Language of document : ECLI:EU:T:2015:707

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

9 septembre 2015 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑304/08 DEP,

Smurfit Kappa Group plc, établie à Dublin (Irlande), représentée par Me T. Ottervanger, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Urraca Caviedes et G. Conte, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Propapier PM 2 GmbH, anciennement Propapier PM2 GmbH & Co. KG, représentée par Mes H.-J. Niemeyer et C. Kovács, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de taxation conjointe et solidaire des dépens devant être remboursés par la Commission et Propapier PM2 à Smurfit Kappa Group, à la suite de l’arrêt du Tribunal du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission (T‑304/08, EU:T:2012:351),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. M. Collins, juges,

greffier : E. Coulon, greffier,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Le 8 octobre 2007, les autorités allemandes ont notifié à la Commission leur intention d’accorder une subvention d’un montant, en valeur nominale, de 82 509 500 euros à Propapier PM2 GmbH & Co. KG pour la construction d’une papeterie et d’un groupe électrogène à Eisenhüttenstadt, dans la région de Brandebourg – Nord-Est (Allemagne).

2        Par décision C (2008) 1107, du 2 avril 2008, la Commission, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (devenu article 108, paragraphe 2, TFUE), a déclaré que cette subvention constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur.

3        Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 5 août 2008, la requérante, Smurfit Kappa Group plc, a demandé l’annulation de cette décision.

4        Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 12 décembre 2008, Propapier PM2 GmbH & Co. KG, devenue en cours d’instance Propapier PM 2 GmbH, a demandé à être autorisée à intervenir au soutien de la Commission. Par ordonnance du 21 avril 2009, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

5        Par arrêt du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission (T‑304/08, EU:T:2012:351 ; ci-après l’« arrêt »), le Tribunal a annulé la décision C (2008) 1107 et a condamné la Commission ainsi que l’intervenante au paiement des dépens.

6        Par lettre du 19 mars 2013, la requérante a invité la Commission à lui verser un montant total de 251 771 euros au titre des dépens.

7        Par lettre du 11 avril 2013, la Commission a déclaré qu’elle n’était pas responsable des frais spécifiquement causés par l’action de l’intervenante. Elle a, en outre, indiqué que les demandes présentées par la requérante étaient excessives au regard de la jurisprudence.

8        Par lettre du 27 mai 2013, la requérante a maintenu l’intégralité de sa demande, présenté des justifications et indiqué que l’arrêt du Tribunal avait retenu la responsabilité solidaire de la Commission et de l’intervenante, la Commission étant ainsi tenue de lui rembourser l’intégralité du montant demandé.

9        Par lettre du 19 juin 2013, la Commission a fait valoir que la requérante n’avait pas soumis d’arguments substantiellement nouveaux permettant de répondre à ses interrogations. Elle a également déclaré que l’intervenante devait être associée à toute discussion concernant le remboursement des dépens ainsi qu’à toute demande éventuelle de taxation.

10      Par lettre du 10 juillet 2013, la requérante a invité l’intervenante à lui verser le montant total de 251 771 euros au titre des dépens. Le 1er août 2013, l’intervenante a adressé une lettre à la requérante lui indiquant qu’elle n’avait pas fourni de preuves suffisantes qui permettent d’appuyer ses prétentions.

11      Par lettre du 23 août 2013, la requérante a transmis à l’intervenante des justifications identiques à celles fournies à la Commission.

12      Le 9 septembre 2013, l’intervenante a contesté le bien-fondé de la demande de la requérante, tant sur son principe que sur son montant.

13      Le 5 novembre 2013, compte tenu des refus successifs de la Commission et de l’intervenante de procéder au remboursement du montant de 251 771 euros, la requérante a introduit la présente demande de taxation des dépens, en application de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

14      Par mémoires enregistrés au greffe du Tribunal le 7 janvier 2014, la Commission et l’intervenante ont présenté des observations sur la présente demande.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de reconnaitre la responsabilité solidaire de la Commission et de l’intervenante et de fixer à 259 611 euros le montant total des dépens devant lui être remboursés.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de mettre à la charge de l’intervenante les frais spécifiquement causés par son intervention et de fixer le montant total des dépens récupérables tout au plus à 27 000 euros.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter la demande de la requérante ou, à titre subsidiaire, de mettre à sa charge un montant ne dépassant pas les frais occasionnés par son intervention.

 En droit

 Arguments des parties

 Sur la portée de la condamnation de la Commission et de l’intervenante aux dépens

18      La requérante fait valoir que le Tribunal a condamné la Commission ainsi que l’intervenante au paiement des dépens. Elle estime que ces deux dernières sont ainsi solidairement responsables du remboursement de l’intégralité du montant des dépens. En outre, il ne pourrait lui incomber de déterminer seule l’étendue des responsabilités respectives des parties condamnées.

19      La Commission soutient que, dès lors que le Tribunal n’a pas expressément déclaré qu’elle-même et l’intervenante étaient solidairement responsables du paiement de l’intégralité du montant des dépens, il revient à l’intervenante de prendre en charge l’ensemble des dépens spécifiquement causés par son intervention.

20      L’intervenante considère que seuls les dépens qui ont été spécifiquement causés par son intervention peuvent être mis à sa charge. À ce titre, selon elle, l’article 87 du règlement de procédure du 2 mai 1991 établit une distinction entre la partie « qui succombe » au sens de l’article 87, paragraphe 2, et la « partie intervenante », laquelle, aux termes de l’article 87, paragraphe 4, supporte ses propres dépens. Ce dernier paragraphe viserait justement à éviter toute situation dans laquelle une partie intervenante serait solidairement responsable du paiement des dépens. Selon sa jurisprudence, le Tribunal ferait application de cette distinction, en se limitant à condamner les parties intervenantes au paiement de leurs propres dépens.

 Sur le montant des dépens récupérables

–       En ce qui concerne l’importance économique de l’affaire

21      La requérante fait valoir que le litige était d’une importance économique considérable, tant pour elle-même que pour l’intervenante. S’agissant des montants en jeu pour l’intervenante, elle rappelle qu’ils atteignaient à l’origine en valeur nominale 82,5 millions d’euros. Selon la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, ils s’établiraient désormais à 50,5 millions d’euros. Concernant son intérêt personnel, elle soutient, tout d’abord, que l’aide déjà versée par les autorités allemandes deviendrait sujette à récupération si la Commission faisait le constat de son incompatibilité avec le marché intérieur. Ensuite, elle aurait subi un préjudice économique du fait de la distorsion de concurrence engendrée par la construction subventionnée de l’une des plus importantes usines à papier d’Europe, laquelle aurait eu une grave incidence sur le niveau des prix. Enfin, elle fait valoir que les conséquences économiques de l’arrêt sont considérables, car, selon elle, la Commission a dû modifier sa politique en matière d’aides régionales à la suite de celui-ci.

22      La Commission ne conteste pas que l’affaire ait présenté pour l’intervenante un intérêt économique important (paragraphe 54 des observations de la Commission). Elle fait toutefois observer que le Tribunal n’a pas déclaré que la subvention était incompatible avec le marché intérieur et, au contraire, fait valoir que les conséquences de l’arrêt se bornent à la réalisation d’une nouvelle analyse (paragraphe 54 des observations de la Commission). Par conséquent, seule l’issue de la procédure formelle d’examen serait en mesure d’avoir un impact économique sur l’intervenante (paragraphe 54 des observations de la Commission).

23      Par ailleurs, la Commission précise que la réduction du montant initial de la subvention ne résulte pas de l’arrêt, étant donné que les autorités allemandes l’ont informée de cette réduction par lettre du 7 novembre 2008, soit bien avant le prononcé de l’arrêt. En outre, selon la Commission, la requérante ne démontre pas que le litige ait revêtu pour elle une importance substantielle. La Commission se prévaut, à cet égard, de l’analyse de la recevabilité du recours à laquelle le Tribunal a procédé dans l’arrêt. Enfin, elle soutient que non seulement elle n’a pas modifié sa politique concernant les aides à finalité régionale en raison de l’arrêt mais que cette question est en tout état de cause sans incidence sur l’intérêt économique de l’affaire.

24      L’intervenante fait, quant à elle, valoir que seul l’intérêt économique de la requérante doit être pris en compte par le Tribunal. En tout état de cause, le montant de 50,5 millions d’euros avancé par la requérante au titre de son intérêt dans l’affaire ne serait nullement étayé et elle estime que ce montant est surestimé. Elle soutient qu’il faudrait au minimum y soustraire 22,5 millions d’euros, soit le montant que les autorités allemandes auraient pu lui accorder sans avoir à réaliser de notification préalable. Elle affirme également que ce montant ne permet pas de caractériser un intérêt financier considérable au sens de la jurisprudence du Tribunal. Par ailleurs, elle fait observer que le Tribunal a explicitement déclaré dans son arrêt qu’en aucun cas la position de la requérante sur le marché ne pourrait être substantiellement lésée par la subvention en cause. Elle estime, en outre, que l’intérêt économique de la requérante dans cette affaire se limite à la seule sauvegarde de ses droits procéduraux. Enfin, elle fait observer que les activités paneuropéennes de la requérante ont connues une expansion continue et marquée depuis 2006 et que cette tendance est confirmée par ses derniers résultats trimestriels.

–       En ce qui concerne l’importance de l’affaire sous l’angle du droit de l’Union

25      La requérante soutient que l’affaire a permis de soulever de nouveaux points de droit et dépasse de loin son intérêt personnel (paragraphe 30 de la requête). Elle estime, en particulier, que celle-ci a permis de poser pour la première fois la question de la portée des seuils prévus au point 68 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13 ; ci-après les « lignes directrices »). Elle souligne, à cet égard, que le Tribunal a jugé que la Commission avait mal interprété les lignes directrices en se fondant, pour constater la compatibilité de la subvention avec le marché commun, sur le seul fait que les seuils prévus au point 68 des lignes n’étaient pas dépassés. La requérante soutient, par ailleurs, que la Commission a dû modifier sa politique concernant les aides à finalité régionale en raison de l’arrêt du Tribunal, ce qui attesterait la grande importance de l’affaire. Elle affirme, en outre, que l’importance de l’affaire ressort également de la discussion approfondie dont l’arrêt a fait l’objet dans des revues juridiques de premier plan.

26      La Commission fait valoir que la question de savoir si elle pouvait se contenter, pour constater la compatibilité de l’aide d’État en cause avec le marché commun, du simple fait que les seuils prévus au point 68 des lignes directrices n’étaient pas dépassés n’était pas une question particulièrement complexe. Elle soutient donc que cette question n’a pas exigé beaucoup de travail de la part des avocats de la requérante. La Commission affirme aussi que sa politique concernant les aides d’État à finalité régionale n’a pas été modifiée pour prendre en compte l’arrêt du Tribunal, puisqu’elle était déjà tenue d’adopter de nouvelles dispositions sur le sujet, dès lors que les lignes directrices n’étaient applicables que jusqu’en 2013. À ce sujet, elle ajoute que l’arrêt ne formule aucune critique à l’égard des lignes directrices elles-mêmes, mais uniquement à l’égard de leur interprétation dans cette affaire. Enfin, elle rétorque que l’arrêt rendu par le Tribunal n’a pas donné lieu à plus d’articles que tout autre arrêt annulant une décision d’autorisation en matière d’aides d’État.

27      L’intervenante s’oppose également à l’argument de la requérante selon lequel l’affaire a permis de soulever de nouveaux points de droit. En effet, elle fait valoir que la requérante résume elle-même la question essentielle de l’affaire à la portée des seuils prévus au point 68 des lignes directrices. Or, elle constate que la réponse à cette question est contenue dans seulement trois points de l’arrêt. Par ailleurs, elle affirme que, si la rédaction des nouvelles lignes directrices a été concomitante avec le déroulement de l’affaire, il ne s’agit que d’une pure coïncidence. Elle soutient, au demeurant, que la disparition des seuils prévus au point 68 des lignes directrices est avant tout une conséquence de la révision générale des principes des lignes directrices qui avait été envisagée bien avant le début de l’affaire. Elle ajoute, en outre, que la politique des aides régionales de la Commission n’a pas évolué en raison de l’arrêt du Tribunal, puisque la Commission semble avoir appliqué dans ses dernières décisions les mêmes principes qu’au cours de l’affaire. Enfin, elle fait valoir que l’importance du point de vue du droit de l’Union d’une décision de justice ne peut pas être mesurée en termes d’articles parus et que la plupart des articles cités par la requérante sont soit des annotations jurisprudentielles, qui ne font que refléter le raisonnement du Tribunal, soit des articles ne traitant que des nouvelles lignes directrices.

–       En ce qui concerne les difficultés présentées par l’affaire

28      La requérante fait aussi valoir l’importante complexité de l’affaire. À cet égard, elle présente trois arguments.

29      Premièrement, elle fait valoir que la Commission et l’intervenante ont invoqué l’irrecevabilité de tous les moyens de son recours, sans les distinguer entre eux, ce qui a semé la confusion et donc accru sa charge de travail. En effet, elle soutient que la position des plaignants au regard des aides d’État est généralement reconnue comme étant complexe, ce qu’illustre une jurisprudence abondante. Selon la jurisprudence, la qualité pour agir d’une partie contestant une décision prise à l’issue de la première phase d’examen d’une aide d’État dépendrait étroitement des moyens présentés par cette partie dans son recours. Ainsi, la Commission et l’intervenante auraient eu tort de soutenir qu’elle n’avançait que des arguments de fond, alors qu’il aurait été clair dès le départ que le premier moyen de son recours visait à protéger ses droits procéduraux. Si elle reconnait avoir évoqué des arguments de fond, elle estime s’y être trouvée contrainte pour pouvoir montrer l’existence de doutes quant à la compatibilité de la subvention avec le fonctionnement du marché et que ce raisonnement a été admis par le Tribunal.

30      Deuxièmement, elle rappelle que l’intervenante, avec l’appui de la Commission, a prétendu longuement et avec une grande variété d’arguments que ses avocats n’étaient pas légalement autorisés à agir. Cette fin de non-recevoir, finalement écartée, aurait exigé beaucoup d’attention de sa part en phase écrite, lors de l’audience ainsi que dans la phase de correspondance avec le Tribunal (paragraphe 24 de la requête).

31      Enfin, elle soutient que l’affaire était complexe, car elle soulevait la question de savoir si la Commission avait rencontré ou non de graves difficultés lors de l’examen de la subvention en cause ainsi que la question de principe de la marge d’appréciation dont elle peut jouir à cet égard. Or, elle soutient qu’il est de jurisprudence constante que l’existence ou non de difficultés nécessite de procéder à une analyse plus approfondie que celle qui est nécessaire pour censurer une erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, elle fait valoir qu’un aspect très important dans l’affaire, bien que n’ayant pas été décisif, avait trait à la question de savoir si la Commission était tenue de recueillir toutes les informations se révélant utiles pour définir le marché en cause et calculer l’augmentation de capacité résultant de la construction de la nouvelle usine de production de papier avant de prendre sa décision sur la subvention, et ce alors qu’elle était en droit de limiter son appréciation à l’augmentation d’un critère de capacité de 5 %. La requérante relève, au demeurant, que la Commission met l’accent sur l’analyse économique en matière d’aides d’État. Elle soutient donc qu’il lui était indispensable de charger des économistes de la réalisation de plusieurs expertises afin d’être sur un pied d’égalité avec la Commission, qui dispose d’une équipe d’économistes spécialisés, ainsi qu’avec l’intervenante qui, à l’instar de la Commission, avait précédemment présenté son propre rapport.

32      La Commission estime, quant à elle, que la contestation de la recevabilité du recours au cours du litige n’implique pas que l’affaire ait été complexe. Elle est d’avis, à cet égard, que la jurisprudence concernant la recevabilité des recours en matière d’aides d’État est constante et que la requérante ne démontre pas que son application soulevait des questions particulièrement difficiles en l’espèce. Elle rappelle que les moyens invoqués par la requérante, à l’exception notable du premier, ne tendaient pas expressément à la sauvegarde des droits procéduraux de la requérante mais à la contestation du bien-fondé de l’évaluation de compatibilité de la subvention contestée avec le marché intérieur. Dès lors, elle considère que les discussions concernant la recevabilité du recours étaient en réalité largement dues à la formulation des moyens présentés par la requérante.

33      La Commission fait ensuite valoir que le problème pointé par l’intervenante à propos de l’autorisation à agir des avocats de la requérante n’a pas soulevé de questions juridiques nouvelles et que cette discussion n’a vu le jour qu’en raison du manque de diligence de la requérante.

34      Elle estime, enfin, que la question de savoir si elle disposait ou non d’une marge d’appréciation dans l’application des lignes directrices n’a pas exigé beaucoup de travail de la part des avocats de la requérante, car il s’agissait d’une question purement juridique n’impliquant pas de raisonnement complexe. Au surplus, elle affirme que la discussion visant à déterminer si elle aurait dû recueillir toutes les informations utiles pour définir le marché en cause et calculer l’augmentation de capacité résultant de la construction d’une nouvelle usine, avant même de prendre sa décision, était non seulement superflue mais ne pouvait pas non plus être qualifiée de complexe. Elle indique, en outre, qu’aucun membre de l’équipe de son économiste en chef n’est intervenu au cours de l’affaire. Enfin, elle fait observer que, en vertu de la jurisprudence, lorsque des experts apportent unilatéralement leur expertise à l’une des parties, pour le compte et à l’initiative de celle-ci, les frais encourus ne sont généralement pas remboursables. À ce sujet, elle ajoute que la requérante n’a pas démontré que s’appliquait une des circonstances exceptionnelles qui permettent, selon la jurisprudence du Tribunal, le remboursement des frais d’experts. Elle précise également que les études économiques présentées par l’intervenante n’ont été décisives pour l’accueil d’aucun moyen, pas plus qu’elles n’ont été produites pour satisfaire à une ordonnance du Tribunal.

35      Tout comme la Commission, l’intervenante considère que la longue appréciation de la recevabilité du recours a été causée par la requérante elle-même qui soutenait de manière erronée dans ses prétentions que sa position sur le marché avait été substantiellement affectée par l’aide envisagée par les autorités allemandes. En outre, elle fait valoir que la prétendue complexité de la qualité pour agir des plaignants en matière d’aides d’État est démentie par l’existence d’une jurisprudence abondante à ce sujet.

36      L’intervenante estime, par ailleurs, que l’obligation, pour les avocats de la requérante, de recueillir une autorisation de plaider était clairement énoncée à l’article 44, paragraphe 5, du règlement de procédure du 2 mai 1991. Elle affirme, par conséquent, que ce sont les représentants légaux de la requérante qui ont provoqué la longue discussion qui a eu lieu sur la validité de leur mandat, dans la mesure où ils avaient omis de prouver son existence de façon documentée pendant près de trois ans, en dépit de ses contestations.

37      L’intervenante indique, enfin, qu’il n’existe pas la moindre preuve permettant de conclure que la Commission ait pu rencontrer de graves difficultés dans l’examen de l’affaire. Elle soutient que la Commission a bien examiné toutes les informations utiles pour procéder à l’analyse économique des effets de la subvention et ajoute que le simple fait que la Commission soit arrivée à une conclusion différente de celle de la requérante ne peut pas constituer un indice valable des difficultés qu’elle a prétendument rencontrées dans l’examen de l’affaire. Elle souligne, par ailleurs, qu’aucun des moyens de la requérante, à l’exception de celui portant sur la sauvegarde de ses droits procéduraux, n’a été jugé fondé. Elle fait valoir, en outre, que la moitié de la requête a été jugée non fondée. Elle ajoute, à l’instar de la Commission, que le caractère récupérable des frais d’experts ne peut être invoqué que si une expertise économique a été déterminante pour l’issue de la procédure. Elle estime que l’expertise fournie par la requérante n’a pas joué le moindre rôle dans le raisonnement du Tribunal. Elle précise que, par sa propre expertise économique, elle s’est contentée de réagir aux allégations présentées par la requérante les 9 novembre 2007 et 29 juillet 2008. Elle estime que l’ensemble de ces éléments permet d’affirmer que les analyses économiques fournies ultérieurement par la requérante étaient a fortiori encore moins nécessaires.

–       Sur l’ampleur du travail lié à la procédure et le tarif approprié

38      Compte tenu des éléments susmentionnés, la requérante affirme que le litige a exigé un travail spécialisé d’une ampleur considérable tant sur des questions de fond que de procédure.

39      Elle demande au Tribunal le remboursement d’un montant de 259 611 euros, lequel se décompose comme suit :

–        222 491 euros, correspondant aux honoraires d’avocats occasionnés par la procédure, comprenant les montants suivants : premièrement, 56 385,50 euros au titre de la rédaction de la requête, deuxièmement, 56 408,50 euros, au titre de la rédaction de la réplique, troisièmement, 2 535 euros, au titre de la demande de traitement confidentiel, quatrièmement, 50 461,29 euros, au titre des observations présentées sur l’intervention, cinquièmement, 9 544 euros, au titre des observations apportées sur le second mémoire en intervention, sixièmement, 2 765 euros, au titre des réponses aux questions du Tribunal et, septièmement, 42 392 euros, au titre de la préparation de l’audience et de l’audience ;

–        29 280 euros, correspondant aux frais d’expertise économique ;

–        7 840 euros, correspondant aux frais engagés pour le recouvrement des dépens.

40      S’agissant des honoraires d’avocats, la requérante précise que, pour des raisons d’efficacité, deux avocats ont été missionnés sur l’affaire : un associé principal, le Professeur Ottervanger, et une avocate collaboratrice, Me Henny. Le premier aurait réalisé 163,8 heures de travail, rémunérées, de manière constante, à 490 euros de l’heure. La seconde aurait réalisé 436,3 heures de travail, rémunérées entre 295 euros de l’heure, en 2008, et 420 euros de l’heure, en 2011. Une avocate collaboratrice junior aurait également effectué quelques heures de travail, rémunérées à 195 euros de l’heure.

41      La Commission formule les observations suivantes vis-à-vis des prétentions de la requérante.

42      Premièrement, elle avance que les informations fournies par la requérante sur la répartition des heures de travail réalisées sont loin d’être claires. Elle estime, en particulier, que la requérante n’explique pas en quoi certaines activités mentionnées étaient véritablement nécessaires aux fins de la procédure. Elle dénonce, au demeurant, la présence de nombreux calculs erronés dans le document présenté par la requérante.

43      Deuxièmement, elle affirme que le nombre d’heures de travail facturées par les avocats de la requérante est excessif, tout comme le montant de leurs honoraires. Elle suggère que le temps véritablement nécessaire pour préparer les diverses présentations écrites et orales n’excédait pas 90 heures. Elle souligne aussi que des honoraires élevés pour un avocat chevronné devraient en principe avoir un effet modérateur sur le nombre d’heures nécessaires aux fins de la procédure.

44      En outre, elle fait valoir que les sommes dépensées pour la réalisation d’expertises économiques sont généralement non remboursables lorsqu’une expertise a été apportée à une seule des parties, pour le compte et à l’initiative de celle-ci (paragraphe 43 des observations de la Commission). Elle rappelle, par ailleurs, que les frais de 29 280 euros, dont la requérante demande le remboursement, ont été engagés dans le cadre d’un rapport d’expertise présenté en réponse au mémoire en intervention (paragraphe 43 des observations de la Commission).

45      Enfin, elle souligne que le Tribunal a, dans sa jurisprudence, retenu comme raisonnables des honoraires allant de 250 à 300 euros. Elle affirme que l’écart avec les honoraires présentés par la requérante est difficilement compréhensible et soutient qu’un tarif horaire moyen de 300 euros aurait été plus raisonnable dans cette affaire.

46      Sur cette base, elle fait valoir que le montant des dépens récupérables par la requérante devrait s’élever tout au plus à 27 000 euros.

47      Enfin, elle est d’avis que, compte tenu du caractère déraisonnable et non fondé des prétentions de la requérante, ce montant ne devrait pas être majoré des frais exposés aux fins de la présente procédure.

48      Premièrement, à l’instar de la Commission, l’intervenante fait valoir que le nombre d’heures de travail présenté est disproportionné, compte tenu de la complexité limitée du litige. Elle souligne qu’un nombre d’heures aussi élevé n’était pas nécessaire, puisque le conseil de la requérante connaissait déjà l’affaire pour avoir représenté la requérante lors de la procédure administrative.

49      Elle conteste, au demeurant, le caractère récupérable de certains frais facturés par la requérante. Elle affirme que, selon une jurisprudence constante, les frais pouvant être récupérés au titre des dépens doivent être évalués sur la base d’un seul avocat chargé de l’affaire et que doit donc être exclu le temps passé par les avocats de la requérante à la double étude du dossier, à effectuer des recherches répétées ou dans des réunions internes.

50      Elle fait également valoir que, en aucune circonstance, la préparation de l’audience et l’audience elle-même ne peuvent avoir requis les 91,4 heures facturées par les avocats de la requérante. À cet égard, elle met notamment en évidence les heures déclarées par l’un des avocats pour se familiariser avec le dossier.

51      Enfin, elle s’interroge sur le point de savoir si les recherches réalisées par la collaboratrice junior au début de l’affaire n’ont pas dupliqué le travail fourni par Me Henny.

52      Deuxièmement, elle soutient que les activités de lobbying réalisées par Me Henny auprès du premier ministre du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie en février 2009, dont le document présenté en annexe de la requête fait mention, n’étaient pas indispensables aux fins de la procédure et ne sont donc pas récupérables.

53      Troisièmement, elle suggère que les coûts relatifs à la question du mandat des avocats de la requérante n’étaient pas non plus indispensables, puisqu’ils auraient facilement pu être évités, dès le début de l’affaire, si les avocats de la requérante avaient accompli les diligences qui leur incombaient.

54      Quatrièmement, elle estime que, la participation des experts sollicités par la requérante n’ayant pas été requise, il faut également retirer des frais récupérables les heures consacrées par les avocats de la requérante à l’analyse de leurs rapports d’expertise.

55      Cinquièmement, elle fait valoir que la requérante a omis de fournir des informations précises permettant d’apprécier à suffisance la valeur du travail réalisé par ses avocats. En particulier, la requérante ne fournirait aucune information sur l’objet des réunions ou des appels qu’elle mentionne dans le document figurant en annexe de sa requête. L’intervenante estime que la requérante ne donne pas non plus suffisamment de détails sur le temps consacré par ses avocats à la rédaction de la requête, de la réplique ainsi que de ses observations.

56      Sixièmement, elle avance qu’un taux horaire de 250 euros pourrait être approprié pour rémunérer les services d’un professionnel particulièrement expérimenté. Elle ajoute que, compte tenu du nombre important d’heures facturées, il semble difficile pour la requérante de soutenir que ses avocats étaient particulièrement expérimentés.

57      Septièmement, elle fait valoir que la requérante n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles les frais relatifs à la demande de traitement confidentiel de cette dernière étaient indispensables aux fins de la procédure et souligne, à cet égard, que cette demande a été rejetée pour l’essentiel par le Tribunal. Elle en déduit une claire méconnaissance des règles de confidentialité de la part des avocats de la requérante et estime ne pas devoir à en supporter les conséquences.

58      Enfin, elle estime que le montant réclamé par la requérante au titre de la récupération des frais et de la procédure de taxation des dépens est particulièrement excessif, puisque que les documents à préparer dans le cadre de cette procédure seraient pour l’essentiel standardisés et leur rédaction ne présenterait pas de difficulté.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la portée de la condamnation de la Commission et de l’intervenante aux dépens

59      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2 du règlement de procédure du 2 mai 1991, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens et, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

60      Ainsi, lorsqu’une partie principale et une partie intervenante succombent, le Tribunal peut décider de ne faire supporter le paiement des dépens qu’à la seule partie principale [voir, en ce sens, arrêts du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission, T‑27/02, Rec, EU:T:2004:348 ; du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec, EU:T:2005:125 ; du 1er juillet 2010, M6/Commission, T‑568/08 et T‑573/08, Rec, EU:T:2010:272, et du 28 janvier 2015, BSH/OHMI – Arçelik (AquaPerfect), T‑123/14, EU:T:2015:52]. Il peut, à l’inverse, choisir de condamner solidairement les deux parties au paiement des mêmes dépens (voir, en ce sens, ordonnance du 20 mai 1987, Champlor e.a./Commission, 233/86 à 235/86, EU:C:1987:238).

61      En l’absence de données détaillées sur la répartition des frais engagés par la partie qui triomphe, le Tribunal peut, lorsqu’il doit statuer sur la répartition des dépens, ne pas se trouver en mesure d’apprécier de façon satisfaisante l’étendue des responsabilités respectives des parties qui ont succombé. Il convient ainsi de considérer que, lorsqu’un arrêt ne comporte pas d’indications sur la répartition des dépens entre une partie principale et une partie intervenante ayant toutes deux succombé, la charge des dépens doit être répartie en fonction des rôles respectifs joués par les parties perdantes dans la procédure et correspondre en principe à la mesure dans laquelle chacune des parties condamnées a occasionné les frais récupérables exposés par la partie qui triomphe.

62      Cette solution ne fait pas peser sur la partie qui demande le remboursement de ses dépens de contraintes excessives, contrairement à ce que prétend la requérante. En effet, selon une jurisprudence constante, toute partie demandant le remboursement de ses dépens est tenue de fournir des informations précises sur la répartition des sommes qu’elle a pu dépenser aux fins de la procédure afin de permettre la vérification de leur caractère indispensable. Un tel travail lui permet donc de discerner, de façon incidente, les frais qui ont été causés par chacune des parties ayant été condamnée au remboursement des dépens.

63      L’arrêt ne comportant pas de précision en ce qui concerne l’étendue des responsabilités réciproques de la Commission et de l’intervenante en ce qui concerne la charge des dépens, il résulte de ce qui précède que le remboursement des dépens qui incombe à l’intervenante doit être limité aux frais récupérables occasionnés à la requérante par son intervention.

 Sur le montant des dépens récupérables

64      En vertu de l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, en cas de contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue dans ses observations.

65      Aux termes de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il en découle que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux indispensables à ces fins (voir, par analogie, ordonnances du 9 novembre 1995, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85 DEP, EU:C:1995:366, point 14, et du 30 novembre 1994, British Aerospace/Commission, C‑294/90 DEP, Rec, EU:C:1994:395, point 11). L’article 140, sous b), du règlement de procédure vise donc uniquement la procédure devant le Tribunal lui-même, en d’autres termes, la seule phase contentieuse de la procédure (voir, par analogie, ordonnances du 15 mars 1994, ENU/Commission, C‑107/91 DEP, EU:C:1994:98, point 2, et British Aerospace/Commission, précitée, EU:C:1994:395, point 12).

66      Il est de jurisprudence constante que le droit de l’Union ne contenant pas de dispositions de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte des intérêts économiques que le litige a présenté pour les parties, de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause et de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus (ordonnance du 10 janvier 2002, Starway/Conseil, T‑80/97 DEP, Rec, EU:T:2002:1 ; voir, également, par analogie, ordonnance du 29 octobre 2010, Celia/Leche Celta, C‑300/08 P‑DEP, EU:C:2010:655, point 14).

67      À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal doit principalement prendre en compte le nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations ont pu être réparties [ordonnances du 30 octobre 1998, Kaysersberg/Commission, T‑290/94 (92), Rec, EU:T:1998:255, point 20; du 15 mars 2000, Enso-Gutzeit/Commission, T‑337/94 (92), Rec, EU:T:2000:76, point 20, et du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec, EU:T:2004:192, point 30].

68      C’est à la lumière de l’ensemble de ces critères qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables par la requérante.

69      En premier lieu, s’agissant des intérêts économiques en jeu, le Tribunal constate que la requérante avait un intérêt économique certain à voir annuler la décision de la Commission. Si le Tribunal n’est pas en mesure de vérifier le montant exact de l’aide en cause, en raison des informations contradictoires qui lui ont été soumises par les parties, il convient toutefois d’observer que, dans la décision annulée, la Commission avait déclaré compatible avec le marché commun une subvention de plusieurs dizaines millions d’euros, devant bénéficier à une entreprise en concurrence avec la requérante sur le marché du papier. Néanmoins, ainsi que l’affirme la Commission à juste titre, le Tribunal, dans l’arrêt, n’a pas tranché la question de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, mais s’est limité à constater que le motif déterminant pour lequel la Commission avait estimé qu’elle pouvait déclarer l’aide en cause compatible avec le marché commun était entaché d’une erreur de droit.

70      En deuxième lieu, quant à l’importance du litige appréciée sous l’angle du droit de l’Union, il ressort de l’arrêt en cause que le Tribunal a dû examiner pour la première fois la question de la portée des seuils fixés au point 68 des lignes directrices et de l’interprétation de ce point par la Commission.

71      En troisième lieu, s’agissant des difficultés de la cause, premièrement, il y a lieu de constater que la Commission et l’intervenante ont contesté à tort la recevabilité de l’ensemble des moyens présentés par la requérante. Néanmoins, il convient également de considérer que la requérante a présenté de nombreux arguments tendant à contester le bien-fondé de l’appréciation opérée par la Commission en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun et non à la sauvegarde de ses droits procéduraux. De telles considérations ont été écartées comme irrecevables, dès lors que la requérante était restée en défaut d’établir que l’aide en cause risquait de porter une atteinte substantielle à sa position concurrentielle, et ont contribué à accroître la complexité de l’affaire au-delà du nécessaire.

72      Deuxièmement, le temps consacré au cours de l’affaire à la question de la régularité du mandat des avocats de la requérante présente un caractère inhabituel. L’incapacité de la requérante à fournir la preuve documentée de la validité du mandat de ses avocats pendant près de trois ans apparait largement en cause dans la longue discussion dont ce point a pu faire l’objet, ainsi que l’affirment, à juste titre, la Commission et l’intervenante.

73      Troisièmement, quant aux arguments présentés par la requérante concernant la question de savoir si la Commission avait rencontré ou non de graves difficultés, lors de l’examen de l’aide ainsi que la question de la marge d’appréciation dont elle pouvait jouir à cet égard, il faut souligner que la requérante ne démontre pas que l’affaire revêtait une complexité particulière. En effet, les éléments qu’elle a pu mettre en avant pour prouver que la Commission aurait dû recueillir toutes les informations utiles pour définir le marché et calculer l’augmentation de capacité résultant de la subvention contestée n’ont pas été utiles à la résolution du litige. À cet égard, il convient de souligner que les rapports d’expertise économique produits par la requérante n’ont pas été utiles au raisonnement du Tribunal.

74      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail fourni, il y a lieu de relever que la difficulté des questions juridiques soulevées, la complexité des faits et l’intérêt économique du litige justifient que les avocats de la requérante y aient consacré un travail important. Toutefois, les explications fournies par la requérante dans sa demande de taxation des dépens ne permettent pas au Tribunal de considérer comme objectivement indispensables aux fins de la procédure l’ensemble des frais dont elle fait état.

75      En effet, s’il résulte des considérations qui précèdent que le litige a pu demander aux conseils de la requérante un travail important, les 610 heures de travail effectuées par les avocats de la requérante au titre de la procédure, pour un montant de 222 491 euros, ne sauraient constituer dans leur totalité des frais indispensables au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure.

76      Premièrement, il importe de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, la possibilité pour le juge d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations qui lui sont fournies [ordonnances du 8 novembre 1996, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T‑120/89 (92), Rec, EU:T:1996:161, point 31 ; du 25 juin 1998, Altmann e.a./Commission, T‑177/94 (92), T‑377/94 (92) et T‑99/95 (92), RecFP, EU:T:1998:139, point 883, et du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics/Conseil, T‑226/00 DEP et T‑227/00 DEP, Rec, EU:T:2003:61, point 35].

77      Or force est de constater que, bien qu’elle impute du temps de travail à un « entretien téléphonique avec [S] », le 20 mai 2008, ou à une « téléconférence avec [S] », le 20 juin 2008, la requérante ne fournit aucune explication en ce qui concerne la nécessité de ces activités pour les besoins de la procédure. Ainsi que l’affirment, à juste titre, la Commission et l’intervenante, des observations similaires peuvent être formulées en ce qui concerne de nombreuses autres indications figurant dans les documents présentés par la requérante, telles les mentions « aide régionale à [P] », le 18 juin 2008, « aide d’État à [P] », le 19 juin 2008), « étude lettre à [L] », le 21 juillet 2008, « téléconférence [S]et [K] », le 9 février 2009, « courriel [M] et [St] », le 24 juillet 2009, ou encore « courriel à [H] », le 30 septembre 2009.

78      Le manque de diligence de la requérante apparait également dans le calcul des montants qu’elle a fournis. Ainsi, pour le 10 novembre 2011, la requérante fait état de 2,2 heures de travail au tarif de 420 euros/heure, alors qu’un montant de 1 344 euros est indiqué de même, pour le 11 novembre 2011, pour 6,2 heures de travail au tarif de 420 euros/heure, un montant de 2 940 euros est indiqué.

79      Deuxièmement, il convient de souligner qu’au moins l’un des avocats de la requérante disposait déjà d’une connaissance étendue du litige, pour avoir assisté la requérante lors de la phase administrative d’examen de l’aide devant la Commission. Certains arguments quant à la compatibilité de la subvention envisagée par les autorités allemandes avec le marché intérieur avaient, en effet, déjà été avancés à ce stade. Cette considération est de nature à avoir, tout au moins en partie, facilité le travail réalisé par les avocats de la requérante et réduit le temps qu’il leur était nécessaire de consacrer à la préparation de la requête (voir, en ce sens, ordonnances du 8 novembre 2001, Kish Glass/Commission, T‑65/96 DEP, Rec, EU:T:2001:261, point 25 ; du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, point 76 supra, EU:T:2003:61, point 43, et, Airtours/Commission, point 67 supra, EU:T:2004:192, point 29).

80      Troisièmement, il ressort de la jurisprudence que des honoraires d’avocats élevés ne sauraient être appropriés que pour rémunérer les services d’un professionnel particulièrement expérimenté, capable de travailler de façon efficace et rapide (ordonnance Airtours/Commission, point 67 supra, EU:T:2004:192, point 52). Dès lors, ainsi que l’affirment, à juste titre, la Commission et l’intervenante, toute rémunération d’un tel niveau doit avoir pour contrepartie une évaluation stricte du nombre d’heure total de travail nécessaire. Les honoraires pratiqués par les avocats de la requérante, rémunérés entre 195 et 490 euros de l’heure, peuvent être considérés comme élevés, puisqu’ils correspondent à ceux pratiqués au sein des cabinets les plus renommés.

81      Quatrièmement, en principe, la rémunération d’un seul avocat peut être considérée comme constituant des frais indispensables au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance Kaysersberg/Commission, point 67 supra, EU:T:1998:255, point 20). Dès lors, même s’il importe au Tribunal de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations ont pu être réparties, il convient d’exclure, ainsi que l’affirme, à juste titre l’intervenante, le temps passé à la double étude du dossier et celui consacré à des réunions internes (voir ordonnances Kaysersberg/Commission, point 67 supra, EU:T:1998:255, point 20 ; Enso-Gutzeit/Commission, point 67 supra, EU:T:2000:76, point 20 ; et Airtours/Commission, point 67 supra, EU:T:2004:192, point 30). Il convient, dès lors, d’admettre, ainsi que le suggère l’intervenante, que les 91,4 heures facturées par la requérante pour la préparation de l’audience et pour l’audience elle-même sont manifestement excessives et ont pu résulter d’un manque de coordination des avocats de la requérante.

82      Cinquièmement, il ne saurait être exclu, en l’absence d’indications très précises sur les tâches accomplies aux fins de la procédure, que l’intervention de plusieurs représentants en justice ait pu aboutir à la duplication de leurs efforts (voir, en ce sens, ordonnance du 30 novembre 2009, Bayerische Hypo- und Vereinsbank/Commission, T‑56/02 OP‑DEP, EU:T:2009:473, point 54). Il est ainsi possible de douter de l’apport concret aux fins de la procédure des recherches réalisées par une collaboratrice junior au début de l’affaire, comme l’affirme à juste titre l’intervenante. Compte tenu de cette incertitude, il convient d’exclure cette dépense des frais récupérables.

83      Sixièmement, il convient de rappeler que les frais découlant des activités extrajudiciaires ne peuvent pas être réclamés par les parties. Il convient donc de ne pas tenir compte au titre des dépens des frais engendrés par la rédaction d’une lettre au premier ministre du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie en février 2009, comme le soutient, à bon droit, l’intervenante.

84      Septièmement, s’agissant de la participation des frais découlant des questions relatives au mandat de la requérante, il faut souligner qu’ils ne peuvent pas non plus être qualifiés d’indispensables, car ils auraient pu facilement être évités, si la requérante avait accompli ces diligences qui lui incombaient dès l’introduction de la requête.

85      Huitièmement, en ce qui concerne les frais afférents à la demande de traitement confidentiel présentée par la requérante, il convient de considérer que ces frais n’étaient pas indispensables aux fins de la procédure. Il apparait, en effet, que l’essentiel de cette demande a été rejeté par le Tribunal et que les données pour lesquelles la confidentialité a été admise venaient à l’appui d’arguments qui, dans leur quasi-totalité, ont été écartés comme irrecevables. Dès lors, les frais occasionnés par la réponse au mémoire en intervention complémentaire, produit par l’intervenante à la suite de la décision du Tribunal sur la confidentialité, ne peuvent pas davantage être considérés comme récupérables.

86      S’agissant des honoraires des avocats de la requérante, il faut souligner que, selon une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur une demande de taxation des dépens, le Tribunal n’est donc pas tenu de prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (ordonnances Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, point 76 supra, EU:T:1996:161, point 27, et Starway/Conseil, point 66 supra, EU:T:2002:1, point 26).

87      En l’espèce, il apparait que les honoraires pratiqués par les avocats de la requérante sont cohérents avec le degré de complexité du litige. Ainsi, un tarif tel que celui facturé pour le travail accompli par MOttervanger, à savoir 490 euros de l’heure, est effectivement conforme à celui d’un professionnel particulièrement expérimenté (voir, en ce sens, ordonnance Airtours/Commission, point 67 supra, EU:T:2004:192, point 52). La facturation du travail de MHenny, à savoir de 295 à 420 euros de l’heure, correspond également aux honoraires généralement pratiqués pour un avocat collaborateur. Il convient, dès lors, de rejeter les arguments présentés par la Commission et par l’intervenante sur le caractère excessif des honoraires des avocats de la requérante.

88      En cinquième lieu, la requérante demande le remboursement de 29 280 euros correspondant à des frais d’expertise économique. À cet égard, selon une jurisprudence constante, compte tenu de la nature essentiellement économique des appréciations effectuées par la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des aides d’État, l’intervention de conseils ou d’experts économiques en complément du travail des conseils juridiques peut, parfois, s’avérer indispensable dans les litiges concernant des décisions en la matière et entraîner ainsi des dépens susceptibles d’être récupérés en application de l’article 140, sous b), du règlement de procédure (voir ordonnance du 19 décembre 2006, WestLB/Commission, T‑228/99 DEP, EU:T:2006:405, point 78, et jurisprudence citée).

89      Pour qu’il en soit ainsi, une telle intervention doit être objectivement nécessaire aux fins de la procédure. Tel peut notamment être le cas lorsque l’expertise se révèle décisive pour le résultat du litige, de sorte que sa production par une partie a épargné au Tribunal la nécessité d’ordonner une expertise dans le cadre des pouvoirs d’instruction qu’il détient en vertu de l’article 91, sous e), de son règlement de procédure (ordonnance WestLB /Commission, point 88 supra, EU:T:2006:405, point 79).

90      Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce, le rapport d’expertise présenté par la requérante n’ayant joué aucun rôle décisif dans le raisonnement suivi par le Tribunal. Il convient donc d’exclure des frais récupérables la totalité des sommes dépensées par la requérante en frais d’expertise économique. La participation des experts économiques n’ayant pas été requise, il ne faut pas non plus tenir compte, ainsi que le soutient l’intervenante à juste titre, du temps consacré à cette expertise par les avocats de la requérante.

91      En sixième lieu, s’agissant des frais engagés au titre de la présente procédure, que la requérante estime à 7 840 euros, il convient de souligner que le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toute les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens. Il faut ainsi noter que les documents à préparer dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens sont pour l’essentiel standardisés et ne comportent aucune difficulté juridique ou technique (voir, par analogie, ordonnance du 10 octobre 2013, OCVV/Schräder, C‑38/09 P‑DEP, EU:C:2013:679, point 35). Dès lors, le montant de 7 840 euros, demandé par la requérante apparait comme étant manifestement excessif.

92      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par la requérante dans l’affaire au principal auprès de la Commission en fixant leur montant à 79 170 euros, soit 30 450 euros au titre de la rédaction de la requête, 29 300 euros au titre de la rédaction de la réplique, 1 820 euros au titre des réponses aux questions du Tribunal, 17 600 euros au titre de la préparation de l’audience et de l’audience elle-même, et à 3 000 euros au titre des frais engagés pour la présente procédure.

93      Il sera également fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par la requérante dans l’affaire au principal auprès de l’intervenante en fixant leur montant à 19 520 euros, soit 17 520 euros au titre des observations sur le mémoire et le mémoire complémentaire en intervention, 2 000 euros au titre de la préparation de l’audience et de l’audience liées à l’intervention, et à 920 euros au titre des frais engagés pour la présente procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par la Commission à Smurfit Kappa Group plc est fixé à 82 170 euros.

2)      Le montant total des dépens à rembourser par Propapier PM2 GmbH à Smurfit Kappa Group plc est fixé à 20 440 euros.

Fait à Luxembourg, le 9 septembre 2015.

Le greffier

 

      Le président

E.  Coulon

 

      S. Frimodt Nielsen


* Langue de procédure : l’anglais.