de boissons ;

–        pièce no 17 : une liste de débits de boissons titulaires d’une licence d’exploitation de machines de jeux de hasard ;

–        pièce no 18 : divers documents dont des informations en matière d’activités de jeux de hasard en Belgique.

28      La requérante soulève, en substance, deux griefs visant à démontrer que les marques antérieures ne jouissent pas d’une renommée.

29      D’une part, la requérante fait valoir que l’ensemble des éléments de preuve produits par l’intervenante, visés au point 27 ci-dessus, à l’exception des pièces nos 8, 9 et 11 à 18, ne fait pas référence aux marques antérieures telle qu’enregistrées, mais à d’autres formes sous laquelle lesdites marques sont utilisées. Par son argument, elle fait ainsi, en substance, implicitement grief à la chambre de recours d’avoir violé l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001.

30      D’autre part, la requérante soutient que la chambre de recours s’est fondée sur des présomptions et des probabilités afin de conclure que les marques antérieures jouissaient d’une renommée et que la chambre de recours a méconnu l’article 7, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625.

 Sur l’altération du caractère distinctif des marques antérieures

31      L’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 vise l’hypothèse où une marque enregistrée, nationale ou de l’Union européenne, est utilisée dans le commerce sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée. L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2018, LA Superquimica/EUIPO – D-Tack (D-TACK), T‑24/17, non publié, EU:T:2018:668, point 45 et jurisprudence citée]. Ces enseignements s’appliquent, mutatis mutandis, lorsque la preuve de la renommée d’une marque, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, porte sur des formes qui diffèrent par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

32      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque (voir arrêt du 10 octobre 2018, D-TACK, T‑24/17, non publié, EU:T:2018:668, point 46 et jurisprudence citée).

33      Il convient de rappeler que, pour que soit appliqué l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, il est nécessaire que les ajouts à la marque enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée, notamment en raison de leur position accessoire dans le signe ou de leur faible caractère distinctif (voir arrêt du 10 octobre 2018, D-TACK, T‑24/17, non publié, EU:T:2018:668, point 48 et jurisprudence citée).

34      Enfin, il ressort également de la jurisprudence que le fait que la marque enregistrée soit parfois utilisée avec des éléments additionnels et parfois sans de tels éléments peut constituer l’un des critères permettant de conclure à l’absence d’altération du caractère distinctif (voir arrêt du 10 octobre 2018, D-TACK, T‑24/17, non publié, EU:T:2018:668, point 49 et jurisprudence citée).

35      Par ailleurs, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et d’éléments figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits ou aux services en cause en citant les éléments verbaux qu’en décrivant les éléments figuratifs de cette marque [voir arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 78 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, les éléments de preuve produits par l’intervenante, visés au point 27 ci-dessus, révèlent l’utilisation des marques antérieures dans des formes différentes pour lesquelles elles ont été enregistrées. Même si, à l’exception de la pièce no 1, la requérante se contente d’évoquer une altération du caractère distinctif sans pour autant faire une analyse de ses différents composants, il convient d’examiner si lesdites marques dans leurs formes utilisées altèrent le caractère distinctif de ces marques dans leurs formes enregistrées.

37      À cet égard, la chambre de recours a considéré, aux points 34 à 36 de la décision attaquée, que les éléments de preuve en cause renvoyaient à la fois aux marques verbales PRIMUS ou PRIMUS PILS ainsi qu’à des signes figuratifs, et que l’ajout d’éléments figuratifs et du mot « haacht », à savoir le nom de la brasserie, n’altéraient pas le caractère distinctif des marques antérieures sous la forme sous laquelle elles avaient été enregistrées, de sorte que, en conséquence, une renommée était bien associée auxdites marques.

38      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l’utilisation de la marque verbale PRIMUS PILS n’est pas de nature à altérer le caractère distinctif des marques antérieures dans leur forme enregistrée, ce qui n’est pas contesté par la requérante.

39      En outre, il ressort des éléments de preuve en cause que les marques antérieures, dans une première forme utilisée, sont représentées comme suit :

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40      Le signe figuratif, visé au point 39 ci-dessus et correspondant à la première forme utilisée des marques antérieures, est composé de l’élément verbal « primus » de couleur rouge, placé au centre du signe, au-dessous duquel se trouve le mot « haacht » de couleur noire et au-dessus duquel signe est notamment apposé un élément figuratif représentant un chevalier, le tout figurant sur un fond dans les tons beiges.

41      S’agissant des éléments verbaux, force est de constater que le terme « primus » est l’élément dominant de la première forme utilisée des marques antérieures. En effet, ce terme est placé au centre de ladite forme dans des proportions plus importantes que le terme « haacht »et les expressions, situées de part et d’autre du chevalier, sont difficilement lisibles et doivent, par conséquent, être considérées comme négligeables. S’agissant du terme « primus », l’argument de la requérante selon lequel celui-ci revêt un caractère élogieux pour les produits, visés au point 6 ci-dessus, pour lesquels les marques antérieures sont enregistrées, ne saurait prospérer. En effet, même à supposer que le public concerné pour les produits visés au point 6 ci‑dessus puisse avoir une connaissance suffisante de la langue latine, le mot latin auquel ce dernier terme renvoie est, avant tout, un adjectif numéral ordinal, qui ne véhicule pas immédiatement une idée d’excellence [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, Primagaz/OHMI – Reeh (PRIMA KLIMA), T‑195/14, non publié, EU:T:2015:681, point 62]. Le caractère distinctif du terme en question ne peut donc être mis en cause. En ce qui concerne le terme « haacht », il fait référence au nom de la société qui commercialise les produits visés par les marques antérieures mais cela indique simplement le nom de la société du fabricant, ce qui peut créer un lien direct entre une ou plusieurs gammes de produits et une entreprise déterminée, et l’emploi conjoint de ces éléments ne porte pas atteinte à la fonction d’identification remplie par les marques antérieures à l’égard des produits en cause [voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 36].

42      S’agissant des éléments figuratifs, le chevalier est de dimension moyenne et, en raison de sa taille et de son emplacement, apparaît secondaire, mais non négligeable, dans l’impression d’ensemble du signe. En effet, il n’est pas dépourvu de caractère distinctif, ainsi que le relève l’EUIPO, en ce qui concerne les produits en question. Toutefois, sa présence n’amenuise pas pour autant le caractère distinctif de l’élément verbal « primus ». Par ailleurs, le fond beige est ordinaire et ne saurait être compris comme un élément, isolé ou en combinaison avec les autres, altérant le caractère distinctif des marques antérieures.

43      Partant, il ressort de l’impression globale du signe correspondant à la première forme utilisée des marques antérieures que celui-ci est dominé par l’élément verbal « primus » et que les éléments ajoutés auxdites marques dans le cadre de cette utilisation n’altèrent pas le caractère distinctif de ces marques dans leur forme enregistrée.

44      Par ailleurs, il ressort des éléments de preuve en cause que les marques antérieures, dans leur seconde forme utilisée, sont composées du signe figuratif, visé au point 39 ci-dessus, auquel sont ajoutés des éléments verbaux et figuratifs, telles que reproduites ci-après :

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45      L’expression « brewer and bottled in » [brassé(e) et mis(e) en bouteille en] et le mot « belgium » de couleur grise, placés au-dessous de celle-ci, tous deux indiquant le lieu de production des produits, apparaissent secondaires et ne seront pas prononcés par le consommateur.

46      Les éléments figuratifs autres que le chevalier, qui a fait l’objet d’un examen au point 42 ci-dessus, ne revêtent pas de caractère distinctif ainsi que dominant et ne sauraient dans l’impression d’ensemble du signe figuratif, visé au point 44 ci-dessus et correspondant à la seconde forme utilisée des marques antérieures, retenir l’attention du consommateur. En effet, la représentation de plusieurs plantes (houblon et malt) entrelacées de couleur verte, située dans la partie inférieure du signe, apparaît comme secondaire, malgré sa grande taille. En outre, cette représentation de houblon et de malt renvoie à la bière et peut donc être qualifiée de descriptive du produit pour lequel les marques antérieures ont été enregistrées. Le fait que l’ensemble de ces éléments soient entourés d’un octogone placé sur un fond dégradé de couleur verte plus clair en son centre et plus foncé à son extrémité n’altère pas davantage le caractère distinctif des marques dans leur forme enregistrée.

47      Dès lors, il ressort de l’impression globale du signe correspondant à la seconde forme utilisée des marques antérieures, que celui-ci est dominé par l’élément verbal « primus » et que les éléments ajoutés auxdites marques dans le cadre de cette utilisation n’altèrent pas non plus le caractère distinctif de ces marques dans leur forme enregistrée.

48      En conséquence, quelle que soit la forme dans laquelle les marques antérieures ont été utilisées, les éléments ajoutés auxdites marques dans ce cadre n’altèrent pas le caractère distinctif de ces marques antérieures dans leur forme enregistrée.

49      Partant, il convient d’examiner, au regard de l’ensemble des éléments de preuve en cause, si une renommée peut être établie pour les marques antérieures visées au point 6 ci-dessus.

 Sur la preuve de la renommée des marques antérieures

50      Il y a lieu de rappeler que, pour satisfaire à la condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 relative à l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle‑ci. Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé dudit public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 94].

51      Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [voir arrêt du 26 juin 2019, Balani Balani e.a./EUIPO – Play Hawkers (HAWKERS), T‑651/18, non publié, EU:T:2019:444, point 24 et jurisprudence citée].

52      En outre, il convient de procéder à une appréciation globale des éléments de preuve qui sont rapportés par le titulaire de la marque pour établir si cette dernière est renommée (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 72). Un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir arrêt du 26 juin 2019, HAWKERS, T‑651/18, non publié, EU:T:2019:444, point 29 et jurisprudence citée).

53      En premier lieu, il convient d’examiner si les pièces no 2 (en partie), no 7 (en partie), no 9, no 11 et no 13, visées au point 27 ci-dessus, peuvent être prises en considération dans l’appréciation de la renommée des marques antérieures, en dépit du fait qu’elles n’ont pas été fournies dans la langue de procédure, à savoir l’anglais, et qu’elles ne sont pas accompagnées de traduction.

54      Il ressort du dossier que non seulement l’EUIPO n’a pas demandé de traduction des pièces visées au point 53 ci-dessus, déposées par l’intervenante (opposante) afin d’établir une renommée, mais également que la requérante elle-même n’a pas adressé de demande en ce sens, de sorte que ses arguments visant à faire constater que lesdits éléments de preuve n’étaient pas rédigés en anglais, sans pour autant tirer les conséquences en soulevant leur irrecevabilité, doivent être rejetés. En tout état de cause, la requérante a pu présenter ses observations, y compris sur ces éléments de preuve, ce qui démontre qu’elle a pu les comprendre et présenter utilement son point de vue pendant la procédure administrative.

55      Partant, les éléments de preuve, visés au point 53 ci-dessus, doivent être pris en considération dans l’examen de l’existence d’une renommée des marques antérieures.

56      En deuxième lieu, il convient d’examiner si certaines pièces visées au point 27 ci-dessus et ne comportant pas de date ou comportant des dates postérieures à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, à savoir le 22 octobre 2015, peuvent être prises en considération dans l’appréciation de la renommée des marques antérieures.

57      À cet égard, il convient de rappeler que la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée (voir arrêt du 16 octobre 2018, ANOKHI, T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 103 et jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, les documents portant une date postérieure à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée peuvent conserver une valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Il ne saurait donc être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement [voir arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 121 et jurisprudence citée].

59      En outre, si un document non daté est en lui-même sans valeur probante, la chambre de recours ne commet pas d’erreur d’appréciation en prenant en compte ce document aux fins de l’examen de la nature de l’usage si ledit document est susceptible d’étayer les autres éléments [voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2018, Walfood/EUIPO – Romanov Holding (CHATKA), T‑312/16, non publié, EU:T:2018:221, point 138 et jurisprudence citée].

60      En l’espèce, il y a lieu de constater que les pièces no 1, no 2 (en partie), no 5 et no 18 (en partie), visées au point 27 ci-dessus, ne sont pas datées. Cependant, quand bien même les pièces no 1, no 2 (à l’exception de deux photographies), et no 5 susvisées sont non datées et donc dépourvues de valeur probante, il convient de constater qu’elles sont susceptibles d’étayer d’autres pièces démontrant l’apposition du signe notamment sur des façades de brasseries, telle que la pièce no 3, ou sur des objets publicitaires afin de sponsoriser une course cycliste, telle que la pièce no 10, afin d’établir l’utilisation du signe antérieur. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en prenant en compte ces documents aux fins de l’examen de la renommée des marques antérieures. En ce qui concerne la pièce no 18, celle-ci n’est pas pertinente pour prouver ladite renommée, mais bien pour prouver la possible existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de cette renommée ou porter préjudice aux marques antérieures.

61      Il y a également lieu de constater que les pièces no 4, no 9 (en partie), no 15, no 16 et no 17, visées au point 27 ci-dessus, comportent des dates qui sont postérieures au 22 octobre 2015.

62      S’agissant de la pièce no 4, elle contient quatre photographies datées de 2017 avec la légende « Trucks and trailers of Haacht Brewery with PRIMUS publicity » (Camions et remorques de la brasserie Haacht avec de la publicité pour PRIMUS). Or, il ressort du dossier qu’aucune autre pièce ne corrobore le fait qu’une telle publicité existait antérieurement à la date du dépôt de la demande de marque, de sorte que, conformément à la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, ladite pièce n’établit pas que cette situation se présentait au 22 octobre 2015.

63      S’agissant de la pièce no 9, elle contient des factures dont une série a été éditée postérieurement à la date du dépôt de la demande de marque, soit en 2016 et en 2017. Or, elles s’insèrent dans la continuité des factures datées de 2008 à 2015, de sorte que, conformément à la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, elles doivent être prises en considération dans l’examen de l’existence d’une renommée des marques antérieures.

64      S’agissant de la pièce no 15, elle contient une déclaration datée du 20 juillet 2017 d’une société qui a mené une étude afin d’évaluer le niveau de connaissance des marques antérieures. Cette déclaration, bien que rédigée et produite postérieurement au 22 octobre 2015, est un élément attestant que des études ont été effectuées en mars 2014, en mars 2015 ainsi qu’en mars 2016, même si cette dernière étude a été effectuée postérieurement à la date de dépôt de la demande d’enregistrement. Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, cette déclaration est pertinente en ce qu’elle permet d’évaluer le niveau de connaissance des marques antérieures antérieurement au 22 octobre 2015, à tout le moins en ce qu’elle se rapporte à des études effectuées en mars 2014 et en mars 2015.

65      S’agissant des pièces nos 16 et 17, elles contiennent respectivement une capture d’écran datée du 25 août 2017 et un extrait d’une liste de débits de boissons titulaires d’une licence d’exploitation de machine de jeux de hasard, lequel est daté du 27 octobre 2017. Or, force est de constater que lesdites pièces ne sont pas pertinentes pour prouver la renommée des marques antérieures mais plutôt pour prouver la possible existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de ladite renommée ou porter préjudice aux marques antérieures.

66      Il résulte de ce qui précède que les pièces nos 4, 16, 17 et 18 doivent être écartées de l’examen de l’existence d’une renommée des marques antérieures.

67      En troisième lieu, il convient d’examiner l’existence d’une renommée des marques antérieures au regard de l’ensemble des éléments de preuve à prendre en considération.

68      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la chambre de recours a conclu, aux points 27, 37 et 40 de la décision attaquée, sans que les parties ne le remettent en cause, que l’intégralité des éléments de preuve en cause concernaient le territoire de la Belgique et que le public concerné pour les produits visés au point 6 ci-dessus était composé du grand public ainsi que des professionnels fournissant des services de bar.

69      En outre, la chambre de recours a conclu, en substance, au point 37 de la décision attaquée, que, même s’il manquait les parts de marché et les chiffres de ventes, les éléments de preuve suffisaient à démontrer que les marques antérieures avaient fait l’objet d’un usage intensif en Belgique et que, compte tenu de la grande diversité et de la particularité du marché de la bière en Belgique, les niveaux de connaissance desdites marques indiqués étaient suffisants pour conclure que ces marques jouissaient d’un certain niveau de renommée en Belgique pour des bières blondes, laquelle était associée aux concepts de rafraîchissement et de détente.

70      À cet égard, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les éléments de preuve ne comportent ni de données relatives aux parts de marché que détiendrait la requérante pour la commercialisation de la bière sous les marques antérieures, ni de données relatives au chiffre d’affaires ou encore au chiffre de vente.

71      Toutefois, premièrement, si les factures (pièce no 9) ne fournissent pas d’informations sur les prix de vente des bières, puisqu’elles ont été occultées par l’intervenante, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours et vu le grand nombre de factures produites, que les marques antérieures ont fait l’objet d’un usage sur l’étendue de la période couverte par les factures, à savoir de 2008 à 2017.

72      Deuxièmement, les éléments de preuve attestent que les marques antérieures sont particulièrement connues en Belgique. À cet égard, les 39 photographies (pièce no 3), datées du 4 février au 11 août 2015, présentent des établissements et des débits de boissons où le signe PRIMUS est inscrit en façade dans plusieurs villes qui couvrent une zone géographique s’étendant de la région de Bruxelles (Belgique) à Anvers (Belgique) jusqu’à la frontière à l’est avec les Pays-Bas.

73      Troisièmement, ainsi que l’a relevé la chambre de recours,  la déclaration de la société de sondages, d’expertise et de conseil ainsi que les résultats des études de suivi (pièce no 15) corroborent la connaissance des marques antérieures sur le marché de la bière en Belgique. En effet, lesdites marques sont notamment mentionnées en quatrième position dans la catégorie des bières blondes par les sondés.

74      Quatrièmement, les exemples de parrainage de courses cyclistes et d’opérations publicitaires (pièce no 10) sont des éléments de preuve objectifs témoignant de l’existence d’une renommée des marques antérieures. En effet, celles-ci apparaissent notamment sur des panneaux publicitaires situés le long des parcours des courses cyclistes, sur ceux présents derrière les coureurs lors de la remise de prix, sur les prix eux-mêmes comme sur les fûts de bières, ou encore sur le maillot de certains coureurs. Force est de constater que le parrainage de ces évènements s’est prolongé dans le temps avec les éditions 2011 à 2013 du Tour des Flandres, l’édition 2014 du Tour de Belgique, l’édition 2014 du Eneco Tour du Benelux, ou encore les éditions de 2009 à 2015 d’une course nommée Primus Classic Impanis – Van Petegem. Or, les éléments de preuve relatifs au parrainage d’évènements sportifs font partie des investissements réalisés par l’entreprise pour promouvoir sa marque, au sens de la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, et les efforts effectués pour la promotion de la marque constituent un des facteurs permettant d’établir la notoriété d’une marque (arrêt du 26 juin 2019, HAWKERS, T‑651/18, non publié, EU:T:2019:444, point 31).

75      Cinquièmement, les récompenses et les distinctions obtenues (pièces nos 8 et 14) par les marques antérieures, durant plusieurs années successives, à savoir 2011, 2012, 2013 et 2015 pour les prix décernés par International Taste and Quality Institute ou encore la reconnaissance de la bière Primus premium pils ayant atteint la troisième place du classement pour les années 2011 et 2012 (pièce no 13), renforcent la connaissance et l’importance de l’usage desdites marques sur le marché de la bière en Belgique, au sens de la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus.

76      Sixièmement, les autres éléments de preuve fournis par l’intervenante, notamment les extraits d’articles de journaux (pièce no 11), qui mentionnent les marques antérieures de façon éparse et brève, ou encore des magazines (pièce no 7), ne sont, en revanche, pas convaincants pour établir la renommée desdites marques.

77      Il résulte de ce qui précède, que, appréciés dans leur ensemble, au regard de la jurisprudence citée aux points 51 à 52 ci-dessus, ces éléments de preuve établissent de manière suffisante que les marques antérieures jouissent d’une certaine renommée pour des bières blondes en Belgique.

78      Partant, la deuxième condition d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 est remplie.

 Sur l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ou leur porter préjudice

79      La requérante soutient que l’existence d’un lien dans l’esprit du public pertinent ne suffit pas, à lui-seul, à conclure à l’existence d’une atteinte contre laquelle l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 accorde une protection. Selon elle, le signe PRIMUS a un caractère laudatif et sera compris par ledit public comme se référant à ce qui est de première qualité ou comme un chevalier noir pour les bières. Elle indique que, par ledit signe, elle souhaite faire référence à la qualité de ses produits sans les associer à la bière.

80      Selon la requérante, la chambre de recours a établi un lien entre les marques en conflit sur la base d’une supposition, puisque la décision attaquée ne fait référence à aucun élément de preuve et limite son appréciation à la question de l’identité des signes, alors qu’il ne s’agit que d’un facteur parmi d’autres pour l’appréciation de la renommée des marques antérieures. Elle estime que, même s’il est possible de trouver, en Belgique, des machines de jeux dans des bars ou des établissements, l’appréciation de ladite chambre va jusqu’à ignorer que les produits en cause ont des consommateurs finaux différents, à savoir, d’une part le propriétaire de bars ou d’établissements, et, d’autre part, le consommateur de bière. En outre, elle fait observer que ladite décision ignore le fait que le secteur des jeux de hasard est un secteur réglementé dont l’exercice est soumis à autorisation par la délivrance d’une licence et que le public pertinent ne ferait pas de lien entre des produits sous licence publique et de la bière.

81      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

82      Il convient de rappeler que le profit résultant de l’usage par un tiers d’un signe similaire à une marque renommée est tiré indûment par ce tiers de la renommée de cette marque lorsqu’il tente de se placer dans le sillage de ladite marque afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque renommée pour créer et entretenir l’image de celle-ci, de telle sorte que la commercialisation des produits désignés par la marque demandée serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2019, McDreams Hotel/EUIPO – McDonald’s International Property (mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis !), T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, points 88 et 89 et jurisprudence citée].

83      Les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure renommée et la marque demandée, en raison duquel le public pertinent effectue un rapprochement entre ces marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Il n’est donc pas exigé que le degré de similitude entre la marque antérieure renommée et la marque demandée soit tel qu’il existe, dans l’esprit du public pertinent, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et la marque demandée ait pour effet que le public pertinent établit un lien entre ces marques (voir arrêt du 10 octobre 2019, mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis !, T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, point 29 et jurisprudence citée).

84      L’existence du lien mentionné au point 83 ci-dessus, de même que l’existence d’un risque de confusion, doivent être appréciés globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi lesdits facteurs figurent le degré de similitude entre les marques en présence, la nature des produits ou des services couverts par ces marques, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services, ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure et le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure (voir arrêt du 10 octobre 2019, mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis !, T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, point 30 et jurisprudence citée).

85      Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du public pertinent est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause. C’est pourquoi le degré d’attention dudit public est également un facteur pertinent aux fins de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit (voir arrêt du 10 octobre 2019, mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis !, T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, point 31 et jurisprudence citée).

86      Il convient d’examiner, premièrement, la délimitation du public pertinent, deuxièmement, l’existence d’un lien entre les marques en conflit et, troisièmement, l’existence d’un juste motif.

 Sur la délimitation du public pertinent

87      La chambre de recours a considéré, au point 40 de la décision attaquée, que le public concerné par les produits visés par les marques antérieures, se composait du grand public ainsi que des professionnels fournissant des services de bar. Elle a également estimé que les produits visés par la marque demandée étaient destinés aux professionnels gérant des bars, des casinos ou d’autres établissements où il était possible d’installer des machines de jeux. Ainsi, elle a relevé que ces publics se chevauchaient en ce qu’ils se composaient de professionnels.

88      Il convient de rappeler que la renommée d’une marque s’apprécie par rapport au public concerné par les produits ou les services pour lesquels cette marque a été enregistrée. Il peut s’agir soit du grand public, soit d’un public plus spécialisé (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 47 et jurisprudence citée).

89      Il ne saurait donc être exclu que le public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée soit tout à fait distinct de celui concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été enregistrée et que la marque antérieure, quoique renommée, soit inconnue du public visé par la marque postérieure. En pareil cas, le public visé par chacune des deux marques peut n’être jamais confronté à l’autre marque, de sorte qu’il n’établira aucun lien entre ces marques (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 48).

90      Il y a lieu de constater que le territoire pertinent est la Belgique, dès lors que la renommée des marques antérieures a été établie sur ce territoire.

91      D’une part, les produits visés par la marque demandée, à savoir des équipements, tels que des machines à sous ou de jeux électroniques, des boîtiers ou des appareils, dans le secteur des jeux et des jeux de hasard, s’adressent à un public de professionnels, lequel ferait preuve d’un niveau d’attention plus élevé que la moyenne.

92      D’autre part, le produit pour lequel l’existence d’une renommée des marques antérieures a été établie concerne uniquement des bières blondes qui peuvent s’adresser au consommateur moyen, composé à la fois du grand public, à savoir le consommateur de bière dans la vie courante, et d’un public de professionnels, qui achètent des bières dans le cadre de l’activité commerciale de leur établissement.

93      Il s’ensuit que, contrairement à l’affirmation de la requérante selon laquelle les consommateurs finaux des produits des marques en conflit sont différents, les publics concernés par les produits visés par lesdites marques se chevauchent pour autant qu’il s’agit du public composé de professionnels. Dans la mesure où le public pertinent est composé de professionnels, son degré d’attention est élevé. En conséquence, c’est en fonction de ce public spécialisé qu’il convient d’analyser si le public pertinent est susceptible d’effectuer un lien entre ces marques.

 Sur le lien entre les marques en conflit

94      La chambre de recours a considéré, aux points 38, 44 et 49 de la décision attaquée, en substance, que les marques antérieures jouissaient d’une renommée pour des bières blondes, et malgré le fait que les produits en cause étaient différents, qu’il était probable que les professionnels qui géraient des bars, des casinos ou d’autres établissements où il n’était pas inhabituel d’installer des machines de jeux connaissent bien lesdites marques dont la renommée avait été démontrée. Elle a ajouté que, même si ladite renommée n’était pas « démesurée », il devait être tenu compte de l’identité des marques en conflit qui crée un lien direct entre elles pour constater que ce public était susceptible d’associer lesdites marques.

95      En outre, la chambre de recours a estimé, en substance, au point 50 de la décision attaquée, que les bars appartenaient à une catégorie d’établissements qui pouvaient obtenir une licence en vue d’exploiter des machines de jeux et de jeux de hasard. Elle a relevé que l’intervenante avait produit une liste de plus de 4 000 débits de boisson en Belgique qui étaient titulaires d’une licence pour exploiter jusqu’à deux machines de bingo et indiqué, à cet égard, qu’il n’était dès lors pas impossible d’envisager qu’un gérant de bar qui installerait une telle machine l’associe à une marque de bière réputée. Par conséquent, elle a considéré que la requérante tirerait indûment profit de l’image et de la reconnaissance dont bénéficiaient les marques antérieures. En outre, l’idée de rafraîchissement, et plus encore celle de détente, pourraient être aisément associées à des machines et des équipements de jeux, puisque de tels produits seraient destinés à divertir.

96      Il convient d’examiner si le public pertinent établit un lien entre les marques antérieures et la marque demandée, au sens de la jurisprudence citée au point 82 ci-dessus.

97      En premier lieu, les signes étant identiques, force est de constater qu’il existe une grande probabilité que la marque demandée évoquera, dans l’esprit du public pertinent, les marques antérieures dont la renommée a été démontrée [voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 26 et jurisprudence citée].

98      En deuxième lieu, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, eu égard à son libellé, ne requiert pas que les produits visés par les marques en conflit soient identiques ou similaires. Il ressort toutefois de la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus que la nature des produits concernés et le degré de proximité entre ceux-ci constituent des facteurs pouvant être pris en compte dans le cadre de l’appréciation globale relative à l’existence d’un lien entre celles-ci.

99      À cet égard, il y a lieu de constater une différence de nature entre les produits pour lesquels la renommée des marques antérieures a été établie et ceux visés par la marque demandée. En effet, des bières blondes, qui transmettent l’idée d’un rafraîchissement et de détente, ne semblent pas directement et immédiatement liées aux produits visés par la marque demandée qui ont pour but de faire jouer, y compris pour procurer un gain financier au joueur. Or, malgré les différences de nature de ces produits, il y a néanmoins un certain lien entre eux. À cet égard, il a déjà été reconnu par la jurisprudence qu’il y avait une certaine similitude entre les services de divertissement et la bière en raison de leur complémentarité (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2012, ROYAL SHAKESPEARE, T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 59 et jurisprudence citée. En effet, dans les établissements dans lesquels sont proposés de la bière, tels que des débits de boissons, il n’est pas inhabituel de trouver des bornes, des machines ou des équipements permettant de jouer à des jeux de hasard, y compris s’ils sont susceptibles de procurer un gain financier au joueur.

100    En outre, au vu de la renommée des marques antérieures pour des bières blondes, le public pertinent, à savoir un public de professionnels, pourrait faire un lien entre lesdites marques et la marque demandée en cas d’achat d’une machine à jeux qui serait vendue sous cette dernière marque.

101    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

102    Premièrement, la circonstance que les produits visés par la marque demandée soient soumis à la délivrance d’une licence n’a ni pour objet ni pour effet d’exclure l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent. En effet, si la nature des produits ou services concernés constitue l’un des facteurs devant être pris en considération lors de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent, l’absence de similitude entre lesdits produits ou services ne saurait être interprétée comme impliquant l’absence d’un tel lien [voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2018, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Fulia Trading (LV BET ZAKŁADY BUKMACHERSKIE), T-373/17, non publié, EU:T:2018:850, point 110 et jurisprudence citée].

103    Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel il existe, en substance, une contradiction de motifs dans la décision attaquée en raison du fait que les appréciations de la chambre de recours étaient différentes lors la comparaison des produits dans le cadre de l’examen du risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et le lien que le public pertinent établirait entre les produits au sens de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, doit être rejeté.

104    En effet, la conclusion tirée au point 18 de la décision attaquée et portant sur le fait que lesdits produits sont différents repose clairement sur des considérations effectuées dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion des marques en conflit en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En revanche, les appréciations concernant les produits en cause, figurant notamment au point 44 de la décision attaquée, reposent sur une analyse effectuée par la chambre de recours lors de l’examen des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et plus particulièrement de la question de savoir si la marque demandée était susceptible de tirer indûment profit de la renommée des marques antérieures en ce qui concernait des produits qui ne présentaient pas de similitude avec ceux visés par ces marques. Compte tenu du fait que le champ et les conditions d’application de ces dispositions sont différents et du fait que les développements en cause sont suffisamment clairs, la requérante ne saurait soutenir que les motifs de la décision attaquée seraient contradictoires et que cette dernière méconnaîtrait en conséquence les exigences liées à l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2017, GAPPOL, T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 127).

105    En troisième lieu, ainsi qu’il ressort du point 77 ci-dessus, la renommée des marques antérieures a été établie pour des bières blondes, même si celle-ci n’est pas « démesurée », ainsi que l’a relevé la chambre de recours, au point 49 de la décision attaquée.

106    Or, il convient de rappeler qu’une marque bénéficiant d’une renommée bénéficie nécessairement d’un caractère distinctif, caractère à tout le moins acquis par l’usage [arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 73 ; voir, également, arrêt du 26 septembre 2014, Arnoldo Mondadori Editore/OHMI – Grazia Equity (GRAZIA), T‑490/12, non publié, EU:T:2014:840, point 76 et jurisprudence citée]. En l’espèce, les marques antérieures bénéficient ainsi d’un caractère distinctif acquis par l’usage, qui doit être considéré comme normal, en ce que, d’une part, le public pertinent identifiera que les produits proviennent d’une entreprise déterminée, à savoir la brasserie Haacht, et, d’autre part, eu égard à sa signification pour ledit public, le terme « primus » ne saurait se référer à une caractéristique de la bière, à savoir qu’elle serait de « première qualité » ou qu’elle tirerait un caractère descriptif en faisant référence au « premier chevalier noir ». Par ailleurs, il n’a pas été établi que ce public avait une connaissance suffisante de la langue latine pour percevoir cette signification du mot latin « primus ».

107    Il résulte de ce qui précède que, premièrement, les signes sont identiques, deuxièmement, les publics auxquels s’adressent les marques antérieures et la marque demandée se chevauchent en ce qu’ils sont composés de professionnels, troisièmement, même si les produits ont une nature différente, le public pertinent est susceptible de faire un certain lien entre ces produits, quatrièmement, l’intensité de la renommée des marques antérieures doit être considérée comme moyenne et, cinquièmement, ces dernières marques revêtent un caractère distinctif à tout le moins acquis par l’usage qui doit être qualifié de normal.

108    En conséquence, il existe un risque que le public pertinent associe les marques en conflit.

 Sur l’existence d’un juste motif

109    La requérante soutient que l’enregistrement ou l’usage de la marque demandée a ou aurait un juste motif dès lors que le terme « primus » revêt un caractère laudatif.

110    L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

111    Lorsque le titulaire de la marque antérieure est parvenu à démontrer l’existence soit d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, soit, à défaut, d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur, il appartient au titulaire de la marque postérieure d’établir que l’usage de cette marque a un juste motif [voir arrêt du 7 décembre 2010, Nute Partecipazioni et La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑59/08, EU:T:2010:500, point 34 et jurisprudence citée].

112    À cet égard, il convient de rappeler que l’existence d’un juste motif permettant l’utilisation d’une marque portant atteinte à une marque de renommée doit être interprétée de manière restrictive [arrêt du 16 mars 2016, The Body Shop International/OHMI – Spa Monopole (SPA WISDOM), T‑201/14, non publié, EU:T:2016:148, point 65].

113    En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 52 de la décision attaquée, que la requérante n’a transmis aucune observation sur l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

114    À cet égard, force est de constater que la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

115    Les arguments de la requérante selon lesquels, d’une part, le terme « primus » revêt un caractère laudatif et est compris comme se rapportant à un produit de première qualité et, d’autre part, les marques antérieures sont comprises comme le premier chevalier noir, ne sont pas fondés, ainsi qu’il ressort des points 41 et 106 ci-dessus.

116    En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait soulevé, devant la division d’opposition et la chambre de recours, l’argument selon lequel, aux fins de justifier l’existence d’un juste motif, d’autres marques de bières utilisaient le signe PRIMUS. Ainsi que le relève l’intervenante, il s’agit donc d’un argument nouveau, que la requérante n’a pas présenté devant l’EUIPO, que ce dernier n’était pas tenu d’examiner d’office et qui est dès lors irrecevable [arrêt du 18 avril 2013, Peek & Cloppenburg/OHMI – Peek & Cloppenburg (Peek & Cloppenburg), T‑506/11, non publié, EU:T:2013:197, point 34].

117    Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001doit être écarté et le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du premier chef de conclusions de la requérante en ce qu’il vise les conséquences de l’annulation de la marque demandée.

 Sur les dépens

118    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents à la présente procédure, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante. Par ailleurs, s’agissant des dépens exposés par l’intervenante devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaqué, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 194].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Novomatic AG est condamnée aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.