Language of document : ECLI:EU:T:2010:276

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRESIDENT DE LA CINQUIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL

2 juillet 2010 (*)

« Intervention – Confidentialité »

Dans l’affaire T‑384/09,

SKW Stahl-Metallurgie Holding AG, établie à Unterneukirchen, (Allemagne), et

SKW Stahl-Metallurgie GmbH, établie à Unterneukirchen, (Allemagne), représentées par Mes A. Birnstiel, S. Janka et S. Dierckens, avocats,

parties requérantes

contre

Commission européenne, représentée par M. N. von Lingen et Mme A. Antoniadis, en qualité d’agents, et assistée par MA. Bohler, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation de la décision C (2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) (affaire COMP/39.396 − réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium pour l’industrie de l’acier et du gaz), concernant une entente sur le marché de la poudre et des granulés de carbure de calcium, ainsi que sur celui des granulés de magnésium dans une partie importante de l’EEE, portant sur la fixation des prix, le partage des marchés et l’échange d’informations, ainsi que, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction de l’amende infligée aux requérantes,

LE PRESIDENT DE LA CINQUIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents

1        Par décision C (2009) 5791 final, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 − réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium pour l’industrie de l’acier et du gaz, ci-après, la « Décision »), la Commission européenne a constaté, notamment, que les requérantes, SKW Stahl-Metallurgie GmbH (ci‑après, « SKW ») et SKW Stahl-Metallurgie Holding AG (ci-après, « SKW Holding ») ainsi qu’ARQUES Industries AG (ci‑après, « Arques »), ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), en participant à une entente sur le marché de la poudre et des granulés de carbure de calcium, ainsi que sur celui des granulés de magnésium dans une partie importante de l’EEE (article 1er de la Décision).

2        La Commission a condamné les entreprises susvisées, conjointement et solidairement, au paiement d’une amende de 13 300 000 euros [article 2, sous f), de la Décision] et leur a ordonné de mettre immédiatement fin à l’infraction, pour autant qu’elles ne l’aient pas encore fait, ainsi que de s’abstenir de tout acte ou de toute conduite décrite à l’article 1er, et de tout acte ou toute conduite ayant un objet ou un effet similaire ou identique à celui‑ci (article 3 de la Décision). Cette décision a, notamment, été adressée aux requérantes et à Arques (article 4 de la Décision).

3        À cet égard, il ressort des motifs de la Décision que la Commission a constaté la participation directe de SKW à l’entente (considérant 226 de la Décision). S’agissant de SKW Holding et d’Arques, la Commission a considéré qu’elles devaient être tenues pour responsables du comportement de SKW, en raison du fait que, pendant la partie de la période infractionnelle, elles avaient la possibilité d’exercer une influence déterminante sur son comportement sur le marché et qu’elles avaient effectivement exercé une telle influence (considérant 227 de la Décision).

 Procédure

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2009, les requérantes ont introduit un recours contre la Décision, dans lequel elles demandent au Tribunal d’annuler celle‑ci en tant qu’elle les concerne ou, à titre subsidiaire, d’annuler ou de réduire considérablement l’amende qui leur a été infligée et de condamner la Commission aux dépens.

5        La Commission a conclu au rejet du recours et à la condamnation des requérantes aux dépens.

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2009 et enregistré sous la référence T‑395/09, Arques a également introduit un recours tendant à l’annulation des articles 1er, 2, 3 et 4 de la Décision, pour autant qu’elle la concerne, à titre subsidiaire à l’annulation de l’article 1er et 3 de la Décision pour autant qu’elle la concerne et/ou à la réduction de l’amende qui lui a été infligée en vertu de l’article 2, sous f), de la Décision ainsi qu’à la condamnation de la Commission aux dépens.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 janvier 2010, Arques a demandé à intervenir au présent litige, au soutien des conclusions des requérantes.

8        Les requérantes et la Commission ont présenté leurs observations écrites relatives à cette demande d’intervention par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 22 et 23 février 2010.

9        Par acte déposé au greffe le 22 février 2010 les requérantes ont demandé le traitement confidentiel, à l’égard d’Arques, de certains éléments contenus dans la requête et dans ses annexes.

 En droit

 Arguments des parties

10      Arques soutient qu’elle dispose d’un intérêt à la solution du présent litige. Elle fait valoir, à cet égard, que la légalité de l’amende que lui avait infligée la Décision dépend de la légalité de l’amende infligée aux requérantes. En effet, la Décision lui aurait infligé une amende au seul motif qu’elle formerait une unité économique avec les requérantes. Par conséquent, en cas d’annulation de l’amende infligée aux requérantes, la décision d’infliger une amende à Arques ne pourrait qu’être retirée.

11      L’arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363) ne saurait conduire à une conclusion différente, dès lors que, à la différence de ce qui serait le cas dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, dans la présente affaire Arques aurait elle-même attaqué, dans les délais, la Décision, laquelle ne serait, donc, pas définitive à son égard.

12      Les requérantes ont soulevé des objections à l’encontre de la demande d’intervention d’Arques. Elles estiment qu’Arques ne justifie pas d’un intérêt direct et actuel à l’issue du présent litige.

13      Premièrement, dans la mesure où, selon la jurisprudence, une décision telle que celle en cause en l’espèce, constituerait un faisceau de décisions individuelles, un destinataire de cette décision n’aurait aucun intérêt direct à l’issue d’un recours en annulation contre ladite décision, introduit par un autre destinataire. Il s’ensuivrait que ni un arrêt faisant droit au recours des requérantes ni un arrêt rejetant ce recours n’aurait aucune conséquence directe pour Arques, contrairement aux affirmations de cette dernière.

14      Deuxièmement, la circonstance que les requérantes et Arques auraient toutes été condamnées conjointement et solidairement à la même amende ne saurait conduire à une conclusion différente. En effet, même si la Décision était annulée à l’égard de l’une de plusieurs entreprises condamnées conjointement et solidairement à la même amende, cela n’empêcherait pas la Commission de procéder contre les autres pour le recouvrement de la totalité de l’amende.

15      Troisièmement, Arques n’aurait pas, en tout hypothèse, d’intérêt à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Les requérantes font valoir, à cet égard, que leur recours est fondé sur différentes erreurs de procédure ou de droit commises par la Commission à leur détriment, lesquelles ne concerneraient pas Arques, dont le recours serait fondé sur des moyens différents.

16      Quatrièmement, les requérantes font valoir qu’une éventuelle admission de la demande d’intervention d’Arques serait contraire à leurs propres intérêts légitimes et à l’économie de la procédure, dans la mesure où une telle intervention n’aurait aucun effet utile mais, au contraire, rallongerait la durée de la procédure et entraînerait des charges et des frais additionnels pour les requérantes.

17      Les requérantes demandent, donc, au Tribunal de rejeter la demande d’intervention et de condamner Arques aux dépens.

18      La Commission a également soulevé d’objections à l’encontre de la demande d’intervention. Elle fait valoir que Arques n’aurait aucun intérêt direct et réel mais, tout au plus, un intérêt indirect et potentiel au sort réservé aux conclusions des requérantes. La Commission souligne, à cet égard, que, sans contester la constatation de l’infraction en tant que telle, les requérantes demandent l’annulation de la Décision uniquement dans la mesure où celle-ci les concerne ou, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction de l’amende qui leur a été infligée. Dans ces conditions, une éventuelle annulation ou réduction de l’amende infligée aux requérantes ne modifierait en rien le montant de l’amende infligée à Arques et serait, donc, défavorable pour cette dernière, dès lors qu’elle diminuerait la responsabilité solidaire des requérantes pour l’amende et augmenterait la seule responsabilité d’Arques.

19      La Commission ajoute que les moyens et arguments invoqués par les requérantes à l’appui de leur recours concernent leur propre situation et n’aurait aucune influence sur la responsabilité d’Arques pour l’infraction constatée par la Décision ou sur le montant de l’amende infligée à elle. Par ailleurs, il ressortirait de la jurisprudence que même si le Tribunal était amené à faire droit au recours des requérantes, cela ne saurait avoir aucune incidence sur la légalité de l’amende infligée à Arques.

20      Par conséquent, de même que les requérantes, la Commission conclut au rejet de la demande d’intervention et à la condamnation d’Arques aux dépens.

 Appréciation du Président

21      La demande en intervention a été introduite conformément à l’article 115 du règlement de procédure.

22      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de la Communauté, ou entre États membres, d’une part, et institutions de la Communauté, d’autre part, a le droit d’intervenir à ce litige.

23      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain.(ordonnance du Tribunal du 17 février 2010, Fresh Del Monte Produce/Commission, T-587/08, non publiée au Recueil, point 25 et la jurisprudence citée).

24      Ainsi que le relève, d’ailleurs, en substance la Commission au considérant 205 de la Décision, le droit communautaire de la concurrence vise les activités des entreprises. La notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La Cour a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (ordonnance Fresh Del Monte Produce/Commission, point 26 et la jurisprudence citée).

25      Il y a également lieu de relever que, dans le cas d’une filiale détenue à 100% par la société mère, la société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE et il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, non encore publié au Recueil, points 59 et 60). Les mêmes considérations figurent, en substance, au considérant 206 de la Décision.

26      En l’espèce, la Commission a considéré que, pendant la période allant du 30 août 2004 au 16 janvier 2007, date à laquelle l’infraction constatée par la Décision a pris fin pour autant que les requérantes étaient concernées, les requérantes et Arques formaient une « unité économique » aux fins de l’application des règles de concurrence, puisque SKW ne déterminait pas de manière autonome son comportement sur le marché mais était une filiale détenue à 100 % par SKW Holding. Selon la Décision, cette dernière société était, jusqu’au 30 novembre 2006, une filiale détenue à 100 % par Arques. S’agissant de la période allant du 30 novembre 2006 au 16 janvier 2007, la Décision relève que Arques détenait la majorité des parts de SKW Holding et que, en outre, il existent des éléments qui confirment que « les sociétés mères respectives […] ont exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de la filiale » (considérants 26 à 28 et 227 de la Décision).

27      Dans le cadre du présent recours, ainsi qu’il ressort du point 4 ci‑dessus, les requérantes demandent, en substance, l’annulation de la Décision dans la mesure où elle les concerne ou, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction de l’amende qui leur a été infligée en vertu de l’article 2, sous f), de cette décision.

28      Force est de constater que les requérantes et Arques, dans la Décision, ont été considérées, aux fins de l’application de l’article 81 CE, comme une seule et même entreprise, ont été condamnées pour une seule et même infraction, laquelle est liée au comportement de SKW sur le marché, et qu’Arques n’a été tenue pour responsable de l’infraction qu’en raison de l’existence d’une unité économique entre elle et les requérantes. En outre, les requérantes et Arques ont été solidairement condamnées au paiement d’une seule et même amende. Arques doit par conséquent pouvoir intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions des requérantes (voir en ce sens, ordonnance Fresh Del Monte Produce/Commission, précitée, points 29 et 30).

29      En outre, contrairement à ce que soutient, en substance, les parties principales, la circonstance qu’Arques disposait elle‑même d’un droit de recours autonome contre la Décision et a, en fait, introduit un tel recours, est sans pertinence aux fins de savoir si elle justifie d’un intérêt à intervenir au présent litige (voir, en ce sens, ordonnance Fresh Del Monte Produce/Commission, précitée, point 31 et la jurisprudence citée).

30      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’intérêt à intervenir au présent litige invoqué par Arques doit être qualifié d’intérêt direct et actuel à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut. Par conséquent, il convient d’accueillir la demande d’intervention (voir, en ce sens, ordonnance Fresh Del Monte Produce/Commission, précitée, point 32).

31      La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 5 décembre 2009, la demande d’intervention a été présentée dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits de la partie intervenante seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, dudit règlement.

32      La requérante a toutefois demandé que, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, certains éléments confidentiels du dossier soient exclus de la communication à la partie intervenante et ont produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle des mémoires ou pièces en question.

33      À ce stade, la communication à la partie intervenante des actes de procédure signifiés et, le cas échéant, à signifier aux parties doit donc être limitée à une version non confidentielle. Une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections ou des observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

Par ces motifs,

LE PRESIDENT DE LA CINQUIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      ARQUES Industries AG est admise à intervenir dans l’affaire T-384/09 à l’appui des conclusions des parties requérantes.

2)      Le greffier communiquera à la partie intervenante une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter ses observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

4)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de la possibilité de le compléter le cas échéant ultérieurement, à la suite de la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

5)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 2 juillet 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’allemand.