Language of document : ECLI:EU:T:2001:166

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

20 juin 2001 (1)

«Dumping - Décision clôturant un réexamen de mesures venant à expiration - Recours en annulation»

Dans l'affaire T-188/99,

Euroalliages, ayant son siège à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes D. Voillemot et O. Prost, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. N. Khan, puis par M. V. Kreuschitz, en qualité d'agents, assistés de M. A. P. Bentley, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant à l'annulation de la décision 1999/426/CE de la Commission, du 4 juin 1999, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaire d'Égypte et de Pologne (JO L 166, p. 91),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, K. Lenaerts, A. Potocki, M. Jaeger et J. Pirrung, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 13 décembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    À la suite d'une plainte déposée par la requérante en décembre 1990, la Commission a adopté, le 30 juin 1992, le règlement n° 1808/92 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de ferrosilicium originaire de Pologne et d'Égypte (JO L 183, p. 8).

2.
    Le droit sur le produit en cause a été fixé à 32 % par le règlement (CEE) n° 3642/92 du Conseil, du 14 décembre 1992, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de ferrosilicium originaire de Pologne et d'Égypte et portant perception définitive du droit antidumping provisoire (JO L 369, p. 1).

3.
    La Commission a accepté les engagements de prix offerts par un producteur exportateur égyptien et un producteur exportateur polonais (décision 92/331/CEE, du 30 juin 1992, et décision 92/572/CEE, du 14 décembre 1992, portant acceptation de l'engagement, respectivement, d'un producteur égyptien et d'un producteur polonais dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaires de Pologne et d'Égypte, respectivement JO L 183, p. 40, et JO L 369, p. 32).

4.
    Des mesures antidumping définitives ont également été instituées sur les importations de ferrosilicium originaire d'autres pays, d'une part, par le règlement(CE) n° 3359/93 du Conseil, du 2 décembre 1993, modifiant les mesures antidumping instituées sur les importations de ferrosilicium originaire de Russie, du Kazakhstan, d'Ukraine, d'Islande, de Norvège, de Suède, du Venezuela et du Brésil (JO L 302, p. 1), et, d'autre part, par le règlement (CE) n° 621/94 du Conseil, du 17 mars 1994, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de ferrosilicium originaire d'Afrique du Sud et de la république populaire de Chine (JO L 77, p. 48).

5.
    Le 21 décembre 1996, la Commission a publié un avis d'expiration prochaine des mesures antidumping concernant les importations en provenance d'Égypte et de Pologne (JO C 387, p. 3), selon lequel, d'une part, l'engagement du producteur exportateur égyptien venait à expiration le 5 juillet 1997 et, d'autre part, l'engagement du producteur exportateur polonais, ainsi que les droits antidumping institués par le règlement n° 3642/92, devenaient caducs le 20 décembre 1997.

6.
    À la suite de la publication de cet avis, la requérante a déposé, le 28 mars 1997, une demande de réexamen des mesures parvenant à expiration au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le «règlement de base»).

7.
    Ayant conclu, après consultation du comité consultatif, à l'existence d'éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'un réexamen au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission a publié un avis d'ouverture d'une telle procédure au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1997, C 204, p. 2) et a entamé une enquête. L'enquête relative aux pratiques de dumping a couvert la période comprise entre le 1er juillet 1996 et le 30 juin 1997 (ci-après la «période d'enquête»). L'examen du préjudice a couvert la période allant de 1993 à la fin de la période d'enquête.

8.
    Conformément à l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, les mesures instaurées par le règlement n° 3642/92 sont restées en vigueur en attendant le résultat du réexamen.

9.
    Le 1er février 1999, la Commission a informé la requérante des faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait de recommander la clôture de la procédure sans institution de mesures.

10.
    La requérante s'étant opposée à cette clôture, la Commission a confirmé sa position dans une lettre du 25 mars 1999, adressée à la requérante.

11.
    Le 4 juin 1999, la Commission a adopté la décision 1999/426/CE, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaire d'Égypte et de Pologne (JO L 166, p. 91, ci-après la «décision attaquée»).

12.
    Au considérant 14 de cette décision, la Commission indique que l'«aspect du dumping n'a pas été examiné», compte tenu de ses conclusions concernant la situation de l'industrie communautaire et la réapparition du préjudice.

13.
    Pour ce qui est de la situation sur le marché communautaire du ferrosilicium, la Commission expose que l'industrie communautaire a bénéficié des mesures antidumping en vigueur, qui ont atteint leur objectif, à savoir éliminer le préjudice causé par les importations en provenance d'Égypte et de Pologne. Pour ce qui est de la probabilité d'une continuation ou d'une réapparition du préjudice, elle indique que l'expiration des mesures frappant les importations en provenance de ces deux pays n'est guère susceptible d'entraîner une continuation ou une réapparition du préjudice.

14.
    La décision attaquée a été notifiée à la requérante le 1er juillet 1999.

15.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 20 août 1999, la requérante a formé le présent recours.

16.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 13 décembre 2000.

Conclusions des parties

17.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

18.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

19.
    La Commission, tout en reconnaissant que la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée, considère, sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité, que le recours est irrecevable parce que la requérante n'a pas d'intérêt à agir.

20.
    La Commission expose tout d'abord que, dans la décision attaquée, elle a indiqué que la requérante pouvait déposer une nouvelle plainte si la situation de celle-ci devait se détériorer à la suite d'importations faisant l'objet de dumping et qu'une telle plainte n'a pas été déposée.

21.
    Elle soutient ensuite que, si le Tribunal prononçait l'annulation de la décision attaquée, la requérante, qui invoque des éléments survenus postérieurement à la période d'enquête, aurait intérêt à déposer une nouvelle plainte pour obtenir leur prise en compte.

22.
    Enfin, la Commission fait valoir que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'annulation de la décision attaquée n'aurait pour conséquence ni la remise en vigueur des mesures qui étaient applicables au 1er juillet 1999, ni la transmission au Conseil d'une proposition de maintien de ces mesures. Elle se réfère, à cet égard, aux dispositions de l'article 1er de l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l'«accord antidumping de l'OMC»), selon lequel une mesure antidumping ne peut entrer en vigueur qu'à la suite d'une enquête menée en conformité avec ledit accord.

23.
    La requérante ne conteste pas qu'elle ait la possibilité de déposer une nouvelle plainte. Elle estime cependant que le règlement de base contient, en son article 11, paragraphe 2, une disposition spécifique qui donne le droit à l'industrie communautaire, à l'expiration de la période d'application de mesures antidumping, de bénéficier de leur maintien dès lors qu'est démontrée une probabilité de réapparition du dumping préjudiciable. Elle estime que la Commission devait faire une application pleine et entière de cette disposition.

24.
    Selon la requérante, les conséquences de l'annulation de la décision attaquée ne seraient pas identiques à celles de l'introduction d'une nouvelle plainte.

25.
    La requérante est, en outre, d'avis que la thèse de la Commission revient à ôter à l'industrie communautaire toute protection juridictionnelle en cas de clôture d'une procédure de réexamen.

Appréciation du Tribunal

26.
    Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n'est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l'acte en cause. Un tel intérêt suppose que l'annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-2305, points 59 et 60, et la jurisprudence citée).

27.
    En l'espèce, l'annulation de la décision attaquée produirait des effets juridiques à plusieurs égards. Premièrement, l'article 231 CE prévoit que, lorsqu'un recours en annulation est fondé, l'acte attaqué est déclaré nul et non avenu. L'annulation de la décision clôturant la procédure de réexamen entamée à la demande de la requérante aurait, dès lors, comme conséquence, conformément à l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, que les mesures faisant l'objet du réexamen resteraient en vigueur jusqu'à la conclusion de celui-ci. Un tel résultat ne serait pas contraire à l'article 1er de l'accord antidumping de l'OMC. En effet, l'annulation de la décision attaquée rendrait de nouveau applicables des mesures qui, originellement, avaient été arrêtées à la suite d'une enquête régulière, ce qui n'équivaut pas à l'application de mesures antidumping sans enquête préalable, interdite par l'article 1er dudit accord.

28.
    Deuxièmement, l'article 233 CE dispose que l'institution dont émane l'acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt. À cet égard, il a été jugé dans l'arrêt du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil (T-2/95, Rec. p. II-3939, points 87 à 95), que l'article 233 CE laisse à la Commission le choix soit de reprendre la procédure en se fondant sur tous les actes de celle-ci n'ayant pas été affectés par la nullité prononcée par le Tribunal, soit de mener une nouvelle enquête qui porterait sur une autre période de référence, à condition de respecter les conditions découlant du règlement de base. Dans les deux hypothèses, il s'agirait toutefois d'une enquête de réexamen de mesures venant à expiration, au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base, et non pas d'une enquête ouverte, conformément à l'article 5, paragraphe 1, dudit règlement, à la suite d'une nouvelle plainte.

29.
    Enfin, l'argumentation de la Commission en l'espèce reviendrait, comme celle-ci le reconnaît elle-même, à exclure tout droit de recours des plaignants contre les décisions clôturant un réexamen au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base et limiterait ainsi sérieusement la possibilité d'un contrôle de la légalité de telles décisions. Une telle conception de l'intérêt à agir est incompatible avec les droits procéduraux conférés aux producteurs communautaires par l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base, qui impliquent un droit de recours contre la décision adoptée à l'issue de la procédure de réexamen.

30.
    Par conséquent, l'intérêt à agir de la requérante ne saurait être nié en l'espèce.

Sur le fond

31.
    La requérante invoque un moyen unique, tiré d'une violation de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base et, plus particulièrement, d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la probabilité d'une réapparition du préjudice. La première branche de ce moyen est tirée d'une violation des règles applicables aux réexamens ouverts au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base, alors que, dans le cadre de la deuxième branche, la requérante avance des griefsspécifiques concernant l'appréciation des faits par la Commission dans la décision attaquée.

Sur la violation des règles applicables aux réexamens ouverts au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base

32.
    La requérante reproche à la Commission, premièrement, d'avoir commis une erreur de droit quant à l'application des critères d'appréciation de la probabilité d'une réapparition du préjudice et, deuxièmement, d'avoir considéré à tort que des éléments relatifs à une période postérieure à la période d'enquête ne pouvaient pas être pris en compte.

Sur les critères d'appréciation de la probabilité de réapparition du préjudice

- Arguments des parties

33.
    La requérante estime que l'article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de base permet d'identifier des critères pertinents pour étayer la probabilité d'une réapparition du préjudice consistant en la preuve, en premier lieu, de la continuation du dumping, en deuxième lieu, de ce que l'élimination du préjudice est totalement ou partiellement imputable à l'existence de mesures et, en troisième lieu, de ce que la situation des exportateurs ou les conditions du marché sont telles qu'elles impliquent la probabilité de nouvelles pratiques de dumping préjudiciables. Elle souligne que ces trois critères sont alternatifs et non pas cumulatifs et qu'ils ne sont pas les seuls éléments permettant d'apprécier la probabilité d'une réapparition du préjudice. Elle précise que les critères pris en compte aux fins de l'ouverture du réexamen, prévus à l'article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de base, ne sauraient être différents de ceux applicables pour décider du maintien des droits, conformément à l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement.

34.
    La requérante est d'avis que les deux premiers des trois critères figurant à l'article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de base se trouvent vérifiés en l'espèce, la Commission ayant reconnu que le dumping avait persisté et que les mesures en cause avaient éliminé le préjudice.

35.
    Selon la requérante, il s'ensuit que le pouvoir d'appréciation de la Commission dans la mise en oeuvre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base était «encadré» en l'espèce. Selon la requérante, étant donné qu'elle a fourni un commencement de preuve relatif au troisième critère, ayant trait à la situation des exportateurs et aux conditions du marché, la Commission devait produire des éléments justifiant d'écarter ce commencement de preuve pour pouvoir conclure à la suppression des mesures.

36.
    Concernant ce troisième critère, la requérante estime que les dispositions de l'article 3, paragraphe 9, du règlement de base, relatives au concept de «menace de préjudice», peuvent être utiles afin de mieux cerner la notion de «réapparition probable du préjudice». Elle expose que la pertinence de cette disposition est confirmée par les arrêts du Tribunal du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil (T-163/94 et T-165/94, Rec. p. II-1381), et de la Cour du 10 février 1998, Commission/NTN Corporation et Koyo Seiko (C-245/95 P, Rec. p. I-401), rendus sur la base du règlement (CEE) n° 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1), dont l'article 15 aurait déjà visé, sans utiliser les mêmes termes, les concepts mentionnés à l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base. En outre, la législation américaine sur les réexamens de mesures venant à expiration constituerait un élément utile pour apprécier la «situation des exportateurs et les conditions du marché», dans la mesure où elle fait référence à un «faisceau d'indices» pour déterminer si, à l'issue d'un tel réexamen, les conditions du maintien des mesures sont réunies. Elle estime que les indices mentionnés dans la législation américaine peuvent compléter utilement les concepts évoqués, à titre d'exemple, à l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base.

37.
    La Commission reconnaît qu'elle a confirmé, dans sa lettre du 25 mars 1999, la persistance des pratiques de dumping pendant la période d'enquête, mais souligne qu'elle n'a pas examiné cette question dans la décision attaquée. Elle conteste la thèse de la requérante selon laquelle, en l'espèce, la continuation des pratiques de dumping entraînerait une probabilité de réapparition du préjudice.

38.
    En ce qui concerne la preuve que la situation des exportateurs ou les conditions du marché sont telles qu'elles impliquent la probabilité de nouvelles pratiques de dumping préjudiciables, la Commission estime qu'une distinction doit être faite entre l'hypothèse selon laquelle le préjudice a continué malgré les mesures et celle selon laquelle il a été éliminé par celles-ci. Si les pratiques de dumping ont continué à causer un préjudice malgré les mesures antidumping, il ne pourrait pas être question de laisser expirer celles-ci. En revanche, si les mesures antidumping ont éliminé le préjudice pendant qu'elles étaient en vigueur, la Commission considère qu'elle est obligée d'apprécier si leur maintien est toutefois nécessaire afin d'éviter la réapparition d'un dumping préjudiciable à l'industrie communautaire. Elle est d'avis qu'elle doit tenir compte de toute amélioration dans la situation de l'industrie communautaire qui a été causée par l'institution des mesures antidumping.

39.
    La Commission soutient qu'il y a une nette différence entre l'hypothèse envisagée par l'article 3, paragraphe 9, du règlement de base (menace de préjudice), et celle envisagée par l'article 11, paragraphe 2, du même règlement (réapparition du préjudice). La requérante ne saurait donc invoquer une analogie entre ces deux dispositions, d'autant plus que la preuve d'une menace de préjudice est très difficileet que les institutions n'ont adopté des mesures antidumping sur la base d'une telle menace que dans très peu de cas.

40.
    À l'audience, elle a précisé que la notion de préjudice au sens de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base inclut l'hypothèse d'une menace de préjudice. Elle estime toutefois que l'hypothèse selon laquelle l'expiration de mesures antidumping favoriserait la réapparition d'une telle menace revêt un caractère théorique. Dans la pratique, l'examen porterait toujours sur la probabilité d'une réapparition du préjudice.

- Appréciation du Tribunal

41.
    Selon l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, une mesure antidumping expire cinq ans après son institution «à moins qu'il n'ait été établi lors d'un réexamen que l'expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice».

42.
    Il ressort de ce texte, d'une part, que le maintien d'une mesure dépend du résultat d'une appréciation des conséquences de son expiration, donc d'un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné. Il en ressort, d'autre part, qu'une simple possibilité de continuation ou de réapparition du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d'une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d'une continuation ou d'une réapparition du préjudice ait été établie.

43.
    À cet égard, il est sans incidence que le texte français de l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, à la différence d'autres versions linguistiques, n'utilise pas les termes «probable» ou «probabilité».

44.
    En effet, le règlement de base doit être interprété à la lumière de l'accord antidumping de l'OMC (voir arrêt du Tribunal du 27 janvier 2000, BEUC/Commission, T-256/97, Rec. p. II-101, points 66 et 67), dont l'article 11.3 prévoit que tout droit antidumping définitif sera supprimé cinq ans au plus tard à compter de la date à laquelle il aura été imposé «à moins que les autorités ne déterminent, au cours d'un réexamen [...], qu'il est probable que le dumping et le dommage subsisteront ou se reproduiront si le droit est supprimé». À cet égard, l'utilisation des verbes «établir» et «favoriser» dans la version française du règlement de base implique que les mesures ne peuvent être maintenues que si le réexamen a permis de démontrer que leur expiration créera des conditions favorables à la continuation ou à la réapparition du préjudice. Il n'est donc pas exigé que la continuation ou la réapparition du préjudice soit prouvée mais seulement qu'il existe une probabilité en ce sens. Une exigence de probabilité figure donc, implicitement, également dans le texte français du règlement de base.

45.
    En l'espèce, il est constant entre les parties que le préjudice a été éliminé pendant que les mesures en cause étaient en vigueur. Il s'agissait donc, pour la Commission, d'examiner la probabilité d'une réapparition du préjudice.

46.
    Un tel examen suppose l'évaluation de questions économiques complexes pour laquelle les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation. Le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit, dès lors, être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreurs manifestes dans l'appréciation des faits ou de l'absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T-51/96, Rec. p. II-1841, point 94).

47.
    Il y a lieu de relever, ensuite, que l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, du règlement de base, qui régit les conditions dans lesquelles des mesures antidumping peuvent être maintenues, énonce l'exigence de la probabilité de la continuation ou de la réapparition du préjudice, mais qu'il ne précise pas expressément les facteurs que les autorités communautaires sont censées prendre en considération lors de l'appréciation de cette probabilité.

48.
    En revanche, l'article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de base dispose:

«Il est procédé à un réexamen de mesures parvenant à expiration lorsque la demande contient suffisamment d'éléments de preuve que la suppression des mesures favoriserait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. Cette probabilité peut, par exemple, être étayée par la preuve de la continuation du dumping et du préjudice ou par la preuve que l'élimination du préjudice est totalement ou partiellement imputable à l'existence de mesures ou encore par la preuve que la situation des exportateurs ou les conditions du marché sont telles qu'elles impliquent la probabilité de nouvelles pratiques de dumping préjudiciable.»

49.
    Il ressort de son libellé que cette disposition a pour objet de préciser non pas les conditions du maintien des mesures, mais les conditions dans lesquelles il y a lieu de procéder, à la suite d'une demande présentée au nom de l'industrie communautaire, à un réexamen de mesures parvenant à expiration. L'examen de ces conditions a lieu sur la base des éléments produits à l'appui de la demande. À cet égard, les trois critères figurant, à titre d'exemple, à la deuxième phrase de cette disposition ont un caractère alternatif et non pas cumulatif.

50.
    Il y a lieu d'examiner, à la lumière de ces considérations, la thèse de la requérante selon laquelle ces trois critères sont pertinents aux fins d'apprécier si, dans le cadre de l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, il y a lieu d'ordonner le maintien des mesures.

51.
    Liminairement, il y a lieu de préciser que, malgré l'ambiguïté que contient à cet égard le texte français, l'article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de base ne doit pas être compris en ce sens que «la preuve» de l'un des trois cas de figure mentionnés dans sa deuxième phrase serait requise pour étayer, aux fins de l'ouverture d'un réexamen, la probabilité de la continuation ou de la réapparition du préjudice. En effet, les trois cas de figure énumérés dans cette phrase doivent être interprétés à la lumière de la première phrase du même alinéa, selon laquelle le réexamen est ouvert lorsque la demande contient «suffisamment d'éléments de preuve» de la probabilité de la continuation ou de la réapparition du préjudice. La deuxième phrase vise à fournir des exemples d'éléments de preuve pertinents. Il découle donc de l'économie de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base qu'il suffit, aux fins de l'ouverture du réexamen, que la demande présentée au nom de l'industrie communautaire soit étayée par des éléments de preuve, notamment, de l'existence de l'un des trois cas de figure énumérés à la deuxième phrase de son deuxième alinéa.

52.
    Il découle de ce qui précède, pour ce qui est du premier cas de figure, qu'un réexamen doit être ouvert sur la base d'éléments de preuve suffisants concernant la continuation du dumping et du préjudice, sans qu'il soit nécessaire que cette continuation soit d'ores et déjà établie. Toutefois, l'existence de tels éléments de preuve ne saurait préjuger le résultat du réexamen. En revanche, s'agissant de l'hypothèse où la continuation du dumping et du préjudice est établie dès avant l'ouverture du réexamen, la Commission a indiqué, à juste titre, qu'il ne saurait être question de laisser expirer les mesures. Tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce, étant donné que le préjudice a été éliminé par les mesures en cause.

53.
    Quant au deuxième cas de figure, il y a, certes, lieu de procéder à un réexamen lorsque la demande contient des éléments de preuve suffisants de ce que l'élimination du préjudice est totalement ou partiellement imputable à l'existence de mesures. Cependant, à elle seule, cette élimination ne permettrait pas de conclure que la réapparition du préjudice est probable en cas d'expiration des mesures. En effet, s'il en était autrement, des mesures antidumping qui ont atteint leur but en éliminant le préjudice ne pourraient jamais venir à expiration.

54.
    Le troisième cas de figure se réfère explicitement à la probabilité de nouvelles pratiques de dumping préjudiciable. Il n'est cependant pas nécessaire, pour donner lieu à l'ouverture du réexamen, que la situation des exportateurs et les conditions du marché, qui rendent probable une réapparition du dumping et du préjudice, soient effectivement établies. La demande de réexamen doit seulement contenir des éléments de preuve justifiant une instruction à cet égard. En revanche, aux fins du maintien des mesures, conformément à l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, les circonstances dont découle cette probabilité doivent être établies sur la base des résultats d'une enquête.

55.
    Il résulte de cette analyse de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base que les trois cas de figure énoncés à son deuxième alinéa ne constituent pas, en tant que tels, des critères d'appréciation de la probabilité d'une réapparition du préjudice au sens du premier alinéa de cette disposition.

56.
    L'interprétation selon laquelle les conditions de l'ouverture du réexamen ne doivent pas être confondues avec celles justifiant le maintien des mesures est confirmée par les arrêts NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, cité ci-dessus au point 36 (points 58 à 60), et Commission/NTN Corporation et Koyo Seiko, cité ci-dessus au point 36 (points 41 et 42), rendus au regard des articles 14 et 15 du règlement n° 2423/88. À ce sujet, il convient de rappeler que l'article 15 du règlement n° 2423/88, régissant le réexamen de mesures venant à expiration, se distinguait de l'article 11 du règlement de base en ce qu'il ne fixait, expressément, que les conditions de l'ouverture d'un réexamen, alors qu'il n'indiquait pas explicitement les conditions dans lesquelles les mesures pouvaient être maintenues. Dans cette situation, aussi bien la Cour que le Tribunal ont considéré qu'il n'y avait pas lieu de retenir, pour décider du maintien des mesures, les critères auxquels l'ouverture du réexamen était subordonnée. Ce raisonnement vaut à plus forte raison dans le cadre du règlement de base, étant donné que celui-ci énonce explicitement les conditions auxquelles le maintien des mesures est subordonné.

57.
    Il y a lieu d'ajouter que tant le règlement de base que l'accord antidumping de l'OMC subordonnent le maintien des mesures à des conditions strictes, en exigeant que la probabilité d'une réapparition du dumping et du préjudice ait été constatée positivement, sur la base d'une enquête, par les autorités compétentes.

58.
    Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission, dès lors que les deux premiers critères figurant à l'article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de base étaient vérifiés, se trouvait tenue, en présence d'un commencement de preuve concernant le troisième critère et à défaut de réfuter celui-ci, de proposer le maintien des mesures en cause.

59.
    S'agissant, ensuite, des dispositions de l'article 3, paragraphe 9, du règlement de base et de la législation antidumping des États-Unis d'Amérique, que la requérante considère comme pertinentes pour préciser les critères d'appréciation d'une probabilité de réapparition du préjudice, il convient de relever que la Commission, lorsqu'elle examine s'il existe une telle probabilité, doit évaluer la situation sur le marché dans son ensemble. Le choix des critères à retenir aux fins de cette évaluation relève, dans chaque cas individuel, du pouvoir d'appréciation de la Commission. Il ne peut donc être censuré par le Tribunal qu'en cas d'erreur manifeste.

60.
    Or, le seul reproche précis à cet égard a été soulevé par la requérante dans la réplique et concerne la prise en considération du niveau de dumping constaté pendant la période d'enquête. Ce grief sera examiné ci-après aux points 115 à 118.

61.
    À part ce point spécifique, la requérante n'a pas invoqué d'erreurs manifestes concernant le choix des critères que la Commission a pris en considération dans la décision attaquée. Elle n'a pas non plus indiqué en quoi le résultat de l'appréciation d'une réapparition du préjudice aurait pu être différent si la Commission avait eu recours à des critères figurant à l'article 3, paragraphe 9, du règlement de base ou dans la législation des États-Unis.

62.
    Par conséquent, les développements de la requérante concernant, en général, les critères d'appréciation susceptibles d'être pris en considération pour déterminer si la réapparition d'un préjudice est probable ne sont pas de nature, en l'espèce, à affecter la validité de la décision attaquée.

Sur la prise en compte d'éléments relatifs à une période postérieure à la période d'enquête

- Arguments des parties

63.
    La requérante reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte, dans le cadre de l'analyse de la probabilité d'une réapparition du dumping et du préjudice, d'éléments postérieurs à la période d'enquête qui a pris fin le 30 juin 1997. S'agissant de l'appréciation d'un événement futur, la prise en compte de ces éléments serait justifiée. La Commission se serait, en outre, écartée de sa pratique dans d'autres affaires. La prise en compte d'éléments postérieurs serait d'autant plus nécessaire en l'espèce que le réexamen a dépassé le délai d'un an prévu par l'article 11, paragraphe 5, du règlement de base.

64.
    Conformément à l'article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement de base, la Commission serait obligée de tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents et dûment documentés présentés lors de l'enquête, c'est-à-dire, en l'espèce, du 1er juillet 1996 au 1er juillet 1999.

65.
    À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, en l'espèce, la fin de la période d'enquête ne correspond pas à la fin de la période de cinq ans après l'institution des mesures visée à l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, soit le 20 décembre 1997. Elle estime, dès lors, qu'il est nécessaire, en tout état de cause, de tenir compte des éléments relevant d'une période expirant le 20 décembre 1997, et non le 30 juin 1997.

66.
    La requérante souligne enfin que ses griefs sont fondés, essentiellement, sur des éléments relevant de la période d'enquête, mais que ceux-ci sont complétés et confirmés par les éléments postérieurs à celle-ci. Ces derniers auraient été portés à la connaissance de la Commission dans le cadre de la procédure administrative et l'institution aurait pu aisément les vérifier.

67.
    Selon la Commission, la probabilité d'une continuation ou d'une réapparition du dumping et du préjudice doit être appréciée en tenant compte uniquement d'éléments relevant d'une période de référence qui ne dépasse pas le dernier jour de la période de cinq ans. Partant, seuls ces éléments pourraient justifier la continuation des mesures.

68.
    La Commission est d'avis que cette règle ne fait pas obstacle à ce que la période d'enquête finisse quelques mois avant la fin de la période de cinq ans.

69.
    Enfin, la Commission souligne que, si les représentants de l'industrie communautaire soutiennent qu'il existe des éléments relevant de la période postérieure à la période d'enquête qui justifient l'adoption de mesures antidumping, ils seraient mieux avisés de déposer une nouvelle plainte plutôt que de présenter lesdits éléments dans le cadre de l'enquête ouverte en vertu de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base.

- Appréciation du Tribunal

70.
    Conformément à l'article 11, paragraphe 5, du règlement de base, qui correspond à l'article 11.4 de l'accord antidumping de l'OMC, le réexamen des mesures venant à expiration doit être mené selon les règles concernant les procédures et la conduite des enquêtes, figurant notamment à l'article 6 du règlement de base. Il s'ensuit que le maintien des mesures après l'expiration d'une période de cinq ans est subordonné aux mêmes garanties procédurales, concernant le déroulement de l'enquête, que l'institution originelle de ces mesures.

71.
    L'article 6, paragraphe 1, du règlement de base prévoit que les «renseignements relatifs à une période postérieure à la période d'enquête ne sont pas, normalement, pris en compte».

72.
    L'article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement de base dispose:

«Lors des enquêtes effectuées en vertu du présent paragraphe, les exportateurs, les importateurs, les représentants des pays exportateurs et les producteurs de la Communauté ont la possibilité de développer, [de] réfuter ou [de] commenter les thèses exposées dans la demande de réexamen et les conclusions tiennent compte de tous les éléments de preuve pertinents et dûment documentés présentés en relation avec la question de savoir si la suppression des mesures serait ou non de nature à favoriser la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice.»

73.
    Contrairement à ce que semble penser la requérante, cette disposition ne déroge pas, pour les réexamens de mesures venant à expiration, à la règle figurant à l'article 6, paragraphe 1, du règlement de base. En effet, l'obligation de tenir compte de «tous les éléments de preuve pertinents» qu'elle impose à la Commission vise les éléments de preuve résultant de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article 6 du règlement de base.

74.
    La fixation d'une période d'enquête et la prohibition de la prise en compte des éléments postérieurs à celle-ci visent à garantir que les résultats de l'enquête soient représentatifs et fiables. Cela vaut tant pour les enquêtes menées dans le cadre d'un réexamen que pour celles ouvertes conformément à l'article 5 du règlement de base. Par conséquent, la règle selon laquelle les renseignements relatifs à une période postérieure à la période d'enquête ne sont pas, normalement, pris en compte, s'applique également aux enquêtes de réexamen de mesures venant à expiration.

75.
    En utilisant le terme «normalement», l'article 6, paragraphe 1, du règlement de base permet, toutefois, des exceptions à cette règle. À cet égard, il a été jugé qu'il ne peut incomber aux institutions communautaires d'incorporer dans leurs calculs des données relevant d'une période postérieure à celle de l'enquête, à moins que ces données ne révèlent de nouveaux développements rendant manifestement inadaptée l'institution envisagée d'un droit antidumping (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Sinochem/Conseil, T-161/94, Rec. p. II-695, point 88).

76.
    La question se pose donc de savoir si cette exception concerne seulement l'hypothèse visée par le Tribunal dans l'arrêt Sinochem/Conseil, cité au point 75 ci-dessus, c'est-à-dire celle selon laquelle les développements postérieurs à la période d'enquête s'opposent à l'institution des mesures, ou bien si de tels éléments peuvent être pris en considération également en faveur des mesures, notamment, dans le cas d'un réexamen de mesures venant à expiration, pour justifier le maintien des mesures en cause. À cet égard, il convient de relever que le règlement de base et l'accord antidumping de l'OMC subordonnent aussi bien l'imposition que le maintien des mesures à des conditions strictes. Notamment, l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base subordonne le maintien de mesures de protection après expiration d'une période de cinq ans à la condition que les données de fait desquelles peut être déduite une probabilité de réapparition du préjudice aient été constatées par le biais d'une enquête menée conformément au règlement de base.

77.
    En revanche, lorsque les résultats d'une telle enquête ne sont pas suffisants pour justifier le maintien des droits antidumping, le règlement de base prévoit leur expiration. Cela implique que des éléments postérieurs à la période d'enquête ne sauraient être pris en compte en faveur de leur maintien. Par conséquent, l'arrêt Sinochem/Conseil, cité au point 75 ci-dessus, ne concerne que l'hypothèse selon laquelle des éléments postérieurs à la période d'enquête, constatés en dehors d'une enquête conforme aux garanties procédurales exigées par le règlement de base et par l'accord antidumping de l'OMC, sont pris en compte pour renoncer à l'institution ou au maintien des droits antidumping.

78.
    L'obligation de fonder le maintien de droits antidumping uniquement sur des éléments recueillis dans le cadre d'une enquête conforme au règlement de base et à l'accord antidumping de l'OMC ne saurait être affectée par le fait que laprocédure de réexamen a, en l'espèce, duré plus de douze mois, contrairement à ce qui devrait être le cas, normalement, selon l'article 11, paragraphe 5, du règlement de base.

79.
    Quant à l'argument selon lequel la Commission aurait dû tenir compte de tous les éléments relevant de la période antérieure au 20 décembre 1997, date à laquelle la période de cinq ans après l'instauration des mesures a expiré, il convient de relever, d'abord, que la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation quant au choix de la période d'enquête (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, point 86). Étant donné que la procédure de réexamen nécessite un certain temps, il est légitime que la période d'enquête se termine quelques mois avant l'expiration de la période de cinq ans. Ensuite, les considérations relatives au respect des garanties procédurales dans le cadre de l'enquête, exposées ci-dessus, s'opposent à ce que la Commission tienne compte des éléments qui se sont produits entre la fin de la période d'enquête et l'expiration de la période de cinq ans.

80.
    Enfin, la thèse de la requérante est en contradiction avec ses propres arguments en faveur de la recevabilité du présent recours. En effet, elle ne saurait, d'une part, obtenir un contrôle juridictionnel du réexamen de mesures venant à expiration effectué par la Commission au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base sans que la possibilité de déposer une nouvelle plainte puisse lui être opposée et, d'autre part, exiger la prise en considération, dans le cadre de ce contrôle juridictionnel, d'éléments susceptibles de faire l'objet d'une nouvelle plainte.

81.
    Il s'ensuit que l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû prendre en considération des éléments postérieurs à la période d'enquête n'est pas fondé.

Sur les griefs concernant l'appréciation des faits

Arguments de la requérante

82.
    La requérante est d'avis que l'ensemble des éléments qui étaient à la disposition de la Commission durant la procédure de réexamen devaient nécessairement conduire l'institution à conclure à la probabilité d'une réapparition du préjudice. Elle estime que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation concernant sept aspects spécifiques de la décision attaquée.

83.
    En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs relatives au volume des importations. D'abord, elle fait valoir que la Commission a méconnu que le développement du volume des importations, notamment à la fin de la période d'enquête et postérieurement à celle-ci, constituait un indice sérieux de la réapparition du préjudice. Dans la réplique, elle reproche à la Commission d'avoir omis de cumuler les importations en provenance d'Égypte et de Pologne. En ce qui concerne plus particulièrement les importations en provenance dePologne, la requérante invoque une erreur de la Commission concernant leur développement pendant et après la période d'enquête. Concernant les importations en provenance d'Égypte, la requérante reproche à la Commission, d'une part, d'avoir méconnu le caractère temporaire de leur diminution pendant la période d'enquête et, d'autre part, d'avoir commis une erreur dans l'estimation de leur quantité pendant la même période, le chiffre figurant à cet égard dans la décision attaquée étant divergent de celui indiqué par le producteur exportateur égyptien dans sa réponse au questionnaire.

84.
    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu les conséquences qu'elle aurait dû tirer de l'augmentation de la part du marché communautaire correspondant aux importations en provenance de Pologne et d'Égypte.

85.
    En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission une erreur manifeste d'appréciation à l'égard de la sous-cotation des prix des importations. D'abord, la Commission aurait méconnu qu'il était probable que, en cas d'expiration des mesures, un niveau de sous-cotation, par rapport aux prix appliqués par l'industrie communautaire, allant jusqu'à 30 % apparaîtrait de nouveau. Ensuite, la requérante fait valoir que, malgré l'existence des mesures, une sous-cotation des prix de 4,5 % pour les exportations d'Égypte et de 4,6 % pour celles de Pologne a été constatée dans la décision attaquée et que cette sous-cotation a permis d'augmenter les volumes et les parts de marché des exportateurs de ces deux pays. La Commission aurait, en tout état de cause, omis d'examiner la probabilité de la persistance de cette sous-cotation après l'expiration des mesures. Enfin, la requérante fait valoir que les prix des importations de ferrosilicium en provenance d'Égypte et de Pologne ont baissé après la période d'enquête.

86.
    En quatrième lieu, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes quant à la probabilité d'une réorientation des exportations de Pologne et d'Égypte vers le marché communautaire. D'abord, la Commission aurait méconnu l'évolution probable des prix sur le marché mondial du ferrosilicium, lesquels présenteraient une importante fluctuation. Ensuite, pour ce qui est, plus particulièrement, du producteur exportateur égyptien, la Commission aurait commis une erreur manifeste, d'une part, quant aux conclusions à tirer de l'utilisation des capacités de production et de l'importance des stocks de celui-ci et, d'autre part, quant à la répartition de ses ventes. Pour ce qui est, plus particulièrement, du producteur exportateur polonais, la Commission aurait méconnu les prévisions de celui-ci quant à l'utilisation de ses capacités de production.

87.
    En cinquième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste concernant les conséquences à tirer de l'élimination du préjudice causé à l'industrie communautaire par les mesures antidumping.

88.
    En sixième lieu, la requérante est d'avis que la Commission a méconnu les conséquences qu'elle devait tirer de sa constatation selon laquelle le dumping avait continué pendant la période d'enquête. Elle fait valoir, à cet égard, que le niveau de dumping constaté pendant cette période est important. La législation antidumping des États-Unis ferait expressément référence à ce critère. Elle demande donc au Tribunal d'ordonner que la Commission indique le niveau de dumping constaté. À l'audience, elle a précisé que la marge de dumping retenue lors de l'enquête originelle avait été de 61 % pour les importations en provenance d'Égypte et de 44 % pour celles en provenance de Pologne, ce qui était particulièrement élevé. Le fait que le dumping avait persisté pendant l'application des mesures et que celles-ci avaient supprimé le préjudice constituerait un élément de preuve très important de la nécessité de leur maintien. La requérante est, en outre, d'avis que la preuve du non-respect des engagements par les producteurs exportateurs égyptien et polonais pendant la période d'application des mesures constituerait un indice supplémentaire de la probabilité d'une réapparition du préjudice. Elle demande donc au Tribunal d'inviter la Commission à fournir les rapports établis par ces producteurs exportateurs relatifs à l'exécution de leurs engagements.

89.
    En septième lieu, la requérante reproche à la Commission d'avoir méconnu que la situation de l'industrie communautaire était telle qu'une réapparition du préjudice était probable.

Appréciation du Tribunal

90.
    Liminairement, il convient d'observer qu'il découle de ce qui a été jugé ci-dessus, aux points 70 à 81, que les éléments de fait postérieurs à la période d'enquête ne peuvent pas être invoqués par la requérante pour mettre en cause la légalité de la décision attaquée.

91.
    Il convient de rappeler, ensuite, que la Commission, pour justifier une proposition de maintien des mesures, doit établir l'existence de circonstances concrètes permettant de déduire qu'un retour aux pratiques de prix préjudiciables est non seulement possible, mais probable.

92.
    À cet égard, la Commission devait tenir compte de la fluctuation des prix du ferrosilicium sur le marché mondial. Les deux parties ont indiqué que l'évolution des prix et celle des autres conditions de ce marché sont difficilement prévisibles. Il s'ensuit que les prix et les autres conditions du marché mondial pouvaient évoluer de façon à inciter les exportateurs polonais et égyptiens à fixer leurs prix aussi bien à un niveau susceptible de causer un préjudice à l'industrie communautaire qu'à un niveau non préjudiciable. Or, lorsque le caractère instable d'un marché ne permet pas de faire des prévisions fondées à l'égard de son évolution, il ne peut pas être déduit qu'un retour à des pratiques de prix préjudiciables à l'industrie communautaire soit dans l'intérêt des exportateurs.

93.
    De même, la Commission devait tenir compte du fait que, en l'espèce, des engagements de prix des exportateurs concernés avaient été acceptés. Ces exportateurs ont donc bénéficié des prix d'un niveau non préjudiciable auxquels leurs produits ont été vendus dans la Communauté, ce qui n'aurait pas été le cas si des droits antidumping leur avaient été imposés.

94.
    Dans ce contexte, la Commission a notamment constaté, au considérant 18 de la décision attaquée, que les prix à l'exportation vers la Communauté pratiqués par les producteurs exportateurs égyptien et polonais sont restés, au cours de la période d'enquête, supérieurs au niveau non préjudiciable calculé pour accepter leurs engagements de prix. Cette constatation n'a pas été utilement mise en question par la requérante qui a explicitement indiqué, au point 42 de sa réplique, qu'elle ne contestait pas que les producteurs exportateurs égyptien et polonais aient respecté leurs engagements pendant la période d'enquête. Certes, elle a soulevé également dans sa réplique la question d'un éventuel non-respect de ces engagements avant et après la période d'enquête et elle a sollicité du Tribunal qu'il procède à une mesure d'instruction à cet égard. Cette argumentation n'est cependant pas de nature à infirmer les constatations relatives à la période d'enquête figurant au considérant 18 de la décision attaquée.

95.
    La circonstance que les producteurs exportateurs polonais et égyptien ont pratiqué, de leur propre initiative, des prix plus élevés que ceux qui leur étaient imposés par les engagements de prix constitue un indice permettant de conclure que ces entreprises n'ont pas essayé de vendre leurs produits aux prix les moins élevés possible afin de pouvoir augmenter le volume de leurs ventes et leurs parts de marché. Le comportement des producteurs exportateurs pendant la période d'enquête ne permet donc pas de conclure que ceux-ci auraient automatiquement recours à des nouvelles pratiques de prix préjudiciables du seul fait de l'expiration des mesures.

96.
    Il convient d'analyser les griefs spécifiques soulevés par la requérante à la lumière des considérations qui précèdent.

97.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le grief tiré de l'évolution du volume des importations, il convient de relever, tout d'abord, que la requérante ne conteste pas l'exactitude des constatations chiffrées, basées sur les statistiques de l'Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) et relatives aux volumes des importations en provenance des deux pays concernés, figurant au considérant 16 de la décision attaquée. Ensuite, il y a lieu de rappeler que l'évolution des importations postérieure à la période d'enquête ne pouvait pas être prise en considération par la Commission pour justifier le maintien des mesures en cause (voir ci-dessus points 70 à 81).

98.
    Le reproche selon lequel la Commission aurait omis de cumuler les importations en provenance d'Égypte et de Pologne pour apprécier la probabilité d'uneréapparition du préjudice manque en fait et doit donc être écarté, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question, soulevée par la Commission, de savoir s'il pouvait être invoqué, pour la première fois, dans la réplique. En effet, au considérant 34 de la décision attaquée, la Commission indique que «les importations cumulées en provenance des deux pays concernés restent importantes». Bien que la Commission n'ait pas indiqué les chiffres correspondant à la somme de ces importations dans la décision attaquée, la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que l'institution a omis de tenir compte de l'ensemble des importations provenant des deux pays en cause.

99.
    Concernant plus particulièrement les importations en provenance de Pologne, la requérante conteste notamment l'affirmation figurant dans la lettre de la Commission du 25 mars 1999, selon laquelle le taux d'accroissement des importations en provenance de cet État aurait diminué pendant la période d'enquête et le niveau des importations était stable en 1997 et en 1998. Cette dernière affirmation n'a pas été reprise dans la décision attaquée, dont le considérant 34 indique, en se référant à la période considérée pour l'examen du préjudice, que les importations en provenance de Pologne ont «même augmenté, à partir d'un niveau, certes, peu élevé». Dans ces conditions, il ne saurait être déduit des affirmations figurant dans la lettre du 25 mars 1999, relatives à la période postérieure à la période d'enquête, que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste à l'égard de l'évolution du volume des importations.

100.
    L'argumentation de la requérante n'est pas non plus de nature à établir que la Commission a manifestement méconnu l'évolution des importations provenant de Pologne pendant la période d'enquête. À cet égard, il n'y a pas lieu pour le Tribunal de se prononcer sur la validité des différents calculs effectués par les parties, sur la base des chiffres produits par la requérante, quant à l'évolution de la moyenne trimestrielle des importations provenant de ce pays, ces calculs concernant la période postérieure à celle d'enquête. En revanche, les chiffres que contient la décision attaquée pour la période prise en considération à l'égard du préjudice montrent une très forte augmentation des importations d'origine polonaise entre 1993 et 1995, une légère diminution en 1995 et une augmentation significative pendant la période d'enquête, notamment pendant les deux derniers trimestres de celle-ci. La décision attaquée ne fait pas apparaître que la Commission aurait méconnu cette évolution.

101.
    Cependant, les importations correspondant à cette augmentation ayant eu lieu à des prix non préjudiciables, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste en considérant que celle-ci ne permettait pas de conclure à la probabilité d'une réapparition du préjudice.

102.
    Concernant plus particulièrement les importations en provenance d'Égypte, la requérante n'a pas démontré que la Commission aurait méconnu, dans la décision attaquée, le caractère temporaire de leur diminution. En effet, comme il a été constaté au point 92 ci-dessus, les fluctuations des prix sur le marché mondial duferrosilicium ne permettaient pas à la Commission de prévoir que les exportations en provenance d'Égypte vers la Communauté augmenteraient et que leurs prix seraient préjudiciables pour l'industrie communautaire. La requérante n'avance d'ailleurs aucun élément concret dont la Commission aurait dû déduire qu'un tel développement des prix était probable.

103.
    Enfin, le grief tiré de la divergence entre le chiffre figurant dans la décision attaquée quant aux importations provenant d'Égypte pendant la période d'enquête (11 098 tonnes) et le chiffre de 18 564 tonnes fourni par le producteur exportateur égyptien pour la même période doit être écarté. La Commission a, en effet, expliqué cette différence, dans son mémoire en défense, en ce sens qu'il semble, selon les statistiques, qu'une grande partie de la quantité indiquée par ce producteur exportateur est entrée dans la Communauté après la période d'enquête ou a été revendue hors de la Communauté. Cette explication plausible n'a pas été contestée par la requérante.

104.
    En ce qui concerne, en deuxième lieu, le grief selon lequel la Commission aurait méconnu les conséquences à tirer de l'augmentation de la part du marché communautaire correspondant aux importations d'Égypte et de Pologne, il convient de relever que la requérante ne conteste pas non plus les constatations de fait figurant dans la décision attaquée à cet égard. Il ressort de la décision attaquée que les parts de marché correspondant à ces importations avaient, certes, augmenté, mais étaient peu élevées pendant la période d'enquête (1,8 % pour les premières et 4,8 % pour les secondes) et pendant les années précédentes. Or, dans une situation dans laquelle le niveau des prix dans la Communauté permet aux producteurs communautaires de réaliser des bénéfices non négligeables, l'augmentation des parts de marché correspondant à ces importations ne suffit pas, à elle seule, pour rendre probable une réapparition du préjudice en cas d'expiration des mesures.

105.
    En ce qui concerne, en troisième lieu, le grief concernant la sous-cotation des prix des importations, la requérante invoque trois reproches distincts. Concernant le premier, la requérante n'a pas démontré qu'il est probable que la sous-cotation des importations d'origines égyptienne et polonaise atteindra 30 % en cas d'abrogation des mesures en cause. En effet, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus au point 93, les producteurs exportateurs concernés ont souscrit à des engagements de prix, de sorte qu'ils profitent des prix plus élevés qu'ils appliquent. Dans ces conditions, la seule expiration des mesures n'est pas susceptible d'entraîner, automatiquement, une baisse aussi importante de leurs prix.

106.
    Pour ce qui est du deuxième reproche, il y a lieu de relever que la persistance du niveau de sous-cotation constatée dans la décision attaquée pendant la période d'enquête, à savoir 4,6 % et 4,5 % pour les importations d'origine, respectivement, polonaise et égyptienne, ne permet pas de conclure que la réapparition du préjudice est probable. En effet, la Commission, dans la décision attaquée, constateque les mesures adoptées en 1992 ont éliminé le préjudice malgré la persistance de cette sous-cotation, ce qui n'est pas contesté par la requérante.

107.
    Enfin, quant au troisième reproche, tiré de la baisse des prix des importations en provenance d'Égypte et de Pologne postérieure à la période d'enquête, il suffit de rappeler, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus aux points 70 à 81, que le maintien des droits ne peut pas être fondé sur de tels éléments.

108.
    En ce qui concerne, en quatrième lieu, le grief tiré de la prétendue méconnaissance de la probabilité d'une réorientation des exportations de Pologne et d'Égypte vers la Communauté, il convient de relever, tout d'abord, que les fluctuations des prix sur le marché concerné impliquent, certes, le risque d'une telle réorientation. L'existence de ce risque ne suffit cependant pas pour établir qu'une telle réorientation est probable, et encore moins pour démontrer qu'elle se ferait à des prix préjudiciables.

109.
    Pour les mêmes raisons, il convient d'écarter l'argument selon lequel la Commission aurait sous-estimé les possibilités de réorientation des exportations du producteur exportateur égyptien vers le marché communautaire. Certes, l'utilisation à 94 % de ses capacités de production pendant la période d'enquête ne fait pas obstacle à ce que ce producteur exportateur décide de réorienter une partie de ses ventes vers le marché communautaire, dès lors que les exportations vers ce marché ne constituaient, pendant cette période, qu'une partie mineure de ses exportations totales. De même, le niveau des stocks déclaré par le producteur exportateur égyptien permet de conclure qu'une augmentation de ses exportations vers la Communauté est possible. Toutefois, ces éléments ne suffisent pas pour constater qu'elle est probable.

110.
    Concernant la répartition des ventes du producteur exportateur égyptien, la Commission reconnaît avoir commis, au considérant 37 de la décision attaquée, une erreur en constatant que le pourcentage des ventes de ce producteur destiné au marché communautaire serait tombé de 68 % en 1995 à 45 % pendant la période d'enquête. En réalité, le pourcentage de ses ventes vers la Communauté aurait été de 25 % pendant la procédure d'enquête. Cette erreur n'est cependant pas de nature à affecter le résultat de l'appréciation portée par la Commission sur la probabilité d'une réapparition du préjudice. En effet, s'il était possible pour le producteur exportateur égyptien de réorienter une part importante de ses ventes vers le marché communautaire, il n'est pas possible d'en déduire, compte tenu des fluctuations des prix sur le marché mondial, qu'une telle réorientation était probable.

111.
    Pour ce qui est plus particulièrement des possibilités de réorientation des exportations du producteur exportateur polonais, la requérante n'a pas établi que la Commission ait commis une erreur manifeste à cet égard. S'agissant de l'argument tiré de la méconnaissance, par la Commission, des prévisions de ce producteur exportateur quant à l'utilisation de ses capacités de production, ilconvient de relever, liminairement, que la requérante ne conteste pas la constatation de la Commission selon laquelle le taux d'utilisation de celles-ci était de 93 % pendant la période d'enquête. Certes, en appréciant la probabilité d'une réapparition du préjudice, la Commission devait tenir compte non seulement du taux d'utilisation pendant la période d'enquête, mais également des prévisions du producteur exportateur concernant l'utilisation future de ses capacités, qu'il lui avait transmises dans le cadre de l'enquête. Cependant, le fait que le producteur exportateur polonais avait prévu, pour les années 1997 et 1998, un taux d'utilisation de 84,7 %, et donc une capacité de production disponible plus importante que pendant la période d'enquête, ne suffit pas, à lui seul, pour démontrer que cette capacité disponible serait utilisée pour augmenter les exportations vers la Communauté, et que ces dernières se feraient à des prix préjudiciables.

112.
    Dans ce contexte, la requérante conteste, en outre, en l'isolant de son contexte, l'affirmation figurant au considérant 41 de la décision attaquée, selon laquelle «toute augmentation des exportations vers la Communauté ne pourrait se faire qu'aux dépens des ventes intérieures ou des exportations vers les autres pays tiers, ce qui rend cette stratégie encore plus improbable». Cette affirmation s'insère dans un raisonnement tendant à expliquer qu'il ne serait pas économiquement rationnel pour le producteur exportateur polonais d'essayer, en cas d'expiration des mesures antidumping, de baisser ses prix en vue d'augmenter sa part de marché communautaire, étant donné qu'il avait pu consolider sa position sur ce marché tout en appliquant des prix non préjudiciables.

113.
    Cette appréciation n'est pas contredite par les chiffres fournis par le producteur exportateur polonais et cités par la requérante, selon lesquels les exportations de celui-ci vers la Communauté ont augmenté, pendant la période d'enquête, par rapport à l'année 1996, alors que ses ventes sur le marché national et vers d'autres pays ont diminué. En effet, l'augmentation des ventes dans la Communauté pendant la période d'enquête a eu lieu à des prix non préjudiciables.

114.
    En ce qui concerne, en cinquième lieu, le grief fondé sur l'élimination du préjudice, il suffit de rappeler, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus au point 53, que le seul fait que le préjudice a été éliminé par les mesures antidumping ne suffit pas pour établir la probabilité de sa réapparition en cas d'expiration desdites mesures.

115.
    En ce qui concerne, en sixième lieu, le grief tiré de la prétendue méconnaissance des conséquences que la Commission devait tirer de la continuation du dumping pendant la période d'enquête, il y a lieu de rappeler, d'abord, que la Commission ne s'est pas prononcée, dans la décision attaquée, sur le point de savoir si le dumping avait continué pendant cette période ni sur les marges de dumping éventuelles. À cet égard, il était légitime, pour la Commission, de n'examiner que la question de la probabilité d'une réapparition du préjudice, étant donné que les mesures ne sauraient être maintenues en l'absence de cette probabilité.

116.
    Il y a lieu d'ajouter que, contrairement à ce qu'estime la requérante, la continuation et la marge du dumping alléguées ne sont pas pertinentes, en l'espèce, pour l'appréciation de la probabilité d'une réapparition du préjudice. En effet, le préjudice que l'industrie communautaire pourrait éventuellement subir à la suite de l'expiration des engagements de prix dépend essentiellement du niveau de sous-cotation des importations. L'importance de la marge de dumping qui peut avoir existé pendant l'application des mesures n'est pas susceptible d'exercer une influence directe à cet égard. Certes, dans l'hypothèse de l'expiration d'un droit antidumping dont le montant correspond à la marge de dumping, cette dernière pourrait avoir une incidence sur le niveau de la sous-cotation des importations susceptible de se produire après l'expiration d'un tel droit. En l'espèce, il y a toutefois lieu de rappeler, d'une part, que les producteurs exportateurs égyptien et polonais avaient souscrit à des engagements de prix et, d'autre part, que le niveau du droit antidumping institué par le règlement n° 3642/92 avait été fixé en fonction du seuil de préjudice, et non de la marge de dumping constatée à l'époque.

117.
    Il s'ensuit que la requérante ne saurait déduire de la circonstance que la législation antidumping des États-Unis permet la prise en considération de l'importance de la marge de dumping aux fins de la détermination de la probabilité de la continuation ou de la réapparition du préjudice dans le cadre d'une procédure de réexamen de mesures venant à expiration que la Commission était obligée, en l'espèce, de tenir compte de ce facteur.

118.
    Par conséquent, le grief selon lequel la Commission aurait méconnu les conséquences qu'elle devait tirer de la continuation et du niveau du dumping pendant la période d'enquête n'est pas fondé. Quant à l'argument tiré, dans ce contexte, du prétendu non-respect des engagements de prix, il y a lieu de rappeler que la requérante reconnaît, d'une part, que ces engagements ont été respectés pendant la période d'enquête et, d'autre part, que les mesures en cause ont éliminé le préjudice. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le non-respect des engagements de prix antérieurement à la période d'enquête, à le supposer établi, aurait dû amener la Commission à une appréciation divergente de la probabilité d'une réapparition du préjudice. Dès lors, il n'y a pas lieu de procéder aux mesures d'instruction demandées par la requérante relatives au niveau du dumping et au respect des engagements de prix, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de ces demandes, contenues dans la réplique.

119.
    En ce qui concerne, en septième et dernier lieu, le grief selon lequel la Commission aurait méconnu que la situation de l'industrie communautaire rendait probable une réapparition du préjudice, il convient de relever que la requérante invoque, essentiellement, une baisse de la part du marché communautaire détenue par cette industrie. À cet égard, la Commission a constaté, sans être contredite par la requérante à ce sujet, que, malgré cette baisse de sa part du marché, l'industrie communautaire a pu augmenter le bénéfice qu'elle a réalisé. Selon les déclarations de la requérante, ce bénéfice était même plus élevé pendant la période d'enquête que pendant les années précédentes. Dans ces conditions, la Commission pouvaitestimer, sans commettre d'erreur manifeste, qu'une réapparition du préjudice n'était pas probable, malgré la baisse de la part de marché de l'industrie communautaire.

120.
    Il y a lieu d'ajouter que la thèse de la requérante selon laquelle l'ensemble des éléments à la disposition de la Commission devait nécessairement conduire celle-ci à constater qu'une réapparition du préjudice était probable en cas d'expiration des mesures n'est pas non plus fondée. En effet, l'ensemble des éléments exposés par la requérante fait apparaître que la possibilité d'une réapparition du préjudice ne pouvait pas être exclue. Cette seule possibilité ne suffit cependant pas pour justifier le maintien des mesures.

121.
    Il résulte de ce qui précède que la requérante n'a pas démontré que la Commission ait commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant que la probabilité d'une réapparition du préjudice au sens de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base n'était pas établie. Par conséquent, le recours n'est pas fondé.

Sur les dépens

122.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a donc lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera les dépens.

Meij
Lenaerts
Potocki

        Jaeger                        Pirrung

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 juin 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. W. H. Meij


1: Langue de procédure: le français.