Language of document : ECLI:EU:T:2000:260

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 novembre 2000 (1)

«Fonctionnaires - Agents temporaires - Affectation dans un pays tiers - Rémunération - Fixation d'un coefficient correcteur spécifique pour la ville de Naka (Japon) - Effet rétroactif - Récupération du trop-perçu»

Dans l'affaire T-158/98,

Bernard Bareyt, Ivone Benfatto, Denis Bessette, Giuliano Dalle Carbonare, Enrico Di Pietro, Barry John Green, Remmelt Haange, Michel Huguet, Marcus Iseli, Cornelis Jorg, Neil Mitchell, Pier Luigi Mondino, Alfredo Portone, Carlo Sborchia, Alessandro Tesini, Mike Michael Wykes, agents temporaires de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Naka (Japon),

représentés par Me N. Lhoëst, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Becker et Cahen, 3, rue des Foyers,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Valsesia, conseiller juridique principal, et Mme F. Clotuche-Duvieusart, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l'Union européenne, représenté par Mmes C. Strömholm et T. Blanchet, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. E. Uhlmann, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie intervenante,

ayant pour objet des demandes visant à l'annulation des bulletins de rémunération des requérants pour le mois de novembre 1997 et pour les mois subséquents en ce qu'ils font application du coefficient correcteur spécifique fixé pour la ville de Naka par le règlement (CECA, CE, Euratom) n° 1785/97 du Conseil, du 11 septembre 1997, portant fixation des coefficients correcteurs applicables à partir du 1er janvier 1997 aux rémunérations des fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans les pays tiers (JO L 254, p. 1), ainsi qu'à la condamnation de la Commission à rembourser aux requérants les montants retenus sur leur traitement à titre de récupération du trop-perçu et à leur payer la différence entre le traitement calculé sur la base du coefficient correcteur fixé pour Tokyo (Japon) et celui qui leur a été versé à partir du mois de novembre 1997 sur la base du coefficient correcteur spécifique,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, J. Azizi et A. Potocki, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 5 avril 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    Les requérants sont des agents temporaires de la Commission, affectés au centre Iter Eda, Naka Joint Work Site, à Naka au Japon. Conformément à leur contrat d'engagement, les dispositions de l'annexe X du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), qui contient des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans un pays tiers, leur sont applicables.

2.
    Les requérants perçoivent, à leur demande, une partie (entre 80 et 95 %) de leur rémunération en monnaie de leur pays d'affectation, conformément à l'article 12, premier alinéa, de l'annexe X du statut.

3.
    À partir du mois de juillet 1995, le texte suivant figurait sur les bulletins de rémunération du personnel de la Commission dans les pays tiers:

«Les coefficients correcteurs et taux de change qui seront fixés avec effet au 1.7.95 pourraient entraîner des ajustements rétroactifs (positifs ou négatifs) de la rémunération reprise sur ce bulletin. En conséquence, ces ajustements conduiront à des rappels en cas de hausse ou à des récupérations du trop-perçu en cas de baisse à partir du 1.7.1995.»

4.
    Jusqu'au 31 décembre 1996, le coefficient correcteur applicable aux rémunérations des fonctionnaires affectés au Japon a été fixé sur la base du coût de la vie à Tokyo.

5.
    En 1993, l'Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) a effectué une enquête «spatiale» de prix («place to place») en vue d'établir un coefficient correcteur spécifique pour Naka.

6.
    Ensuite, Eurostat a préparé une proposition de coefficient correcteur spécifique pour cette ville, qui a été reprise par la Commission dans sa proposition du 18 décembre 1995, visant à la fixation des coefficients correcteurs avec effet au 1er juillet 1994. Cette proposition a toutefois été retirée, eu égard à la contestation du personnel affecté sur place.

7.
    Au mois d'octobre 1995, une nouvelle enquête «spatiale» a été effectuée à Naka (ci-après l'«enquête de 1995»), parallèlement à une enquête effectuée à Tokyo. Deux enquêtrices locales et deux consultantes d'EuroCost, une association sans but lucratif de droit luxembourgeois, créée par la Commission, ayant pour principale activité le calcul des coefficients correcteurs, ont participé à l'enquête de 1995, à laquelle il a été consacré au total 20 jours de travail. Les enquêtrices, qui ontégalement effectué l'enquête à Tokyo, étaient épouses de diplomates et vivaient dans cette ville depuis deux ans. Les enquêtrices et les consultantes étaient assistées par des interprètes et par l'épouse d'un membre du personnel communautaire affecté à Naka qui les a notamment conduites à différents points de vente. L'enquête de 1995 a confirmé les résultats de l'enquête effectuée en 1993.

8.
    Sur la base de l'enquête de 1995, un coefficient correcteur spécifique pour Naka a été fixé, pour la première fois, par le règlement (CECA, CE, Euratom) n° 1785/97 du Conseil, du 11 septembre 1997, portant fixation des coefficients correcteurs applicables à partir du 1er janvier 1997 aux rémunérations des fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans les pays tiers (JO L 254, p. 1). Il s'élevait à 121,52, alors que le coefficient correcteur fixé pour Tokyo par le même règlement était de 147,82.

9.
    Les coefficients correcteurs pour Naka et pour Tokyo ont ensuite évolué comme suit:

                             Naka        Tokyo

à partir du:            1.7.1997        134,18        163,31

                1.1.1998        125,54        152,80

                1.7.1998        133,26        139,35

Les deux coefficients correcteurs cités à la dernière ligne ci-dessus ont été fixés par le règlement n° 342/1999, du 15 février 1999, portant fixation des coefficients correcteurs applicables à partir du 1er juillet 1998 aux rémunérations des fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans des pays tiers (JO L 43, p. 1) sur la base d'une nouvelle enquête qui s'est déroulée à Naka en 1998.

10.
    L'article 2, troisième et quatrième alinéas, du règlement n° 1785/97 prévoit la récupération du trop-perçu de rémunération dans les termes suivants:

«Pour la période comprise entre le 1er janvier 1997 et la date de la décision du Conseil fixant les coefficients correcteurs applicables à partir du 1er janvier 1997, les institutions procéderont aux ajustements rétroactifs négatifs des rémunérations en cas de baisse due à ces coefficients correcteurs.

Ces ajustements rétroactifs impliquant une récupération du trop-perçu ne pourront, toutefois, porter que sur une période de six mois au maximum précédant la décision de fixation, et cette récupération pourra s'étaler sur une période de douze mois au maximum à compter de la date de ladite décision.»

11.
    Depuis le mois de novembre 1997, la rémunération versée aux requérants est calculée sur la base du coefficient correcteur spécifique pour Naka.

12.
    En octobre 1997, la Commission a adressé à chacun des requérants une note l'avertissant de l'adaptation des coefficients correcteurs et indiquant le montant quiserait retenu sur son salaire à titre de récupération du trop-perçu, ainsi que les modalités de cette récupération. Cette dernière a été répartie sur douze mois, de décembre 1997 à novembre 1998.

13.
    Une copie des données relevées à Naka lors de l'enquête de 1995 a été laissée sur place pour le cas où les originaux seraient perdus lors de leur transmission en Europe. Les requérants ont eu accès à ces données.

14.
    Les requérants ont, en outre, obtenu, à plusieurs reprises, des explications d'Eurostat et de la Commission. Le 12 juin 1997, Eurostat a adressé une lettre d'explication à la Commission, à laquelle étaient jointes, notamment, des indications concernant les huit groupes principaux de produits et de services pris en compte ainsi que les pondérations appliquées aux prix de ces derniers et les parités des positions élémentaires, correspondant à différents types de produits. Eurostat a également procédé à différentes simulations à propos des pondérations appliquées et, le 31 octobre 1997, un rapport a été établi concernant le coefficient correcteur pour Naka. De plus, il y a eu des contacts informels et des réunions d'information avec l'administration auxquelles certains requérants et des représentants du personnel ont participé.

15.
    Le 30 janvier 1998, les requérants ont introduit une réclamation collective, par laquelle ils ont demandé à la Commission de:

-    constater l'illégalité du règlement n° 1785/97;

-    leur rembourser la récupération du trop-perçu opérée sur leur traitement en raison de l'application du coefficient correcteur spécifique pour Naka fixé par ce règlement;

-    leur rembourser la diminution de traitement imposée depuis le mois de novembre 1997 en raison de l'application de ce coefficient correcteur;

-    verser des intérêts de retard sur les sommes qui leur seront remboursées.

16.
    Cette réclamation a fait l'objet d'un rejet explicite par décision du 15 mai 1998.

17.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 1998, les requérants ont formé le présent recours.

18.
    Par ordonnance du 22 mars 1999, le Conseil a été admis à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission.

19.
    Par décision du Tribunal du 6 juillet 1999, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle l'affaire a, par la suite, été attribuée.

20.
    La procédure écrite s'est terminée le 16 juillet 1999.

21.
    Par lettre adressée au Tribunal en date du 14 septembre 1999, les requérants ont fait des remarques sur deux documents qui leur étaient parvenus après le dépôt de la duplique et ont produit ces documents. Le 13 octobre 1999, la Commission a présenté ses observations sur cette lettre.

22.
    Le juge M. Meij étant empêché de siéger pour l'examen de l'affaire, le président du Tribunal a décidé, le 22 février 2000, de le remplacer par le juge M. Azizi.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre), a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 5 avril 2000.

Conclusions des parties

24.
    Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission du 15 mai 1998 portant rejet de leur réclamation;

-    annuler leurs bulletins de rémunération du mois de novembre 1997 et des mois subséquents qui font application du coefficient correcteur adopté par le règlement n° 1785/97, en ce compris les bulletins de rémunération des mois durant lesquels l'administration a procédé à une récupération du trop-perçu;

-    par conséquent et pour autant que de besoin:

    -    constater l'inapplicabilité du règlement n° 1785/97;

    -    condamner la Commission à leur rembourser la récupération du trop-perçu qu'elle a opérée sur leur traitement à partir du mois de mai 1997;

    -    condamner la Commission à leur rembourser la diminution du traitement qu'elle leur a imposée à partir du mois de novembre 1997;

    -    condamner la Commission au paiement des intérêts de retard sur les sommes qu'elle sera condamnée à rembourser, à dater de leur retrait;

-    condamner la Commission aux dépens.

25.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme étant non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

26.
    Le Conseil se rallie aux conclusions de la Commission.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

27.
    La Commission fait valoir que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation sont irrecevables, une telle décision ne constituant pas, prise isolément, un acte attaquable.

28.
    De même, les chefs des conclusions des requérants visant à obtenir la condamnation de la Commission au remboursement de diverses sommes et au paiement d'intérêts moratoires sur celles-ci seraient irrecevables. La Commission souligne que le juge communautaire ne saurait adresser à l'administration des injonctions dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut, ni faire des déclarations de principe, et rappelle que l'article 176 du traité CE (devenu article 223 CE) oblige l'institution concernée à prendre les mesures que comporte l'exécution d'un arrêt d'annulation. La Commission ajoute que le Tribunal ne saurait déterminer, dans le cadre d'un contrôle de légalité, les conséquences pécuniaires d'une éventuelle annulation, sous peine de priver l'institution d'une de ses prérogatives et de sa marge d'appréciation dans l'exécution de l'arrêt, notamment dans un domaine comme celui des coefficients correcteurs qui implique une série d'évaluations statistiques.

29.
    Les requérants font valoir que le juge communautaire a une compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire.

Appréciation du Tribunal

30.
    Il est de jurisprudence constante qu'un recours formellement dirigé contre le rejet de la réclamation d'un fonctionnaire a pour effet de saisir le juge communautaire de l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T-156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509, point 23). Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de rejeter comme irrecevable le chef des conclusions visant à annuler «pour autant que de besoin» la décision de rejet des réclamations des requérants.

31.
    Pour ce qui est des conclusions visant à obtenir le remboursement de certaines sommes et le paiement d'intérêts moratoires, il y a lieu de relever que le présent litige est de caractère pécuniaire, de sorte que le Tribunal dispose d'une compétence de pleine juridiction, conformément à l'article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut. Dès lors, il est compétent pour condamner l'institution défenderesse, le cas échéant, au paiement d'un montant déterminé et augmentéd'intérêts moratoires (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T-130/96, RecFP p. I-A-351 et II-1017, points 39 et 40). Par conséquent, les demandes des requérants visant à obtenir le versement de certains montants et des intérêts moratoires sont recevables.

32.
    Les difficultés invoquées par la Commission pour ce qui est du calcul des montants qui devraient être versés aux requérants en cas d'annulation de leurs bulletins de rémunération pour le mois de novembre 1997 et les mois subséquents sont liées aux motifs d'une éventuelle annulation desdits bulletins. Elles relèvent donc, le cas échéant, du fond du litige.

Sur le fond

33.
    Les requérants contestent, d'une part, l'application du coefficient correcteur spécifique pour la ville de Naka au calcul de leur rémunération à partir du mois de novembre 1997 et, d'autre part, son application rétroactive et la récupération, à titre de trop-perçu, d'une partie du salaire qui leur a été versé sur la base des anciens coefficients correcteurs.

34.
    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que les arguments des parties portant sur la question de savoir si la Commission peut justifier les actes attaqués au motif qu'elle était liée par le règlement n° 1785/97 sont sans incidence pour la solution du litige, étant donné que les requérants excipent de l'illégalité de ce règlement. Dans ces conditions, le Tribunal est compétent pour déclarer inapplicable l'acte dont l'illégalité a été excipée et pour annuler les actes individuels de la Commission qui en font application, indépendamment de l'obligation de cette dernière d'appliquer la réglementation litigieuse.

Sur l'application du coefficient correcteur spécifique

35.
    Les requérants invoquent deux moyens à l'encontre de l'application du coefficient correcteur spécifique pour Naka à leur rémunération. Dans le cadre du premier moyen, ils soulèvent une exception d'illégalité au titre de l'article 184 du traité CE (devenu article 241 CE) à l'égard du règlement n° 1785/97. Le second moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation, prévue à l'article 25, paragraphe 2, du statut.

Sur le moyen tiré de l'illégalité du règlement n° 1785/97

- Arguments des parties

36.
    Les requérants invoquent trois griefs à l'appui de leur exception d'illégalité. Dans le cadre du premier grief, ils font valoir que la fixation du coefficient correcteur pour Naka par le règlement n° 1785/97 est entachée d'erreurs matérielles et d'erreurs manifestes d'appréciation. Ils reprochent à la Commission le manque d'expérience et de compétence des personnes ayant effectué l'enquête de 1995. Denombreuses erreurs auraient été commises soit par ignorance, soit par négligence. Les requérants en donnent quatre exemples.

37.
    En premier lieu, ils critiquent le choix des points de vente visités par les enquêtrices en ce que, notamment, celles-ci se seraient rendues, à Naka, dans des magasins fréquentés quasi exclusivement par des consommateurs locaux et, à Tokyo, dans des établissements fréquentés par des expatriés.

38.
    Les requérants font valoir, en deuxième lieu, que les enquêtrices ont relevé, pour chaque produit, un nombre de prix beaucoup plus élevé à Tokyo qu'à Naka.

39.
    En troisième lieu, une erreur manifeste aurait été commise concernant le café. En particulier, pour Naka, seuls les prix des paquets de café japonais auraient été pris en considération. Or, ces paquets coûteraient environ 498 yen japonais (JPY) à Tokyo et à Naka, tandis que les prix des paquets de café en provenance d'autres États, tels que la France, l'Italie, les Pays-Bas ou les États-Unis, varieraient entre 900 et 1 200 JPY aux deux endroits. Les requérants relèvent que la parité fixée pour le café, qui constitue non seulement une position élémentaire, mais également un important produit de consommation, est environ 10 % plus élevée à Tokyo qu'à Naka, alors que cette différence n'est pas justifiée par le niveau des prix aux deux endroits.

40.
    Une quatrième erreur résulte, selon les requérants, du fait que les enquêtrices ont comparé des produits qui n'étaient pas comparables, parce qu'ils étaient de qualité ou de provenance différentes. Cette erreur concernerait plus particulièrement les meubles.

41.
    Les requérants font également valoir que la Commission n'a pas tenu compte du prix du transport qu'ils sont obligés de supporter pour tous les produits qui ne sont pas disponibles à Naka et qu'ils ne peuvent se procurer qu'à Tokyo. Ils estiment que l'indemnité de conditions de vie ne couvre pas tous les frais qui sont liés à l'isolement du lieu d'affectation des fonctionnaires.

42.
    Les requérants soutiennent, en outre, que le résultat de l'enquête de 1995 est très différent de celui des enquêtes réalisées par le bureau des statistiques japonais pour la ville de Mito, proche de Naka.

43.
    Les requérants déduisent de l'ensemble de ces éléments que le coefficient correcteur fixé pour Naka est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Les requérants estiment que cela est corroboré par la dernière enquête réalisée par Eurostat, sur la base de laquelle le coefficient correcteur applicable pour Naka à partir du 1er juillet 1998 a été fixé. En effet, la différence entre ce coefficient et celui pour Tokyo ne s'élève qu'à 4,5 %. Les requérants invoquent les documents produits en annexe à leur lettre du 14 septembre 1999 pour souligner la validité des résultats de cette dernière enquête.

44.
    Au titre du deuxième grief, les requérants invoquent une violation du principe d'égalité de traitement. Ils font valoir qu'il n'y a pas de grandes variations entre le coût de la vie à Tokyo et à Naka et que la différence de rémunération de 18 % résultant de l'écart entre les coefficients correcteurs pour ces deux villes est contraire au principe d'égalité de traitement et à l'équivalence du pouvoir d'achat aux différents lieux d'affectation. Ils contestent l'affirmation, faite par la Commission dans la réponse à leur réclamation, selon laquelle le personnel affecté à Naka aurait demandé la fixation d'un coefficient correcteur spécifique. Selon eux, il ressort du premier des documents produits en annexe à leur lettre du 14 septembre 1999 que l'adoption d'un coefficient correcteur spécifique pour Naka relève d'une initiative unilatérale de l'administration.

45.
    Par leur troisième grief, les requérants font valoir que la baisse du coefficient correcteur pour Naka introduite par le règlement n° 1785/97 constitue une atteinte inadmissible à leur droit à une rémunération stable et prévisible. Ils soulignent, à cet égard, le niveau des coefficients correcteurs pour le Japon au moment de leur engagement et reprochent à l'administration de ne pas les avoir prévenus de ce que ces coefficients seraient revus d'une manière drastique à la baisse et de ce qu'un coefficient correcteur spécifique pour Naka serait établi.

46.
    La Commission rappelle, liminairement, que le coefficient correcteur visé à l'article 12 de l'annexe X du statut vise à assurer dans toute la mesure du possible le maintien du pouvoir d'achat des fonctionnaires ou agents, indépendamment de leur lieu d'affectation, au même niveau que celui qu'ils continueraient à avoir s'ils étaient en poste à Bruxelles. Elle rappelle que, lorsque la situation dans un lieu d'affectation distinct de la capitale justifie l'élaboration d'un coefficient correcteur spécifique, l'institution a l'obligation d'établir celui-ci.

47.
    La Commission est d'avis que les requérants n'ont établi aucune erreur pouvant affecter la validité du coefficient correcteur fixé pour Naka et, en tout état de cause, qu'il n'existe aucune erreur manifeste d'appréciation dans la détermination de celui-ci.

48.
    L'enquête de 1995 se serait déroulée dans des conditions normales. La Commission souligne que les consultantes d'Eurocost qui y ont participé avaient une compétence certaine en matière de comparaison des prix dans différents États, domaine statistique très particulier et spécialisé.

49.
    Quant aux différences de prix relevées par les requérants, la défenderesse est d'avis qu'elles ne démontrent pas nécessairement qu'Eurostat a commis des erreurs. En outre, une erreur sur les prix d'un sous-groupe de produits n'aurait pas d'incidence au niveau global, compte tenu du grand nombre de positions élémentaires qui sont prises en compte.

50.
    En ce qui concerne l'argument tiré par les requérants des résultats des enquêtes effectuées par le bureau des statistiques japonais, la Commission souligne que laméthode d'Eurostat ne permet que des comparaisons entre un lieu d'affectation déterminé et Bruxelles. Elle reconnaît l'expérience du bureau des statistiques japonais pour le marché japonais, mais relève qu'il n'a aucune pratique des comparaisons internationales, pour lesquelles Eurostat jouit d'une réelle compétence. Elle estime que les statistiques établies par ce bureau et celles d'Eurostat ne sont pas comparables, étant donné que les enquêtes japonaises se réfèrent à la population indigène qui a des habitudes de consommation différentes de celles du personnel des institutions.

51.
    Quant aux résultats de la dernière enquête effectuée à Naka par Eurostat en 1998, la Commission fait observer que la collecte des prix s'est effectuée sous l'influence du personnel affecté à Naka. Il s'en serait suivi des distorsions (entraînant, par exemple, une augmentation très importante du facteur alimentation) qui auraient poussé Eurostat à émettre formellement des réserves sur la fiabilité des résultats obtenus. Faute de moyens pour refaire une nouvelle enquête, la proposition de la Commission sur cette base aurait néanmoins suivi son cours. Il ne saurait donc être déduit des données obtenues en 1998 que les relevés statistiques de 1995 étaient manifestement erronés.

52.
    Pour ce qui est du grief tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement, la Commission fait valoir que le coût de la vie n'est pas le même à Naka et à Tokyo.

53.
    Quant au troisième grief, tiré d'une violation du droit à une rémunération stable et prévisible et, partant, du principe de protection de la confiance légitime, la Commission se réfère à la jurisprudence du Tribunal selon laquelle les fonctionnaires ne sauraient soutenir que l'administration leur a donné des espérances fondées quant à l'application d'une méthode statistique déterminée ou à une augmentation automatique des rémunérations dans le cadre des adaptations et des révisions de coefficients correcteurs.

54.
    Le Conseil, partie intervenante, souligne la fiabilité des méthodes d'Eurostat. Il estime qu'il serait contraire au principe d'égalité de traitement de ne pas respecter les résultats des enquêtes effectuées par celui-ci. Par ailleurs, le Conseil se rallie aux arguments avancés par la Commission à l'égard de la fixation des nouveaux coefficients correcteurs.

- Appréciation du Tribunal

55.
    Il convient de relever, à titre liminaire, qu'il est de jurisprudence constante, en matière de coefficients correcteurs applicables à la rémunération des fonctionnaires et agents affectés à l'intérieur des États membres, qu'il appartient au Conseil de constater s'il existe une différence sensible du coût de la vie entre les différents lieux d'affectation, et, le cas échéant, d'en tirer les conséquences (voir, notamment, arrêts de la Cour du 6 octobre 1982, Commission/Conseil, 59/81, Rec. p. 3329, point 32, et du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, C-301/90, Rec. p. I-221, point24). À cet égard, il y a lieu d'ajouter que le Conseil ne dispose d'aucune marge d'appréciation quant à la nécessité d'introduire un coefficient correcteur spécifique pour un lieu d'affectation si le coût de la vie y est sensiblement moins élevé que dans la capitale (voir arrêt de la Cour du 5 octobre 1999, Apostolidis e.a./Commission, C-327/97 P, Rec. p. I-6709, point 26). Cette jurisprudence vise à mettre en oeuvre le principe d'égalité de traitement, dont le principe de l'équivalence du pouvoir d'achat est une expression. Or, les principes d'égalité de traitement et d'équivalence du pouvoir d'achat sont également à la base de la fixation des coefficients correcteurs pour les pays tiers. Il s'ensuit que les principes établis par la jurisprudence susmentionnée pour les fonctionnaires et agents affectés à l'intérieur des États membres sont transposables au personnel communautaire en poste dans les pays tiers.

56.
    La légalité du règlement n° 1785/97 ne saurait donc être mise en cause par le point de savoir si le coefficient correcteur spécifique pour Naka a été établi à la suite d'une demande du personnel affecté à ce lieu ou si la Commission l'a proposé d'office.

57.
    Ensuite, il y a lieu de relever que l'appréciation du juge communautaire, en ce qui concerne la définition et le choix des données de base et des méthodes statistiques utilisées par Eurostat pour l'établissement des propositions de fixation des coefficients correcteurs doit se limiter à contrôler le respect des principes énoncés par les dispositions du statut, l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation des faits et l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T-544/93 et T-566/93, RecFP p. I-A-271 et II-815, point 56). Dans le même arrêt, il a été jugé, à l'égard des dispositions des articles 64 et 65 et de l'annexe XI du statut, régissant la fixation des coefficients correcteurs pour les fonctionnaires affectés dans les différents États membres, que le libellé de ces dispositions ainsi que le degré de complexité de la matière impliquent que le Conseil dispose d'une large marge d'appréciation quant aux facteurs et éléments à prendre en considération lors de l'adaptation des rémunérations des fonctionnaires communautaires (point 53 de l'arrêt).

58.
    Une telle marge d'appréciation existe également pour ce qui est de la fixation des coefficients correcteurs pour les pays tiers, conformément à l'article 13 de l'annexe X du statut.

59.
    Il convient d'examiner, à la lumière de ces principes, les critiques avancées par les requérants à l'égard de l'enquête de 1995.

60.
    Pour ce qui est, d'abord, du reproche selon lequel les personnes chargées de l'enquête de 1995 ne connaissaient pas Naka auparavant, cette circonstance ne suffit pas pour démontrer que les résultats de cette enquête n'étaient pas valables. En effet, il paraît légitime pour Eurostat de considérer que la compétence en matière de comparaison des prix dans différents États et la connaissance desmarchés japonais et européen étaient plus importantes que la connaissance du marché local à Naka.

61.
    Les allégations générales des requérants à l'égard des conditions dans lesquelles s'est déroulée l'enquête de 1995 ne permettent donc pas d'établir que les résultats de cette dernière sont entachés d'erreurs manifestes.

62.
    Quant aux reproches tirés d'erreurs spécifiques, il convient d'examiner, en premier lieu, celui relatif au choix des magasins par les enquêtrices. À cet égard, l'allégation des requérants selon laquelle les enquêtrices ne se seraient pas rendues dans un supermarché fréquenté par le personnel du centre Iter Eda, qui leur aurait été indiqué, n'établit pas l'existence d'une telle erreur. En effet, les requérants ont déduit cette omission du fait que les prix de nombreux produits normalement disponibles dans ce supermarché, et notamment celui du paquet de café Lavazza, n'ont pas été relevés dans le cadre de l'enquête de 1995. La Commission a expliqué à ce sujet, sans être contredite par les requérants, que deux supermarchés de la même chaîne ont été visités et que l'article en question n'y était probablement pas disponible au moment précis de l'enquête. À la lumière de cette explication, le fait que le prix de cet article n'a pas été relevé ne suffit pas, en l'absence d'autres indications concrètes des requérants, pour considérer que le choix des magasins visités par les enquêtrices était erroné.

63.
    En deuxième lieu, le reproche selon lequel les enquêtrices auraient surtout visité, à Naka, des magasins fréquentés par les consommateurs locaux, alors qu'elles auraient choisi, à Tokyo, les établissements pour expatriés, où les prix étaient plus élevés, ne permet pas non plus d'établir une erreur manifeste à l'égard du choix des lieux de vente. En effet, il convient de tenir compte, dans le cadre d'une telle enquête, des prix dans les magasins qui se trouvent au lieu d'affectation et qui sont susceptibles d'être fréquentés par le personnel communautaire. L'absence de magasins pour expatriés avec un niveau de prix plus élevé, au lieu d'affectation, a des répercussions sur le coût de la vie à cet endroit. Aussi longtemps que des produits comparables aux produits disponibles en Europe, et notamment à Bruxelles, peuvent y être trouvés, il n'est pas injustifié qu'une telle différence du coût de la vie se reflète au niveau du coefficient correcteur. Il convient d'ajouter, ainsi que la Commission l'a souligné à juste titre, qu'il est important que les produits soient comparables, mais que leur origine n'est pas déterminante à cet égard. Enfin, la Commission a affirmé, sans être contredite par les requérants, que les prix relevés à Naka ont été complétés pour certaines positions élémentaires, pour lesquelles des produits comparables n'étaient pas disponibles à Naka, par des prix relevés à Tokyo. Dans ces conditions, la thèse des requérants selon laquelle une erreur manifeste aurait été commise quant au choix des magasins visités par les enquêtrices n'est pas fondée.

64.
    Les requérants n'ont pas non plus établi l'existence d'une erreur manifeste dans le fait que les enquêtrices ont relevé pour chaque produit un nombre de prix plusélevé à Tokyo qu'à Naka. Ils font essentiellement valoir que les variations de prix pour les mêmes produits seraient similaires dans les deux villes. Les requérants n'ont cependant pas démontré que les prix relevés à Naka n'étaient pas représentatifs pour les produits que le personnel du centre Iter Eda est susceptible d'acheter, ni que les produits concernés n'étaient pas comparables à ceux disponibles à Bruxelles.

65.
    Pour ce qui est, en troisième lieu, de l'erreur manifeste concernant le prix du café, il convient de relever que cette prétendue erreur a eu pour effet, selon les indications des requérants, que la parité fixée pour ce produit était plus élevée, de 10 % environ, à Tokyo qu'à Naka. À cet égard, la circonstance que le prix du café importé n'a pas été relevé à Naka ne saurait être de nature à entraîner l'illégalité du règlement litigieux étant donné le très faible impact que l'omission de prendre en considération le prix d'un seul article pour la parité d'un sous-groupe de produits a sur la parité globale et, par conséquent, sur le coefficient correcteur (voir, par analogie, arrêt Abello e.a./Commission, cité au point 57 ci-dessus, point 79).

66.
    En ce qui concerne, en quatrième lieu, la prétendue erreur manifeste concernant le prix des meubles, les requérants reprochent essentiellement aux enquêtrices d'avoir pris en considération, à Naka, le prix de meubles japonais se rapprochant du style européen et, à Tokyo, le prix des meubles européens. À cet égard, il y a lieu de réaffirmer que l'origine des produits n'est pas décisive pour prendre en considération leurs prix, mais que les enquêteurs doivent vérifier si les produits sont comparables à ceux disponibles en Europe et, notamment, à Bruxelles. Or, les requérants n'ont pas contesté que les meubles dont il s'agissait étaient comparables à ceux disponibles à Bruxelles. Par conséquent, il ne saurait être considéré que l'enquête de 1995 était entachée d'une erreur manifeste à cet égard.

67.
    La Commission n'était pas non plus obligée de tenir compte du coût du transport que les agents affectés à Naka doivent supporter pour les produits non disponibles à leur lieu d'affectation et qu'ils ne peuvent se procurer qu'à Tokyo. En effet, le coût du transport de tels biens est compensé par l'indemnité de conditions de vie, prévue par l'article 10, paragraphe 1, de l'annexe X du statut, dont le niveau tient compte, entre autres éléments, du degré d'isolement du lieu d'affectation. Or, la Commission a indiqué, sans être contredite par les requérants, que cette indemnité est plus élevée à Naka qu'à Tokyo.

68.
    Concernant les divergences entre les résultats de l'enquête de 1995 et ceux des autres enquêtes statistiques invoquées par les requérants, à savoir les enquêtes du bureau des statistiques japonais réalisées pour la ville de Mito et l'enquête réalisée par Eurostat à Naka en 1998, elles ne sont pas non plus de nature à démontrer l'existence d'une erreur manifeste dans l'appréciation des faits à la base de la fixation du coefficient correcteur pour Naka par le règlement n° 1785/97.

69.
    En effet, les divergences entre l'enquête effectuée par Eurostat et celles réalisées par le bureau des statistiques japonais peuvent s'expliquer par les différences des méthodes statistiques appliquées et des habitudes de consommation prises en compte.

70.
    Quant aux divergences entre les résultats des enquêtes effectuées à Naka en 1995 et en 1998, il y a lieu, tout d'abord, de considérer que la validité de cette dernière enquête ne saurait être contestée par la Commission, étant donné que celle-ci, malgré les critiques qu'elle avance, a proposé au Conseil de fixer de nouveaux coefficients correcteurs sur cette base. Cependant, les résultats de deux enquêtes statistiques successives peuvent être divergents sans que cela implique nécessairement que l'une des deux soit entachée d'une erreur manifeste.

71.
    Il découle de ce qui précède que le grief tiré d'une violation des principes d'égalité de traitement et d'équivalence du pouvoir d'achat n'est pas non plus fondé, les requérants n'ayant pas établi que la divergence entre les coefficients correcteurs fixés pour Tokyo et pour Naka est le résultat d'une erreur manifeste.

72.
    Par leur troisième grief, tiré d'une atteinte à leur droit à une rémunération stable et prévisible, les requérants invoquent, en substance, une violation du principe de protection de la confiance légitime. Or, il est de jurisprudence constante qu'un fonctionnaire ne peut pas se prévaloir de ce principe pour s'opposer à la légalité d'une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dans lequel il est procédé à une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêt du Tribunal du 22 juin 1994, Di Marzio et Lebedef/Commission, T-98/92 et T-99/92, RecFP p. I-A-167 et II-541, point 68).

73.
    Certes, en l'espèce, la baisse du coefficient correcteur applicable aux rémunérations du personnel communautaire affecté à Naka n'était pas due aux variations de la situation économique depuis la fixation du précédent coefficient, mais à la constatation d'une différence du coût de la vie entre Tokyo et Naka. Cependant, la fixation d'un coefficient correcteur spécifique pour cette dernière ville était nécessaire pour assurer dans toute la mesure possible l'équivalence du pouvoir d'achat des fonctionnaires indépendamment de leur lieu d'affectation, ce qui est, précisément, l'objet des coefficients correcteurs. Dans ces conditions, il ne saurait être jugé que les requérants pouvaient avoir une confiance légitime dans le maintien de coefficients correcteurs qui n'assuraient plus suffisamment l'équivalence du pouvoir d'achat.

74.
    Il y a lieu d'ajouter que les requérants n'ont pas établi, comme l'exige la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Ortega Urretavizcaya/Commission, T-587/93, RecFP p. I-A-349 et II-1027, point 57), que la Commission leur aurait donné des assurances précises de nature à faire naître dans leur esprit des espérances fondées quant à l'application continue à leur rémunération du coefficient correcteur établi pour Tokyo.

75.
    Le moyen tiré de l'illégalité du règlement n° 1785/97, en ce qu'il fixe un coefficient correcteur spécifique pour Naka, n'est donc pas fondé.

Sur la violation de l'obligation de motivation

- Arguments des parties

76.
    Par leur deuxième moyen, les requérants reprochent à la Commission une violation de l'obligation de motivation prévue à l'article 25, deuxième alinéa, du statut. Il font valoir que, à l'exception de la transmission officieuse des données résultant de l'enquête de 1995, la défenderesse ne leur aurait fourni aucun éclaircissement quant à la méthode utilisée, aux pondérations appliquées et aux critères retenus pour le calcul des parités économiques et des nouveaux coefficients correcteurs.

77.
    La Commission relève qu'aucune demande visant à obtenir des informations sur la méthode et sur les pondérations appliquées pour le calcul des parités économiques ne figurait dans la réclamation des requérants, de sorte qu'elle n'y a pas répondu expressément.

- Appréciation du Tribunal

78.
    S'agissant d'une décision par laquelle l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «l'AIPN») fait application d'un acte de portée générale à la situation individuelle d'un fonctionnaire, sans disposer d'aucun pouvoir d'appréciation à cet égard, la motivation peut se borner à une référence à l'acte normatif et à l'indication, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans les circonstances du cas d'espèce, des raisons pour lesquelles l'AIPN estime que les conditions d'application dudit acte à ce fonctionnaire sont remplies. En revanche, l'AIPN n'est pas tenue, au titre de l'article 25, deuxième alinéa, du statut, d'expliquer les raisons ayant motivé l'adoption de l'acte normatif par le législateur communautaire.

79.
    En l'espèce, la décision du 15 mai 1998, portant rejet de la réclamation des requérants, indique clairement que les bulletins de rémunération en cause ont été établis en application du règlement litigieux. Étant donné que les conditions d'application de ce règlement aux rémunérations des requérants ne donnaient lieu à aucun doute, cette motivation doit être considérée comme suffisante.

80.
    Il convient de relever en outre que, comme il résulte de l'exposé des griefs précédemment examinés, les requérants ont disposé, en l'espèce, de nombreuses données concernant les détails de l'enquête de 1995 qui leur ont permis d'obtenir un contrôle juridictionnel incident de la légalité du règlement n° 1785/97.

Sur l'application rétroactive du nouveau coefficient correcteur et sur la récupération d'une partie du traitement

81.
    Sans soulever expressément une exception d'illégalité à l'égard des dispositions du règlement n° 1785/97 qui prévoient une récupération du trop-perçu, les requérants contestent, en substance, tant la légalité de ces dispositions que celle des décisions d'application de la Commission. Ils invoquent, d'une part, une violation de l'article 13 de l'annexe X du statut et, d'autre part, une violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et des droits acquis, des règles régissant la rétroactivité des actes communautaires ainsi que des articles 62 et 85 du statut.

Sur la violation de l'article 13 de l'annexe X du statut

- Arguments des parties

82.
     Les requérants soulignent que l'article 13 de l'annexe X du statut, à la différence des dispositions applicables aux fonctionnaires et agents affectés au sein de l'Union, ne prévoit aucune rétroactivité pour l'application des nouveaux coefficients correcteurs. Ils estiment que cela s'explique par le fait que les fonctionnaires et agents susvisés et le personnel communautaire en poste hors de l'Union se trouvent dans des situations différentes. Les requérants en déduisent que la jurisprudence ayant confirmé la légalité d'une récupération d'un trop-perçu de rémunération dans le cas des fonctionnaires affectés à l'intérieur des Communautés n'est pas applicable en l'espèce.

83.
    La Commission fait observer que la récupération contestée a été effectuée conformément aux dispositions de l'article 2, troisième alinéa, du règlement n° 1785/97. Elle invoque l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1997, Apostolidis e.a./Commission (T-81/96, RecFP p. I-A-207 et II-607, point 96), selon lequel «les requérants ne sauraient prétendre que le Conseil ne peut accorder un effet rétroactif à la fixation d'un nouveau coefficient correcteur que dans le cas où celui-ci conduit à une augmentation des rémunérations déjà perçues, car aucune disposition statutaire ne contient cette limitation». Elle estime que cette jurisprudence est applicable aux coefficients correcteurs pour les lieux d'affectation hors de la Communauté.

84.
    Le Conseil ajoute que l'argument des requérants tiré de l'article 13 de l'annexe X du statut, qui ne prévoit pas d'application rétroactive des nouveaux coefficients correcteurs, n'est pas pertinent, étant donné que le règlement n° 1785/97 a créé un cadre réglementaire spécifique. Il souligne que, en l'espèce, le but recherché par l'adoption du règlement litigieux, à savoir le respect du principe de l'équivalence du pouvoir d'achat, exigeait qu'il soit conféré à ce règlement un effet rétroactif.

- Appréciation du Tribunal

85.
    Les requérants relèvent à juste titre que, à la différence des dispositions du statut concernant la fixation des coefficients correcteurs pour les fonctionnaires affectésà l'intérieur des États membres, l'article 13 de l'annexe X du statut ne prévoit pas expressément que la fixation des nouveaux coefficients correcteurs pour les fonctionnaires affectés dans les pays tiers aura un effet rétroactif.

86.
    Toutefois, le principe d'égalité de traitement impose de faire rétroagir la prise d'effet des nouveaux coefficients correcteurs à la date à laquelle il est constaté que l'équivalence du pouvoir d'achat a cessé (voir arrêt du 23 janvier 1992, Commission/Conseil, cité au point 55 ci-dessus, point 29). Or, le principe d'égalité de traitement, dont celui de l'équivalence du pouvoir d'achat est une expression, est à la base non seulement de l'article 64 du statut, concernant la fixation des coefficients correcteurs à l'intérieur de l'Union, mais également de l'article 13 de l'annexe X du statut relatif à la fixation des coefficients correcteurs pour les pays tiers (voir arrêt du Tribunal du 26 mai 1998, Costacurta/Commission, T-177/96, RecFP p. I-A-225 et II-705, point 47).

87.
    Il s'ensuit que le but à atteindre par la fixation des nouveaux coefficients correcteurs, à savoir le respect du principe d'égalité de traitement, exige que les règlements portant adaptation des coefficients correcteurs pour les pays tiers se voient attribuer un effet rétroactif.

88.
    La mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement implique donc la récupération de la partie de la rémunération versée en plus du montant réellement dû déterminé par l'application rétroactive du nouveau coefficient correcteur.

89.
    Il y a lieu d'ajouter que l'effet rétroactif des nouveaux coefficients correcteurs et la récupération du trop-perçu, sans être prévus expressément par l'annexe X du statut, ne sont pas en contradiction avec celui-ci.

90.
    Il s'ensuit que le grief tiré d'une violation de l'article 13 de l'annexe X du statut n'est pas fondé.

Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et des droits acquis ainsi que des règles régissant la rétroactivité des actes communautaires et des articles 62 et 85 du statut

- Arguments des parties

91.
    Les requérants font valoir que les bulletins de rémunération et les versements des salaires correspondants constituent des engagements fermes que la Commission ne peut pas remettre en question. Ils sont d'avis que le principe de l'équivalence du pouvoir d'achat ne peut pas justifier une atteinte à ce principe.

92.
    Les requérants soulignent que, lors de leur engagement, ils n'ont jamais été informés du fait que leur rémunération pourrait être revue substantiellement à la baisse avec effet rétroactif.

93.
    Les requérants invoquent l'article 62 du statut, selon lequel le fonctionnaire ne peut pas renoncer au droit à sa rémunération. À plus forte raison, il ne saurait être privé de ce droit. Selon les requérants, il s'agit d'une garantie essentielle et fondamentale et d'un principe supérieur à celui de l'égalité de traitement.

94.
    Les requérants estiment en outre que la récupération du trop-perçu de salaire est contraire à l'article 85 du statut, selon lequel la répétition de l'indu n'est possible que si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance. En l'espèce, le versement de la rémunération en application des anciens coefficients correcteurs n'aurait pas été irrégulier. La mention que la Commission a fait imprimer sur les bulletins de rémunération n'aurait aucune valeur juridique. Elle n'aurait pas pu conférer un caractère irrégulier à la rémunération versée dans la mesure où celle-ci correspondait totalement à ce qui était dû au moment de son versement.

95.
    La Commission affirme qu'un coefficient correcteur supérieur au coefficient litigieux ne pouvait être maintenu dès lors qu'il était apparu, après plusieurs enquêtes sur place, que celui-ci ne correspondait plus à la réalité, sous peine de méconnaître le principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires.

96.
    La Commission rejette le grief tiré du non-respect du principe de protection de la confiance légitime en soulignant que les requérants, comme les autres agents et fonctionnaires, ont été avertis du caractère provisoire des rémunérations qui leur étaient versées.

97.
    Le Conseil se rallie aux arguments de la Commission concernant la récupération d'une partie du salaire versé sur la base des anciens coefficients correcteurs.

- Appréciation du Tribunal

98.
    Si, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s'oppose à ce que la portée dans le temps d'un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il est de jurisprudence constante qu'il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l'exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêt de la Cour du 11 juillet 1991, Crispoltoni, C-368/89, Rec. p. I-3695, point 17). Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus (point 87), l'effet rétroactif de la fixation des nouveaux coefficients correcteurs est nécessaire en vue d'assurer l'équivalence du pouvoir d'achat.

99.
    En faisant valoir que la Commission est liée par les bulletins de rémunération une fois ceux-ci établis et par les versements des salaires correspondants, les requérants soutiennent, en substance, que le règlement litigieux ne respecte pas les principes régissant le retrait des actes administratifs ayant créé des droits subjectifs. Cette thèse ne saurait être retenue. En effet, les bulletins de rémunération portent application, dans le cas individuel de chaque fonctionnaire, de la réglementationen matière de rémunération et ne peuvent donc créer de droits subjectifs autres que ceux qui découlent de cette réglementation. Or, en vertu de l'article 12 de l'annexe X du statut, les fonctionnaires affectés dans un pays tiers ayant opté pour le paiement en monnaie du pays d'affectation ont droit, chaque mois, au versement de leur rémunération, affectée du coefficient correcteur applicable le mois concerné. La récupération de la différence entre le montant auquel ils avaient droit et celui qui a été effectivement versé sur la base de l'ancien coefficient correcteur est la conséquence de la fixation rétroactive des coefficients correcteurs, nécessaire pour assurer l'équivalence du pouvoir d'achat. Il s'ensuit qu'une disposition réglementaire qui confère expressément aux bulletins de rémunération un caractère provisoire, afin de pouvoir tenir compte de cette adaptation rétroactive des coefficients correcteurs, n'est pas contraire aux règles relatives au retrait des actes administratifs.

100.
    Les requérants ne sauraient non plus invoquer la protection de la confiance légitime pour s'opposer à l'introduction des dispositions relatives à la récupération du trop-perçu dans le règlement litigieux. En effet, l'absence de telles dispositions dans la réglementation antérieure ne saurait faire obstacle à ce que le législateur communautaire décide de modifier ce régime et d'introduire une récupération du trop-perçu (voir arrêt du Tribunal du 7 juillet 1998, Telchini e.a./Commission, T-116/96, T-212/96 et T-215/96, RecFP p. I-A-327 et II-947, points 132 à 134).

101.
    La protection de la confiance légitime ne s'oppose pas non plus à l'application de ces dispositions aux requérants. En effet, il ressort clairement de la réglementation applicable (voir article 2, troisième et quatrième alinéas, du règlement n° 2356/95 du Conseil, du 5 octobre 1995, portant fixation des coefficients correcteurs applicables à partir du 1er janvier 1994 aux rémunérations des fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans les pays tiers, JO L 241, p. 1, et les règlements subséquents) ainsi que des bulletins de rémunération des requérants que les sommes qui leur ont été versées n'étaient pas définitives et pouvaient être soumises à des modifications ultérieures. Les requérants ne pouvaient donc manquer d'avoir connaissance du fait que la rémunération qui leur avait été versée pour un mois donné pouvait être différente de celle à laquelle ils avaient droit, pour le même mois, selon la réglementation applicable. À cet égard, le fait que le montant exact de la différence éventuelle n'était pas connu des fonctionnaires au moment du versement de leur salaire est sans incidence, étant donné que ce montant ne peut être déterminé qu'a posteriori, après l'adoption des nouveaux coefficients correcteurs, conformément à l'article 13 de l'annexe X du statut.

102.
    Il s'ensuit que la récupération du trop-perçu n'est pas non plus contraire à l'article 85 du statut, qui est une expression particulière du principe de protection de la confiance légitime (voir arrêt Telchini e.a./Commission, cité au point 100 ci-dessus, point 131).

103.
    Enfin, la récupération du trop-perçu n'enfreint pas davantage l'article 62 du statut. En effet, la rémunération à laquelle les requérants avaient droit et à laquelle ils nepeuvent pas renoncer est celle calculée conformément à la réglementation applicable, y compris le coefficient correcteur.

104.
    Il s'ensuit que les griefs tirés d'une violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et des droits acquis ainsi que des règles régissant la rétroactivité des actes communautaires et des articles 62 et 85 du statut ne sont pas fondés.

105.
    Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble du recours doit être rejeté.

Sur les dépens

106.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Enfin, conformément à l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

107.
    En l'espèce, chacune des parties, y compris la partie intervenante, supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Pirrung Potocki Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. W. H. Meij

Affaire T-158/98

Bareyt/Commission

Table des matières

     I. Faits et procédure

II - 2

     II. Conclusions des parties

II - 7

     III. Sur la recevabilité

II - 8

         1) Argumentation des parties

II - 8

         2) Appréciation du Tribunal

II - 9

     IV. Sur le fond

II - 10

         1) Sur l'application du coefficient correcteur spécifique

II - 11

        a)    Sur les griefs tirés des erreurs matérielles, des erreurs manifestes

            d'appréciation et de la violation du principe d'égalité

II - 11

                 i) Argumentation des parties

II - 11

                 ii) Appréciation du Tribunal

II - 17

             b) Sur la violation de l'obligation de motivation

II - 22

                 i) Argumentation des parties

II - 22

                 ii) Appréciation du Tribunal

II - 22

         2)    Sur l'application rétroactive des nouveaux coefficients correcteurs et sur la récupération d'une partie du traitement

II - 23

             a)    Sur la violation de l'article 13 de l'annexe X du statut

II - 24

                 i) Argumentation des parties

II - 24

                 ii) Appréciation du Tribunal

II - 25

         Sur la violation des principes de confiance légitime, de sécurité juridique et des

    droits acquis

II - 26

                 i) Argumentation des parties

II - 26

                 ii) Appréciation du Tribunal

II - 27

     Sur les dépens

II - 30


1: Langue de procédure: le français.