Language of document : ECLI:EU:T:2010:549

Affaire T-369/08

European Wire Rope Importers Association (EWRIA) e.a.

contre

Commission européenne

« Dumping — Importations de câbles en fer et en acier originaires de Chine, d’Inde, d’Afrique du Sud, d’Ukraine et de Russie — Refus de procéder à un réexamen intermédiaire partiel du droit antidumping institué »

Sommaire de l'arrêt

1.      Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Notion — Actes produisant des effets juridiques obligatoires — Lettre de la Commission annonçant son refus de procéder à un réexamen intermédiaire partiel d'un droit antidumping

(Art. 230 CE; règlement du Conseil nº 384/96, art. 11, § 3 et 6)

2.      Procédure — Requête introductive d'instance — Exigences de forme

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c))

3.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Procédure de réexamen intermédiaire partiel d'un droit antidumping

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 11, § 3)

4.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Procédure de réexamen intermédiaire partiel d'un droit antidumping

(Règlement du Conseil nº 384/96, art. 11, § 3, et 21, § 1)

5.      Politique commerciale commune — Défense contre les pratiques de dumping — Réponse de la Commission à des demandes d'avis techniques à titre préliminaire ne constituant pas une décision — Violation du principe de la confiance légitime — Absence

(Règlement du Conseil nº 384/96)

1.      Pour déterminer si une lettre de la Commission répondant à une demande de réexamen intermédiaire partiel, en application de l'article 11, paragraphe 3, du règlement nº 384/96, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part des pays non membres de la Communauté européenne, constitue une décision au sens de l'article 230 CE, il convient de vérifier si, compte tenu de la substance de celle-ci, de l’intention de la Commission, et du contexte dans lequel elle est intervenue, cette institution a définitivement fixé, par cet acte, sa position sur ladite demande de réexamen.

Lorsque la lettre de la Commission informant le requérant qu'il n'est pas possible, sur la base des informations qu'il a présentées, de conclure qu'un réexamen intermédiaire partiel doit être ouvert fait suite à une lettre du requérant par laquelle celui-ci informe la Commission de son intention de ne pas compléter la demande de réexamen en raison du fait que ladite demande contiendrait suffisamment d'éléments de preuve, il est manifeste qu'une décision a été prise sur ladite demande.

En effet, contrairement à la situation dans laquelle la Commission décide, après consultation du comité consultatif conformément à l’article 11, paragraphe 6, du règlement nº 384/96, de procéder à un réexamen intermédiaire, le refus d’ouvrir un tel réexamen en l’absence de preuves suffisantes ne constitue pas une mesure préliminaire ou préparatoire, car il ne sera suivi d’aucun autre acte susceptible de donner lieu à un recours en annulation.

Il n'est pas pertinent à cet égard que le requérant puisse encore fournir à la Commission des informations supplémentaires qui pourraient amener cette dernière à revoir sa position. La fourniture desdites informations n'a pas d'incidence sur le fait que la première demande de réexamen est d'ores et déjà rejetée. Par ailleurs, la nature de cette décision ne saurait être remise en cause par la seule circonstance que cette appréciation n’émanerait que des services de la Commission, et non de la Commission elle-même, puisqu'elle produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant et constitue donc un acte attaquable, conformément à l’article 230 CE.

(cf. points 34-38, 40, 42-43)

2.      Il résulte de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même.

À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure.

(cf. points 48-49)

3.      Dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Il en va de même pour les appréciations techniques complexes opérées par les institutions de l’Union.

Ainsi, la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la nécessité du maintien de mesures antidumping, dans le cadre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement nº 384/96, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part des pays non membres de la Communauté européenne, ainsi qu’aux fins de déterminer si une demande de réexamen intermédiaire contient des éléments de preuve suffisants établissant la nécessité d’un tel réexamen.

Dans ce domaine, le contrôle des appréciations des institutions par le juge de l’Union est donc limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir.

S'agissant d'un changement de circonstances pouvant justifier l'exclusion d'un produit déterminé de la définition du produit concerné, dans le cadre de l'appréciation par la Commission d'une demande de réexamen intermédiaire d'un droit antidumping institué, conformément à l'article 11, paragraphe 3, du règlement nº 384/96, ledit règlement ne précise pas comment doit être défini le produit ou la gamme de produits pouvant faire l’objet d’une enquête de dumping ni n’exige de procéder à une taxinomie fine. Ce pouvoir d'appréciation doit être exercé au cas par cas en fonction de tous les faits pertinents. Aux fins de la définition du produit concerné, les institutions peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu’en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité. En tout état de cause, même si la définition d'un produit concerné peut correspondre à une classification telle que celle établie dans une norme commune, la définition du produit concerné par des mesures antidumping ne saurait dépendre d'une telle classification.

Par conséquent, une allégation selon laquelle la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'ouvrir un réexamen intermédiaire doit reposer sur des arguments tendant à démontrer que celle-ci, dans le cadre de son appréciation quant à l’ouverture du réexamen, a effectué une appréciation erronée au regard des facteurs qu’elle a jugés pertinents ou qu’elle aurait dû tenir compte d’autres facteurs plus pertinents qui auraient imposé, dans le cadre du réexamen, l’exclusion de ce produit de la définition du produit concerné.

(cf. points 77-79, 81-83, 87, 93)

4.      Il résulte de l’article 21, paragraphe 1, deuxième et troisième phrases, du règlement nº 384/96, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part des pays non membres de la Communauté européenne, que les institutions ont le droit de ne pas appliquer les mesures antidumping déterminées, même si les autres conditions pour l’imposition d’un droit antidumping sont réunies, à savoir le dumping, le préjudice et le lien de causalité, si elles considèrent que l’application de telles mesures n’est pas dans l’intérêt de la Communauté. Or, dans le cas d’une disparition progressive de la production communautaire de produits soumis à des mesures antidumping, l’appréciation de l’intérêt communautaire relève de la détermination de la nécessité de maintenir les mesures antidumping concernées, dans le contexte d’un réexamen intermédiaire sur la base de l’article 11, paragraphe 3, dudit règlement.

(cf. point 107)

5.      Le principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, a fait naître dans son esprit des espérances fondées. Cependant, ces assurances doivent être conformes aux dispositions et aux normes applicables, des promesses qui ne tiendraient pas compte de ces dispositions n’étant pas de nature à créer une confiance légitime chez l’intéressé.

Dans le cadre de l'appréciation par la Commission d'une demande de réexamen intermédiaire d'un droit antidumping en vertu du règlement nº 384/96, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part des pays non membres de la Communauté européenne, ne saurait constituer des assurances précises, inconditionnelles et concordantes qu’un réexamen intermédiaire serait ouvert la réponse de la Commission à des demandes d’avis techniques à titre préliminaire. Une telle réponse ne constitue pas une décision formelle ou informelle de sa part, dès lors que l’analyse du dossier ne peut être effectuée que sur la base des arguments et des éléments de preuve effectifs qui seraient contenus dans une demande déposée officiellement et ne saurait donc, en tout état de cause, avoir suscité une quelconque confiance légitime qu’un réexamen intermédiaire serait ouvert. En effet, ne constitue pas des assurances précises, inconditionnelles et concordantes qu'un réexamen aurait lieu le fait que la Commission aurait communiqué certains éléments ou se serait montrée intéressée par la redéfinition du champ des mesures antidumping en cause ou aurait qualifié les arguments du demandeur comme prometteurs lors de tels contacts préliminaires.

(cf. points 139, 141-143)