Language of document : ECLI:EU:T:2023:247

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

10 mai 2023 (*)

« Aides d’État – Marchés danois et suédois du transport aérien – Aide accordée par le Danemark et la Suède en faveur d’une compagnie aérienne dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Recapitalisation de SAS – Décision de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Affectation individuelle – Affectation substantielle de la position concurrentielle – Recevabilité – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État – Mesure destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre – Respect des exigences de l’encadrement temporaire »

Dans l’affaire T‑238/21,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée par Mes E. Vahida, F.-C. Laprévote, V. Blanc, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, J. Carpi Badía et A. Bouchagiar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté par Mmes M. Søndahl Wolff, C. Maertens et M. C. Grønbech-Jensen, en qualité d’agents, assistés de Me R. Holdgaard, avocat,

par

Royaume de Suède, représenté par Mmes C. Meyer-Seitz, H. Shev, A. Runeskjöld, M. Salborn Hodgson, R. Shahsavan Eriksson, H. Eklinder et M. O. Simonsson, en qualité d’agents,

et par

SAS AB, établie à Stockholm (Suède), représentée par Mes F. Sjövall et A. Lundmark, avocats,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 17 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ryanair DAC, demande l’annulation de la décision C(2020) 5750 final de la Commission, du 17 août 2020, relative aux aides d’État SA.57543 (2020/N) – Danemark et SA.58342 (2020/N) – Suède, concernant la recapitalisation de SAS AB dans le contexte de la pandémie de COVID-19 (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 11 août 2020, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ont notifié à la Commission européenne, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de la communication de la Commission, du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), telle que modifiée, en dernier lieu, le 29 juin 2020 (JO 2020, C 218, p. 3) (ci-après l’« encadrement temporaire), une mesure d’aide individuelle prenant la forme d’une participation de ces deux États membres au plan de recapitalisation de SAS (ci-après la « mesure en cause »).

3        La mesure en cause comprend deux instruments de recapitalisation, à savoir, d’une part, la souscription de titres hybrides de l’État par le Royaume de Danemark et par le Royaume de Suède (ci-après l’« instrument hybride ») et, d’autre part, la souscription de nouvelles actions ordinaires par ces deux États membres (ci-après l’« instrument de fonds propres »). Le montant maximal total de l’aide est d’environ 11 milliards de couronnes suédoises (SEK) (environ 1,069 milliard d’euros), dont environ 6 milliards de SEK (environ 583 millions d’euros) alloués par le Royaume de Danemark et environ 5 milliards de SEK (environ 486 millions d’euros) alloués par le Royaume de Suède.

4        Par ailleurs, le plan de recapitalisation envisagé par SAS prévoit également la participation d’acteurs privés. À cette fin, SAS a notamment conclu un accord avec les titulaires de certains titres hybrides existants et les porteurs de certaines obligations afin de convertir, d’une part, lesdits titres hybrides en de nouvelles actions ordinaires et, d’autre part, lesdites obligations soit en de nouveaux titres hybrides commerciaux, soit en actions ordinaires.

5        Le 17 août 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure en cause, au motif que cette dernière était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

 Conclusions des parties

6        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission, le Royaume de Danemark, le Royaume de Suède et SAS aux dépens.

7        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

8        Le Royaume de Danemark, le Royaume de Suède, intervenant au soutien des conclusions de la Commission, concluent au rejet du recours.

9        SAS, intervenant au soutien des conclusions de la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

10      La requérante fait valoir, premièrement, qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), et que, dès lors, elle a qualité pour agir en l’espèce afin de sauvegarder ses droits procéduraux. Deuxièmement, elle soutient que sa position concurrentielle sur le marché a été substantiellement affectée par la mesure en cause et qu’elle est, par conséquent, recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

11      La Commission ne conteste pas la recevabilité du recours et reconnaît que la requérante a qualité pour agir afin de sauvegarder ses droits procéduraux.

12      Les intervenants ne présentent, quant à eux, aucune observation en ce qui concerne la recevabilité du recours.

13      Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’examiner d’emblée si la requérante est recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

14      À cet égard, il résulte de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que toute personne physique ou morale peut former un recours en annulation contre, notamment, les actes qui la concernent directement et individuellement.

15      En premier lieu, s’agissant de la condition relative à l’affectation individuelle, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (voir arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C-453/19 P, EU:C:2021:608, point 33).

16      Ainsi, lorsqu’une partie requérante met en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation d’une aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, elle doit démontrer qu’elle a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus. Il en est notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 37 et jurisprudence citée).

17      En l’espèce, la requérante soutient qu’elle est le concurrent le plus immédiat et le plus pertinent de SAS, de sorte qu’elle se trouverait dans une situation de fait qui la distinguerait de celle des autres compagnies aériennes.

18      La requérante explique qu’elle est en concurrence directe avec SAS sur 33 liaisons entre des paires de villes définies comme point d’origine et point de destination, dont 17 liaisons desservant le Danemark et 16 liaisons desservant la Suède. Ces liaisons seraient généralement desservies par très peu d’autres compagnies aériennes (à savoir entre une et quatre autres compagnies pour 29 des 33 liaisons précitées) et seraient particulièrement importantes sur le plan économique, car elles relieraient le Danemark et la Suède, et notamment Copenhague (Danemark), Stockholm (Suède) et Göteborg (Suède), à de grandes villes européennes telles que Londres (Royaume-Uni), Rome (Italie), Bruxelles (Belgique), Dublin (Irlande), Barcelone (Espagne), Prague (République tchèque) ou Marseille (France).

19      Par ailleurs, la requérante estime qu’elle est le seul véritable prétendant à la position de SAS sur les marchés danois et suédois. Elle aurait connu sur ces marchés une croissance beaucoup plus forte que SAS au cours de la période allant de 2010 à 2019 et aurait, de surcroît, eu des plans d’expansion. Ainsi, en 2019, elle aurait lancé 27 nouvelles liaisons au départ de ces deux pays, dont 10 au départ de l’aéroport de Copenhague.

20      Dans ce contexte de concurrence étroite entre elle-même et SAS, la requérante considère que sa situation concurrentielle est substantiellement affectée par la mesure en cause. Faute de bénéficier elle-même d’une aide destinée à amortir l’impact de la crise provoquée par la pandémie de COVID‑19, elle ne serait pas en mesure de rivaliser à armes égales avec SAS.

21      Il ressort des données rappelées aux points 19 et 20 ci-dessus, dont l’exactitude n’est pas contestée par les autres parties et est d’ailleurs corroborée par les éléments de preuve fournis à l’appui du recours, que la requérante et SAS se trouvaient, avant l’adoption de la décision attaquée, en concurrence sur un nombre important de liaisons au départ et à destination du Danemark et de la Suède et que la requérante était l’un des principaux concurrents de SAS sur les marchés danois et suédois et y connaissait une croissance importante.

22      Dans ces conditions, et en l’absence de toute contestation de la part de la Commission et des intervenants, la requérante doit être regardée comme démontrant, prima facie, que l’octroi de la mesure en cause porte substantiellement atteinte à sa position concurrentielle sur le marché, en provoquant pour elle un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence de cette mesure.

23      En second lieu, s’agissant de la condition relative à l’affectation directe, il y a lieu de constater que la requérante est directement concernée par la décision attaquée dès lors que la volonté du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède de verser une aide à SAS ne fait aucun doute et qu’un tel versement est susceptible de la placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et d’affecter ainsi son droit à ne pas subir une concurrence faussée par cette aide (voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 43 et jurisprudence citée, et du 15 septembre 2016, Ferracci/Commission, T‑219/13, EU:T:2016:485, point 44 et jurisprudence citée).

24      Dans ces conditions, la requérante est recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

 Sur le bien-fondé du recours

25      Au soutien de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, respectivement, le premier, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire, le deuxième, de la violation des principes de non-discrimination, de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement, le troisième, de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et, le quatrième, de la violation de l’obligation de motivation.

26      En particulier, par le premier moyen, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ainsi que diverses prévisions de l’encadrement temporaire. Ce moyen comporte huit branches, tirées respectivement, la première, de l’absence de démonstration de l’éligibilité de SAS à l’aide au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et au titre de l’encadrement temporaire, la deuxième, de l’absence d’examen d’éventuelles autres mesures plus appropriées et entraînant moins de distorsions de concurrence, la troisième, de différentes erreurs dans l’examen du montant de la recapitalisation, la quatrième, de la non-application des conditions appropriées concernant la rémunération et la sortie de l’État, la cinquième, de l’absence de mesures destinées à prévenir des distorsions indues de la concurrence, la sixième, de l’absence de protection contre une expansion agressive de SAS, la septième, de l’absence de mise en balance des effets positifs et négatifs de la mesure en cause et, la huitième, de l’absence d’exigence de notification d’un plan de restructuration en temps utile.

27      Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’examiner d’emblée la quatrième branche du premier moyen, tirée de la non-application des conditions appropriées concernant la rémunération et la sortie de l’État.

28      À cet égard, la requérante soutient que la Commission a méconnu les conditions prévues au point 3.11.5 de l’encadrement temporaire en ce qui concerne la rémunération et la sortie de l’État. En effet, la mesure en cause ne prévoirait pas de mécanisme de hausse de la rémunération (step up), tel que cela est exigé par les paragraphes 61 et 68 de l’encadrement temporaire, et ce tant en ce qui concerne les titres hybrides de l’État qu’en ce qui concerne les nouvelles actions ordinaires. Elle ne comporterait pas non plus de mécanisme alternatif ayant un effet incitatif équivalent sur la sortie de l’État du capital et une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État au sens des paragraphes 62 et 68 de l’encadrement temporaire.

29      La Commission, soutenue par les intervenants, conteste l’argumentation de la requérante.

30      La présente branche porte sur l’absence de mécanisme de hausse de la rémunération dans les deux instruments de recapitalisation composant la mesure en cause, à savoir, premièrement, l’instrument hybride et, deuxièmement, l’instrument de fonds propres.

31      Avant d’examiner si la Commission a respecté les prévisions de l’encadrement temporaire en ce qui concerne chacun des deux instruments de recapitalisation, il y a lieu, au préalable, de formuler quelques observations liminaires relatives, d’une part, à l’intensité du contrôle juridictionnel et, d’autre part, au contenu des prévisions de l’encadrement temporaire relatives au mécanisme de hausse de la rémunération.

 Sur l’intensité du contrôle juridictionnel

32      Selon une jurisprudence constante, la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social (voir arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 37 et 38 et jurisprudence citée). Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite ainsi à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 59 et jurisprudence citée).

33      Toutefois, dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 39 et 40).

34      Pour autant, l’adoption de règles de conduite par lesquelles la Commission limite son pouvoir d’appréciation n’affranchit pas la Commission de son obligation d’examiner les circonstances spécifiques exceptionnelles qu’un État membre invoque, dans un cas particulier, afin de solliciter l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Il s’ensuit que la Commission peut autoriser un projet d’aide d’État dérogeant auxdites règles dans des circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 41 et 43).

 Sur le contenu des prévisions de l’encadrement temporaire relatives au mécanisme de hausse de la rémunération

35      Le point 3.11.5 de l’encadrement temporaire, intitulé « Rémunération et sortie de l’État », énonce d’abord des principes généraux (paragraphes 55 à 59 de cet encadrement), lesquels sont ensuite déclinés en ce qui concerne les instruments de fonds propres (paragraphes 60 à 64 du même encadrement) et les instruments hybrides (paragraphes 65 à 70 dudit encadrement).

36      S’agissant des principes généraux, il ressort des paragraphes 56 à 58 de l’encadrement temporaire que l’État membre doit mettre en place un mécanisme visant à inciter progressivement le bénéficiaire concerné et les autres actionnaires à rembourser la recapitalisation par l’État dans le contexte de la pandémie de COVID-19. À cette fin, le paragraphe 57 du même encadrement prévoit que « [l]a rémunération de la mesure de recapitalisation […] devrait être augmentée pour converger vers les prix du marché ». À titre de solution alternative aux méthodes de rémunération exposées dans l’encadrement temporaire, le paragraphe 59 de cet encadrement autorise les États membres à utiliser une méthode de rémunération adaptée, à condition que cette méthode produise globalement un effet similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et qu’elle ait une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

37      S’agissant de la rémunération des instruments de fonds propres, le paragraphe 61 de l’encadrement temporaire énonce que « [t]oute mesure de recapitalisation inclut un mécanisme de hausse de la rémunération (step up), qui augmente la rémunération de l’État afin d’inciter le bénéficiaire à racheter la participation souscrite par l’État ». Cette hausse de la rémunération peut prendre la forme d’actions supplémentaires octroyées à l’État ou d’autres mécanismes, et doit correspondre à une augmentation de minimum 10 % de la rémunération de l’État quatre ans après l’injection du capital, si l’État n’a pas vendu au moins 40 % de sa participation résultant de cette injection. Si, six ans après l’injection du capital, l’État n’a pas vendu la totalité de sa participation résultant de ladite injection, le mécanisme de hausse de la rémunération est à nouveau activé.

38      Le paragraphe 62 de l’encadrement temporaire prévoit que la Commission peut accepter d’autres mécanismes, à condition qu’ils produisent globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et qu’ils aient une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

39      S’agissant de la rémunération des instruments hybrides, le paragraphe 66 de l’encadrement temporaire fixe une rémunération minimale des instruments hybrides jusqu’à leur conversion en instruments de fonds propres. Il ressort du tableau inséré audit paragraphe de l’encadrement temporaire que le taux d’intérêt assurant cette rémunération croît au fil du temps et augmente les deuxième, quatrième, sixième et huitième années suivant la recapitalisation.

40      De plus, le paragraphe 68 de l’encadrement temporaire prévoit que, après la conversion en fonds propres de l’instrument hybride concerné, un mécanisme de hausse de la rémunération doit être prévu pour accroître la rémunération de l’État, afin d’inciter le bénéficiaire concerné à racheter la participation souscrite par l’État. Si les fonds propres résultant de l’intervention de l’État dans le contexte de la pandémie de COVID-19 sont toujours détenus par l’État deux ans après la conversion en fonds propres, ledit État reçoit une part de propriété supplémentaire dans le bénéficiaire concerné, en plus de la participation restante résultant de la conversion par l’État des instruments hybrides définis dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Cette part de propriété supplémentaire est fixée au minimum à 10 % de la participation restante résultant de la conversion par l’État des mêmes instruments hybrides. La Commission peut accepter d’autres mécanismes de hausse de la rémunération, à condition qu’ils aient le même effet incitatif et une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État.

 Sur le respect des prévisions de l’encadrement temporaire relatives au mécanisme de hausse de la rémunération

–       S’agissant de l’instrument hybride

41      La mesure en cause prévoit une émission de titres hybrides de l’État attribués, pour les uns, de manière égalitaire au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède pour un montant total de 5 milliards de SEK (environ 486 millions d’euros) et, pour les autres, uniquement au Royaume de Danemark pour un montant de 1 milliard de SEK (environ 97 millions d’euros). L’ensemble de ces titres hybrides sont rémunérés par un taux d’intérêt, lequel augmente les deuxième, quatrième, sixième et huitième années suivant la recapitalisation et donne lieu à des intérêts composés en cas de non-paiement des coupons (voir paragraphes 49 et 142 de la décision attaquée). Lesdits titres hybrides ne sont pas convertibles en actions (voir paragraphes 50 et 140 de la décision attaquée).

42      Il convient d’observer que, pour reprocher à la Commission de ne pas avoir prévu de mécanisme de hausse de la rémunération en ce qui concerne les titres hybrides de l’État, la requérante se fonde sur les paragraphes 61, 62 et 68 de l’encadrement temporaire.

43      Or, d’une part, les paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire n’exigent un mécanisme de hausse de la rémunération qu’en ce qui concerne les instruments de fonds propres. Dès lors, ils ne sont pas applicables à des instruments hybrides tels que, en l’espèce, les titres hybrides de l’État.

44      D’autre part, le paragraphe 68 de l’encadrement temporaire prévoit un mécanisme de hausse de la rémunération « après la conversion en fonds propres de l’instrument hybride concerné ». Dès lors, ainsi que le relève à bon droit la Commission, ce paragraphe n’est pas applicable à des instruments hybrides non convertibles en fonds propres tels que, en l’espèce, les titres hybrides de l’État, dont il est constant qu’ils ne sont pas convertibles en actions (voir point 42 ci-dessus).

45      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante est inopérante en tant qu’elle est fondée sur les paragraphes 61, 62 et 68 de l’encadrement temporaire.

46      En tout état de cause, à supposer que la requérante puisse être regardée comme invoquant également d’autres prévisions de l’encadrement temporaire poursuivant un objectif similaire, il convient, certes, de relever que le paragraphe 57 de cet encadrement prévoit, de manière générale, une augmentation de la rémunération des instruments de recapitalisation (voir point 37 ci-dessus) et que le point 66 dudit encadrement, qui met en œuvre ce principe général en ce qui concerne les instruments hybrides, prévoit que ces derniers sont rémunérés par un taux d’intérêt croissant jusqu’à leur conversion en instruments de fonds propres (voir point 40 ci-dessus).

47      Toutefois, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que, en l’espèce, la mesure en cause prévoit que les titres hybrides de l’État sont rémunérés par un taux d’intérêt augmentant au fil du temps (voir point 42 ci-dessus). De plus, s’il est vrai qu’il n’existe aucune certitude quant au principe et au moment du paiement des coupons, il y a lieu de relever que cette mesure comporte également un système d’intérêts composés en cas de non-paiement des coupons (voir point 42 ci-dessus). Il s’ensuit que la rémunération des titres hybrides de l’État augmente au fil du temps, ce qui constitue une incitation à la sortie de l’État conformément aux prévisions des paragraphes 57 et 66 de l’encadrement temporaire.

48      Partant, la Commission a pu conclure à juste titre au paragraphe 144 de la décision attaquée que l’instrument hybride satisfaisait aux exigences de l’encadrement temporaire relatives à la rémunération et à la sortie de l’État.

–       S’agissant de l’instrument de fonds propres

49      Le plan de recapitalisation de SAS, dans lequel s’inscrit la mesure en cause, prévoit l’émission de nouvelles actions ordinaires souscrites, notamment, par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède. Certaines de ces actions sont proposées à l’ensemble des actionnaires éligibles, c’est-à-dire à tous les actionnaires existants, publics ou privés, dans le cadre d’une émission de droits de souscription pour un montant maximal total d’environ 4 milliards de SEK (environ 389 millions d’euros), dont un maximum d’environ 3 milliards de SEK (environ 291 millions d’euros) pour les deux États membres concernés. Les autres actions sont allouées uniquement au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède dans le cadre d’une émission dirigée d’actions ordinaires à hauteur, au total, de 2 milliards de SEK (environ 194 millions d’euros). Dans les deux cas, le prix de souscription est de 1,16 SEK par action.

50      Les nouvelles actions ordinaires constituant des fonds propres, la rémunération de cet instrument de recapitalisation est régie par les paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire invoqués, à bon droit, par la requérante et rappelés aux points 38 et 39 ci-dessus.

51      À cet égard, il importe de souligner que les paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire ne prévoient pas de dérogation à l’obligation d’imposer soit un mécanisme de hausse de la rémunération, soit un mécanisme alternatif répondant au même objectif.

52      En l’espèce, il est constant que l’instrument de fonds propres n’est assorti d’aucun mécanisme de hausse de la rémunération au sens du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire.

53      Dans la décision attaquée, la Commission a néanmoins considéré, au paragraphe 133, que la « structure globale » de la mesure en cause constituait un mécanisme alternatif à celui envisagé au paragraphe 61 de l’encadrement temporaire. À cet égard, la Commission a souligné, au paragraphe 131 de cette décision, le caractère interconnecté des deux composantes de la mesure en cause, ce qui justifiait, selon elle, la prise en compte de leurs effets incitatifs combinés sur la sortie de l’État du capital. À cette fin, la Commission a fait référence, aux paragraphes 130 et 132 de ladite décision, à plusieurs éléments, à savoir, premièrement, la forte décote dont le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède bénéficieraient lors de l’acquisition des actions de SAS, deuxièmement, le fait que les titres hybrides de l’État seraient rémunérés par un taux d’intérêt croissant et, troisièmement, les engagements comportementaux, notamment l’interdiction de distribuer des dividendes, lesquels resteraient en vigueur jusqu’à ce que l’aide soit intégralement remboursée. Sur la base de ces éléments, la Commission a conclu, au paragraphe 133 de la décision attaquée, que la « structure globale » de la mesure en cause incluait des effets incitatifs suffisamment forts sur la sortie de l’État du capital de SAS.

54      Il convient donc d’examiner si la Commission pouvait conclure, sur la base des éléments susmentionnés, que l’instrument de fonds propres incluait un mécanisme alternatif à celui de la hausse de la rémunération, au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire. À cette fin, il y a lieu de vérifier si lesdits éléments produisent globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital et s’ils ont une incidence globalement similaire sur la rémunération de l’État, comme l’exige le paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

55      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de Ryanair, qu’aucun des éléments avancés par la Commission ne démontre que l’instrument de fonds propres était assorti d’un mécanisme alternatif à celui de la hausse de la rémunération.

56      En effet, premièrement, la Commission relève, aux paragraphes 128 et 130 de la décision attaquée, que, en acquérant de nouvelles actions ordinaires à un prix de 1,16 SEK par action, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède bénéficient d’une décote de 86,7 % par rapport au prix moyen des actions de SAS au cours des quinze jours précédant la demande d’injection de fonds propres, à savoir 8,71 SEK par action. Cette décote serait très importante et permettrait à ces deux États membres d’acquérir 72,7 % du capital injecté dans SAS, soit plus que les 68,13 % de ce capital qu’ils auraient obtenus en achetant leurs actions audit prix moyen et en bénéficiant ensuite d’un mécanisme de hausse de la rémunération conforme à l’encadrement temporaire. Dès lors, selon la Commission, ladite décote constituerait pour lesdits États une rémunération suffisante « lors de l’entrée » au capital de SAS.

57      Toutefois, force est de constater que le prix des actions souscrites par l’État lors de l’entrée de celui-ci au capital du bénéficiaire concerné n’a pas un rapport suffisamment étroit avec l’objet et l’objectif du mécanisme de hausse de la rémunération ou d’un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

58      En effet, d’une part, ledit prix est réglementé par le paragraphe 60 de l’encadrement temporaire, selon lequel une injection de fonds propres par l’État, ou une intervention équivalente, est effectuée à un prix qui n’excède pas le prix moyen des actions du bénéficiaire concerné au cours des quinze jours précédant la demande d’injection de fonds propres. Le prix d’achat susmentionné démontre donc que celui-ci est conforme au paragraphe 60 de l’encadrement temporaire. En revanche, le fait que l’instrument de fonds propres soit conforme audit paragraphe 60 ne signifie pas qu’il peut déroger à l’obligation de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération au sens du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire ou un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 du même encadrement. Il s’agit, en réalité, de deux exigences distinctes prévues dans ledit encadrement, ayant des objets différents. En effet, la nécessité de prévoir un tel mécanisme n’est aucunement subordonnée au prix initial d’achat des actions.

59      D’autre part, l’objectif poursuivi par le mécanisme de hausse de la rémunération est différent de celui sous-tendant la règle en matière du prix initial d’achat des actions. En effet, l’objectif de ce mécanisme est de rendre plus onéreuse la participation de l’État au fil du temps, en augmentant sa part dans le capital de l’entreprise, et ce sans injection supplémentaire de capital de la part de l’État. Ce mécanisme vise donc à inciter ex post le bénéficiaire concerné à racheter ladite participation le plus vite possible, ce mécanisme n’étant en effet activé, le cas échéant, qu’après respectivement la quatrième, puis la sixième année après l’injection du capital. En revanche, le prix d’achat des actions a pour objectif, en substance, de garantir que le prix auquel l’État acquiert des actions n’excède pas leur prix de marché. Ce prix a donc un impact sur la situation du bénéficiaire concerné ex ante, c’est-à-dire lors de l’entrée de l’État dans le capital du bénéficiaire, et il n’a pas nécessairement pour vocation d’augmenter, au fil du temps, l’incitation du bénéficiaire concerné à racheter ladite participation, dès lors que le prix des actions peut fluctuer tant à la hausse qu’à la baisse.

60      Partant, le niveau du prix des actions lors de l’entrée de l’État dans le capital du bénéficiaire concerné ne produit pas globalement un résultat similaire en ce qui concerne les effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital, comme le prévoit le paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

61      Deuxièmement, la Commission avance également le fait que le taux d’intérêt rémunérant les titres hybrides de l’État augmente dans le temps, ce qui augmenterait significativement le coût du maintien de l’aide d’État au sein de SAS (voir paragraphe 132 de la décision attaquée). Toutefois, il s’agit, ici encore, d’une exigence distincte prévue par l’encadrement temporaire en ce qui concerne les instruments hybrides jusqu’à leur conversion en instrument de type « fonds propres », à savoir celle figurant au paragraphe 66 de cet encadrement, qui prévoit, en effet, des taux d’intérêt qui augmentent au fil du temps (voir point 40 ci-dessus). Cette exigence a donc un champ d’application entièrement distinct de celui de l’exigence, résultant des paragraphes 61 et 62 dudit encadrement, de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme alternatif en ce qui concerne les instruments de fonds propres.

62      Troisièmement, le fait que SAS fera l’objet des engagements comportementaux prévus au point 3.11.6 de l’encadrement temporaire, tels que notamment l’interdiction de distribuer des dividendes (voir paragraphes 57 et 132 de la décision attaquée), ne remplace pas non plus l’obligation de prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire, car il s’agit, ici encore, d’exigences distinctes qui s’ajoutent, mais ne se substituent pas à celle prévue aux paragraphes 61 et 62 de cet encadrement.

63      Quatrièmement, la Commission fait valoir dans la duplique que la simple présence accrue des deux États au capital de SAS est « indésirable ». Or, il y a lieu d’observer, d’une part, que la Commission n’avait pas fait état d’un tel motif dans la décision attaquée et, d’autre part, que ce motif est en tout état de cause dépourvu de pertinence en raison de son caractère subjectif et dénué de valeur juridique.

64      Dans ces conditions, la requérante a raison de soutenir que l’ensemble des justifications avancées par la Commission se rapportent, en réalité, à d’autres exigences distinctes prévues par l’encadrement temporaire qui ne remplacent pas, mais s’ajoutent à celle consistant à prévoir un mécanisme de hausse de la rémunération ou un mécanisme alternatif pour toute mesure de recapitalisation au moyen d’instruments de fonds propres.

65      Il s’ensuit que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que la « structure globale » de la mesure en cause, et notamment les effets combinés de ses deux composantes interconnectées, produisait, en ce qui concerne l’instrument de fonds propres, des effets incitatifs sur la sortie de l’État du capital du bénéficiaire comparables aux effets incitatifs générés par un mécanisme de hausse de la rémunération au sens du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire ou un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 du même encadrement.

66      Il y a donc lieu de conclure que l’instrument de fonds propres n’est assorti d’aucun mécanisme de hausse de la rémunération ou mécanisme alternatif, contrairement aux exigences de l’encadrement temporaire.

67      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des intervenants.

68      En premier lieu, le Royaume de Danemark fait valoir que l’obligation de notifier, conformément au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire, un plan de restructuration dans le cas où, six ans après la recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l’intervention des deux États n’a pas été ramenée à moins de 15 % des fonds propres de SAS (voir paragraphe 186 de la décision attaquée) est une incitation forte pour ces États à se retirer afin d’éviter une restructuration.

69      À cet égard, il y a lieu d’observer que, ni dans la décision attaquée ni même devant le Tribunal, la Commission ne s’est fondée sur un tel motif pour considérer que la mesure en cause comportait une incitation suffisante à la sortie des deux États du capital de SAS.

70      Au demeurant, il est, certes, vrai que l’obligation de notifier un plan de restructuration six ans après la recapitalisation lorsque les conditions du paragraphe 85 de l’encadrement temporaire sont remplies s’inscrit dans le point 3.11.7 de l’encadrement temporaire, laquelle impose au bénéficiaire concerné d’apporter la preuve de l’existence d’une stratégie de sortie crédible en ce qui concerne la participation de l’État.

71      Toutefois, il y a lieu d’observer, d’une part, que l’obligation de notifier un plan de restructuration prévue au paragraphe 85 de l’encadrement temporaire est, en elle-même, sans incidence sur le montant et sur les modalités de la rémunération de l’État et ne saurait donc produire sur cette rémunération un effet similaire au mécanisme de hausse de la rémunération prévu au paragraphe 61 du même encadrement. D’autre part, il convient de relever que cette obligation de notifier un plan de restructuration n’est applicable que lorsque l’intervention de l’État n’a pas été ramenée à moins de 15 % de la totalité des fonds propres du bénéficiaire concerné et lorsque six années se sont écoulées depuis la recapitalisation. Il s’ensuit que ladite obligation ne saurait avoir, dans tous les cas, les mêmes effets incitatifs sur la sortie de l’État que le mécanisme de hausse de la rémunération prévu au paragraphe 61 dudit encadrement, lequel est enclenché quatre ans après l’injection de fonds propres et à la seule condition que l’État n’ait pas vendu au moins 40 % de sa participation résultant de cette injection.

72      En second lieu, le Royaume de Suède et SAS font valoir que la loi suédoise sur les sociétés faisait obstacle à la mise en place d’un mécanisme par lequel SAS aurait racheté des actions à certains actionnaires seulement, mais pas à d’autres. SAS ajoute que cette loi ne permet pas non plus d’attribuer des actions supplémentaires gratuites à un actionnaire en cas de survenance d’un événement futur. Le Royaume de Suède et SAS estiment également que l’attribution d’actions supplémentaires aux deux États ne ferait que compliquer et retarder la sortie de ceux-ci.

73      À cet égard, premièrement, il est constant que, en vertu de la loi suédoise sur les sociétés, une société ne peut pas racheter uniquement les actions ordinaires d’un actionnaire spécifique et peut seulement racheter des actions ordinaires de tous les actionnaires aux mêmes conditions (voir paragraphe 62 de la décision attaquée).

74      Toutefois, il y a lieu d’observer que, dans la décision attaquée, la Commission ne s’est pas fondée sur un tel motif pour considérer que la mesure en cause comportait une incitation suffisante à la sortie des deux États du capital de SAS. En effet, si cette institution a mentionné la loi suédoise sur les sociétés aux paragraphes 61 à 63 et 134 de la décision attaquée, c’était uniquement aux fins d’apprécier la conformité de l’instrument de fonds propres aux prévisions des paragraphes 63 et 64 de l’encadrement temporaire, lesquelles ne sont pas relatives à l’exigence d’un mécanisme de hausse de la rémunération, mais au fait que l’État peut sortir du capital du bénéficiaire concerné soit par le rachat de sa participation par ce bénéficiaire lui-même, soit par la cession de cette participation à des acheteurs autres que ledit bénéficiaire.

75      En outre, la Commission a reconnu, lors de l’audience, que la loi suédoise sur les sociétés ne faisait pas nécessairement obstacle à la mise en place d’un mécanisme alternatif au sens du paragraphe 62 de l’encadrement temporaire.

76      En effet, Ryanair a fait valoir, dans ses observations à l’intervention de SAS, que le rachat d’actions par le bénéficiaire n’était pas la seule option susceptible de garantir une incitation à la sortie des deux États. Elle a expliqué, sans être ensuite contredite, que la Commission aurait pu envisager d’autres solutions, comme celle consistant à prévoir la suspension des paiements de coupons sur les nouveaux titres hybrides commerciaux, actuellement dispensés de l’interdiction de paiement de coupons non obligatoires, dans l’hypothèse où les deux États n’auraient pas cédé un montant suffisant de leur participation au capital dans un délai de quatre à six ans.

77      Deuxièmement, SAS n’étaye pas son affirmation selon laquelle la loi suédoise sur les sociétés ferait obstacle à l’attribution d’actions supplémentaires gratuites à un actionnaire. D’ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission n’a aucunement fait état d’une telle règle du droit suédois.

78      Troisièmement, s’agissant de l’argument du Royaume de Suède et de SAS tiré du fait que l’attribution d’actions supplémentaires aux deux États ne ferait que compliquer et retarder la sortie de ceux-ci, il y a lieu de rappeler que le paragraphe 61 de l’encadrement temporaire prévoit expressément que le mécanisme de hausse de la rémunération peut prendre la forme d’actions supplémentaires octroyées à l’État. Par suite, sauf à remettre en cause la légalité ou la pertinence du paragraphe 61 de l’encadrement temporaire, un mécanisme de hausse de la rémunération prenant la forme de l’octroi d’actions supplémentaires ne peut être écarté comme étant, par principe, inapte à avoir un effet incitatif sur la sortie de l’État concerné.

79      Dans ces conditions, les arguments des intervenants ne permettent pas de justifier l’absence de mécanisme de hausse de la rémunération ou de mécanisme alternatif en ce qui concerne l’instrument de fonds propres.

80      Enfin, la Commission ne fait état d’aucune circonstance spécifique exceptionnelle susceptible de justifier, dans le cas particulier de la mesure en cause et conformément à la jurisprudence mentionnée au point 35 ci-dessus, l’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ainsi qu’une dérogation aux prévisions de l’encadrement temporaire exigeant l’inclusion d’un mécanisme de hausse de la rémunération ou d’un mécanisme alternatif en ce qui concerne les instruments de fonds propres.

81      Partant, la Commission a méconnu les paragraphes 61 et 62 de l’encadrement temporaire en ce qu’elle a omis d’exiger l’inclusion d’un mécanisme de hausse de la rémunération ou d’un mécanisme alternatif en ce qui concerne l’instrument de fonds propres.

82      Partant, la présente branche est fondée en ce qui concerne l’instrument de fonds propres.

 Sur les conséquences à tirer de la violation des prévisions de l’encadrement temporaire relatives au mécanisme de hausse de la rémunération

83      La quatrième branche du premier moyen étant fondée en ce qui concerne l’instrument de fonds propres, mais non en ce qui concerne l’instrument hybride, il y a lieu de déterminer si l’illégalité constatée liée à l’instrument de fonds propres est susceptible d’entraîner l’annulation totale de la décision attaquée ou uniquement l’annulation partielle de celle-ci.

84      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée sont séparables du reste de l’acte. Il n’est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (voir arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 57 et jurisprudence citée).

85      En l’espèce, il y a lieu de constater que, si la mesure en cause est composée de deux instruments, il s’agit néanmoins d’une seule et unique mesure ayant pour objet la participation de deux États membres à la recapitalisation de SAS. En conséquence, la Commission a conclu, de façon globale, que cette mesure constituait une aide d’État (voir paragraphe 74 de la décision attaquée) et que ladite mesure était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (voir conclusion de la décision attaquée). Elle n’a procédé à une analyse distincte des deux instruments composant la mesure en cause qu’en ce qui concerne le respect des prévisions de l’encadrement temporaire relatives à la rémunération et à la sortie de l’État, dans la mesure où l’encadrement temporaire énonçait à cet égard des règles distinctes applicables, respectivement, aux instruments de fonds propres et aux instruments hybrides. Par ailleurs, la Commission a elle-même souligné, au paragraphe 131 de la décision attaquée, que les deux instruments en cause étaient étroitement liés.

86      Il s’ensuit que l’instrument de fonds propres n’est pas séparable du reste de la décision attaquée et que, dès lors, l’annulation partielle de cette décision aurait pour effet de modifier la substance de celle-ci.

87      Par conséquent, l’illégalité constatée liée à l’instrument de fonds propres remet en cause la compatibilité de la mesure en cause dans son ensemble avec le marché intérieur et est, à elle seule, de nature à fonder l’annulation totale de la décision attaquée.

88      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et griefs invoqués par la requérante.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du même règlement, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

90      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

91      Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens.

92      En l’espèce, la Commission et les intervenants ont succombé et la requérante a conclu à leur condamnation aux dépens. Dans ces conditions, il y a lieu, d’une part, de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, à l’exception de ceux afférents aux interventions et, d’autre part, de condamner les intervenants à supporter, outre leurs propres dépens, ceux que la requérante a exposés en raison de leurs interventions respectives.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2020) 5750 final de la Commission, du 17 août 2020, relative aux aides d’État SA.57543 (2020/N) – Danemark et SA.58342 (2020/N) – Suède, concernant la recapitalisation de SAS AB dans le contexte de la pandémie de COVID-19, est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Ryanair DAC, à l’exception de ceux afférents aux interventions.

3)      Le Royaume de Danemark, le Royaume de Suède et SAS sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par Ryanair en raison de leurs interventions respectives.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.