Language of document : ECLI:EU:T:2000:223

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

29 septembre 2000 (1)

«Aides d'État - Notion d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) - Motivation -Obligation de récupération des aides - Confiance légitime des bénéficiaires - Principe de proportionnalité»

Dans l'affaire T-55/99,

Confederación Española de Transporte de Mercancías (CETM), ayant son siège à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Pérez Villar, avocat au barreau de Madrid, Calle López de Hoyos 322, Madrid,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Guerra Fernández et D. Triantafyllou, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 98/693/CE de la Commission, du 1er juillet 1998, concernant le régime espagnol d'aide à l'achat de véhicules industriels Plan Renove Industrial (août 1994-décembre 1996) (JO L 329, p. 23), en ce que, en ses articles 3 et 4, cette décision déclare certaines aides illégales et incompatibles avec le marché commun et impose leur récupération,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi, R. M. Moura Ramos, M. Jaeger et P. Mengozzi, juges,

greffier: M. J. Palácio Gonzalez, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale prévue le 11 avril 2000, à laquelle les parties ont renoncé,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique et factuel du litige

1.
    La présente affaire porte sur la décision 98/693/CE de la Commission, du 1er juillet 1998, concernant le régime espagnol d'aide à l'achat de véhicules industriels PlanRenove Industrial (août 1994-décembre 1996) (JO L 329, p. 23, ci-après la «décision attaquée»).

2.
    Le 28 juillet 1994, le gouvernement espagnol a adopté, sans notification préalable à la Commission, le «Plan Renove Industrial» (ci-après le «PRI») en faveur des personnes physiques, des petites et moyennes entreprises (ci-après les «PME»), des entités publiques territoriales et des entités de prestation de services publics locaux. Ce régime, à l'origine applicable d'août 1994 à décembre 1995, a été prolongé jusqu'à la fin de l'année 1996.

3.
    Le PRI était régi par une convention du 27 septembre 1994 entre l'Instituto de Crédito Oficial (ci-après l'«ICO») et le ministère de l'Industrie et de l'Énergie espagnol. En vertu de cette convention, l'ICO a été chargé de passer avec une série d'institutions financières des contrats en vertu desquels celles-ci ont agi en tant qu'intermédiaires et appliqué directement le PRI avec compensation ultérieure par l'ICO.

4.
    La mesure contestée consistait en une bonification d'intérêts sur les crédits consentis pour l'achat ou la location, avec option d'achat, de véhicules industriels. Ces crédits pouvaient couvrir jusqu'à 70 % de la valeur totale (hors TVA) du nouveau véhicule et avaient une durée de quatre ans sans franchise de remboursement. Les garanties étaient négociées entre le bénéficiaire et l'institution financière.

5.
    Le budget initial prévu par le PRI était d'environ 9 milliards de pesetas espagnoles (ESP). La ligne de crédit ouverte à l'ICO était de 100 milliards de ESP. La subvention maximale était de 93 196 ESP par million emprunté.

6.
    La bonification d'intérêts était prévue pour le financement de cinq catégories de véhicules industriels:

-    semi-remorques et camions de plus de 30 tonnes;

-    véhicules industriels entre 12 et 30 tonnes;

-    véhicules industriels de 3,5 à 12 tonnes;

-    modèles dérivés de la voiture particulière, fourgonnettes commerciales et véhicules industriels jusqu'à 3,5 tonnes;

-    autobus et autocars.

7.
    L'obtention de la bonification d'intérêts était subordonnée au retrait définitif du marché d'un véhicule immatriculé depuis plus de dix ans (sept ans pour lestracteurs routiers). L'attestation de ce retrait devait être délivrée par la Dirección General de Tráfico (direction générale de la circulation).

8.
    Entre le 9 février 1995 et le 20 février 1996, la Commission a demandé au royaume d'Espagne des renseignements au sujet du PRI, dont elle avait eu connaissance par une source non officielle. Le royaume d'Espagne a répondu à ces demandes par lettres des 6 mars et 26 juillet 1995 et du 14 mars 1996.

9.
    Par lettre du 26 juin 1996, la Commission a communiqué au royaume d'Espagne sa décision d'entamer la procédure visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE). Elle l'a invité à présenter ses observations. Les autres États membres et les parties intéressées ont été informés de l'ouverture de cette procédure et ont été invités à faire valoir leurs observations éventuelles, par la publication de la lettre susvisée au Journal officiel des Communautés européennes du 13 septembre 1996 (JO C 266, p. 10). Dans cette communication, la Commission déclarait qu'elle considérait le PRI illégal et exprimait des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun.

10.
    Le royaume d'Espagne a présenté ses observations par lettre du 26 juillet 1996, enregistrée à la Commission le 1er août 1996. La publication au Journal officiel des Communautés européennes n'a pas suscité de réaction de la part de tiers intéressés. À la suite d'une demande d'information complémentaire de la Commission du 19 décembre 1996, le royaume d'Espagne a fourni des précisions lors d'une réunion avec la Commission qui s'est tenue le 14 janvier 1997, ainsi que par lettre du 12 février 1997.

11.
    La Commission a demandé au royaume d'Espagne, d'abord par télécopie, puis par lettre du 19 novembre 1997, de lui fournir des informations supplémentaires sur les entreprises bénéficiaires n'assurant pas de services de transport au titre de leur activité principale et n'opérant que sur des marchés locaux. Le royaume d'Espagne a déféré à cette demande par lettres des 27 novembre 1997 et 20 février 1998.

12.
    Le 1er juillet 1998, la Commission a adopté la décision attaquée.

13.
    Celle-ci comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Les aides octroyées aux entités publiques territoriales et aux entités de prestation de services publics locaux dans le cadre du [PRI], sous forme de bonification d'intérêts pour l'achat de véhicules industriels entre août 1994 et décembre 1996, conformément à la convention de collaboration entre le ministère de l'Industrie et de l'Énergie et [l'ICO] du 27 septembre 1994, ne constituent pas des aides d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

Article 2

Les aides octroyées à des personnes physiques ou à des PME qui se consacrent à des activités autres que des activités de transport à l'échelle exclusivement locale ou régionale, en vue de l'acquisition de véhicules industriels de la catégorie D, ne constituent pas des aides d'État aux fins de l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

Article 3

Toutes les autres aides octroyées à des personnes physiques et à des PME constituent des aides d'État en vertu de l'article 92, paragraphe 1, du traité et sont illégales et incompatibles avec le marché commun.

Article 4

L'Espagne supprime et récupère les aides visées à l'article 3. Ces aides sont remboursées selon les règles de droit interne et majorées du montant des intérêts, lesquels sont calculés en appliquant les taux de référence utilisés pour l'évaluation des régimes d'aides régionaux. Les intérêts courent à partir du jour où l'aide a été versée jusqu'à la date de remboursement effectif.

Article 5

L'Espagne informe la Commission dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision des mesures prises pour s'y conformer.

Article 6

Le royaume d'Espagne est le destinataire de la présente décision.»

Procédure et conclusions des parties

14.
    C'est dans ce contexte que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 février 1999, la requérante a introduit le présent recours.

15.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler les articles 3 et 4 de la décision de la Commission du 1er juillet 1998 concernant le régime espagnol d'aide à l'achat de véhicules industriels (PRI);

-    condamner la Commission aux dépens.

16.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

17.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale, après avoir pris des mesures d'organisation de la procédure consistant en une série de questions écrites adressées à la partie défenderesse. Par lettre du 10 mars 2000, celle-ci a répondu à ces questions. Ces réponses ont été complétées par lettre du 21 mars 2000.

18.
    Par lettre déposée le 4 avril 2000 au greffe du Tribunal, le conseil de la requérante a fait savoir que, pour des motifs de politique interne propres à cette dernière, il n'assisterait pas à l'audience fixée le 11 avril 2000.

19.
    Par lettre adressée au greffe du Tribunal le 10 avril 2000, la partie défenderesse a indiqué que, dans ces conditions, elle renonçait également à assister à cette audience.

20.
    Le 11 avril 2000, le Tribunal a pris acte de l'absence des parties à l'audience.

Sur la recevabilité

21.
    Les conditions de recevabilité d'un recours fondé sur l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) étant d'ordre public, le Tribunal peut les examiner d'office. Son contrôle n'est pas limité aux fins de non-recevoir soulevées par les parties (voir arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 19).

22.
    En l'espèce, il convient d'observer qu'il ressort de la décision attaquée que les aides visées aux articles 3 et 4, contestés par la requérante, ont concerné des personnes physiques et des PME actives dans des secteurs économiques fort variés, qui ont en commun l'exercice, à titre principal ou secondaire, d'activités de transport de marchandises ou de voyageurs requérant l'usage de véhicules industriels (voir notamment point IV, huitième alinéa, des considérants).

23.
    Or, la requérante est la confédération espagnole du transport de marchandises, association professionnelle de droit espagnol. En vertu d'une jurisprudence constante, une association chargée de défendre les intérêts collectifs d'entreprises n'est en principe recevable à introduire un recours en annulation contre une décision finale de la Commission en matière d'aides d'État que si les entreprises en question le sont également à titre individuel (voir, notamment, arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, DEFI/Commission, 282/85, Rec. p. 2469, point 16, et du 7 décembre 1993, Federmineraria e.a./Commission, C-6/92, Rec. p. I-6357, point 17) ou si elle peut faire valoir un intérêt propre à la poursuite de l'action, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par l'acte dont l'annulation estdemandée (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, points 29 et 30; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380/94, Rec. p. II-2169, point 50) ).

24.
    Dans la présente affaire, il est constant entre les parties que, par le présent recours, la requérante entend défendre les intérêts individuels de certains de ses membres. Il découle en effet d'une lecture combinée de la requête et des statuts de la requérante joints en annexe à cette requête que, dans le cadre de ce litige, elle défend les intérêts de ceux de ses membres qui, en tant que PME se consacrant de manière habituelle au transport routier de marchandises, ont bénéficié des aides en question et se voient contraintes de les rembourser en vertu de l'article 4 de la décision attaquée.

25.
    Il s'ensuit que la requérante n'est recevable à demander l'annulation des articles 3 et 4 de la décision attaquée que pour autant que ceux-ci déclarent illégales et incompatibles avec le marché commun, et exigent de récupérer, les aides accordées dans le cadre du PRI aux PME espagnoles qui sont ses membres et dont le transport de marchandises par route constitue l'activité principale.

Sur le fond

26.
    La requérante invoque à l'appui de son recours en annulation trois moyens.

27.
    Le premier moyen, fondé sur la violation du principe de protection de la confiance légitime, tend à l'annulation de l'article 4 de la décision attaquée. Le second moyen, pris de la violation des articles 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) et 190 du traité CE (devenu article 253 CE), ainsi que, à titre subsidiaire, de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, vise à obtenir l'annulation de l'article 3 de ladite décision. Le troisième moyen, pris de la violation des principes de proportionnalité, de protection de la confiance légitime, d'égalité de traitement et d'«interdiction de l'arbitraire», ainsi que de l'obligation de motivation, tend, comme le premier moyen, à l'annulation de l'obligation de récupération contenue à l'article 4.

28.
    Conformément à la structure du dispositif de la décision attaquée, et parce que l'examen des moyens visant à l'annulation de l'article 4 de celle-ci ne présente un intérêt que si le moyen tendant à l'annulation de l'article 3 ne s'avère pas fondé, le Tribunal examinera d'abord le deuxième moyen. Les premier et troisième moyens feront ensuite l'objet d'un examen conjoint, dans la mesure où ils tendent tous deux à l'annulation de l'article 4 et où leurs contenus se recoupent pour partie.

1. Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 92, paragraphe 1, et 190 du traité et, à titre subsidiaire, de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, visant à l'annulation de l'article 3 de la décision attaquée

29.
    Ce moyen s'articule en trois branches. Dans la première branche, la requérante reproche à la Commission d'avoir considéré le PRI comme une mesure sélective. Dans la deuxième branche, elle conteste que le PRI ait faussé la concurrence et affecté le commerce entre États membres. Dans la troisième branche, elle prétend que le PRI aurait dû, en tout état de cause, être déclaré compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

30.
    Avant de procéder à l'examen de ces différentes branches du moyen, il convient de souligner que la requérante ne conteste pas que la mesure contenue dans le PRI a constitué une subvention, en ce qu'elle a permis à ses bénéficiaires d'acquérir un véhicule industriel à un prix réduit. La requérante elle-même affirme ainsi que, «sans cette aide, [ceux-ci] auraient difficilement pu faire face à une dépense d'une telle nature». Elle ne nie pas non plus que cette mesure a été financée par le budget du ministère de l'Industrie et de l'Énergie espagnol et qu'elle a donc une origine étatique.

31.
    L'objet de l'argumentation développée à titre principal par la requérante dans le cadre du moyen examiné se rapporte aux autres conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, à savoir les critères de spécificité, d'une part, et de distorsion de la concurrence et d'affectation des échanges entre États membres, d'autre part.

Sur la première branche du moyen

32.
    La requérante fait valoir que la Commission a, à tort, considéré que la mesure contenue dans le PRI n'était pas une mesure générale. Elle dénonce également un défaut de motivation de la décision attaquée à ce sujet.

Sur le bien-fondé de l'appréciation de la Commission

- Arguments des parties

33.
    La requérante soutient tout d'abord que la mesure contenue dans le PRI ne visait pas une catégorie donnée de destinataires, mais un ensemble de bénéficiaires potentiels non préalablement définis. Elle invoque trois éléments à l'appui de sa thèse.

34.
    Premièrement, le PRI aurait été ouvert à toute personne physique ou PME acquérant un véhicule industriel neuf en Espagne et retirant dans le même temps du marché, de manière définitive, un véhicule industriel immatriculé depuis aumoins dix ans (sept ans pour les tracteurs). Deuxièmement, il n'aurait comporté aucun critère de distinction fondé sur la nationalité de l'acquéreur. Le fait que le véhicule retiré devait être immatriculé en Espagne n'aurait pas privé les transporteurs non établis dans cet État de la possibilité d'accéder au PRI. En effet, il n'aurait pas été exigé que le véhicule retiré de la circulation soit la propriété du bénéficiaire de l'aide. Dès lors, il aurait suffi au transporteur étranger, s'il souhaitait bénéficier de la subvention, de conclure avec un transporteur local un accord en vertu duquel ce dernier procédait au retrait d'un véhicule usagé du marché. Troisièmement, les véhicules importés d'autres États membres auraient pu entrer en ligne de compte dans l'appréciation de la condition du retrait de la circulation, pourvu qu'ils fussent immatriculés en Espagne.

35.
    La requérante souligne ensuite que, aux termes de l'accord sur les subventions et mesures compensatoires de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une subvention n'est pas réputée spécifique lorsqu'elle est fondée sur des critères ou des conditions «neutres, qui ne favorisent pas certaines entreprises par rapport à d'autres, et qui sont de caractère économique et d'application horizontale». Or, en l'espèce, l'octroi de la subvention n'aurait relevé d'aucun pouvoir discrétionnaire, ainsi que la Commission le reconnaîtrait d'ailleurs dans la décision attaquée (point IV, onzième alinéa, des considérants).

36.
    Enfin, la requérante, se référant à la décision 96/369/CE de la Commission, du 13 mars 1996, concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (JO L 146, p. 42), et à l'arrêt de la Cour du 2 juillet 1974, Italie/Commission (173/73, Rec. p. 709), cité dans cette décision, affirme que la qualification d'aide au sens de l'article 92 du traité ne saurait s'appliquer au PRI dans la mesure où, d'une part, celui-ci était accessible à toutes les entreprises dont il apparaissait justifié qu'elles bénéficient de la subvention en question eu égard à la nature et à l'économie du système espagnol, qui vise à promouvoir la protection de l'environnement, la sécurité routière et la rénovation du parc automobile, et où, d'autre part, la rationalité économique de la dérogation concernant les grandes entreprises rendait celle-ci nécessaire et utile au bon fonctionnement et à l'efficacité dudit système.

37.
    Dans sa réplique, la requérante conteste les éléments de sélectivité mis en avant par la Commission dans son mémoire en défense, en affirmant que seule l'exclusion, du bénéfice d'une aide, de secteurs d'activités économiques donnés peut autoriser à conclure au caractère spécifique de l'aide en question (arrêt de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75/97, Rec. p. I-3671, points 28 et 30). Or, en l'espèce, le PRI n'aurait exclu aucun secteur d'activité économique de son champ d'application.

38.
    La Commission, se référant aux conditions énoncées dans la convention du 27 septembre 1994 mentionnée au point 3 ci-dessus, conteste que la mesure prévue dans le PRI ait été une mesure générale. Elle écarte la référence à la notion de«subvention spécifique» contenue dans l'accord sur les subventions et mesures compensatoires de l'OMC aux fins de l'appréciation des conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Elle rejette les explications avancées par la requérante pour justifier le régime litigieux par des motifs de rationalité économique liée à l'efficacité du système.

- Appréciation du Tribunal

39.
    Il y a lieu de rappeler que la spécificité d'une mesure étatique, à savoir son caractère sélectif, constitue l'une des caractéristiques de la notion d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. À ce titre, il importe de vérifier si la mesure en question entraîne ou non des avantages au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d'activité (voir arrêts de la Cour du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241/94, Rec. p. I-4551, point 24, du 1er décembre 1998, Ecotrade, C-200/97, Rec. p. I-7907, points 40 et 41, et Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 26).

40.
    L'argument de la requérante tiré de l'absence d'identification préalable, dans le PRI, des destinataires individuels de la mesure contenue dans celui-ci, doit d'emblée être écarté. Le fait que l'aide ne vise pas un ou plusieurs bénéficiaires particuliers préalablement définis, mais qu'elle soit soumise à une série de critères objectifs en application desquels elle pourra être octroyée, dans le cadre d'une enveloppe budgétaire globale prédéterminée, à un nombre indéfini de bénéficiaires, non individualisés à l'origine, ne saurait en effet suffire à mettre en cause le caractère sélectif de la mesure et, partant, la qualification de celle-ci d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Une telle circonstance signifie tout au plus que la mesure en question n'est pas une aide individuelle. Elle n'exclut pas, en revanche, que cette intervention publique doive s'analyser comme un régime d'aide constitutif d'une mesure sélective et, donc, spécifique si, du fait de ses critères d'application, elle procure un avantage à certaines entreprises ou à certaines productions, à l'exclusion d'autres.

41.
    En l'espèce, la Commission fait valoir que, «si on se place dans la perspective des acheteurs de véhicules industriels, on constate que la mesure est prévue en faveur des personnes physiques, PME, entités publiques territoriales ou entités de prestation de services locaux, dont les subventions réduisent les coûts d'exploitation normaux, alors que leurs concurrents doivent, quant à eux, supporter ces coûts» (point IV, quatrième alinéa, des considérants de la décision attaquée). Elle estime (même alinéa) «que l'aide renforce la position financière et les possibilités d'action des entreprises bénéficiaires et les favorise par rapport à leurs concurrents».

42.
    D'après ces extraits de la décision attaquée, le caractère sélectif de la mesure contenue dans le PRI tient donc au fait que cette mesure visait les seules personnes physiques, PME, entités publiques territoriales et entités de prestation de services locaux, excluant ainsi les autres acquéreurs de véhicules industriels.

43.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a communiqué, en annexe à sa lettre du 10 mars 2000 (mentionnée au point 17 ci-dessus), une copie de la convention du 27 septembre 1994 fixant les conditions d'octroi des bonifications d'intérêts dans le cadre du PRI.

44.
    Cette convention définit comme suit les destinataires du PRI:

«Pourront relever de cette ligne [de crédit], les personnes physiques et morales qui achètent un véhicule industriel. Dans le cas de personnes morales, il devra s'agir de petites ou moyennes entreprises, ce terme désignant les entreprises qui réunissent les caractéristiques suivantes:

-    employant moins de 250 personnes;

-    dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 20 millions d'écus;

-    dont le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions d'écus;

-    et dont 25 % au maximum du capital est détenu par une grande entreprise, sauf s'il s'agit d'entreprises publiques ou d'entreprises de capital-risque.

Si la personne morale est une mairie, une communauté autonome ou une entité qui gère des services publics, l'obligation d'être une petite ou moyenne entreprise ne s'appliquera pas.

L'ICO pourra autoriser à titre exceptionnel, moyennant consultation préalable de la direction générale de l'industrie du ministère de l'Industrie et de l'Énergie, des opérations de financement en faveur de personnes ne remplissant aucune des conditions précitées.»

45.
    Au cours de la procédure administrative, le royaume d'Espagne a expliqué que «la possibilité d'autoriser exceptionnellement des prêts ne remplissant pas les conditions exigées n'avait jamais été utilisée; l'objet de cette dérogation était de permettre de [faire] bénéficier du [PRI les] entreprises remplissant toutes les conditions pour être considérées comme PME, mais qui, pour des motifs exceptionnels, s'écartaient de manière minime des conditions exigées pour l'octroi de l'aide au cours d'un exercice» (point III, quatorzième alinéa, des considérants de la décision attaquée).

46.
    Des renseignements fournis par le royaume d'Espagne au cours de la procédure administrative - renseignements que la requérante n'a pas contestés devant le Tribunal -, il se confirme qu'ont exclusivement bénéficié du PRI, d'une part, des personnes morales relevant de la «catégorie des 'entités publiques territoriales et entités de prestation de services publics locaux‘» (point III, troisième alinéa, des considérants de la décision attaquée) et, d'autre part, «de[s] personnes physiquesou de[s] PME correspondant aux définitions données dans les directives communautaires relatives aux aides d'État en faveur des petites et moyennes entreprises et dans la recommandation de la Commission du 3 avril 1996 concernant la définition des petites et moyennes entreprises, qui effectuent des opérations de transport pour le compte de tiers et pour compte propre» (point III, quatrième alinéa).

47.
    Il ressort de tous ces éléments que le PRI avait vocation à bénéficier, et a effectivement bénéficié, parmi les utilisateurs de véhicules industriels, aux seules personnes physiques, PME, entités publiques locales et régionales et entités de prestation de services publics locaux. Les autres utilisateurs de ce type de véhicules, à savoir les grandes entreprises, n'ont pas eu accès au PRI et cela, quand bien même ils auraient, à l'instar des bénéficiaires de celui-ci, acquis pendant la période d'application du PRI un véhicule industriel neuf en remplacement d'un véhicule usagé aux fins de leurs activités de transport.

48.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la pertinence des autres éléments mis en avant par la Commission, dans ses écritures, sur ce point, il y a lieu de conclure que cette dernière était fondée à considérer la mesure contenue dans le PRI comme sélective et, donc, spécifique au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

49.
    Les éléments tirés de l'absence de distinction fondée sur la nationalité de l'acquéreur du véhicule industriel, d'une part, et de la possibilité de bénéficier de la subvention même en cas de retrait du marché d'un véhicule importé d'un autre État membre de la Communauté, d'autre part, ne sauraient infirmer la conclusion dégagée au point précédent.

50.
    Quant à la référence à la notion de «subvention» au sens de l'accord sur les subventions et mesures compensatoires de l'OMC, elle est - ainsi que le soutient la Commission - en tout état de cause dénuée de pertinence pour apprécier la qualification de la mesure en cause d'aide d'État au sens du droit communautaire.

51.
    Enfin, l'argument fondé sur la nature et l'économie du système espagnol visant à promouvoir la protection de l'environnement, la sécurité routière et la rénovation du parc automobile, ne saurait être accueilli.

52.
    Certes, des mesures engendrant des différences de traitement entre catégories d'entreprises ou entre secteurs d'activité peuvent se justifier par la nature ou l'économie du système auquel elles participent (voir arrêts Italie/Commission, cité au point 36 ci-dessus, point 33, et Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, points 33 et 34; voir également arrêt du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T-67/94, Rec. p. II-1, point 76).

53.
    Toutefois, en l'espèce, la seule circonstance, avancée par la requérante, selon laquelle le PRI visait à la rénovation du parc de véhicules industriels en Espagnedans un souci de protection de l'environnement et d'amélioration de la sécurité routière ne saurait suffire à considérer que ledit PRI a constitué un système ou une mesure générale en soi ou a participé d'un quelconque «système espagnol», que la requérante n'identifie, au demeurant, même pas. À suivre cette thèse, il suffirait aux autorités publiques d'invoquer la légitimité des objectifs visés à travers l'adoption d'une mesure d'aide pour que celle-ci puisse être considérée comme une mesure générale, échappant à l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Or, cette disposition ne fait pas de distinction selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêts de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 79, France/Commission, cité au point 39 ci-dessus, point 20, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 25).

54.
    De plus, ainsi que la Commission le souligne dans ses écritures, la requérante n'explique pas en quoi l'exception visant les grandes entreprises était justifiée par la nature ou l'économie du prétendu système auquel aurait correspondu ou dont aurait relevé le PRI. En tout état de cause, les objectifs visés, d'après la requérante, par les autorités espagnoles à travers le PRI ne permettent pas de justifier une telle exception, la vétusté des véhicules industriels utilisés par les grandes entreprises présentant en effet, elle aussi, des risques en termes de protection de l'environnement et de sécurité routière.

55.
    En conclusion, l'argumentation de la requérante tendant à contester le bien-fondé de l'analyse de la Commission quant au caractère sélectif du PRI doit être écartée.

Sur la motivation

- Arguments des parties

56.
    La requérante fait valoir que, au point IV des considérants de la décision attaquée, la Commission décrit la notion d'aide par référence à trois éléments, à savoir l'utilisation de ressources d'État, la distorsion de la concurrence et l'affectation des échanges, sans faire la moindre allusion au critère de la spécificité. Une telle omission serait constitutive d'un défaut de motivation.

57.
    La Commission ne formule pas de commentaire à ce sujet.

- Appréciation du Tribunal

58.
    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure priseafin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il résulte en outre de cette jurisprudence qu'il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 29 février 1996, Belgique/Commission, cité au point 53 ci-dessus, point 86).

59.
    Appliqué à la qualification d'une mesure d'aide, l'exigence de motivation suppose que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure d'aide en cause entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité (arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214/95, Rec. p. II-717, point 64, et Cityflyer Express/Commission, T-16/96, Rec. p. II-757, point 66).

60.
    En l'espèce, il convient de relever que, au point IV, premier alinéa, des considérants de la décision attaquée, la Commission rappelle tout d'abord le contenu de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Le fait qu'elle résume ensuite la notion d'aide au sens de cette disposition sans faire formellement allusion à la condition de la spécificité ne saurait occulter les passages de ce point de la décision attaquée, reproduits au point 41 ci-dessus, qui font ressortir de manière claire et non équivoque que la Commission a pris en considération ladite condition lors de son examen de l'applicabilité de l'article 92, paragraphe 1, du traité au PRI.

61.
    La requérante a d'ailleurs bien perçu que le motif pour lequel il était conclu dans la décision attaquée au caractère sélectif du PRI tenait à l'exclusion des grandes entreprises du bénéfice de ce dernier. Dans sa requête, elle cherche en effet à justifier cette exclusion par des considérations liées aux prétendues nature et économie du système espagnol (voir ci-dessus point 36).

62.
    L'argumentation de la requérante tirée d'un défaut de motivation quant au critère de la spécificité du régime d'aide litigieux doit donc être rejetée.

63.
    La première branche du moyen examiné doit en conséquence être écartée dans son intégralité.

Sur la deuxième branche du moyen

64.
    La requérante soutient que la Commission a, à tort, estimé que le PRI avait faussé la concurrence et affecté les échanges entre États membres. Elle dénonce en outre un défaut de motivation de la décision attaquée sur ce point.

Sur le bien-fondé de l'appréciation de la Commission

- Arguments des parties

65.
    La requérante affirme tout d'abord que le PRI visait essentiellement des véhicules qui n'étaient pas en concurrence avec ceux d'autres États membres de la Communauté. Les véhicules soumis à une telle concurrence seraient en effet renouvelés bien avant d'atteindre la durée d'immatriculation de dix ans, qui était requise pour pouvoir bénéficier du PRI. La requérante ajoute que la seule catégorie de véhicules pour laquelle une concurrence intracommunautaire pourrait exister est celle des camions de transport de marchandises autorisés à effectuer des transports publics intérieurs. Or, seuls 10 % des véhicules relevant de cette catégorie auraient atteint le seuil de dix ans d'immatriculation susmentionné.

66.
    Elle fait également valoir que l'apparent manque d'attrait du PRI auprès des transporteurs non établis en Espagne tient uniquement aux frais supplémentaires auxquels ces derniers ont été exposés pour y accéder. Ce désavantage aurait toutefois été plus que compensé par la faiblesse des taux d'intérêt dont ces transporteurs étrangers ont bénéficié dans leur pays d'origine. De toute manière, dans la mesure où le PRI n'excluait pas les entreprises établies dans d'autres États membres, le fait que, en pratique, il se soit avéré moins favorable pour ces dernières que pour les entreprises espagnoles n'aurait pas pour effet de le faire tomber sous le coup de l'article 92, paragraphe 1, du traité (communication de la Commission sur le contrôle des aides d'État et la réduction du coût du travail, JO 1997, C 1, p. 10, points 12 et 13).

67.
    Pour toutes ces raisons, la requérante considère que l'incidence du PRI sur la concurrence dans le secteur du transport a été totalement insignifiante. Or, la jurisprudence exigerait, pour l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, que la concurrence et les échanges interétatiques soient sensiblement ou substantiellement affectés (arrêts de la Cour du 25 juin 1970, France/Commission, 47/69, Rec. p. 487, point 16, du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, Rec. p. 4013, point 18, et du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 58).

68.
    La requérante fait encore valoir que le faible montant de la subvention litigieuse (3 341 écus par véhicule, en valeur absolue; 6,5 % du prix d'achat du véhicule hors TVA, en valeur relative) ne saurait avoir faussé la concurrence sur un marché international caractérisé, comme en l'espèce, par d'importantes disparités nationales en termes de conditions de financement. En tout état de cause, l'aide n'aurait influencé que la décision d'achat, mais pas les tarifs appliqués par l'entreprise bénéficiaire à ses services de transport, dès lors que l'économie ainsi réalisée aurait été étalée sur toute la durée de l'utilisation du véhicule acquis dans ce cadre. La requérante ajoute que d'autres considérations, liées à la facilité d'accès au crédit permis par le PRI et aux effets bénéfiques de la rénovation du parc de véhicules industriels (meilleure sécurité, meilleur confort et meilleure qualité de viedes transporteurs; réduction de la pollution), ont principalement incité les bénéficiaires de la mesure litigieuse à y recourir.

69.
    Elle souligne enfin quelques caractéristiques du secteur des transports et commente la question de la surcapacité de ce secteur, évoquée par la Commission dans la décision attaquée.

70.
    Premièrement, elle affirme que le PRI n'a pas conduit à une augmentation du nombre de véhicules industriels, puisque l'octroi de la subvention était subordonné au retrait du marché d'un véhicule usagé. Ainsi que la Commission l'indiquerait au point III, neuvième alinéa, des considérants de la décision attaquée, le véhicule neuf subventionné n'aurait, du reste, relevé d'une catégorie supérieure à celle du véhicule retiré du marché que dans 12,3 % des cas (1 758 véhicules), ce qui, d'après la requérante, s'est traduit par une augmentation de 0,05 % de la capacité du parc de véhicules industriels en Espagne.

71.
    Deuxièmement, d'après les données d'Eurostat, 91,4 % des entreprises de transport opérant en Espagne effectueraient des transports intérieurs, ce qui démontrerait le peu d'impact de la subvention litigieuse sur le marché international du transport.

72.
    Troisièmement, il ne serait pas permis d'affirmer que l'économie faite par une PME qui a choisi, en considération du PRI, d'anticiper le remplacement de son véhicule s'est automatiquement traduite par un avantage ou par une réduction de ses tarifs de nature à fausser la concurrence, compte tenu des nombreux coûts liés au transport, d'une part, et de l'importance de l'investissement financier et des charges d'amortissement que représente, pour une PME, l'achat d'un véhicule industriel, d'autre part.

73.
    La Commission fait valoir que l'article 92, paragraphe 1, du traité n'exige pas que la concurrence soit faussée par l'octroi des aides litigieuses. Cette disposition supposerait uniquement que les aides menacent de fausser la concurrence (voir arrêt Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 46). Elle souligne que le secteur des transports routiers est confronté à de graves problèmes structurels de surcapacité. Par conséquent, toute aide, aussi modeste soit-elle, qui serait de nature à aggraver cette situation, devrait être analysée selon des critères particulièrement stricts. En outre, ce secteur se caractériserait par une forte atomisation de l'offre, particulièrement en Espagne, de sorte qu'une aide qui, en termes absolus, peut paraître modeste, pourrait en réalité avoir un impact significatif sur la concurrence et sur les échanges commerciaux entre États membres (arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 42). En l'espèce, cet impact aurait été important et cela, à un double titre. En effet, non seulement les bénéficiaires auraient rénové leurs moyens d'action, mais, dans certains cas, ils les auraient accrus, puisque le véhicule acheté pouvait être d'une catégorie supérieure à celle du véhicule retiré du marché.

74.
    La Commission estime que, dans ces conditions, elle ne pouvait que constater que les aides visées à l'article 3 de la décision attaquée ont affecté le commerce intracommunautaire (arrêt Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 49). Se fondant sur ce dernier arrêt, elle soutient que, en l'espèce, une analyse des effets concrets de ces aides sur les échanges intracommunautaires n'était pas nécessaire. Elle rejette également l'argument de la requérante tiré du caractère peu compétitif des véhicules visés par le PRI (ci-dessus point 65).

- Appréciation du Tribunal

75.
    À titre liminaire, il convient de souligner que, eu égard à ce qui a été précisé aux points 24 et 25 ci-dessus, il incombe au Tribunal, dans le cadre du présent litige, d'apprécier les conditions de distorsion de la concurrence et d'affectation des échanges entre États membres par référence au seul secteur d'activité économique lié au transport professionnel de marchandises par route.

76.
    Au point II des considérants de la décision attaquée, la Commission expose les différents règlements adoptés par le Conseil, par l'effet desquels ce secteur d'activité a été progressivement ouvert à la concurrence communautaire, en ce qui concerne tant le transport international que le transport intérieur (cabotage).

77.
    Au point IV des considérants de la décision attaquée, elle souligne que la subvention accordée en vertu du PRI a réduit les coûts d'exploitation normaux de ses bénéficiaires, alors que leurs concurrents ont dû, quant à eux, supporter ces coûts (quatrième alinéa, première phrase). Elle estime que, ce faisant, l'aide litigieuse a renforcé la position financière et les possibilités d'action desdits bénéficiaires et les a favorisés par rapport à leurs concurrents (même alinéa, deuxième phrase). Elle fait valoir (huitième alinéa) que «les [...] bénéficiaires [des aides], dont les transports sont l'activité principale [...], se trouvent [...] en concurrence avec les entreprises de transport d'Espagne ou d'autres États membres qui ne peuvent accéder aux aides du [PRI], puisque la libéralisation des transports routiers en 1990 a ouvert la concurrence avec les entreprises des autres États membres, que ce soit dans le transport international ou dans le cabotage».

78.
    Elle explique ensuite pourquoi la subordination de l'octroi de la subvention au retrait de la circulation d'un véhicule immatriculé en Espagne a constitué une discrimination indirecte au détriment des transporteurs non établis dans cet État et a conduit, de ce fait, à une distorsion de la concurrence entre ces derniers et les transporteurs qui y sont établis (neuvième et dixième alinéas).

79.
    Elle conclut (douzième alinéa):

«Lorsqu'une aide renforce la position des entreprises d'un secteur particulier participant aux échanges intracommunautaires, ceux-ci doivent être considéréscomme affectés au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Étant donné que l'aide prévue par le [PRI] renforce la position financière et les possibilités d'action des entreprises bénéficiaires par rapport à leurs concurrents, et que cet effet se produit dans le cadre des échanges intracommunautaires, la Commission considère que ces échanges peuvent être affectés par l'octroi de ces aides.»

80.
    Il convient d'examiner le bien-fondé de l'analyse de la Commission, à la lumière des arguments développés par la requérante.

81.
    Il est incontestable que, dans le domaine du transport routier de marchandises, les PME qui ont bénéficié des aides contestées sont en concurrence avec de grandes entreprises, lesquelles n'ont pas pu accéder au PRI (voir ci-dessus point 47). Il est également indéniable que le secteur du transport international de marchandises par route, dans lequel la requérante ne conteste pas qu'une partie, à tout le moins, des PME qu'elle représente en l'espèce est active, est marqué par une concurrence communautaire vive, en raison même de la dimension transfrontalière de ce type d'activité, et que, par l'effet des réglementations de libéralisation rappelées par la Commission au point II des considérants de la décision attaquée, la concurrence dans le secteur du transport intérieur de marchandises par route revêt depuis quelques années, au moins potentiellement, une dimension communautaire.

82.
    En outre, la requérante ne conteste pas que la subvention litigieuse a soulagé ses bénéficiaires de charges normales inhérentes à leurs activités courantes, en «réduis[a]nt le[ur]s coûts d'exploitation normaux» (point IV, quatrième alinéa, des considérants de la décision attaquée). Au contraire, ainsi que cela a déjà été indiqué au point 30 ci-dessus, elle souligne que, sans cette aide, lesdits bénéficiaires n'auraient pas pu faire face aux dépenses liées à l'achat d'un nouveau véhicule industriel.

83.
    Or, d'après la jurisprudence, des aides qui, comme en l'espèce, couvrent une partie des coûts d'un investissement de rénovation qui doit s'effectuer périodiquement sont des aides au fonctionnement (voir arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, 62/87 et 72/87, Rec. p. 1573, points 31 à 34). De telles aides, qui visent à libérer les entreprises bénéficiaires de tout ou partie des coûts qu'elles auraient dû normalement supporter dans le cadre de leur gestion courante ou de leurs activités normales, faussent en principe la concurrence (voir arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675, points 48 et 77, et Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 43). En l'espèce, l'avantage procuré aux entreprises bénéficiaires par l'intervention publique a effectivement, ainsi que la Commission l'affirme dans la décision attaquée, renforcé leur position financière et leurs possibilités d'action, les favorisant ainsi par rapport à leurs concurrents, d'Espagne ou d'autres États membres, qui n'ont pas pu, en raison de leur taille, accéder à l'aide contestée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 24).

84.
    En outre, ainsi que la Commission le souligne (point IV, neuvième alinéa, des considérants de la décision attaquée), même si les conditions fixées dans la convention du 27 septembre 1994, mentionnée au point 3 ci-dessus, n'écartaient pas formellement les PME non établies en Espagne du bénéfice du PRI, il n'en demeure pas moins que, dans les faits, elles exposaient ces dernières à des frais supplémentaires, ainsi que la requérante l'admet elle-même. En subordonnant le bénéfice de l'aide au retrait de la circulation d'un véhicule immatriculé en Espagne, le PRI obligeait en effet les transporteurs non établis dans cet État, s'ils souhaitaient profiter d'une subvention, à conclure un accord préalable avec un opérateur local, portant sur le retrait du marché, par ce dernier, d'un tel véhicule, alors que les transporteurs locaux pouvaient bénéficier directement de cette subvention sans devoir recourir à de tels arrangements. C'est donc à bon droit que la Commission (point IV, dixième alinéa, des considérants de la décision attaquée) a conclu que l'octroi d'aides en vertu du PRI «[avait] aussi [conduit] à une distorsion de la concurrence entre transporteurs établis en Espagne et transporteurs opérant en Espagne mais établis dans d'autres États membres».

85.
    Le fait, allégué par la requérante, que ce désavantage ait été largement compensé par la faiblesse des taux d'intérêt appliqués dans les autres États membres, outre qu'il n'est étayé par aucun élément concret, ne saurait conduire à écarter la constatation selon laquelle l'intervention des pouvoirs publics espagnols dans le cadre du PRI a conduit à un changement artificiel des conditions de la concurrence découlant de l'application normale des lois du marché. Du reste, une intervention publique ne saurait échapper à la qualification d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité au motif que, nonobstant l'avantage qu'elle a procuré à ses bénéficiaires, ceux-ci n'auraient, malgré tout, pas été placés dans une position aussi favorable que celle de leurs concurrents des autres États membres.

86.
    Ainsi que la Commission le souligne à juste titre dans la décision attaquée, lorsque, comme en l'espèce, une aide financière accordée par un État ou au moyen de ressources d'État renforce la position d'entreprises par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide (voir arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 11, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 47; arrêt Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 50). De plus, une aide peut être de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser la concurrence, même si l'entreprise bénéficiaire, se trouvant en concurrence avec les entreprises d'autres États membres, ne participe pas elle-même aux activités transfrontalières. En effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, l'offre intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres d'offrir leurs services vers le marché de cet État membre sont diminuées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303/88, Rec. p. I-1433, point 27).

87.
    Or, la requérante ne conteste pas l'appréciation de la Commission selon laquelle le secteur des transports routiers est caractérisé par un excès de capacité (point V, quinzième alinéa, des considérants de la décision attaquée). En outre, il est constant que le PRI autorisait qu'un véhicule usagé relevant des catégories B, C ou D soit remplacé par un véhicule neuf appartenant à une catégorie supérieure (point I, dernier alinéa, des considérants de la décision attaquée), ce qui, la requérante ne le conteste pas, s'est d'ailleurs vérifié dans 12,3 % des cas (point III, neuvième alinéa, des considérants de la décision attaquée). Un tel élément a donc accentué la surcapacité dans ce secteur.

88.
    C'est donc à bon droit que la Commission (point IV, dernier alinéa, des considérants de la décision attaquée) a considéré que les échanges intracommunautaires avaient pu être affectés par l'octroi de la subvention litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 51).

89.
    Quels qu'aient pu être, dans le secteur d'activité considéré, le pourcentage de véhicules industriels subventionnés par rapport au parc de véhicules industriels global et la part de marché des PME bénéficiaires des aides, il n'en demeure pas moins que la concurrence communautaire a été faussée et les échanges entre États membres affectés dans cette mesure.

90.
    S'agissant de l'argument fondé sur le caractère peu compétitif des véhicules concernés par le PRI, il convient de souligner que l'aide était précisément subordonnée au remplacement d'un véhicule de plus de dix ans par un véhicule neuf. Ce faisant, le PRI a, ainsi que la Commission le soutient à juste titre dans ses écritures, renforcé la position concurrentielle des entreprises bénéficiaires, en résorbant leur désavantage lié à la vétusté du véhicule remplacé.

91.
    Enfin, il convient d'écarter les arguments de la requérante tirés du caractère modeste de l'aide, de son impact limité sur la décision des entreprises de recourir au PRI et de son absence de répercussion sur les tarifs pratiqués par celles-ci.

92.
    En effet, selon la jurisprudence, si l'avantage accordé par les pouvoirs publics à une entreprise est réduit, la concurrence est faussée de manière réduite, mais elle est néanmoins faussée. Or, l'interdiction visée à l'article 92, paragraphe 1, du traité s'applique à toute aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence, quel qu'en soit le montant, dans la mesure où elle affecte les échanges entre États membres (voir arrêt Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 46). À cet égard, l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir arrêts de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, point 43, Espagne/Commission, cité au point 73 ci-dessus, points 40 à 42, et Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 48). Ainsi, les aides d'une importance relativement faible sont de nature à affecter les échanges entre les États membres lorsque le secteur enquestion est marqué par une vive concurrence (arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 27), ce qui est le cas du secteur du transport de marchandises par route, caractérisé par la présence d'un grand nombre d'entreprises de faible dimension.

93.
    Par ailleurs, la requérante elle-même reconnaît que, sans la subvention litigieuse, ses bénéficiaires n'auraient pas pu faire face à la dépense liée au renouvellement de leur parc de véhicules industriels (voir ci-dessus point 30). Quels qu'aient été les autres motifs ayant incité ces bénéficiaires à recourir au PRI et les répercussions de l'avantage ainsi obtenu sur leurs tarifs, il est donc indéniable que la subvention en cause les a aidés à améliorer leurs moyens d'action, renforçant ainsi leur position par rapport à leurs concurrents locaux et étrangers, réels ou potentiels.

94.
    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission a, à bon droit, conclu que les échanges entre États membres avaient été affectés et la concurrence faussée ou menacée d'être faussée du fait de l'octroi des aides visées à l'article 3 de la décision attaquée. Contrairement à ce que la requérante soutient, la jurisprudence n'exige pas, pour qu'il soit conclu en ce sens, que la distorsion de concurrence, ou la menace d'une telle distorsion, et l'affectation des échanges intracommunautaires soient sensibles ou substantielles (voir arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, cité au point 92 ci-dessus, points 42 et 43, et Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 46).

95.
    En conséquence, il y a lieu de rejeter l'argumentation de la requérante visant à contester le bien-fondé de l'analyse de la Commission sur ce point.

Sur la motivation

- Arguments des parties

96.
    La requérante reproche à la Commission de se limiter, dans la décision attaquée, à une allusion théorique à la libéralisation formelle des secteurs du transport routier, sans examiner la situation réelle du marché concerné, la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, la position des entreprises concurrentes et les courants d'échanges des services en cause entre les États membres, contrairement à ce que requerrait la jurisprudence (arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 24, et du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151, point 54).

97.
    En outre, la Commission ne motiverait pas son rejet tacite des arguments exposés au cours de la procédure administrative quant à l'absence de distorsion significative de la concurrence et d'affectation des échanges entre États membres,contrairement à ce qu'exigerait la jurisprudence (arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 43).

98.
    La requérante, s'appuyant sur la jurisprudence mentionnée au point 96 ci-dessus, soutient encore que la Commission est tenue à une obligation de motivation beaucoup plus poussée, en ce qui concerne la distorsion de la concurrence et l'affectation des échanges intracommunautaires, en présence d'aides accordées illégalement.

99.
    La Commission explique les raisons pour lesquelles, selon elle, la jurisprudence citée au point 96 ci-dessus n'est pas applicable en l'espèce. Elle estime avoir satisfait aux exigences de motivation posées par la jurisprudence, en exposant dans la décision attaquée les circonstances expliquant que le PRI a été de nature à affecter les échanges entre États membres. Elle ajoute encore que, lorsque, comme en l'espèce, les aides ne lui ont pas été notifiées, la jurisprudence ne lui impose pas de démontrer les effets réels de ces aides sur la concurrence et sur les échanges intracommunautaires (arrêt du 14 février 1990, France/Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 33).

- Appréciation du Tribunal

100.
    S'il peut ressortir, dans certains cas, des circonstances mêmes dans lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de la décision (arrêts de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 38, et Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, cité au point 96 ci-dessus, point 24).

101.
    En l'espèce, les passages de la décision attaquée visés aux points 76 à 79 ci-dessus comportent un exposé suffisant des faits et considérations juridiques pris en compte dans l'appréciation des conditions de distorsion de la concurrence et d'affectation des échanges interétatiques. De telles indications permettent à la requérante et au juge de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les aides contestées remplissaient ces conditions.

102.
    Contrairement à ce que la requérante soutient, il n'incombait pas à la Commission de procéder à une analyse économique de la situation réelle du marché concerné, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d'échanges des services en cause entre les États membres, dès lors qu'elle avait exposé en quoi les aides litigieuses faussaient la concurrence et affectaient les échanges entre États membres (voir, en ce sens, arrêts Philip Morris/Commission, cité au point 86 ci-dessus, points 9 à 12, et Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 67).

103.
    En outre, dans le cas d'aides accordées illégalement, la Commission n'est pas tenue de faire la démonstration de l'effet réel que ces aides ont eu sur la concurrence et sur les échanges entre États membres. En effet, une telle obligation aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification de l'article 93, paragraphe 3, du traité, au détriment de ceux qui notifient les aides à l'état de projet (voir arrêts du 14 février 1990, France/Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 33, et Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 67).

104.
    Enfin, outre la jurisprudence rappelée au point 58 ci-dessus, il convient de souligner que, dans la motivation des décisions qu'elle est amenée à prendre pour assurer l'application des règles de concurrence, la Commission n'est pas obligée de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44/90, Rec. p. II-1, point 41, et la jurisprudence citée, Siemens/Commission, cité au point 83 ci-dessus, point 31, et Vlaams Gewest/Commission, cité au point 59 ci-dessus, point 63), ce qu'elle a fait en l'espèce.

105.
    En conclusion, l'argumentation de la requérante fondée sur un défaut de motivation quant aux critères de distorsion de la concurrence et d'affectation des échanges entre États membres doit être écartée.

106.
    En conséquence, la deuxième branche du moyen examiné doit être intégralement rejetée.

Sur la troisième branche du moyen

Arguments des parties

107.
    La requérante soutient que, même à admettre que le PRI ait affecté la concurrence et le commerce entre États membres, il devrait être déclaré compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

108.
    La Commission ne formule pas de commentaire à ce sujet.

Appréciation du Tribunal

109.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que la Commission jouit, pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (arrêts Philip Morris/Commission, citéau point 86 ci-dessus, point 24, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 55). L'appréciation de la compatibilité ou de l'incompatibilité avec le marché commun d'une aide d'État soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l'appréciation de faits et de circonstances économiques et sociales complexes, susceptibles de se modifier rapidement (arrêts de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 15, du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 36, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169/95, Rec. p. I-135, point 18).

110.
    Dans ces conditions, il appartient uniquement au juge communautaire, dans le cadre d'un recours en annulation, de vérifier si la décision de la Commission de ne pas appliquer aux aides litigieuses la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité est entachée d'une des causes d'illégalité prévues à l'article 173 du traité, sans pouvoir substituer son appréciation en fait, notamment sur le plan économique, à celle de l'auteur de la décision (voir arrêt de la Cour du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 23; arrêt Ladbroke Racing/Commission, cité au point 52 ci-dessus, point 147). Le contrôle juridictionnel doit donc, en pareille hypothèse, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté et de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de détournement de pouvoir (voir arrêts Matra/Commission, précité, point 25, et du 29 février 1996, Belgique/Commission, cité au point 53 ci-dessus, point 11; arrêts du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T-106/95, Rec. p. II-229, point 101, Ladbroke Racing/Commission, cité au point 52 ci-dessus, point 148, et du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 79).

111.
    En l'espèce, la requérante n'avance pas le moindre élément qui puisse amener à considérer que la décision attaquée, en ce qu'elle porte refus par la Commission d'appliquer, au terme de l'analyse détaillée exposée au point V des considérants, la dérogation prévue par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité aux aides visées à l'article 3 de ladite décision, soit entachée d'une quelconque illégalité.

112.
    En conclusion, le second moyen doit être intégralement écarté.

2. Sur les premier et troisième moyens, pris des violations des principes de protection de la confiance légitime, de proportionnalité, d'égalité de traitement et d'«interdiction de l'arbitraire», ainsi que de l'article 190 du traité, tendant à l'annulation de l'article 4 de la décision attaquée

113.
    Par les premier et troisième moyens, la requérante cherche à obtenir l'annulation de l'article 4 de la décision attaquée, lequel oblige le royaume d'Espagne à supprimer et à récupérer auprès de leurs bénéficiaires les aides visées à l'article 3. Au soutien de ces deux moyens, elle invoque, en les argumentant, des motifs tirés de la violation des principes de protection de la confiance légitime et deproportionnalité, ainsi que de l'obligation de motivation. Elle fait aussi état de motifs liés à la violation des principes d'égalité de traitement et d'«interdiction de l'arbitraire». À défaut de développement particulier sur ces derniers motifs dans les écritures de la requérante, il y a lieu de considérer que ceux-ci se confondent avec les trois motifs précédemment visés.

Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

114.
    Au soutien de ce motif, la requérante allègue, en premier lieu, l'existence de circonstances exceptionnelles ayant amené les bénéficiaires des aides à croire en la régularité de celles-ci. En second lieu, elle soutient que la durée de la procédure administrative a aussi inspiré une confiance légitime auxdits bénéficiaires.

Sur l'existence alléguée de circonstances exceptionnelles

- Arguments des parties

115.
    La requérante, après avoir souligné les objectifs de protection de l'environnement et de sécurité routière poursuivis par le PRI, fait valoir que la jurisprudence admet que, dans des circonstances exceptionnelles, le bénéficiaire d'une aide prétendument illégale ait pu légitimement croire au caractère régulier de ladite aide (arrêts de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 16, et du 10 juin 1993, Commission/Grèce, C-183/91, Rec. p. I-3131, point 18).

116.
    De telles circonstances exceptionnelles existeraient précisément en l'espèce. Premièrement, les bénéficiaires auraient conclu les prêts essentiellement auprès de banques privées, en dehors de toute intervention de l'administration publique, et sans se rendre compte, eu égard au manque de «culture européenne» dans les petites entreprises, que de tels prêts pouvaient receler des éléments d'aide publique. Deuxièmement, ils n'auraient à aucun moment été informés par les autorités espagnoles du déroulement de la procédure relative au PRI devant les autorités communautaires. Troisièmement, ils auraient légitimement douté que la mesure contenue dans le PRI puisse constituer une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Quatrièmement, eu égard au fait que le PRI avait été présenté comme une mesure générale visant à la rénovation du parc de véhicules industriels de toutes les PME, ils auraient raisonnablement pu considérer que ce régime était couvert par la règle «de minimis» contenue dans la communication de la Commission relative aux aides de minimis (JO 1996, C 68, p. 9).

117.
    La requérante fait valoir, en se fondant sur l'arrêt de la Cour du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, Rec. p. 4617), sur les conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, cité aupoint 109 ci-dessus (Rec. p. I-138, I-146 et I-147), ainsi que sur l'article 14, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité (JO L 83, p. 1), que des entreprises bénéficiaires d'aides sont recevables à invoquer leur confiance légitime devant le juge communautaire pour s'opposer à la restitution desdites aides. Elle soutient également que, compte tenu du fait que le PRI avait été présenté à l'époque comme une mesure générale, et eu égard à la complexité de la notion d'aide d'État au sens du droit communautaire, la condition d'octroi de la subvention liée au retrait de la circulation d'un véhicule immatriculé en Espagne n'a pas pu conduire les bénéficiaires à se douter que le PRI pouvait comporter une aide publique contraire à l'article 92, paragraphe 1, du traité.

118.
    La Commission affirme que le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être utilement invoqué devant la juridiction communautaire (arrêts Siemens/Commission, cité au point 83 ci-dessus, et Ladbroke Racing/Commission, cité au point 52 ci-dessus). Elle estime que, en tout état de cause, les circonstances invoquées par la requérante ne sauraient être regardées comme exceptionnelles.

- Appréciation du Tribunal

119.
    Il convient, à titre liminaire, d'observer que la requérante ne soutient pas que les PME qu'elle représente en l'espèce ne se sont pas rendu compte, à l'époque, de ce que les crédits qui leur avaient été accordés pour l'achat d'un véhicule industriel neuf dans le cadre du PRI l'avaient été à un taux d'intérêt préférentiel. Il y a donc lieu de considérer que ces entreprises ont été clairement conscientes de l'avantage et, donc, de l'aide, découlant de la réduction d'intérêts consentie sur ces crédits.

120.
    Il est en outre constant que le PRI n'a pas été mis en oeuvre dans le respect de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 3, du traité.

121.
    Or, il est de jurisprudence constante que, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l'article 93 du traité, les entreprises ne sauraient, en principe, avoir une confiance légitime dans la régularité de l'aide dont elles ont bénéficié que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée (voir arrêts de la Cour Commission/Allemagne, cité au point 115 ci-dessus, point 14; du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, cité au point 109 ci-dessus, point 51, et du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C-24/95, Rec. p. I-1591, point 25).

122.
    Certes, la jurisprudence n'exclut pas la possibilité pour les bénéficiaires d'une aide illégale d'invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder leur confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide, pour s'opposer à son remboursement (arrêts Commission/Allemagne etCommission/Grèce, cités au point 115 ci-dessus, respectivement point 16 et point 18; voir également arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126/96 et T-127/96, Rec. p. II-3437, point 69).

123.
    Toutefois, indépendamment du point de savoir si les bénéficiaires d'une aide illégale sont ou non recevables à invoquer de telles circonstances devant le juge communautaire, force est de constater qu'aucune des circonstances avancées en l'espèce par la requérante ne saurait, en tout état de cause, être retenue.

124.
    Ainsi, le fait que les prêts ont été accordés essentiellement par des banques privées, en dehors de toute intervention directe de l'administration publique, ne saurait conduire à conclure que les bénéficiaires desdits prêts n'ont pas pu se douter de l'origine étatique des bonifications d'intérêts consenties sur ces opérations.

125.
    En effet, il ressort tout d'abord des extraits de presse joints par la Commission en annexe B à ses réponses du 10 mars 2000 aux questions écrites du Tribunal que le PRI a fait l'objet, à l'époque, d'une vaste campagne de sensibilisation de la part des autorités ministérielles espagnoles («una intensa campaña del ministerio [de Industria] a partir de septiembre u octubre», El Pais du 9 août 1994) et que les articles qui lui ont été consacrés par la presse quotidienne ont clairement fait état de l'origine étatique des aides ainsi accordées («El Gobierno abonará 93.193 pesetas por cada millón invertido en comprar vehículos industriales», El Pais du 28 septembre 1994). Ensuite, la requérante ne saurait raisonnablement contester que la condition liée au retrait d'un véhicule usagé du marché ne se rencontre pas dans le cadre de l'octroi d'un prêt ordinaire par un organisme privé. Enfin, le fait, allégué par la requérante elle-même, que le PRI fut présenté comme une mesure visant à la rénovation du parc de véhicules industriels des PME ne permettait guère de douter de l'origine publique d'une telle mesure. Compte tenu de ces différents éléments, les bénéficiaires des aides ont nécessairement pris conscience du fait que lesdites aides procédaient d'une intervention des pouvoirs publics espagnols, et non d'une initiative privée.

126.
    S'agissant de la prétendue ignorance, dans les PME, de la réglementation applicable aux aides publiques et de la complexité de la notion d'aide d'État, elles ne sauraient être regardées comme des circonstances exceptionnelles susceptibles de fonder une quelconque confiance légitime dans la régularité des aides consenties. Les bénéficiaires d'aides ne sauraient, du reste, sur la base de considérations liées à leur taille, être dispensés de se tenir informés des règles de droit communautaire, sous peine de porter atteinte à l'effet utile de ce droit.

127.
    Le fait que les bénéficiaires des aides n'aient pas été informés par les autorités espagnoles du déroulement de la procédure administrative relative au PRI, même à le supposer fondé, ne saurait, lui non plus, être considéré comme une circonstance exceptionnelle ayant pu fonder leur confiance légitime quant à larégularité des aides. Au surplus, la décision de la Commission d'entamer la procédure formelle d'examen prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 13 septembre 1996 (JO C 266, p. 10). La Commission y déclarait qu'elle jugeait illégal le régime d'aide en cause et elle exprimait des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. Elle se réservait «le droit, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice, de prendre une décision enjoignant [à] l'État membre de récupérer toute aide octroyée illégalement, tel qu'il a été rappelé aux États membres dans la communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes n° C 156 du 22 juin 1995, p. 5».

128.
    Le simple fait que la qualification de la mesure contenue dans le PRI d'aide d'État au sens de l'article 92 du traité ait pu apparaître douteuse aux bénéficiaires est, de toute évidence, insuffisant pour justifier une quelconque confiance légitime de leur part dans la régularité des aides perçues.

129.
    Quant à la circonstance que le PRI a été présenté à l'époque comme une mesure générale visant à la rénovation du parc de véhicules industriels des PME, outre ce qui a été exposé au point 125 ci-dessus, elle aurait dû amener les bénéficiaires à douter de la compatibilité des aides avec le marché commun, dans la mesure où une telle présentation faisait clairement ressortir le caractère sélectif de ce régime d'aide. En tout état de cause, cet élément ne saurait être regardé comme une circonstance exceptionnelle ayant pu conduire les bénéficiaires à penser que le PRI n'allait rencontrer aucune objection de la part de la Commission.

130.
    Enfin, l'argument fondé sur la communication de la Commission relative aux aides de minimis ne saurait non plus être retenu. Cette communication exclut en effet expressément du champ d'application de ladite règle les aides accordées dans le secteur des transports.

131.
    En conclusion, il y a lieu d'écarter l'argumentation de la requérante fondée sur l'existence de circonstances exceptionnelles susceptibles de justifier la confiance des bénéficiaires des aides dans la régularité de ces dernières.

Sur la durée de la procédure administrative

- Arguments des parties

132.
    La requérante, se référant à l'arrêt RSV/Commission, cité au point 117 ci-dessus, soutient que la durée excessive de la procédure administrative a conduit les bénéficiaires à croire en la régularité de la mesure contenue dans le PRI. Elle affirme que les autorités espagnoles ont fourni à la Commission les renseignements souhaités à propos du PRI, de sorte qu'elles ne sauraient être tenues pour responsables de la longueur de la procédure administrative. Une fois en possession de ces renseignements, la Commission aurait attendu 17 mois avant d'ouvrir laprocédure formelle de l'article 93 du traité. La Commission aurait en définitive reconnu, après 41 mois d'enquête, que la mesure visée par le PRI ne constituait pas, dans certains cas, une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

133.
    La requérante affirme que la décision attaquée ne fait aucunement état d'une quelconque réticence des autorités espagnoles à fournir à la Commission les informations nécessaires au bon déroulement de la procédure administrative. Elle ajoute que, en tout état de cause, un prétendu manque de collaboration des autorités espagnoles ne saurait justifier la longueur de ladite procédure, dès lors que la jurisprudence reconnaît à la Commission le droit d'enjoindre à l'État membre de lui fournir les documents, informations et données nécessaires à l'examen de la compatibilité de l'aide en cause avec le marché commun, ainsi que le droit, si l'État membre en question n'obtempère pas, de mettre fin à la procédure et de prendre une décision finale sur la base des éléments dont elle dispose (arrêt du 14 février 1990, France/Commission, cité au point 97 ci-dessus, points 19 et 22).

134.
    Elle souligne également que, lorsque la Commission décide d'ouvrir la procédure formelle, elle doit la mener à son terme dans un délai raisonnable (ordonnance de la Cour du 11 juillet 1979, Fédération nationale des producteurs de vins de table et vins de pays/Commission, 59/79, Rec. p. 2425). Elle ajoute que, dans sa décision 92/329/CEE, du 25 juillet 1990, relative à l'aide accordée par le gouvernement italien à un fabricant de produits ophtalmologiques (Industrie ottiche riunite - IOR) (JO 1992, L 183, p. 30), la Commission a jugé inopportun d'en exiger le remboursement eu égard au délai qui s'était écoulé entre la date à laquelle elle avait eu connaissance de cette aide et celle de l'adoption de sa décision.

135.
    Elle soutient encore que les transporteurs espagnols les mieux informés sur la législation européenne en raison de leur accès aux documents officiels concernant celle-ci n'ont pu prendre connaissance des doutes de la Commission sur la régularité de la mesure litigieuse qu'en septembre 1996 - date de la publication au Journal officiel des Communautés européennes de la décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle de l'article 93, paragraphe 2, du traité -, soit deux ans après la mise en oeuvre du PRI. L'écoulement d'une période aussi longue aurait conféré aux bénéficiaires des aides une confiance légitime dans la régularité de celles-ci.

136.
    La Commission affirme que la longueur de la procédure administrative a été proportionnelle à la difficulté du cas d'espèce et que, en tout état de cause, elle est imputable, dans une large mesure, au manque de coopération des autorités espagnoles, tant au cours de la procédure préliminaire qu'au cours de la procédure formelle d'examen du régime litigieux. Elle réfute le parallèle établi par la requérante entre le cas d'espèce et l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt RSV/Commission, cité au point 117 ci-dessus. Se fondant sur l'arrêt du Tribunal du18 septembre 1995, SIDE/Commission (T-49/93, Rec. p. II-2501, points 83 et suivants), elle souligne encore que, lorsqu'un État membre ne lui fournit pas les informations demandées, elle peut décider, eu égard aux circonstances particulières du dossier, d'attendre de disposer d'informations plus complètes avant de prendre sa décision, plutôt que de mettre fin à la procédure et de se prononcer sur la compatibilité des aides en se fondant sur les seuls éléments dont elle dispose.

- Appréciation du Tribunal

137.
    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la mesure d'aide en cause n'a pas été notifiée à la Commission, de sorte que, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 122 ci-dessus, ses bénéficiaires ne sauraient en principe, sauf circonstances exceptionnelles, se prévaloir d'une confiance légitime dans la régularité de cette aide pour s'opposer à son remboursement. Il incombe donc de vérifier si, en l'espèce, la longueur de la procédure administrative a revêtu un caractère exceptionnel au point d'avoir pu fonder une telle confiance.

138.
    À cet égard, il convient d'abord de constater que, d'après les pièces relatives à la correspondance échangée entre la Commission et les autorités espagnoles au cours de la procédure administrative (annexe C aux réponses de la Commission du 10 mars 2000 aux questions écrites du Tribunal), ces dernières, qui n'avaient pas notifié le PRI à la Commission, ont fourni à celle-ci, à sa demande, les premières informations relatives à ce régime d'aide par lettre du 6 mars 1995 - parvenue à la Commission le 7 avril 1995 -, soit plus de sept mois après leur décision du 28 juillet 1994 d'adopter celui-ci (voir ci-dessus point 2).

139.
    Après examen de ces premières informations, il est apparu à la Commission que des indications complémentaires s'avéraient nécessaires, ce qui l'a conduite à adresser, le 6 juillet 1995, une demande de renseignements à laquelle les autorités espagnoles ont répondu par lettre du 26 juillet 1995. Ce n'est que par cette dernière lettre, soit un an après l'adoption du PRI, que la Commission a obtenu copie de la convention du 27 septembre 1994 fixant les modalités de fonctionnement de ce dernier.

140.
    Le 20 février 1996, la Commission a adressé aux autorités espagnoles une nouvelle demande de renseignements portant sur certaines conditions figurant dans la convention susmentionnée, sur les résultats concrets, au 31 décembre 1995, de l'application du PRI, ainsi que sur la durée moyenne d'immatriculation des véhicules industriels en Espagne. Les autorités espagnoles ont communiqué les informations demandées par lettre du 14 mars 1996, parvenue à la Commission le 18 mars 1996.

141.
    Il ressort de ces différents éléments que le retard pris dans l'ouverture puis dans le déroulement de la procédure préliminaire d'examen de la compatibilité du régime d'aide litigieux incombe en premier lieu aux autorités espagnoles qui, nonseulement ont adopté et mis en oeuvre ce régime en violation du devoir de notification énoncé à l'article 93, paragraphe 3, du traité, mais ont ensuite tardé à fournir à la Commission toutes les informations utiles à son sujet.

142.
    Dans de telles conditions, la Commission a pu raisonnablement s'accorder un délai de réflexion de trois mois, à compter du 18 mars 1996, avant de communiquer aux autorités espagnoles, par lettre du 26 juin 1996, sa décision d'entamer la procédure formelle d'examen prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité (voir arrêt du 14 février 1990, France/Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 27).

143.
    Au vu de ces circonstances, la durée globale de la procédure préliminaire d'examen des aides ne saurait, de toute évidence, être regardée comme exceptionnelle et, partant, n'a pas pu susciter une confiance légitime dans la régularité de ces aides, qui puisse faire obstacle à leur récupération.

144.
    La durée de la procédure formelle d'examen n'a pas pu davantage inspirer aux bénéficiaires une confiance légitime dans la régularité des aides litigieuses, parce que les personnes intéressées ont été informées, au plus tard le 13 septembre 1996, du contenu de la lettre adressée le 26 juin 1996 par la Commission aux autorités espagnoles, lettre dans laquelle la Commission jugeait les aides illégales, exprimait des doutes quant à leur compatibilité avec le marché commun et évoquait leur possible récupération.

145.
    Dans ces conditions, la durée, d'environ deux ans, de cette procédure formelle - durée qui, d'après les indications de la décision attaquée, confirmées par les pièces relatives à la correspondance échangée entre la Commission et les autorités espagnoles pendant cette procédure, s'explique, d'une part, par les divers contacts, formels et informels, nécessités par la complexité du dossier et, d'autre part, par la circonstance que la Commission n'a disposé que le 23 février 1998 de tous les éléments d'informations indispensables à son appréciation de la licéité des aides litigieuses - ne saurait avoir incité les bénéficiaires à croire raisonnablement que les doutes émis par l'institution dans sa lettre du 26 juin 1996 ne subsistaient plus et que les aides ne rencontraient plus d'objection (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 1990, France/Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 28).

146.
    La circonstance que la Commission a, en définitive, autorisé, dans sa décision du 1er juillet 1998, une partie des aides accordées en application du PRI ne saurait, pour sa part, être utilement avancée pour justifier une prétendue confiance légitime des bénéficiaires, au cours de la procédure administrative, dans la régularité du régime d'aide litigieux.

147.
    Enfin, s'il est vrai que, dans l'arrêt RSV/Commission, cité au point 117 ci-dessus, la Cour a estimé que le délai de 26 mois pris par la Commission pour adopter sa décision dans cette affaire avait pu faire naître chez la requérante une confiance légitime de nature à empêcher l'institution d'enjoindre aux autorités nationalesconcernées d'ordonner la restitution de l'aide en question (voir point 17 des motifs), il importe de souligner les circonstances particulières de cette affaire.

148.
    L'aide en cause avait fait l'objet, certes après son versement au bénéficiaire, d'une procédure de notification formelle à la Commission. Elle se rattachait à des coûts supplémentaires liés à une opération qui avait déjà fait l'objet d'aides autorisées par la Commission. Elle concernait un secteur qui, depuis 1977, avait reçu des autorités nationales des aides autorisées par la Commission. L'examen de sa compatibilité avec le marché commun n'avait pas nécessité une recherche approfondie. La Cour en a déduit que la requérante avait pu, dans ces conditions, raisonnablement croire que l'aide ne rencontrait pas d'objection de la Commission (voir points 14 à 16 des motifs).

149.
    De tels éléments différencient fondamentalement ce cas d'espèce de la présente affaire.

150.
    En l'espèce, il est constant que le PRI n'a jamais été notifié par les autorités espagnoles à la Commission.

151.
    En outre, il ressort des éléments de réponse fournis par la Commission au Tribunal le 10 mars 2000 que le PRI ne s'est pas inscrit dans le prolongement d'un régime analogue d'aide à l'achat de véhicules industriels antérieurement approuvé par la Commission. Cette dernière indique qu'elle avait autorisé, par le passé, un autre «Plan Renove», lequel était destiné cependant, à la différence du PRI, à l'achat de véhicules particuliers. Il découle également des réponses susvisées de la Commission que les seules aides publiques précédemment accordées, avec l'approbation de la Commission, aux PME espagnoles actives dans le secteur du transport de marchandises avaient un objet et une finalité tout autres que ceux des aides versées dans le cadre du PRI. Il s'agissait en effet de mesures destinées à encourager la retraite anticipée de transporteurs, la coopération entre entreprises et la réduction de la capacité du secteur.

152.
    Enfin, les mentions de la décision attaquée, confirmées par les pièces se rapportant aux échanges de correspondance entre la Commission et les autorités espagnoles au cours de la procédure administrative, montrent que l'appréciation du PRI au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité a nécessité de nombreuses demandes d'informations de la part de l'institution.

153.
    Dans ces conditions, la requérante ne saurait utilement se prévaloir en l'espèce de l'arrêt RSV/Commission, cité au point 117 ci-dessus.

154.
    En conclusion, il convient d'écarter l'argumentation de la requérante fondée sur la durée de la procédure administrative.

Sur la violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

155.
    La requérante fait d'abord valoir que la récupération d'aides illégales doit être motivée par la gravité et l'ampleur de l'infraction (arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 54). Elle ne pourrait être imposée que dans le respect du principe de proportionnalité (arrêt du 14 février 1990, France/Commission, cité au point 97 ci-dessus, points 59 à 62, et ordonnance du président de la Cour du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399/95 R, Rec. p. I-2441, point 67; arrêt Cityflyer Express/Commission, cité au point 59 ci-dessus, points 54 et 55). Elle serait en outre facultative, et non automatique (arrêt de la Cour du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901), ainsi que la Commission l'aurait admis dans sa communication du 13 mai 1991, rectifiant celle du 4 mars 1991, relative aux aides mises en vigueur en violation des règles de l'article 93, paragraphe 3, du traité.

156.
    Ensuite, la requérante fait état d'une série de décisions dans lesquelles la Commission n'a pas exigé la récupération d'aides illégales. Dans certaines de ces affaires, les motifs invoqués par la Commission à cet effet auraient tenu à la contribution des aides à la protection de l'environnement, au caractère marginal de l'avantage consenti ou encore à la confiance légitime, motifs qui auraient dû être retenus en l'espèce.

157.
    La requérante conclut que l'injonction adressée au royaume d'Espagne de récupérer les aides accordées à chacun des bénéficiaires du PRI est totalement disproportionnée. Le préjudice qui en découlerait pour ces bénéficiaires serait en effet sans commune mesure avec la prétendue distorsion de concurrence liée à l'octroi des aides en question. Se référant à l'arrêt Cityflyer Express/Commission, cité au point 59 ci-dessus, la requérante ajoute que la règle de proportionnalité exige l'adoption des mesures nécessaires pour assurer un régime de saine concurrence dans le marché intérieur qui portent le moins atteinte à la promotion d'un développement harmonieux et équilibré des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté. Or, en l'espèce, en imposant la restitution des aides en cause, la Commission porterait atteinte au développement des activités économiques dans la Communauté, sans que la saine concurrence dans le marché intérieur s'en trouve favorisée, eu égard à l'absence d'affectation des échanges intracommunautaires par le PRI.

158.
    La Commission, se fondant sur la jurisprudence applicable à cette question, fait valoir que, en l'espèce, la récupération des aides est nécessaire en vue de rétablir les conditions de concurrence qui existaient avant leur octroi. Si, certes, la récupération des aides illégales peut ne pas être exigée dans des circonstances exceptionnelles, de telles circonstances feraient défaut en l'espèce. La Commission explique par ailleurs brièvement les raisons qui l'ont amenée à ne pas ordonner la récupération des aides dans les différentes décisions mentionnées par la requérante. Toutefois, de telles raisons n'existeraient pas en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

159.
    Il convient d'abord de rappeler que l'examen du second moyen n'a pas conduit à infirmer l'analyse de la Commission quant à l'incompatibilité avec le marché commun des aides, visées à l'article 3 de la décision attaquée, qui ont été accordées aux entreprises représentées par la requérante.

160.
    Or, il ressort d'une jurisprudence bien établie que, lorsque la Commission constate l'incompatibilité d'une aide d'État avec le marché commun, elle peut enjoindre à l'État membre concerné d'ordonner aux bénéficiaires sa restitution, la suppression d'une aide illégale par voie de récupération étant la conséquence logique de cette constatation, dans la mesure où elle permet le rétablissement de la situation antérieure (voir arrêts Deufil/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 24, du 21 mars 1990, Belgique/Commission, cité au point 92 ci-dessus, point 66, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, cité au point 109 ci-dessus, point 47).

161.
    De cette fonction de remboursement, il résulte que, en règle générale, sauf circonstances exceptionnelles, la Commission ne saurait méconnaître son pouvoir discrétionnaire, reconnu par la jurisprudence de la Cour (arrêt Deufil/Commission, cité au point 155 ci-dessus, point 24), lorsqu'elle demande à l'État membre de récupérer les sommes accordées au titre d'aides illégales, puisqu'elle ne fait que rétablir la situation antérieure (arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 66).

162.
    Le fait que, dans certains cas particuliers, la Commission n'a pas exigé la récupération des aides concernées ne saurait, quelles que puissent en être les raisons, autoriser à considérer qu'elle a méconnu, en l'espèce, son pouvoir discrétionnaire en enjoignant aux autorités espagnoles de procéder à la récupération d'aides octroyées illégalement et considérées, à juste titre, comme incompatibles avec le marché commun.

163.
    Il y a lieu, ensuite, de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25, et du 11 juillet 1989, Schräder, 265/87, Rec. p. 2237, point 21).

164.
    La récupération des aides illégales, dès lors qu'elle vise au rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d'aides d'État (arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, cité au point 92 ci-dessus, point 66, du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, cité au point 73 ci-dessus, point 75, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, cité au point 109 ci-dessus, point 47). Une telle mesure, même si elle est mise en oeuvre longtemps après l'octroi des aides en question, ne saurait constituer une sanction non prévue par le droit communautaire.

165.
    La circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle le remboursement des aides par leurs bénéficiaires causerait à ces derniers un préjudice d'une gravité bien plus importante que celle de la distorsion de la concurrence et de l'affectation des échanges intracommunautaires provoquées par l'octroi de ces aides, outre qu'elle n'est étayée par aucun élément concret, ne saurait, à cet égard, conduire à conclure au caractère disproportionné de l'obligation de récupération au regard des objectifs poursuivis par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, cité au point 92 ci-dessus, points 65 à 67, et du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, cité au point 73 ci-dessus, points 73 à 75).

166.
    Enfin, la requérante ne saurait utilement se prévaloir en l'espèce de l'arrêt Cityflyer Express/Commission, cité au point 59 ci-dessus.

167.
    Dans cette affaire, qui concernait un prêt accordé à un taux préférentiel par la Région flamande (Belgique) à une entreprise de transport aérien, le Tribunal a estimé que, eu égard aux circonstances de l'espèce, la Commission avait pu, à juste titre, qualifier d'aide incompatible avec le marché commun, et soumettre à l'obligation de récupération, la seule différence entre les intérêts que l'entreprise bénéficiaire du prêt aurait dû payer au taux du marché et ceux qu'elle avait effectivement versés (point 53 des motifs). Après avoir rappelé qu'une distinction de principe ne saurait être établie selon qu'une aide est accordée sous forme de prêt ou de participation au capital, le Tribunal a estimé que l'application uniforme du critère de l'investisseur privé dans l'un et l'autre cas pouvait néanmoins, compte tenu de la règle de proportionnalité, exiger l'adoption de mesures différentes pour supprimer les distorsions de concurrence constatées et rétablir la situation antérieure au versement de l'aide illégale (points 54 et 55). Sur cette base, le Tribunal a considéré que, s'agissant d'une participation au capital, la Commission était en droit de considérer que la suppression de l'avantage octroyé impliquait la restitution de l'apport en capital, alors que, s'agissant d'un prêt, elle était fondée, lorsque l'avantage concurrentiel réside dans le taux préférentiel accordé et non dans la valeur même des capitaux mis à disposition, à imposer, non pas la restitution pure et simple du principal, mais l'application du taux qui aurait été consenti dans des conditions normales de marché et la restitution de la différence entre les intérêts qui auraient été payés dans de telles conditions et ceux qui ont été effectivement versés sur la base du taux préférentiel accordé (point 56).

168.
    En l'espèce, les aides jugées incompatibles avec le marché commun correspondent aux réductions d'intérêts consenties sur les crédits accordés aux personnes physiques ou morales visées à l'article 3 de la décision attaquée, grâce à l'intervention des pouvoirs publics espagnols. Seules ces bonifications d'intérêts sont, de ce fait, visées par l'obligation de récupération contenue à l'article 4 deladite décision, de sorte qu'une violation du principe de proportionnalité ne saurait être reprochée à la Commission.

169.
    En conclusion, il y a lieu d'écarter l'argumentation de la requérante fondée sur une violation du principe de proportionnalité.

Sur la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

170.
    La requérante soutient que les explications figurant dans la dernière phrase du point VI des considérants de la décision attaquée ne constituent pas une motivation suffisante de l'obligation de récupération des aides litigieuses. Elle affirme que, compte tenu des nombreux cas dans lesquels la Commission s'est abstenue d'exiger la récupération d'aides illégales, celle-ci était tenue à une motivation particulière quant au fondement d'une telle obligation en l'espèce.

171.
    La Commission soutient que la motivation de la décision attaquée sur ce point est suffisante.

Appréciation du Tribunal

172.
    Il convient de rappeler que, en matière d'aides d'État, lorsque, contrairement aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité, les subventions projetées ont, comme en l'espèce, déjà été versées, la Commission, qui a le pouvoir d'enjoindre aux autorités nationales d'en ordonner la restitution, n'est pas tenue d'exposer les motifs spécifiques pour justifier de son exercice (voir arrêts du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, cité au point 73 ci-dessus, point 78, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 82).

173.
    En l'espèce, au point VI des considérants de la décision attaquée, la Commission rappelle que, à défaut pour le royaume d'Espagne de lui avoir notifié en temps utile le PRI conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité, elle considère ce régime comme illégal au regard du droit communautaire (premier alinéa). Elle rejette l'argument soulevé par les autorités espagnoles au cours de la procédure administrative, selon lequel la subvention litigieuse serait devenue légale en raison du laps de temps écoulé depuis l'entrée en vigueur du régime, en rappelant que le fait de mettre en oeuvre des mesures d'aide sans les lui avoir notifiées à l'état de projet constitue une infraction au droit communautaire pouvant donner lieu à récupération des aides avec intérêts (deuxième alinéa). Elle souligne que, dans sa lettre du 26 juin 1996 aux autorités espagnoles, elle a attiré leur attention sur le fait que toute aide accordée illégalement pouvait donner lieu à une décision ordonnant à l'État membre concerné de la récupérer. Elle indique que, dans sa lettre de réponse à l'ouverture de la procédure formelle d'examen, le royaume d'Espagnea fait valoir que, vu la faible importance des aides accordées, une décision exigeant leur remboursement serait contraire au principe de proportionnalité (troisième alinéa). Elle considère néanmoins que, en l'espèce, la récupération est nécessaire en vue de rétablir les conditions de concurrence équitables existant avant l'octroi de l'aide (quatrième alinéa).

174.
    La requérante ne faisant état d'aucun élément particulier qui aurait éventuellement pu appeler une motivation complémentaire de la part de la Commission, il y a lieu de conclure que les considérations visées au point précédent, qui prennent place, au demeurant, dans une décision expliquant de manière circonstanciée en quoi les aides soumises à restitution sont incompatibles avec le marché commun, constituent une motivation suffisante, au regard de l'article 190 du traité, de l'obligation de récupération contenue à l'article 4 de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1991, Italie/Commission, cité au point 86 ci-dessus, point 54, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 83).

175.
    Il convient donc de rejeter l'argumentation de la requérante fondée sur un défaut de motivation.

176.
    Compte tenu de tout ce qui précède, les premier et troisième moyens doivent être écartés.

177.
    En conclusion, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

178.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en toutes ses conclusions, elle supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Lenaerts

Azizi
Moura Ramos

            Jaeger                    Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'espagnol.