Language of document : ECLI:EU:T:2023:53

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

8 février 2023 (*)

« Aides d’État – Aide en faveur d’un club de football – Refus d’enregistrement d’une plainte déposée par l’un des membres d’un club de football – Qualité de partie intéressée »

Dans l’affaire T‑538/21,

Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL), établie à Bron (France),

WA,

représentés par Me J. Branco, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et G. Braga da Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la décision du 1er octobre 2021 faisant droit à la demande d’anonymat présentée par WA le 3 septembre 2021,

–        l’ordonnance du 3 novembre 2021, PBL et WA/Commission (T‑538/21 R, non publiée, EU:T:2021:752), rejetant la demande en référé,

–        la décision du 16 novembre 2021 rejetant la demande de procédure accélérée présentée par les parties requérantes,

–        l’ordonnance du 21 juillet 2022, PBL et WA/Commission (T‑538/21 AJ, non publiée), rejetant la demande d’aide juridictionnelle formée sur le fondement de l’article 147 du règlement de procédure du Tribunal,

–        le versement de nouvelles preuves le 18 octobre 2022,

–        l’ordonnance du 26 janvier 2023, WA/Commission (T‑538/21 AJ II, non publiée), rejetant la demande d’aide juridictionnelle formée sur le fondement de l’article 147 du règlement de procédure,

à la suite de l’audience du 18 octobre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours, les requérants, Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL) et WA, demandent, sur le fondement de l’article 263 TFUE, d’une part, l’annulation de la décision COMP/C.4/AH/mdr 2021(092342) de la Commission, du 1er septembre 2021, relative au statut d’une plainte présentée à propos d’une prétendue aide d’État accordée au club de football Paris Saint-Germain (SA.64489) (ci-après la « décision attaquée »), et, d’autre part, l’adoption de plusieurs injonctions adressées à la Commission européenne.

 Antécédents du litige

2        La première requérante, PBL, est une association fondée le 10 juin 2019, établie à Bron (France). Elle a pour objet la « réunion de supporters » du Fútbol Club Barcelona (ci-après le « FCB »), établi à Barcelone (Espagne), « pour partager une passion commune pour le club et promouvoir l’amour aux autres passionnés du football ».

3        Le second requérant, WA, est une personne physique qui est, d’une part, « socio » (membre) du FCB depuis le 3 mars 2020 et, d’autre part, membre de la première requérante.

4        Le 8 août 2021, M. Lionel Messi, joueur de football au FCB, a annoncé son départ dudit club et son recrutement par le Paris Saint-Germain Football Club (PSG), établi à Paris (France).

5        Le même jour, le second requérant a déposé une plainte auprès de la Commission. D’une part, il alléguait l’existence d’une aide d’État illégale au profit du PSG qui aurait permis à ce dernier de recruter M. Messi. D’autre part, il demandait à la Commission de prendre des mesures au titre de l’article 116 TFUE.

6        Le 1er septembre 2021, par la décision attaquée, la Commission a indiqué au second requérant que les informations fournies ne seraient pas enregistrées comme une plainte formelle au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), mais uniquement comme des informations générales sur le marché, dans la mesure où elles n’avaient pas été déposées par une « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du même règlement.

 Conclusions des parties

7        Les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à la Commission :

–        de faire usage de ses prérogatives au titre de l’article 116, paragraphe 1, TFUE en enjoignant à la Fédération française de football (FFF) de cesser immédiatement toute distorsion normative de concurrence et de se mettre en conformité avec le règlement sur l’octroi des licences de club et le fair-play financier de l’Union des associations européennes de football (UEFA) ;

–        d’enclencher une procédure d’infraction au titre des articles 107 et 108 TFUE et de l’article 12 du règlement 2015/1589 à l’encontre de la République française pour aide d’État illégale à l’égard du PSG et des clubs de football français dans le cadre des compétitions nationales et européennes ;

–        de prononcer, en application de l’article 13 du règlement 2015/1589, des mesures provisoires contre la République française tendant à faire cesser leur préjudice en lui enjoignant de suspendre les décisions normatives suivantes, créant une distorsion déloyale de concurrence par le truchement d’une aide d’État : les délibérations des 12 et 14 décembre 2019 des assemblées générale et fédérale de la Ligue de football professionnel (LFP) et la délibération du 10 décembre 2020 de l’assemblée générale de la LFP, prises en délégation de la FFF dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, la décision du 25 juin 2021 par laquelle la commission de contrôle des clubs professionnels de la direction nationale du contrôle de gestion de la LFP n’a pris aucune mesure administrative à l’encontre du PSG et la décision de la LFP – non publiée – par laquelle celle-ci a homologué le contrat signé entre M. Messi et le PSG.

8        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable et, subsidiairement, non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître des demandes d’injonction

9        Par leur second chef de conclusions, les requérants demandent au Tribunal d’enjoindre à la Commission, premièrement, de faire usage de ses prérogatives au titre de l’article 116, paragraphe 1, TFUE, deuxièmement, d’enclencher une procédure d’infraction au titre des articles 107 et 108 TFUE et de l’article 12 du règlement 2015/1589 et, troisièmement, de prononcer des mesures provisoires en application de l’article 13 dudit règlement.

10      La Commission conclut au rejet de ce chef de conclusions.

11      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne (voir ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée).

12      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les demandes d’injonction rappelées au point 9 ci-dessus pour cause d’incompétence.

13      Partant, il y a lieu de rejeter le second chef de conclusions des requérants dans son ensemble.

 Sur la recevabilité de la demande en annulation de la décision attaquée

14      Par leur premier chef de conclusions, les requérants demandent au Tribunal d’annuler la décision attaquée. Dans ce cadre, ils relèvent que, dans ladite décision, la Commission a ignoré l’un des deux requérants, à savoir la première requérante.

15      À cet égard, la Commission indique que la décision attaquée ne concerne que le second requérant, la première requérante n’ayant pas déposé de plainte auprès d’elle. Par conséquent, pour autant qu’elle viserait le rejet d’une prétendue plainte de la première requérante, la demande en annulation serait irrecevable.

16      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, les requérants ont indiqué ne pas posséder de copie du courrier que la première requérante aurait envoyé à la Commission, avant l’adoption de la décision attaquée, et qui associerait cette dernière à la plainte du second requérant, ni de l’accusé de réception de cet envoi.

17      Par conséquent, au vu de la contestation de la Commission et en l’absence de preuve produite devant le Tribunal au soutien de l’allégation des requérants selon laquelle la plainte du second requérant avait également été formée au nom de la première requérante, il convient de constater que le second requérant est le seul et unique plaignant et de déclarer recevable la demande en annulation uniquement en ce qu’elle vise le rejet de la plainte de ce dernier en tant que « socio » du FCB. À cet égard, bien que, dans le mémoire en défense, la Commission soulève l’irrecevabilité de la demande en annulation également en ce qu’elle concerne le second requérant, il y a lieu de constater que celle-ci n’apporte aucun argument au soutien de cette contestation.

18      La demande en annulation doit être déclarée irrecevable pour le surplus.

 Sur le fond

19      Dans le cadre de leur chef de conclusions visant l’annulation de la décision attaquée, les requérants soulèvent un moyen unique, tiré de la violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 du fait de l’erreur d’appréciation commise par la Commission en ce qui concerne la notion de partie intéressée.

20      En substance, le moyen unique est divisé en deux branches. Par la première branche, les requérants contestent la qualification de « purement généraux ou indirects » par la Commission des intérêts qu’ils font valoir au soutien de la démonstration de la qualité du second requérant comme partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Par la seconde branche, ils contestent l’analogie entre les actionnaires et les « socios » par laquelle la Commission illustre ses propos, notamment, pour conclure que le second requérant ne dispose pas d’un intérêt propre à protéger.

21      La Commission conteste le bien-fondé du moyen unique.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de l’erreur de qualification des intérêts du second requérant présentés au soutien de sa qualité de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589

22      L’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 définit la notion de partie intéressée comme visant « tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».

23      L’emploi de l’expression « en particulier » indique que l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 ne contient qu’une énumération non exhaustive des personnes susceptibles d’être qualifiées de parties intéressées, de sorte que cette notion se réfère à un ensemble indéterminé de destinataires (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission, C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 34 et jurisprudence citée).

24      Eu égard à cette définition, le juge de l’Union a interprété la notion de partie intéressée de manière large (arrêt du 6 octobre 2021, Tempus Energy Germany et T Energy Sweden/Commission, T‑167/19, EU:T:2021:645, point 39).

25      En l’espèce, le second requérant est membre d’une association sportive espagnole qui, selon les requérants, est concurrente des clubs français sur le « marché européen du football ».

26      Dès lors, le second requérant n’est ni le bénéficiaire de la prétendue aide d’État, ni un concurrent du bénéficiaire de cette aide ou son représentant, ni une association professionnelle chargée de la défense d’intérêts collectifs affectés par ladite aide ou son représentant.

27      Néanmoins, il ressort de la jurisprudence que l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 n’exclut pas que le second requérant puisse être qualifié de partie intéressée, pour autant qu’il fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de la prétendue aide d’État, et que, à cette fin, il démontre, à suffisance de droit, que cette aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission, C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 35 et jurisprudence citée).

28      Dans ce contexte, les requérants formulent, en substance, quatre griefs à l’encontre de la Commission, du fait qu’elle n’a pas reconnu les intérêts que le second requérant peut faire valoir, en tant que « socio », au soutien de la qualification de partie intéressée.

29      Par le premier grief, les requérants estiment que le second requérant dispose d’un « intérêt patrimonial direct en rapport à la situation de l’association » qu’il conviendrait de protéger afin d’éviter l’engagement de sa responsabilité financière en cas de faillite du FCB. Dans ce cadre, ils affirment que les « socios » du FCB ont une responsabilité patrimoniale directe relative à la situation financière du club et, plus précisément, « [que,] en cas de banqueroute ou de dissolution du club […], cette responsabilité serait immédiatement invocable, de façon individuelle, afin de purger toute différence entre actif et passif de l’organisation ».

30      Cependant, le premier grief est dépourvu de fondement. En effet, d’une part, il ne ressort pas des articles 9 à 15 des statuts du FCB, relatifs aux « socios », que ces derniers peuvent voir leur responsabilité financière engagée pour les pertes du club et, d’autre part, l’article 38 desdits statuts indique expressément que cette responsabilité appartient aux membres du conseil d’administration, dont ne fait pas partie le second requérant.

31      Dès lors, la défense d’un intérêt patrimonial personnel doit être écartée comme possible fondement au soutien de la qualification de partie intéressée du second requérant.

32      Par le deuxième grief, les requérants allèguent un intérêt fondé sur la défense des valeurs du football et, plus généralement, sur la défense du sport comme bien commun et comme valeur, qui est lésé du fait de l’atteinte à l’égalité dans les compétitions sportives.

33      Pour rejeter le deuxième grief, il convient de rappeler que reconnaître la qualité d’intéressée à toute personne ayant, à l’égard des mesures étatiques mises en cause, un intérêt purement général ou indirect constituerait une interprétation manifestement incompatible avec les dispositions de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 19 décembre 2019, BPC Lux 2 e.a./Commission, T‑812/14 RENV, non publié, EU:T:2019:885, point 60 et jurisprudence citée).

34      Or, l’atteinte alléguée ne concerne pas le second requérant personnellement et relève de l’intérêt général.

35      Par le troisième grief, les requérants invoquent, du fait de la conséquence directe de la distorsion de concurrence sur la forme d’organisation du FCB, un intérêt à se défendre contre, d’une part, une menace à l’égard de leur droit moral et, d’autre part, la création d’une insécurité juridique et économique pour les « socios », constitutive d’une atteinte directe à la liberté d’association.

36      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences dudit règlement. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 102 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il y a lieu de constater que les requérants restent en défaut de préciser en quoi il serait porté atteinte au droit moral du second requérant et à sa liberté d’association.

38      Dès lors, le troisième grief doit être rejeté comme étant irrecevable.

39      Par le quatrième grief, les requérants font valoir un intérêt visant la conservation des droits dont le second requérant jouit en tant que « socio » du FCB, ceux-ci étant menacés de disparition dans l’hypothèse d’une transformation du statut du FCB, qui passerait d’une forme associative à une société détenue par des capitaux.

40      Selon les requérants, cette modification structurelle est la « seule alternative à la faillite technique et la dissolution de l’association », permettant la survie économique du FCB, incapable de résister à la distorsion de concurrence créée par les décisions de la LFP.

41      Par extension, les requérants estiment que la défense du modèle associatif fonde l’intérêt du second requérant à agir pour sauvegarder tant les intérêts du FCB que ses propres intérêts. La défense d’une « certaine vision » du FCB et d’une « certaine conception du club » se rattacherait à cet intérêt.

42      À cet égard, conformément à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, il convient d’examiner si, d’une part, l’intérêt du second requérant à défendre le modèle associatif et les droits qui y sont attachés pourrait être affecté par l’octroi de la prétendue aide d’État et si, d’autre part, il est démontré, à suffisance de droit, que ladite aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation.

43      Or, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la possibilité d’une affectation de l’intérêt avancé par les requérants, il suffit de constater que la preuve d’un risque d’incidence concrète de la prétendue aide d’État sur la situation du second requérant n’a pas été rapportée à suffisance de droit.

44      En effet, il ressort de la jurisprudence que la satisfaction de cette condition suppose que, pour que l’incidence soit concrète, elle soit directement liée à l’octroi de l’aide d’État (voir, en ce sens, ordonnance du 25 juin 2003, Pérez Escolar/Commission, T‑41/01, EU:T:2003:175, point 44).

45      En l’espèce, les intérêts du second requérant en tant que « socio » du FCB ne sont pas affectés directement par la prétendue aide d’État, dans la mesure où la transformation du FCB en société anonyme dépend d’une décision indépendante de ce club. En outre, il peut être relevé que le préjudice allégué repose sur des événements futurs et incertains, à savoir ladite transformation, qui dépendent notamment du FCB et de son assemblée générale et, par conséquent, qui ne sont pas directement liés à la mise en œuvre de la prétendue aide d’État. Dès lors, le quatrième grief doit être rejeté pour défaut de fondement.

46      Au regard de ce qui précède, il convient de conclure qu’aucun des intérêts dont se prévalent les requérants en ce qui concerne le second requérant, en tant que « socio » du FCB, au soutien de sa qualité de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 n’a fait l’objet d’une qualification erronée de la part de la Commission lorsque celle-ci a estimé qu’ils présentaient un caractère purement général ou indirect.

47      Partant, il convient de rejeter la première branche du moyen unique comme étant non fondée.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée de l’erreur d’appréciation des intérêts du second requérant en ce qu’ils ne seraient pas comparables à ceux d’un actionnaire

48      Dans la décision attaquée, la Commission indique :

« Vous avez déposé la plainte au nom d’un membre (socio) du [FCB]. Un membre n’est ni un concurrent du PSG, ni une association professionnelle. Bien que la définition de ‟partie intéressée” ne se limite pas aux seuls concurrents du bénéficiaire de l’aide, les intérêts purement généraux ou indirects d’une personne à l’égard d’une mesure ne permettent pas de qualifier cette personne de partie intéressée, car de tels éléments ne révèlent aucune affectation concrète de sa situation. Par exemple, la qualité d’actionnaire de la société concurrente d’un bénéficiaire d’une aide ne confère pas à cette personne un intérêt propre et distinct de celui de la société concernée. L’actionnaire ne peut défendre ses intérêts par rapport à cette mesure qu’en exerçant ses droits d’associé de cette entreprise, qui peut elle-même avoir le droit de porter plainte. La qualité de partie intéressée n’est pas étendue à toutes les personnes susceptibles d’être affectées par une diminution du résultat net annuel d’une entreprise. La situation des membres (‟socios”) du [FCB], qui est organisée comme une association sans but lucratif, est à cet égard similaire à celle des actionnaires d’une société, car ils ne pourraient faire valoir qu’un intérêt indirect à l’égard de la mesure en cause, par l’intermédiaire du [FCB]. » [« You have filed the complaint in the name of a member (socio) of the [FCB]. A member is neither a competitor of PSG or a trade association. While the definition of “interested party” is not limited solely to competitors of the beneficiary of the aid, purely general or indirect interests of a person in a measure does not qualify that person as an interested party, as such elements do not disclose any real affectation of its situation. For example, the status of a shareholder of the company competing with an aid beneficiary does not confer on that person an interest of its own and distinct from that of the company concerned. The shareholder can defend his interests in relation to that measure only by exercising his rights as a member of that undertaking, which itself may have the right to lodge a complaint. The status of an interested party is not extended to all persons who may be affected by a reduction in an undertaking’s annual net profit or loss. The situation of the members (“socios”) of the [FCB], which is organised as a not-for-profit association, is similar in this regard to that of shareholders of a company, as they could argue only an indirect interest in the measure at stake, through the [FCB]. »] (soulignement ajouté)

49      Il ressort de ce qui précède que le rejet de la plainte est explicitement fondé sur le fait qu’une personne faisant valoir des intérêts purement généraux ou indirects à l’égard d’un acte ne peut être qualifiée de partie intéressée, dans la mesure où de tels intérêts ne révèlent pas d’affectation concrète de sa situation.

50      Ainsi, l’analogie à laquelle se livre la Commission dans la suite de la décision attaquée n’est présentée qu’à titre d’exemple, comme cela ressort expressément des termes utilisés dans la rédaction de ladite décision, afin d’illustrer le fait que le plaignant avance, en réalité, des intérêts purement généraux ou indirects.

51      Cette partie de la décision attaquée présente donc un caractère accessoire, sur lequel ne peut reposer le fondement du rejet de la plainte.

52      Cette appréciation est confortée par l’approche adoptée par les requérants dans leurs écritures. En effet, ceux-ci font valoir plusieurs arguments, parmi lesquels l’argument relatif à l’analogie opérée par la Commission avec la situation des actionnaires. Plus précisément, dans la requête, les requérants relèvent spécifiquement, dans un premier temps, le fait que la motivation du rejet de la plainte est fondée sur la présentation par eux d’intérêts purement généraux ou indirects. À cet égard, ils limitent leur contestation à une affirmation pure et simple, sans élément pour l’étayer, se contentant d’indiquer qu’« il n’apparaît nullement que cela soit le cas en l’espèce ». En revanche, dans un second temps, ils choisissent de développer leurs objections à l’égard de l’aspect accessoire de la décision, estimant que c’est « [d]e façon plus intéressante » que la Commission procède à ladite analogie.

53      Ainsi, il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé de la seconde branche du moyen unique, celle-ci étant inopérante.

 Sur les preuves déposées au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure

54      Le 18 octobre 2022, les requérants ont déposé au greffe du Tribunal un certain nombre de preuves, alléguant une impossibilité de les produire avant la tenue de l’audience le même jour.

55      Conformément à l’article 85, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission a été mise en mesure de prendre position sur ces preuves lors de l’audience.

56      Dans ce contexte, il convient de relever que ces preuves ne peuvent avoir de conséquences que si elles viennent modifier les appréciations du Tribunal s’agissant, premièrement, de sa compétence, deuxièmement, de la recevabilité et, troisièmement, du bien-fondé de la première branche du moyen unique. Or, aucun élément venant remettre en question ces appréciations ne ressort des explications fournies par les requérants ou de l’analyse de ces preuves. En effet, les documents produits sont censés venir au soutien, en substance, des allégations des requérants relatives, tout d’abord, à l’aggravation des distorsions de concurrence, sans cependant démontrer d’incidence concrète sur la situation du second requérant quant à un intérêt dont il pourrait légitimement se prévaloir, ensuite, à l’existence d’une aide d’État, élément étranger au recours et, enfin, à l’intérêt à agir de la première requérante, qui a finalement été écarté à la suite de la réponse apportée par les requérants à une question du Tribunal lors de l’audience quant à la qualité de plaignante de cette dernière (voir points 16 et 17 ci-dessus).

57      Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des documents déposés le 18 octobre 2022 au regard des raisons avancées pour justifier le retard avec lequel ils ont été produits, il suffit de conclure à leur défaut de pertinence.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL) et WA sont condamnés aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 février 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.