Language of document : ECLI:EU:T:2003:13

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

23 janvier 2003

Affaire T-181/01

Chantal Hectors

contre

Parlement européen

«Fonctionnaires - Agents temporaires - Recrutement - Motivation - Erreur manifeste d'appréciation - Égalité de traitement entre hommes et femmes»

Texte complet en langue française
II - 0000

Objet:    Recours ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des décisions de l'autorité habilitée à conclure des contrats d'engagement portant nomination de M. B. à l'emploi d'administrateur de langue néerlandaise auprès du groupe du parti populaire européen (démocrates-chrétiens) et démocrates européens du Parlement européen et rejetant la candidature de la requérante à ce poste, et, d'autre part, la condamnation du Parlement au paiement de dommages-intérêts au titre des préjudices matériel et moral qu'elle a prétendument subis.

Décision:    Le recours est rejeté. Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Sommaire

1.
Fonctionnaires - Décision faisant grief - Rejet d'une candidature - Obligation de motivation au plus tard au stade du rejet de la réclamation - Objet - Portée - Agent temporaire auprès d'une groupe politique du Parlement

(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2; régime applicable aux autres agents, art. 11)

2.
Fonctionnaires - Agents temporaires - Recrutement - Candidats inscrits sur une liste d'aptitude - Pouvoir d'appréciation de l'administration - Contrôle juridictionnel - Limites

3.
Fonctionnaires - Agents temporaires - Recrutement - Procédure - Pouvoir d'appréciation de l'administration - Entretien préalable au recrutement - Engagement par un groupe politique du Parlement

[Régime applicable aux autres agents, art. 2, sous c)]

4.
Fonctionnaires - Égalité de traitement - Égalité entre fonctionnaires de sexe masculin et fonctionnaires de sexe féminin - Droit fondamental - Respect assuré par le juge communautaire - Rejet de la candidature d'une femme enceinte - Charge de la preuve

[Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE); directives du Conseil 97/80, art. 4, et 2000/78, art. 10]

5.
Fonctionnaires - Égalité de traitement - Égalité entre fonctionnaires de sexe masculin et fonctionnaires de sexe féminin - Dérogations - Mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes - Conditions

(Art. 141, § 4, CE)

1.
Aux termes de l'article 25, deuxième alinéa, du statut, applicable par analogie aux agents temporaires conformement à l'article 11 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, toute décision faisant grief doit être motivée. En cas de décisions impliquant un choix entre plusieurs candidats, l'autorité investie du pouvoir de nomination ou, par analogie, l'autorité habilitée à conclure des contrats d'engagement est tenue à une obligation de motivation, à tout le moins au stade du rejet de la réclamation introduite par le candidat écarté contre la décision rejetant sa candidature et/ou contre celle portant nomination d'un autre candidat. Cette obligation de motivation a pour but à la fois de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si cette décision est bien fondée ou si elle est entachée d'un vice permettant d'en contester la légalité.

S'agissant d'un emploi d'agent temporaire auprès d'un groupe politique du Parlement, pour le pourvoi duquel la présidence de ce groupe dispose, en raison de la nécessité d'un rapport de confiance mutuelle, d'une entière liberté de choix de l'un des candidats figurant sur la liste d'aptitude, la motivation peut ne porter que sur le respect des conditions légales auxquelles est subordonnée la régularité de la procédure de nomination.

(voir points 35 à 37, 40 et 41)

    Référence à: Cour 13 décembre 1989, Prelle/Commission, C-169/88, Rec. p. 4335, point 9; Tribunal 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T-45/90, Rec. p. II-33, point 94; Tribunal 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 22; Tribunal 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. I-A-23 et II-77, points 30 et 32; Tribunal 14 juillet 1997, B/Parlement, T-123/95, RecFP p. I-A-245 et II-697, point 72; Tribunal 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T-372/00, RecFP p. I-A-49 et II-223, point 49

2.
L'autorité investie du pouvoir de nomination dispose d'une marge d'appréciation très large quant au recrutement des candidats inscrits sur une liste d'aptitude, en ce sens qu'elle n'a notamment aucune obligation de respecter l'ordre précis du classement des candidats figurant sur cette liste. Ce même principe s'applique, a fortiori, à l'engagement des agents temporaires, l'autorité habilitée à conclure des contrats d'engagement disposant d'un pouvoir d'appréciation encore plus étendu lors du choix des candidats.

Le Tribunal ne peut pas substituer son appréciation des qualifications des candidats à celle de cette dernière autorité. L'examen auquel il doit procéder se limite à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée.

(voir points 65 et 69)

    Référence à: Tribunal 17 novembre 1998, Fabert-Goossens/Commission, T-217/96, RecFP p. I-A-607 et II-1841, points 28 et 29; Tribunal 19 septembre 2001, E/Commission, T-152/00, RecFP p. I-A-179 et II-813, points 28 et 29

3.
Les procédures et obligations relatives au recrutement des fonctionnaires ne sont pas applicables aux fins du pourvoi d'un emploi d'agent temporaire. L'autorité habilitée à conclure des contrats d'engagement dispose d'un très large pouvoir d'appréciation tant dans le choix des modalités d'organisation de la procédure de sélection que dans la conduite de celle-ci.

On ne saurait de ce fait considérer que, en ayant organisé des entretiens entre les candidats figurant sur une liste d'aptitude et les membres d'une délégation nationale d'un groupe politique du Parlement au bénéfice duquel le recrutement devait s'opérer, ladite autorité ait outrepassé la large marge d'appréciation dont elle dispose. L'organisation de ces entretiens dans le cadre de la procédure de recrutement est d'ailleurs conforme à la nécessité qu'existe un rapport de confiance mutuelle déterminant l'engagement d'un agent temporaire par un groupe politique du Parlement sur la base de l'article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents.

Toutefois, l'avis émis par la délégation nationale du groupe politique ne saurait se substituer à l'examen comparatif final auquel doit procéder la présidence du groupe politique du Parlement en qualité d'autorité habilitée à conclure des contrats d'engagement.

(voir points 94, 102 et 104)

    Référence à: Speybrouck/Parlement, précité, point 94; B/Parlement, précité, point 72; Tribunal 20 septembre 2001, Coget e.a./Cour des comptes, T-95/01, RecFP p. I-A-191 et II-879, point 56

4.
Le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et, corrélativement, l'absence de toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe font partie des droits fondamentaux dont le juge communautaire assure le respect en vertu de l'article 220 CE.

À cet égard, la Cour a reconnu la nécessité d'assurer l'égalité entre travailleurs féminins et travailleurs masculins employés par la Communauté elle-même, dans le cadre du statut. Les exigences qu'impose ce principe dans les relations entre les institutions communautaires et leurs agents ne se limitent pas à celles découlant de l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), dont la formulation reste pertinente, ou des directives communautaires adoptées dans ce domaine. Cela vaut par analogie dans le cadre du recrutement d'agents temporaires.

Dans ce contexte, il a été notamment reconnu que constitue une discrimination directe fondée sur le sexe le refus d'embaucher un travailleur féminin en raison de sa grossesse. Toutefois, aux termes de l'article 10 de la directive 2000/78 et de l'article 4 de la directive 97/80, il n'incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe d'égalité de traitement que dans l'hypothèse où la partie requérante établit des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Or, l'existence d'une discrimination ne saurait être présumée du seul fait de la grossesse d'une candidate, y compris dans l'hypothèse où l'administration en aurait été informée. En tout état de cause, il ne saurait être considéré que l'administration a violé le principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes lorsqu'elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en retenant la candidature d'un candidat de sexe masculin.

(voir points 117 à 121 et 124)

    Référence à: Cour 15 juin 1978, Defrenne, 149/77, Rec. p. 1365, points 26 et 27; Cour 20 mars 1984, Razzouk et Beydoun/Commission, 75/82 et 117/82, Rec. p. 1509, points 16 et 17; Cour 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88, Rec. p. I-3941, point 14; Speybrouck/Parlement, précité, points 47 et 48; Tribunal 6 juillet 1999, Séché/Commission, T-112/96 et T-115/96, RecFP p. I-A-115 et II-623, point 116

5.
L'article 141, paragraphe 4, CE n'ouvre qu'une faculté et non pas une obligation de procéder à des discriminations positives en faveur des femmes. À supposer que cette disposition soit opposable à une institution communautaire, cette faculté n'est ouverte, en matière de recrutement, que lorsque les candidatures en cause font apparaître des qualifications égales et ont été appréciées objectivement.

(voir points 126 à 128)

    Référence à: Cour 11 novembre 1997, Marschall, C-409/95, Rec. p. I-6363