Language of document : ECLI:EU:T:2005:219

Affaire T-171/02

Regione autonoma della Sardegna

contre

Commission des Communautés européennes

« Aides d’État — Régime d’aides à la restructuration de petites entreprises agricoles — Aides affectant les échanges entre États membres et faussant ou menaçant de fausser la concurrence — Lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté — Décision conditionnelle — Délais applicables à la procédure de contrôle des aides d’État — Protection de la confiance légitime — Motivation — Intervention — Conclusions, moyens et arguments de l’intervenant »

Sommaire de l’arrêt

1.      Aides accordées par les États — Projets d’aides — Examen par la Commission — Projets de régimes d’aides au sauvetage ou à la restructuration de petites et moyennes entreprises et de petites entreprises agricoles — Lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté — Délai habituel de deux mois — Délai applicable pour une « autorisation » intervenant à l’issue de la phase d’examen préliminaire

(Art. 88, § 2, al. 1, et 3, CE ; lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, point 4.1, al. 1)

2.      Aides accordées par les États — Projets d’aides — Examen par la Commission — Phase préliminaire — Durée — Prolongation par la Commission au moyen de questions non nécessaires à l’examen de l’aide — Interdiction — Possibilité d’engager avec l’État membre un dialogue visant à lui permettre de parfaire une notification incomplète

(Art. 88, § 3, CE)

3.      Aides accordées par les États — Aides existantes et aides nouvelles — Transformation d’une aide nouvelle en une aide existante — Conditions — Possibilité pour la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen en l’absence de notification par l’État membre d’un préavis de mise à exécution

4.      Aides accordées par les États — Projets d’aides — Examen par la Commission — Phase préliminaire et phase contradictoire — Respect d’un délai raisonnable — Appréciation in concreto

(Art. 88, § 2 et 3, CE)

5.      Aides accordées par les États — Compatibilité d’une aide avec le marché commun — Confiance légitime éventuelle dans le chef des intéressés — Protection — Conditions et limites

(Art. 88, § 2, al. 1, CE ; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 7, § 1 et 3)

6.      Aides accordées par les États — Décision de la Commission constatant l’incompatibilité d’une aide avec le marché commun — Obligation de motivation — Indications nécessaires

(Art. 253 CE)

7.      Aides accordées par les États — Affectation des échanges entre États membres — Atteinte à la concurrence — Critères d’appréciation — Aides de faible importance individuelle mais dispensées dans un secteur caractérisé par une vive concurrence et par un nombre élevé de petites entreprises

(Art. 87, § 1, CE)

8.      Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Pouvoir d’appréciation de la Commission — Possibilité d’adopter des lignes directrices — Appréciation économique complexe — Contrôle juridictionnel — Limites

(Art. 87, § 3, CE)

9.      Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Approbation d’un régime général d’aides — Condition — Mise en oeuvre non susceptible de conduire à l’octroi d’aides individuelles n’étant pas nécessaires pour atteindre l’un des objectifs prévus par l’article 87, paragraphe 3, sous a) à d), CE

[Art. 87, § 3, a) à d), CE]

10.    Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Aides à la restructuration d’une entreprise en difficulté — Identification des entreprises en difficulté

[Art. 87, § 3, c), CE ; lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, point 2.1, al. 1]

11.    Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Aides à la restructuration d’une entreprise en difficulté — Prise en compte de la localisation de l’entreprise dans une région assistée — Limites

[Art. 87, § 3, a) et c), CE ; lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, points 2.4, al. 2, et 3.2.1 à 3.2.3]

12.    Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Aides à la restructuration d’une entreprise en difficulté — Conditions — Conditions cumulatives — Conséquence — Possibilité pour la Commission d’interdire le versement des aides en l’absence d’informations suffisantes sur le respect de l’une des conditions

[Art. 87, § 3, c), CE ; lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, point 3.2.2]

13.    Procédure — Intervention — Moyens différents de ceux de la partie principale soutenue — Recevabilité — Condition — Rattachement à l’objet du litige — Recevabilité ne devant pas être appréciée de manière restrictive s’agissant des bénéficiaires potentiels d’un régime d’aides intervenant aux côtés de l’entité dispensatrice

(Statut de la Cour de justice, art. 40, al. 4 ; règlement de procédure du Tribunal, art. 116, § 4)

14.    Procédure — Intervention — Recevabilité contestée d’un moyen invoqué par un intervenant compte tenu de son rattachement discutable à l’objet du litige — Moyen devant, en tout état de cause, être rejeté pour un autre motif ou comme dépourvu de fondement — Possibilité pour le juge de le rejeter sans statuer sur sa recevabilité

15.    Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Portée de la dérogation — Interprétation stricte — Désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires

[Art. 87, § 1 et 2, b), CE]

16.    Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Aides à la restructuration d’une entreprise en difficulté localisée dans une région assistée — Conditions d’application — Examen par la Commission

[Art. 87, § 3, c), CE]

17.    Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun — Appréciation au regard de l’article 87 CE — Prise en compte d’une pratique antérieure — Exclusion

[Art. 87, § 3, c), CE]

18.    Procédure — Présentation des moyens — Moyen énoncé de façon abstraite, non explicité par des indications suffisamment claires et précises — Irrecevabilité

[Règlement de procédure du Tribunal, art. 116, § 4, b)]

1.      Le point 4.1, premier alinéa, des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté indique notamment que la Commission « autorisera » les projets de régimes d’aides au sauvetage ou à la restructuration de petites et moyennes entreprises (PME) ou de petites entreprises agricoles (PEA) et « le fera dans un délai habituel de deux mois à compter de la réception d’informations complètes, sauf si le régime d’aide considéré peut bénéficier de la procédure d’autorisation accélérée, auquel cas la Commission dispose de vingt jours ouvrables ».

Ces termes sont à interpréter dans le contexte des dispositions procédurales prévues par le traité en matière de contrôle des aides d’État. Les règles indicatives dont la Commission peut se doter afin de préciser la pratique qu’elle entend suivre en ce domaine ne sauraient en effet s’écarter des dispositions du traité.

Il en résulte qu’un projet de régime d’aides à la restructuration de PME ne peut être autorisé par la Commission dans le délai mentionné par le point 4.1, premier alinéa, desdites lignes directrices que si, à l’issue de ce délai « habituel de deux mois », c’est-à-dire du délai qui lui est imparti pour son examen préliminaire prévu par l’article 88, paragraphe 3, CE, la Commission estime soit que les mesures qu’il prévoit ne constituent pas des aides, soit qu’elles constituent des aides dont la compatibilité avec le marché commun ne suscite aucun doute. Si, en revanche, la Commission n’est pas en mesure de parvenir à une telle conclusion, il lui incombe d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE.

(cf. points 28-29, 33)

2.      La phase d’examen préliminaire des projets d’aides d’État, prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, est enfermée dans un délai impératif de deux mois courant à compter de la réception par la Commission d’une notification complète. Pour que la notification soit complète, il suffit qu’elle contienne, dans sa forme initiale ou à la suite des réponses données par l’État membre concerné aux demandes de la Commission, les informations nécessaires pour permettre à celle-ci de se forger une première opinion sur la compatibilité du projet qui lui a été notifié. Il s’ensuit que, si la Commission ne saurait empêcher le délai de deux mois de prendre son cours en réclamant des informations qui ne sont pas nécessaires à la formation d’une première opinion, elle est, en revanche, en droit, conformément à la finalité de l’article 88, paragraphe 3, CE, d’engager avec l’État membre concerné un dialogue visant à lui permettre de compléter sa notification lorsque les informations nécessaires n’y figurent pas.

(cf. points 40-41)

3.      La transformation d’une aide nouvelle en aide existante est subordonnée à deux conditions nécessaires et suffisantes, la première étant que la Commission omette d’ouvrir la procédure formelle d’examen dans un délai de deux mois courant à compter de la réception d’une notification complète et la seconde étant que l’État membre concerné notifie au préalable la mise à exécution de son projet à la Commission. Dès lors qu’aucun préavis de mise à exécution d’un projet n’a été notifié à la Commission par l’État membre, de sorte que l’une des deux conditions nécessaires à la transformation d’une aide nouvelle en aide existante fait défaut, la Commission peut, à bon droit, décider d’ouvrir la procédure formelle d’examen à son sujet.

(cf. points 48-49)

4.      L’observation d’un délai raisonnable dans la conduite d’une procédure administrative constitue un principe général du droit communautaire. En outre, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l’existence d’une action excessivement tardive dans le chef de cette institution.

Par ailleurs, s’il est vrai que, dans le cadre de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, un État membre a intérêt à respecter les délais qui lui sont impartis pour présenter ses observations ou pour communiquer les renseignements complémentaires demandés par la Commission, sans toutefois y être tenu, le temps écoulé du fait de son comportement aboutissant au non-respect de ces délais ne lui en reste pas moins imputable.

(cf. points 53, 59)

5.      Une confiance légitime en la régularité d’une aide ne saurait en principe, et sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE. Pour qu’une aide ait été accordée dans le respect de la procédure prévue par l’article 88 CE, il faut que cette procédure, qui revêt un caractère suspensif, ait été menée à son terme. Cela a pour conséquence que, lorsque la procédure formelle d’examen a été ouverte conformément à l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE, il faut qu’elle ait ensuite été clôturée par voie de décision positive conformément à l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement nº 659/1999. Ce n’est donc qu’une fois une telle décision adoptée par la Commission et le délai de recours à l’encontre de cette décision écoulé que peut en principe être invoquée une confiance légitime en la régularité de l’aide concernée.

(cf. points 64-65)

6.      La motivation d’un acte doit être adaptée à la nature de celui-ci et doit faire apparaître clairement le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés d’en comprendre le fondement et au juge d’en contrôler le bien-fondé, sans cependant qu’il soit exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit et de fait pertinents, puisque la question de savoir si elle satisfait à l’article 253 CE s’apprécie compte tenu tant du libellé de cet acte que de son contexte juridique et factuel.

Dans le cas d’une décision adoptée par la Commission au titre du contrôle des aides d’État, cela a notamment pour conséquence que, s’il peut ressortir des circonstances dans lesquelles une aide est octroyée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de ladite décision.

(cf. points 73-74)

7.      Dans sa qualification d’un projet d’aide ou de régime d’aides au regard de l’article 87, paragraphe 1, CE, la Commission n’est pas tenue d’en déterminer l’incidence réelle et effective, mais doit seulement examiner si ce projet est susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence.

Ni le montant relativement faible des aides envisagées ni la taille modeste des entreprises éligibles n’excluent en soi qu’un projet de régime d’aides soit susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence. Il en va de même de l’importance limitée du secteur économique en cause. En effet, d’autres éléments, tels que le degré particulier d’exposition à la concurrence de ce secteur, peuvent également entrer en ligne de compte. Tel est le cas d’un secteur qui est exposé à une concurrence intense et, en particulier, dont la structure, caractérisée par la présence d’un nombre élevé d’opérateurs de taille modeste, est telle que la mise en place d’un régime d’aides ouvert à une large partie d’entre eux peut avoir des répercussions sur la concurrence alors même que les aides individuelles attribuées au titre de ce régime sont de faible montant.

(cf. points 84-87)

8.      La Commission jouit, au titre de l’article 87, paragraphe 3, CE, d’un large pouvoir d’appréciation. Pour autant, elle peut se doter, aux fins d’exercer celui-ci, de règles indicatives au moyen d’actes tels que les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, dans la mesure où ces règles ne s’écartent pas des dispositions du traité. Lorsque la Commission a adopté un tel acte, celui-ci s’impose à elle. Il revient donc au juge de vérifier que la Commission a respecté les règles dont elle s’est dotée.

Toutefois, dès lors que le large pouvoir d’appréciation conféré à la Commission, explicité le cas échéant par les règles indicatives adoptées par elle, implique des évaluations complexes d’ordre économique et social devant être effectuées dans un contexte communautaire, le juge exerce sur celles-ci un contrôle restreint. Celui-ci se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de l’obligation de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

(cf. points 94-97)

9.      La faculté offerte à l’État membre concerné de notifier un projet de régime d’aides et, lorsque la Commission l’a approuvé après en avoir examiné les caractéristiques générales, de se dispenser de notifier les aides individuelles accordées au titre de celui-ci, sous réserve, le cas échéant, des conditions et obligations imposées sur ce point, ne saurait, cependant, permettre l’octroi d’aides individuelles qui auraient été déclarées incompatibles si elles avaient fait l’objet d’une notification individuelle, sauf à priver de portée le principe d’incompatibilité des aides énoncé par l’article 87 CE. En particulier, elle ne saurait déboucher sur l’octroi d’aides individuelles qui, tout en étant conformes à l’un des objectifs prévus par l’article 87, paragraphe 3, sous a) à d), CE, ne seraient pas pour autant nécessaires pour atteindre cet objectif.

La Commission doit donc vérifier que les projets de régimes d’aides soumis à son examen sont conçus de manière à garantir que les aides individuelles devant être accordées en vertu de leurs dispositions seront réservées aux entreprises qui y sont effectivement éligibles. Lorsqu’il s’avère que cela n’est pas le cas, il revient à la Commission, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, d’en tenir compte et d’évaluer, dans la mesure où les informations en sa possession le lui permettent, s’il est approprié d’adopter une décision conditionnelle ou une décision négative.

(cf. points 103-105)

10.    Le point 2.1, premier alinéa, des lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté précise que la Commission entend considérer comme étant en difficulté l’entreprise qui est incapable d’assurer son redressement avec ses propres ressources ou avec des fonds obtenus auprès de ses actionnaires ou par l’emprunt. Il présente divers indicateurs de tendance permettant de mesurer l’aggravation de la situation de cette entreprise, auxquels s’ajoutent divers indicateurs ponctuels permettant de mesurer la gravité particulière que cette situation peut revêtir dans certains cas.

Les termes du point 2.1, premier alinéa, desdites lignes directrices permettent de considérer que l’importance accordée par la Commission aux indicateurs de tendance ne prive pas nécessairement de pertinence d’autres types d’indicateurs, tels que des indicateurs fondés sur une moyenne. Toutefois, de tels indicateurs ne peuvent en tout état de cause apparaître pertinents que s’ils permettent de constater l’existence de difficultés véritables et démontrées rencontrées par les entreprises éligibles. À défaut, les aides ne pourraient en effet pas être tenues pour nécessaires à ces entreprises et à la réalisation de l’objectif poursuivi par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

(cf. points 108, 111)

11.    Le point 2.4, second alinéa, des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté indique notamment que, lorsque les entreprises concernées par un projet d’aide à la restructuration sont situées dans une région assistée, la Commission tiendra compte des considérations d’ordre régional mentionnées par l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE de la manière indiquée au point 3.2.3 des mêmes lignes directrices. Ce dernier, intitulé « Conditions particulières applicables aux aides à la restructuration dans les régions assistées », indique notamment que, lorsqu’un projet de régime d’aides à la restructuration d’entreprises en difficulté concerne une région assistée ou défavorisée, la Commission s’oblige à en tenir compte et, à cette fin, s’autorise, nonobstant l’existence d’une situation de surcapacité structurelle dans le secteur en cause, à appliquer souplement la règle de réduction de capacité fixée par lesdites lignes directrices si les besoins du développement régional le justifient.

En revanche, il n’en ressort nullement que, lorsque le secteur concerné par un projet d’aide nouvelle paraît exempt de surcapacité et que la Commission renonce en conséquence à imposer une réduction de capacité aux entreprises éligibles, ce projet devrait, de ce seul fait, être tenu pour compatible avec le marché commun.

Tout au contraire, il demeure nécessaire que ce projet réponde au principe posé par le point 3.2.1 des lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, selon lequel un projet d’aide nouvelle à la restructuration ne peut être accordé que dans les cas où l’on peut démontrer qu’il est dans l’intérêt de la Communauté qu’il le soit et, donc, qu’il remplit les conditions de retour à la viabilité, de prévention des distorsions de concurrence indues et de proportionnalité énumérées par le point 3.2.2 desdites lignes directrices. Quoique la Commission puisse être « moins stricte » à ce sujet, elle ne saurait, en effet, se montrer « tout à fait permissive », selon les termes du point 3.2.3 de ces mêmes lignes directrices.

(cf. points 115-117)

12.    Pour pouvoir être déclaré compatible avec le marché commun en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, un projet d’aide à la restructuration d’une entreprise en difficulté doit être lié à un plan de restructuration visant à en réduire ou à en réorienter les activités.

Le point 3.2.2 des lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, qui met en oeuvre cette exigence, impose notamment que le plan de restructuration respecte trois conditions matérielles. Il est impératif, premièrement, qu’il permette le retour de l’entreprise bénéficiaire à la viabilité dans un délai raisonnable et sur la base d’hypothèses réalistes [point 3.2.2, sous i)], deuxièmement, qu’il prévienne les distorsions de concurrence indues [point 3.2.2, sous ii)] et, troisièmement, qu’il soit proportionné aux coûts et avantages de la restructuration [point 3.2.2, sous iii)]. Ces conditions étant cumulatives, il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour qu’un projet d’aide à la restructuration doive être déclaré incompatible par la Commission. En outre, il incombe à l’État membre concerné, pour s’acquitter de son devoir de coopération envers la Commission, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que ces conditions sont réunies.

C’est ainsi que, ne pouvant, de toute évidence, fonder son appréciation sur une simple allégation, lorsque l’État membre reste en défaut de communiquer les informations permettant à la Commission de s’assurer que le projet satisfait à l’une des conditions cumulatives énoncées au point 3.2.2 des lignes directrices susvisées, et ce, en dépit des demandes réitérées de cette institution, la Commission est en droit de considérer que les éléments à sa disposition ne lui permettent pas de conclure que le projet respecte cette condition et, partant, d’adopter une décision d’incompatibilité du projet avec le marché commun, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres conditions énumérées par ledit point.

(cf. points 126-129, 137, 142-143, 149)

13.    L’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice et l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet.

Il revient donc au Tribunal, pour décider de la recevabilité des moyens invoqués par un intervenant, de vérifier qu’ils se rattachent à l’objet du litige tel qu’il a été défini par les parties principales.

S’agissant d’un litige introduit par une collectivité territoriale et portant sur la compatibilité avec le marché commun d’un régime d’aides à la restructuration d’un secteur économique projeté par cette collectivité, il ne saurait être contesté que les entreprises susceptibles de bénéficier de ce régime et leurs représentants se trouvent naturellement placés dans une situation propre à leur permettre de compléter utilement l’argumentation de la collectivité requérante, notamment sur les difficultés que les aides sont destinées à résoudre et sur les effets que celles-ci peuvent avoir. Le rattachement de leurs moyens à l’objet du litige ne doit donc pas faire l’objet d’une appréciation restrictive.

(cf. points 151-154, 193, 195)

14.    Il revient au Tribunal, pour décider de la recevabilité des moyens invoqués par un intervenant, de vérifier qu’ils se rattachent à l’objet du litige tel qu’il a été défini par les parties principales.

Pour autant, lorsqu’il apparaît qu’un moyen, dont le rattachement à l’objet du litige est discutable, doit en tout état de cause être rejeté comme irrecevable pour un autre motif ou comme dépourvu de fondement, il est loisible au juge de rejeter ce moyen sans statuer sur le point de savoir si l’intervenant est sorti de son rôle de soutien des conclusions d’une des parties principales.

(cf. points 153, 188)

15.    L’article 87, paragraphe 2, sous b), CE déroge au principe général d’incompatibilité des aides avec le marché commun et doit, comme tel, faire l’objet d’une interprétation stricte, au terme de laquelle seuls des dommages directement causés par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires peuvent fonder l’application de cette disposition. En outre, la légalité d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge en fonction des éléments dont cette institution disposait ou pouvait disposer au moment où elle a arrêté celle-ci.

Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir estimé qu’un projet ne se proposait pas d’octroyer des aides au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et, partant, d’avoir écarté l’application de cette disposition, lorsque l’examen de la correspondance échangée pendant la procédure administrative révèle que les autorités nationales n’ont jamais indiqué, ni à plus forte raison démontré, à la Commission que le projet mettait en place des aides destinées à remédier aux dommages visés par l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

(cf. points 165-166, 168)

16.    La Commission s’est obligée à tenir compte de l’article 158 CE de la manière décrite au point 1.3, deuxième alinéa, et au point 3.2.3 des lignes directrices pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté lorsqu’elle apprécie si un projet d’aide nouvelle à la restructuration d’entreprises en difficulté localisées dans une région assistée ou défavorisée peut être déclaré compatible avec le marché commun en application de la dérogation prévue par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

Toutefois, le simple fait qu’un projet d’aide nouvelle vise à répondre aux objectifs d’une disposition du traité autre que la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, CE invoquée par l’État membre concerné n’implique pas, en soi, que ce projet réponde aux conditions d’application de cette dérogation.

(cf. points 172, 175)

17.    C’est dans le seul cadre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une aide nouvelle ne répond pas aux conditions d’application de cette dérogation. Dès lors, l’invocation d’une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à supposer celle-ci établie, est à rejeter comme inopérante.

(cf. point 177)

18.    Une exception d’illégalité, qui s’analyse comme un moyen à l’appui de conclusions, doit, conformément à l’article 116, paragraphe 4, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, être argumentée par son auteur. Une énonciation abstraite, non explicitée par des indications suffisamment claires et précises pour permettre aux parties adverses d’y répondre et au Tribunal d’exercer son contrôle, ne respecte pas cette exigence minimale de présentation prescrite par ledit règlement de procédure et doit, dès lors, être rejetée comme irrecevable.

(cf. points 186, 188)