Language of document : ECLI:EU:T:2020:421

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 septembre 2020 (*)

« Clause compromissoire – Convention de subvention conclue dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Développement et test de systèmes de capteurs destinés à contrôler la qualité et les performances des processus de cuisson de produits boulangers – Projet Bread-Guard – Chevauchement du projet avec un autre projet financé au titre du même programme – Modifications de la description des tâches à effectuer – Perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet – Surestimation du nombre de personnes par mois nécessaire au projet – Obligations d’information pesant sur les bénéficiaires – Fautes professionnelles graves – Résiliation par la Commission de la convention de subvention »

Dans l’affaire T‑314/19,

Fundación Tecnalia Research & Innovation, établie à Saint-Sébastien (Espagne), représentée par Mes P. Palacios Pesquera et M. Rius Coma, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Estrada de Solà et Mme S. Izquierdo Pérez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant à faire constater que la Commission n’était pas fondée à résilier la convention de subvention relative au projet FP7-KBBE-2013-7-613647 BreadGuard,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le programme-cadre adopté par la décision no 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (JO 2006, L 412, p. 1, ci-après le « 7e PC »), était le principal instrument de l’Union européenne en matière de financement de la recherche couvrant la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013.

2        La requérante, Fundación Tecnalia Research & Innovation, est une fondation privée de droit espagnol active notamment dans le domaine de la recherche et du développement scientifique et technologique.

3        Le 4 février 2013, le coordinateur d’un consortium de neuf entités de recherche et de développement (ci-après le « coordinateur »), parmi lesquelles figurait la requérante, a demandé à la Commission européenne que le projet intitulé « FP7-KBBE-2013-7-613647 Bread-Guard » (ci-après le « projet Bread-Guard ») bénéficie du financement dans le cadre du 7PC.

4        Le projet Bread-Guard avait pour objet de développer et de tester des systèmes de capteurs fondés sur la nanospectrométrie et les ultrasons permettant de procéder en permanence à la mesure de la qualité et à l’ajustement du processus de cuisson des produits boulangers.

5        Le 8 novembre 2013, a été signée, entre la Commission, représentée par sa direction générale de la recherche et de l’innovation, et le coordinateur, la convention de subvention no 613 647 (ci-après la « convention de subvention BG »), pour le financement du projet Bread-Guard par les fonds du 7PC, la période d’exécution prévue pour ce projet allant du 1er décembre 2013 au 30 novembre 2016.

6        Le 15 novembre 2012, le coordinateur, au nom d’un consortium qui comptait huit bénéficiaires, dont six, y compris la requérante, étaient également impliqués dans le projet Bread-Guard, a, en réponse à un appel à propositions géré par l’Agence exécutive pour la recherche (REA), mandatée par la Commission, demandé que le projet FP7‑SME2013605879 Food-Watch (ci-après le « projet Food-Watch ») bénéficie du 7PC.

7        Le projet Food-Watch avait pour objet le développement d’un système de contrôle fondé sur la nanospectrométrie du processus et de la qualité de la production industrielle d’aliments. Cependant, ledit système était pour l’essentiel destiné à être utilisé par les entreprises du secteur de la boulangerie.

8        Après avoir, dans un premier temps, été mis sur une liste d’attente, information qui avait été communiquée au coordinateur par lettre du 7 mars 2013, le financement du projet Food-Watch a été octroyé par la convention de subvention no 605 879 (ci-après la « convention de subvention FW »), signée le 9 juillet 2014 entre la REA et le coordinateur. La période d’exécution prévue pour le projet Food-Watch allait du 1er août 2014 au 31 juillet 2016.

9        Par lettre du 4 mai 2016, après avoir avec l’aide de deux experts indépendants effectué un audit, à l’issue duquel elle a conclu que les deux projets étaient pratiquement identiques, la REA a résilié la convention de subvention FW. Elle a considéré que le consortium ne l’avait pas informé de l’existence du projet Bread-Guard, qui, selon la REA, présentait de fortes similitudes avec le projet Food-Watch en ce qui concerne les objectifs, la méthode de travail et les résultats escomptés. Par lettre du 22 décembre 2017, la REA a indiqué avoir décidé de demander le remboursement intégral de la subvention versée pour le projet Food-Watch.

10      La requérante a introduit un recours devant le Tribunal contre la décision de remboursement contenue dans la lettre du 22 décembre 2017 de la REA, lequel a été rejeté par arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA (T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345).

11      Parallèlement à la procédure menée par la REA, le 15 avril 2016, la Commission a, pour les mêmes motifs de chevauchement potentiel avec le projet Food-Watch, ouvert une procédure contradictoire dans le cadre du projet Bread-Guard.

12      Le 26 avril 2016, la Commission a adressé un courrier au coordinateur indiquant que, compte tenu des constatations factuelles formulées dans le cadre de l’audit effectué par la REA relatives aux similitudes entre les projets Food-Watch et Bread-Guard, elle avait conclu que le consortium n’avait pas respecté ses obligations contractuelles ainsi prévues par l’article II.3, sous f), et i), de la convention de subvention BG et que, partant, conformément à l’article II.8, paragraphe 3, de la même convention, elle devait procéder à la suspension du projet Bread-Guard afin de vérifier la réalité des potentielles irrégularités constatées.

13      À cette fin, la Commission a désigné un expert, dont le nom a été communiqué au coordinateur le 18 avril 2016 par courriel. Celui-ci ne s’est pas opposé à cette désignation.

14      Le 16 août 2016, la Commission a, dans un premier rapport d’analyse des projets Bread-Guard et Food-Watch, indiqué que la comparaison approfondie des documents produits par les bénéficiaires de ces projets avait clairement fait apparaître que plus de 80 % des documents présentés (propositions, descriptions de tâches, rapports et résultats) étaient identiques et que le projet Food-Watch était la réplique quasi exacte, mais abrégée, du projet Bread-Guard. Ce rapport constatait également d’autres manquements contractuels potentiels, à savoir le fait que le nombre de personnes par mois déclaré dans le projet Bread-Guard était nettement supérieur à celui déclaré pour le projet Food-Watch et que, d’après certains indices, le consortium ne possédait plus les droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard, ces droits ayant été vendus par leur titulaire, également bénéficiaire dudit projet, avant le début de l’exécution de celui-ci. Eu égard à ces constatations, la Commission a, dans son rapport, estimé que le consortium avait commis des fautes professionnelles graves.

15      La requérante a réagi à ce rapport par courrier du 4 novembre 2016.

16      Le 19 mai 2017, dans un deuxième rapport d’analyse des projets Bread-Guard et Food-Watch, effectué au vu des observations de la requérante, la Commission a confirmé les conclusions du premier rapport et, en outre, conclu à l’existence d’un manquement contractuel additionnel, en ce que des modifications importantes avaient été apportées à la description des tâches. Il s’agissait notamment de l’abandon du développement du nanospectromètre d’humidité, élément qui n’avait pas préalablement été convenu avec la Commission.

17      Par courrier du 30 juin 2017, le coordinateur a transmis à la Commission ses observations sur l’analyse susmentionnée ainsi que celles d’autres bénéficiaires du projet, parmi lesquels la requérante. Dans ses observations, le coordinateur a reconnu l’existence d’un chevauchement entre les projets Bread-Guard et Food-Watch ainsi que le fait que les droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard avaient été vendus avant le début de l’exécution de celui-ci, le coordinateur admettant, à cet égard, que, au moment des faits, même s’il en était informé, il n’avait pas estimé nécessaire de communiquer cette information à la Commission. En outre, le coordinateur a confirmé que des modifications en ce qui concernait l’abandon en faveur du projet Food-Watch du développement du nanospectromètre d’humidité avaient été apportées à la description des tâches du projet Bread-Guard. Il a souligné que ces modifications avaient été discutées lors de différentes réunions, notamment lors de la cinquième réunion du consortium dans le cadre du projet Bread-Guard, au cours de laquelle, ainsi qu’il ressortait de son procès-verbal, il avait été fait expressément référence au projet Food-Watch.

18      Le 5 juillet 2017, une réunion, à laquelle ont assisté les représentants de la requérante et du coordinateur, s’est tenue avec les représentants des services compétents de la Commission et de la REA, en vue principalement de discuter des divers arguments présentés dans le cadre des procédures contradictoires relatives aux projets Food-Watch et Bread-Guard.

19      Compte tenu de l’introduction lors de cette réunion de nouveaux éléments d’appréciation, la Commission a décidé de revoir une nouvelle fois son analyse, en désignant le même expert que précédemment.

20      Par courrier du 28 mars 2018, auquel était annexé notamment son troisième rapport d’analyse, la Commission a informé le coordinateur qu’elle avait l’intention de résilier la convention de subvention BG, au titre de l’article II.38.1, sous b), c), g), et l) de l’annexe II de cette convention, compte tenu des graves manquements contractuels relevés, à savoir un manquement, tant au moment de la présentation de la proposition que lors de la phase de négociation de la subvention et durant l’exécution du projet Bread-Guard, à l’obligation d’informer la Commission de l’existence d’un autre projet similaire également subventionné par l’Union, un manquement à l’obligation d’informer la Commission de l’existence de modifications de la description des tâches établie dans la convention de subvention BG, un manquement à l’obligation d’informer la Commission de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard et une surestimation du nombre de personnes par mois nécessaire au projet, étant donné que, pour les mêmes tâches, davantage d’heures avaient été déclarées dans le projet Bread-Guard que dans le projet Food-Watch.

21      La Commission a estimé que ces manquements concernaient des obligations essentielles stipulées dans la convention de subvention BG qui non seulement compromettaient la viabilité du projet Bread-Guard dans son ensemble, étant donné que le consortium ne disposait pas des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution de ce projet, mais mettaient également en péril les intérêts financiers de l’Union ainsi que le respect des principes inhérents au système de subventions énoncés dans le règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362 p. 1). En outre, la Commission a considéré que, en omettant de l’informer de l’existence du projet Food-Watch ainsi que de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard, le consortium s’était rendu coupable de fautes professionnelles graves au sens de l’article II.38.1, sous l), de l’annexe II de la convention de subvention BG.

22      Par lettres des 17, 18 et 24 mai 2018, le coordinateur, la requérante ainsi qu’un autre bénéficiaire du projet, ont réagi au courrier du 28 mars 2018 de la Commission. Cet autre bénéficiaire, ancien titulaire des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard a, dans ses observations, expressément reconnu la similitude entre ce projet et le projet Food-Watch, ainsi que la perte desdits droits de propriété intellectuelle, survenue antérieurement au début de l’exécution du projet Bread-Guard.

23      Par courrier du 3 janvier 2019, la Commission a informé le coordinateur de sa décision de résilier la convention de subvention BG, en raison des manquements contractuels énumérés dans son courrier du 28 mars 2018. Elle a accordé un délai de quinze jours pour la présentation éventuelle d’une demande de rectification (request for redress) de sa décision de résiliation.

24      Le 8 février 2019, la requérante a demandé la rectification de la décision de résiliation de la convention de subvention BG prise par la Commission.

25      Le 22 mars 2019, après avoir examiné la demande de rectification formulée par la requérante, la Commission a décidé de confirmer sa décision de résiliation de la convention de subvention BG.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mai 2019, la requérante a introduit le présent recours.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que la résiliation du projet Bread-Guard est dénuée de cause et, par conséquent, que la procédure contradictoire y afférente doit être classée sans suite ;

–        à titre subsidiaire, ordonner à la Commission de procéder au règlement des montants correspondant aux travaux effectivement exécutés par elle et de s’abstenir d’exiger le recouvrement du montant des aides accordées au projet Bread-Guard et qui lui ont été versées pour son exécution ;

–        à titre plus subsidiaire, écarter les effets de la décision de résiliation et ordonner que la procédure contradictoire soit ramenée à un stade permettant d’éliminer les vices observés et dénoncés par elle dans les termes exposés dans la requête ;

–        dans tous les cas, déclarer qu’il n’y a pas lieu de constater la moindre faute professionnelle grave qu’elle aurait commise ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le chef de conclusions formulé à titre principal, puisqu’il existe une cause pour mettre fin au projet et, partant, pour résilier la convention de subvention ;

–        rejeter le premier chef de conclusions formulé à titre subsidiaire, puisqu’il n’y a pas lieu de se prononcer actuellement d’une quelconque manière sur les montants dus à ou par la requérante ;

–        rejeter le deuxième chef de conclusions formulé à titre subsidiaire, en ce que la Commission a respecté toutes les formalités et garanties applicables dans le cadre de la procédure ayant entraîné la résiliation de la convention ;

–        rejeter le chef de conclusions formulé dans tous les cas, au motif qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération la participation spécifique et individuelle de la requérante à la présente procédure et, à titre subsidiaire, puisque la requérante a commis une faute professionnelle grave ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

29      En vertu de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, en l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal peut décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en l’absence d’une telle demande, de statuer sans poursuivre la procédure.

30      À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, respectivement, de l’absence de violation ou d’inexécution, par la requérante, de l’article II.38.1, sous b), c), f), ou l) de l’annexe II de la convention de subvention BG ; d’une application abusive de l’article II.38.I.1, sous l), de l’annexe II de la convention de subvention BG en ce qu’il y a absence de motifs justifiant la déclaration de fautes professionnelles graves commises par la requérante ; d’une application abusive de l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG en ce que la Commission a imputé la responsabilité à l’ensemble du consortium ; d’une violation de l’article II.23.5 de l’annexe II de la convention de subvention BG pour ce qui concerne l’identité et les qualifications des experts indépendants désignés par la Commission pour mener l’analyse comparative des projets Bread-Guard et Food-Watch, et, de l’absence de pertinence en ce qui concerne la requérante de la reconnaissance par l’un des bénéficiaires des faits reprochés par la Commission.

31      À titre liminaire, il importe de rappeler que, saisi dans le cadre d’une clause compromissoire en vertu de l’article 272 TFUE, le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel applicable au contrat (voir arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 55 et jurisprudence citée), à savoir, en l’espèce, à titre principal, au regard des stipulations de la convention de subvention en cause, des dispositions des actes de l’Union relatifs au 7PC, de celles du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), et du règlement délégué no 1268/2012, ainsi que des autres règles découlant du droit de l’Union, et, à titre subsidiaire, au regard du droit belge, conformément à l’article 9, premier alinéa, de la convention de subvention BG.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de violation ou d’inexécution de l’article II.38.1, sous b), c), f), ou l) de l’annexe II de la convention de subvention BG en ce qui concerne la requérante et sur le troisième moyen, tiré d’une application abusive de l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG en ce que la Commission a imputé la responsabilité à l’ensemble du consortium

32      Par son premier moyen, que le Tribunal estime opportun de diviser en deux branches, la requérante, d’une part, soutient que c’est à tort que la Commission l’a tenue responsable des manquements contractuels sur la base desquels la convention de subvention BG a été résiliée, dans la mesure où aucun de ces manquements ne saurait lui être imputé. D’autre part, la requérante remet en cause l’existence même des manquements consistant en la surestimation du nombre de personnes par mois nécessaire au projet Bread-Guard et en l’omission d’informer la Commission de l’existence d’un projet similaire et de la modification de la description des tâches établies dans la convention de subvention BG.

33      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a fait une application abusive de l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention Bread-Guard en imputant la responsabilité à l’ensemble du consortium.

34      Il convient dès lors d’examiner en premier lieu la seconde branche du premier moyen afin de vérifier dans quelle mesure sont établis les manquements consistant en l’omission d’informer la Commission de l’existence d’un projet similaire, à savoir le projet Food-Watch, et de la modification de la description des tâches établies dans la convention de subvention BG ainsi qu’en la surestimation du nombre de personnes par mois nécessaire au projet Bread-Guard. En deuxième lieu, il convient d’examiner la première branche du premier moyen conjointement avec le troisième moyen, les deux mettant en cause l’imputabilité des manquements contractuels reprochés par la Commission.

 Sur la seconde branche du premier moyen, par laquelle la requérante remet en cause l’existence même des manquements contractuels

35      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir, en ce qui concerne le manquement à l’obligation d’informer la Commission de l’existence d’un projet similaire, à savoir le projet Food-Watch, en premier lieu, sur le fondement de deux rapports élaborés à sa demande par des experts indépendants en novembre 2016, que, au-delà des similitudes apparentes, les projets Bread-Guard et Food-Watch étaient différents d’un point de vue technique, tant par leur conception que par leur exécution, et que, dès lors, il n’y avait pas de chevauchement, au moins du point de vue des activités que la requérante a réalisées, entre les deux projets. En second lieu, la requérante indique que, au moment de la négociation du projet Bread-Guard, le projet Food-Watch n’était ni approuvé ni en cours de négociation, de sorte qu’il n’y avait pas d’obligation d’informer la Commission de l’existence de celui-ci.

36      S’agissant du manquement à l’obligation d’informer la Commission de l’existence de modifications de la description des tâches, la requérante soutient que les procès-verbaux des réunions du consortium de Bread-Guard ne contiennent pas le moindre élément qui laisserait entendre qu’il y avait eu des telles modifications.

37      Quant à la surestimation du nombre de personnes par mois nécessaire au projet, la requérante fait valoir que, compte tenu de ce que les activités qui lui avaient été assignées dans le cadre du projet Bread-Guard étaient considérablement différentes de celles dont elle était chargée dans le cadre du projet Food-Watch, le nombre de personnes par mois requis pour l’exécution du projet Bread-Guard était inévitablement plus élevé que celui requis pour le projet Food-Watch.

38      Enfin, la requérante fait valoir que, faute d’avoir été invitée conformément à l’article II.38.1, sous b), de l’annexe II de la convention de subvention, à remédier aux prétendus manquements contractuels reprochés par la Commission en l’espèce, ces manquements ne sauraient exister.

39      Ces arguments ne sauraient prospérer.

40      L’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG stipule que la Commission peut résilier de manière anticipée la convention de subvention ou la participation d’un bénéficiaire notamment dans les cas visés par cette disposition, à savoir en cas de manquement à toute obligation substantielle imposée par ladite convention [article II.38, sous b), de l’annexe II de la convention de subvention BG] ; lorsque le bénéficiaire a délibérément ou par négligence commis une irrégularité dans l’exécution de la convention [article II.38, sous c), de l’annexe II de la convention de subvention BG] ; lorsque l’utilisation potentielle des connaissances nouvelles diminue considérablement [article II.38, sous g), de l’annexe II de la convention de subvention BG], et lorsqu’un bénéficiaire a commis une faute professionnelle grave [article II.38, sous l), de l’annexe II de la convention de subvention BG].

41      Parmi les obligations qui s’imposent à l’ensemble des bénéficiaires, l’article II.2.4, sous b), de l’annexe II de la convention de subvention BG prévoit, l’obligation d’exécuter le projet subventionné conjointement et solidairement à l’égard de l’Union en prenant toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour garantir que ledit projet soit mené conformément aux conditions et aux termes prévus par la convention de subvention.

42      L’article II.3, sous a), de l’annexe II de la convention de subvention BG impose aux bénéficiaires d’effectuer les tâches telles qu’elles sont précisées dans l’annexe I de la même convention. Aux termes de l’article II.3, sous f), deuxième tiret, et sous i), de l’annexe II de la convention de subvention BG, chacun des bénéficiaires est tenu d’informer en temps utile la Commission de tout évènement susceptible d’avoir une influence sur l’exécution du projet et les droits de l’Union.

43      Il convient aussi de souligner que les motifs de résiliation de la convention de subvention BG énumérés à l’article II.38 de son annexe II constituent des motifs de résiliation autonomes. Il est, dès lors, loisible à la Commission de mettre fin à ladite convention, partiellement ou dans son intégralité, dès que les conditions prévues dans le cadre de l’un de ces motifs sont réunies.

44      C’est à l’aune des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si, dans la présente affaire, la Commission était en droit de constater l’existence de manquements consistant en l’omission d’informer la Commission de l’existence d’un projet similaire, à savoir le projet Food-Watch, des modifications de la description des tâches établies dans la convention de subvention BG et la surestimation du nombre de personnes par mois nécessaire au projet Bread-Guard.

45      En ce qui concerne la similitude existante entre les projets Bread-Guard et Food-Watch, il convient de constater, à l’instar de ce qui a été établi dans l’arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA (T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, points 124 et 125), qu’il ressort du seul libellé de chacun des projets que leur objet était très similaire. En effet, un observateur un tant soit peu avisé est à même de déceler qu’il existait un chevauchement très probable entre la portée du projet Food-Watch [intitulé « Development of a cost-efficient, precise and miniaturized sensor system (Nano-Spectrometer) for quality and process control in the food industry »] et le projet Bread-Guard (intitulé « Development of a cost-efficient, precise and miniaturized sensor system for quality and performance control in baking processes »). En outre, le Tribunal a retenu que les membres du consortium, parmi lesquels figurait la requérante, étaient en mesure de comprendre que les résultats et les travaux menés dans le cadre de chacun de ces projets, qui ont été discutés lors de plusieurs réunions et qui impliquaient souvent les mêmes intervenants, présentaient de nombreux points communs.

46      En outre, il ressort du dossier, notamment des rapports d’analyse soumis par la Commission, que, à l’exception du troisième module de travail dans le cadre du projet Bread-Guard, les propositions, les descriptions de tâches, les rapports et les livrables sont identiques dans les deux projets.

47      Certes, la requérante cherche à souligner que, au-delà des similitudes qui pouvaient exister entre les deux projets, les tâches spécifiques qui lui étaient assignées étaient distinctes, pour démontrer qu’il n’existe aucune irrégularité ou inexécution de la convention de subvention de sa part. Or, la question de la responsabilité individuelle de la requérante sera analysée ci-après dans le cadre de la première branche du premier moyen.

48      Ainsi, sans devoir se prononcer sur le degré exact de similitude existant entre les deux projets, il y a lieu de considérer, ainsi qu’il a déjà été constaté dans l’arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA (T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, points 110 à 113), susmentionné, que la similitude était telle qu’elle était susceptible d’avoir une influence sur l’exécution du projet et les droits de l’Union, de sorte que la Commission devait, conformément à l’article II.3, sous f), deuxième tiret, et sous i), de l’annexe II de la convention de subvention BG, en être informée.

49      Eu égard à ces circonstances, la question est dès lors de savoir si c’est à juste titre que, dans la présente affaire, la Commission est parvenue à la conclusion que le consortium avait manqué à son obligation, décrite au point 41 ci-dessus, de l’informer de l’existence du projet Food-Watch.

50      Il ressort de l’ensemble des éléments du dossier que tel est le cas. En effet, tant le consortium que les bénéficiaires, en dépit du fait qu’ils avaient connaissance des similitudes entre les deux projets, ont omis d’en informer la Commission, alors que l’occasion leur en avait été donnée.

51      Ainsi, le consortium, par l’intermédiaire de son coordinateur, a omis d’indiquer, le 3 février 2013, sur le formulaire dédié de sa proposition au projet Bread-Guard, qu’une proposition identique ou similaire à celle-ci avait été soumise auparavant, en dépit du fait que la proposition relative au projet Food-Watch avait été soumise le 15 novembre 2012. Le fait que cette proposition avait été mise sur une liste d’attente et n’était dès lors pas approuvée au moment de la soumission de la proposition du projet Bread-Guard, comme l’avance la requérante dans sa requête, n’est pas pertinent à cet égard. En effet, l’information à indiquer sur le formulaire de proposition du projet Bread-Guard se limitait à la question de savoir si un projet identique ou similaire – et non « approuvé » – avait antérieurement été soumis aux services de la Commission.

52      Ensuite, les membres du consortium, parmi lesquels figure la requérante, étaient, pendant l’exécution – par ailleurs simultanée – des deux projets, en mesure de comprendre que les résultats et les travaux menés dans le cadre de chacun de ces projets présentaient de nombreux points communs. En effet, ces projets ont été discutés lors de plusieurs réunions, qui impliquaient souvent les mêmes intervenants, dès lors que six des bénéficiaires étaient associés aux deux projets.

53      Dans un tel contexte, à supposer même que la requérante n’ait eu, ainsi qu’elle l’allègue, qu’une vision parcellaire de la portée exacte desdits projets et qu’elle ne se soit focalisée que sur les tâches qu’elle était censée accomplir dans le cadre de chacun d’eux, elle ne pouvait ignorer qu’il existait des risques de recoupement dans lesdites tâches (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 125).

54      Enfin, il ressort du dossier que, lors de la cinquième réunion du consortium dans le cadre du projet Bread-Guard, qui s’est tenue le 27 novembre 2015, à laquelle a notamment participé la requérante, le projet Food-Watch a explicitement été mentionné.

55      Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que, en violation des obligations leur incombant au titre de l’article II.3, sous f), et i), de l’annexe II et de l’article II.2.4, sous b), de la convention de subvention BG, le consortium et l’ensemble de ses bénéficiaires avaient omis à tort de l’informer de l’existence du projet Food-Watch.

56      Pour ce qui concerne le manquement à l’obligation d’informer la Commission de l’existence de modifications de la description des tâches, notamment l’abandon, dans le cadre du projet Bread-Guard, du développement du nanospectromètre d’humidité, il convient de constater, premièrement, qu’il ressort des éléments du dossier que, même si l’importance de ce détecteur d’humidité dans la réussite du projet Bread-Guard était soulignée dans la proposition portant sur celui-ci, son développement était devenu optionnel, dès la première réunion du consortium, les 4 et 5 décembre 2013, à laquelle la requérante a participé. Deuxièmement, il y a lieu de relever que, lors de la cinquième réunion portant sur ce projet, qui s’est tenue le 27 novembre 2015, en présence de la requérante, il a été expressément déclaré que la possibilité de détecter l’humidité ne serait pas abordée dans le cadre du projet Bread-Guard, mais que l’on tenterait de transférer cette possibilité vers le projet Food-Watch. Troisièmement, il y a lieu de constater que, dans ses observations présentées lors de la procédure contradictoire, le coordinateur a non seulement confirmé que ces déclarations avaient véritablement été faites lors desdites réunions, mais a également reconnu son erreur de ne pas avoir informé la Commission de la modification de la description des tâches dans le cadre du projet Bread-Guard.

57      Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que, en violation des obligations lui incombant au titre de l’article II.2.4, sous b), et de l’article II.3, sous a), de l’annexe II de la convention de subvention BG, le consortium avait omis de l’informer de la modification de la description des tâches du projet Bread-Guard.

58      Pour ce qui concerne la surévaluation du nombre de personnes par mois pour l’exécution du projet, il suffit de relever que, en dépit de la similitude avérée des objets des projets Food-Watch et Bread-Guard, ainsi que des points communs entre les résultats et les travaux menés dans le cadre de chacun de ces projets, le nombre de personnes par mois nécessaire à leur exécution était estimé à 194,5 pour le projet Food-Watch et à 367,5 pour le projet Bread-Guard.

59      La requérante explique à cet égard que, à partir du troisième module de travail des deux projets, la différence entre les deux projets devenait significative, le projet Bread-Guard prévoyant le développement d’un capteur ultrasons, tandis qu’un tel développement était absent du projet Food-Watch. Cette différence avait, selon la requérante, inévitablement des conséquences pour l’exécution des autres modules de travail, nécessitant ainsi un nombre de personnes par mois plus élevé.

60      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué aux points 44 et 45 ci-dessus, les projets sont, pris dans leur globalité, similaires et que, à l’exception du troisième module de travail dans le cadre du projet Bread-Guard, les propositions, les descriptions de tâches, les rapports et les livrables sont identiques dans les deux projets. Pourtant, les besoins ont été estimés à 10,5 personnes par mois dans le projet Food-Watch contre 20,75 personnes par mois dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Définition des besoins des utilisateurs finaux et des exigences techniques », à 36,5 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 53,5 dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Développement du capteur fondé sur la nanospectrométrie », à 29 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 41,25 dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Développement des logiciels et du matériel informatique de contrôle », à 28,75 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 41,50 dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Intégration du système et fabrication des prototypes de four », à 28,25 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 46 dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Validation des capteurs et essais de laboratoire », à 28,75 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 50,75 dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Validation professionnelle des prototypes avec les boulangeries », à 13,25 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 41,75 dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Diffusion et exploitation des résultats du projet », et à 19,50 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 29 dans le projet Bread-Guard, pour le module de travail intitulé « Gestion du projet ».

61      Il en résulte que, même pour les deux premiers modules, dans lesquels il n’y avait, selon les dires de la requérante, pas de différence significative, les besoins ont été estimés à, respectivement, 10,5 et 36,5 personnes par mois dans le projet Food-Watch, contre 20,75 et 53,5 personnes par mois dans le projet Bread-Guard. Il convient également de rappeler que le nombre de personnes par mois était estimé à 194,5 pour le projet Food-Watch, contre 367,5 pour le projet Bread-Guard, ce qui représente quasiment un doublement des effectifs.

62      Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que, en violation des obligations de l’article 14.2, sous e), de l’annexe II de la convention de subvention BG, il y a eu une surévaluation du nombre de personnes par mois nécessaire à l’exécution du projet Bread-Guard et, dès lors, des dépenses.

63      Enfin, la requérante fait valoir que, faute d’avoir été invitée conformément à l’article II.38.1, sous b), de l’annexe II de la convention de subvention à remédier aux prétendus manquements contractuels reprochés par la Commission en l’espèce, ces manquements ne sauraient exister.

64      Cet argument doit être écarté.

65      En effet, la procédure contradictoire a duré presque trois ans, ayant ainsi donné amplement le temps au consortium et à ses bénéficiaires de remédier aux manquements contractuels en cause. En outre, force est de constater qu’une partie de ces manquements, comme les omissions d’informer la Commission de l’existence du projet Food-Watch, de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard ainsi que de la modification de la description des tâches étaient difficilement réparables, voire irréparables.

66      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de constater que c’est sans enfreindre l’article II.38.1 de l’annexe II de la convention de subvention BG que la Commission a mis un terme à celle-ci.

67      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une erreur commise par la Commission du fait d’avoir imputé les manquements contractuels à la requérante, et sur le troisième moyen, tiré d’une application abusive de l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG en ce que la Commission a imputé la responsabilité à l’ensemble du consortium

68      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir qu’aucun des manquements contractuels retenus par la Commission aux fins de justifier sa décision de mettre un terme à la convention de subvention BG ne saurait lui être imputé.

69      Ainsi, pour ce qui concerne le manquement contractuel relatif à l’absence de communication à la Commission de l’existence du projet Food-Watch et des modifications à la description des tâches, la requérante indique que les tâches qui lui étaient assignées dans le cadre du projet Bread-Guard étaient considérablement différentes de celles qu’elle devait accomplir dans le cadre du projet Food-Watch, de sorte qu’il lui a été impossible d’en avoir connaissance. Par ailleurs, la requérante estime que, même en admettant que les projets Bread-Guard et Food-Watch étaient similaires, l’obligation d’en informer la Commission ne pesait pas sur elle, mais, selon les clauses de la convention de subvention BG régissant les attributions du coordinateur, sur celui-ci. Il en allait, selon la requérante, de même en ce qui concerne la modification de la description des tâches dans le cadre du projet Bread-Guard. Enfin, elle fait valoir qu’elle a pleinement rempli les obligations qui lui incombaient en vertu de la convention de subvention BG en exécutant de façon complète et satisfaisante les tâches qui lui étaient dévolues dans le cadre du projet Bread-Guard.

70      Quant au manquement contractuel relatif à l’absence de communication de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard, la requérante soutient qu’elle n’était pas concernée par ce manquement, étant donné qu’elle n’était pas le titulaire desdits droits. En outre, la requérante réitère que l’obligation d’informer la Commission revenait au coordinateur et au bénéficiaire qui avait été le titulaire desdits droits et qui les avait vendus avant l’exécution du projet.

71      Quant au manquement relatif à la surestimation du nombre de personnes nécessaire par mois, la requérante soutient que la différence considérable entre les tâches à accomplir dans les deux projets justifiait que le nombre de personnes par mois requis pour l’exécution du projet Bread-Guard soit plus élevé que celui requis pour l’exécution du projet Food-Watch, de sorte que ce manquement contractuel ne saurait davantage lui être imputé.

72      Enfin, la requérante fait valoir que la Commission ne saurait alléguer que la détermination du niveau de responsabilité ou de culpabilité de chaque bénéficiaire n’est pas nécessaire pour conclure à la pertinence de la résiliation du projet, compte tenu de ce que, lorsqu’elle l’a estimé opportun, elle a elle-même procédé à la ventilation du niveau de participation ou de responsabilité des parties pour chacune des irrégularités imputées au consortium.

73      Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a fait une application abusive de l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention Bread-Guard en imputant la responsabilité au consortium.

74      Ainsi, la requérante répète que l’obligation d’information s’imposait uniquement au coordinateur, en sa qualité d’intermédiaire entre le consortium et la Commission, ainsi que cela ressortirait tant des stipulations de la convention de subvention BG que de l’article 6.1.1 de l’accord de consortium ainsi que de l’article 25 du règlement (CE) no 1906/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en œuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2013) (JO 2006, L 391, p. 1). En outre, selon la requérante, la Commission aurait dû s’adresser aux membres du consortium ayant manqué à l’une ou l’autre de leurs obligations au titre de la convention de subvention BG et non au consortium dans son ensemble, dès lors qu’il incluait des membres qui n’avaient manqué à aucune des leurs. Le non-respect de cette exigence revient, selon la requérante, à imputer une responsabilité objective à chaque membre du consortium.

75      La Commission conteste ces allégations.

76      À cet égard, à titre liminaire, il importe de rappeler ce qui suit quant à l’imputabilité des manquements contractuels retenus par la Commission dans le cadre de la résiliation de la convention de subvention BG. Ainsi qu’il a été indiqué aux points 39 et 40 ci-dessus, d’une part, selon l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG, la résiliation peut porter sur la convention dans son ensemble dans le cas où l’exécution-même du projet est affectée par la cause entraînant la résiliation et, partant, sa poursuite empêchée. D’autre part, parmi les obligations qui s’imposent à l’ensemble des bénéficiaires, l’article II.2.4, sous a), de cette annexe prévoit l’obligation de fournir toutes les données détaillées demandées en vue de garantir la bonne gestion du projet et l’article II.2.4, sous b), de la même annexe l’obligation d’exécuter le projet subventionné conjointement et solidairement à l’égard de l’Union en prenant toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour garantir que ledit projet soit mené conformément aux conditions et aux termes prévus par la convention de subvention BG.

77      Il en résulte que, lors de l’examen de l’existence éventuelle de manquements contractuels, une décision de résiliation de la convention de subvention doit tenir compte de la responsabilité de chacun des bénéficiaires du projet, mais à la lumière de la responsabilité conjointe et solidaire de ceux-ci en tant que consortium envers l’Union, du principe de proportionnalité, de bonne foi et de loyauté. Ainsi, même si un manquement est imputable à un seul bénéficiaire, si ce manquement empêche l’exécution du projet ou menace sa viabilité ou les intérêts financiers de l’Union, la convention de subvention doit être résiliée pour tous les bénéficiaires, puisque ceux-ci sont solidairement responsables de la bonne exécution du projet.

78      C’est à l’aune des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si, dans la présente affaire, la Commission a commis une erreur en imputant la responsabilité des manquements contractuels au consortium, menant ainsi à la résiliation de la convention dans son ensemble, quand bien même, ainsi que l’allègue la requérante, il ne serait pas établi que chaque bénéficiaire se soit rendu coupable de chaque manquement contractuel.

79      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que l’obligation de veiller à la bonne gestion financière des ressources de l’Union, conformément à l’article 274 TFUE, et la nécessité de lutter contre la fraude aux financements de l’Union confèrent une importance fondamentale aux engagements relatifs aux conditions financières (arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 126).

80      L’obligation de chacun des bénéficiaires de la convention de subvention BG d’informer la Commission de tout évènement susceptible d’affecter la mise en œuvre du projet financé et les droits de l’Union, prévue par l’article II.3, sous f), de l’annexe II de cette convention, constitue dès lors l’un de ses engagements essentiels, visant à permettre à l’institution ou à l’organisme concerné de disposer des données nécessaires pour vérifier si les contributions en cause ont été employées en conformité avec les stipulations contractuelles (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 146).

81      En second lieu, il convient de souligner que le non-respect de l’obligation d’information de tout évènement susceptible d’affecter l’exécution ou la viabilité du projet et les droits de l’Union est à lui seul constitutif d’un manquement au contrat de subvention de nature à justifier la résiliation intégrale et anticipée de celui-ci, et ce indépendamment de la question de savoir si tous les bénéficiaires concernés ont agi de bonne foi, ont contribué à l’inexécution de ce contrat ou ont pris toutes les mesures possibles pour garantir l’exécution dudit contrat (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 111).

82      En troisième lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il est indiqué au point 40 ci-dessus, en vertu de l’article II.2.4., sous b), de l’annexe II de la convention de subvention BG, tous les bénéficiaires, parmi lesquels figure la requérante, étaient tenus d’exécuter le projet conjointement et solidairement à l’égard de l’Union.

83      Il en résulte que, contrairement à ce que prétend la requérante, quand bien même la Commission aurait mis un terme à la convention de subvention BG dans son intégralité, tout en reconnaissant que la totalité des manquements contractuels n’était pas imputable dans la même mesure à chacun des bénéficiaires du projet Bread-Guard, il n’y a pas lieu de déterminer la part de responsabilité qui incombe respectivement à chaque membre du consortium dans la violation des obligations qui leur sont faites, en leur qualité de bénéficiaires dudit projet (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 114).

84      L’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission aurait omis de tenir compte du fait que, ainsi que cela ressort d’un certain nombre de rapports d’expertise, en particulier les rapports élaborés à sa demande par des experts indépendants en novembre 2016, les tâches qui lui ont été confiées dans le cadre de chacun des deux projets étaient différentes et qu’elle ne disposait donc pas d’une vision globale de ceux-ci lui permettant de détecter les éventuels recoupements entre les deux projets ne saurait ainsi prospérer (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 115).

85      En effet, à supposer même que les affirmations de la requérante relatives à la différence de rôles qu’elle était amenée à jouer dans le cadre de chacun de ces projets soient exactes, elles ne sauraient être pertinentes dans l’examen de la question de savoir si c’est en l’occurrence à bon droit que la Commission a résilié la convention de subvention pour manquement des bénéficiaires à leurs obligations (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 116).

86      À cet égard, il doit être rappelé que ce qui est reproché en l’occurrence à la requérante n’est pas tant d’avoir exécuté des tâches similaires dans le cadre de chacun des projets concernés, mais plutôt d’avoir omis d’informer la Commission des similitudes et des chevauchements éventuels entre lesdits projets pris dans leur globalité, de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard ainsi que de la modification de la description des tâches.

87      Dès lors, le fait que la requérante ait exécuté les tâches qui lui avaient été confiées de façon satisfaisante et que, en outre, lesdites tâches étaient prétendument différentes dans les deux projets ne la libérait pas de ses autres obligations, et notamment de l’obligation d’information de tout évènement susceptible d’affecter l’exécution ou la viabilité du projet et les droits de l’Union à laquelle elle était tenue en application de l’article II.3, sous f), de l’annexe II de la convention de subvention BG. Un tel manquement, qui est sans rapport avec le degré d’exécution matérielle desdits projets par chacun des membres des consortia, justifiait à lui seul la résiliation intégrale de la convention de subvention BG, et ce indépendamment du fait que le bénéficiaire en cause avait agi de bonne foi, avait contribué à l’inexécution du contrat ou avait pris les mesures nécessaires pour garantir son exécution (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 118).

88      En outre, et à supposer même, ainsi que l’allègue la requérante, que toute information relative au projet concerné doive transiter par le coordinateur de celui-ci, cela ne saurait exonérer l’ensemble des bénéficiaires de la convention de subvention BG, parmi lesquels figure la requérante, de leur obligation d’information spécifique visée à l’article II.3, sous f), de l’annexe II de la convention de subvention BG (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 134).

89      En l’occurrence, la requérante n’établit ni même n’allègue avoir informé le coordinateur et les autres bénéficiaires du projet Bread-Guard des risques de chevauchements potentiels entre les projets en cause ou de la modification de la description des tâches dudit projet, dont elle était pourtant en mesure de connaître l’existence, les risques et l’influence potentielle sur l’exécution ou la viabilité de ce projet et les droits de l’Union.

90      En tout état de cause, compte tenu de leur obligation d’exécution conjointe et solidaire prévue à l’article II.2.4, sous b), de l’annexe II de la convention de subvention BG, l’ensemble des bénéficiaires du projet Bread-Guard doivent, en principe, également répondre du manquement attribuable au coordinateur (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2001, Commission/Oder-Plan Architektur e.a., C‑77/99, EU:C:2001:531, point 62).

91      Si, ainsi que le relève, à juste titre, la requérante, il est admis que, par exception au principe de responsabilité solidaire des contractants, un co-contractant peut être exonéré de sa responsabilité contractuelle s’il est en mesure de prouver qu’il n’a pas contribué à la violation du contrat, encore faut-il qu’il ait établi avoir satisfait à l’ensemble des obligations prévues par ce contrat, et en particulier à ses obligations d’information (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2001, Commission/Oder-Plan Architektur e.a., C‑77/99, EU:C:2001:531, point 62).

92      Or, en l’occurrence, la requérante a, à tout le moins, omis de communiquer l’existence du projet Food-Watch et la modification de la description des tâches au coordinateur et à la Commission, ce qui est constitutif d’une violation des obligations spécifiques pesant sur chacun des bénéficiaires de la convention de subvention BG en vertu de l’article II.3, sous f), de l’annexe II de cette convention.

93      La requérante soutient, en faisant référence au point 8 de l’arrêt du 13 novembre 2001, Commission/Pereira Roldão & Filhos e.a. (C‑59/99, EU:C:2001:604), que seules les circonstances susceptibles d’influer sensiblement sur l’exécution de la convention devaient être signalées.

94      Cette argumentation ne saurait prospérer.

95      En effet, premièrement, les faits de l’arrêt du 13 novembre 2001, Commission/Pereira Roldão & Filhos e.a. (C‑59/99, EU:C:2001:604), diffèrent de ceux du cas d’espèce. En effet, le contrat en cause prévoyait explicitement que seules les circonstances susceptibles d’influer sensiblement sur l’exécution de la convention, devaient être signalées (arrêt du 13 novembre 2001, Commission/Pereira Roldão & Filhos e.a., C‑59/99, EU:C:2001:604, points 7 et 8), ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire. En tout état de cause, à supposer même que l’obligation prévue à l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG doive se lire comme une obligation de signaler seulement les évènements qui sont susceptibles d’influencer sensiblement sur l’exécution de la convention, il convient de constater que cette condition est, en l’occurrence, satisfaite. En effet, le chevauchement des projets Food-Watch et Bread-Guard entraînait un risque de double financement par le budget de l’Union et la modification des tâches dans le cadre du projet Bread-Guard touchait au cœur même de l’objet dudit projet et affectait ainsi l’exécution et la viabilité de celui-ci.

96      En outre, contrairement à ce que la requérante allègue, ce n’est pas une responsabilité objective que la Commission a retenue. La résiliation est fondée sur la responsabilité conjointe et solidaire du consortium. À l’issue de la procédure contradictoire et à travers les différentes analyses effectuées au vu des observations de la requérante et des autres membres du consortium, la Commission est parvenue à la conclusion que l’exécution et la viabilité du projet Bread-Guard étaient compromises par les graves manquements constatés. Il en résulte que l’allégation de la requérante selon laquelle la décision de la Commission d’imputer conjointement et solidairement aux membres du consortium la responsabilité pour les violations de la convention de subvention BG constatées aurait été abusive doit être écartée.

97      Par ailleurs, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû s’adresser aux membres du consortium ayant directement manqué à l’une ou l’autre de leurs obligations au titre de la convention de subvention BG et non pas au consortium dans son ensemble. Il suffit à cet égard, d’une part, de rappeler que les dispositions invoquées par la requérante elle-même et citées au point 72 ci-dessus prévoient explicitement que le coordinateur fait office d’intermédiaire entre la Commission et les bénéficiaires du consortium. D’autre part, il convient de rappeler qu’il incombait à tous les bénéficiaires désignés par la convention de subvention BG, en vertu de l’article II.2.4, sous b), de l’annexe II de celle-ci, parmi lesquels figure la requérante, d’exécuter le projet conjointement et solidairement à l’égard de l’Union.

98      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur en imputant la responsabilité des manquements contractuels au consortium, de sorte que la première branche du premier moyen ainsi que le troisième moyen doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une application abusive de l’article 38.II.1, sous l), de l’annexe II de la convention de subvention BG ainsi que de l’absence de motifs justifiant la déclaration de fautes professionnelles graves commises par la requérante

99      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que les conditions pour retenir une faute professionnelle grave, ainsi prescrites par la jurisprudence, ne sont pas réunies en l’espèce, en ce que la Commission se limite à indiquer que la requérante et le consortium ont commis des fautes professionnelles graves en omettant de l’informer de l’existence du projet Food-Watch et de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard, sans procéder à la moindre appréciation concrète et individualisée de leurs comportements. Elle en conclut que la Commission a pris une décision abusive et disproportionnée. La requérante rappelle à cet égard qu’elle n’était en mesure d’avoir connaissance ni du chevauchement entre les projets Food-Watch et Bread-Guard ni de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard, de sorte qu’aucune faute professionnelle grave ne saurait lui être imputée. D’autre part, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir qualifié certains manquements contractuels de fautes professionnelles graves sans avoir, à aucun moment, avancé la moindre justification pour démontrer l’existence d’une fraude ou négligence grave dont le consortium et ses membres se seraient rendus coupables. Enfin, la requérante indique que l’existence d’une faute professionnelle grave n’a jamais été envisagée lors de la procédure contradictoire organisée par la REA dans le cadre du projet Food-Watch, alors que l’irrégularité imputée à la requérante et le contexte factuel étaient identiques à ceux du projet Bread-Guard.

100    La Commission conteste les allégations de la requérante.

101    En premier lieu, pour ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs au fait qu’aucune faute professionnelle grave ne saurait lui être imputée, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté aux points 80 et 81 ci-dessus, eu égard au fait qu’il incombait à tous les bénéficiaires désignés par la convention de subvention, en vertu de l’article II.2.4, sous b), de l’annexe II de cette convention, parmi lesquels figure la requérante, d’exécuter le projet conjointement et solidairement à l’égard de l’Union, il n’y a pas lieu de déterminer, aux fins de la résiliation de la convention de subvention BG, la part de responsabilité qui incombe respectivement à chaque membre du consortium dans la violation de l’obligation qui leur est faite.

102    En deuxième lieu, quant aux conditions qui doivent être réunies pour déterminer l’existence d’une faute professionnelle grave, il convient de relever que, selon la jurisprudence, ces conditions sont les suivantes : en premier lieu, l’opérateur doit avoir eu un comportement ayant une incidence sur sa crédibilité professionnelle, un manquement contractuel pouvant être considéré comme tel, en second lieu, ledit comportement doit dénoter une intention fautive ou une négligence grave. En outre, la constatation de l’existence d’une « faute grave » nécessite, en principe, que soit effectuée une appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’opérateur économique concerné (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 décembre 2012, Forposta et ABC Direct Contact, C‑465/11, EU:C:2012:801, points 27 à 31).

103    En l’occurrence, il convient de constater que les manquements contractuels concernés par la faute professionnelle grave, à savoir les omissions délibérées des bénéficiaires du projet Bread-Guard d’informer la Commission, d’une part, de l’existence d’un autre projet similaire également financé au titre du 7e PC et, d’autre part, de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard avant le commencement de l’exécution de ce projet, constituent des comportements ayant une incidence majeure sur la crédibilité professionnelle du consortium et de ses bénéficiaires, qui, en outre, dénote sinon une intention fautive tout au moins une négligence grave.

104    En troisième lieu, l’argumentation de la requérante visant à démontrer que la Commission a fait une application abusive de l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG, dans la mesure où elle n’aurait pas effectué d’appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’opérateur économique concerné, ne saurait prospérer.

105    En effet, tout d’abord, il y a lieu de relever que le coordinateur a été informé, dès le 15 avril 2016, des raisons pour lesquelles il avait été décidé de suspendre le projet Bread-Guard. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que la résiliation de la convention de subvention BG a été précédée d’une procédure contradictoire, faisant mention dès la première analyse de la Commission que cette dernière estimait que le consortium s’était rendu coupable de fautes professionnelles graves. Au cours de cette procédure contradictoire, contrairement à ce qu’elle allègue, la requérante a eu l’occasion de soumettre ses propres observations, notamment par les lettres datées du 4 novembre 2016, du 30 juin 2017 et du 17 mai 2018 ainsi que lors de la réunion qui s’est tenue à Bruxelles (Belgique) le 5 juillet 2017. En outre, la Commission a concrètement examiné et, dès lors, pris en considération les observations soumises par la requérante, bien qu’elle ait en fin de compte décidé de ne pas les suivre.

106    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent, d’une part, que la mesure litigieuse est intervenue dans un contexte connu de la requérante et, d’autre part, que cette dernière a été suffisamment informée des raisons pour lesquelles la Commission avait décidé, en dépit des éléments portés à sa connaissance, de maintenir sa position selon laquelle les manquements contractuels concernés constituaient des fautes professionnelles graves.

107    En quatrième lieu, pour ce qui concerne la prétendue violation du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que ce principe constitue un principe général du droit de l’Union, qui est consacré par l’article 5, paragraphe 4, TUE. Ce principe exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Ce principe a vocation à régir tous les modes d’action de l’Union, qu’ils soient ou non contractuels. Dans le contexte de l’exécution d’obligations contractuelles, le respect de ce principe participe à l’obligation plus générale des parties à un contrat de l’exécuter de bonne foi (voir arrêts du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, points 88 et 89 et jurisprudence citée, et du 3 mai 2018, Sigma Orionis/REA, T‑47/16, non publié, EU:T:2018:247, points 104 et 105 et jurisprudence citée).

108    Il ne saurait cependant être allégué que la qualification de certains manquements contractuels de fautes professionnelles graves constitue une mesure disproportionnée en présence des manquements contractuels imputés. En effet, les omissions délibérées d’informer la Commission de l’existence d’un autre projet similaire également financé au titre du 7e PC et de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard, respectivement, mettaient également en péril les intérêts financiers de l’Union, ainsi que le respect des principes inhérents au système de subventions énoncés dans le règlement financier, et compromettaient la viabilité du projet Bread-Guard dans son ensemble.

109    À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il est indiqué au point 77 ci-dessus, que l’obligation de veiller à la bonne gestion financière des ressources de l’Union, conformément à l’article 274 TFUE, et la nécessité de lutter contre la fraude aux financements de l’Union confèrent une importance fondamentale aux engagements relatifs aux conditions financières (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 126).

110    Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que le consortium et ses bénéficiaires, en application de l’article II.38.1, sous l) de l’annexe II de la convention de subvention BG, avaient commis des fautes professionnelles graves en omettant de l’informer de l’existence d’un autre projet similaire également financé au titre du 7e PC et de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard.

111    Enfin, quant à l’argument de la requérante, selon lequel l’existence d’une faute professionnelle grave n’a jamais été envisagée lors de la procédure contradictoire organisée par la REA dans le cadre du projet Food-Watch, il suffit de relever qu’il s’agit de deux projets distincts, conclus entre des parties différentes, de sorte que la Commission n’est pas liée par les constatations effectuées par la REA.

112    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article II.23.5 de l’annexe II de la convention de subvention BG en ce qui concerne l’identité et les qualifications des experts indépendants

113    La requérante fait, en substance, valoir que la Commission a violé l’article II.23.5 de l’annexe II de la convention de subvention BG en omettant de lui communiquer l’identité des experts indépendants désignés dans le cadre de la procédure contradictoire visant le projet Bread-Guard afin qu’il puisse éventuellement être procédé à leur récusation.

114    La Commission conteste les allégations de la requérante.

115    À cet égard, il convient de constater que les experts dont l’identité n’a prétendument pas été communiquée par la Commission sont notamment les deux experts qui ont effectué, à la demande de la REA, l’étude comparative dans le cadre de la procédure contradictoire visant le projet Food-Watch. Or, la Commission n’était pas associée à cette procédure. Quant à l’expert indépendant désigné dans le cadre de la procédure contradictoire visant le projet Bread-Guard pour effectuer les expertises qui ont mené aux rapports du 16 août 2016, du 19 mai 2017 et du 28 mars 2018, il ressort du courriel du 18 avril 2016 que la Commission a communiqué son identité au coordinateur et que ce dernier ne s’est pas opposé à cette désignation.

116    Partant, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu, en tout état de cause, de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’absence de pertinence en ce qui concerne la requérante de la reconnaissance des faits par l’un des bénéficiaires

117    La requérante fait valoir que la Commission n’aurait pas dû se fonder dans sa décision de résiliation sur le seul aveu de l’un des bénéficiaires du projet Bread-Guard concernant les manquements reprochés, étant donné que, premièrement, cet aveu ne correspondait pas, selon elle, à la réalité et que, deuxièmement, celui-ci n’a été ni communiqué ni mis à sa disposition pour qu’elle puisse étayer ses arguments. Enfin, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, par son aveu, l’autre bénéficiaire du projet Bread-Guard ne pouvait admettre que sa propre responsabilité et non pas la sienne.

118    La Commission conteste ces allégations.

119    À cet égard, il suffit de relever qu’il ressort de l’ensemble des éléments du dossier que la résiliation de la convention de subvention BG ne repose qu’à titre surabondant sur l’aveu exprès de l’autre bénéficiaire de certains manquements contractuels. En effet, dans sa décision de résiliation de la convention de subvention BG, la Commission s’est fondée, principalement, sur les études comparatives effectuées par la REA dans le cadre de la procédure contradictoire visant le projet Food-Watch, sur les trois analyses effectuées par elle-même dans le cadre de la procédure contradictoire visant le projet Bread-Guard et sur tous les documents joints aux deux projets ainsi que sur la reconnaissance par le coordinateur des manquements à l’obligation d’information reprochés en l’espèce.

120    Au vu de ces circonstances, il convient de rejeter le cinquième moyen.

121    Dès lors qu’il est ainsi établi que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a mis un terme à la convention de subvention au titre de l’article II.38 de l’annexe II de la convention de subvention BG et qu’elle a, dans ce cadre, estimé que le consortium et ses bénéficiaires avaient commis des fautes professionnelles graves en ne l’informant ni de l’existence du projet Food-Watch ni de la perte des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution du projet Bread-Guard, les premier, troisième et quatrième chefs de conclusions de la requérante doivent être rejetés. 

122    Quant au deuxième chef de conclusions, force est de constater que celui-ci est prématuré, dans la mesure où l’objet de la présente procédure se limite à la question d’une violation éventuelle des clauses de la convention de subvention BG concernant les conditions de la résiliation de celle-ci, tandis que la question du remboursement éventuel du financement reçu sur la base de ladite convention après la résiliation de celle-ci n’est, conformément à l’article II.39 de ladite annexe, traitée qu’à un stade ultérieur.

123    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fundación Tecnalia Research & Innovation est condamnée aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.