Language of document : ECLI:EU:T:2022:818

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

14 décembre 2022 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant les lettres majuscules « P » et « L » superposées – Marque de l’Union européenne figurative antérieure représentant une combinaison en miroir des lettres majuscules « P » et « L » superposées – Recevabilité du recours devant la chambre de recours – Qualité pour agir – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑530/21,

Pierre Lannier, établie à Ernolsheim-lès-Saverne (France), représentée par Me N. Boespflug, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Pierre Lang Trading GmbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me A. Ginzburg, avocat,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. A. Kornezov, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 9 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Pierre Lannier, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 juin 2021 (affaire R 1915/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 13 décembre 2016, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Horlogerie ».

4        Le 2 mars 2017, Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était notamment fondée sur la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 2 février 2015 sous le numéro 13115563, pour, notamment, les produits relevant de la classe 14 et correspondant à la description suivante : « Articles de joaillerie, articles de bijouterie, pierres précieuses et horloges et instruments chronométriques, perles et métaux précieux, statues et figurines en métaux précieux ou semi-précieux ou pierres semi-précieuses ou imitations, pièces de monnaie, objets d’art en métaux précieux, porte-clés, étuis pour bijoux et étuis pour montres, pièces et accessoires de tous les produits précités » :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

7        Le 31 juillet 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. En particulier, elle a estimé que, si les produits visés par la marque demandée et la marque antérieure étaient identiques, les marques en conflit présentaient des différences suffisantes pour exclure tout risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

8        Le 30 septembre 2020, un recours auprès de l’EUIPO a été formé, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’opposition et fait droit à l’opposition en estimant que les différences entre les marques en conflit ne suffisaient pas à exclure l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 67, de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

13      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 13 décembre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

14      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

15      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige soumis à la chambre de recours était régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001, du règlement délégué 2018/625 et du règlement d’exécution (UE) 2018/626 de la Commission, du 5 mars 2018, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/1431 (JO 2018, L 104, p. 37).

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 67, de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625

16      En substance, la requérante formule plusieurs critiques à l’encontre de l’appréciation de la chambre de recours, dans la décision attaquée, concernant la réponse apportée par l’intervenante à l’irrégularité que lui avait notifiée le greffe des chambres de recours. La chambre de recours aurait admis, à tort, la recevabilité du recours. À l’appui de son argumentation, elle invoque la violation de l’article 67, de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625.

17      L’EUIPO et l’intervenante, Pierre Lang Trading GmbH, contestent cette argumentation.

18      En premier lieu, il convient d’examiner les arguments par lesquels la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir déclaré le recours de l’intervenante recevable.

19      Au titre du rappel des circonstances au regard desquelles la chambre de recours a examiné la recevabilité du recours devant elle, il y a lieu de préciser que, le 2 mars 2017, Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 [devenu article 46, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001]. Ainsi que l’expose le point 6 ci-dessus, le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

20      Par convention d’acquisition de société conclue le 4 avril 2019, Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. a été acquise avec l’intégralité de ses biens corporels et incorporels, y compris l’ensemble de ses marques, par l’entreprise PL Schmuckhandels GmbH nouvellement constituée, dont la dénomination sociale, selon l’extrait du registre des sociétés autrichien datant du 8 janvier 2021, a été modifiée, le 17 mai 2019, en Pierre Lang Trading GmbH.

21      Le 31 juillet 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

22      Le 30 septembre 2020, un recours a été déposé contre la décision de la division d’opposition, sous la forme d’un formulaire mis à la disposition des intéressés par l’EUIPO. Sur ce formulaire, le nom de la partie requérante était Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H.

23      Le 30 novembre 2020, un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé auprès de l’EUIPO, dans le délai prévu à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, sous le nom Pierre Lang Europe Ges.m.b.H.

24      Le 11 janvier 2021, à la suite d’une lettre du greffe des chambres de recours dans laquelle celui-ci invitait la partie requérante devant la chambre de recours à clarifier son nom, l’EUIPO a reçu les documents suivants :

–        une lettre précisant que le nom de la partie requérante devant la chambre de recours était Pierre Lang Trading GmbH ;

–        une nouvelle version du mémoire exposant les motifs du recours dans laquelle apparaissait le nom Pierre Lang Trading GmbH ;

–        la convention d’acquisition de société par laquelle Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. avait été acquise par l’intervenante ;

–        un extrait du registre des sociétés autrichien relatif à l’intervenante indiquant son changement de dénomination sociale de PL Schmuckhandels GmbH à Pierre Lang Trading GmbH ;

–        une copie de la demande présentée auprès de l’EUIPO le 5 janvier 2021 en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 tendant à l’enregistrement du transfert de la marque antérieure de Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. à l’intervenante.

25      C’est à la lumière de ces circonstances qu’il convient d’examiner les arguments par lesquels la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir déclaré le recours de l’intervenante recevable.

26      Premièrement, la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu l’article 67 du règlement 2017/1001. En particulier, elle fait valoir que les pièces produites par l’intervenante pour procéder à la régularisation du recours sont insuffisantes. En substance, la requérante estime que les pièces produites ne permettent pas d’établir la qualité de l’intervenante pour intenter un recours devant la chambre de recours.

27      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 41, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 alors applicable, une opposition à l’enregistrement de la marque peut être formée dans un délai de trois mois à compter de la publication de la demande de marque de l’Union européenne, au motif que la marque devrait être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 8 du même règlement. Dans le cas, comme en l’espèce, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, l’opposition peut notamment être formée par les titulaires des marques de l’Union européenne dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

28      En l’espèce, il est constant que Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. était la titulaire de la marque antérieure lorsqu’elle a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée le 2 mars 2017.

29      Au regard de la convention d’acquisition de société produite devant la chambre de recours, il y a lieu de relever que, à la suite de l’achat, le 4 avril 2019, de Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. et de l’ensemble de ses marques par l’intervenante, cette dernière est devenue la titulaire de la marque antérieure.

30      Il ressort du dossier que, à la suite du rejet de l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée le 31 juillet 2020, un recours a été introduit, le 30 septembre 2020, auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition. Ainsi qu’il ressort de l’acte de recours reproduit aux pages 82 et 83 du dossier de l’EUIPO, celui-ci a été déposé sous le nom Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H.

31      À cet égard, il importe de préciser que, selon la jurisprudence, lorsque l’EUIPO examine la recevabilité d’un recours introduit devant lui, il doit prendre en considération le registre des marques de l’Union européenne [arrêt du 11 février 2020, Jakober/EUIPO (Forme d’une tasse), T‑262/19, non publié, EU:T:2020:41, point 23]. Or, à la date d’introduction du recours contre la décision de la division d’opposition, le nom de la titulaire de la marque antérieure figurant audit registre était Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H.

32      Il ressort également du dossier que, afin de satisfaire l’obligation découlant de l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, un mémoire exposant les motifs du recours a été déposé auprès de l’EUIPO le 30 novembre 2020. Sur ce document, le nom Pierre Lang Europe Ges.m.b.H. apparaissait.

33      Constatant que le mémoire exposant les motifs du recours avait été déposé au nom d’une entreprise désignée par une dénomination différente de celle inscrite au registre, le greffe des chambres de recours a, par lettre du 9 décembre 2020, demandé à l’auteure du recours de présenter des observations à ce sujet et de produire tout document susceptible d’étayer ces observations.

34      En réponse à cette demande, l’intervenante a demandé, le 11 janvier 2021, à régulariser le nom de la partie requérante devant la chambre de recours figurant dans l’acte de recours, en invoquant l’article 21, paragraphe 1, sous a), et l’article 23, paragraphe 1, sous c), du règlement délégué 2018/625. Elle a produit, à l’appui de sa demande, les documents mentionnés au point 24 ci-dessus.

35      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué 2018/625, l’acte de recours déposé conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 doit contenir le nom de la partie requérante devant la chambre de recours sous la forme prévue à l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2018/626.

36      Lorsque l’acte de recours ne satisfait pas aux dispositions de l’article 21, paragraphe 1, sous a), du règlement délégué 2018/625, la chambre de recours doit rejeter le recours pour irrecevabilité, ainsi que le prévoit l’article 23, paragraphe 1, sous c), du même règlement, si, bien que la partie requérante en ait été informée, elle n’a pas remédié à l’irrégularité dans le délai imparti.

37      Il résulte de la lecture combinée de l’article 21, paragraphe 1, sous a), et de l’article 23, paragraphe 1, sous c), du règlement délégué 2018/625 ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2018/626 que l’identification incorrecte de la partie requérante dans l’acte de recours déposé conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est un vice régularisable.

38      En l’espèce, il y a lieu de constater que, en déposant au greffe des chambres de recours les documents mentionnés au point 24 ci-dessus, l’intervenante a établi qu’elle était la titulaire de la marque antérieure au moment de l’introduction du recours devant la chambre de recours. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’intervenante a également fourni des explications quant aux entreprises impliquées et aux différentes dénominations employées. Tout d’abord, comme en atteste notamment la convention d’acquisition de société du 4 avril 2019, le nom Pierre Lang Europe Handelsges.m.b.H. est celui de la prédécesseur de l’intervenante. Ensuite, l’apposition du nom Pierre Lang Europe Ges.m.b.H. sur le mémoire exposant les motifs du recours était le résultat d’une erreur de plume, comme le confirme l’intervenante au point 13 de son mémoire en réponse. Enfin, le nom Pierre Lang Trading GmbH est celui de l’intervenante. Selon lesdits documents, ce nom est désormais inscrit au registre comme étant celui de la titulaire de la marque antérieure depuis le 5 janvier 2021.

39      Il s’ensuit que l’intervenante a prouvé sa qualité de titulaire de la marque antérieure à la date de l’introduction du recours, que l’identification incorrecte de la partie requérante dans l’acte de recours déposé conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est un vice régularisable et que l’intervenante a procédé à la régularisation de l’acte de recours dans le délai imparti.

40      Dès lors, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’intervenante a donné une réponse satisfaisante à l’EUIPO et a régularisé son acte de recours, conformément à l’article 21, paragraphe 1, sous a), et à l’article 23, paragraphe 1, sous c), du règlement délégué 2018/625 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2018/626.

41      En outre, comme le souligne l’EUIPO, l’intervenante était, à partir du 5 janvier 2021, la titulaire enregistrée de la marque antérieure. À ce titre, elle pouvait, conformément à l’article 20, paragraphes 11 et 12, du règlement 2017/1001, valablement procéder à la régularisation du recours.

42      Par ailleurs, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle, le jour de l’introduction du recours devant la chambre de recours, un document présent dans la base de données de l’EUIPO faisait état d’un transfert total de la marque antérieure au profit de l’intervenante, il est vrai que, en vertu de l’article 112 du règlement 2017/1001, l’EUIPO collecte et conserve dans sa base de données certaines informations.

43      Toutefois, il suffit de constater, à l’instar de l’EUIPO, que ce document, que la requérante a produit en annexe à la requête, concerne en réalité l’enregistrement international no 1290848 désignant les États-Unis et le Japon. Ce document ne fait pas état du transfert de la marque antérieure à l’intervenante, mais consigne l’inscription dans le registre international tenu par le bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du transfert d’un enregistrement international fondé sur la marque antérieure au profit de l’intervenante.

44      Enfin, certes, aux termes de l’article 23, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 207/2009, le transfert d’une marque n’est opposable aux tiers qu’après son inscription au registre. La non-opposabilité aux tiers des transferts qui n’ont pas été inscrits au registre vise à protéger celui qui a ou qui est susceptible d’avoir des droits sur une marque de l’Union européenne en tant qu’objet de propriété (arrêt du 4 février 2016, Hassan, C‑163/15, EU:C:2016:71, point 25).

45      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, les observations soumises par l’intervenante et les preuves produites à l’appui de celles-ci étaient suffisantes pour permettre à la chambre de recours de statuer, comme elle l’a fait, sur la recevabilité du recours. Ses arguments à cet égard doivent être écartés.

46      En ce qui concerne plus particulièrement l’article 67 du règlement 2017/1001, il convient de rappeler, à l’instar de la requérante, que, aux termes de cette disposition, toute partie à une procédure ayant conduit à une décision peut recourir contre cette décision pour autant que cette dernière n’a pas fait droit à ses prétentions. Or, la division d’opposition a rejeté dans son intégralité l’opposition fondée sur la marque antérieure. L’intervenante, en sa qualité de successeur de la société ayant formé ladite opposition et de titulaire de la marque antérieure au jour de l’introduction du recours, était bien la personne lésée par la décision de la division d’opposition.

47      Dès lors, l’intervenante remplissait les conditions énoncées à l’article 67 du règlement 2017/1001.

48      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée ne méconnaît pas cette disposition. L’ensemble des arguments de la requérante tirés d’une violation de l’article 67 du règlement 2017/1001 doit être écarté.

49      Deuxièmement, la requérante fait valoir que le greffe des chambres de recours a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, en ce qu’il n’a ni vérifié que la personne intentant le recours avait la qualité requise pour le faire ni sollicité le président de la cinquième chambre de recours afin que cette dernière statue sans délai sur la recevabilité du recours, compte tenu du document présent dans la base de données de l’EUIPO faisant état du transfert total de la marque antérieure.

50      À cet égard, d’une part, il résulte du point 33 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la requérante, le greffe des chambres de recours a demandé à l’intervenante de justifier de sa qualité pour former un recours contre la décision de la division d’opposition. Le greffe des chambres de recours n’a donc pas pu méconnaître l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, en ce qu’il n’aurait pas vérifié que la personne intentant le recours avait la qualité requise pour le faire. D’autre part, au vu du constat déjà opéré au point 43 ci-dessus, il y a lieu de constater, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir s’il appartenait au greffe des chambres de recours de solliciter le président de la cinquième chambre de recours, que les arguments de la requérante ne sauraient en toute hypothèse prospérer.

51      Dans ces circonstances, il convient de constater que la violation de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625 alléguée par la requérante n’est pas établie et que les arguments soulevés à cet égard doivent être écartés.

52      Troisièmement, la requérante fait valoir que, en déclarant le recours de l’intervenante recevable, la chambre de recours a méconnu l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

53      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, le recours doit être formé par écrit auprès de l’EUIPO dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision et que, ensuite, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision.

54      Force est de constater, au regard des points 30 et 32 ci-dessus, que l’intervenante a déposé l’acte de recours et le mémoire exposant les motifs du recours dans les délais prévus par cette disposition. L’argument de la requérante à cet égard manque en fait et doit donc être écarté.

55      Quant à la version du mémoire exposant les motifs du recours déposé le 11 janvier 2021 (voir point 34 ci-dessus), il ressort du dossier que, comme le soutient l’EUIPO et comme l’admet la requérante, c’est le mémoire exposant les motifs du recours déposé le 30 novembre 2020, dans le délai prévu par l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qui a été transmis à la requérante et qui a été pris en compte par la chambre de recours dans la décision attaquée.

56      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée ne méconnaît pas cette disposition. Ses arguments à cet égard doivent donc être écartés.

57      Quatrièmement, la requérante soutient que, en considérant le mémoire exposant les motifs du recours recevable et, partant, le recours, la chambre de recours a méconnu l’article 22, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625.

58      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, le mémoire exposant les motifs du recours contient une identification claire et précise de la procédure de recours à laquelle il renvoie, des motifs du recours sur lesquels se fonde la demande d’annulation de la décision attaquée et des faits, des preuves et des arguments à l’appui des motifs invoqués.

59      En l’espèce, le mémoire exposant les motifs du recours remplissait les conditions énoncées à l’article 22, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625. Bien que l’intervenante ait déposé un mémoire exposant les motifs du recours sous un nom différent de celui inscrit au registre, celle-ci a, en tout état de cause, corrigé cette erreur de plume, le 11 janvier 2021, dans le délai fixé à cet effet par le greffe des chambres de recours.

60      Ainsi, les arguments de la requérante à cet égard doivent être écartés.

61      En second lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante tirés de la violation de l’article 94 du règlement 2017/1001, en ce qu’ils ont trait à des vices de forme et de procédure qu’aurait commis la chambre de recours.

62      D’une part, la requérante soutient que la chambre de recours n’a donné aucune réponse aux arguments qu’elle a soulevés sur l’irrecevabilité du recours.

63      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65).

64      En particulier, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il leur suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêt du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19].

65      La lecture de la décision attaquée permet de constater que la chambre de recours a exposé, aux points 15 à 18 de cette décision, les motifs pour lesquels elle a considéré, compte tenu des arguments de la requérante, que les différents éléments produits par l’intervenante le 11 janvier 2021 avaient été suffisants pour régulariser le recours et que celui-ci était conforme aux articles 66 et 67 et à l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. À ces points, la chambre de recours a exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle, de sorte qu’elle n’avait pas à traiter un par un tous les arguments présentés par la requérante. Les arguments de la requérante à cet égard doivent donc être écartés.

66      D’autre part, la requérante fait valoir que ni le bien-fondé de la réponse de l’intervenante à la notification du greffe des chambres de recours ni son argumentation à ce sujet n’ont été effectivement débattus, et ce en violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001.

67      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.

68      En l’espèce, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que ce dernier a dûment signifié à la requérante tous les documents échangés entre le greffe des chambres de recours et l’intervenante au cours de la procédure de recours. En outre, il ressort du dossier que, dans le mémoire que la requérante a déposé le 22 mars 2021 auprès de l’EUIPO, celle-ci a contesté la recevabilité du recours de l’intervenante devant la chambre de recours pour des motifs semblables à ceux exposés dans sa requête devant le Tribunal. La requérante a donc effectivement pris position sur ce sujet. Son argument selon lequel elle n’a pas pu se prononcer à cet égard, en violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, manque en fait et doit être écarté.

69      En outre, il ressort des points 15 à 18 de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur les preuves présentées par l’intervenante, sur lesquelles la requérante a pris position dans son mémoire du 22 mars 2021. En revanche, si la requérante soutient que l’intervenante n’a pas pu prendre position sur les arguments développés à ce titre dans son mémoire, elle n’établit ni même n’allègue que la décision attaquée se fonde sur ces arguments. Par conséquent, dans la mesure où il ne ressort pas de la décision attaquée que celle-ci se fonde sur lesdits arguments, ce défaut de prise de position ne peut caractériser une violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001.

70      Dans ces circonstances, force est de constater que la violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 alléguée par la requérante n’est pas établie.

71      Il s’ensuit que le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 67, de l’article 68, paragraphe 1, et de l’article 94 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 22, paragraphe 1, et de l’article 42, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

72      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs dans l’appréciation du risque de confusion.

73      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

74      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

75      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

76      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

77      En l’espèce, s’agissant de la comparaison des produits en cause, les parties ne contestent pas l’appréciation de la division d’opposition, à laquelle s’est ralliée la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, selon laquelle les produits « Horlogerie » visés par la marque demandée, compris dans la classe 14, étaient identiques aux produits « Instruments chronométriques » couverts par la marque antérieure et compris dans la même classe.

 Sur le public et le territoire pertinents

78      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

79      La chambre de recours a considéré, au point 28 de la décision attaquée, que les produits concernés s’adressaient au grand public ainsi qu’aux professionnels possédant des connaissances et une expertise spécifiques. La requérante ne conteste pas cette appréciation.

80      En revanche, la requérante fait valoir que, quel que soit le prix que peut avoir une montre ou une horloge, le niveau d’attention du public pertinent est toujours élevé lors de l’achat de ces produits, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un acte fréquent, la durée de vie desdits produits étant assez longue. L’achat de tels produits serait ainsi un acte réfléchi, étant donné que le public pertinent s’attacherait à trouver le produit dont le modèle et les couleurs lui plaisent.

81      À cet égard, il y a lieu de constater que, bien que l’achat des produits concernés ne soit pas un acte fréquent et qu’il implique de faire un choix parmi plusieurs modèles et plusieurs couleurs, ces produits varient en prix et en qualité. Dès lors, il y a lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, que le niveau d’attention du public pertinent variera de moyen à élevé.

82      Dans la mesure où, selon la jurisprudence, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [voir arrêt du 12 décembre 2019, gastivo portal/EUIPO – La Fourchette (Représentation d’une fourchette sur fond vert), T‑266/19, non publié, EU:T:2019:854, point 21 et jurisprudence citée], il y a lieu, en l’espèce, de prendre en considération le public dont le niveau d’attention est moyen.

83      Par ailleurs, la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, étant donné que la marque antérieure est une marque de l’Union européenne, le territoire pertinent est celui de l’Union.

 Sur la comparaison des signes

84      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

–       Sur la similitude visuelle

85      En l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’une partie significative du public pertinent percevrait la marque demandée comme étant une combinaison des lettres majuscules « P » et « L » superposées. Elle a constaté que si les lettres majuscules « P » et « L » étaient plus facilement reconnaissables dans la marque demandée que dans la marque antérieure, il n’en demeurait pas moins qu’une partie significative du public pertinent percevrait la marque antérieure comme étant une composition en miroir des lettres majuscules « P » et « L » superposées. Elle a également relevé qu’aucun des éléments composant les marques en conflit ne pouvait être considéré comme étant plus dominant, c’est-à-dire visuellement accrocheur, que les autres. Elle en a conclu que les marques en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle.

86      La requérante fait valoir que les marques en conflit sont destinées à être reproduites, dans une petite taille, sur le cadran de montres ou d’horloges. Elle estime que le public pertinent s’attachera moins au logo apposé sur le cadran d’une montre qu’au nom de son fabricant. En particulier, elle soutient que le public pertinent appréhendera la marque antérieure comme un signe purement abstrait et figuratif, caractérisé par un effet miroir, et qu’il ne parviendra pas à identifier des lettres. À l’inverse, le public pertinent identifierait les lettres majuscules « P » et « L » dans la marque demandée. Dans l’hypothèse où une partie non négligeable du public pertinent serait en mesure de reconnaître les lettres majuscules « P » et « L » également dans la marque antérieure, le public pertinent resterait en tout état de cause marqué par l’effet miroir qui caractérise cette marque. Ainsi, la requérante considère que la seule identification par le public pertinent des lettres majuscules « P » et « L » dans les marques en conflit ne permet pas de conclure à l’existence d’une similitude visuelle entre ces marques. Il en serait d’autant plus ainsi que, les marques en conflit étant des marques courtes, leurs différences visuelles suffiraient à écarter tout risque de confusion.

87      À cet égard, il y a lieu de relever que si, comme la chambre de recours l’a relevé, les lettres majuscules « P » et « L » sont moins facilement reconnaissables dans la marque antérieure que dans la marque demandée, la grande majorité du public pertinent les reconnaîtra comme telles.

88      En effet, si l’impression visuelle d’une marque consiste en l’impression d’ensemble produite par cette dernière, il n’est pas pour autant exclu que certains de ses éléments produisent un impact visuel plus ou moins accentué [arrêt du 13 février 2007, Ontex/OHMI – Curon Medical (CURON), T‑353/04, non publié, EU:T:2007:47, point 68]. En l’espèce, quand bien même le public pertinent perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, lorsqu’il percevra l’une ou l’autre des marques en conflit, il les décomposera, par réflexe, en deux éléments qu’il reconnaît, à savoir la lettre majuscule « P » et la lettre majuscule « L » disposées l’une sur l’autre.

89      Les marques en conflit contiennent donc les mêmes lettres majuscules « P » et « L », disposées de la même manière l’une sur l’autre, dans une police de caractère similaire. Comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours, ces points communs sont de nature à établir une similitude visuelle entre ces marques, étant donné que la forme créée par la superposition des lettres majuscules « P » et « L », figurant dans la partie droite de la marque antérieure, est entièrement reprise dans la marque demandée. Certes, les marques en conflit diffèrent dans la mesure où l’effet miroir créé par la répétition à l’envers de la combinaison des lettres majuscules « P » et « L » ne se retrouve pas dans la marque demandée et où, dans la marque demandée, un espace sépare la panse de la lettre majuscule « P » de sa hampe. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, cet effet miroir ne marquera pas le public pertinent, de telle sorte qu’il gardera en mémoire cette répétition des mêmes lettres majuscules « P » et « L » plutôt que la superposition desdites lettres. En effet, pour les raisons exposées au point 88 ci-dessus, la combinaison des lettres majuscules « P » et « L » est plus à même d’influencer l’impression visuelle d’ensemble créée par les marques en conflit et, partant, elle retiendra plus l’attention du public pertinent. Ainsi, la chambre de recours a considéré, à juste titre, au point 47 de la décision attaquée, que les différences entre les marques en conflit ne suffisaient pas à contrebalancer la similitude visuelle que présentaient ces marques. Pour les mêmes motifs, il y a lieu d’approuver l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle aucune des marques en conflit n’a d’élément dominant.

90      Dès lors, la chambre de recours a considéré à juste titre, au point 49 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle.

91      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

92      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les marques en conflit sont destinées à être reproduites dans une petite taille sur le cadran de montres et d’horloges, l’EUIPO affirme à juste titre que les marques en conflit seront également apposées sur les matériels de promotion et de commercialisation des produits concernés (voir pages 46 à 51 du dossier de l’EUIPO). Le public pertinent sera donc susceptible d’être mis en présence des marques en conflit dans différentes tailles. Par ailleurs, rien ne permet de penser que les marques en conflit présenteraient un degré de similitude visuelle moindre si elles étaient apposées sur le cadran d’une montre dans une petite taille. En effet, quelle que soit la taille des éléments communs aux deux marques, à savoir la combinaison des lettres majuscules « P » et « L », disposées l’une sur l’autre, dans une police de caractère similaire, l’impact visuel produit par ces éléments restera le même.

93      En outre, l’argument selon lequel le public pertinent s’attachera moins au logo de petite taille apposé sur le cadran d’une montre qu’au nom de son fabricant n’est nullement étayé, la requérante n’invoquant aucun élément qui permettrait de comprendre dans quelle mesure ce fait, s’il était avéré, pourrait influencer l’appréciation du degré de similitude visuelle entre les marques en conflit.

94      Partant, il y a lieu d’écarter ces arguments.

95      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les marques en conflit sont des marques courtes dont les différences visuelles suffiraient à écarter tout risque de confusion, il ressort de la jurisprudence que, même pour des marques courtes, certaines différences sont insuffisantes dès lors qu’elles ne se traduisent pas par une différence visuelle propre à distinguer les marques concernées [arrêt du 10 octobre 2019, Biasotto/EUIPO – Oofos (OO), T‑454/18, non publié, EU:T:2019:735, point 33]. En l’espèce, il résulte de ce qui précède, et notamment des points 86 à 88 ci-dessus, que les différences entre les signes en conflit ne se traduisent pas par une différence visuelle propre à les distinguer. Cet argument doit donc être écarté.

–       Sur la similitude phonétique

96      La chambre de recours a considéré que, pour la partie significative du public pertinent qui sera en mesure d’identifier les lettres majuscules « P » et « L » dans la marque antérieure, les marques en conflit présentaient à tout le moins un degré moyen de similitude phonétique.

97      À titre liminaire, dans la mesure où la requérante soutient que cette appréciation de la chambre de recours n’est pas motivée dans la décision attaquée, il convient de rappeler que la motivation d’un acte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir point 63 ci-dessus).

98      À cet égard, la lecture de la décision attaquée permet de constater que la chambre de recours a exposé les motifs fondant l’appréciation en cause. En effet, il découle du point 50 de la décision attaquée que la chambre de recours a indiqué que, pour autant que le public pertinent verrait dans les marques en conflit les lettres majuscules « P » et « L », ces marques devaient être considérées comme étant prononçables. Les lettres majuscules « P » et « L » étant un élément commun auxdites marques, la chambre de recours a considéré que celles-ci présentaient à tout le moins un degré moyen de similitude phonétique. Comme le montrent les points ci-après, ces motifs ont permis à la requérante de comprendre cette partie de la décision attaquée afin de défendre ses droits et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision.

99      En effet, dans la requête, la requérante fait valoir que la marque antérieure est imprononçable. Le Tribunal aurait d’ailleurs jugé, dans un cas similaire, que des marques comparables aux marques en conflit n’étaient pas prononçables. Elle estime donc que les marques en conflit ne peuvent être comparées ou sont, tout au plus, similaires à un faible degré. Toutefois, dans l’hypothèse où la marque antérieure serait prononcée par la partie du public pertinent qui reconnaît les lettres majuscules « P » et « L », la requérante estime que ledit public répètera la séquence de lettres « p », « l », ou la séquence de lettres « l », « p », alors qu’il ne le fera pas pour la marque demandée. La prononciation de la marque antérieure serait donc bien différente de celle de la marque demandée.

100    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la superposition des lettres majuscules « P » et « L » ne fera pas obstacle à ce que la grande majorité du public pertinent reconnaisse ces lettres dans les marques en conflit. En ce qui concerne la marque antérieure, il est peu probable que les lettres « p » et « l » soient prononcées deux fois. Dans la perception du public pertinent, la marque antérieure est la combinaison des lettres majuscules « P » et « L ». Le public pertinent se concentrera donc sur ces lettres présentées à l’endroit, dans le sens de la lecture, qu’il pourra lire normalement. Il ne prononcera, en revanche, pas les lettres présentées à l’envers, qu’il percevra comme étant uniquement un effet miroir.

101    Toutefois, il y a lieu de constater, à l’instar de l’intervenante, que, si les lettres qui composent les marques en conflit sont effectivement susceptibles d’être prononcées par le public pertinent, il n’est pas possible, en raison de la superposition desdites lettres, de déterminer l’ordre dans lequel il les prononcera. Toujours est-il que ce constat vaut aussi bien pour la marque antérieure que pour la marque demandée. Dès lors, quel que sera l’ordre dans lequel le public pertinent choisira de prononcer les lettres qui composent les marques en conflit, il prononcera lesdites marques de la même manière.

102    Par ailleurs, si l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il convient ou non de décider dans le même sens, il y a lieu de rappeler que l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet, afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue, et un tel examen doit ainsi avoir lieu dans chaque cas concret, car l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce et destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77).

103    En l’espèce, le cas prétendument similaire invoqué par la requérante concernait deux marques qui partageaient certaines caractéristiques, à savoir deux courbes entrelacées de couleur noire entourées d’un cercle de couleur noire également, mais qui ne comportaient, contrairement aux marques en conflit, aucun élément verbal. Ce cas n’était donc pas similaire et il n’y avait pas lieu de décider dans le même sens.

104    Par conséquent, il n’y a pas lieu de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit présentent un degré moyen de similitude phonétique.

–       Sur la similitude conceptuelle

105    Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a constaté, en particulier, que le simple fait que les lettres majuscules « P » et « L » puissent servir à décrire les marques en conflit ne suffisait pas à établir une identité ou même une similitude conceptuelle entre ces marques. Il en irait différemment, selon elle, si les marques en conflit avaient une signification spécifique allant au-delà de la simple représentation des lettres majuscules « P » et « L », toutefois, rien n’indiquerait en l’espèce que ces lettres seraient associées à un concept spécifique.

106    La requérante fait, notamment, valoir que, quand bien même le public pertinent percevrait les lettres majuscules « P » et « L » dans les marques en conflit, il ne pourrait pas, faute d’autres indices, déterminer l’origine de ces abréviations.

107    En l’espèce, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les marques en conflit ne véhiculent pas de concept spécifique susceptible d’être compris par le public pertinent.

108    Par ailleurs, comme le souligne la requérante, à supposer même que le public pertinent perçoive les marques en conflit comme étant des abréviations, cette circonstance ne rendrait pas possible, à elle seule, la comparaison des marques en conflit sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2018, El Corte Inglés/EUIPO – WE Brand (EW), T‑241/16, non publié, EU:T:2018:255, point 45], ce que ne conteste pas l’intervenante.

109    Il doit donc être constaté que la comparaison des marques en conflit sur le plan conceptuel n’est pas possible.

 Sur le risque de confusion

110    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

111    En substance, la chambre de recours a relevé que le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent était suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne. Elle a constaté qu’une partie non négligeable du public pertinent serait en mesure d’identifier, dans les marques en conflit, les lettres majuscules « P » et « L » superposées. Elle a précisé que les marques en conflit avaient, toutes deux, un caractère distinctif intrinsèque normal. Dans ces circonstances, la chambre de recours a considéré que, en ce qui concernait les produits visés par la marque demandée qui avaient été regardés comme étant identiques aux produits visés par la marque antérieure, il existait un risque qu’une partie significative du public pertinent, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen pense, en percevant les marques en conflit, qu’elles avaient la même origine commerciale ou qu’elles provenaient d’entreprises économiquement liées.

112    La requérante fait valoir que, compte tenu, d’une part, du niveau d’attention élevé, voire très élevé, du public pertinent et, d’autre part, du fait que les marques en conflit sont différentes ou éventuellement similaires à un faible degré sur le plan visuel, qu’elles sont incomparables ou éventuellement similaires à un faible degré sur le plan phonétique et qu’elles sont incomparables, voire différentes, sur le plan conceptuel, tout risque de confusion entre elles est exclu, en dépit de l’identité des produits concernés. En particulier, la requérante met en exergue le fait que le public pertinent gardera en mémoire l’effet miroir caractéristique de la marque antérieure. Dans la mesure où le public pertinent ne retrouverait pas cet élément original dans la marque demandée, il ne la confondrait pas avec la marque antérieure.

113    En l’espèce, il importe de relever que l’intervenante n’a pas fait valoir que la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif accru en raison de la connaissance qu’en avait le public pertinent. Il est constant que le caractère distinctif intrinsèque de chacune des marques en conflit est, comme l’a relevé la chambre de recours, normal. Il résulte, en outre, de tout ce qui précède que les produits concernés sont identiques et que, pour la grande majorité du public pertinent, les marques en conflit présentent un degré moyen de similitude sur les plans visuel et phonétique.

114    Bien que, comme le souligne la requérante, le public pertinent ne retrouve pas dans la marque demandée l’effet miroir que présente la marque antérieure, force est de constater que, dans la mesure où ledit public devra se fier à l’image imparfaite de la marque antérieure qu’il a gardée en mémoire, il percevra probablement la marque demandée comme une variante de la marque antérieure et lui attribuera la même origine commerciale.

115    C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

116    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pierre Lannier est condamnée aux dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.