Language of document : ECLI:EU:T:2022:592

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

28 septembre 2022 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Document relatif à la décision refusant à un tiers l’accès intégral aux tableaux des trilogues se rapportant à la proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif à Europol et abrogeant les décisions 2009/371/JAI et 2005/681/JAI – Refus d’accès  – Article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques »

Dans l’affaire T‑421/17 RENV,

Päivi Leino-Sandberg, demeurant à Helsinki (Finlande), représentée par Mes O. Brouwer, B. Verheijen et S. Schubert, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République de Finlande, représentée par Mme M. Pere, en qualité d’agent,

et par

Royaume de Suède, représenté par Mmes C. Meyer-Seitz, H. Shev, H. Eklinder, A. Runeskjöld, M. Salborn Hodgson et R. Shahsavan Eriksson, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Görlitz et J.-C. Puffer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, T. Perišin (rapporteure) et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu l’arrêt de la Cour du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement (C‑761/18 P, EU:C:2021:52),

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Päivi Leino-Sandberg, demande l’annulation de la décision A(2016) 15112 du Parlement européen, du 3 avril 2017, refusant de lui accorder l’accès à la décision A(2015) 4931 du Parlement, du 8 juillet 2015, adressée à M. Emilio De Capitani (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante, professeur de droit international et de droit européen à l’University of Eastern Finland (université de Finlande orientale), a présenté au Parlement européen, dans le cadre de deux projets de recherche qu’elle mène, relatifs à la transparence dans les trilogues, une demande d’accès à des documents de cette institution. Dans ce contexte, elle a spécifiquement demandé à avoir accès à la décision A(2015) 4931 du Parlement, du 8 juillet 2015, refusant d’accorder à M. Emilio De Capitani l’accès intégral aux documents LIBE-2013-0091-02 et LIBE-2013-0091-03 (ci-après la « décision A(2015) 4931 » ou le « document demandé »). Par cette décision, le Parlement a refusé à ce dernier l’accès à la quatrième colonne de deux tableaux établis dans le cadre de trilogues qui étaient alors en cours.

3        La décision A(2015) 4931 a fait l’objet d’un recours en annulation introduit par M. De Capitani, enregistré au greffe du Tribunal le 18 septembre 2015 et ayant donné lieu, depuis lors, à l’arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement (T‑540/15, EU:T:2018:167). Entre-temps, M. De Capitani a rendu publique cette décision en la mettant en ligne à l’adresse Internet suivante : www.free-group.eu/2015/07/12/eus-laws-are-like-sausages-you-should-never-watch-them-being-made/.

4        Le 7 décembre 2016, la requérante a demandé l’accès à la décision A(2015) 4931.

5        Par lettre du 23 janvier 2017, le Parlement a répondu à la demande de la requérante en refusant d’octroyer l’accès au document demandé. Dans cette décision, le Parlement a affirmé que sa divulgation n’avait pas lieu d’être, en application de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), aux termes duquel les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

6        Le 17 février 2017, la requérante a présenté une demande confirmative.

7        Par la décision A(2016) 15112, du 3 avril 2017, après avoir prolongé le délai de réponse de quinze jours ouvrables, le Parlement a refusé à la requérante l’accès au document demandé, au motif que, celui-ci étant contesté par son destinataire devant le Tribunal et la procédure juridictionnelle étant toujours en cours, sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles consacrée par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Le Parlement a considéré que les intérêts publics invoqués par la requérante ne justifiaient pas la divulgation du document demandé.

8        Par arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement (T‑540/15, EU:T:2018:167), le Tribunal a annulé la décision A(2015) 4931.

I.      Conclusions des parties

9        La requérante, soutenue par la République de Finlande et le Royaume de Suède, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

10      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

II.    En droit

 Sur la recevabilité

11      Le Parlement fait valoir que le recours est irrecevable. Selon lui, la décision attaquée a été notifiée à la requérante le 18 avril 2017 et le délai pour former un recours aurait donc expiré le 28 juin 2017. La requête ayant été déposée le 6 juillet 2017, elle serait hors délai et devrait donc être rejetée comme irrecevable.

12      La requérante, soutenue par le Royaume de Suède et la République de Finlande, conteste cette argumentation et soutient que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement doit être rejetée.

13      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, selon le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification à la partie requérante ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance. Conformément aux dispositions de l’article 60 du règlement de procédure, ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

14      En l’occurrence, en l’absence de publication de la décision attaquée, le délai de recours court à compter de la notification de la décision attaquée, ce qui n’est pas contesté par la requérante.

15      En outre, il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d’une requête de démontrer à partir de quel jour le délai pour former cette requête a commencé à courir (voir arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 70 et jurisprudence citée).

16      En l’espèce, il est constant que le Parlement a envoyé la décision attaquée à la requérante par lettre recommandée. Dans un tel cas de figure, la date de la signification qui déclenche les délais est celle à laquelle le destinataire a accusé réception de l’envoi postal recommandé qui lui a été adressé (arrêt du 24 novembre 2010, Marcuccio/Commission, T‑9/09 P, EU:T:2010:477, point 75).

17      Or, le Parlement reconnaît qu’il n’est pas en mesure de présenter l’accusé de réception signé par la requérante. Certes, le Parlement produit un courriel envoyé par un employé des services postaux qui contient un tableau indiquant que la décision attaquée aurait été distribuée le 18 avril 2017. Toutefois, force est de constater que la simple indication de cette date dans le tableau en question ne saurait suffire pour démontrer que ladite décision a été notifiée à la requérante à cette date.

18      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la requérante a produit, d’une part, un courriel du 26 avril 2017 qu’elle a envoyé à ses avocats dans lequel elle a affirmé avoir « enfin reçu une réponse du Parlement européen à [s]a demande d’accès à leur décision dans l’affaire De Capitani ». D’autre part, elle fait référence à une copie de l’enveloppe dans laquelle elle avait reçu la décision attaquée et sur laquelle figure un tampon des services postaux daté du 26 avril 2017. La requérante affirme à bon droit que ces éléments sont susceptibles d’indiquer que la décision attaquée lui a été notifiée le 26 avril 2017, sans que le Parlement ait pu remettre en cause cette affirmation.

19      Il s’ensuit que le Parlement n’a pas démontré que le délai pour former un recours aurait commencé à courir le 18 avril 2017 et que le recours aurait, dès lors, été introduit hors délai.

20      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement.

 Sur le fond

21      À l’appui du recours, la requérante soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’erreur de droit, de l’erreur manifeste d’appréciation et du défaut de motivation concernant l’applicabilité et l’application correcte de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001. Le deuxième moyen est tiré de l’erreur de droit, de l’erreur manifeste d’appréciation et du défaut de motivation dans l’application du critère de l’intérêt public supérieur établi par l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001. Le troisième moyen est tiré de l’erreur de droit, de l’erreur manifeste d’appréciation et du défaut de motivation dans l’application de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, relatif à la divulgation partielle.

 Observations liminaires

22      À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit d’accès aux documents est un droit fondamental. En vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE et de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, des organes et des organismes de l’Union, sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés conformément à l’article 15, paragraphe 3, TFUE. Notamment, en vertu du deuxième alinéa de cette dernière disposition, lesdits principes et conditions sont fixés par voie de règlements par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire.

23      Conformément à son considérant 1, le règlement no 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe », dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le considérant 2 de ce règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 72).

24      À cette fin, le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 73).

25      Certes, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement no 1049/2001 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article (arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 29).

26      Néanmoins, dès lors que de telles exceptions dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 75).

27      Ainsi, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception au droit d’accès prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière (arrêts du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 51, et du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 69).

28      En effet, d’une part, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 qu’elle invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 76 et jurisprudence citée).

29      D’autre part, lorsqu’une institution applique l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, il lui incombe de mettre en balance l’intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le considérant 2 du règlement no 1049/2001, d’une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel et une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 53).

30      Ainsi, l’ensemble de l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit, en principe, non seulement revêtir un caractère concret et individuel et porter sur le contenu de chaque document, mais également ressortir des motifs de la décision refusant l’accès aux documents demandés (voir arrêts du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, point 91 et jurisprudence citée, et du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement, T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602, points 103 et 104 et jurisprudence citée). Une telle motivation doit concerner toutes les exceptions mentionnées à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001, sur lesquelles la décision de refus d’accès est fondée (voir arrêt du 19 novembre 2014, Ntouvas/ECDC, T‑223/12, non publié, EU:T:2014:975, point 32 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur de droit, de l’erreur manifeste d’appréciation et du défaut de motivation concernant l’applicabilité et l’application correcte de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001

31      Le premier moyen, qui est tiré de la violation de l’article 4 paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, se divise en deux branches. Par la première branche, la requérante, soutenue par la République de Finlande et le Royaume de Suède, soutient que la décision attaquée fait une interprétation erronée et une mauvaise application de cette disposition et est entachée d’un défaut de motivation manifeste, en ce que celle-ci conclut que l’exception qui y est visée est applicable au document demandé. Par la seconde branche, la requérante, soutenue par la République de Finlande et le Royaume de Suède, fait valoir que, à supposer même que ladite disposition soit applicable au document demandé, la décision attaquée fait une interprétation et une application manifestement erronées de l’exception qui y est visée et est entachée d’un défaut de motivation manifeste, en ce que celle-ci conclut que la divulgation du document demandé porterait précisément et réellement atteinte à la protection des procédures juridictionnelles.

32      Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Parlement a considéré à tort que le document demandé relève du champ d’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.

33      La requérante soutient que, contrairement à ce que le Parlement fait valoir dans la décision attaquée, le document demandé ne saurait être considéré comme relevant de la catégorie de documents sur laquelle portent les arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission (T‑796/14, EU:T:2016:483), et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission (T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487). En effet, le document demandé ne révélerait pas les choix que le Parlement serait amené à faire en matière de stratégie procédurale lorsque les actes sont rédigés plus tard. En outre, M. De Capitani serait libre de partager cette décision avec toute personne de son choix ou de publier ce document.

34      Selon la requérante, l’arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541), ne saurait être lu de sorte à inclure, de façon générale, tous les documents portant, d’une manière ou d’une autre, sur une procédure juridictionnelle. Seules les parties justifiant d’un intérêt légitime pour la procédure pourraient se voir octroyer l’accès aux documents. Ces restrictions ne s’appliqueraient toutefois pas au document demandé.

35      La requérante soutient, encore, que la pratique de la Commission européenne et du Conseil montre qu’il est courant de publier des décisions administratives, y compris des réponses aux demandes confirmatives présentées dans le cadre de demandes d’accès à des documents, nonobstant le risque qu’elles puissent par la suite faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Cela démontrerait que de tels documents ne relèvent pas de l’exception en cause.

36      Le Parlement conteste ces arguments et conclut au rejet de la première branche du premier moyen.

37      Selon l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques.

38      La protection des procédures juridictionnelles implique notamment que soient assurés tant le respect du principe d’égalité des armes que la bonne administration de la justice et l’intégrité de la procédure juridictionnelle (arrêt du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 38).

39      Ainsi, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, l’intérêt public s’oppose à la divulgation du contenu des documents rédigés aux seules fins d’une procédure juridictionnelle particulière. Ces documents comprennent les mémoires ou actes déposés au cours d’une procédure juridictionnelle, les documents internes concernant l’instruction d’une affaire en cours, les communications relatives à l’affaire entre la direction générale concernée et le service juridique ou un cabinet d’avocats (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, points 51 et 52 et jurisprudence citée).

40      À cet égard, le Tribunal a jugé que le besoin d’assurer l’égalité des armes devant le juge justifie la protection non seulement des documents rédigés pour les seuls besoins d’un litige particulier, tels que les mémoires, mais aussi des documents dont la divulgation est susceptible de compromettre, dans le cadre d’un litige particulier, l’égalité en question, laquelle constitue un corollaire de la notion même de procès équitable. Toutefois, pour que cette exception puisse s’appliquer, il faut que les documents demandés, au moment de la prise de la décision refusant l’accès auxdits documents, aient un lien pertinent avec un litige pendant devant le juge de l’Union, pour lequel l’institution concernée invoque l’exception, et que leur divulgation, bien que lesdits documents n’aient pas été élaborés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle pendante, porte atteinte au principe d’égalité des armes et potentiellement à la capacité de défense de l’institution concernée dans ladite procédure. En d’autres termes, il faut que les documents divulguent la position de l’institution concernée sur des questions litigieuses soulevées dans la procédure juridictionnelle invoquée (arrêt du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 88).

41      Le Tribunal a précisé que, bien que lesdits documents n’aient pas été élaborés dans le cadre d’une procédure juridictionnelle particulière, l’intégrité de la procédure juridictionnelle concernée et l’égalité des armes entre les parties pourraient être sérieusement mises à mal si des parties bénéficiaient d’un accès privilégié à des informations internes de l’autre partie ayant un rapport étroit avec les aspects juridiques d’un litige pendant ou potentiel, mais imminent (arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 90, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 65).

42      C’est à l’aune de ces considérations jurisprudentielles du Tribunal qu’il convient de traiter la première branche du premier moyen.

43      En l’espèce, le Parlement a considéré dans la décision attaquée ce qui suit :

« Comme indiqué dans la réponse à votre demande initiale, le Parlement européen a évalué le document demandé et a estimé que sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles.

Le concept juridique de la protection des procédures juridictionnelles a été largement interprété par le Tribunal. Dans les “affaires Philip Morris”, le Tribunal a estimé que l’exception au droit d’accès aux documents protégeant les procédures judiciaires peut s’appliquer à d’autres documents que les mémoires soumis à la Cour par les institutions de l’Union européenne. En effet, le Tribunal a déterminé que la nécessité d’assurer le principe d’un procès équitable et l’égalité des armes justifie la protection des documents autres que les actes écrits des parties dans la mesure où ces documents présentent un lien pertinent avec un litige pendant devant le Tribunal et que leur divulgation porterait atteinte au principe de l’égalité des armes.

Le document demandé présente un lien clair et pertinent avec une procédure en cours devant le Tribunal. La décision contenue dans le document est actuellement contestée devant le Tribunal dans le cadre de l’affaire T‑540/15. En outre, il convient de souligner également que le document demandé joue un rôle décisif dans la procédure juridictionnelle : il définit l’étendue de la défense du Parlement. À cet égard, un parallèle peut être établi avec le document au moyen duquel la requérante a formé un recours devant le Tribunal et a défini l’étendue de ses propres allégations ».

44      En premier lieu, en ce qui concerne le prétendu défaut de motivation, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 52).

45      Or, force est de constater que les arguments invoqués par la requérante dans le cadre de la première branche du premier moyen concernent en réalité le bien-fondé des motifs de la décision attaquée.

46      Au demeurant, il y a lieu de relever que la décision attaquée contient un exposé des raisons pour lesquelles le Parlement a estimé que l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 est applicable au document demandé.

47      Partant, le grief tiré du défaut de motivation doit être rejeté.

48      En second lieu, en ce qui concerne la prétendue interprétation erronée et la prétendue mauvaise application de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, force est de constater, premièrement, que le document demandé ne constitue pas un document rédigé aux seules fins d’une procédure juridictionnelle particulière, contrairement aux mémoires en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541).

49      Deuxièmement, il est constant que le document demandé a fait l’objet d’une demande d’annulation dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu, depuis lors, à l’arrêt du 22 mars 2018, De Capitani/Parlement (T‑540/15 EU:T:2018:167), affaire qui était pendante au moment de l’adoption de la décision attaquée. Il s’ensuit que le document demandé présentait, au moment de la prise de la décision attaquée, un lien avec un litige pendant devant le juge de l’Union.

50      Toutefois, il convient de souligner que, dans les affaires évoquées par le Parlement dans la décision attaquée, le Tribunal a jugé que la divulgation des documents demandés au public alors qu’il y avait une procédure juridictionnelle en cours pourrait compromettre la position de défense de la Commission ainsi que le principe d’égalité des armes, dans la mesure où elle communiquerait les positions internes de nature juridique émanant de ses services sur des questions litigieuses alors qu’aucune obligation similaire ne serait imposée à l’autre partie (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, point 90, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, point 65).

51      Dans le cadre de ces affaires, les documents demandés contenaient des positions prises par les fonctionnaires des différentes directions générales de la Commission en ce qui concerne la légalité des différents choix envisagés. À cet égard, le Tribunal a rappelé que le principe d’égalité des armes requiert que l’institution dont émane l’acte incriminé soit en mesure de défendre devant le juge, de manière efficace, la légalité de son action. Or, cette possibilité serait sérieusement mise à mal si l’institution en question était obligée de se défendre non seulement à l’égard des moyens et arguments soulevés par la partie requérante, mais aussi à l’égard des positions prises en interne sur la légalité des différents choix envisagés dans le cadre de l’élaboration de l’acte en question. En particulier, la divulgation des documents contenant ce type de positions serait de nature à obliger, de fait, l’institution concernée à se défendre contre des appréciations de son propre personnel, qui n’ont finalement pas été retenues. Cette circonstance était susceptible de rompre l’équilibre entre les parties à une procédure juridictionnelle, dans la mesure où la partie requérante ne pourrait pas être obligée de divulguer des appréciations internes de ce type (arrêts du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑796/14, EU:T:2016:483, points 88, 96 et 97, et du 15 septembre 2016, Philip Morris/Commission, T‑18/15, non publié, EU:T:2016:487, points 72 et 73).

52      En revanche, en l’espèce, le document demandé ne saurait être qualifié de document contenant des « positions internes ». En effet, il s’agit d’une décision administrative qui contient la position définitive du Parlement, à savoir qu’il y a lieu de refuser en partie la divulgation du document demandé. Partant, force est de constater que ce document ne contient pas de positions internes précédant l’adoption de cette position définitive. Par conséquent, en l’espèce, la divulgation du document demandé n’obligerait aucunement le Parlement à se défendre à l’égard des positions prises en interne sur la légalité des différents choix envisagés dans le cadre de l’élaboration du document demandé ni contre des appréciations de son propre personnel, qui n’ont finalement pas été retenues.

53      Il s’ensuit que, contrairement aux documents en cause dans les affaires invoquées par le Parlement dans la décision attaquée, le document demandé ne constitue pas un document susceptible de compromettre la position de défense du Parlement ainsi que le principe d’égalité des armes.

54      Dans ces conditions, il y a lieu de relever que le document demandé ne relève pas du champ d’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 et que le Parlement ne pouvait donc pas se fonder sur cette exception pour refuser à la requérante l’accès audit document.

55      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir la première branche du premier moyen et, partant, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs présentés par la requérante.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens,       s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

57      En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République de Finlande et le Royaume de Suède supporteront donc leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision A(2016) 15112 du Parlement européen, du 3 avril 2017, refusant d’accorder à Mme Päivi Leino-Sandberg l’accès à la décision A(2015) 4931 du Parlement, du 8 juillet 2015, adressée à M. Emilio De Capitani, est annulée.

2)      Le Parlement est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Mme Päivi Leino-Sandberg.

3)      La République de Finlande et leRoyaume de Suède supporteront leurs propres dépens.

Costeira

Perišin

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.