Language of document : ECLI:EU:F:2011:97

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme CHRISTINE Stix-Hackl

présentées le 23 mars 2006 (1)

Affaire C-149/05

Harold Price

contre

Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Paris (France)]

«Travailleurs – Accès à l’emploi – Directive 89/48/CEE – Directive 92/51/CEE – Reconnaissance des formations professionnelles – Activité de direction de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques – Épreuve d’aptitude – Stage d’adaptation»





I –    Observations liminaires

1.        La présente affaire concerne l’accès à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France et, corrélativement, la reconnaissance d’un diplôme de «Bachelor of Arts in Fine Arts Valuation» obtenu au Royaume-Uni. Se pose dès lors la question de l’applicabilité de la directive 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE (2) ou de la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (3), et en particulier la question de l’interprétation de la notion de «profession impliquant la fourniture de conseils juridiques» au sens des directives précitées. Précisons encore, pour être complet, que ces deux directives ont été remplacées par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (4), qui doit être transposée au plus tard le 20 octobre 2007.

II – Cadre juridique

A –    Droit communautaire

2.        La directive 89/48 instaure un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans. Elle est complétée par la directive 92/51, qui concerne également les professions ne requérant pas de diplôme en vertu de la directive 89/48.

3.        Aux termes de leur article 2, ces directives s’appliquent à tout ressortissant d’un État membre voulant exercer à titre indépendant ou salarié une profession réglementée dans un autre État membre.

4.        Aux termes des articles 1er, sous c), de la directive 89/48 et 1er, sous e), de la directive 92/51, on entend par «profession réglementée» l’activité ou l’ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un État membre.

5.        Aux termes des articles 1er, sous d), deuxième alinéa, de la directive 89/48 et 1er, sous f), deuxième alinéa, de la directive 92/51, lorsque le premier alinéa ne s’applique pas, est assimilée à une activité professionnelle réglementée une activité professionnelle qui est exercée par les membres d’une association ou organisation qui a notamment pour objet de promouvoir et de maintenir un niveau élevé dans le domaine professionnel en question et qui, pour la réalisation de cet objet, bénéficie d’une reconnaissance sous une forme spécifique par un État membre et qui:

–        délivre à ses membres un titre de formation,

–        les soumet à des règles professionnelles édictées par elle et

–        leur confère le droit de faire état d’un titre professionnel, d’une abréviation ou d’une qualité correspondant à ce titre de formation.

6.        L’article 1er, sous d), troisième alinéa, de la directive 89/48 précise: «une liste non exhaustive d’associations ou organisations qui remplissent, au moment de l’adoption de la présente directive, les conditions du deuxième alinéa, figure en annexe. Chaque fois qu’un État membre accorde la reconnaissance visée au deuxième alinéa à une association ou organisation, il en informe la Commission, qui publie cette information au Journal officiel des Communautés européennes». En ce qui concerne le Royaume-Uni, il est fait mention de la «Royal Institution of Chartered Surveyors» au point 13 de ladite annexe.

7.        L’article 1er, sous a), de chacune des deux directives précitées comporte une définition légale du terme «diplôme». On entend notamment par diplôme au sens de la directive 89/48 tout diplôme, certificat ou autre titre ou tout ensemble de tels diplômes, certificats ou autres titres dont il résulte que le titulaire a suivi avec succès un cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans, ou d’une durée équivalente à temps partiel, dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou dans un autre établissement du même niveau de formation et, le cas échéant, qu’il a suivi avec succès la formation professionnelle requise en plus du cycle d’études postsecondaires. D’autre part, l’une des deux conditions non cumulatives fixées à l’article 1er, sous a), deuxième tiret, sous i), de la directive 92/51 pour qu’un titre de formation réponde à la définition de «diplôme» est qu’il doit en résulter que son titulaire a suivi avec succès un cycle d’études postsecondaires, autre que celui visé à l’article 1er, sous a), deuxième tiret, de la directive 89/48, d’une durée d’au moins un an ou d’une durée équivalente à temps partiel.

8.        L’article 3 de la directive 89/48, qui fixe les principes d’accès à une profession réglementée et de son exercice, dispose notamment que, lorsque, dans l’État membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d’un diplôme, l’autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d’un État membre, pour défaut de qualification, d’accéder à cette profession ou de l’exercer dans les mêmes conditions que les nationaux si le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l’y exercer et qui a été obtenu dans un État membre.

9.        L’article 3 de la directive 92/51 se distingue par son champ d’application. Il s’applique essentiellement lorsque, dans l’État membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d’un diplôme au sens de l’une des deux directives précitées et que le demandeur possède le diplôme ainsi défini.

10.      Enfin, au demandeur qui ne posséderait pas le diplôme nécessaire, les deux directives ménagent notamment la possibilité, en leur article 3, premier alinéa, sous b), d’accéder à la profession concernée dans l’État membre d’accueil sur justification d’un titre de formation ainsi que de l’exercice de cette profession pendant deux ans dans un autre État membre.

11.      L’article 4 des deux directives permet à l’État d’accueil de subordonner l’accès à une profession réglementée à certaines conditions. Aux termes de son paragraphe 1, l’État membre d’accueil peut également soit exiger du demandeur la preuve d’une expérience professionnelle, soit exiger l’accomplissement d’un stage d’adaptation d’une durée maximale de trois ans ou le passage d’une épreuve d’aptitude. Si l’État membre d’accueil fait usage de cette seconde possibilité, il doit laisser au demandeur le choix entre le stage d’adaptation et l’épreuve d’aptitude. Par dérogation à cette règle, l’État membre d’accueil peut prescrire un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude lorsqu’il s’agit d’une profession dont l’exercice exige une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l’activité est la fourniture de conseils et/ou d’assistance concernant le droit national.

B –    Droit national

12.      Les articles L. 321-1 à L. 321-38 du code de commerce français réglementent les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. L’article L. 321-4 définit plus précisément l’activité des sociétés qui organisent ces enchères publiques.

13.      L’article L. 321-8 dispose que les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doivent comprendre parmi leurs dirigeants, leurs associés ou leurs salariés au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente ou titulaire d’un titre, d’un diplôme ou d’une habilitation reconnus équivalents en la matière, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

14.      Le décret n° 2001-650, du 19 juillet 2001, pris en application des articles L. 321-1 à L. 321-38 du code de commerce et relatif aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (ci-après le «décret») définit en ses articles 16 à 25 les qualifications requises pour diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et un arrêté du 29 août 2001 fixe le programme et les modalités de l’examen d’accès au stage requis pour diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

15.      L’article 16 du décret dispose notamment que:

«[…] Nul ne peut diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques s’il ne remplit pas les conditions suivantes: […]

3°      […] être soit titulaire d’un diplôme national en droit et d’un diplôme national d’histoire de l’art, d’arts appliqués, d’archéologie ou d’arts plastiques, l’un de ces diplômes étant au moins une licence et l’autre sanctionnant au moins un niveau de formation correspondant à deux années d’études supérieures, soit titulaire de titres ou diplômes, admis en dispense, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la Justice et du ministre chargé de l’enseignement supérieur;

4°      avoir subi avec succès l’examen d’accès au stage prévu à la section 1 du présent chapitre;

5°      avoir accompli le stage mentionné au 4° dans les conditions prévues à la section 2 du présent chapitre.»

16.      L’article 45 du décret est relatif aux qualifications requises des ressortissants d’un État autre que la France, membre de la Communauté européenne ou partie à l’Espace économique européen, qui veulent exercer en France. Il précise:

«Sont considérés comme ayant la qualification requise pour diriger les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sans avoir à remplir les conditions prévues aux 3°, 4° et 5° de l’article 16, les ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qui ont suivi avec succès un cycle d’études postsecondaires, d’une durée d’au moins un an ou d’une durée équivalente en cas d’études à temps partiel, les préparant à l’exercice de cette activité et dont l’une des conditions d’accès est l’accomplissement du cycle d’études secondaires exigé pour accéder à l’enseignement universitaire ou supérieur, ainsi que la formation professionnelle éventuellement requise en plus de ce cycle d’études postsecondaires et qui sont titulaires:

1°      D’un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres permettant l’exercice de l’activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans un État membre ou un État partie qui réglemente l’accès à l’exercice de la profession, délivrés:

a)      Soit par l’autorité compétente de cet État et sanctionnant une formation acquise de façon prépondérante dans un État membre ou un État partie, ou dans un État tiers dans des établissements d’enseignement qui dispensent une formation conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État membre ou partie;

b)      Soit par un État tiers, à condition que soit fournie une attestation émanant de l’autorité compétente de l’État membre ou de l’État partie qui a reconnu le ou les diplômes, certificats ou autres titres certifiant que le titulaire de ce ou ces diplômes, certificats ou autres titres a une expérience professionnelle de trois ans au moins dans cet État;

2°       Ou d’un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres sanctionnant une formation réglementée, spécifiquement orientée sur l’exercice de la profession, dans un État membre ou un État partie qui ne réglemente pas l’accès ou l’exercice de cette profession;

3°       Ou d’un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres obtenus dans un État membre ou un État partie qui ne réglemente ni l’accès ou l’exercice de cette profession ni la formation conduisant à l’exercice de cette profession, à condition de justifier dans cet État d’un exercice à plein temps de la profession pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes ou pendant une période équivalente en cas d’exercice à temps partiel, sous réserve que cet exercice soit attesté par l’autorité compétente de cet État.»

17.      L’article 48 du décret donne compétence au conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (ci-après le «conseil») pour examiner les demandes de reconnaissance de diplômes, certificats ou autres titres, des personnes satisfaisant aux conditions prévues à l’article 45 et souhaitant s’établir en France.

18.      L’article 49 du décret précise:

«Lorsque sa formation porte sur des matières substantiellement différentes de celles qui figurent aux programmes des diplômes et de l’examen professionnel mentionnés à l’article 19, ou lorsqu’une ou plusieurs des activités professionnelles dont l’exercice est subordonné à la possession de ces diplômes et à la réussite de cet examen ne sont pas réglementées dans l’État membre d’origine ou de provenance ou sont réglementées de manière substantiellement différente, l’intéressé doit subir, devant le jury prévu à l’article 20, une épreuve d’aptitude dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la Justice. […]

Le conseil fixe les matières du programme mentionné à l’alinéa précédent sur lesquelles le candidat, compte tenu de sa formation initiale et de son expérience professionnelle, doit être interrogé.

Le conseil notifie aux candidats les résultats de l’épreuve d’aptitude.

Nul ne peut se présenter plus de trois fois à l’examen.»

III – Faits, affaire au principal et questions préjudicielles

19.      M. Harold Price est titulaire du diplôme «Bachelor of Arts with second class honours in Fine Arts Valuation», reconnu par les instances professionnelles du Royaume-Uni et accrédité par la Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS) et l’Incorporated Society of Valuers and Auctioneers. Il ressort toutefois du dossier que M. Price n’est pas membre de la RICS.

20.      Le 8 janvier 2002, M. Price a déposé auprès du conseil une demande de reconnaissance de diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l’article 48 du décret. M. Price a fait valoir une expérience professionnelle d’environ deux ans au Royaume-Uni et de plus d’une année en France.

21.      Par décision du 19 juin 2003, le conseil a autorisé M. Price à se présenter à l’épreuve d’aptitude prévue à l’article 49 du décret et dit qu’il devra être interrogé dans les disciplines suivantes: matières juridiques – pratique des ventes aux enchères publiques – réglementation professionnelle. Le 11 septembre 2003, le conseil a rejeté le recours gracieux formé par M. Price le 21 juillet 2003 contre cette décision.

22.      Par recours contentieux du 19 août 2003 formé devant la cour d’appel de Paris, M. Price a conclu à ce qu’il plaise à cette dernière annuler la décision querellée et constater qu’il «satisfait aux obligations pour diriger les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques» et, à défaut, demander à la Cour si l’activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques entre dans le champ d’application des dispositions de l’article 4 de la directive 92/51, qui permettent à l’État d’accueil de se réserver le choix entre stage d’adaptation et épreuve d’aptitude.

23.      Comme la cour d’appel de Paris a jugé nécessaire d’interpréter le droit communautaire, elle a saisi la Cour, par arrêt du 23 mars 2005, signifié au greffe de la Cour le 4 avril 2005, des questions préjudicielles suivantes:

«1)      La directive 92/51/CEE du Conseil du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE, s’applique-t-elle à l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques telle que régie par les articles L. 32l-l à L. 32l-3, L. 32l- 8 et L. 32l-9 du code de commerce?

2)      Dans l’affirmative l’État membre d’accueil peut-il se prévaloir de la dérogation au deuxième alinéa de l’article 4 l. b) prévue à l’article 4.1 point b) 6e alinéa de la directive?»

IV – Sur la première question préjudicielle

24.      Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la directive 92/51 s’applique à l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Étant donné que le champ d’application personnel de la directive 92/51 n’est pas contesté, puisque M. Price, en tant que citoyen britannique, est un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne et qu’il souhaite exercer l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans un autre État membre, à savoir la France, il reste uniquement à chercher si cette activité entre dans le champ d’application matériel de ladite directive. Si tel n’est pas le cas, reste à savoir si la directive 89/48 s’applique.

A –    La condition d’application commune: la réglementation de la profession dans l’État membre d’accueil

25.      La directive 92/51 (tout comme la directive 89/48) ne s’applique que lorsque l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans l’État d’accueil (la France en l’occurrence) répond à la définition de profession réglementée qui y est définie.

26.      Or, l’article 1er de chacune des deux directives précitées définit comme profession réglementée l’activité ou l’ensemble des activités professionnelles réglementées qui constituent cette profession dans un État membre.

27.      Par ailleurs, l’article 1er de ces deux directives définit l’activité professionnelle réglementée comme une activité professionnelle dont l’accès ou l’exercice, ou l’une des modalités d’exercice dans un État membre, est subordonné, directement ou indirectement, par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d’un diplôme.

28.      La notion de profession réglementée doit être interprétée de manière autonome, uniquement en fonction du droit communautaire. Dès lors, la question de savoir si certaines activités constituent une profession au sens de la directive 89/48 doit elle aussi être interprétée selon le droit communautaire.

29.      Selon la jurisprudence de la Cour (5), il n’y a profession ou activité professionnelle réglementées que lorsque, dans l’État membre concerné, il existe des dispositions juridiques régissant l’accès à cette profession ou l’exercice de cette activité. Pareille disposition juridique peut être directe ou indirecte. Cette réglementation est directe lorsque les dispositions législatives, réglementaires ou administratives de l’État membre d’accueil établissent un régime qui a pour effet de réserver expressément cette activité professionnelle aux personnes qui remplissent certaines conditions et d’en interdire l’accès à celles qui ne les remplissent pas (6).

30.      En France, l’activité des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est réglementée aux articles L. 321-4 à L. 321-38 du code de commerce. Puisque, aux termes de l’article L. 321-8, ces sociétés doivent comprendre au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente volontaire de meubles aux enchères publiques, l’activité de ce directeur de ventes est réglementée – même si ce n’est qu’indirectement – aux articles L. 321-4 à L. 321-38. L’article L. 321-9, en revanche, comporte une réglementation directe en disposant notamment que seuls les directeurs de ventes sont habilités à diriger les ventes de meubles aux enchères publiques.

31.      En France, l’accès à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est réglementé en détail par le décret. En particulier, les articles 16 et suivants du décret disposent que, pour exercer cette profession, il faut être titulaire d’un diplôme national en droit et d’un autre diplôme national, avoir subi avec succès l’examen d’accès au stage et accompli ce dernier.

32.      Par ailleurs, l’article 45 du décret subordonne la possibilité pour les ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen d’exercer l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à certaines conditions dérogatoires.

33.      Ainsi, en France, tant l’accès à l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques que son exercice sont directement réglementés par des dispositions juridiques, puisque réservés aux personnes justifiant de certaines qualifications. Par conséquent, cette activité doit être qualifiée de profession réglementée dans l’État d’accueil.

B –    La détermination de la directive applicable

34.      Au cours de la procédure, il a été à plusieurs reprises prétendu qu’il convenait d’appliquer non pas la directive 92/51 mentionnée par la juridiction de renvoi, mais la directive 89/48. Par conséquent, nous examinerons ci-après la question de savoir laquelle de ces deux directives s’applique à la situation faisant l’objet du litige au principal.

1.      La délimitation du champ d’application des deux directives

35.      Avant de nous pencher sur la question de savoir si la formation requise pour la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques représente un diplôme au sens de la directive 92/51, il est utile de déterminer le champ d’application des deux directives en cause.

36.      Pour que l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques tombe dans le champ d’application matériel de la directive 92/51, elle devrait constituer une profession réglementée dans l’État d’accueil, conformément aux dispositions combinées des articles 3, premier alinéa, et 1er, sous e), de ladite directive et il faudrait que l’accès à cette profession soit subordonné à la possession d’un diplôme au sens de l’article 3, premier alinéa, en combinaison avec l’article 1er, sous a), de cette directive.

37.      La directive 92/51, comme le montrent ses troisième, quatrième et neuvième considérants, représente un complément et une extension du concept sur lequel repose la directive 89/48. Aux termes du troisième considérant de cette dernière, la directive 89/48 est limitée à la reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur. C’est pourquoi, comme il est indiqué aux quatrième et neuvième considérants de la directive 92/51, il convient d’instaurer un système complémentaire qui «[…] doit couvrir les niveaux de formation qui ne l’ont pas été par le système général initial, à savoir celui correspondant aux autres formations dans l’enseignement postsecondaire et aux formations qui y sont assimilées, et celui correspondant à l’enseignement secondaire long ou court, éventuellement complété par une formation ou une pratique professionnelles».

38.      C’est par conséquent le niveau de formation qui est l’élément déterminant pour délimiter le champ d’application respectif des deux directives précitées. En synthèse, elles englobent en tout trois niveaux de formation: premièrement, l’enseignement postsecondaire; deuxièmement, les études courtes et les cycles de formation figurant dans une annexe C et, troisièmement, les cycles d’étude postsecondaires d’au moins trois ans (7).

39.      Étant donné que la directive 92/51, en vertu de son article 1er, sous a), englobe les deux premiers niveaux de formation et que la directive 89/48, en application de son article 1er, sous a), concerne le troisième niveau de formation, il faut, dans le cadre de la directive 92/51, outre la reconnaissance qui y est prévue au sein de chaque niveau de formation, qu’il y ait également une reconnaissance entre ces niveaux («système de passerelle»).

40.      Ce système de passerelle ou de décloisonnement entre les différents niveaux de formation a conduit à une règle de reconnaissance extrêmement complexe, inscrite à l’article 3 de la directive 92/51. Cette disposition énumère plusieurs cas de reconnaissance qui relèvent de la directive 92/51 ou de la directive 89/48 ou encore d’aucune de ces deux directives. Nous tenterons ci-après de donner une vision d’ensemble de ce dispositif.

41.      Tout d’abord, l’article 3, premier alinéa, de la directive 92/51 distingue selon que l’État d’accueil subordonne ou non l’exercice de la profession concernée à la possession d’un diplôme au sens de la directive 92/51 ou de la directive 89/48.

42.      Il convient ensuite de vérifier si cette profession est réglementée dans l’État de formation du demandeur [article 3, premier alinéa, sous a) ou b), de la directive 92/51). Si ce n’est pas le cas, l’application de la directive 92/51 dépend, aux termes de son article 3, premier alinéa, sous b), du point de savoir si le demandeur a en l’espèce exercé la profession concernée durant une certaine période. Si ce n’est pas non plus le cas, alors aucune des deux directives n’est applicable, étant toutefois précisé que l’État membre d’accueil reste lié par les libertés fondamentales.

43.      Si la profession est réglementée dans l’État membre de formation, il convient alors de vérifier si celui-ci subordonne l’accès à cette profession à un diplôme au sens de la directive 92/51 ou de la directive 89/48.

44.      Il convient enfin, conformément à l’article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92/51, de vérifier si le demandeur possède bien le diplôme prescrit dans son État membre de formation. Si en revanche le demandeur n’est pas en possession du diplôme requis, alors, comme en cas d’expérience professionnelle insuffisante [article 3, premier alinéa, sous b)], aucune des directives n’est applicable, mais seulement la liberté fondamentale dont relève l’exercice de la profession concerné (8). Sont alors transposables à cette situation notamment les principes développés dans l’arrêt du 7 mai 1991, Vlassopoulou (9), tirés des libertés fondamentales.

45.      Par conséquent, pour que la directive 92/51 s’applique au litige au principal, il faudrait que l’on se trouve dans l’un des trois cas suivants:

–        l’État membre d’accueil et l’État membre de formation exigent un diplôme au sens de la directive 92/51 et le demandeur répond à cette condition [article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92/51] ou

–        l’un des deux États exige un diplôme au sens de la directive 92/51 et l’autre exige un diplôme au sens de la directive 89/48 et le demandeur est titulaire du diplôme prescrit par l’État de formation [système de «passerelle» découlant de l’article 3, premier alinéa, sous a), de la directive 92/51 (10)] ou

–        l’État membre d’accueil exige un diplôme au sens de la directive 92/51, la profession concernée n’est pas réglementée dans l’État membre de formation, mais le demandeur possède l’expérience professionnelle requise [article 3, premier alinéa, sous b), de la directive 92/51].

46.      Pour déterminer si les faits du litige au principal correspondent à l’un de ces cas de figure, il convient de vérifier quel diplôme l’État d’accueil exige en l’espèce, si la profession est réglementée et quel diplôme exige l’État membre de formation.

2.      Le détail des conditions

a)      La nature du diplôme prescrit par l’État membre d’accueil

47.      Pour déterminer quel est le diplôme prescrit par l’État membre d’accueil, en l’occurrence la France, pour exercer l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, il convient d’examiner les dispositions juridiques françaises qui définissent les conditions d’exercice de cette activité. La réponse à cette question implique d’interpréter la disposition française en cause relative à l’accès à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Or, il n’appartient pas en principe à la Cour de se livrer à une telle interprétation du droit national dans le cadre d’un renvoi préjudiciel fondé sur l’article 234 CE. Cependant, pour pouvoir donner une réponse utile au juge national, nous donnerons ci-après quelques indications relatives au droit national.

48.      Les qualifications requises pour diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont fixées à l’article 16 du décret. Tout d’abord, il faut être titulaire d’un diplôme national en droit et d’un diplôme national d’histoire de l’art, d’arts appliqués, d’archéologie ou d’arts plastiques, l’un de ces diplômes étant au moins une licence (sanctionnant trois années d’études supérieures) et l’autre sanctionnant au moins un niveau de formation correspondant à deux années d’études supérieures. Le niveau total requis est donc d’au moins cinq années d’études universitaires. En outre, après avoir subi avec succès un examen d’accès, il faut accomplir un stage de deux ans.

49.      L’article 16 du décret subordonne donc l’exercice de la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à plusieurs conditions, dont trois concernent la formation (études universitaires, examen d’accès et stage). Ces trois conditions sont énumérées dans une liste numérotée. On peut déduire de l’énoncé de cette disposition que le diplôme universitaire, tout comme le stage, fait partie intégrante de la formation professionnelle requise pour diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et qu’il ne représente pas seulement une qualification générale.

50.      Un argument téléologique plaide d’ailleurs en faveur d’une telle interprétation: la ratio legis de la disposition concernée est notamment que seuls ont le droit d’effectuer le stage de deux ans les demandeurs ayant préalablement suivi la formation universitaire requise. Le stage représente dès lors une forme de spécialisation venant compléter une formation juridique générale et une formation en arts. C’est pourquoi la formation universitaire est un élément constituant nécessaire et obligatoire pour diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

51.      Le fait qu’il convient de se référer au «produit fini» est également mis en évidence par la jurisprudence de la Cour. C’est ainsi que la Cour, dans l’arrêt du 13 novembre 2003, Morgenbesser (11), a jugé qu’une ressortissante française titulaire d’une maîtrise en droit, mais n’ayant pas suivi ultérieurement la formation à la profession d’avocat, n’est pas en mesure de se prévaloir de la directive 89/48. Il convient donc de prendre en compte non seulement la formation théorique, mais également la formation pratique. Ce n’est qu’une fois achevée cette partie pratique que l’ensemble de la formation à la profession d’avocat est considéré comme accompli. On parle, à cet égard, de «produit fini» au sens où les deux parties de la formation (théorique et pratique) doivent être réunies pour qu’une formation globale soit reconnue conformément à la directive 89/48 et qu’il ne suffit pas d’une formation pratique au sens de la directive 92/51 (12).

52.      C’est ce qu’a confirmé la Cour dans l’arrêt du 9 septembre 2003, Burbaud (13), relativement à la profession de directeur d’hôpital de la fonction publique, en constatant au point 35 que le titre détenu par Mme Burbaud sanctionnait une formation postsecondaire d’une durée d’au moins trois ans. Cela signifie que la Cour a considéré le diplôme juridique et la formation professionnelle subséquente comme un tout.

53.      Cette jurisprudence consacrant l’indissociabilité de la formation théorique et de la formation pratique doit être transposée à la profession litigieuse de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Si, s’agissant de la profession de directeur d’hôpital de la fonction publique, la Cour considère une formation universitaire de trois ans et une formation postsecondaire supplémentaire de deux ans comme un diplôme au sens de la directive 89/48, cela devrait valoir a fortiori s’agissant de la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, puisque la formation requise pour cette profession implique, outre la formation postsecondaire, non seulement un, mais deux diplômes universitaires (un en droit et un en histoire, en archéologie ou en arts); dès lors, a fortiori, cette formation devrait constituer un diplôme au sens de la directive 89/48.

54.      La formation préparant à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques consiste – essentiellement – en un cursus universitaire d’au moins cinq ans et en une formation professionnelle de deux ans.

55.      La profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques implique une formation organisée de manière semblable à celle préparant à la profession de directeur d’hôpital de la fonction publique: pour l’une et l’autre profession, s’ajoute à une formation juridique universitaire un stage qui prépare aux exigences spécifiques de la profession et qui va au-delà d’une simple formation juridique.

56.      Cependant, l’objection qui pourrait être soulevée concernant la similarité avec la profession d’avocat et selon laquelle la formation préparant à cette profession, contrairement à ce qui est le cas pour la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, représente une formation juridique homogène composée d’une partie théorique et d’une partie pratique perdrait toute pertinence en ce qui concerne la profession de directeur d’hôpital.

57.      Si l’on se base sur le cas normal de formation décrit ci-dessus, la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques relève de la directive 89/48.

58.      L’article 17 du décret précise toutefois que les demandeurs justifiant d’une pratique professionnelle d’au moins sept ans et ayant subi avec succès un examen d’aptitude sont dispensés, par dérogation à l’article 16, de toute formation au sens de l’article 1er du décret (et donc de diplôme au sens de la directive 89/48) pour exercer la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Cependant, comme cette disposition n’est qu’une exception à la règle générale posée à l’article 16 du décret et qu’elle ne réglemente donc pas de façon autonome l’accès à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, elle est sans incidence sur la question de l’existence d’un diplôme au sens de la directive 89/48.

59.      Par conséquent, si l’on se fonde sur l’article 16 du décret pour apprécier les conditions imposées en France, force est de conclure que l’État d’accueil, à savoir la République française, prescrit un diplôme au sens de la directive 89/48 pour diriger des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

60.      Toutefois, cela n’est vrai que si l’on ne se fonde pas sur l’article 45 du décret. En effet, aux termes de cette disposition, le demandeur doit avoir suivi avec succès un cycle d’études postsecondaires d’une durée d’au moins un an. Cette disposition française n’exige donc qu’un diplôme au sens de la directive 92/51. Compte tenu de son champ d’application personnel, l’article 45 ne s’applique qu’aux ressortissants de certains États. Comme M. Price en fait partie, cette disposition lui est applicable.

61.      La directive 92/51 est applicable dans l’un des deux cas suivants: si l’État d’accueil, en l’espèce la République française, prescrit uniquement un diplôme au sens de la directive 92/51 (applicabilité de l’article 45 du décret) ou si l’on se trouve dans l’un des cas d’application de l’article 3 de la directive 92/51. Cela comprend, premièrement, le cas de la «passerelle», dans lequel l’État membre d’accueil exige un diplôme au sens de la directive 89/48, mais l’État membre de formation n’exige qu’un titre au sens de la directive 92/51. Cela signifie que, même en cas d’application de l’article 16 du décret, la directive 92/51 peut entrer en ligne de compte. Deuxièmement, l’article 3 de la directive 92/51 prévoit l’application de cette directive, même lorsque l’État membre d’accueil prescrit un diplôme au sens de la directive 92/51, mais que la profession n’est pas réglementée dans l’État membre de formation et que le demandeur dispose de l’expérience professionnelle requise.

b)      Les exigences dans l’État membre de formation

62.      Pour pouvoir constater si l’État membre de formation exige un diplôme au sens de la directive 92/51 pour exercer la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, il convient de vérifier au préalable si cette profession est réglementée dans l’État membre de formation.

i)      Réglementation de la profession dans l’État membre d’accueil

63.      Relevons tout d’abord que la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques n’existe pas sous cette appellation au Royaume-Uni. L’activité qu’elle recouvre y est exercée par ce que l’on appelle un «Valuer/Auctioneer: Fine Arts».

64.      La profession d’«auctioneer» n’est réglementée par aucune disposition particulière. C’est ainsi que l’accès à cette profession n’est subordonné ni à un examen, ni à un agrément, ni à l’appartenance à une organisation professionnelle. Il suit de là qu’au Royaume-Uni la profession de «Valuer/Auctioneer: Fine Arts» est assimilée à une profession non réglementée.

65.      Toutefois, l’appartenance à certaines institutions apporte certains avantages commerciaux. Parmi les institutions reconnues, on compte au Royaume-Uni par exemple la RICS, la Society of Fine Arts Auctioneers ou la National Association of Valuers and Auctioneers. La RICS confère, sous certaines conditions, le titre de «Chartered Surveyor» ou de «Chartered Arts and Antiques Surveyor».

66.      L’article 1er, sous f), deuxième alinéa, de la directive 92/51 tient compte de cette particularité et dispose en conséquence qu’une activité professionnelle réglementée par des associations professionnelles est assimilée à une activité professionnelle réglementée par l’État lorsque cette réglementation professionnelle est reconnue par l’État membre concerné.

67.      La directive 92/51 ne précise pas quelles sont les associations et organisations professionnelles répondant à ces critères. Toutefois, en son article 1er, sous d), deuxième alinéa, la directive 89/48 comporte une disposition identique. Une annexe de cette directive comporte une liste des associations et organisations professionnelles remplissant les conditions. Au point 13 de cette liste, on trouve la Royal Institution of Chartered Surveyors.

68.      Reste cependant à savoir si l’on peut appliquer par analogie la liste des associations et organisations professionnelles remplissant les conditions de l’article 1er, sous b), deuxième alinéa, de la directive 89/48 à l’article 1er, sous b), deuxième alinéa, de la directive 92/51.

69.      Plusieurs arguments plaident en faveur d’une réponse positive: la directive 92/51 est censée, comme le suggère son titre complet, représenter un complément à la directive 89/48. Elle doit être lue et comprise uniquement par référence à cette dernière (14). Cela plaide pour une application par analogie des dispositions de la directive 89/48 à des faits relevant de la directive 92/51.

70.      Pareille application par analogie doit certainement être approuvée, en particulier lorsque la directive 92/51 réglemente un certain domaine d’une manière matériellement identique à la directive 89/48. Cela est vrai en l’espèce, car les deux directives contiennent la même disposition concernant la réglementation professionnelle par des associations et organisations professionnelles; dès lors, il est logique de prendre en compte la liste de ces associations aux fins des deux directives.

71.      Plaide également en faveur de l’applicabilité de cette liste à la directive 92/51 le fait qu’il est reconnu que la RICS établit des règles professionnelles pour les professions relevant de la directive 89/48. Dès lors, cela devrait être a fortiori le cas s’agissant de professions relevant de la directive 92/51, puisqu’il est plus facile de remplir les conditions d’accès à ces dernières.

72.      La première condition d’application de l’article 3, premier alinéa, de la directive 92/51 n’est donc remplie que dans l’hypothèse où l’on se fonde non pas sur la profession d’«auctioneer», mais sur celle de «chartered surveyor» ou de «chartered arts and antiques surveyor».

ii)    Les conditions imposées dans l’État membre de formation

73.      Rappelons tout d’abord que l’appréciation des conditions imposées dans l’État membre de formation, dès lors qu’elle concerne l’application de la directive à des faits concrets, est de la compétence du juge national.

74.      Si l’on considère que la profession litigieuse est réglementée au Royaume‑Uni, il convient ensuite de vérifier si son exercice est subordonné, au Royaume-Uni, à la possession d’un diplôme au sens de la directive 92/51, c’est‑à‑dire à un diplôme universitaire sanctionnant des études de deux ans au maximum.

75.      C’est en revanche la directive 89/48 qu’il conviendrait d’appliquer si l’on se fondait sur les conditions imposées aux «chartered surveyors» ou aux «chartered arts and antiques surveyors». Il appartient au juge national d’apprécier si les conditions concernant les «chartered surveyors» et/ou les «chartered arts and antiques surveyors» sont remplies.

76.      Si l’on en vient à conclure que l’État membre de formation, à savoir le Royaume-Uni, subordonne l’accès à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à un diplôme au sens de la directive 92/51, le demandeur concerné devrait alors posséder un diplôme requis au sens de la directive 92/51 afin que la directive s’applique à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

77.      Si l’on raisonne à partir de la profession d’«auctioneer», il ne s’agit pas d’une profession réglementée, raison pour laquelle aucune des deux directives ne s’applique.

iii) Respect des conditions par M. Price

78.      Il convient par la suite de déterminer, au regard des circonstances de l’espèce, la nature du diplôme dont le demandeur au principal est titulaire et l’expérience dont il dispose. Les informations y relatives ne sont pas contenues dans les pièces du dossier; par exemple, elles ne permettent pas de résoudre la question de l’appartenance à l’une des institutions reconnues ou bien elles sont contestées, en particulier en ce qui concerne la pratique de deux ans dans l’État membre de formation, en l’espèce au Royaume-Uni.

79.      Cependant, comme cet examen implique l’application de la directive au cas d’espèce, il s’agit là également d’une tâche incombant aux instances nationales compétentes. En effet, s’il appartient à la Cour de donner au juge national les éléments d’interprétation nécessaires à la solution du litige, c’est au juge national qu’il appartient de qualifier les activités en cause au regard des critères dégagés par la Cour. L’application des dispositions de droit communautaire et des dispositions nationales de transposition au cas d’espèce reste du ressort de la juridiction nationale (15).

C –    Conclusion intermédiaire

80.      Il convient par conséquent de répondre à la première question préjudicielle que la directive 92/51, qui complète la directive 89/48, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, telle que régie par le droit français, uniquement si cette profession n’est pas réglementée au Royaume-Uni et que le demandeur remplit les conditions fixées à l’article 3, premier alinéa, sous b), de la directive 92/51 ou si un diplôme au sens de cette directive est prescrit au Royaume-Uni pour accéder à cette profession.

V –    Sur la seconde question préjudicielle

81.      Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si, en cas d’applicabilité de la directive 92/51 à l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, l’État membre d’accueil peut se réserver le choix entre les «instruments d’adaptation» que représentent le stage d’adaptation et l’épreuve d’aptitude au lieu de laisser ce choix au demandeur. La même question se pose en cas d’applicabilité de la directive 89/48.

82.      Il s’agit en substance de savoir si la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est une profession qui exige une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l’activité est la fourniture de conseils et/ou d’assistance concernant le droit national, puisque, dans ce cas, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), des deux directives, l’État membre d’accueil peut contraindre le demandeur à choisir entre une épreuve d’aptitude et un stage.

A –    Sur la recevabilité de la seconde question préjudicielle

83.      Étant donné le contenu et la formulation de la seconde question, il paraît utile d’en vérifier la recevabilité.

84.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (16).

85.      En l’espèce, il convient d’examiner le rapport entre l’interprétation du droit communautaire sollicitée et l’objet du litige au principal. En effet, la seconde question préjudicielle, telle qu’elle est formulée par la juridiction de renvoi, suppose l’applicabilité de la directive 92/51.

86.      Comme la question de l’applicabilité de la directive 92/51 aux faits du litige au principal ne pourra être tranchée qu’au stade de la procédure devant la juridiction nationale, on peut se demander si est remplie la condition posée par la jurisprudence et selon laquelle la réponse à la question préjudicielle doit être nécessaire à la solution du litige.

87.      Selon la jurisprudence de la Cour, il convient toutefois de ne pas apprécier trop strictement les conditions de recevabilité des questions préjudicielles. Le point déterminant consiste à savoir si l’interprétation du droit communautaire peut être utile à la juridiction de renvoi. «Dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer» (17).

88.      En l’espèce, il faut souligner que, en raison de l’applicabilité de l’une des deux directives, une interprétation de la notion de profession impliquant la fourniture de conseils juridiques au sens de la directive serait utile à la juridiction de renvoi.

B –    La notion de profession impliquant la fourniture de conseils juridiques au sens des directives

89.      Il convient tout d’abord d’examiner si la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est une profession qui exige une connaissance précise du droit national. Dans un second temps, il faut vérifier si la fourniture de conseils et/ou d’assistance concernant le droit national est un élément essentiel et constant de cette activité.

90.      En cas de différences entre l’État de provenance et de formation, d’une part, et l’État d’accueil, d’autre part, en ce qui concerne la durée ou le contenu de la formation, l’État membre d’accueil peut, conformément à l’article 4 de la directive 92/51, imposer des exigences supplémentaires au demandeur afin de garantir une bonne adaptation à son nouvel environnement professionnel.

91.      En cas de programmes de formation différents, c’est-à-dire si la formation qu’a reçue le demandeur porte sur des matières théoriques ou pratiques qui s’écartent substantiellement de celles du programme de formation de l’État membre d’accueil et qui ne sont donc pas couvertes par son diplôme, l’État membre d’accueil peut concrètement exiger, à titre de compensation, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, premier tiret, de la directive 92/51, soit un stage d’adaptation, soit une épreuve d’aptitude. Cela vaut également lorsque l’activité professionnelle réglementée dans l’État membre d’accueil est plus largement définie que dans l’État membre de provenance du demandeur et que cette différence est caractérisée par une formation spécifique dont les matières ne sont pas couvertes par le diplôme du demandeur [article 4, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, deuxième tiret, de la directive 92/51].

92.      L’État membre d’accueil qui fait usage de cette possibilité de compensation doit laisser au demandeur le choix entre le stage d’adaptation et l’épreuve d’aptitude. Toutefois, la directive 92/51 prévoit, en son article 4, paragraphe 1, sous b), troisième alinéa, premier tiret, une exception à ce principe de liberté de choix, lorsqu’il s’agit d’une profession dont l’exercice exige une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l’activité est la fourniture de conseils et/ou d’assistance concernant le droit national. En ce cas, l’État membre d’accueil peut en effet se réserver ce choix.

93.      Le texte de cette dérogation, prévue pour les professions impliquant la fourniture de conseils juridiques, se retrouve mot à mot dans la directive 89/48. C’est pourquoi il paraît logique de se référer à cette dernière dans le cadre d’une étude exégétique.

94.      L’étude des travaux préparatoires à la disposition en cause montre que la proposition de la Commission ne comportait ni l’épreuve d’aptitude en tant qu’instrument d’adaptation ni cette dérogation pour les professions impliquant la fourniture de conseils juridiques. Ce n’est qu’au stade des débats au sein du Conseil et, en parallèle, dans le milieu des professions juridiques, que l’on en est venu à cette disposition (18).

95.      Bien que la Commission ait alors estimé que cet élargissement de la disposition n’était pas conforme à la ratio legis de la directive (19), qui consiste en une confiance mutuelle en la qualité de la formation, il a été adopté en raison des réserves des États membres. La disposition en cause vise à donner aux États membres la possibilité de vérifier que le demandeur dispose bien de la connaissance du droit national requise pour exercer la profession concernée, puisque, du fait des différences entre les systèmes juridiques nationaux, il est moins évident que pour d’autres professions qu’un professionnel qualifié d’un État membre puisse exercer avec succès dans un autre État membre.

96.      La disposition ainsi adoptée est donc spéciale, puisqu’elle ne concerne que certaines professions, et dérogatoire, puisqu’elle représente une exception au grand principe directeur de la directive énonçant une équivalence fondamentale des formations.

97.      Un autre aspect des travaux préparatoires plaide en faveur d’une interprétation large de l’exception. Ainsi, le Parlement a voulu modifier la position commune du Conseil en deuxième lecture dans le sens d’une restriction de la condition tenant à la connaissance du droit national aux professions juridiques au sens étroit (20). Or, cette proposition de modification du Parlement n’a pas été reprise par le Conseil.

98.      En revanche, le fait que la disposition en cause ne représente pas une alternative à deux termes égaux, mais une règle dérogatoire, plaide pour une interprétation étroite de celle-ci.

99.      Dans ce contexte, il ne suffit pas de disposer de connaissances juridiques quelconques pour exercer la profession en cause. Il ne suffira pas non plus d’exiger des connaissances uniquement dans quelques matières juridiques étroitement limitées. Autrement, en effet, presque toutes les activités commerciales, par exemple, relèveraient alors de la disposition dérogatoire. Or, cela ne saurait avoir été l’intention du législateur communautaire. Il ne saurait davantage s’agir de soumettre la profession à certains régimes de responsabilité.

100. En conclusion, il convient d’apprécier de manière stricte l’étendue et la profondeur ou la précision des connaissances requises. Cela concerne aussi bien les connaissances juridiques requises elles-mêmes que la composante conseil et/ou assistance de la profession.

101. Lors de la transposition de la directive 89/48, tous les États membres ont fait usage de leur faculté de choix et opté pour l’épreuve d’aptitude comme instrument d’adaptation. Cela s’explique peut-être par le fait qu’il s’agit là de la plus sévère des deux modalités d’adaptation possibles et que cela rend encore plus difficile l’accès à la profession sollicitée dans l’État membre d’accueil concerné.

102. Eu égard à l’économie générale de la directive 92/51, cette disposition dérogatoire de l’article 4, paragraphe 1, sous b), troisième alinéa, ne devrait donc pas être interprétée de manière trop large.

103. Relevons enfin que l’article 4 de la directive 92/51, en tant que disposition de droit dérivé, doit être interprété à la lumière du droit de rang supérieur. Cela comprend non seulement la liberté fondamentale concernée, mais également les principes généraux du droit. Il convient à cet égard de rappeler notamment les prescriptions du principe de proportionnalité, que les États membres sont tenus de respecter aussi bien dans le cadre de la transposition de la directive 92/51 que dans celui de l’application des dispositions nationales. Ces prescriptions de rang juridique supérieur peuvent donc poser des limites supplémentaires à la marge d’action des États membres.

C –    Les caractéristiques juridiquement pertinentes des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France

104. Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France sont réglementées aux articles L. 321-1 à L. 321-4, L. 321-8 et L. 321-9 du code de commerce.

105. Ces dispositions ne réglementent que les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et non les ventes forcées, définies comme des ventes prescrites par la loi ou faites par autorité de justice et qui restent le monopole des commissaires priseurs judiciaires.

106. Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peuvent porter que sur des biens d’occasion ou sur des biens neufs issus directement de la production du vendeur si celui-ci n’est ni commerçant ni artisan. Ces biens sont vendus au détail ou par lot.

107. Ces ventes volontaires aux enchères publiques sont effectuées en principe par des sociétés de forme commerciale dont l’objet est limité à l’estimation de biens mobiliers, à l’organisation et à la réalisation de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Ces sociétés agissent comme mandataires du propriétaire du bien. Elles ne sont pas habilitées à acheter ou à vendre directement ou indirectement pour leur propre compte des biens meubles proposés à la vente aux enchères publiques. Cette interdiction s’applique également aux dirigeants, associés et salariés de la société.

108. Ces sociétés ne peuvent exercer leur activité qu’après avoir obtenu l’agrément du conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et doivent présenter des garanties suffisantes en ce qui concerne leur organisation, leurs moyens techniques et financiers, l’honorabilité et l’expérience de leurs dirigeants ainsi que les dispositions propres à assurer pour leurs clients la sécurité des opérations. Elles sont tenues de désigner un commissaire aux comptes et un commissaire aux comptes suppléant.

109. Elles doivent comprendre parmi leurs dirigeants, leurs associés ou leurs salariés au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente ou titulaire d’un titre, d’un diplôme ou d’une habilitation reconnus équivalents en la matière, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État (article L. 321-8 du code de commerce). L’article L. 321-15 du code de commerce prévoit des sanctions pénales pour garantir le respect de certaines dispositions, notamment celles relatives à l’agrément et aux conditions de qualification.

D –    La profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

110. Un État membre n’a la faculté de faire usage de la disposition dérogatoire de l’article 4, paragraphe 1, sous b), troisième alinéa, de la directive 89/48 ou de la directive 92/51 en se réservant le choix entre stage d’adaptation et épreuve d’aptitude que s’il s’agit d’une profession dont l’exercice exige une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l’activité est la fourniture de conseils et/ou d’assistance concernant le droit national. Il convient par conséquent de rechercher si la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques remplit ces deux conditions.

1.      La condition tenant aux connaissances

111. Il résulte des dispositions pertinentes du droit français que l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend l’estimation du bien mobilier mis en vente ainsi que l’organisation et la réalisation de la vente aux enchères publiques. Dans ce cadre, le directeur agit comme mandataire du propriétaire du bien à vendre aux enchères publiques.

112. On pourrait certes déduire de cette description d’activité, d’une part, que le directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doit connaître les dispositions juridiques françaises relatives aux ventes de meubles aux enchères publiques, puisque c’est lui qui réalise et organise la vente aux enchères publiques et, d’autre part, qu’il doit également fournir des conseils juridiques au propriétaire du bien à vendre aux enchères publiques en tant que mandataire de ce dernier.

113. Toutefois, ces conclusions se fondent sur une interprétation possible des dispositions pertinentes du code de commerce français qui n’est en aucun cas contraignante. Les dispositions du code de commerce allemand relatives à l’activité de «Versteigerer» (commissaire-priseur), par exemple, sont analogues à celles du code de commerce français, étant toutefois précisé que cette profession n’est pas considérée comme une profession impliquant la fourniture de conseils juridiques en Allemagne.

114. Par conséquent, pour mieux définir l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, il convient de prendre en compte d’autres dispositions présentant un rapport avec l’exercice de cette profession, par exemple les normes régissant la formation pour devenir directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France.

115. La formation à une profession vise essentiellement à préparer à l’exercice de celle-ci. C’est pourquoi il est généralement possible de déduire le contenu d’une profession à partir du contenu de la formation qui y prépare, et inversement. Il conviendra donc en l’espèce de vérifier si une partie essentielle de la formation à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques consiste en une formation juridique.

116. La formation à la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est réglementée dans le décret n° 2001‑650 et dans un arrêté. Comme nous l’avons déjà expliqué au cours de l’appréciation juridique de la première question, la formation, conformément à l’article 16 du décret, comporte un volet universitaire et un stage de formation. La partie universitaire de la formation comprend un diplôme en droit et un second diplôme sanctionnant des études d’au moins deux ans.

117. Le programme de l’examen d’accès au stage est décrit aux articles 4 et 5 de l’arrêté. Cet examen comprend une épreuve en droit et une épreuve en arts, de quatre heures chacune. L’arrêté énumère en annexe les matières faisant l’objet de l’épreuve juridique. Il s’agit du droit civil, du droit commercial et du droit de la vente volontaire de meubles aux enchères publiques.

118. Aux termes des articles 21 et suivants du décret, le stage lui-même comprend un enseignement théorique et un enseignement pratique, étant précisé que les travaux de pratique professionnelle sont effectués auprès d’une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ou d’un commissaire-priseur.

119. Il ressort de toutes ces prescriptions qu’une grande partie de la formation de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est juridique: le diplôme en droit, le programme de l’examen d’accès au stage et le contenu du stage lui-même. Il en résulte qu’en France, l’exercice de cette profession exige une connaissance précise du droit national français.

2.      L’activité

120. Il ressort des termes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), troisième alinéa, de la directive 92/51 que le critère s’attache à l’activité de fourniture de conseils juridiques et ne parle pas de profession juridique au sens étroit du terme.

121. Si le législateur communautaire avait voulu englober toutes les professions juridiques, il aurait opté pour une formulation plus générale telle que «professions juridiques», qui supposent une connaissance précise du droit national. Cela devrait valoir a fortiori si l’on avait voulu englober toutes les professions dont l’exercice exige des connaissances juridiques.

122. Pour pouvoir juger si la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques relève de l’article 4, paragraphe 1, sous b), troisième alinéa, de la directive 92/51, il convient donc de déterminer quelle part occupe l’activité de conseil juridique ou d’assistance juridique dans l’ensemble des tâches qu’implique cette profession.

123. Même si une comparaison avec les dispositions d’autres États membres devait montrer que la profession correspondante n’implique pas ou peu d’activités juridiques, cela ne préjudicie en rien de la qualification de la profession concernée en France.

124. Cela résulte, d’une part, de l’histoire de cette profession, c’est-à-dire de ses origines. La profession de commissaire-priseur date de la Révolution française. Cette évolution historique explique pourquoi – contrairement à ce qui est le cas dans d’autres pays – cette profession fait l’objet d’une réglementation spécifique en France et pourquoi elle exige une connaissance précise du droit français et englobe une activité de conseil juridique.

125. Toutefois, à la suite d’une procédure en manquement de la Commission contre la République française qui concernait le monopole de cette profession sur la réalisation des ventes aux enchères publiques en France, la profession de commissaire-priseur a été scindée en deux: la profession de commissaire-priseur judiciaire et celle de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Ce dernier dirige donc uniquement les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. En revanche, les ventes forcées, définies comme des ventes prescrites par la loi ou faites par autorité de justice, restent l’apanage des commissaires-priseurs judiciaires. Bien entendu, la réglementation française ne s’explique pas uniquement par l’histoire. C’est ce que montrent les attributions qui sont encore liées à l’exercice de cette profession, et que nous détaillerons ci-après.

126. Mais relevons tout d’abord que la soumission à des règles professionnelles et la responsabilité (disciplinaire) qui y est liée ne suffisent pas à rendre applicable la disposition dérogatoire en litige. Sont également insuffisantes à cet égard l’exigence de connaissances spécialisées poussées et l’activité de conseil qui y est liée. La simple connaissance de dispositions juridiques et leur respect, en particulier en droit civil, ne suffit pas non plus. La condition tient plutôt à ce que la fourniture corrélative de conseils représente une partie de l’activité professionnelle en cause.

127. Il résulte des pièces du dossier que le directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques conseille et assiste chacune des parties contractantes, à savoir l’acheteur et le vendeur. Il lui appartient notamment d’informer les parties de l’état du droit en ce qui concerne la protection des biens culturels. En outre, il doit informer le vendeur sur les problèmes juridiques qui sont susceptibles de se poser relativement à l’origine du bien. S’ajoute à cela une obligation de renseignement sur le droit de la propriété intellectuelle, sur le droit fiscal, en particulier en ce qui concerne la TVA, ainsi que sur le droit des assurances sous l’angle du transport du bien.

128. En ce qui concerne la vente aux enchères, le directeur est tenu d’expliquer les questions juridiques relatives au droit de préemption de l’État, d’organiser la vente à défaut de paiement par l’adjudicataire et de dresser le procès-verbal de la vente aux enchères, lequel a des effets juridiques.

129. L’importance de la partie juridique de l’activité en cause, que nous venons de mettre en exergue, se traduit par le fait que l’article 56 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 (21), place cette profession au rang des professions juridiques.

130. Dès lors, nous considérons comme exagéré le reproche fait à la République française d’avoir qualifié, de manière contraire au droit communautaire, la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, de «profession impliquant la fourniture de conseils juridiques» à l’occasion de la transposition de la directive et d’avoir ainsi fait une utilisation abusive de la disposition dérogatoire (22).

131. D’autre part, il convient de bien garder à l’esprit l’objectif réel de ces directives, qui n’est pas, contrairement à ce qui est le cas pour de nombreuses directives sectorielles, d’harmoniser les législations nationales en matière d’organisation des professions, mais de garantir une reconnaissance mutuelle des diplômes. Cette reconnaissance est bien entendu subordonnée à certaines conditions lorsque les formations nationales diffèrent et que cette différence influe sur l’exercice de la profession dans l’État membre d’accueil. Les directives garantissent en outre le respect du système juridique de chaque État membre qui présente souvent – comme c’est ici le cas pour la République française – de fortes particularités historiques et culturelles. Comme les directives donnent à tout État membre le droit de définir les activités relevant de chaque profession, il serait contraire à l’objectif des directives de comparer la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à des professions similaires existant dans d’autres États membres pour en faire, aux fins du droit communautaire, une profession unique de commissaire-priseur qui servirait de référence aux professions nationales analogues.

132. La disposition française litigieuse concernant la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques s’est développée historiquement et juridiquement comme une partie particulière et autonome du droit français de l’organisation des professions et doit être acceptée en tant que telle.

E –    Conclusion intermédiaire

133. Il convient par conséquent de répondre à la seconde question que la profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, conformément aux dispositions juridiques nationales applicables au principal, doit être qualifiée de profession impliquant la fourniture de conseils juridiques au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, de la directive 92/51.

VI – Conclusion

134. Par ces motifs, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles qui lui ont été déférées:

«1)      La directive 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, qui complète la directive 89/48/CEE, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’applique à l’activité de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, telle que régie par le droit français, lorsque:

–        cette profession n’est pas réglementée au Royaume-Uni et que le demandeur remplit les conditions fixées à l’article 3, premier alinéa, sous b), de cette directive ou

–        lorsqu’un diplôme au sens de cette directive est prescrit au Royaume-Uni pour accéder à cette profession.

Il appartient au juge national de vérifier si ces conditions sont réunies dans le litige dont il est saisi au principal.

2)      La profession de directeur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, conformément aux dispositions juridiques nationales applicables au principal, doit être qualifiée de profession impliquant la fourniture de conseils juridiques au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, de la directive 92/51.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 209, p. 25.


3 – JO L 19, p. 16.


4 – JO L 255, p. 22.


5 – Arrêts du 1er février 1996, Aranitis (C-164/94, Rec. p. I-135, points 18 et 33), et du 8 juillet 1999, Fernández de Bobadilla (C-234/97, Rec. p. I-4773, point 16).


6 – Arrêts précités Aranitis, point 19 et Fernández de Bobadilla, point 17.


Voir, également, sur ce point arrêt du 7 octobre 2004, Commission/France (C‑402/02, non publié au Recueil), concernant la qualification de profession réglementée sur la base des dispositions réglementant l’accès à une profession.


7 – Voir, à cet égard, Schneider, H., Die Anerkennung von Diplomen und der Europäischen Gemeinschaft, 1995, p. 239.


8 – Voir, sur ce cas de figure, Wasmeier, M., «Aktuelle Fragen im Zusammenhang mit der Anerkennung von Berufsabschlüssen», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 1999, p. 746 (749).


9 – C- 340/89, Rec. p. I-2357.


10 – Voir rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant l’application de la directive 92/51 conformément à l’article 18 de la directive 92/51 [COM(2000)17 final, points 201 et suiv.].


11 – C-313/01, Rec. p. I-13467, point 54.


12 – Voir Schneider (cité note 7), p. 172 et suiv.; Regelin, S., «Berufliche Befähigungsnachweise und ihre Anerkennung», dans Oetker et Preis (éd.), Europäisches Arbeits- und Sozialrecht, p. 49, ainsi que Müller-Bernhardt, U., «Anerkennung von Hochschuldiplomen im Gemeinschaftsrecht», Recht der Jugend und des Bildungswesens, 1989, p. 130, 134.


13 – C-285/01, Rec. p. I-8219.


14 – Cinquième considérant de la directive 92/51.


15 – Arrêts du 14 décembre 2000, Fazenda Pública (C-446/98, Rec. p. I-11435, point 23), et Burbaud (précité note 13, point 58).


16 – Arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra (C-379/98, Rec. p. I-2099, point 39); du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C-390/99, Rec. p. I-607, point 19); du 27 février 2003, Adolf Truley (C-373/00, Rec. p. I-1931, points 22 et suiv.), et du 5 février 2004, Schneider (C-380/01, Rec. p. I-1389, point 22).


17 – Voir, en particulier, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I‑4921, point 59); PreussenElektra (précité note 16, point 38); Canal Satélite Digital (précité note 16, point 18), et du 10 décembre 2002, der Weduwe (C-153/00, Rec. p. I-11319, point 31).


18 – Voir, à cet égard, Schneider (cité note 7), p. 195.


19 – Idem, p. 197.


20 – Décision concernant la position commune du Conseil au sujet de la proposition de la Commission en vue de l’adoption d’une directive relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JO 1988, C 309, p. 44).


21 – JORF du 5 janvier 1972, p. 131.


22 – Voir Pertek, J., «Free movement of professionals and recognition of higher‑education diplomas», Yearbook of European Law, vol. 12 (1992), p. 293, 320.