Language of document : ECLI:EU:T:2022:597

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 octobre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque figurative airframe – Motifs absolus de refus – Absence de caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑539/21,

the airscreen company GmbH & Co. KG, établie à Münster (Allemagne), représentée par Mes O. Spieker, A. Schönfleisch et D. Mienert, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Klee et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Moviescreens Rental GmbH, établie à Damme (Allemagne), représentée par Mes D. Schulz et P. Stelzig, avocats,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová-Pelzl, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, the airscreen company GmbH & Co. KG, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er juillet 2021 (affaire R 63/2021-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 28 mai 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 29 août 2018 pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient des classes 7, 9, 17, 19, 35, 38 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines soufflantes » ;

–        classe 9 : « Écrans de films cinématographiques ; appareils enregistreurs ; écrans de cinéma gonflables ; grands écrans ; écrans argentés » ;

–        classe 17 : « Tuyaux flexibles non métalliques ; fils de caoutchouc autres qu’à usage textile ; caoutchouc ; clapets en caoutchouc ; cordons en caoutchouc ; fibres en matières plastiques, autres qu’à usage textile ; matières plastiques mi-ouvrées ; pellicules en matières plastiques autres que pour l’emballage ; fils en matières plastiques, autres qu’à usage textile ; tuyaux en matières textiles ; tuyaux flexibles non métalliques en matières textiles ; matières plastiques extrudées [produits semi-finis] ; tuyaux à pression non métalliques ; plastiques extrudés sous forme de barres, de blocs, de pastilles, de tiges, de feuilles et de tubes pour procédés de fabrication ; feuilles en matières plastiques [produits semi-finis] ; garnitures en matières plastiques ; conduits en matières plastiques ; plastique sans plastifiant ; feuilles en PVC non rigide ; films en PVC pliables pour la projection ; films élastomères en plastique ; tuyaux de galeries, non métalliques ; cadres en polyvinylchlorure (PVC) à remplir d’air » ;

–        classe 19 : « Constructions transportables non métalliques ; charpentes non métalliques pour les bâtiments ; étrésillons ; poutres non métalliques ; cadres de grands écrans non métalliques ; structures non métalliques pour la construction » ;

–        classe 35 : « Publicité » ;

–        classe 38 : « Transmission et reproduction du son et des images » ;

–        classe 41 : « Location de projecteurs de films cinématographiques ; location de projecteurs cinématographiques ; location d’appareils de projection de films ; location d’équipement de projection de films cinématographiques ; location d’équipement de projection de films ; fourniture de divertissement multimédia par l’intermédiaire d’un site web ».

4        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement.

5        Le 5 novembre 2020, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

6        Le 5 janvier 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que les produits et les services litigieux s’adressaient à un public de spécialistes, mais qu’ils pouvaient aussi s’adresser à l’ensemble des consommateurs. La chambre de recours a constaté que « airframe » était un terme anglais. Partant, le public pertinent englobait, selon elle, les consommateurs des pays dans lesquels l’anglais était la langue officielle, à savoir l’Irlande et Malte. Elle a ajouté que, dans la mesure où l’élément verbal était une combinaison de deux mots « air » et « frame », faisant partie du vocabulaire anglais de base, un examen des motifs de refus d’enregistrement pouvait être fait en prenant en considération tous les consommateurs pertinents de l’Union européenne disposant au moins de connaissances de base de l’anglais.

8        La chambre de recours a constaté que le public ciblé reconnaissait aisément dans « airframe » la combinaison des deux substantifs anglais « air » et « frame », qui pouvaient posséder différentes significations. Pour elle, des significations possibles de la combinaison de mots « airframe » étaient « cadre d’air » ; « châssis d’air » et « encadrement d’air ».

9        La signification d’« airframe », en tant que terme spécialisé du domaine de l’aéronautique dans le sens de « structure d’aéronef, cellule d’aéronef », n’avait, d’après la chambre de recours, aucun rapport avec les produits et les services en cause, de sorte que la question de savoir dans quelle mesure elle était connue du public concerné devait d’emblée être écartée comme étant dénuée de pertinence.

10      La chambre de recours a constaté qu’il ne pouvait pas être déduit des éléments de preuve fournis par la requérante que les consommateurs anglophones associeraient aux significations potentielles du signe une représentation conceptuelle concrète susceptible de décrire les produits et les services en cause. En effet, pour elle, la requérante n’avait pas prouvé d’usage linguistique correspondant, ni en anglais ni en aucune autre langue.

11      La chambre de recours a effectivement constaté, en citant des exemples de mots comprenant le mot « air » (« air plane », « air host », « air stream », « air conditioning », « air cleaner » ou « air-taxi »), que celui-ci ne signifiait pas « gonflable ». Elle a rappelé, à cet égard, que le mot « airscreen » avait été considéré, dans une décision de l’EUIPO, comme étant un mot inventé. La chambre de recours a appliqué le même raisonnement en ce qui concerne le mot allemand « Luft » qui, à l’exception du cas où il figurait dans le mot « Luftmatratze » (matelas gonflable), ne signifiait pas et n’était pas compris comme signifiant « gonflable » lorsqu’il était combiné avec d’autres mots en allemand.

12      La chambre de recours a, en outre, rappelé que, dans le cas d’une marque composée de termes connus, il ne suffisait pas que chaque élément puisse être considéré comme descriptif, mais que le caractère descriptif devait également être établi pour le néologisme dans son ensemble. Elle a constaté que la requérante n’avait pas apporté cette preuve. À cet égard, la chambre de recours a rejeté la demande d’expertise et de sondage comme étant irrecevable, au motif que, dans les procédures en nullité, la chambre de recours devait se limiter aux arguments, aux faits et aux preuves présentés par les parties et qu’il appartenait à la requérante de prouver la signification descriptive de la marque contestée.

13      La chambre de recours a conclu que, en l’absence de contenu conceptuel descriptif des produits en cause, le signe n’était pas non plus apte à les décrire. Pour elle, cela vaudrait également pour l’élément figuratif qui ne consisterait pas en une représentation que le public pertinent identifierait immédiatement comme un écran cinématographique. Elle a donc considéré qu’un examen en ce qui concerne les différents produits et services en cause était inutile.

14      Eu égard à ce qui précède, la chambre de recours a rejeté le recours. D’une part, elle a rejeté le moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. D’autre part, elle a rejeté le moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, au motif que la requérante n’avait ajouté aucun argument pour démontrer que la marque contestée aurait été dépourvue de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO et l’intervenante, Moviescreens Rental GmbH, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, le second, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement

18      La requérante soutient, en substance, que la marque contestée doit être comprise comme une combinaison des mots anglais « air » et « frame » (« air » et « cadre »). Par conséquent, la marque contestée signifierait « châssis d’air » ou « cadre d’air ». Selon la requérante, il n’y a aucune différence entre le mot dans son ensemble et la somme de ses éléments. De plus, la combinaison « airframe » ne serait pas inhabituelle pour les produits et les services en cause. La requérante estime que l’élément figuratif précédant l’élément verbal constitue une représentation stylisée de celui-ci dans son ensemble. Le public pertinent comprendrait la marque contestée, prise dans sa globalité, en tant que référence à un « cadre rempli d’air », et ce, a fortiori, au regard de l’élément figuratif qui montrerait une représentation graphique d’un écran de cinéma ou, plus généralement, d’une surface de projection. La marque contestée serait descriptive, étant donné que les produits en cause consisteraient en des cadres remplis d’air ou des produits équipés de telles structures (une partie des produits compris dans les classes 9 et 17 et les produits compris dans la classe 19), qu’ils constitueraient des éléments indissociables de cadres remplis d’air (une partie des produits compris dans la classe 17) ou qu’ils seraient, en tout cas, directement liés à ces derniers (les produits compris dans la classe 7, une partie des produits compris dans les classes 9 et 17, et les services compris dans la classe 35).

19      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

20      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

21      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir dans le commerce pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [voir arrêt du 27 juin 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Fratelli Polli (ANTICO CASALE), T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 17 et jurisprudence citée].

22      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut que celui-ci présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 27 juin 2017, ANTICO CASALE, T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 18 et jurisprudence citée).

23      Dès lors, le caractère descriptif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 27 juin 2017, ANTICO CASALE, T‑327/16, non publié, EU:T:2017:439, point 19 et jurisprudence citée).

24      Il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, les instances de l’EUIPO doivent, pour examiner si les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 s’opposent à l’enregistrement d’une marque ou doivent entraîner la déclaration de la nullité d’une marque préalablement enregistrée, se placer à la date du dépôt de la demande d’enregistrement [voir arrêts du 21 novembre 2013, Heede/OHMI (Matrix-Energetics), T‑313/11, non publié, EU:T:2013:603, point 47 et jurisprudence citée, et du 8 mai 2019, VI.TO./EUIPO – Bottega (Forme d’une bouteille dorée), T‑324/18, non publié, EU:T:2019:297, point 17 et jurisprudence citée].

25      Une telle obligation, cependant, n’exclut pas que les instances de l’EUIPO puissent prendre en compte, le cas échéant, des éléments de preuve postérieurs à la demande d’enregistrement, pour autant que ceux-ci permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 60 et jurisprudence citée).

26      Il convient, à cet égard, de préciser que, dans le cadre d’une procédure de nullité, la chambre de recours ne saurait être contrainte d’effectuer une nouvelle fois l’examen d’office des faits pertinents mené au moment de l’enregistrement par les instances compétentes de l’EUIPO. Il ressort, en effet, des dispositions des articles 59 et 60 du règlement 2017/1001 que la marque de l’Union est considérée comme étant valide jusqu’à ce qu’elle soit déclarée nulle par l’EUIPO à la suite d’une procédure de nullité. Elle bénéficie donc d’une présomption de validité, qui constitue la conséquence logique du contrôle mené par l’EUIPO dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 22 et jurisprudence citée].

27      Cette présomption de validité limite l’obligation de l’EUIPO, figurant à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, d’examiner d’office les faits pertinents qui pourraient l’amener à appliquer les motifs absolus de refus à l’examen de la demande d’une marque de l’Union mené par les instances de l’EUIPO lors de la procédure d’enregistrement de ladite marque. Or, dans le cadre d’une procédure de nullité, la marque de l’Union enregistrée étant présumée valide, il appartient à la personne ayant présenté la demande en nullité d’invoquer devant l’EUIPO les éléments concrets qui mettraient en cause sa validité. Ainsi, aux termes de l’article 95, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement 2017/1001, dans les procédures de nullité engagées en vertu de l’article 59 du même règlement, l’EUIPO limite son examen aux moyens et arguments soumis par les parties (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 23 et jurisprudence citée).

28      Toutefois, si cette présomption de validité de l’enregistrement limite l’obligation de l’EUIPO d’examiner les faits pertinents, elle ne saurait, pour autant, l’empêcher, notamment au vu des éléments invoqués par la partie qui remet en cause la validité de la marque contestée, de se fonder non seulement sur ces arguments ainsi que sur les éventuels éléments de preuve joints par cette partie à sa demande en nullité, mais également sur les faits notoires relevés par l’EUIPO dans le cadre de la procédure de nullité. Ainsi, lorsqu’une partie a contesté la validité d’une marque enregistrée en se fondant sur des éléments au soutien de sa demande en nullité, il incombe à la chambre de recours d’examiner ces éléments ainsi que l’existence de faits notoires que l’examinateur aurait, le cas échéant, omis de prendre en considération, dans le cadre de la procédure d’enregistrement (voir arrêt du 10 juin 2020, Représentation d’un motif à damier, T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, points 24 et 25 et jurisprudence citée).

 Sur le public pertinent

29      En ce qui concerne le public pertinent, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, au point 25 de la décision attaquée, que les produits et les services en cause sont destinés au grand public ainsi qu’aux professionnels spécialisés, par exemple, dans le domaine de la projection de films. En outre, étant donné que la marque contestée est composée de termes provenant de l’anglais, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 25 de ladite décision, que l’appréciation de son caractère descriptif devait s’effectuer au regard des consommateurs anglophones et de tous les autres consommateurs de l’Union ayant des connaissances de base de l’anglais, ce qui n’est, d’ailleurs, pas contesté par la requérante.

 Sur la signification de l’élément verbal du signe contesté

30      En ce qui concerne la question de savoir si le public pertinent percevrait la marque contestée comme étant descriptive au regard des produits et des services en cause, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée, que ladite marque se compose de l’élément verbal « airframe » en lettres minuscules noires, imprimées en caractères gras, précédé d’un élément figuratif en forme de cadre rectangulaire noir légèrement rétréci vers la droite, comportant un tracé de ligne latérale doublé.

31      C’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 26 de la décision attaquée, que la combinaison des deux substantifs anglais « air » et « frame » était aisément détectée dans l’élément verbal « airframe ». La chambre de recours a correctement constaté que le mot « air » signifiait en anglais, notamment, « the invisible gaseous substance surrounding the earth, a mixture mainly of oxygen and nitrogen » (en allemand Luft), « an impression of a quality or manner given by someone or something » (en allemand Aussehen, Auftreten) ou « a tune or short melodious song » (en allemand Lied). Elle a également correctement constaté que le terme « frame » était défini dans les dictionnaires anglais comme signifiant, notamment, « a rigid structure that surrounds something such as a picture, door, or windowpane » (en allemand Rahmen, Gehäuse), « a person’s body with reference to its size or build » (en allemand Körper), « a basic structure that underlies or supports a system, concept, or text » (en allemand Gestell, Gerüst). Ces significations ne sont, par ailleurs, pas contestées par les parties.

32      En rapport avec les produits en cause, les significations possibles de la combinaison des mots « airframe » sont donc « cadre d’air » ; « châssis d’air » ; « encadrement d’air ». La chambre de recours a pu relever, à juste titre, au point 28 de la décision attaquée, qu’il s’agissait d’un terme qui n’existait pas dans le langage courant pour décrire les produits ou les services en cause. Celui-ci n’existe que dans le langage spécialisé de l’aéronautique où le mot « airframe » signifie « structure d’aéronef, cellule d’aéronef ». De même, il convient de confirmer la conclusion figurant au point 28 de la décision attaquée selon laquelle le mot « air » (Luft en allemand) ne signifie pas « gonflable » comme le confirme les significations dudit mot citées au point 31 ci-dessus.

33      Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, aucune des significations susvisées ne peut être assimilée à la signification qu’elle invoque, à savoir celle de « cadres remplis d’air ». En effet, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu constater que la requérante n’avait pas apporté de preuve permettant d’étayer cette hypothèse.

34      Comme l’a relevé la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, un cadre rempli ou pouvant être rempli d’air serait, en réalité, habituellement désigné, en anglais, par l’expression « air filled frame » ou « inflatable frame » (cadre rempli d’air ou cadre gonflable). Un examen des preuves fournies par la requérante, telles que, notamment, les extraits de dictionnaires en ligne, ne permet pas de conclure que le public pertinent assimilerait la combinaison de mots « airframe » aux cadres remplis d’air. Les extraits de dictionnaires produits en ce qui concerne les mots « air » et « frame » ne contiennent aucun indice à cet égard. Il en va de même en ce qui concerne la référence faite par la requérante à une utilisation du terme « airscreen » sur un site Internet et, notamment, au texte selon lequel « Alexander T. s’est immédiatement aperçu que ce concept pouvait également s’imposer au-delà de Damme et de l’Allemagne», et que, « [é]tant donné que le terme “Luftbildschirm” (écran d’air) était trop long et n’était pas compréhensible au niveau international, il l’a simplement traduit par “airscreen” ». Il convient, à cet égard, de préciser que la manière dont la requérante souhaiterait que l’on traduise ou que l’on comprenne la marque contestée n’est pas déterminante pour l’appréciation de la manière dont le public pertinent la comprendra effectivement. Par ailleurs, cet exemple ne concerne pas la marque contestée et il a été jugé par le Tribunal que, pour le public anglophone, il ne ressortait pas de signification claire de la combinaison des deux termes « air » (air) et « screen » (écran) et que rien n’indiquait que le terme « airscreen », dans le sens d’« écran d’air », soit compris comme se rapportant à un « écran de cinéma gonflable » [arrêt du 22 septembre 2021, Moviescreens Rental/EUIPO – the airscreen company (AIRSCREEN), T‑250/20, non publié, EU:T:2021:602, point 40]. Cela vaut également, en l’espèce, où le mot « airframe » n’évoque que le concept d’un cadre d’air ou de châssis d’air et non pas d’autres concepts susceptibles de décrire les produits et les services en cause.

35      Les autres preuves produites par la requérante concernent uniquement, de manière générale, la compréhension de l’anglais en Europe et la signification de « airframe » dans le domaine de l’aéronautique, qui, comme l’a constaté la chambre de recours, à juste titre, n’est pas pertinente en l’espèce.

36      Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu, aux points 28 et 29 de la décision attaquée, tenir compte du fait que les combinaisons usuelles de mots contenant le terme « air » en anglais ou le terme « Luft » en allemand ne faisaient pas référence à des objets gonflables et qu’elle a relevé qu’il ne ressortait pas des éléments de preuve fournis par la requérante que le public pertinent associerait aux significations potentielles de la marque contestée une représentation conceptuelle concrète. En effet, à l’instar de ce qui a été jugé en ce qui concerne le mot « airscreen », il n’y a rien, dans les éléments de preuve fournis par la requérante en l’espèce, qui indique que le mot « airframe » évoquerait le concept d’un cadre rempli d’air ou d’un cadre gonflable ou d’autres concepts susceptibles de décrire les produits ou les services en cause. Il convient, à cet égard, d’ajouter que, si, pour certains produits, le mot « air » en anglais peut être assimilé au mot « gonflable », en raison du fait qu’il est habituel de les remplir d’air, comme c’est le cas par exemple des matelas (« air mattress » en anglais, « Luftmatratze » en allemand et « luftmadrass » en suédois), il n’en va pas de même pour les produits et les services en cause. En effet, il n’a pas été démontré que le public pertinent associerait immédiatement le mot « airframe » à un cadre ou à un châssis qui serait gonflable ou rempli d’air.

 Sur l’élément figuratif

37      En ce qui concerne l’importance de l’élément figuratif dans le cadre de l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en présence d’un signe composé, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’il produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen des différents éléments constitutifs de cette marque [arrêts du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82, et du 15 mars 2018, Hermann Bock/EUIPO (Push and Ready), T‑279/17, non publié, EU:T:2018:149, point 27].

38      Il convient de rappeler que le signe contesté contient un élément figuratif en forme de cadre rectangulaire noir légèrement rétréci vers la droite, comportant un tracé de ligne latérale doublé. Le tout constitue une forme géométrique simple. Conceptuellement, il est difficile de déterminer ce que cet élément figuratif peut signifier. Il s’agit, a priori, d’un élément esthétique dépourvu de signification. Cependant, il n’est pas exclu que certains consommateurs y voient un cadre ou une sorte d’écran comme un écran d’ordinateur, de téléviseur ou, comme le soutient la requérante, de cinéma. Cela étant, l’élément figuratif n’évoque pas de concept clair et la requérante n’a pas apporté de preuve pour corroborer son argument selon lequel le public pertinent le percevrait immédiatement comme un écran cinématographique. Une telle interprétation devient encore moins plausible eu égard à l’élément verbal « airframe », qui ne suscite pas l’idée d’un écran de cinéma, mais signifie simplement « cadre d’air » ou « châssis d’air », ce qui rend l’éventuelle signification de l’élément figuratif plus intriguant aux yeux du public pertinent.

39      Partant, la requérante n’a pas démontré que la combinaison, d’une part, des éléments « air » et « frame », accolés dans un terme artificiel composé, et, d’autre part, d’un cadre rectangulaire noir légèrement rétréci vers la droite, comportant un tracé de ligne latérale doublé dans le signe en cause, exprimerait une affirmation claire quelconque. À l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de constater qu’il ne s’agit pas d’un écran de cinéma, mais d’une forme géométrique simple n’évoquant pas de concept clair.

 Sur le lien suffisamment direct et concret entre la marque contestée et les produits ou les services en cause

40      Étant donné que la requérante n’a pas prouvé, conformément à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, que la marque contestée correspondait à une représentation conceptuelle concrète susceptible de décrire les produits ou les services en cause, il convient de conclure que le public pertinent ne percevra pas immédiatement et sans autre réflexion une description des produits et des services en cause.

41      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que, en l’absence de preuve de contenu conceptuel de la marque contestée, il n’était pas non plus possible de constater la nature descriptive de cette dernière au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

42      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement

43      La requérante soutient que la marque contestée serait descriptive et invoque, à cet égard, les mêmes arguments que ceux avancés dans le cadre du premier moyen pour faire valoir l’absence de caractère distinctif de la marque contestée.

44      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

45      Dès lors que l’argumentation de la requérante, sur l’absence prétendue de caractère distinctif de la marque contestée en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, se fonde exclusivement sur son caractère prétendument descriptif et, qu’il a été conclu, dans le cadre du premier moyen, que la marque contestée n’était pas descriptive des produits ou des services en cause, celle-ci ne saurait prospérer.

46      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      the airscreen company GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.