Language of document : ECLI:EU:T:2019:857

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

12 décembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Crystal – Marque nationale verbale antérieure CRISTAL – Motif relatif de refus – Absence de similitude des produits – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑648/18,

Super bock group, SGPS SA, établie à Leça do Balio (Portugal), représentée par Me J. P. Mioludo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. L. Rampini et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Agus sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 23 juillet 2018 (affaire R 299/2018-2), relative à une procédure d’opposition entre Unicer-Bebidas de Portugal, SGPS SA et Agus,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg (rapporteur) et Mme K. Kowalik-Bańczyk, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 octobre 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 13 juin 2019,

vu la question écrite du Tribunal à la requérante et sa réponse à cette question déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1         Le 19 janvier 2016, Agus sp. z o.o. a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Crystal.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Café, préparations végétales remplaçant le café, thé, cacao, pâtés [pâtisserie] (sucrés ou salés), soufflés sucrés ou salés, biscuits, aliments à base de céréales, plats partiellement ou totalement préparés à partir de produits de boulangerie, desserts sous forme de poudre, pain, préparations instantanées pour pain, petits pains, baguettes [pain], scones, bagels [petits pains], gâteaux-éponges, biscottes, biscuits (sucrés ou salés), gaufres, gaufres-crêpes ; entremets salés ou sucrés à partir de gâteaux secs, de produits panifiés, gâteaux, pâte à frire ; pâtisseries et confiseries ; produits de confiserie à base de lait, poudre pour gâteaux, mélanges pour gâteaux, desserts de boulangerie, chocolat, mousses au chocolat, caramels fourrés, produits chocolatiers, sucre candi, caramels durs et mous, caramels fourrés, sucreries à base de sucre moussant, confiseries allégées en sucre, sucreries à la gomme ou produits à sucer contenant des fruits liquides, desserts aromatisés à base de gélatine, paillettes (confiseries) pour pâtisserie, chips de maïs, chips de riz ; chips à base de céréales, boissons à base de chocolat et de cacao, glaces alimentaires, crèmes glacées, sauces sucrées, crèmes glacées [desserts], desserts préparés, gommes à mâcher, sucettes [confiseries], bâtonnets de glace, boissons glacées à base de café, chocolats ou cacao, boissons au café avec ou sans complément de lait, boissons au chocolat avec ou sans complément de lait, pâte à tartiner au chocolat, pâtes pour fabriquer des boissons au café, garnitures aromatisées pour desserts, en-cas à base de cake aux fruits ; paillettes de maïs ; préparations à base de céréales ; céréales pour petit déjeuner ; barres de céréales et barres énergétiques ; en-cas à base de farine de céréales ; céréales pour petit déjeuner, porridges et gruaux ; céréales de petit-déjeuner contenant un mélange de fruits et de fibres ; barres sucrées ; barres chocolatées ; barres de crème glacée ; barres au muesli ; confiseries en barre ; barres à base de muesli ; barres d’en-cas à base de graines ; barres renfermant un mélange de graines, de noix et de fruits séchés ; desserts glacés au lait sous forme de barres ; muesli ; flocons de blé ; flocons d’orge ; flocons d’avoine ; paillettes de maïs ; confiserie à base de produits laitiers ; en-cas principalement à base de confiseries ».  

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 44/2016, du 4 mars 2016.

5        Le 2 juin 2016, la requérante, Super bock group, SGPS SA (anciennement Unicer-Bebidas de Portugal, SGPS SA), a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque verbale portugaise CRISTAL, déposée le 21 mai 1992 et enregistrée le 10 janvier 1994 pour les produits relevant de la classe 32 et correspondant à la description suivante : « Bières et boissons non alcoolisées ».  

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].  

8        À la suite de la demande de l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, la requérante a apporté les éléments de preuve visant à établir l’usage sérieux de la marque nationale antérieure.  

9        Par décision du 16 décembre 2017, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité en estimant, d’une part, que la requérante avait apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque nationale antérieure pendant la période pertinente au Portugal uniquement en ce qui concerne les « bières » relevant de la classe 32 et, d’autre part, que, en l’absence de similitude entre les « bières » visées par la marque antérieure et les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 30, l’existence du risque de confusion devait être exclue.  

10      Le 9 février 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.  

11      Par décision du 23 juillet 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a conclu, à l’instar de la division d’opposition, à l’absence de risque de confusion en considérant qu’une des conditions cumulatives, à savoir, la similitude entre les produits en cause, n’était pas remplie. À cet égard, elle a relevé que les « bières » relevant de la classe 32 visées par la marque antérieure, pour lesquelles la preuve de l’usage sérieux avait été apportée, et les produits relevant de la classe 30 visés par la marque demandée n’étaient pas similaires eu égard au fait que leur nature, leur destination et leur utilisation étaient différentes, qu’ils ne présentaient pas de caractère concurrent ou complémentaire et qu’il n’avait pas été démontré que les producteurs de bières fabriquaient aussi les produits visés par la marque demandée.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande d’enregistrement ;

–        condamner l’EUIPO et l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en ce que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que les produits visés par les marques en conflit n’étaient pas similaires.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent et la comparaison des signes

18      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, au point 22 de la décision attaquée, que le public pertinent était composé des membres du grand public dont le niveau d’attention était moyen dans la mesure où les produits en cause étaient des aliments et des boissons. Cette appréciation n’est pas contestée par la requérante.

20      Il convient, par ailleurs, de rappeler qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 que l’existence d’un risque de confusion doit être appréciée à l’égard du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée (voir point 15 ci-dessus). Dès lors que, en l’espèce, la marque antérieure est une marque portugaise, le public pertinent est celui du Portugal, ainsi que l’a relevé la chambre de recours et ce qui est admis par la requérante.

21      S’agissant de la similitude des signes, la chambre de recours a constaté, au point 25 de la décision attaquée, que les signes en cause étaient très similaires. Cette appréciation n’est pas contestée par la requérante.

 Sur la comparaison des produits

22      S’agissant de la comparaison des produits visés par les marques en conflit, la requérante estime que c’est à tort que la chambre de recours a conclu qu’ils n’étaient pas similaires.

23      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante et estime que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude entre les produits visés par les marques en conflit.

24      Selon une jurisprudence bien établie, pour apprécier la similitude entre les produits visés par les marques en conflit, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée] ou encore la circonstance que les produits sont fréquemment vendus dans les mêmes points de vente spécialisés, qui est de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre eux et à renforcer l’impression que la responsabilité de leur fabrication incombent à la même entreprise [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑627/13, non publié, EU:T:2015:740, point 37 et jurisprudence citée].

25      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a procédé à la comparaison des « bières » relevant de la classe 32, visées par la marque antérieure et des « café, thé, boissons au chocolat, cacao » et « boissons connexes » relevant de la classe 30 visés par la marque demandée (ci-après les « boissons visées par les marques en conflit ») en partant de la prémisse que, si aucune similitude ne pouvait être constatée entre les produits qui partagent au moins le fait d’être des boissons, aucune similitude ne pourrait, a fortiori, être constatée à l’égard des autres aliments visés par la marque demandée, le seul fait avancé par la requérante selon lequel ces derniers et les « bières » visées par la marque antérieure étaient vendus « côte à côte » dans les établissements commerciaux n’étant pas suffisant pour établir une telle similitude.

26      Premièrement, la chambre de recours a conclu que les boissons visées par les marques en conflit étaient différentes eu égard à leur nature, dans la mesure où les boissons visées par la marque demandée n’étaient pas « alcoolisées », que, contrairement aux « bières », visées par la marque antérieure, elles n’étaient pas brassées à partir de malt, de sucre, de houblon, d’eau, de racines ou de feuilles et qu’elles ne possédaient aucune caractéristique propre à la bière.

27      Deuxièmement, selon la chambre de recours, les boissons visées par les marques en conflit diffèrent également par leur destination. Alors que la bière serait destinée à étancher la soif ou à induire un sentiment de bien-être, ou les deux, et qu’elle se consommerait froide, dans le cadre d’activités festives, récréatives et sociales, son effet sociabilisant et divertissant étant mis en avant, tel ne serait pas le cas des boissons visées par la marque demandée, lesquelles se consommeraient chaudes, mais n’auraient pas pour but d’étancher la soif.  

28      La chambre de recours a également estimé que les boissons visées par les marques en conflit n’étaient pas concurrentes, le café ou le thé ne saurait pas être choisi par le consommateur à la place de la bière.

29      Afin de contester ces appréciations de la chambre de recours, la requérante fait valoir, en premier lieu, que le public pertinent portugais a pour habitude de se rendre dans un restaurant ou dans un bar et de consommer une bière ainsi que de commander un café à l’occasion d’un repas. Elle déduit de cette circonstance, d’une part, que la personne souhaitant consommer de la bière considérera le café, le thé ou le cacao comme une « option acceptable » et, d’autre part,  que, contrairement à ce qu’a relevé ladite chambre, le café visé par la marque demandée a une « fonction sociale » à l’instar de la bière visée par la marque antérieure. Elle estime donc que ces produits ont la même nature, car ils sont tous les boissons et qu’ils sont substituables.

30      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours n’a pas exclu que les bières visées par la marque antérieure et les boissons visées par la marque demandée pourraient être consommées dans les mêmes établissements, ni même qu’elles pourraient être consommées les unes après les autres. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, le seul fait que tant la bière que le café, le thé, une boisson au chocolat ou le cacao sont servis dans un restaurant ou dans un bar ne permet pas de conclure qu’un consommateur qui se rend dans un tel établissement considérera un café, un thé, une boisson au chocolat ou un cacao comme une alternative à une bière.

31      À ce titre, premièrement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, afin de pouvoir considérer des produits comme étant concurrents, il faut qu’ils revêtent un rapport de substituabilité entre eux [voir arrêt du 4 février 2013, Hartmann/OHMI – Protecsom (DIGNITUDE), T‑504/11, non publié, EU:T:2013:57, point 42 et jurisprudence citée]. En l’espèce, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, certains boissons visées relevant de la classe 30 par la marque demandée pourraient avoir pour but d’étancher la soif, à l’instar des « bières » visées par la marque antérieure [voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2010, Wessang/OHMI – Greinwald (star foods), T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186, point 27].

32      Toutefois, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la nature même des boissons visées par les marques en conflit différait eu égard à la présence ou à l’absence d’alcool dans leur composition (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2010, star foods, T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186, point 31). La présence d’alcool dans une boisson ou non est perçue par le public pertinent comme une différence importante en ce qui concerne la nature des boissons en cause. Le grand public, y compris celui du Portugal, est attentif et fait la différence entre des boissons contenant de l’alcool et des boissons sans alcool. En effet, ce public est sensible à la distinction entre boissons alcooliques et non alcooliques, laquelle est d’ailleurs nécessaire, certains consommateurs ne souhaitant pas, voire ne pouvant pas, consommer de l’alcool. En outre, il convient de souligner que la commercialisation d’alcool est, à plusieurs égards, plus réglementée. Elle est notamment liée à l’obtention d’une licence de vente et l’achat de boissons alcoolisées requiert un âge minimal. Le fait que les boissons en cause puissent être consommées dans les mêmes lieux et qu’elles sont souvent consommées par les mêmes personnes et vendues dans des points de vente similaires, ne remet pas en cause ce constat [voir arrêt du 12 novembre 2009, Spa Monopole/OHMI – De Francesco Import (SpagO), T‑438/07, EU:T:2009:434, point 30 et jurisprudence citée]. Ainsi, le public pertinent opère une distinction lors du choix entre les « bières » visées par la marque antérieure et les boissons non alcooliques visées par la marque demandée.

33      Dans ces circonstances, il convient de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, eu égard à leur nature, les boissons visées par les marques en conflit ne sont pas interchangeables, de sorte qu’elles ne sauraient être considérées comme étant concurrentes.

34      Par ailleurs, la « fonction sociale » que la requérante attribue au café n’est pas la même que celle attribuée à juste titre par la chambre de recours à la bière. En effet, il s’agit des boissons consommées à des occasions différentes et servant à satisfaire des besoins différents du consommateur (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2010, star foods, T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186, point 32). Les boissons telles que le café, le thé ou les boissons à base de chocolat ou de cacao sont consommées, pendant ou à la fin d’un repas, quotidiennement et plutôt au cours de la journée, alors que la bière, en tant que boisson alcoolisée, est consommée d’habitude dans des circonstances spéciales et conviviales, lors d’évènements festifs (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2009, SpagO, T‑438/07, EU:T:2009:434, point 30).

35      L’argument de la requérante doit donc être rejeté.

36      Deuxièmement, s’agissant de l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les boissons visées par les marques en conflit ne sont pas complémentaires, la bière n’étant pas dégustée mélangée avec une des boissons visées par la marque demandée, la requérante soutient, qu’il existe déjà des brasseries qui ajoutent du café ou du thé aux bières, et que les marchés du café et de la bière se développent dans le monde entier de sorte que ces produits devraient être considérés comme étant complémentaires.

37      À cet égard, il convient de relever que le seul fait qu’il existe déjà des brasseries qui ajoutent du café ou du thé aux bières ne suffit pas pour établir que le café ou le thé et la bière sont des produits complémentaires. En effet, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, deux produits sont complémentaires lorsqu’il existe entre eux un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise (voir arrêt du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 et jurisprudence citée). Or, la requérante n’établit pas que l’ajout du café ou du thé à la bière est indispensable ou important dans le cadre de la consommation de cette dernière ou à l’inverse.

38      Dans ces circonstances, l’argument de la requérante visant à démontrer le caractère complémentaire des boissons visées par les marques en conflit doit être rejeté.

39      Troisièmement, la chambre de recours a estimé que la requérante n’avait pas démontré que les producteurs de bières fabriquaient également du café, du thé, des boissons au chocolat ou au cacao, ou encore moins les aliments visés par la marque demandée et que la nature différente de ces boissons ne permettait pas de supposer que tel était le cas.

40      Alors que la requérante soutient que les produits visés par la marque demandée seraient associés par le consommateur à son entreprise et à la marque antérieure, et ce indépendamment de leur utilisation et de leur nature, elle n’avance aucun argument concret visant à contester l’appréciation de la chambre de recours rappelée au point 39 ci-dessus selon laquelle les fabricants habituels des produits en cause étaient différents.

41      En second lieu, s’agissant de la comparaison des aliments relevant de la classe 30 visés par la marque demandée et de la bière relevant de la classe 32 visée par la marque antérieure, la requérante soutient que ceux-ci sont similaires, d’une part, eu égard à leur caractère complémentaire et, d’autre part, dans la mesure où ils sont vendus « côté à côte » dans les mêmes établissements commerciaux.

42      À cet égard, il convient de relever premièrement que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les produits tels que les aliments relevant de la classe 30 visés par la marque demandée ne sont pas complémentaires à la bière relevant de la classe 32 visée par la marque antérieure. En effet, selon la jurisprudence, même si certains produits relevant de la classe 30 visés par la marque demandée, tels que les biscuits, les chips ou le pain, sont susceptibles d’être consommés en accompagnement de la bière, leur utilisation en tant que telle est facultative et n’est ni indispensable ni importante pour la consommation de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2010, star foods, T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186, point 38). Partant, il n’existe pas de lien étroit entre ces produits au sens de la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus, de sorte qu’ils ne peuvent pas être considérés comme étant complémentaires.

43      Deuxièmement, selon une jurisprudence constante, le fait que les produits en cause puissent être vendus dans les mêmes établissements commerciaux, tels que des grands magasins ou des supermarchés, ne revêt aucune importance particulière, dès lors que l’on peut trouver dans ces points de vente des produits de nature très diverse, sans que les consommateurs leur attribuent automatiquement une même origine [voir arrêt du 26 octobre 2011, Intermark/OHMI – Natex International (NATY’S), T‑72/10, non publié, EU:T:2011:635, point 37 et jurisprudence citée]. De même, le seul fait que les aliments relevant de la classe 30 visés par la marque demandée et la bière relevant de la classe 32 visée par la marque antérieure puissent être vendus « côte à côte » dans des établissements commerciaux démontre, tout au plus, qu’ils sont susceptibles d’être consommés ensemble, mais cette circonstance ne suffit pas pour étayer leur caractère complémentaire, pour les raisons déjà exposées au point 42 ci-dessus.

44      En conséquence, l’argument de la requérante visant à démontrer que les aliments relevant de la classe 30 visés par la marque demandée et la bière relevant de la classe 32 visée par la marque antérieure sont similaires doit être rejeté.

45      Il s’ensuit que les arguments de la requérante visant à contester la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits visés par les marques en conflit ne sont pas similaires doivent être rejetés sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de certains éléments de preuve qu’elle a soumis devant le Tribunal au soutien de ces arguments, contestée par l’EUIPO.

 Sur le risque de confusion

46      Il résulte de l’analyse aux points 30 à 35 et 37 à 45 ci-dessus que c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé que, en l’espèce, une des conditions nécessaires à la constatation de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent quant à l’origine des produits visés par les marques en conflit en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2017/1001, à savoir la similitude des produits en cause, n’est pas remplie. En conséquence, il convient de conclure, à l’instar de la chambre de recours, à l’absence de risque de confusion.

47      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Super bock group, SGPS SA est condamnée aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.