Language of document : ECLI:EU:C:2013:758

Affaire C‑494/12

Dixons Retail plc

contre

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

[demande de décision préjudicielle,
introduite par le First-tier Tribunal (Tax Chamber)]

«Directive 2006/112/CE – Taxe sur la valeur ajoutée – Livraison de biens – Notion – Utilisation frauduleuse d’une carte bancaire»

Sommaire – Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 novembre 2013

1.        Harmonisation des législations fiscales – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Livraison de biens – Notion – Opérations de transfert d’un bien corporel à un acheteur utilisant frauduleusement une carte bancaire en tant que moyen de paiement – Inclusion

[Directives du Conseil 77/388, art. 2, point 1, et 5, § 1, et 2006/112, art. 2, § 1, a), et 14, § 1]

2.        Harmonisation des législations fiscales – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Base d’imposition – Livraisons de biens et prestations de services – Notion – Opérations de vente entre un fournisseur et un acheteur payant par carte bancaire – Paiement effectué par un tiers émetteur de la carte, pour le compte de l’acheteur, au titre d’une convention conclue avec le fournisseur – Paiement constituant une contrepartie – Inclusion

[Directives du Conseil 77/388, art. 11, A, § 1, a), et 2006/112, art. 73]

1.        Les articles 2, point 1, et 5, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, ainsi que 2, paragraphe 1, sous a), et 14, paragraphe 1, de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre d’une convention conclue entre un tiers et le fournisseur d’un bien, par laquelle ce tiers s’est engagé à payer, après déduction d’une commission, à ce fournisseur les biens vendus par celui-ci à des acheteurs utilisant une carte bancaire en tant que moyen de paiement, le transfert physique d’un bien à un acheteur qui utilise frauduleusement une telle carte pour payer ce bien constitue une livraison de biens.

En effet, la notion de livraison de biens ne se réfère pas au transfert de propriété dans les formes prévues par le droit national applicable, mais elle inclut toute opération de transfert d’un bien corporel par une partie qui habilite l’autre partie à en disposer en fait comme si elle était le propriétaire de ce bien.

Ladite notion a un caractère objectif et s’applique indépendamment des buts et des résultats des opérations concernées, sans qu’il existe une obligation pour l’administration fiscale de procéder à des enquêtes en vue de déterminer l’intention de l’assujetti en cause ou encore de tenir compte de l’intention d’un opérateur autre que cet assujetti intervenant dans la même chaîne de livraisons.

Ainsi, l’utilisation frauduleuse d’une carte bancaire en tant que moyen de paiement à l’occasion desdites opérations est sans incidence sur le fait que ces dernières puissent être qualifiées de livraisons de bien, car elle relève non pas des critères objectifs sur lesquels est fondée cette notion, mais de l’intention de la personne ayant pris part, en tant qu’acquéreur, aux opérations en cause ainsi que des procédés mis en œuvre pour concrétiser une telle intention.

Par ailleurs, une telle situation doit être distinguée de celle du vol de marchandises, qui ne relève pas de la notion de livraison de biens, car celui-ci n’a pas pour effet d’habiliter son auteur à disposer des marchandises dans les mêmes conditions que leur propriétaire.

(cf. points 17, 20, 21, 26, 28, 29, 38 et disp.)

2.        Les articles 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, ainsi que 73 de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre du transfert physique d’un bien à un acheteur qui utilise frauduleusement une carte bancaire en tant que moyen de paiement, transfert constituant une livraison de biens, le paiement effectué par un tiers, en application d’une convention conclue entre ce dernier et le fournisseur de ce bien, par laquelle ce tiers s’est engagé à payer à ce fournisseur les biens vendus par celui-ci à des acheteurs utilisant une telle carte en tant que moyen de paiement, constitue une contrepartie.

En effet, lorsqu’un acheteur paie une marchandise au moyen d’une carte de crédit, l’on se trouve en présence de deux transactions, à savoir, d’une part, la vente de cette marchandise par un fournisseur, lequel calcule dans le prix global exigé aussi la taxe sur la valeur ajoutée qui sera payée par ledit acheteur en tant que consommateur final et perçue par ce fournisseur pour le compte du fisc, et, d’autre part, la prestation de services audit fournisseur par l’émetteur de la carte.

À cet égard, la sixième directive et la directive 2006/112 n’exigent pas, pour qu’une livraison de biens ou une prestation de services ait été effectuée à titre onéreux que la contrepartie de cette livraison ou de cette prestation soit obtenue directement de la part du destinataire de celle-ci. En effet, selon les articles 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive et 73 de la directive 2006/112, le paiement de la contrepartie pour une livraison de biens peut être effectué non seulement par l’acheteur, mais aussi par un tiers, en l’occurrence l’émetteur de la carte.

(cf. points 34, 35, 38 et disp.)