Language of document : ECLI:EU:T:2003:101

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 avril 2003 (1)

«Concurrence - Concentrations - Recevabilité - Engagements pris au cours de la première phase d'examen - Doutes sérieux quant à la compatibilité avec le marché commun - Renvoi partiel aux autorités nationales»

Dans l'affaire T-119/02,

Royal Philips Electronics NV, établie à Eindhoven (Pays-Bas), représentée par Mes E. H. Pijnacker Hordijk et N. G. Cronstedt, avocats,

partie requérante,

soutenue par

De'Longhi SpA, établie à Trévise (Italie), représentée par Mes M. Merola, I. van Schendel, G. Crichlow et D. P. Domenicucci, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme V. Superti et M. K. Wiedner, en qualité d'agents, assistés de Me J. E. Flynn, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

SEB SA, établie à Écully (France), représentée par Mes D. Voillemot et S. Hautbourg, avocats,

et par

République française, représentée par MM. G. de Bergues et F. Million, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet l'annulation, en premier lieu, de la décision de la Commission SG (2002) D/228078, du 8 janvier 2002, en application de l'article 6, paragraphes 1, sous b), et 2, du règlement (CEE) n° 4064/89 et de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen, de ne pas s'opposer à la concentration entre SEB et Moulinex et la déclarant compatible avec le marché commun et avec l'accord sur l'Espace économique européen, sous réserve du respect des engagements proposés (affaire COMP/M.2621 - SEB/Moulinex), et, en second lieu, de la décision de la Commission C (2002) 38, du 8 janvier 2002, adoptée en application de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89, renvoyant en partie l'examen de cette concentration aux autorités françaises,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 9 octobre 2002,

rend le présent

Arrêt

Réglementation applicable

1.
    Conformément à son article 1er, le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [JO L 395, p. 1, tel que rectifié, JO 1990, L 257, p. 13, et tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1), ci-après le «règlement n° 4064/89»], s'applique aux opérations de concentration de dimension communautaire telles que définies en son article 1er, paragraphes 2 et 3.

2.
    En application de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, les opérations de concentration doivent être notifiées à la Commission au préalable.

3.
    Par ailleurs, l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 prévoit qu'une concentration ne peut être réalisée ni avant d'être notifiée ni avant d'avoir été déclarée compatible avec le marché commun. Toutefois, aux termes de l'article 7, paragraphe 4, la Commission peut, sur demande, octroyer une dérogation à cette obligation de suspendre l'opération.

4.
    Conformément à l'article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, si la Commission constate que l'opération de concentration notifiée, bien que relevant du présent règlement, ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide de ne pas s'y opposer et la déclare compatible avec le marché commun (ci-après la «phase I»).

5.
    Si, en revanche, conformément à l'article 6, paragraphe 1, sous c), elle constate que l'opération de concentration notifiée relève du règlement n° 4064/89 et soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d'engager la procédure (ci-après la «phase II»).

6.
    L'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89 prévoit ce qui suit:

«Si la Commission constate que, après modifications apportées par les entreprises concernées, une opération de concentration notifiée ne soulève plus de doutes sérieux au sens du paragraphe 1, [sous] c), elle peut décider de déclarer ladite opération compatible avec le marché commun, conformément au paragraphe 1, [sous] b).

La Commission peut assortir la décision qu'elle prend en vertu du paragraphe 1, [sous] b), de conditions et de charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun.»

7.
    Conformément à l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 447/98 de la Commission, du 1er mars 1998, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064/89 (JO L 61, p. 1), «les engagements que les entreprises concernées proposent à la Commission conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement [...] n° 4064/89 et que les parties veulent faire prendre en considération dans une décision fondée sur l'article 6, paragraphe 1, [sous] b), dudit règlement doivent être communiqués à la Commission dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de la notification».

8.
    Dans sa communication concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement n° 4064/89 du Conseil et au règlement n° 447/98 de la Commission (JO 2001, C 68, p. 3, ci-après la «communication sur les mesures correctives»), la Commission définit ses orientations sur les engagements.

9.
    L'article 21, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 prévoit que la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues par ce règlement. L'article 21, paragraphe 2, stipule que les États membres n'appliquent pas leur législation nationale sur la concurrence aux opérations de concentration de dimension communautaire.

10.
    Toutefois, l'article 9 du règlement n° 4064/89 autorise la Commission à renvoyer l'examen d'une concentration de dimension communautaire aux États membres. Cet article prévoit en particulier:

«1.    La Commission peut, par voie de décision qu'elle notifie sans délai aux entreprises concernées et dont elle informe les autorités compétentes des autres États membres, renvoyer aux autorités compétentes de l'État membre concerné un cas de concentration notifiée, dans les conditions suivantes.

2.    Dans le délai de trois semaines à compter de la réception de la copie de la notification, un État membre peut communiquer à la Commission, qui en informe les entreprises concernées, que:

    a)    une opération de concentration menace de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de cet État membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct ou

    b)    une opération de concentration affecte la concurrence dans un marché à l'intérieur de cet État membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct et qui ne constitue pas une partie substantielle du marché commun.

3.    Si la Commission considère que, compte tenu du marché des produits ou services en cause et du marché géographique de référence au sens du paragraphe 7, un tel marché distinct et une telle menace existent:

    a)    soit elle traite elle-même le cas en vue de préserver ou de rétablir une concurrence effective sur le marché concerné;

    b)    soit elle renvoie tout ou partie du cas aux autorités compétentes de l'État membre concerné en vue de l'application de la législation nationale sur la concurrence dudit État.

    Si, au contraire, la Commission considère qu'un tel marché distinct ou une telle menace n'existent pas, elle prend à cet effet une décision qu'elle adresse à l'État membre concerné.

    Dans les cas où un État membre informe la Commission qu'une opération de concentration affecte un marché distinct à l'intérieur de son territoire, qui n'est pas une partie substantielle du marché commun, la Commission renvoie tout ou partie du cas afférent à ce marché distinct, si elle considère qu'un tel marché distinct est affecté.

    [...]

6.    La publication des rapports ou l'annonce des conclusions de l'examen de l'opération concernée par les autorités compétentes de l'État membre concerné intervient au plus tard quatre mois après le renvoi par la Commission.

7.    Le marché géographique de référence est constitué par un territoire sur lequel les entreprises concernées interviennent dans l'offre et la demande de biens et de services, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des territoires voisins, en particulier en raison des conditions de concurrence sensiblement différentes de celles prévalant sur ces territoires. Dans cette appréciation, il convient notamment de tenir compte de la nature et des caractéristiques des produits ou services concernés, de l'existence de barrières à l'entrée, de préférences des consommateurs, ainsi que de l'existence, entre le territoire concerné et les territoires voisins, de différences considérables de parts de marché des entreprises ou de différences de prix substantielles.

8.    Pour l'application du présent article, l'État membre concerné ne peut prendre que les mesures strictement nécessaires pour préserver ou rétablir une concurrence effective sur le marché concerné.

9.    Conformément aux dispositions pertinentes du traité, tout État membre peut former un recours devant la Cour de justice et demander en particulier l'application de l'article 186, aux fins de l'application de sa législation nationale en matière de concurrence.

[...]»

Faits

1. Entreprises concernées

11.
    Par le présent recours, Royal Philips Electronics NV (ci-après «Philips» ou la «requérante») demande l'annulation, en premier lieu, de la décision de la Commission approuvant, sous certaines réserves, la concentration entre SEB et Moulinex [décision de la Commission SG (2002) D/228078, du 8 janvier 2002] et, en second lieu, la décision de la Commission renvoyant en partie l'examen de cette concentration aux autorités françaises [décision de la Commission C (2002) 38, du 8 janvier 2002].

12.
    La requérante est une société néerlandaise qui, notamment, développe, fabrique et commercialise du petit électroménager. Ses petits appareils électriques sont commercialisés en Europe sous la marque Philips.

13.
    SEB est une société française qui conçoit, fabrique et commercialise du petit électroménager au niveau mondial. SEB commercialise ses produits sous deux marques de dimension mondiale (Tefal et Rowenta) et quatre marques locales (Calor et SEB en France et en Belgique, Arno au Brésil et dans les pays du Mercosur, Samurai dans les pays du pacte Andin).

14.
    Moulinex est une société française active dans le secteur de la conception, de la fabrication et de la commercialisation d'appareils du petit électroménager au niveau mondial. Moulinex commercialise ses produits sous deux marques internationales (Moulinex et Krups) et une marque locale (Swan au Royaume-Uni).

2. Procédure nationale

15.
    Le 7 septembre 2001, le tribunal de commerce de Nanterre en France a ouvert une procédure de redressement judiciaire contre Moulinex. Conformément à la loi française, des administrateurs judiciaires nommés par le tribunal de commerce ont dû établir si l'entreprise en redressement judiciaire pouvait poursuivre son activité, devait être cédée à des tiers ou devait être liquidée. Dans le cas présent, la poursuite des activités de Moulinex s'étant révélée impossible, les administrateurs ont tenté de trouver un repreneur pour tout ou partie des activités de Moulinex.

16.
    Au cours de cette procédure, SEB s'est portée candidate à la reprise de certaines activités «petit électroménager» de Moulinex, à savoir:

-    tous les droits attachés à l'exploitation des marques Moulinex, Krups et Swan quels que soient les produits concernés;

-    une partie de l'outil de production (huit sites industriels sur un total de 18 et certains outillages présents dans les sites non repris) permettant la production d'au moins certains modèles pour tous les produits fabriqués par Moulinex, à l'exception des aspirateurs et des fours à micro-ondes;

-    certaines sociétés de commercialisation, à savoir, pour l'Europe, uniquement les sociétés allemande et espagnole.

17.
    Dans des lettres envoyées, respectivement, aux administrateurs (le 20 septembre 2001) et au président du tribunal de commerce (le 3 octobre 2001), la requérante a fait des propositions de rachat de Moulinex, à savoir de toutes ses activités sous la marque Krups. La requérante croit comprendre que ses propositions n'ont jamais été prises en compte par les administrateurs. En tout état de cause, Philips n'a jamais reçu de réponse formelle aux propositions qu'elle avait faites.

18.
    Par jugement du 22 octobre 2001, le tribunal de commerce de Nanterre a accepté le plan de reprise proposé par SEB.

3. Procédure devant la Commission

19.
    À la demande de SEB, la Commission a accordé le 27 septembre 2001 une dérogation à l'effet suspensif telle que prévue à l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89. La décision de la Commission a été motivée principalement par le fait que les administrateurs judiciaires avaient exigé que toute offre de reprise soit inconditionnelle. La dérogation octroyée par la Commission était limitée à la gestion des actifs repris.

20.
    Le 13 novembre 2001, la Commission a reçu notification, au titre de l'article 4 du règlement n° 4064/89, du projet de reprise partielle de certains actifs de Moulinex par SEB.

21.
    Le 21 novembre 2001, la Commission a publié l'avis prévu par l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 au Journal officiel des Communautés européennes. Au point 4 de celui-ci, la Commission invitait «les tiers concernés à lui transmettre leurs observations éventuelles sur le projet de concentration».

22.
    Le 16 novembre 2001, la Commission a envoyé à la requérante une demande de renseignements fondée sur l'article 11 du règlement n° 4064/89. Philips a répondu à la demande de la Commission le 26 novembre 2001.

23.
    La requérante a en outre chargé NERA de faire une évaluation de l'impact sur la concurrence de l'opération projetée. Le rapport rédigé, daté du 4 décembre 2001, a été soumis par Philips à la Commission au cours de son enquête.

24.
    Le 5 décembre 2001, les parties à l'opération de concentration ont proposé des engagements à la Commission.

25.
    La requérante a eu un entretien avec la Commission le 6 décembre 2001.

26.
    Le 7 décembre 2001, les autorités françaises de concurrence ont formulé une demande de renvoi partiel, basée sur l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89, pour ce qui concerne les effets de l'opération de concentration sur la concurrence en France, sur certains marchés de la vente d'appareils de petit électroménager.

27.
    La requérante a fourni d'autres éléments de preuve et d'information à la Commission les 10 et 19 décembre 2001.

28.
    En réponse aux critiques exprimées par la Commission, les parties à la concentration ont modifié leurs engagements initiaux le 18 décembre 2001.

29.
    Dans une deuxième demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 4064/89 du 19 décembre 2001, la Commission a demandé à Philips de commenter les engagements proposés, tels que modifiés. Dans sa réponse du 21 décembre 2001, Philips a fourni à la Commission ses observations sur les mesures correctives proposées. Philips y expliquait pourquoi elle les jugeait insuffisantes. Elle exhortait par ailleurs la Commission à rejeter la demande faite par les autorités françaises au titre de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89.

30.
    À la suite des observations de tiers intéressés, les parties à la concentration ont une nouvelle fois modifié leurs engagements.

31.
    Le 8 janvier 2002, la Commission a approuvé, sous certaines conditions, l'opération de concentration entre SEB et Moulinex sur la base de l'article 6, paragraphes 1, sous b), et 2, du règlement n° 4064/89 et de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) (ci-après la «décision d'approbation»). Toutefois, cette décision ne concerne pas le marché français, dans la mesure où la Commission a accédé, par une autre décision du 8 janvier 2002 (ci-après la «décision de renvoi») à la demande de renvoi partiel formée par les autorités françaises.

32.
    La décision d'approbation a été communiquée à Philips le 7 février 2002. La décision de renvoi n'a été ni publiée ni communiquée à Philips.

Décision d'approbation

1. Marchés de produits en cause

33.
    Selon le considérant 16 de la décision d'approbation, le secteur économique concerné par l'opération de concentration est celui de la vente d'appareils du petit électroménager qui se décompose en treize catégories de produits: friteuses; mini-fours; grille-pain; appareils à sandwich et gaufriers; appareils pour repas informels («pierrade», «wokparty», «raclette», «fondue», etc.); barbecues électriques et grills d'intérieur; cuiseurs de riz et cuiseurs à vapeur; cafetières électriques pour café filtre; bouilloires; machines à expressos; mélangeurs et préparateurs culinaires; fers à repasser; appareils de soins personnels (appareils de santé et de beauté). Les onze premières catégories de produits sont communément appelées les produits de la gamme «cuisine».

34.
    La Commission considère que chaque catégorie d'appareils du petit électroménager peut constituer un marché de produit distinct à l'exception des préparateurs culinaires, des fers et stations vapeur et des appareils de soins de la personne. En revanche, la Commission est d'avis que la question de savoir si ces catégories de produits doivent être sous-segmentées peut être laissée ouverte, car, quelle que soit la définition retenue pour ces catégories, les résultats de l'analyse concurrentielle sont identiques (considérant 25 de la décision d'approbation).

35.
    Les conclusions de la Commission sont essentiellement basées sur une analyse de la substituabilité du côté de la demande, dans la mesure où chaque catégorie a une fonction spécifique et est destinée à un usage final distinct.

36.
    Par ailleurs, la Commission rejette la substituabilité du côté de l'offre par le fournisseur. Elle souligne que, même en supposant que tous les fabricants soient en mesure de fabriquer tous les appareils du petit électroménager, les coûts et le temps nécessaires à l'entrée sur un nouveau marché de produits peuvent être importants.

2. Marchés géographiques en cause

37.
    Selon la Commission, une «définition nationale des marchés géographiques en cause doit être retenue comme la plus vraisemblable à l'issue de la première phase» (considérant 30 de la décision d'approbation).

3. Importance des marques

38.
    La Commission déclare que les marques sont l'un des principaux facteurs de choix pour les consommateurs finaux et constituent donc l'un des éléments majeurs de la concurrence entre producteurs de petit électroménager (considérant 36 de la décision d'approbation).

39.
    Dans ce cadre, elle souligne que SEB et Moulinex investissent des sommes conséquentes dans la préservation de la notoriété de leurs marques (considérant 38 de la décision d'approbation). Elle expose aussi que les offres reçues lors de la vente de Moulinex portaient presque exclusivement sur les marques de ce groupe plutôt que sur les unités de production (considérant 39 de la décision).

4. Analyse de concurrence

40.
    En ce qui concerne les effets sur la concurrence de l'opération litigieuse, la Commission rejette d'abord l'argument selon lequel les effets de la concentration ne sont pas différents de ceux de la situation de concurrence qui aurait résulté de la liquidation du groupe Moulinex. Elle expose à cet égard:

«Au terme de l'enquête de première phase, une telle argumentation ne peut être retenue, car un certain nombre d'entreprises avaient fait part dès la mise en redressement judiciaire du groupe Moulinex de leur intérêt pour une reprise des marques possédées par le groupe. De plus, il ne peut être exclu que certains outillages ou propriétés industrielles auraient été repris par des tiers différents de SEB. Étant donné l'importance de la marque dans les marchés en cause, ces tiers repreneurs auraient probablement été en mesure de restaurer tout ou partie de la capacité concurrentielle de Moulinex.» (Considérant 41 de la décision d'approbation.)

41.
    À l'issue de son analyse, la Commission conclut que l'opération notifiée soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun sur un certain nombre de marchés concernant la gamme cuisine (considérant 44 de la décision d'approbation). En ce qui concerne les marchés géographiques examinés dans la décision d'approbation, elle observe en substance que:

-    au Portugal, en Grèce, en Belgique et aux Pays-Bas, où, avant la concentration, SEB et Moulinex détenaient déjà des positions très conséquentes dans le secteur du petit électroménager, leur position serait renforcée par l'adjonction de l'autre entreprise et la transaction mènerait à des combinaisons de parts de marché à des niveaux parfois élevés sur une grande partie des catégories de produits en cause. Selon la Commission, la puissance de l'entité combinée sera accentuée par un portefeuille de marques unique, alors que des acteurs comme Philips, Braun ou Taurus ne disposent que d'une seule marque (considérants 43 et 45 à 47 de la décision d'approbation);

-    en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suède et en Norvège, la transaction changerait substantiellement les conditions de concurrence dans un certain nombre de marchés de produits (considérant 43 de la décision d'approbation);

-    enfin, dans les autres États membres, la transaction ne changerait que marginalement les conditions de concurrence (considérant 43 de la décision d'approbation).

42.
    Selon la Commission, la transaction notifiée soulève donc des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun sur les marchés suivants:

-    Allemagne: friteuses et barbecues-grills;

-    Autriche: friteuses et repas informels;

-    Belgique: préparateurs culinaires, machines à expressos, bouilloires, grille-pain, repas informels, barbecues-grills et fers et stations vapeur;

-    Danemark: friteuses et fours posables;

-    Grèce: friteuses, bouilloires, appareils à sandwich et gaufriers, machines à expressos et préparateurs culinaires;

-    Norvège: friteuses et fours posables;

-    Pays-Bas: friteuses, machines à expressos, mini-fours, repas informels, barbecues-grills et fers et stations vapeur;

-    Portugal: friteuses, toasters, cafetières, machines à expressos, bouilloires, mini-fours, appareils à sandwich et gaufriers, repas informels, barbecues-grills et préparateurs culinaires;

-    Suède: friteuses.

43.
    En revanche, la Commission a conclu que la concentration notifiée ne soulève pas de doutes sérieux pour ce qui concerne les marchés des soins personnels où, quels que soient les pays (à l'exception de la France) ou la définition du marché de produits retenue, la part de marché combinée des parties est inférieure à 20 % (considérant 44 de la décision d'approbation).

5. Engagements des parties à la concentration

44.
    À la suite des engagements proposés par les parties à la concentration, la Commission a toutefois conclu que les doutes sérieux quant à la compatibilité de l'opération avec le marché commun pouvaient être écartés, ces engagements constituant une réponse directe et immédiate aux problèmes de concurrence identifiés dans la décision en ce qui concerne les marchés autres que la France.

45.
    Initialement, les engagements offerts par les parties à la concentration le 5 décembre 2001 envisageaient le retrait de tout l'EEE pour une période de deux ans de tous les produits de la marque Moulinex dans les catégories suivantes: friteuses, fours posables, appareils pour repas informels, barbecues-grills, fers à repasser et stations vapeur. Toutefois, selon la Commission, ces engagements initiaux n'auraient pas permis de substituer un acteur au groupe Moulinex et ne concernaient pas l'entièreté des marchés où la transaction était susceptible de soulever des doutes sérieux (considérant 135 de la décision d'approbation).

46.
    Le 18 décembre 2001, les parties ont donc «amélioré leur proposition afin de la rendre praticable et effective» (considérant 135 de la décision d'approbation). Cette nouvelle proposition prévoyait une licence exclusive de la marque Moulinex pour une durée de trois ans (assortie d'un engagement de non-entrée sous la marque Moulinex pendant une année supplémentaire) pour l'ensemble des catégories de produits en Belgique, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal et pour la catégorie des friteuses en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Norvège et en Suède. Les bénéficiaires d'une telle licence auraient été soumis à une obligation d'approvisionnement pour les grille-pain, cafetières, bouilloires et préparateurs culinaires.

47.
    Cependant, les tiers interrogés ont émis des critiques visant notamment la durée de la licence et de la période de non-entrée, l'obligation d'approvisionnement, l'absence de correction des effets de la transaction notifiée sur la concurrence sur certains marchés, l'absence d'une taille critique suffisante pour justifier économiquement l'entrée d'un nouvel acteur sur les marchés en cause, ainsi que l'absence de contrôle effectif du licencié de la marque Moulinex dans le cadre des remèdes visant spécifiquement les friteuses, SEB conservant la jouissance de cette marque pour les autres produits (considérant 136 de la décision d'approbation).

48.
    Selon la décision d'approbation, SEB a donc «perfectionné» ses engagements en étendant la licence de marque à l'ensemble des produits du petit électroménager pour l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Norvège et la Suède. SEB a ainsi aligné l'engagement pour ces cinq pays sur celui déjà offert pour la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. SEB a également prolongé la durée de la licence à cinq ans (et à trois années pour la non-entrée) et supprimé l'obligation d'approvisionnement pesant sur le licencié (considérant 137 de la décision d'approbation).

49.
    Au considérant 146 de la décision d'approbation, les engagements acceptés par la Commission pour chacun des neuf pays concernés (Belgique, Grèce, Pays-Bas, Portugal, Allemagne, Autriche, Danemark, Suède et Norvège) sont résumés comme suit:

«a)    l'engagement d'octroyer une licence exclusive de la marque Moulinex pour une durée de cinq années portant sur la vente d'appareils d'électroménager pour les treize catégories de produits reprises dans cette décision tel que défini au point 1 [sous] a) des engagements figurant en annexe de la présente décision;

b)    l'engagement de ne pas commercialiser dans les pays en cause des produits portant la marque Moulinex pendant la durée du contrat de licence et pendant une période de trois ans après son expiration tel que prévu au point 1 [sous] c);

c)    l'engagement de ne pas commercialiser dans les pays en cause des produits sous une autre marque que Moulinex les modèles de la marque Moulinex dans les territoires pour lesquels le ou les licenciés auront conclu un contrat d'approvisionnement ou un contrat effectif de licence de propriété industrielle tel que prévu au point 1 [sous] e);

d)    l'engagement de conclure avec tout licencié qui en ferait la demande un contrat d'approvisionnement (à un prix de cession correspondant au prix de revient industriel majoré des frais généraux liés à la production et la livraison des produits au licencié) et/ou un contrat de licence de propriété industrielle pour l'ensemble des produits en cause à l'exception des préparateurs culinaires en Allemagne ainsi que cela est prévu au point 1 [sous] d) des engagements;

e)    l'engagement de poursuivre la politique générale de développement de nouveaux modèles et de préserver la pleine valeur économique et concurrentielle de la marque Moulinex dans chacun des neuf États concernés jusqu'à la conclusion des contrats de licence tel que prévu au point 1 [sous] h) des engagements.»

50.
    Les détails des engagements offerts par SEB figurent dans l'annexe de la décision d'approbation.

51.
    Dans la section 2, sous g), de l'annexe sur les engagements, il est prévu:

«Si l'approbation de la présente opération par une autre autorité de concurrence était soumise à des engagements qui soit entreraient en contradiction avec les présents engagements ou soit conduiraient à une situation allant au-delà de ce qui est nécessaire pour répondre au rétablissement d'une situation concurrentielle sur chacun des marchés concernés, le groupe SEB pourrait alors demander à la Commission une révision des présents engagements dans le but d'éliminer ces contradictions ou de décharger le groupe SEB de tout ou partie des conditions et obligations contenues dans les présents engagements qui n'apparaîtraient plus nécessaires.»

Décision de renvoi

52.
    Par lettre du 7 décembre 2001, les autorités françaises ont demandé à la Commission le renvoi de la concentration en cause en ce qui concerne l'analyse des effets de l'opération sur les marchés des friteuses, des grille-pain, des cafetières électriques, des machines à café expressos, des bouilloires, des fours, des gaufriers, des repas informels, des barbecues-grills, des autocuiseurs, des préparateurs culinaires et des fers à vapeur en France.

53.
    Ladite demande est fondée sur l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89, les autorités françaises estimant que, conformément à cette disposition, la concentration en cause «menace de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de cet État membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct».

54.
    Le 8 janvier 2002, la Commission a accepté la demande de renvoi des autorités françaises et adopté la décision de renvoi.

55.
    Aux considérants 11 à 22 de la décision de renvoi, la Commission constate d'abord que chaque catégorie d'appareils du petit électroménager constitue un marché de produits distinct et que les marchés géographiques des appareils du petit électroménager sont de dimension nationale.

56.
    Ensuite, au terme de l'analyse effectuée aux considérants 23 à 41, la Commission conclut que «l'opération en question, prima facie, menace de créer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée d'une manière significative dans les marchés de la vente d'appareils de petit électroménager en France». La décision de renvoi relève à cet égard que, sur les marchés concernés en France, d'une part, la nouvelle entité disposera d'une taille inégalée (considérants 29 à 32), d'une gamme de produits inégalée (considérants 33 à 35) et d'un portefeuille de marques inégalé (considérants 36 à 38) et, d'autre part, la concurrence actuelle et potentielle est insuffisante (considérants 39 à 41).

57.
    Sur cette base, la Commission considère que la demande des autorités françaises est fondée et conforme aux dispositions de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.

58.
    Aux termes du dispositif de la décision de renvoi, la Commission constate:

«La concentration notifiée consistant dans le projet d'acquisition de certaines activités de Moulinex par SEB est, par la présente décision et sur la base de l'article 9, paragraphe 3, du règlement [...] n° 4064/89 du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, renvoyée aux autorités compétentes de la République française, pour ce qui concerne les marchés français des appareils de petit électroménager, en vue de l'application de la législation nationale.»

59.
    Le 8 juillet 2002, le ministre français des Affaires économiques a autorisé l'opération de concentration sans remèdes sur la base de la «doctrine de l'entreprise défaillante».

Procédure et demandes des parties

60.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 avril 2002, la requérante a introduit le présent recours.

61.
    Par acte séparé du même jour, déposé au greffe du Tribunal, la requérante a demandé que l'affaire soit traitée selon la procédure accélérée prévue par l'article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Le 2 juillet 2002, le Tribunal a accueilli cette demande.

62.
    Le 24 juin 2002, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en application de l'article 114 du règlement de procédure, dans la mesure où le recours est dirigé contre la décision de renvoi. Le 28 juin 2002, la requérante a répondu à une question écrite du Tribunal l'invitant à justifier la recevabilité de son recours sur ce point. Le 15 juillet 2002, la requérante a déposé ses observations écrites sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

63.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 19 juillet 2002 et 27 août 2002, SEB et la République française ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2002, De'Longhi a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Ces demandes ont été accueillies par ordonnance du président de la troisième chambre du 19 septembre 2002. À leurs demandes respectives, SEB et De'Longhi ont été autorisées, pour la première, à déposer un mémoire en intervention et, pour la seconde, à produire certains documents cités dans sa demande d'intervention.

64.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, a invité les parties à produire certaines pièces et à répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

65.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales lors de l'audience publique du 9 octobre 2002.

Conclusions des parties

66.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision d'approbation et condamner la Commission aux dépens;

-    annuler la décision de renvoi et condamner la Commission aux dépens.

67.
    La Commission, soutenue par SEB et la République française, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner Philips aux dépens.

En droit

68.
    La requérante visant, par le présent recours, à obtenir l'annulation à la fois de la décision d'approbation et de la décision de renvoi, il convient d'examiner successivement ces deux chefs de conclusions.

1. Sur le recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision d'approbation

69.
    Il ressort de la requête que la requérante avance deux moyens à l'appui de son recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision d'approbation. Le premier moyen est tiré du caractère insuffisant des engagements offerts par SEB au cours de la phase I. Le second moyen est tiré du caractère tardif des engagements.

Sur le premier moyen, tiré du caractère insuffisant des engagements offerts par SEB au cours de la phase I

70.
    Par le présent moyen, la requérante allègue, en substance, que les engagements acceptés au cours de la phase I étaient insuffisants pour permettre à la Commission d'écarter tous les doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration avec le marché commun, de sorte que la Commission aurait dû ouvrir la phase II.

71.
    À l'appui de ce moyen, la requérante fait valoir, dans sa requête, que le caractère insuffisant des engagements ressort des éléments suivants:

-    l'absence de protection des licenciés contre les importations parallèles des produits commercialisés par SEB sous la marque Moulinex;

-    la courte durée des licences et de la période de non-utilisation ultérieure de la marque Moulinex;

-    l'exclusion des marchés concernés en France du champ d'application des engagements;

-    l'absence de prise en compte des effets néfastes de la dispersion géographique des licences;

-    la possibilité de l'octroi de licences aux entreprises de détail;

-    la possibilité de l'existence de licenciés différents selon les États membres concernés;

-    la possibilité de renégociation des engagements à l'issue de la procédure devant les autorités françaises de la concurrence.

72.
    À l'audience, à la suite d'une observation du Tribunal, la requérante a toutefois retiré l'argument tiré de la possibilité de l'octroi de licences aux entreprises de détail.

73.
    De'Longhi a, quant à elle, soutenu à l'audience que le caractère insuffisant des engagements résulte des éléments suivants:

-    l'absence de licence en Italie, en Espagne et en Finlande;

-    l'existence d'un partage de marché portant sur la marque Moulinex;

-    l'absence de protection des licenciés contre les importations parallèles des produits commercialisés par SEB sous la marque Moulinex.

a) Observations liminaires

74.
    En vue d'examiner le présent moyen, il convient de rappeler que, au terme de la phase I, la Commission a constaté l'existence de doutes sérieux sur plusieurs marchés de produits du petit électroménager dans neuf États membres de l'EEE, à savoir l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Grèce, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.

75.
    Il ressort de la décision d'approbation, notamment de son considérant 44, que lesdits doutes sérieux résultent, en substance, du fait que la concentration conduit, dans ces neuf États membres, à des combinaisons de parts de marché excédant 40 % sur les marchés de produits en cause, ces combinaisons de parts de marché étant, dans certains États membres, accentuées par le fait que la nouvelle entité détiendra un portefeuille de marques unique par rapport à ses concurrents («effet de portefeuille»). À la suite des engagements offerts par SEB, la Commission a néanmoins décidé de ne pas s'opposer à la concentration et de la déclarer compatible avec le marché commun par une décision adoptée au terme de la phase I. Les engagements acceptés par la Commission prévoient, en substance, que SEB a l'obligation, dans chacun des neuf États membres concernés, d'une part, d'octroyer, pour une durée de cinq ans, une licence exclusive de la marque Moulinex portant sur la vente de treize catégories de produits du petit électroménager [point 1, sous a), premier alinéa, des engagements] et, d'autre part, de ne pas commercialiser sous la marque Moulinex, dans ces mêmes États membres, lesdites catégories de produits ainsi que d'autres appareils à usage domestique pendant la durée du contrat de licence et pendant une période de trois ans après son expiration [point 1, sous c), premier alinéa, des engagements]. Aux termes du point 1, sous a), troisième alinéa, des engagements, «cette licence aura pour objet d'autoriser l'usage de la marque Moulinex en association avec une marque propre du licencié, dans le but de permettre au licencié, pendant et après cette période de ‘co-branding’, d'établir ou de renforcer sa propre marque sur le marché en cause».

76.
    Il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent recours, la requérante ne conteste pas les doutes sérieux décrits dans la décision d'approbation. En particulier, la requérante ne soutient pas que la Commission aurait dû émettre d'autres doutes sérieux que ceux décrits dans ladite décision. En outre, la requérante ne conteste pas que les engagements acceptés par la Commission visent à dissiper les doutes sérieux décrits dans la décision d'approbation. En revanche, par le présent moyen, la requérante conteste que lesdits engagements étaient suffisants pour permettre à la Commission de dissiper les doutes sérieux qu'elle a émis et prétend que la Commission aurait dû ouvrir la phase II.

77.
    Il convient d'observer que, si la Commission ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire quant à l'ouverture de la phase II lorsqu'elle se heurte à des doutes sérieux au sujet de la compatibilité de la concentration avec le marché commun, l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement, prévoyant que, dans ce cas, la Commission «décide d'engager la procédure», elle jouit néanmoins d'une certaine marge d'appréciation dans la recherche et l'examen des circonstances de l'espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des doutes sérieux ou, lorsque des engagements ont été proposés, si elles continuent d'en soulever (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T-73/98, Rec. p. II-867, points 45 à 47). En effet, même si la notion de «doutes sérieux» revêt un caractère objectif, la recherche de l'existence de tels doutes conduit nécessairement la Commission à effectuer des appréciations économiques complexes, notamment lorsqu'elle doit apprécier si les engagements proposés par les parties à la concentration sont suffisants pour dissiper ces doutes sérieux.

78.
    Compte tenu des appréciations économiques complexes que la Commission est amenée à effectuer dans l'exercice du pouvoir d'appréciation dont elle jouit pour évaluer les engagements proposés par les parties à la concentration, il appartient, dès lors, au requérant, pour obtenir l'annulation d'une décision approuvant une concentration, au motif que les engagements étaient insuffisants pour dissiper les doutes sérieux, de démontrer l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation commise par la Commission.

79.
    Toutefois, dans le cadre de l'exercice de son contrôle juridictionnel, le Tribunal doit tenir compte de la finalité spécifique des engagements pris au cours de la phase I, lesquels, contrairement aux engagements pris au cours de la phase II, n'ont pas pour objet d'empêcher la création ou le renforcement d'une position dominante mais de dissiper tous doutes sérieux à ce sujet. Il en résulte que les engagements pris au cours de la phase I doivent constituer une réponse directe et suffisante de nature à exclure clairement les doutes sérieux émis.

80.
    En conséquence, lorsque le Tribunal est amené à examiner si les engagements pris au cours de la phase I sont, eu égard à leur portée et à leur contenu, de nature à permettre à la Commission d'adopter une décision d'approbation sans ouvrir la phase II, il lui appartient de vérifier que la Commission a pu, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, considérer que lesdits engagements constituaient une réponse directe et suffisante de nature à dissiper clairement tous les doutes sérieux.

81.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner les griefs et arguments avancés par la requérante à l'appui du présent moyen.

b) Licences permettant un commerce parallèle de produits SEB sous la marque Moulinex

Arguments des parties

82.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, considère que, en autorisant l'octroi de licences (exclusives) temporaires au lieu de démanteler la marque Moulinex, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation, car les licenciés de la marque Moulinex ne seront pas protégés contre les importations parallèles de produits portant la marque Moulinex qui ont été commercialisés par SEB en dehors du territoire couvert par la licence.

83.
    La requérante rappelle que, en droit communautaire, les licences ne confèrent pas à leur titulaire une protection absolue contre le propriétaire de la marque sur le territoire couvert par la licence. De fait, lorsque des produits portant la marque concernée ont été commercialisés par le propriétaire de la marque dans des territoires qu'il s'est réservés, ces produits doivent pouvoir circuler librement à l'intérieur de la Communauté, et donc aussi sur le territoire couvert par la licence.

84.
    Dans la présente affaire, la requérante considère que l'absence de protection du licencié contre le commerce parallèle de produits Moulinex commercialisés par SEB, même pendant la durée de validité de la licence, diminue gravement l'effet de la licence consistant à permettre au licencié de s'approprier l'image de marque attachée à Moulinex en passant petit à petit sous sa marque les produits qu'il vend sous la marque Moulinex et rend plus vraisemblable que SEB regagnera facilement la clientèle attachée à la marque Moulinex après la période de non-utilisation imposée par les engagements.

85.
    À cet égard, la requérante note que, même s'il se peut que la Commission ait analysé les ventes transfrontalières actuelles de petit électroménager, elle n'a pas soulevé la question de savoir dans quelle mesure les engagements proposés peuvent encourager le commerce parallèle.

86.
    De l'avis de la requérante, la seule manière d'accorder (et de justifier) une protection territoriale complète est le démantèlement complet et irrévocable de la marque concernée pour les territoires sur lesquels l'acquisition de la marque Moulinex soulève des doutes sérieux en matière de concurrence.

87.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet des arguments de la requérante sur ce point.

Appréciation du Tribunal

88.
    Il y a lieu de rappeler que, au stade de la définition des marchés géographiques en cause, la Commission a constaté, aux termes du considérant 30 de la décision d'approbation, qu'«une définition nationale des marchés géographiques en cause doit être retenue comme la plus vraisemblable à l'issue de la première phase».

89.
    Il ressort du considérant 27 de la décision d'approbation que cette constatation est fondée sur les résultats de l'enquête menée par la Commission au cours de la phase I, laquelle a fait apparaître que les parts de marché détenues par les acteurs présents sur ces marchés sont fortement hétérogènes selon les États membres et selon les catégories de produits [considérant 27, sous a)], que la pénétration des marques est très différente selon les zones géographiques [considérant 27, sous b)], que les caractéristiques des produits peuvent varier selon les États membres du fait des particularités et des préférences des consommateurs [considérant 27, sous c)], que les relations clients/fournisseurs se font principalement sur une base nationale [considérant 27, sous d)], que les niveaux de prix facturés aux distributeurs peuvent varier significativement en fonction des marchés nationaux et suivent une tendance différenciée [considérant 27, sous e)], que les structures logistiques sont nationales [considérant 27, sous f)] et que les structures de distribution sont nationales, de même que l'importance relative des canaux de distribution est très variable en fonction des États membres [considérant 27, sous g)].

90.
    En ce qui concerne plus particulièrement les relations entre clients et fournisseurs, la Commission a constaté, au considérant 27, sous d):

«Les relations clients/fournisseurs se font principalement sur une base nationale. Même s'il existe des contrats mondiaux avec certains groupes de la grande distribution implantés internationalement, ils ne portent uniquement que sur des objectifs annuels et globaux de vente. Les groupes en question ont confirmé dans le cadre de l'enquête de la Commission que leur politique d'approvisionnement demeure nationale. Ainsi, des contrats sur une base nationale contiennent l'ensemble des clauses de références de produit, de prix, d'approvisionnement et de facturation.»

91.
    Il y a lieu d'observer que, par le présent recours, la requérante ne conteste ni la dimension nationale des marchés concernés ni aucune des constatations effectuées par la Commission au considérant 27 de la décision d'approbation.

92.
    Bien au contraire, il convient de relever que les conclusions de la Commission à cet égard résultent des réponses aux demandes de renseignements que la Commission a envoyées, le 16 novembre 2001, aux concurrents des parties à la concentration conformément à l'article 11 du règlement n° 4064/89 (ci-après le «questionnaire adressé aux concurrents»). Ainsi, en réponse à la question 12 de ce questionnaire, la requérante souligne elle-même que les marchés sont de dimension nationale. De même, le rapport NERA communiqué par la requérante à la Commission au cours de la procédure administrative conclut explicitement, en son point 2, que les marchés concernés sont nationaux. À l'appui de cette conclusion, tant la requérante que NERA mettent en avant, en substance, les facteurs retenus au considérant 27 de la décision d'approbation.

93.
    En conséquence, il apparaît que c'est notamment en se fondant sur les observations des concurrents, dont la requérante, que la Commission a rejeté, au stade de la phase I, la définition des marchés géographiques en cause proposée par les parties à la concentration, lesquelles soutenaient que ces marchés étaient de dimension mondiale.

94.
    Or, s'il est vrai que l'un des facteurs identifiés par la Commission pour conclure à l'existence de marchés nationaux distincts, à savoir l'existence de niveaux de prix différents selon les États membres, est de nature à induire le développement d'importations parallèles entre États membres, force est de constater que, en revanche, les autres facteurs identifiés par la Commission à l'appui de cette conclusion, à savoir le fait que les marques des produits et leurs caractéristiques varient selon les États membres et que les structures d'approvisionnement, de logistique et de distribution sont nationales, sont de nature à faire obstacle au développement de telles importations.

95.
    La requérante a d'ailleurs admis cette circonstance au cours de la procédure administrative lorsqu'elle a indiqué à la Commission, en réponse à la question 16 du questionnaire adressé aux concurrents:

«D'après notre expérience, il y a des importations/exportations parallèles au sein de l'Union européenne mais pas à grande échelle en raison des caractéristiques nationales différentes des marchés dans les différents pays de l'Union. Nous estimons qu'en moyenne un total de 5 % des produits sur un marché donné serait importé en plus de façon parallèle si les prix augmentaient de plus de 10 %.»

96.
    De même, De'Longhi a indiqué, en réponse à la même question:

«L'analyse des marchés concernés pendant les cinq dernières années montre à quel point les importations parallèles constituent un phénomène rare. Il n'est pas prévisible que cela change dans un futur proche.»

97.
    Par ailleurs, aux termes d'un courrier électronique du 10 décembre 2001 adressé à la Commission au sujet de la dimension géographique des marchés concernés, la requérante a exposé, aux fins de soutenir une définition nationale de ceux-ci:

«En outre, nous renvoyons aux décisions de la Commission dans les affaires Kingfischer/BUT (IV/M.1248 de 1998) et Kingfischer/Grosslabor (IV/M.1282 de 1999) dans lesquelles la Commission a confirmé que le commerce transfrontalier entre autres de grille-pain et de fers à repasser est minime en Europe et que de nombreux fournisseurs, tout en étant des acteurs mondiaux, ont une politique nationale de vente en raison des préférences différentes des consommateurs.»

98.
    Dans ces circonstances, il convient de conclure qu'il est constant entre les parties qu'avant la concentration en cause les importations parallèles de produits de la marque Moulinex étaient minimes dans le territoire de l'Union européenne en raison de la dimension nationale des marchés concernés.

99.
    La requérante soutient néanmoins que la Commission n'a pas examiné la mesure dans laquelle les engagements acceptés dans la décision d'approbation pourraient stimuler les importations parallèles. Au cours de l'audience, la requérante et De'Longhi ont précisé à cet égard que la nature des engagements pourrait, par exemple, conduire SEB à inciter ses distributeurs dans les territoires ne faisant pas l'objet des engagements à approvisionner des revendeurs indépendants dans les États membres couverts par les engagements, ce qui aurait pour effet de développer les importations parallèles au détriment des licenciés de la marque Moulinex dans ces derniers États.

100.
    Force est cependant de constater que, ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la procédure devant le Tribunal la requérante ou De'Longhi n'ont apporté le moindre élément de preuve à l'appui de ces allégations, qui restent dès lors à l'état d'allégations non autrement étayées.

101.
    Tout au contraire, en réponse à la question 16 du questionnaire adressé au concurrent, De'Longhi a elle-même souligné explicitement qu'«il n'[était] pas prévisible» que le caractère marginal des importations parallèles «change dans un futur proche».

102.
    En outre, la requérante, pas plus que De'Longhi, ne conteste que les produits concernés continueront de relever de marchés nationaux distincts après la réalisation de la concentration.

103.
    Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les engagements puissent être susceptibles d'accroître de manière substantielle des importations parallèles. Bien au contraire, la circonstance selon laquelle, aux termes des engagements, la marque Moulinex puisse être concédée à des licenciés différents dans chacun des États membres concernés apparaît de nature à renforcer le caractère national des marchés en cause. En effet, dans ce cas, au lieu d'être détenue par un seul opérateur économique, ladite marque sera détenue par des opérateurs économiques distincts disposant du droit d'utiliser la marque Moulinex dans le territoire qui leur a été concédé. Or, à l'audience, De'Longhi a souligné qu'un tel système de licence induit un cloisonnement du marché de nature à créer des obstacles supplémentaires aux échanges intracommunautaires.

104.
    Partant, l'argumentation de la requérante sur l'absence de prise en compte des importations parallèles n'est pas de nature à révéler que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.

c) Durée manifestement trop courte des licences et de la période d'interdiction de vente supplémentaire

Arguments des parties

105.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, allègue que la durée de la licence exclusive et de la période d'interdiction de vente venant s'y rajouter ensuite est manifestement trop brève pour permettre à un concurrent d'exploiter l'image de marque attachée à la marque Moulinex.

106.
    Selon la requérante, l'introduction réussie de nouvelles marques sur les marchés de produits concernés est tout à fait exceptionnelle et une migration réussie de produits d'une marque à une autre sur des marchés comme ceux concernés prend nettement plus de cinq ans.

107.
    À titre d'exemple, la requérante explique que, au Brésil, il a fallu à Philips plus de dix ans pour faire passer la clientèle de sa marque Walita à sa marque Philips dans le domaine des produits de soins personnels, dans un cas où la marque «originale» devait être progressivement entièrement éliminée.

108.
    Par ailleurs, contrairement à la situation au Brésil, dans le présent cas d'espèce, a) SEB restera sur les marchés voisins en tant que propriétaire de la marque dont la clientèle doit être transférée au licencié; b) SEB repénétrera sans aucun doute le territoire sous licence avec la marque Moulinex après l'expiration de l'interdiction de commercialisation et c) même pendant la durée de la licence, le licencié n'est pas protégé contre le commerce parallèle de produits SEB portant la marque Moulinex. La requérante considère que cette situation affecte sérieusement la probabilité d'un transfert réussi de l'image de marque attachée à la marque Moulinex au licencié de cette marque tout en permettant à SEB de récupérer cette image de marque après la période de non-utilisation de la marque liée aux engagements pris.

109.
    À cet égard, la requérante souligne que, contrairement à ce que la Commission semble penser (considérant 140 de la décision d'approbation), il n'y a aucun lien entre la durée moyenne de vie d'un appareil électroménager (trois ans) et la durée de la licence et la période de non-entrée supplémentaire, la fidélité à la marque n'étant pas liée aux différents produits.

110.
    Enfin, la requérante estime qu'il sera relativement facile à SEB de réintroduire la marque Moulinex après l'interdiction de vente, étant donné la solidité de sa position actuelle sur le marché et son portefeuille de marques, compte tenu du fait qu'elle a été autorisée à conserver une activité liée à la marque Moulinex dans un nombre considérable de pays CE/EEE non inclus dans la proposition de mesures correctives et étant donné que la marque Moulinex n'est pas nouvelle mais, au contraire, une marque qui jouissait d'une position très forte il y a quelques années encore dans les États membres dans lesquels elle sera réintroduite.

111.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de la requérante sur ce point.

Appréciation du Tribunal

112.
    En vue d'examiner les griefs de la requérante concernant la durée des engagements, il convient de rappeler que, aux termes du point 1, sous a), second alinéa, des engagements, ces derniers ont pour objectif d'autoriser l'usage de la marque Moulinex en association avec une marque propre du licencié, dans le but de permettre au licencié, pendant et après cette période de «co-branding», d'établir ou de renforcer sa propre marque sur le marché en cause. À cette fin, pendant la durée des licences de la marque Moulinex, le licencié sera autorisé soit à utiliser immédiatement la marque Moulinex en association avec sa marque propre, soit à l'utiliser seule, temporairement, afin de procéder à un «co-branding». Selon cette même disposition, le licencié sera également libre de passer du «co-branding» à sa propre marque à tout moment pendant la durée de la licence.

113.
    Il y a aussi lieu de rappeler que, afin d'assurer cet objectif, les engagements prévoient, aux termes du point 1, sous g), troisième alinéa, que les licenciés devront disposer d'une marque propre pouvant être associée à la marque Moulinex, à l'exception des opérateurs ayant une activité principale de vente au détail.

114.
    Il résulte de ce qui précède que l'objectif des engagements est non pas de permettre l'exploitation de la marque Moulinex en tant que telle par chacun des licenciés, mais de permettre à ces derniers, au cours d'une période transitoire durant laquelle ils seront en droit d'utiliser leur propre marque en association avec la marque Moulinex, d'assurer la migration de la marque Moulinex vers les marques propres des licenciés afin que celles-ci soient en mesure d'exercer une concurrence effective sur la marque Moulinex au-delà de cette période transitoire, lorsque SEB sera à nouveau en droit d'utiliser la marque Moulinex dans les neuf États membres concernés.

115.
    En conséquence, contrairement à ce que soutient la requérante, les engagements ne visent pas à introduire dans les neuf États membres concernés une nouvelle marque, mais à permettre aux licenciés d'établir ou de renforcer leur marque propre en tant que marque concurrente effective de la marque Moulinex.

116.
    Par ailleurs, l'objectif des engagements étant de permettre aux licenciés d'établir ou de renforcer leur marque propre en tant que marque concurrente effective de la marque Moulinex, la circonstance alléguée par la requérante, selon laquelle, eu égard à sa forte part de marché actuelle, à son portefeuille de marques et à la notoriété de la marque Moulinex, SEB sera en mesure de réintroduire facilement la marque Moulinex dans les neuf États membres en cause, est sans pertinence. En effet, la question n'est pas de savoir si SEB sera en mesure de réintroduire la marque Moulinex dans les États membres concernés, ce qu'il convient au demeurant de supposer pour vérifier le caractère suffisant des engagements acceptés dans la décision d'approbation, mais de savoir si les licenciés seront en mesure d'établir ou de renforcer leur propre position en tant que concurrents effectifs de SEB.

117.
    Il convient dès lors de vérifier si la durée de la période transitoire instituée par les engagements est suffisante pour atteindre cet objectif.

118.
    À cet égard, il convient, premièrement, de relever que, aux termes du point 1, sous c), premier alinéa, des engagements, chacun des contrats de licence de la marque Moulinex dans les neuf États membres concernés aura une durée de cinq ans. Par ailleurs, aux termes de la même disposition et du point 1, sous c), deuxième alinéa, SEB s'interdît, pendant la durée du contrat de licence et pendant une durée de trois ans après son expiration, la commercialisation sous la marque Moulinex, dans les neuf États membres concernés, des appareils de petit électroménager faisant partie de l'une ou de l'autre des treize catégories de produits en cause, ainsi que d'autres appareils à usage domestique non compris dans ces familles de produits, tels que les aspirateurs ou les fours à micro-ondes.

119.
    Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que suggère la requérante, la durée totale des engagements en vertu desquels SEB ne pourra commercialiser des produits sous la marque Moulinex est non pas de cinq ans, mais de huit ans, à savoir la durée de cinq ans d'une première période pendant laquelle le licencié aura le droit exclusif d'utiliser la marque Moulinex seule ou en association avec sa propre marque et la durée de trois ans d'une deuxième période pendant laquelle SEB s'interdira toute commercialisation sous la marque Moulinex dans les pays en cause. Il s'ensuit que, pendant huit ans, SEB sera privée du droit d'utiliser la marque Moulinex dans les États membres concernés.

120.
    Il résulte également desdites dispositions que toute utilisation de la marque Moulinex cessera, dans les neuf États membres concernés, pendant une période d'au moins trois ans et, du moins en théorie, de huit ans au plus. En effet, aux termes des engagements, chaque licencié demeure libre de choisir le moment où il décide de passer du «co-branding» à sa seule marque propre. Dans son mémoire en intervention, SEB a ainsi indiqué au Tribunal que les candidats actuels à l'octroi d'une licence envisageaient de migrer du «co-branding» vers leur marque propre après une période de trois à quatre ans, ce qui aura pour conséquence que, dans les États membres concernés, la marque Moulinex disparaîtra pendant une période d'environ cinq ans.

121.
    Une telle absence des espaces de vente de la marque Moulinex permettra aux licenciés d'asseoir durablement la notoriété de leur propre marque. En outre, une telle absence implique également que SEB ne sera pas en mesure de récupérer les positions détenues par Moulinex lorsqu'elle pourra réintroduire la marque dans les marchés en cause à l'issue de la période de gel.

122.
    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, au considérant 140 de la décision d'approbation, la Commission a constaté, sans être contredite par la requérante sur ce point, que la durée de vie moyenne des produits du petit électroménager est de l'ordre de trois ans.

123.
    Il apparaît dès lors que la durée des engagements couvrira quasiment une période correspondant à trois cycles de produits, tandis que la période pendant laquelle toute utilisation de la marque Moulinex cessera correspond à au moins un cycle de produits.

124.
    À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a souligné, sans être contredite par la requérante sur ce point, que, sur un marché voisin de celui des produits concernés, à savoir le marché des produits du gros électroménager, Whirlpool a réussi la migration de la marque Philips à la marque Whirlpool en trois années, entre 1990 et 1993, ce qui correspond au cycle de vie du produit. Cette migration s'est effectuée alors que la marque Philips était présente et soutenue par Philips sur des marchés adjacents.

125.
    Il convient aussi d'observer que, dans sa communication relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration (JO 2001, C 188, p. 5, point 15), la Commission a indiqué que, en cas de cession d'entreprise, la durée acceptable de l'interdiction de concurrence imposée au vendeur afin de garantir le transfert à l'acquéreur de la valeur complète des actifs cédés est de trois ans au maximum lorsque la cession de l'entreprise s'étend à l'achalandage et au savoir-faire et de deux ans lorsqu'elle s'étend uniquement à l'achalandage. Or, en l'espèce, la durée pendant laquelle SEB s'interdît d'utiliser la marque Moulinex dans les territoires des licenciés sera de huit ans.

126.
    Deuxièmement, il convient de relever que, aux termes du point 1, sous g), premier alinéa, des engagements, les licenciés doivent être des «opérateurs actuellement présents sur le marché ou potentiellement capables d'y entrer, viables, indépendants sans aucun lien avec le groupe SEB, possédant les compétences et la motivation nécessaires pour exercer une concurrence active et effective sur les marchés concernés». De plus, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, aux termes du point 1, sous g), troisième alinéa, les licenciés devront disposer d'une marque propre pouvant être associée à la marque Moulinex, à l'exception des opérateurs ayant une activité principale de vente au détail.

127.
    Force est de constater que ces dispositions, en limitant l'octroi des licences à des opérateurs déjà présents sur le marché, ou susceptibles d'y pénétrer à court terme, et possédant une marque propre, sont de nature à contribuer de manière efficace à ce que les licenciés deviennent des concurrents effectifs dans le délai prévu par les engagements. Cela est encore renforcé par le fait que, bien qu'ils disposent de marques propres, les opérateurs ayant une activité principale de vente au détail sont, aux termes du point 1, sous g), troisième alinéa, des engagements, néanmoins exclus du cercle des bénéficiaires potentiels d'une licence de la marque Moulinex. En effet, aux considérants 27, sous d), et 37 de la décision d'approbation, la Commission a constaté, sans être contredite par la requérante sur ce point, que les marques propres de ces opérateurs, à savoir les «marques de distributeurs», ont une faible présence sur les marchés en cause.

128.
    Eu égard à ces circonstances, il convient de conclure que la durée des engagements n'apparaît pas manifestement insuffisante pour permettre aux licenciés de la marque Moulinex d'établir ou de renforcer leur marque propre en tant que marque concurrente effective de la marque Moulinex dans les neuf États membres concernés.

129.
    Partant, les griefs de la requérante quant à la durée des engagements doivent être rejetés.

d) Exclusion de la France où les doutes sont les plus sérieux en matière de concurrence

Arguments des parties

130.
    Selon la requérante, soutenue par De'Longhi, la Commission n'a imposé aucune condition pour le marché national sur lequel les conditions de concurrence sont les plus gravement affectées par l'acquisition de la marque, à savoir la France, bien qu'il ne fasse aucun doute que tant que les licenciés n'auront aucune certitude quant à la «solution» qui sera finalement adoptée pour le marché français, et tant que, par conséquent, il existe un risque sérieux que la position de SEB sur le marché français réduise à néant les engagements imposés concernant les autres États membres concernés, il sera difficile à SEB de trouver des candidats sérieux et viables à l'obtention d'une licence.

131.
    D'après la requérante, la raison en est, d'abord, que, au cours de cette période, SEB continuera à gérer les affaires de Moulinex comme les siennes et restera en mesure d'exploiter la marque Moulinex en négociant avec les réseaux de distribution dans l'ensemble de la Communauté. En second lieu, l'accès qu'a SEB aux informations commercialement sensibles relatives à la production (ou l'absence de production), à la capacité, à la stratégie et à la performance sur le marché de Moulinex donnera à SEB un autre avantage de concurrence en lui permettant d'adapter son comportement sur le marché en fonction d'informations dont ses concurrents ne disposent pas.

132.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de la requérante sur ce point.

Appréciation du Tribunal

133.
    Il convient de rappeler que, par décision du 8 janvier 2002 adoptée sur la base de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89, la Commission a renvoyé aux autorités françaises de la concurrence l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France. En conséquence, ainsi que la Commission l'indique explicitement au considérant 43 de la décision d'approbation, lesdits marchés ne font pas l'objet de ladite décision.

134.
    L'exclusion des marchés concernés en France de l'examen effectué dans le cadre de la décision d'approbation étant la conséquence de la décision de renvoi, la question de savoir si la Commission était en droit d'exclure lesdits marchés du champ d'application des engagements proposés par les parties à la concentration en vue de lui permettre de dissiper tous doutes sérieux au terme de la phase I se confond avec l'examen de la légalité de la décision de renvoi. Cette question est examinée ci-après dans le cadre de l'examen du recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision de renvoi.

135.
    Dans le cadre de l'examen du recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision d'approbation, il convient dès lors uniquement de vérifier si, comme la requérante le soutient, l'efficacité des engagements acceptés par la Commission dans chacun des neuf États membres concernés est susceptible d'être affectée par le fait que les marchés concernés en France font l'objet d'un examen distinct par les autorités françaises de la concurrence, dont l'issue, au moment de l'adoption de la décision d'approbation, est pendante et incertaine.

136.
    À cet égard, il convient de souligner que, comme il a déjà été constaté ci-dessus, il est constant entre les parties que les produits concernés relèvent de marchés nationaux distincts. Ainsi, au considérant 27 de la décision d'approbation, la Commission a notamment constaté, sans être contredite par la requérante, que les relations entre les clients et les fournisseurs, les structures logistiques et les structures de distribution sont organisées au niveau national.

137.
    Par ailleurs, il a été constaté ci-dessus que les importations parallèles des produits concernés entre États membres sont marginales.

138.
    Dans ces circonstances, force est de constater que les incertitudes entourant l'issue de la procédure en France n'apparaissent pas susceptibles de porter atteinte à la conclusion de contrats de licence de la marque Moulinex avec des licenciés sérieux et viables dans d'autres États membres. En effet, eu égard à la dimension géographique nationale des marchés de produits concernés et en l'absence d'importations parallèles significatives entre États membres, les licenciés de la marque Moulinex dans les neuf États membres concernés ne sont pas en concurrence avec le ou les opérateurs actifs sous la marque Moulinex sur les marchés concernés en France. A fortiori, la situation des licenciés en dehors de France ne saurait donc être affectée par l'incertitude quant à l'identité du futur opérateur de la marque Moulinex en France.

139.
    En tout état de cause, même si l'incertitude alléguée par la requérante était de nature à rendre difficile la conclusion de contrats de licence avec des opérateurs sérieux et viables dans les neuf États membres concernés, il y a lieu d'observer que, comme la Commission le fait valoir à juste titre, le choix des licenciés effectué par SEB est, aux termes du point 1, sous i), des engagements, soumis à son agrément, lequel consiste à vérifier, conformément au point 1, sous g), des engagements, que les licenciés devront avoir la qualité «[d'] opérateurs actuellement présents sur le marché ou potentiellement capables d'y entrer, viables, indépendants, sans aucun lien avec le groupe SEB, possédant les compétences et la motivation nécessaires pour exercer une concurrence active et effective sur les marchés concernés».

140.
    En outre, il doit être relevé que les engagements assurent que la durée résiduelle de l'exploitation de la marque Moulinex par SEB pendant la période de négociation des contrats de licence n'excédera pas le minimum nécessaire à la conclusion desdits contrats dès lors que, aux termes du point 1, sous h), des engagements, dans le cas où SEB ne conclurait pas les contrats de licence dans les délais requis, le cas échéant, prolongés en raison de circonstances exceptionnelles, un mandataire indépendant approuvé par la Commission se substituera à SEB pour l'exécution de cette mission. Aux termes du point 2, sous e), iv), des engagements, celui-ci disposera d'un délai pour accomplir celle-ci.

141.
    Par ailleurs, l'incertitude concernant l'issue de la procédure en France est, en principe, limitée par le fait que les autorités françaises doivent, conformément à l'article 9, paragraphe 6, du règlement n° 4064/89, se prononcer sur la concentration dans un délai maximal de quatre mois.

142.
    La requérante fait encore valoir que, pendant la période d'examen de la concentration par les autorités françaises de la concurrence, étant donné que SEB ne sera pas en mesure de proposer des licenciés sérieux et viables, cette entreprise continuera de gérer les activités de Moulinex et demeurera en droit d'exploiter la marque Moulinex en négociant avec les réseaux de distribution dans l'ensemble de la Communauté. Par ailleurs, la requérante estime que SEB aura accès à des informations commerciales sensibles relatives à Moulinex qui lui permettront d'adapter son comportement sur le marché en fonction d'informations dont ses concurrents ne disposent pas.

143.
    Par ces arguments, la requérante fait ainsi grief à la Commission d'avoir permis à SEB de réaliser la concentration sans condition, en ce que, dans l'attente de la conclusion de l'ensemble des contrats de licence, SEB demeure en droit d'exploiter la marque Moulinex dans tous les États membres, y compris ceux visés par les engagements, ce qui lui permettrait notamment d'avoir accès à certaines informations commerciales sensibles.

144.
    Outre que ce grief est sans rapport avec l'exclusion des marchés concernés en France du champ d'application des engagements, il convient d'observer que la requérante n'a pas soutenu que SEB disposait d'un délai trop long pour conclure les contrats de licence.

145.
    Il convient, en outre, de constater que l'exploitation de la marque Moulinex par SEB au cours de la période de négociation des contrats de licence est justifiée par l'obligation pour SEB de maintenir, conformément au point 1, sous h), quatrième alinéa, des engagements, la «pleine valeur économique et concurrentielle de la marque Moulinex dans chacun des neuf États membres concernés jusqu'à la date de conclusion desdits contrats». Loin de porter atteinte à l'efficacité des engagements, ladite clause contribue incontestablement à assurer celle-ci, puisqu'elle permet aux licenciés de se positionner immédiatement en tant que concurrents effectifs. Il ne saurait en effet être nié que la conclusion de contrats de licence dans neuf États membres différents est un processus relativement complexe et que le défaut d'exploitation de la marque Moulinex au cours de celui-ci serait de nature à porter atteinte à la capacité concurrentielle de ladite marque.

146.
    Il résulte de ce qui précède qu'en excluant les marchés concernés en France du champ d'application des engagements, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

e) Non-prise en compte de l'impact géographique de la diffusion des licences

Arguments des parties

147.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, allègue qu'un engagement d'octroi de licences temporaires ne couvrant qu'un nombre limité d'États membres - dans certains cas, géographiquement isolés - n'impose pas à SEB une contrainte adaptée en matière de concurrence.

148.
    En particulier, en ce qui concerne l'Espagne, la requérante explique que la décision d'approbation va permettre à SEB non seulement d'acquérir une position dominante ou de la renforcer sur un certain nombre de marchés de produits en Espagne, mais aussi d'encercler le marché portugais, un des marchés nationaux sur lesquels la position conjointe de SEB et de Moulinex est la plus forte. Dans ces conditions, la requérante ne voit pas comment, dans des conditions économiques normales, un licencié temporaire potentiel de la marque Moulinex au Portugal peut avoir une perspective commerciale suffisamment attrayante.

149.
    La requérante fait valoir que l'approbation sans réserves de la transaction en ce qui concerne le marché espagnol aura des conséquences substantielles pour l'efficacité des engagements proposés par SEB pour le territoire du Portugal. Elle ajoute que la position renforcée de SEB sur le marché espagnol menace directement l'efficacité de toute mesure qui pourrait être imposée en ce qui concerne la France.

150.
    La requérante fait observer que, en ne tenant pas compte des aspects transfrontaliers de la concurrence sur les marchés concernés et, pour les besoins de la présente espèce, de leur impact sur l'efficacité des mesures correctives imposées, la Commission s'est écartée de la pratique établie telle qu'exposée dans l'affaire COMP/M.1802 - Unilever/Amora-Maille, du 8 mars 2000, l'affaire IV/M.1578 - Sanitec/Sphinx, du 1er décembre 1999, et l'affaire COMP/M.2283 - Schneider/Legrand, du 10 octobre 2000.

151.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de la requérante sur ce point.

Appréciation du Tribunal

152.
    En substance, par le présent grief, la requérante reproche à la Commission d'avoir limité les engagements aux seuls États membres dans lesquels la Commission a conclu à l'existence de doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration avec le marché commun sans les avoir étendus aux autres États membres. Selon la requérante, la position de SEB dans ces derniers États est susceptible d'affecter l'efficacité des engagements souscrits pour les premiers.

153.
    Il convient d'emblée de relever que, comme la Commission le fait observer à juste titre, la requérante se borne, au stade du présent grief, à des affirmations générales nullement étayées. Dans la requête, le seul élément concret avancé par la requérante à l'appui de son grief consiste à soutenir que «la Commission aurait en particulier dû tenir compte de la situation de l'Espagne» au motif, en substance, que SEB «sera [...] en mesure d'encercler le marché portugais, un des marchés nationaux sur lesquels la position conjointe des marques SEB et Moulinex est de loin la plus forte». La requérante invoque aussi, sans aucunement étayer sa position à cet égard, que la position de SEB en Espagne menace l'efficacité de toute mesure qui pourrait être imposée en ce qui concerne la France.

154.
    En réponse à une question écrite du Tribunal visant à faire préciser à la requérante la portée de son grief sur ce point, celle-ci a expliqué que, par ce grief, elle ne contestait pas en tant que telle l'analyse concurrentielle portant sur les marchés concernés en Espagne, mais uniquement le fait que la Commission n'a pas examiné les interactions éventuelles entre les différents marchés nationaux. Outre les interactions évoquées dans la requête entre les marchés concernés en Espagne, d'une part, et les marchés concernés au Portugal et en France, d'autre part, la requérante a mentionné, dans ses réponses, la situation de la Finlande par rapport aux pays scandinaves. Aux termes de ses réponses, la requérante a réitéré que, selon elle, pour que les engagements permettent à un concurrent indépendant de s'établir avec succès, la Commission aurait dû inclure dans le champ d'application des engagements les États membres dans lesquels aucun doute sérieux n'a été constaté.

155.
    En vue d'examiner le présent grief, il y a d'abord lieu de rappeler que, aux termes des engagements, SEB s'engage à conclure avec un tiers une licence exclusive de la marque Moulinex dans neuf États membres, à savoir l'Autriche, l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Grèce, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède. En revanche, les engagements ne prévoient pas l'obligation pour SEB de conclure un tel contrat de licence dans les autres États membres, à savoir l'Espagne, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Italie et le Royaume-Uni.

156.
    C'est dès lors à juste titre que la requérante relève, s'agissant du seul exemple qu'elle étaye dans la requête, que les engagements prévoient la conclusion d'un contrat de licence de marque pour le Portugal mais non pour l'Espagne.

157.
    Ensuite, il convient de constater que, si les engagements couvrent les marchés concernés en Autriche, en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède, c'est parce que la Commission a constaté que, sur plusieurs marchés de produits concernés dans ces États membres, la concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.

158.
    En revanche, la Commission ayant renvoyé l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France aux autorités françaises de la concurrence, lesdits marchés ne sont pas couverts par les engagements. Quant aux marchés concernés en Espagne, en Finlande, en Irlande, en Italie et au Royaume-Uni, la Commission a estimé, aux termes de l'analyse effectuée aux considérants 83 à 127 de la décision d'approbation, que la concentration n'y changerait que marginalement les conditions de concurrence. En conséquence, elle a conclu que la concentration n'y soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.

159.
    Ainsi, en ce qui concerne les marchés concernés en Espagne, la Commission a constaté, aux termes des considérants 115 à 117 que, en dépit de la forte position de marché de SEB et de Moulinex sur deux marchés de produits, à savoir celui des bouilloires et celui des fours posables, les clients revendeurs disposent de marques alternatives de forte renommée et présentes dans toute la gamme du petit électroménager en substitut de celles des parties. Dans ces circonstances, la Commission a estimé que «[t]oute tentative de comportement anticoncurrentiel sur ces marchés serait donc punie par des achats moindres des produits de SEB et Moulinex sur les autres marchés où l'entité combinée réalise [85 à 95 %] de son chiffre d'affaires, qui pourrait rendre non profitable toute augmentation des prix de la part des parties». En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a confirmé qu'elle ne contestait pas ces appréciations.

160.
    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, comme il a déjà été constaté ci-dessus, il est constant entre les parties que les produits concernés relèvent de marchés nationaux distincts. À cet égard, il est pertinent de rappeler, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus aux points 91 et suivants, que la requérante elle-même a défendu la dimension géographique nationale des marchés concernés au cours de la procédure administrative devant la Commission.

161.
    Ainsi, il peut être tenu pour établi que les marchés concernés en Espagne et les marchés concernés au Portugal sont, de la même manière que les marchés concernés dans les autres États membres, des marchés nationaux distincts.

162.
    Enfin, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, la requérante a elle-même admis que, sur les marchés concernés, les importations parallèles sont marginales.

163.
    Dans ces circonstances, force est de constater que l'octroi d'une licence portant sur la marque Moulinex dans l'un des neufs États membres couverts par les engagements ne saurait en aucun cas être affecté par la situation prévalant dans un autre État membre, celui-ci fût-il, comme dans le cas des marchés concernés en Espagne, un État voisin. En effet, dès lors que la requérante admet, d'une part, qu'il n'existe pas de risque de création ou de renforcement d'une position dominante sur les marchés concernés en Espagne et, d'autre part, que les marchés concernés en Espagne constituent des marchés nationaux distincts des marchés concernés au Portugal et que les importations parallèles entre ces marchés sont marginales, force est d'en déduire qu'elle reconnaît qu'il n'y avait pas matière à imposer la conclusion d'un contrat de licence en Espagne et que la situation concurrentielle prévalant en Espagne n'est pas de nature à affecter la position concurrentielle du licencié de la marque Moulinex au Portugal.

164.
    Quant à la circonstance soulignée par la requérante selon laquelle la position des marques de Moulinex et de SEB au Portugal serait parmi les plus fortes, il convient d'observer que, loin d'établir qu'une licence pour les marchés concernés au Portugal sera peu attractive, cette circonstance apparaît, au contraire, de nature à inciter un opérateur à solliciter une licence pour ces marchés, et ce d'autant plus que la part de marché élevée dans cet État membre est détenue non par SEB, mais par Moulinex.

165.
    Par identité de motifs, les mêmes considérations valent en ce qui concerne les prétendus effets du renforcement de la position de SEB en Espagne sur les engagements, le cas échéant, imposés en France ou en ce qui concerne les prétendus effets du renforcement de la position de SEB en Finlande sur les engagements imposés en Suède, en Norvège et au Danemark.

166.
    Enfin, il y a lieu de préciser que les conclusions qui précèdent ne sauraient davantage être remises en cause par le fait que la Commission a étendu, en raison de l'«effet de portefeuille», la licence de marque dans chacun des neuf États membres couverts par les engagements à tous les produits concernés, en ce compris ceux pour lesquels la concentration ne crée pas ou ne renforce pas de position dominante.

167.
    En effet, il ressort du considérant 141 de la décision d'approbation que l'extension des engagements à l'ensemble des produits en cause est motivée par le souci de la Commission d'empêcher que SEB ne puisse utiliser la marque Moulinex en concurrence avec le licencié dans les neuf États membres concernés. Or, force est de constater que, à l'inverse, le fait que SEB puisse continuer à utiliser la marque Moulinex sur les marchés nationaux non couverts par les engagements ne la met pas en concurrence avec les licenciés dans les États membres pour lesquels la Commission a soulevé des doutes sérieux, puisque les licenciés y détiennent une licence exclusive. En conséquence, les motifs sous-jacents au considérant 141 de la décision attaquée n'exigeaient pas que la Commission étende les engagements à l'ensemble des États membres.

168.
    Partant, le présent grief de la requérante n'est pas de nature à conduire à la constatation que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation. Il doit dès lors être rejeté.

f) Possibilité d'avoir différents licenciés pour différents États membres

Arguments des parties

169.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, fait valoir que la possibilité, dans le cadre des engagements, qu'il y ait différents licenciés pour différents États membres affectera sérieusement l'efficacité des mesures correctives sur la situation du marché en renforçant le risque que les licenciés trouvés par SEB ne constituent pas en réalité des concurrents viables.

170.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de la requérante sur ce point.

Appréciation du Tribunal

171.
    Il convient de rappeler que, aux termes du point 1, sous a), premier alinéa, des engagements, SEB s'engage à conclure un contrat de licence exclusive de la marque Moulinex dans chacun des neuf États membres concernés. Aux termes des engagements, notamment le point 1, sous c), dernier alinéa, lesdits contrats de licence peuvent être conclus avec un ou plusieurs licenciés.

172.
    En vue d'examiner le grief de la requérante, il convient d'abord de souligner à nouveau qu'il est constant entre les parties que les produits concernés relèvent de marchés nationaux distincts. Par ailleurs, les licences prévues par les engagements étant exclusives, un seul licencié de la marque Moulinex sera désigné dans chacun des États membres concernés. Aux termes du point 1, sous c), dernier alinéa, chacun des licenciés doit d'ailleurs s'engager à ne commercialiser les produits comportant la marque Moulinex que sur le ou les territoires qui lui ont été concédés et pour lesquels les produits sont destinés. En conséquence, il convient de constater que les licenciés de la marque Moulinex ne seront pas, en principe, directement en concurrence les uns avec les autres.

173.
    Ensuite, il y a lieu de rappeler qu'il a été jugé ci-dessus que les importations parallèles des produits concernés entre États membres sont marginales. Par conséquent, les importations parallèles des produits de la marque Moulinex mis sur le marché par chacun des licenciés dans leurs territoires respectifs exerceront une concurrence marginale vis-à-vis des autres licenciés.

174.
    Dans ces circonstances, l'existence de licenciés différents selon les États membres ne saurait en aucun cas mettre en péril la viabilité des licenciés. En tout état de cause, il convient de rappeler que, aux termes du point 1, sous g) et i), les engagements prévoient que les licenciés doivent présenter certaines qualités dont le respect est soumis au contrôle de la Commission.

175.
    En conséquence, il y a lieu de conclure que la Commission n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation. Partant, le grief de la requérante doit être rejeté.

g) Possibilité de renégocier les engagements à l'issue de l'appréciation des autorités françaises

Arguments des parties

176.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, avance que la Commission a commis une grave erreur d'appréciation en acceptant la réserve contenue au point 2, sous g), des engagements.

177.
    Selon la requérante, cette réserve a pour effet que, si les autorités françaises proposent une solution allant à l'encontre ou au-delà de ce qui est nécessaire au rétablissement d'une situation concurrentielle normale sur les marchés hors de France, SEB pourra demander à la Commission une révision des engagements souscrits (c'est-à-dire à en être dégagée).

178.
    La requérante fait valoir que cela crée une possibilité très réaliste de voir les autorités françaises, en acceptant d'autres engagements que ceux acceptés par la Commission, réduire à néant les mesures correctives imposées par la Commission ou fournir à SEB la possibilité de renégocier les engagements donnés à la Commission.

179.
    La requérante considère que la simple existence d'un tel risque affecte sérieusement la stabilité des conditions auxquelles la Commission a lié l'approbation de l'acquisition dans les États membres autres que la France. De plus, cette réserve enlève toute attractivité commerciale aux licences à accorder par SEB pour d'autres États membres étant donné la nature incertaine des engagements offerts par SEB à la Commission.

180.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de la requérante sur ce point.

Appréciation du Tribunal

181.
    Il y a lieu de rappeler que, aux termes du point 2, sous g), des engagements, il est prévu:

«Si l'approbation de la présente opération par une autre autorité de concurrence était soumise à des engagements qui soit entreraient en contradiction avec les présents engagements ou soit conduiraient à une situation allant au-delà de ce qui est nécessaire pour répondre au rétablissement d'une situation concurrentielle sur chacun des marchés concernés, le groupe SEB pourra alors demander à la Commission une révision des présents engagements dans le but d'éliminer ces contradictions ou de décharger le groupe SEB de tout ou partie des conditions et obligations contenues dans les présents engagements qui n'apparaîtraient plus nécessaires.»

182.
    En réponse à une question écrite du Tribunal sur ce point, la Commission a précisé que l'objectif de cette disposition était d'éviter une situation dans laquelle les parties à la concentration seraient contraintes de proposer des engagements aux autorités françaises de la concurrence, auxquelles la Commission a renvoyé l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France, dont le contenu serait disproportionné par rapport à l'objectif visant à rétablir une concurrence effective. Ainsi, la Commission a expliqué, dans ses réponses, que les engagements imposés par les autorités françaises de la concurrence «entreraient en contradiction» avec les engagements acceptés par la Commission, par exemple, s'ils prévoyaient l'obligation pour SEB de céder des unités de production. Dans un tel cas, SEB ne serait en effet plus en mesure de conclure, à la demande des licenciés, un contrat d'approvisionnement pour tout ou partie des produits concernés, ainsi que le prévoit le point 1, sous d), premier alinéa, des engagements.

183.
    Il y a lieu d'admettre avec la requérante que le point 2, sous g), des engagements (ci-après la «clause de renégociation») est susceptible d'affecter les engagements acceptés dans la décision d'approbation. En effet, ainsi qu'il ressort de l'exemple fourni par la Commission pour illustrer l'hypothèse où des engagements «entreraient en contradiction», l'application de ladite clause peut amener la Commission à réviser les engagements acceptés dans la décision d'approbation afin de tenir compte de l'issue de la procédure devant les autorités françaises de la concurrence. Ainsi, dans le cas pris comme exemple par la Commission, celle-ci pourrait, en application de ladite clause, abroger l'obligation pour SEB, prévue au point 1, sous d), premier alinéa, des engagements, d'approvisionner les licenciés à leur demande.

184.
    Force est ainsi de constater que l'efficacité des engagements acceptés dans la décision d'approbation est susceptible d'être affectée à un double titre par la clause de renégociation. D'une part, ladite clause est susceptible de conduire à la révision ultérieure desdits engagements, portant de ce fait atteinte aux droits acquis des licenciés sur la base des engagements acceptés dans la décision d'approbation. D'autre part, par le simple fait qu'elle prévoit une possibilité de révision ultérieure des engagements, la clause de renégociation est de nature à dissuader des opérateurs de solliciter une licence de la marque Moulinex.

185.
    Il convient d'examiner les griefs et arguments de la requérante en tenant compte de cette double perspective.

186.
    Pour autant, premièrement, que, par le présent grief, la requérante reproche à la Commission d'avoir accepté ladite clause de renégociation en ce que celle-ci est susceptible d'entraîner la révision des engagements prévus par la décision d'approbation, il convient de rappeler que les autorités françaises de la concurrence ont, par leur décision du 8 juillet 2002 rendue sur renvoi, approuvé la concentration en cause sans imposer d'engagements.

187.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que, comme la Commission le relève à juste titre dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, SEB ne sera pas en mesure d'invoquer l'application du point 2, sous g), des engagements, puisque celui-ci requiert, pour son application, que l'approbation par les autorités françaises de la concurrence soit soumise à des engagements.

188.
    En conséquence, le grief de la requérante étant devenu sans objet au moment où le Tribunal est amené à statuer, il n'y a plus lieu de statuer sur celui-ci.

189.
    En tout état de cause, même si les autorités françaises de la concurrence avaient approuvé la concentration en imposant des engagements, il convient d'observer que, dès lors que la révision des engagements acceptés dans la décision d'approbation requiert, aux termes du point 2, sous g), des engagements, une demande préalable de SEB, la situation juridique de la requérante n'aurait pas été affectée au stade du présent recours, de sorte que le grief aurait été irrecevable.

190.
    En effet, cela n'aurait été que dans l'hypothèse où SEB aurait introduit une demande de renégociation, à la suite de laquelle la Commission aurait révisé les engagements prévus dans la décision d'approbation, que la situation juridique de la requérante aurait été affectée. Dans ce cas, il aurait appartenu à la requérante d'introduire, le cas échéant, un recours en annulation devant le Tribunal. À cet égard, il convient de souligner que ledit recours aurait porté non sur le point 2, sous g), des engagements, mais sur la nouvelle décision adoptée par la Commission en vue de modifier les engagements prévus dans la décision d'approbation.

191.
    Pour autant, deuxièmement, que, par le présent grief, la requérante reproche à la Commission d'avoir accepté la clause de renégociation en ce que celle-ci, par le simple fait qu'elle est prévue dans la décision d'approbation, est de nature à dissuader des opérateurs de solliciter une licence, il convient d'examiner la nature des effets de ladite clause sur lesdits opérateurs au moment de l'adoption de la décision d'approbation.

192.
    À cet égard, il y a lieu d'observer que, au moment de l'adoption de la décision d'approbation, l'affectation, par la clause de renégociation, de la situation juridique des demandeurs potentiels d'une licence de la marque Moulinex résidait dans le fait qu'il existait, à ce moment-là, une incertitude quant à l'issue de la procédure devant les autorités françaises de la concurrence.

193.
    Cette incertitude était toutefois destinée à être levée par l'adoption de la décision des autorités françaises de la concurrence. Dans ces circonstances, il apparaît donc que la clause de renégociation avait pour effet non d'empêcher, mais, tout au plus, de retarder la conclusion des contrats de licence de la marque Moulinex jusqu'au moment où les opérateurs intéressés par celle-ci seraient en mesure de prendre connaissance de l'issue de la procédure en France.

194.
    Or, il convient de relever que le retard affectant la conclusion des contrats de licence n'était pas sans limite. En effet, aux termes de l'article 9, paragraphe 6, du règlement n° 4064/89, la publication des rapports ou l'annonce des conclusions de l'examen de l'opération concernée par les autorités compétentes de l'État membre concerné doit intervenir au plus tard quatre mois après le renvoi par la Commission. De surcroît, aux termes du point 1, sous h), des engagements, la conclusion de contrats de licence par SEB est entourée du respect de certains délais, lesquels peuvent, en cas de circonstances exceptionnelles, être prolongés. À l'audience, les parties ont informé le Tribunal qu'une telle prolongation avait précisément été accordée en vue de permettre aux candidats à l'octroi d'une licence de prendre connaissance de l'issue de la procédure devant les autorités françaises de la concurrence. Enfin, aux termes du point 2, sous e), iv), dans le cas où SEB n'aura pas conclu les contrats de licence dans les délais prévus par le point 1, sous h), il sera remplacé par un mandataire dans l'exercice de cette mission.

195.
    En conséquence, il n'apparaît pas que le point 2, sous g), des engagements était de nature à porter atteinte à l'efficacité des engagements au moment de l'adoption de la décision. Partant, le grief de la requérante sur ce point n'est pas fondé.

h) Sur l'absence de licence en Italie, en Espagne et en Finlande

Arguments des parties

196.
    À l'audience, De'Longhi a allégué que les engagements ne permettaient pas de dissiper les doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration sur certains marchés concernés en Italie, en Espagne et en Finlande.

197.
    Ainsi, en ce qui concerne les marchés concernés en Italie, De'Longhi fait observer que, aux termes mêmes de la décision d'approbation, la nouvelle entité détiendra des parts de marché supérieures à 40 % pour trois marchés de produits concernés, à savoir celui des préparateurs culinaires, celui des repas informels et celui des bouilloires. Or, De'Longhi relève que la Commission n'a imposé aucun engagement dans cet État membre. En effet, après avoir estimé, au considérant 121 de la décision, que la concentration aura un impact faible sur la concurrence sur le marché des préparateurs culinaires, la nouvelle entité étant soumise à la concurrence notamment de Braun (de 10 à 20 %), Philips (de 0 à 10 %) et De'Longhi (de 0 à 10 %), la Commission aurait conclu, au considérant 123, que la concentration ne soulevait pas de doutes sérieux sur les marchés des bouilloires et des repas informels au motif que, ces marchés ne représentant chacun que 0 à 5 % environ de la valeur de l'ensemble de la famille «cuisine» du petit électroménager, les clients revendeurs auront la possibilité de punir toute tentative de comportement anticoncurrentiel sur ces marchés par des achats moindres des produits de SEB/Moulinex sur les autres marchés où l'entité combinée réalise 90 à 100 % de son chiffre d'affaires. Selon la Commission, cette possibilité rend non profitable toute augmentation des prix de la part des parties sur les deux marchés concernés.

198.
    De'Longhi note qu'un raisonnement identique est suivi en ce qui concerne les marchés concernés en Espagne (considérants 115 à 117) et en Finlande (considérants 118 à 120).

199.
    Selon De'Longhi, un tel raisonnement ne repose sur aucun fondement. Elle estime au contraire que, plutôt que d'adopter des mesures de rétorsion, les revendeurs actifs dans le domaine de la grande distribution préféreront coopérer avec SEB en vue d'évincer de cette forme de distribution les fournisseurs concurrents de SEB qui ne sont pas en mesure d'offrir les mêmes conditions d'approvisionnement que cette dernière.

200.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation avancée par De'Longhi.

Appréciation du Tribunal

201.
    Il convient de rappeler qu'il ressort de la réponse de la requérante à une question écrite du Tribunal visant à faire préciser son grief tiré de l'absence d'engagements dans certains États membres que, par ce grief, elle ne conteste pas en tant que telle l'analyse sur les marchés concernés en Italie, en Espagne et en Finlande, mais uniquement le fait que la Commission n'a pas examiné les interactions entre les différents marchés nationaux.

202.
    Or, par l'argumentation exposée ci-dessus, De'Longhi vise précisément à contester l'analyse effectuée par la Commission en ce qui concerne les marchés concernés en Italie, en Espagne et en Finlande.

203.
    Force est de constater que, ce faisant, De'Longhi modifie le cadre du litige tel qu'il est défini par la requête. Or, si les articles 40, troisième alinéa, du statut (CE) de la Cour de justice et 116, paragraphe 3, du règlement de procédure ne s'opposent pas à ce qu'un intervenant présente des arguments nouveaux ou différents de ceux de la partie qu'il soutient, sous peine de voir son intervention limitée à répéter les arguments avancés dans la requête, il ne saurait être admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de déformer le cadre du litige défini par la requête en soulevant des moyens nouveaux (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 37; du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, point 22, et du 8 juillet 1999, Chemie Linz/Commission, C-245/92 P, Rec. p. I-4643, point 32; arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675, point 21; du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 75; du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission, T-125/96 et T-152/96, Rec. p. II-3427, point 183, et du 28 février 2002, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-395/94, Rec. p. II-875, point 382).

204.
    Partant, il convient de considérer que, les parties intervenantes devant, en vertu de l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, accepter le litige dans l'état où il se trouve lors de leur intervention, et les conclusions de leur requête en intervention ne pouvant avoir, en vertu de l'article 40, quatrième alinéa du statut de la Cour, d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties principales, De'Longhi, en tant que partie intervenante, n'a pas qualité pour soulever le présent moyen tiré de l'absence de licence en Italie, en Espagne et en Finlande. En conséquence, le présent moyen soulevé par la partie intervenante doit être rejeté comme irrecevable.

205.
    Par ailleurs, il convient d'observer que, si le Tribunal devait examiner ce moyen et, le cas échéant, le déclarer fondé, il pourrait en résulter une violation des droits de la défense au stade de la procédure juridictionnelle. En effet, dès lors que, dans le cadre de la présente procédure accélérée sur le fondement de l'article 76 bis du règlement de procédure, ledit moyen n'a pas, conformément au paragraphe 2 de cette disposition, fait l'objet d'un mémoire au sens de l'article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure, et qu'il a été présenté nécessairement et inéluctablement pour la première fois à l'audience devant le Tribunal, il est de nature à porter atteinte au droit de la Commission, en vertu du principe du contradictoire, de prendre utilement position sur ce point (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 janvier 2002, Plant e.a./Commission et South Wales Small Mines, C-480/99 P, Rec. p. I-277, points 24 et 33, et du 14 mai 1998, Conseil/De Nil et Impens, C-259/96 P, Rec. p. I-2915, point 31).

206.
    Partant, le présent moyen doit être rejeté.

i) Sur le partage de marché portant sur la marque Moulinex

Arguments des parties

207.
    À l'audience, De'Longhi a fait valoir, pour la première fois, que les engagements acceptés dans la décision d'approbation aboutissent à un partage de marché en ce qui concerne la marque Moulinex. Elle souligne que ce partage de marché est renforcé par le point 1, sous c), dernier alinéa, des engagements, lequel interdit aux licenciés d'exporter les produits qu'ils commercialisent sous la marque Moulinex dans les territoires des autres licenciés et dans ceux de SEB.

208.
    Selon De'Longhi, un tel partage de marché n'est pas couvert par le règlement (CE) n° 240/96 de la Commission, du 31 janvier 1996, concernant l'application de l'article [81], paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de transfert de technologie (JO L 31, p. 2) et, en conséquence, il est interdit par l'article 81, paragraphe 1.

209.
    De'Longhi ayant attiré l'attention de la Commission sur cette problématique au cours de la procédure administrative, elle estime que la Commission aurait dû vérifier si les engagements ne soulevaient pas des doutes à cet égard.

210.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de De'Longhi.

Appréciation du Tribunal

211.
    Il y a lieu d'observer que, en soutenant que les engagements réalisent un partage du marché portant sur la marque Moulinex, De'Longhi invoque un moyen qui n'a pas été soulevé par la requérante.

212.
    Or, si les articles 37, troisième alinéa, du statut de la Cour et 116, paragraphe 3, du règlement de procédure ne s'opposent pas à ce qu'un intervenant présente des arguments nouveaux ou différents de ceux de la partie qu'il soutient, sous peine de voir son intervention limitée à répéter les arguments avancés dans la requête, il ne saurait être admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de déformer le cadre du litige défini par la requête en soulevant des moyens nouveaux (voir, en ce sens, arrêts De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, CIRFS e.a./Commission, précité, point 22, Chemie Linz/Commission, précité, point 32, Siemens/Commission, précité, point 21, British Airways e.a./Commission, précité, point 75, Boehringer/Conseil et Commission, précité, point 183, et Atlantic Container Line e.a./Commission, précité, point 382).

213.
    Partant, il convient de considérer que, les parties intervenantes devant, en vertu de l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, accepter le litige dans l'état où il se trouve lors de leur intervention, et les conclusions de leur requête en intervention ne pouvant avoir, en vertu de l'article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour, d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties principales, De'Longhi, en tant que partie intervenante, n'a pas qualité pour soulever le présent moyen tiré du partage de marché réalisé par les engagements. En conséquence, le présent moyen soulevé par la partie intervenante doit être rejeté comme irrecevable.

214.
    En tout état de cause, même s'il était recevable, le moyen soulevé par la partie intervenante ne serait pas fondé.

215.
    Il ressort de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, que, lorsque, dans le cadre de son examen de la compatibilité d'une opération de concentration avec le marché commun, la Commission apprécie si une opération de concentration crée ou renforce une position dominante au sens du paragraphe 2 de cette disposition, elle doit «[tenir compte] de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d'entreprises situées à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté».

216.
    Il est, par conséquent, exact, ainsi que le fait valoir De'Longhi, que la Commission ne saurait, dans le cadre de la procédure d'application du règlement n° 4064/89, accepter des engagements qui sont contraires aux règles de concurrence instituées par le traité dans la mesure où ils portent atteinte à la préservation ou au développement d'une concurrence effective dans le marché commun. Dans ce contexte, la Commission doit apprécier la compatibilité de ces engagements, notamment selon les critères de l'article 81, paragraphes 1 et 3, CE (qui, par référence à l'article 83 CE, constitue une des bases juridiques du règlement n° 4064/89) (voir arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère/Commission, T-251/00, Rec. p. II-4825, point 85).

217.
    Toutefois, en l'espèce, il convient de relever, en premier lieu, que, aux termes du point 1, sous c), dernier alinéa, des engagements, il est prévu que «le ou les licenciés s'engageront à ne commercialiser les produits comportant la marque Moulinex que sur le ou les territoires qui leur auront été concédés et pour lesquels les produits sont destinés». Contrairement à ce que soutient De'Longhi, il ne résulte pas des termes de cette clause que les engagements imposent de façon explicite une interdiction d'exportation aux licenciés de la marque Moulinex vers les autres États membres. Ladite clause peut en effet être interprétée comme se bornant à obliger les licenciés à commercialiser les produits comportant la marque Moulinex dans le territoire qui leur a été concédé. Or, une clause qui contraint un licencié à concentrer la vente des produits couverts par la licence sur son territoire n'a pas, en principe, pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE.

218.
    En deuxième lieu, force est de constater que, même si la clause litigieuse devait s'interpréter, ainsi que le soutient la requérante, comme interdisant aux licenciés d'exporter les produits comportant la marque Moulinex vers d'autres États membres, De'Longhi n'établit pas en quoi cette clause serait contraire, en l'espèce, à l'article 81, paragraphe 1, CE. En effet, De'Longhi n'explique pas comment, eu égard à la dimension géographique nationale des marchés de produits concernés et à l'absence d'importations parallèles significatives entre États membres, la clause litigieuse serait susceptible de restreindre de manière sensible la concurrence sur le marché concerné dans la Communauté ou d'affecter de manière significative le commerce entre États membres au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE. Or, il est de jurisprudence constante que, même un accord contenant une protection territoriale absolue échappe à la prohibition de l'article 81, paragraphe 1, CE, lorsqu'il n'affecte le marché que d'une manière insignifiante (arrêts de la Cour du 28 avril 1998, Javico, C-306/96, Rec. p. I-1983, point 17; du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 85, et du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 7).

219.
    En outre, De'Longhi n'établit pas qu'un licencié de la marque Moulinex qui ne serait pas protégé contre la concurrence au moins active de la part d'autres licenciés pour l'espace territorial qui lui a été concédé pourrait être amené à accepter le risque de la commercialisation des produits comportant ladite marque en «co-branding» avec sa marque propre. Il convient, à cet égard, de rappeler que l'objectif des engagements est de permettre aux licenciés, au cours d'une période transitoire durant laquelle ils sont en droit d'utiliser leur marque propre en association avec la marque Moulinex, d'assurer la migration de la marque Moulinex vers les marques propres des licenciés afin que celles-ci soient en mesure d'exercer une concurrence effective sur la marque Moulinex au-delà de cette période transitoire, lorsque SEB sera à nouveau en droit d'utiliser la marque Moulinex dans les neuf États membres concernés. Or, force est d'admettre que, dans un tel contexte, l'absence de toute protection des licenciés contre la concurrence, à tout le moins active, des autres licenciés pourrait être nuisible au renforcement des marques concurrentes de la marque Moulinex et pourrait ainsi porter atteinte à la concurrence sur le marché concerné sur le territoire de la Communauté. En conséquence, les prévisions de la clause litigieuse ne sauraient être considérées, pour autant qu'elles interdisent les ventes actives, comme ayant nécessairement un caractère restrictif de concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juin 1982, Nungesser et Eisele/Commission, 258/78, Rec. p. 2015, point 57, et du 6 octobre 1982, Coditel e.a., 262/81, Rec. p. 3381, point 15).

220.
    Il résulte de ces considérations que l'argumentation de De'Longhi tirée du partage de marché réalisé par les engagements doit être rejetée.

j) Conclusion sur le premier moyen

221.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'aucun des griefs et arguments soulevés par la requérante n'est de nature à démontrer qu'en acceptant les engagements proposés par SEB au terme de la phase I, la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation.

222.
    En conséquence, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le second moyen, tiré du caractère tardif des engagements

a) Arguments des parties

223.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, fait valoir que la Commission n'aurait pas dû autoriser SEB à apporter des modifications substantielles à sa proposition de mesures correctives après l'examen du marché, mais aurait dû adopter au lieu de cela une décision fondée sur l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89.

224.
    La requérante avance que les mesures correctives de la phase I ne peuvent être modifiées que légèrement après l'examen du marché parce que ces engagements doivent être «construits de façon à fournir une réponse directe à des problèmes de concurrence aisément identifiables» (point 37 de la communication sur les mesures correctives). En l'espèce, les engagements proposés initialement par SEB dans la phase I étaient, de l'avis de la requérante, gravement et manifestement insuffisants.

225.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de l'argumentation de la requérante sur ce point.

b) Appréciation du Tribunal

226.
    Il convient de rappeler que les parties à la concentration ont proposé des engagements à trois reprises à la Commission au cours de la phase I, à savoir le 5 décembre 2001, le 18 décembre 2001 et à une date ultérieure, non autrement spécifiée, avant l'adoption de la décision d'approbation le 8 janvier 2002.

227.
    En substance, la teneur de chacun de ces engagements était la suivante:

-    dans leur version initiale du 5 décembre 2001 (ci-après la «version initiale des engagements»), les engagements prévoyaient le retrait pour l'ensemble de l'EEE et pour une durée de deux ans de cinq catégories de produits concernés de la marque Moulinex;

-    dans leur version modifiée du 18 décembre 2001 (ci-après la «version modifiée des engagements»), les engagements prévoyaient une licence exclusive de la marque Moulinex d'une durée de trois ans, assortie d'un engagement de non-entrée sous la marque Moulinex pendant une année supplémentaire après l'expiration de la licence, pour l'ensemble des catégories de produits en Belgique, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal et pour la catégorie des friteuses en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Norvège et en Suède, ainsi qu'une obligation d'approvisionnement à la charge des licenciés pour quatre catégories de produits concernés;

-    enfin, dans leur version finale acceptée dans la décision d'approbation (ci-après la «version finale des engagements»), les engagements prévoient une licence exclusive de la marque Moulinex d'une durée de cinq ans, assortie d'un engagement de non-entrée sous la marque Moulinex pour trois années supplémentaires à l'expiration de la licence, pour l'ensemble des catégories de produits du petit électroménager en Autriche, en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède, ainsi qu'une obligation d'approvisionnement d'une durée de deux ans à la charge du licencié en Allemagne pour une catégorie de produits concernés.

228.
    Il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98:

«Les engagements que les entreprises concernées proposent à la Commission conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement [...] n° 4064/89 et que les parties veulent faire prendre en considération dans une décision fondée sur l'article 6, paragraphe 1, point b), dudit règlement doivent être communiqués à la Commission dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de la notification.»

229.
    En l'espèce, la notification de la concentration ayant été effectuée le 13 novembre 2001, le délai pour proposer des engagements à la Commission au cours de la phase I expirait, en application de la méthode de computation des délais définie aux articles 6 à 9 et 18, paragraphe 3, du règlement n° 447/98, le 5 décembre 2001. Il en résulte que la version initiale des engagements a été déposée à la Commission dans les délais requis par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98.

230.
    Il est toutefois constant que la version initiale des engagements n'est pas celle qui a finalement été acceptée par la Commission dans la décision d'approbation. Aux termes du considérant 135 de la décision d'approbation, la version initiale des engagements ne permettait en effet pas à la Commission de dissiper tous les doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration avec le marché commun parce qu'elle n'aurait pas permis de substituer un acteur à Moulinex et ne concernait pas l'entièreté des marchés où la concentration était susceptible de soulever des doutes sérieux.

231.
    Or, il est constant que tant la version modifiée des engagements que la version finale de ceux-ci ont été déposées par les parties à la concentration en dehors du délai de trois semaines prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98. Dans ces circonstances, il convient d'examiner si la Commission était en droit d'accepter lesdits engagements sans enfreindre cette dernière disposition.

232.
    En vue d'effectuer cet examen, il y a d'abord lieu d'avoir égard aux termes des dispositions applicables des règlements n° 4064/89 et n° 447/98.

233.
    Il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98, les parties à la concentration doivent communiquer à la Commission dans un délai de trois semaines les engagements qu'elles «veulent faire prendre en considération» dans une décision adoptée au terme de la phase I.

234.
    De même, aux termes de l'article 10, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 4064/89, il est prévu que la phase I est portée à six semaines si, après notification d'une opération de concentration, les entreprises concernées présentent des engagements en application de l'article 6, paragraphe 2, du même règlement «dans le but, pour les parties, de les faire prendre en considération» dans une décision à l'issue de la phase I.

235.
    Il résulte des termes de ces dispositions que le délai de trois semaines prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98 est conçu comme un délai contraignant pour les parties à la concentration, en ce sens que, si ces dernières présentent des engagements en dehors dudit délai, la Commission n'est pas tenue de les prendre en considération au stade de la phase I. En revanche, il ne ressort pas des termes des dispositions précitées qu'il est interdit à la Commission de prendre en considération de tels engagements tardifs.

236.
    Afin de déterminer si l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98 doit néanmoins être interprété en ce sens, il convient d'examiner les termes de ladite disposition à la lumière des objectifs qu'elle poursuit.

237.
    À cet égard, il convient de relever que ladite disposition a été introduite par le règlement n° 447/98, lequel a abrogé le règlement (CE) n° 3384/94 de la Commission, du 21 décembre 1994, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064/89 (JO L 377, p. 1) à la suite de l'adoption du règlement n° 1310/97. Ce dernier règlement a introduit dans le règlement n° 4064/89 un cadre réglementaire pour l'offre d'engagements au cours de la phase I. Aux termes du considérant 16 du règlement n° 447/98, la Commission indique que les délais pour la présentation des engagements prévus par ledit règlement sont nécessaires «pour permettre à la Commission d'évaluer valablement les engagements visant à rendre la concentration compatible avec le marché commun et de procéder dûment à la consultation des autres parties intéressées, des tiers et des autorités des États membres».

238.
    Il résulte ainsi de ce considérant que, par l'introduction du délai prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98, la Commission a entendu s'assurer qu'elle disposera du temps nécessaire pour évaluer les engagements et consulter les tiers. Or, si la poursuite de cet objectif requiert nécessairement que le délai prévu par ladite disposition soit contraignant pour les parties à la concentration, afin que celles-ci soient privées de la possibilité de présenter des engagements, avant l'expiration de la phase I, dans un délai ne permettant pas à la Commission de disposer du temps nécessaire pour les évaluer et consulter les tiers, il ne requiert, en revanche, nullement qu'il le soit également pour la Commission, celle-ci pouvant parfaitement estimer, au vu des circonstances de l'espèce, qu'un délai plus bref est suffisant pour procéder auxdites évaluations et consultations.

239.
    Il s'ensuit que l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98 doit être compris en ce sens que, si les parties à une concentration ne peuvent obliger la Commission à tenir compte des engagements et de leurs modifications intervenus après le délai de trois semaines, en revanche, la Commission, si elle estime avoir le temps nécessaire pour les examiner, doit être en mesure d'autoriser la concentration au vu desdits engagements, même si des modifications interviennent après le délai de trois semaines.

240.
    Il résulte dès lors de ce qui précède que la Commission était en droit d'accepter la version modifiée des engagements et la version finale de ceux-ci en dehors du délai de trois semaines prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98, ledit délai n'étant pas contraignant pour elle.

241.
    En tout état de cause, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, en acceptant lesdits engagements, la Commission s'est conformée aux principes qu'elle a exposés en la matière dans la communication sur les mesures correctives.

242.
    À titre liminaire, il convient à cet égard de souligner que, contrairement à ce que suggère la Commission dans son mémoire en défense, ladite communication n'est pas dépourvue de toute obligation légale contraignante. En effet, la Commission est tenue par les communications qu'elle adopte en matière de contrôle des concentrations dans la mesure où elles ne s'écartent pas des normes du traité et du règlement n° 4064/89 (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C-382/99, Rec. p. I-5163, point 24, et du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C-351/98, Rec. p. I-8031, point 53). Par ailleurs, la Commission ne saurait se départir des règles qu'elle s'est imposées à elle-même (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 53).

243.
    Or, aux termes de la communication sur les mesures correctives, la Commission a indiqué:

«37    Lorsque l'appréciation des engagements proposés révèle qu'ils ne sont pas suffisants pour résoudre les problèmes de concurrence posés par l'opération, les parties en seront informées. Étant donné que les remèdes de phase I sont construits de façon à fournir une réponse directe à des problèmes de concurrence aisément identifiables, seules des modifications limitées peuvent être acceptées. De telles modifications, présentées comme une réponse immédiate aux résultats de consultations, comportent des clarifications, des perfectionnements et/ou des améliorations qui permettent que les engagements soient praticables et effectifs.»

244.
    En l'espèce, s'agissant des changements apportés par la version finale des engagements à la version modifiée, il est manifeste, et cela n'est pas contesté par la requérante, qu'ils constituent des modifications limitées au sens du point 37 de la communication sur les mesures correctives. Par rapport à la version antérieure, la version finale des engagements se borne en effet à prolonger la durée de la licence exclusive et de l'obligation de non-rentrée ultérieure, à étendre à cinq États membres supplémentaires le principe retenu pour les quatre premiers, selon lequel la licence portera sur l'ensemble des produits du petit électroménager et, enfin, à réduire la portée de l'obligation d'approvisionnement. Ces modifications concernant uniquement le champ d'application, dans le temps, en termes de produits et en termes de géographie, d'obligations prévues dans la version modifiée des engagements, elles peuvent être considérées comme des modifications limitées visant à améliorer ou à perfectionner la version modifiée des engagements au sens de l'article 37 de la communication sur les mesures correctives.

245.
    S'agissant des changements apportés par la version modifiée à la version initiale des engagements, lesquels consistaient à transformer une obligation de retrait de la marque Moulinex en une obligation d'octroyer une licence exclusive de ladite marque, il convient de constater que, comme le retrait de la marque, l'octroi d'une licence exclusive a pour effet de priver le titulaire de la marque Moulinex, en l'occurrence SEB, du droit d'utiliser ladite marque dans les territoires concernés. Dans cette mesure, la circonstance selon laquelle l'octroi d'une licence exclusive permet, en outre, à un tiers d'utiliser la marque peut être considérée comme une «amélioration» par rapport au simple retrait.

246.
    Par ailleurs, en l'espèce, la version modifiée des engagements prévoyait, au point 1, paragraphe 1, sous b), premier alinéa, et au point 1, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, que SEB s'interdisait d'utiliser la marque Moulinex pendant une durée de un an après l'expiration des contrats de licence. En outre, il était prévu, au point 1, paragraphe 1, sous a), second alinéa, et au point 1, paragraphe 2, sous a), troisième alinéa, que les licenciés pouvaient cesser d'utiliser la marque Moulinex à tout moment pendant la durée de la licence, laquelle était de trois ans, en vue de migrer définitivement vers leur marque propre. En application de ces dispositions, la marque Moulinex aurait été retirée du marché pendant une période d'au moins un an et, du moins en théorie, de quatre ans au plus. À la suite de l'adoption de la version finale des engagements, la durée de la licence a été étendue à cinq ans et l'obligation pour SEB de ne pas utiliser la marque Moulinex après l'expiration du contrat de licence a été portée à trois ans, de sorte que la marque Moulinex sera retirée du marché pendant une période d'au moins trois ans et, du moins en théorie, de huit ans au plus. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante, la version modifiée et la version finale des engagements ne se sont pas bornées à substituer au retrait de la marque Moulinex prévu par la version initiale l'octroi de licences de ladite marque, mais ont renforcé ce retrait en obligeant SEB à accorder une licence. Pour cette raison également, la version modifiée et la version finale des engagements apparaissent comme une «amélioration» par rapport à la version initiale de ceux-ci.

247.
    De surcroît, même si les tiers n'ont apparemment pas explicitement été consultés au sujet de la version initiale des engagements, cette amélioration peut être considérée comme une «réponse immédiate aux résultats de consultations» de tiers destinée à rendre les engagements «praticables et effectifs». En effet, en réponse à la question 25 du questionnaire adressé aux concurrents, la requérante elle-même a souligné que, «pour assurer une position tenable sur chaque marché national concerné, deux critères ont une importance fondamentale: la fidélité à la marque et l'accès structurel aux divers réseaux de distribution». Eu égard à ces éléments de réponse, la Commission a pu logiquement déduire de la consultation des tiers qu'une licence de la marque Moulinex constituait une réponse immédiate aux problèmes identifiés par ceux-ci, puisque, contrairement au simple retrait de la marque, une telle licence permet de substituer à Moulinex un opérateur disposant d'une marque notoire et ayant accès aux canaux de distribution.

248.
    Il ressort d'ailleurs du dossier devant le Tribunal que, dans une note datée du 17 décembre 2001 «sur les engagements éventuels de SEB», De'Longhi a explicitement indiqué à la Commission que, «comme alternative à la cession, l'on pourrait prétendre de la part de SEB à un engagement d'octroyer des licences à des tiers acquéreurs pour la marque Moulinex dans tous les marchés nationaux où l'opération entraîne des effets anticoncurrentiels particulièrement importants». Même si, comme elle l'a fait valoir à l'audience, De'Longhi a nuancé cette prise de position dans sa réponse au questionnaire sur les engagements datée du 3 janvier 2002, il n'en demeure pas moins que celle-ci constitue un indice de nature à confirmer que la Commission a pu considérer qu'un engagement de licence constituait une réponse immédiate aux consultations des tiers, puisque De'Longhi a elle-même prôné cette option avant qu'elle ne soit proposée par SEB.

249.
    Pour l'ensemble de ces raisons, la version modifiée des engagements et la version finale de ceux-ci peuvent être considérées comme des modifications limitées qui, aux termes du point 37 de la communication sur les mesures correctives, peuvent être acceptées par la Commission en dehors du délai prévu par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 447/98.

250.
    En conséquence, le second moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Conclusion sur le recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision d'approbation

251.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours de la requérante, en ce qu'il tend à l'annulation de la décision d'approbation, doit être rejeté comme non fondé.

2. Sur le recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision de renvoi

252.
    La recevabilité du recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision de renvoi étant contestée par la Commission, il convient d'abord d'examiner si la requérante est recevable à contester ladite décision.

Sur la recevabilité

253.
    La Commission excipe de l'irrecevabilité du recours à un double titre. En premier lieu, elle fait valoir que la requérante n'est pas directement et individuellement concernée par la décision de renvoi. En second lieu, elle soutient que la requête, en ce qu'elle tend à l'annulation de la décision de renvoi, n'est pas conforme aux exigences formelles du règlement de procédure.

a) Sur l'affectation directe et individuelle de la requérante

Arguments des parties

254.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, fait valoir, conformément à l'article 114 du règlement de procédure, que le recours est totalement irrecevable dans la mesure où il porte sur la décision de renvoi, qui n'est pas adressée à Philips et qui ne concerne pas directement et individuellement cette entreprise.

255.
    La Commission souligne que la décision de renvoi n'est adressée qu'à la République française de sorte que, n'étant pas le destinataire de cette décision, Philips doit démontrer qu'elle est directement et individuellement concernée conformément à l'article 230, quatrième alinéa, CE.

256.
    La Commission estime qu'une décision de renvoi adoptée en vertu de l'article 9 constitue une «décision» au sens de l'article 230 CE. Elle va au-delà de mesures de nature purement préparatoire dans une procédure administrative, car elle transfère définitivement la responsabilité de l'évaluation des aspects de la concentration notifiée qui font l'objet du renvoi de la Commission aux autorités de l'État membre concerné.

257.
    Toutefois, la Commission allègue que, contrairement à une décision au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4064/89 (voir, par exemple, arrêts du Tribunal du 4 mars 1999, Assicurazioni Generali et Unicredito/Commission, T-87/96, Rec. p. II-203, et du 19 mai 1994, Air France/Commission, T-2/93, Rec. p. II-323), une décision adoptée sur la base de l'article 9 du même règlement, comme la décision de renvoi, n'a pas d'effet sur la situation juridique de tiers, comme Philips. De l'avis de la Commission, une telle décision a des effets sur la situation juridique de l'État membre auquel la concentration est renvoyée. La Commission ne présente pas d'observations quant à la question de savoir si la décision peut avoir des effets sur la situation juridique des parties notifiantes.

258.
    En premier lieu, la Commission souligne que, dans le cadre d'une décision adoptée en vertu de l'article 9 du règlement n° 4064/89, les aspects de l'opération renvoyée doivent obligatoirement faire l'objet d'un examen des autorités nationales. À cet égard, elle explique qu'une telle décision ne peut être prise que dans les circonstances mentionnées à l'article 9, paragraphe 2, sous a) et b), qui présupposent qu'il existe effectivement une question de concurrence que les autorités nationales en question sont bien placées pour traiter. La Commission ajoute que le renvoi est fait «en vue de l'application de la législation nationale sur la concurrence dudit État» [article 9, paragraphe 3, sous b)], et que l'article 9, paragraphe 8, prévoit que «l'État membre concerné ne peut prendre que les mesures strictement nécessaires pour préserver ou rétablir une concurrence effective sur le marché concerné». Selon la Commission, il en résulte que la question de concurrence relevée dans la demande de renvoi doit être examinée et ne préjuge ou ne prédétermine nullement l'issue de la procédure nationale d'examen.

259.
    En second lieu, la Commission souligne que les tiers n'ont absolument aucun rôle à jouer dans la procédure de l'article 9 du règlement n° 4064/89, celle-ci étant entièrement bilatérale entre la Commission et l'État membre demandeur. À son avis, cela incite fortement à penser que le législateur entendait que de telles décisions n'aient pas d'effets sur la situation juridique des tiers, sinon il aurait probablement été prévu de leur demander de présenter des observations.

260.
    Par ailleurs, la Commission affirme que la situation juridique de Philips ne sera affectée que par la décision finale prise par les autorités françaises. Selon elle, l'évaluation des effets de l'opération sur le marché français est donc entièrement ouverte et toute action de Philips concernant la situation sur ce marché est donc prématurée et, pour ce qui est de la Commission, mal orientée. Elle ajoute que Philips disposera des possibilités offertes par le droit français de contester la position adoptée par les autorités françaises en cas de désaccord.

261.
    En conséquence, la Commission rejette tous les arguments invoqués par la requérante à l'appui de la recevabilité de son recours.

262.
    En ce qui concerne la participation active de Philips au traitement de l'affaire, la Commission rappelle que les tiers n'ont aucun rôle à jouer dans la procédure communautaire aboutissant à la décision de renvoi. Le fait que Philips ait exhorté la Commission à ne pas accepter la demande des autorités françaises ne change rien à cela. Dans la mesure où Philips fait référence à sa participation dans la procédure conduite par les autorités françaises, la Commission considère que ce fait peut être pertinent pour toute action que l'entreprise souhaiterait engager en France contre cette procédure, mais il ne présente aucun intérêt dans le cadre d'un recours formé contre une décision adoptée par une autre autorité, à savoir la Commission.

263.
    Concernant le fait que la Commission a évalué la situation en matière de concurrence en tenant particulièrement compte de la situation de Philips en tant que principal concurrent des parties à la concentration, la Commission souligne que Philips lie cet argument expressément à la décision d'approbation. La Commission en conclut que Philips n'a pas l'intention de l'invoquer en ce qui concerne la recevabilité de l'action formée contre la décision de renvoi. La Commission considère que Philips a manifestement raison de ne pas se fonder sur les termes de la décision d'approbation au regard d'un marché dont la Commission a confié l'analyse à une autre autorité.

264.
    En ce qui concerne le fait que Philips a été l'un des candidats (malheureux) pour certaines activités de Moulinex et que sa situation sur le marché sera sensiblement affectée par la décision du ministre français et les conditions imposées par la Commission sur la base de l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, la Commission fait à nouveau valoir que, dans la mesure où ces arguments se réfèrent à la décision à prendre par les autorités françaises, ils peuvent être pertinents dans le cadre de toute action engagée par Philips contre cette décision. En revanche, la Commission souligne que la décision de renvoi n'a eu aucun effet sur la situation de Philips sur le marché français.

265.
    Pour toutes ces raisons, la Commission conclut que le recours devrait être déclaré irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision de renvoi. Elle demande au Tribunal de statuer spécifiquement sur la recevabilité de cet aspect de l'affaire, qui est son moyen principal en ce qui concerne la décision de renvoi et qui est une question d'une importance considérable pour la Commission étant donné que des contestations comme celles de Philips pourraient, si elles étaient jugées recevables, affecter sérieusement le traitement efficace et rapide des affaires dans le cadre de ce règlement.

266.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, considère qu'elle est directement et individuellement concernée par la décision de renvoi et que, en conséquence, son recours, en ce qu'il tend à l'annulation de la décision de renvoi, est recevable.

Appréciation du Tribunal

267.
    Par son exception d'irrecevabilité, la Commission ne conteste pas que la décision de renvoi présente le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation. En revanche, elle soutient que le recours n'est pas recevable au motif que la requérante n'établit pas être directement et individuellement concernée par ladite décision.

268.
    Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 230, quatrième alinéa, CE, «toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concerne directement et individuellement».

269.
    La requérante n'est pas destinataire de la décision de renvoi, celle-ci étant adressée par la Commission à l'État membre ayant fait une demande de renvoi en application de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89. Dans ces conditions, il convient d'examiner si la requérante est directement et individuellement concernée par ladite décision.

- Sur l'intérêt direct

270.
    Aux termes de son exception d'irrecevabilité, la Commission soutient que la décision de renvoi, si elle produit des effets juridiques pour l'État membre concerné, n'en produit aucun pour les tiers, parce que ladite décision ne préjuge en rien de la décision finale qui sera rendue au fond par les autorités françaises de la concurrence au sujet des aspects de la concentration qui leur ont été renvoyés. Seule cette décision sera, selon la thèse de la Commission, de nature à affecter la position concurrentielle de la requérante sur les marchés concernés en France.

271.
    Par cette thèse, la Commission conteste ainsi que la décision de renvoi concerne directement la requérante.

272.
    Selon une jurisprudence constante, pour concerner directement un requérant privé, l'acte communautaire entrepris doit produire directement des effets sur la situation juridique de l'intéressé et sa mise en oeuvre doit revêtir un caractère purement automatique et découler de la seule réglementation communautaire, sans application d'autres règles intermédiaires (voir, notamment, arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C-386/96 P, Rec. p. I-2309, point 43, et arrêt du Tribunal du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, T-9/98, Rec. p. II-3367, point 47).

273.
    Tel est, notamment, le cas lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à cet acte est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 8 à 10, et Dreyfus/Commission, précité, point 44).

274.
    En l'espèce, il convient dès lors de vérifier si la décision de renvoi est susceptible de produire des effets juridiques directs et automatiques pour la requérante ou si, au contraire, lesdits effets résulteront de la décision adoptée sur renvoi par les autorités françaises de la concurrence.

275.
    À cet égard, il y a lieu d'admettre avec la Commission que la décision de renvoi n'est pas de nature à affecter directement la position concurrentielle de la requérante sur les marchés concernés en France. En effet, eu égard à la décision de renvoi, la Commission n'a pas, dans la décision d'approbation, statué sur la compatibilité de la concentration avec le marché commun en ce qui concerne ses effets sur les marchés concernés en France, mais elle a renvoyé l'examen de cette question aux autorités françaises de la concurrence qui en ont fait la demande le 7 décembre 2001. Aux termes de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), du règlement n° 4064/89, ces dernières sont chargées d'examiner les effets de la concentration sur les marchés concernés en France au regard de leur droit national de la concurrence. Les seules obligations imposées à cet égard par le règlement n° 4064/89 aux autorités françaises de la concurrence sont, d'une part, aux termes de l'article 9, paragraphe 6, que celles-ci doivent statuer dans un délai maximal de quatre mois après le renvoi par la Commission et, d'autre part, aux termes de l'article 9, paragraphe 8, qu'elles ne doivent prendre «que les mesures strictement nécessaires pour préserver ou rétablir une concurrence effective sur le marché concerné». Ces obligations n'étant toutefois pas de nature à déterminer de manière précise et certaine le résultat de l'examen effectué sur le fond par les autorités françaises de la concurrence, il convient d'admettre que la décision de renvoi n'est pas susceptible d'affecter directement la position concurrentielle de la requérante sur les marchés concernés en France, seule la décision finale adoptée par les autorités françaises de la concurrence pouvant avoir un tel effet.

276.
    Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à démontrer que la décision de renvoi ne concerne pas directement la requérante. En effet, la question de savoir si un tiers est directement concerné par un acte communautaire dont il n'est pas destinataire doit s'apprécier au regard de l'objet dudit acte. Or, une décision de renvoi n'a pas pour objet de statuer sur les effets de la concentration sur les marchés concernés faisant l'objet du renvoi, mais de transférer la responsabilité de l'examen de certains aspects de celle-ci aux autorités nationales qui en ont fait la demande afin qu'elles statuent en application de leur droit national de la concurrence. Eu égard à un tel objet, il est sans pertinence, en l'espèce, que la décision de renvoi n'affecte pas directement la position concurrentielle de la requérante sur les marchés concernés en France.

277.
    Pour apprécier si la requérante est directement concernée par la décision de renvoi, il convient uniquement de vérifier si ladite décision, dans la mesure où elle a pour objet de renvoyer l'examen d'une partie de la concentration aux autorités françaises de la concurrence, produit des effets juridiques directs et automatiques pour la requérante.

278.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes des articles 1er, paragraphe 1, et 22, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, ledit règlement est, en principe, seul applicable aux concentrations de dimension communautaire telles que définies à l'article 1er, paragraphes 2 et 3 dudit règlement. Ainsi, aux termes de l'article 21, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 4064/89, les concentrations de dimension communautaire sont, en principe, soustraites à l'application des législations des États membre sur la concurrence.

279.
    Or, dans la présente espèce, en renvoyant l'examen de certains aspects de la concentration en cause aux autorités françaises de la concurrence, la Commission a mis fin à la procédure d'application du règlement n° 4064/89, entamée par la notification de l'accord prévoyant l'acquisition partielle par SEB d'actifs détenus par Moulinex, en constatant que les conditions de renvoi prévues par l'article 9, paragraphe 2, sous a), dudit règlement sont remplies, à savoir que «l'opération de concentration menace de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de cet État membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct». En effet, aux termes de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), du règlement n° 4064/89, lorsque, après avoir constaté qu'un tel marché distinct et une telle menace existent, la Commission renvoie tout ou partie d'une concentration de dimension communautaire aux autorités compétentes de l'État membre concerné, ces dernières appliquent leur droit national de la concurrence.

280.
    Il en résulte que la décision de renvoi faisant l'objet du présent recours a pour conséquence, d'une part, d'exclure l'application du règlement n° 4064/89 à la partie de la concentration faisant l'objet du renvoi et, d'autre part, de soumettre cette partie de la concentration au contrôle exclusif des autorités françaises de la concurrence statuant sur la base de leur droit national de la concurrence.

281.
    Force est de constater que, ce faisant, la décision de renvoi affecte la situation juridique de la requérante.

282.
    En effet, en déterminant, par le renvoi au droit national de la concurrence, les critères d'appréciation de la régularité de l'opération de concentration en cause ainsi que la procédure et les sanctions éventuelles qui lui sont applicables, la décision de renvoi modifie la situation juridique de la requérante en la privant de la possibilité de voir examiner par la Commission la régularité de l'opération en cause sous l'angle du règlement n° 4064/89 (voir, par analogie, arrêt Assicurazioni Generali et Unicredito/Commission, précité, points 37 à 44).

283.
    Or, le contrôle d'une opération de concentration, opéré sur la base d'une législation nationale, ne saurait être assimilé dans sa portée et ses effets à celui exercé par la Commission au titre du règlement n° 4064/89 (arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, T-3/93, Rec. p. II-121, point 69).

284.
    Par ailleurs, en mettant fin à la procédure prévue par le règlement n° 4064/89, la décision de renvoi a pour effet de priver les tiers des droits procéduraux qu'ils tiennent de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89 et dont, au contraire, ils auraient pu user dans l'hypothèse où la Commission aurait ouvert la phase II.

285.
    Enfin, par ladite décision, la Commission empêche les tiers de se prévaloir de la protection juridictionnelle qui leur est conférée par le traité. En effet, en renvoyant l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France aux autorités françaises de la concurrence statuant sur la base de leur droit national de la concurrence, la Commission prive les tiers de la possibilité de contester ultérieurement devant le Tribunal, sur le fondement de l'article 230 CE, les appréciations qui seront effectuées par les autorités nationales sur ce point, alors qu'en l'absence de renvoi les appréciations effectuées par la Commission auraient pu faire l'objet d'une telle contestation.

286.
    En conséquence, la décision de renvoi ayant pour effet de priver la requérante de l'application du règlement n° 4064/89 et des droits procéduraux qui y sont prévus en faveur des tiers ainsi que de la protection juridictionnelle prévue par le traité, il convient de considérer que la décision de renvoi est susceptible d'affecter la situation juridique de la requérante.

287.
    Or, il convient de considérer que cette affectation est directe dès lors que la décision de renvoi ne requiert aucune mesure d'exécution supplémentaire pour que le renvoi soit effectif. En effet, dès que la décision de renvoi est adoptée par la Commission, le renvoi est immédiat pour l'État membre concerné qui devient, de ce fait, compétent pour apprécier la partie de la concentration faisant l'objet du renvoi au regard de son droit national de la concurrence.

288.
    De surcroît, il convient de rappeler que, conformément à l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, ce sont les autorités françaises qui ont demandé à la Commission qu'elle leur renvoie l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France. Dans ces circonstances, il était exclu que les autorités françaises ne donnent pas suite à la décision de renvoi, ce qui, au demeurant, est confirmé en l'espèce par le fait que les autorités françaises de la concurrence ont adopté, le 8 juillet 2002, leur décision finale sur les aspects de la concentration qui leur ont été renvoyés.

289.
    En conséquence, il convient d'admettre que la décision de renvoi affecte directement la requérante.

290.
    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait, souligné par la Commission, que la requérante pourrait former un recours contre la décision de l'autorité nationale selon les voies de recours internes et, le cas échéant, solliciter, dans ce cadre, un renvoi préjudiciel conformément à l'article 234 CE. En effet, l'existence de voies de recours internes éventuellement ouvertes devant le juge national ne saurait être exclusive de la possibilité de contester directement, devant le juge communautaire, la légalité d'une décision adoptée par une institution communautaire, sur le fondement de l'article 230 CE (arrêt du 24 mars 1994, Air France/Commission, précité, point 69).

- Sur l'intérêt individuel

291.
    Il convient de rappeler que les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 25 juillet 2002, Union de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I-6677, point 36).

292.
    En l'espèce, la Commission ne conteste pas que la requérante est individuellement concernée par la décision d'approbation. Il est constant, en effet, que la requérante est un des principaux concurrents actuels des parties à la concentration sur les marchés en cause. Au considérant 32, la décision d'approbation mentionne ainsi la requérante comme l'un des opérateurs offrant, au même titre que SEB, Moulinex, Bosch, Braun et De'Longhi, une large gamme de produits du secteur du petit électroménager et ayant une présence paneuropéenne. Par ailleurs, à plusieurs reprises dans la décision d'approbation, notamment aux considérants 51, 57, 65 et 75, la Commission a apprécié la concentration en tenant compte notamment de la position de la requérante. Enfin, la requérante a participé de manière active à la procédure administrative unique ayant mené à l'adoption de la décision d'approbation et a formulé des observations qui ont pu influencer l'appréciation portée par la Commission sur la concentration et sur les engagements proposés pour remédier aux problèmes de concurrence soulevés par celle-ci.

293.
    La Commission fait toutefois valoir que ces éléments, bien que de nature à individualiser la requérante dans le cadre de son recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision d'approbation, ne sont pas pertinents au stade de l'examen de la recevabilité du recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision de renvoi.

294.
    Cette thèse ne saurait être retenue.

295.
    En effet, dès lors que, eu égard aux éléments non contestés qui précèdent, la requérante est individuellement concernée par la décision d'approbation, il convient d'admettre qu'en l'absence de renvoi la requérante aurait été recevable à contester, dans le cadre d'un recours en annulation sur le fondement de l'article 230 CE, les appréciations effectuées par la Commission au sujet des effets de la concentration sur les marchés concernés en France.

296.
    À cet égard, il convient de souligner que, si la Commission allègue que la décision d'approbation ne traite pas de la position de la requérante sur les marchés concernés en France, elle ne soutient, en revanche, pas que la requérante ne serait pas l'un des concurrents actuels et principaux des parties à la concentration sur lesdits marchés. Dans la décision de renvoi, la Commission a d'ailleurs explicitement indiqué, au considérant 34, que, sur les marchés concernés en France, la requérante possédait la plus grande gamme de produits après les parties à la concentration. De même, dans leur demande de renvoi, les autorités françaises exposent que la marque Philips est la marque concurrente «principale» de SEB et de Moulinex en France.

297.
    La décision de renvoi ayant pour effet de priver la requérante de la possibilité de contester devant le Tribunal des appréciations qu'elle aurait été recevable à contester en l'absence de renvoi, il y a lieu d'admettre que ladite décision de renvoi affecte de manière individuelle la requérante de la même manière qu'elle aurait été affectée par la décision d'approbation en l'absence de renvoi (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 26 novembre 1996, T. Port, C-68/95, Rec. p. I-6065, point 59).

298.
    Par conséquent, la requérante doit être considérée comme étant individuellement concernée par la décision de renvoi.

- Conclusion

299.
    Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante est directement et individuellement concernée par la décision de renvoi.

300.
    Partant, elle est recevable à contester la légalité de ladite décision sur le fondement de l'article 230 CE.

b) Sur la conformité de la requête avec les exigences de forme du règlement de procédure

Arguments des parties

301.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, note que Philips, malgré son intention d'introduire ce recours et de demander un traitement accéléré en application de l'article 76 bis du règlement de procédure, n'a à aucun moment demandé une copie (ou une version non confidentielle) de la décision de renvoi à la Commission. Ce manque de diligence de sa part l'a conduite à introduire un recours défectueux, dans la mesure où l'acte qu'il vise à attaquer n'est pas joint, contrairement aux exigences de l'article 44, paragraphe 4, du règlement de procédure.

302.
    À l'audience, en réponse à une question du Tribunal sur ce point, la Commission a confirmé qu'elle excipait de l'irrecevabilité formelle de la requête pour ce motif.

Appréciation du Tribunal

303.
    Conformément à l'article 21, deuxième alinéa, du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 44, paragraphe 4, du règlement de procédure, la requête est accompagnée, s'il y a lieu, de l'acte dont l'annulation est demandée.

304.
    En l'espèce, il est constant que la décision de renvoi n'est pas jointe à la requête.

305.
    Toutefois, il y a lieu de relever, en premier lieu, que le règlement de procédure ne prévoit pas que le défaut de joindre l'acte attaqué à la requête entraîne automatiquement l'irrecevabilité de celle-ci. En effet, l'article 44, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit uniquement que la requête est accompagnée «s'il y a lieu» de l'acte attaqué. De surcroît, aux termes de l'article 44, paragraphe 6, du règlement de procédure, si la requête n'est pas conforme aux obligations prescrites par l'article 44, paragraphes 3 à 5, le greffier doit fixer au requérant un délai raisonnable aux fins de la régularisation de la requête. À défaut, le Tribunal décide si l'inobservation de ces conditions entraîne l'irrecevabilité formelle de la requête. Or, en l'espèce, le greffier n'a pas invité la requérante à régulariser sa requête.

306.
    En second lieu, bien que la requérante ait admis dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal ne pas avoir demandé une copie de la décision de renvoi à la Commission, elle a fait état à l'audience d'une lettre par laquelle elle aurait effectué une telle demande, en réponse à laquelle la Commission lui aurait communiqué, le 7 février 2002, une copie de la décision d'approbation, mais non de la décision de renvoi. La Commission n'a pas contesté cette allégation. Or, elle a elle-même indiqué à l'audience que, si une telle demande avait eu lieu et si celle-ci avait été refusée par la Commission, le défaut de joindre la décision de renvoi ne serait pas de nature à vicier la requête.

307.
    Partant, l'exception d'irrecevabilité soulevée sur ce point par la Commission doit être rejetée.

c) Conclusion sur la recevabilité

308.
    Il résulte de ce qui précède que le recours, en ce qu'il tend à l'annulation de la décision de renvoi, est recevable.

Sur le fond

309.
    La requérante avance quatre moyens en vue d'obtenir l'annulation de la décision de renvoi. Le premier moyen est tiré d'une violation des principes sous-tendant l'article 9 du règlement n° 4064/89. Le deuxième moyen est tiré du fait que la Commission se serait écartée de manière déraisonnable de sa pratique établie dans le cadre de l'article 9 du règlement n° 4064/89. Le troisième moyen est tiré d'une violation de l'article 6, paragraphe 1, sous c), et de l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, en ce que la décision de renvoi porte atteinte à la décision d'approbation. Le quatrième moyen est tiré d'un défaut de motivation ou d'une violation du principe de bonne administration.

310.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a précisé que le point 87 de sa requête, intitulé «abus de pouvoir et de responsabilités au titre du règlement n° 4064/89» ne constituait pas un moyen distinct, mais était uniquement destiné à résumer les quatre moyens précédents. En conséquence, il n'y a pas lieu de traiter ce point de la requête en tant que moyen distinct.

a) Sur les premier et deuxième moyens, tirés, d'une part, d'une violation des principes sous-tendant l'article 9 du règlement n° 4064/89 et, d'autre part, d'une contradiction déraisonnable avec la pratique établie dans le cadre de ladite disposition

Arguments des parties

311.
    En premier lieu, la requérante, soutenue par De'Longhi, allègue que, malgré les termes de l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 - qui laissent entendre que, si le critère de l'article 9, paragraphe 2, est rempli, la Commission est libre de traiter l'affaire elle-même ou de renvoyer la partie pertinente de l'affaire aux autorités compétentes de l'État membre concerné -, cette liberté de choix dont jouit la Commission n'est pas illimitée.

312.
    La requérante note que, lorsque le règlement n° 4064/89 a été adopté (et modifié), le Conseil et la Commission ont déclaré:

«[L]orsqu'un marché distinct constitue une partie substantielle du marché commun, la procédure de renvoi prévue à l'article 9 ne devrait trouver application que dans des cas exceptionnels. Il y a lieu, en effet, de partir du principe qu'une concentration qui crée ou renforce une position dominante dans une partie substantielle du marché commun doit être déclarée incompatible avec le marché commun. Le Conseil et la Commission estiment qu'une telle application de l'article 9 devrait être limitée aux cas où les intérêts de concurrence de l'État membre concerné ne pourraient pas être suffisamment protégés d'une autre façon.» («Droit du contrôle des concentrations dans l'Union européenne», Commission européenne, Bruxelles-Luxembourg, 1998, p. 54.)

313.
    Dans la présente affaire, la requérante estime que rien ne porte à croire que les intérêts de la France ne pourraient pas être correctement protégés autrement que par un renvoi aux autorités françaises.

314.
    À cet égard, la requérante souligne d'abord que la Commission n'indique pas dans la décision d'approbation (considérant 27) que les caractéristiques structurelles des différents marchés nationaux de produits concernés en l'espèce étaient différentes et, par ailleurs, que dans des affaires récentes la Commission a montré qu'elle était capable de traiter les problèmes de concurrence apparus sur le marché français (voir, par exemple, affaire COMP/M.2283 - Schneider/Legrand, du 10 octobre 2001, et affaire COMP/M.1628 - TotalFina/Elf, du 9 février 2000).

315.
    En second lieu, la requérante allègue que la décision de renvoi s'écarte de la pratique établie de la Commission, étant donné que la situation sur les marchés nationaux concernés en l'espèce n'est pas structurellement différente de celle régnant sur d'autres marchés.

316.
    La requérante fait observer que, dès lors que sur tous les marchés nationaux de tous les États membres, les marques sont la clef du succès et que sur tous les marchés nationaux le portefeuille de marques de SEB/Moulinex est sans rival, le seul aspect des marchés français qui peut les distinguer des autres est qu'ils donnent lieu aux doutes les plus sérieux en matière de concurrence, ce qui est une question de degré plutôt que de nature. La requérante fait valoir que cela ne peut pas constituer un motif valable de renvoi partiel.

317.
    Au contraire, la requérante avance que les questions qui soulèvent d'aussi sérieux doutes sur un grand nombre de marchés nationaux que la présente espèce ne devaient pas être morcelées, car une telle fragmentation ne fait que mettre en danger l'appréciation cohérente de l'affaire et la mise en oeuvre de mesures correctives efficaces. À titre d'exemple, la requérante renvoie à l'affaire Carnival Corporation/P & O Princess, dans laquelle la Commission a déclaré:

«La Commission a comparé attentivement les arguments en faveur de ce renvoi et contre celui-ci, et notamment le fait que l'offre d'achat concurrente lancée par Royal Caribbean soit actuellement examinée par le Royaume-Uni. Cependant, comme son propre examen initial a révélé que l'opération envisagée par Carnival soulevait également des problèmes de concurrence dans d'autres États membres, la Commission considère qu'il est préférable dans ces conditions de ne pas fragmenter l'affaire et de ne pas mener d'enquêtes parallèles en Europe.» (Communiqué de presse du 11 avril 2002, IP/02/552.)

318.
    De'Longhi a souligné au cours de l'audience que la procédure de renvoi instituée par l'article 9 du règlement n° 4064/89 constitue une dérogation au principe de compétence exclusive de la Commission à l'égard des concentrations de dimension communautaire. Elle soutient que, sous peine de devoir constater une lacune grave dans le système de contrôle communautaire des concentrations, il convient d'interpréter cette disposition de manière telle que la procédure de renvoi ne porte pas atteinte à l'application uniforme du droit communautaire et à l'efficacité des mesures correctives adoptées par la Commission en vue d'assurer un régime de concurrence non faussée dans l'Union européenne. Selon De'Longhi, loin de démontrer que la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le fait que, lorsque les conditions de l'article 9, paragraphe 2, sous a), sont remplies, la Commission puisse, aux termes de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, soit traiter elle-même la concentration, soit la renvoyer aux autorités nationales indique, au contraire, que la Commission est tenue d'appliquer avec précaution la procédure de renvoi, l'article 9, paragraphe 3, premier aliéna, n'imposant pas le renvoi.

319.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

320.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'aux termes de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89 un renvoi peut être effectué dans deux cas distincts.

321.
    Dans le premier cas, prévu par l'article 9, paragraphe 2, sous a), l'État membre concerné doit démontrer dans sa demande de renvoi qu'«une opération de concentration menace de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de cet État membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct». Aux termes de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 4064/89, si la Commission considère que, compte tenu du marché des produits ou services en cause et du marché géographique de référence, un tel marché distinct et une telle menace existent, soit, conformément à la disposition prévue sous a), «elle traite elle-même le cas en vue de préserver ou de rétablir une concurrence effective sur le marché concerné», soit, conformément à la disposition prévue sous b), «elle renvoie tout ou partie du cas aux autorités compétentes de l'État membre concerné en vue de l'application de la législation nationale sur la concurrence dudit État».

322.
    Dans le second cas, prévu par l'article 9, paragraphe 2, sous b), l'État membre concerné doit démontrer dans sa demande de renvoi qu'«une opération de concentration affecte la concurrence dans un marché à l'intérieur de cet État membre qui présente toutes les caractéristiques d'un marché distinct et qui ne constitue pas une partie substantielle du marché commun». Aux termes de l'article 9, paragraphe 3, deuxième alinéa, «[d]ans les cas où un État membre informe la Commission qu'une opération de concentration affecte un marché distinct à l'intérieur de son territoire, qui n'est pas une partie substantielle du marché commun, la Commission renvoie tout ou partie du cas afférent à ce marché distinct, si elle considère qu'un tel marché est affecté».

323.
    En l'espèce, il est constant que les autorités françaises ont demandé le renvoi partiel de la concentration en cause en vue d'examiner les effets de celle-ci sur les marchés de produits concernés en France sur le fondement de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89. Aux termes de la décision de renvoi, la Commission a constaté que les conditions prévues par cette disposition étaient remplies et, en application de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), elle a décidé non de traiter elle-même de l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France, mais de renvoyer celui-ci aux autorités françaises de la concurrence statuant sur la base du droit national de la concurrence.

324.
    Par ses premier et deuxième moyens, la requérante fait en substance grief à la Commission d'avoir effectué le renvoi en violation de l'article 9 du règlement n° 4064/89. En réponse à une question du Tribunal à l'audience, la requérante a confirmé que, par ces moyens, elle fait valoir que la décision de renvoi est contraire à la fois à l'article 9, paragraphe 2, sous a), et à l'article 9, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89.

325.
    Par conséquent, en vue de vérifier le bien-fondé des présents moyens, il convient d'examiner, en premier lieu, si les conditions de renvoi prévues par l'article 9, paragraphe 2, sous a), étaient remplies en l'espèce et, en second lieu, si la Commission a fait une juste application de l'article 9, paragraphe 3, en décidant de renvoyer l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France aux autorités françaises de la concurrence, plutôt que de traiter elle-même de cette question.

326.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le respect des conditions prévues par l'article 9, paragraphe 2, sous a), il doit être relevé, à titre liminaire, que les conditions de renvoi prévues par cette disposition présentent un caractère juridique et doivent être interprétées sur la base d'éléments objectifs. Pour cette raison, le juge communautaire doit, compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une concentration entre dans le champ d'application de l'article 9, paragraphe 2, sous a).

327.
    À cet égard, il y a lieu de constater que, pour qu'une concentration puisse faire l'objet d'un renvoi sur le fondement de l'article 9, paragraphe 2, sous a), deux conditions doivent, aux termes de ladite disposition, être remplies cumulativement. Premièrement, la concentration doit menacer de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de l'État membre concerné. Deuxièmement, ce marché doit présenter toutes les caractéristiques d'un marché distinct.

328.
    S'agissant de la première condition, il convient de constater que, dans la décision de renvoi, la Commission a conclu, au considérant 41, que la concentration, «prima facie, menace de créer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans les marchés de la vente d'appareils de petit électroménager en France».

329.
    Il ressort de la décision de renvoi que la Commission se fonde à cet égard sur quatre éléments:

-    le premier élément tient au fait que, sur les marchés concernés en France, la nouvelle entité disposera d'une taille inégalée. Aux termes des considérants 29 à 32, la Commission retient en particulier que les parties auront des parts de marché excédant 60 % sur onze marchés de produits concernés, que la nouvelle entité représentera quatre fois son concurrent le plus proche et que l'une et l'autre des parties à la concentration détenaient déjà des positions très conséquentes avant l'opération. Selon la Commission, il s'ensuit que la concentration ne constitue pas la fusion de deux acteurs de taille moyenne acquérant la première place du secteur mais le renforcement substantiel du leader existant et conduit à l'élimination d'un concurrent immédiat;

-    le deuxième élément tient à la gamme de produits inégalée qui sera détenue par la nouvelle entité sur les marchés concernés en France. Aux considérants 33 à 35, la Commission relève spécialement que la concentration permettra à la nouvelle entité non pas de compléter sa gamme, mais de devenir leader sur tous les produits de sa gamme existante, renforçant de ce fait son pouvoir de négociation vis-à-vis des clients revendeurs;

-    le troisième élément tient au portefeuille de marques inégalé détenu par la nouvelle entité sur les marchés concernés en France. Aux considérants 36 à 38, la Commission relève notamment que les parties à la concentration détiennent sept marques, dont deux, SEB et Calor, sont essentiellement vendues en France;

-    enfin, le quatrième élément réside dans le fait que la concurrence actuelle et potentielle est insuffisante en France. Aux considérants 39 à 41, la Commission constate en substance que les barrières à l'entrée seront considérablement renforcées compte tenu de la taille de la nouvelle entité sur l'ensemble des marchés concernés en France, de sa gamme de produits et de son portefeuille de marques.

330.
    Force est d'admettre, et cela n'est d'ailleurs pas contesté, que ces éléments sont de nature à démontrer que la concentration menace de créer ou de renforcer une position dominante sur les marchés concernés en France au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89. C'est dès lors à bon droit que la Commission a conclu à l'existence d'une telle menace dans la décision de renvoi. Partant, la première condition de renvoi prévue par l'article 9, paragraphe 2, sous a), doit être considérée comme remplie.

331.
    Il convient ensuite d'examiner si la seconde condition tenant à l'existence d'un marché distinct était également remplie.

332.
    À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 4064/89, l'existence d'un marché distinct est déterminée par la Commission «compte tenu du marché des produits ou services en cause et du marché géographique de référence au sens du paragraphe 7» cité au point 10 ci-dessus.

333.
    Il résulte ainsi d'une lecture combinée de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, et de l'article 9, paragraphe 7, du règlement n° 4064/89 que, pour déterminer si un État membre constitue un marché distinct au sens de l'article 9, paragraphe 2, dudit règlement, la Commission doit tenir compte des critères énoncés à l'article 9, paragraphe 7, de ce règlement, lesquels tiennent, notamment, à la nature et aux caractéristiques des produits ou services concernés, à l'existence de barrières à l'entrée, aux préférences des consommateurs ainsi qu'à l'existence de différences considérables de parts de marché ou de prix entre territoires.

334.
    Or, en l'espèce, ainsi qu'il a déjà été constaté dans le cadre de l'examen des conclusions tendant à l'annulation de la décision d'approbation, il n'est pas contesté que les produits concernés relèvent de marchés nationaux distincts.

335.
    Ainsi, dans la décision de renvoi, la Commission indique, au considérant 22, que, pour conclure à l'existence de marchés nationaux distincts, elle a tenu compte, «notamment, du fait que i) les parts de marché sont hétérogènes que ce soit au niveau des États membres ou des catégories de produits, ii) la pénétration des marques est très différente selon les marchés, iii) les niveaux de prix peuvent varier significativement en fonction des marchés nationaux et de surcroît suivent une tendance différenciée, iv) les politiques commerciales et de marketing sont nationales pour tenir compte des particularités et des préférences des consommateurs, variables d'un État membre à l'autre, v) les structures logistiques sont nationales, vi) les structures de distribution sont nationales et l'importance relative des différents canaux de distribution (grande distribution, chaînes spécialisées, grands magasins...) est très variable en fonction des États membres et vii) les relations clients/fournisseurs se font principalement sur une base nationale, même lorsqu'il s'agit de groupes de la grande distribution implantés internationalement».

336.
    Force est d'admettre que ces critères sont de nature à établir, conformément à l'article 9, paragraphe 7, du règlement n° 4064/89, que les conditions de la concurrence sur les marchés concernés dans chaque État membre, dont la France, sont «sensiblement différentes» de celles prévalant sur les marchés concernés dans les autres États membres.

337.
    S'agissant des marchés concernés en France, il ressort, par ailleurs, du considérant 20 de la décision de renvoi que, selon les autorités françaises, les marchés concernés en France présentent des conditions de concurrence spécifiques, en raison «i) des parts de marché très élevées de la nouvelle entité en France et moindres dans les autres pays alors que le niveau d'importation et les faibles coûts de transports auraient dû favoriser leur homogénéisation, ii) du portefeuille de marques inégalé qu'aura la nouvelle entité qui crée des barrières à l'entrée spécifiques au marché français et iii) d'une structure de distribution spécifique autour de la grande distribution en France contrairement aux autres pays et de contrats d'approvisionnements qui restent conclus au niveau national».

338.
    Au vu de ces éléments, la requérante ne saurait soutenir que les marchés concernés en France ne présentent pas de différence structurelle avec ceux des autres États membres. En effet, le fait que la nouvelle entité détiendra en France une part de marché plus élevée que dans les autres États membres, que les barrières à l'entrée sont significatives et que la revente au détail des produits concernés a lieu essentiellement par le biais de la grande distribution est de nature à conférer aux marchés concernés en France une structure concurrentielle distincte de celle prévalant dans les autres États membres.

339.
    La requérante admet, par ailleurs, explicitement, que les marchés concernés en France se distinguent des marchés des autres États membres par le fait qu'ils soulèvent les doutes «les plus sérieux» en matière de concurrence. Contrairement à ce que soutient la requérante, une telle différence tenant non à la nature, mais à l'intensité de la concurrence est de nature à individualiser un État membre au sens de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89. En effet, parmi les critères énoncés à l'article 9, paragraphe 7, auquel renvoie l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, figure expressément l'«existence, entre le territoire concerné et les territoires voisins, de différences considérables de parts de marché des entreprises».

340.
    Pour l'ensemble de ces raisons, il convient dès lors d'admettre que les marchés concernés en France sont des marchés distincts au sens de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89. Partant, la seconde condition de renvoi prévue par ladite disposition étant remplie, c'est à bon droit que la Commission a estimé que la concentration en cause était susceptible de faire l'objet d'un renvoi en application de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa.

341.
    Toutefois, il convient encore, en second lieu, de vérifier si, en renvoyant effectivement l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France aux autorités françaises de la concurrence, la Commission a effectué une juste application de cette disposition. En effet, ainsi que De'Longhi le souligne à juste titre, aux termes de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, si la Commission considère que les conditions de renvoi sont remplies, elle n'est pas obligée de renvoyer l'examen de la concentration aux autorités compétentes de l'État membre concerné, mais elle peut également décider de traiter elle-même le cas.

342.
    À cet égard, il ressort certes des termes de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, que la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à l'exercice de ce choix. Toutefois, ainsi que la Commission l'a elle-même admis dans son mémoire en défense, ce pouvoir d'appréciation n'est pas sans limite. En effet, il y a lieu de relever que l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), précise que la Commission peut décider de traiter elle-même le cas «en vue de préserver ou de rétablir une concurrence effective sur le marché concerné». Par ailleurs, l'article 9, paragraphe 8, prévoit que l'État membre concerné «ne peut prendre que les mesures strictement nécessaires pour préserver ou rétablir une concurrence effective sur le marché concerné».

343.
    Il résulte de ces dispositions que, même si l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 4064/89 confère à la Commission un large pouvoir d'appréciation quant à la décision de renvoyer ou non une concentration, elle ne saurait décider d'effectuer le renvoi si, au moment de l'examen de la demande de renvoi communiquée par l'État membre concerné, il apparaît, sur la base d'un ensemble d'indices précis et concordants, que ledit renvoi n'est pas de nature à permettre de préserver ou de rétablir une concurrence effective sur les marchés concernés.

344.
    Dès lors, il convient de considérer que le contrôle effectué par le juge communautaire quant à la question de savoir si la Commission a effectué une juste application de son pouvoir d'appréciation en décidant de renvoyer ou non une concentration est un contrôle restreint qui, eu égard aux termes de l'article 9, paragraphes 3 et 8, du règlement n° 4064/89, doit se limiter à vérifier si la Commission a pu, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, estimer que le renvoi aux autorités nationales de la concurrence permettrait de préserver ou de rétablir une concurrence effective sur le marché concerné, de sorte qu'il n'était pas nécessaire qu'elle traite elle-même du cas.

345.
    En l'espèce, force est de constater que, contrairement à la Commission, laquelle n'a approuvé la concentration en cause qu'à la suite de l'offre d'engagements relatifs à la marque Moulinex, les autorités françaises de la concurrence ont, par décision du 8 juillet 2002, approuvé ladite concentration, en ce qui concerne ses effets sur les marchés concernés en France, sans imposer d'engagements, en se fondant sur la théorie dite de l'«entreprise défaillante».

346.
    Il convient toutefois de rappeler que la légalité d'un acte doit s'apprécier au moment de son adoption. Ainsi, en l'espèce, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la compatibilité de la décision des autorités françaises de la concurrence avec la décision d'approbation de la Commission, laquelle rejette explicitement, au considérant 41, l'application de la théorie de l'«entreprise défaillante», pour vérifier si la Commission a effectué une juste application du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu par l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 4064/89, il convient uniquement de déterminer si, au moment où la Commission a adopté la décision de renvoi, elle était en droit de considérer que ledit renvoi permettrait de préserver ou de rétablir une concurrence effective sur les marchés concernés.

347.
    Or, à cet égard, il y a lieu de relever, et cela n'est pas contesté par la requérante, que l'État membre concerné dispose d'une législation spécifique sur le contrôle des concentrations ainsi que d'organes spécialisés en vue d'assurer sa mise en oeuvre sous le contrôle des juridictions nationales. Par ailleurs, dans leur demande de renvoi, les autorités françaises ont identifié avec précision les problèmes de concurrence soulevés par la concentration sur les marchés concernés en France.

348.
    Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que la Commission a pu raisonnablement considérer que les autorités françaises de la concurrence adopteraient, dans leur décision rendue sur renvoi, des mesures permettant de préserver ou de rétablir une concurrence effective sur les marchés concernés. Tel est d'autant plus le cas que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, dès lors que les produits concernés relèvent de marchés nationaux distincts, le renvoi aux autorités françaises de la concurrence n'était pas susceptible de porter atteinte à la décision d'approbation et aux engagements qu'elle accepte.

349.
    La circonstance soulignée par la requérante et, à l'audience par De'Longhi, selon laquelle le renvoi aux autorités françaises de la concurrence a eu pour effet de fragmenter l'examen de la concentration, mettant ainsi en péril une appréciation cohérente de celle-ci, ne saurait remettre en cause cette conclusion.

350.
    Une telle fragmentation n'apparaît certes pas souhaitable eu égard au principe du «guichet unique» sur lequel est fondé le règlement n° 4064/89, en vertu duquel la Commission dispose d'une compétence exclusive pour examiner les concentrations de dimension communautaire. Il ne saurait en effet être nié que le renvoi systématique de concentrations de dimension communautaire qui concernent des produits relevant de marchés nationaux distincts serait susceptible de vider ce principe de sa substance. Dans son mémoire en défense, la Commission a même indiqué que, dans un cas où, comme en l'espèce, chaque État membre constitue un marché national distinct, elle pourrait être amenée à renvoyer l'examen d'une concentration à tous les États membres qui en font la demande.

351.
    Or, au moment de l'adoption du règlement n° 4064/89, le Conseil et la Commission ont souligné, aux termes de la déclaration citée au point 311 ci-dessus, que «[l']application de l'article 9 devrait être limitée aux cas où les intérêts de concurrence de l'État membre concerné ne pourraient pas être suffisamment protégés d'une autre façon».

352.
    Contrairement à ce que soutient la Commission au stade du présent recours, ces déclarations demeurent pertinentes depuis que le règlement n° 1310/97 a modifié le règlement n° 4064/89. En effet, les modifications apportées par le règlement n° 1310/97 ne concernent pas, pour l'essentiel, les conditions de renvoi visées à l'article 9, paragraphe 2, sous a), lesquelles sont en substance restées inchangées depuis l'adoption du règlement n° 4064/89, mais elles concernent les conditions de renvoi prévues par l'article 9, paragraphe 2, sous b), lequel n'est pas en cause en l'espèce. Ainsi, dans le livre vert ayant précédé l'adoption du règlement n° 1310/97 [livre vert de la Commission concernant la révision du règlement sur les concentration, COM(96) 19 final, du 31 janvier 1996], la Commission a rappelé l'objectif poursuivi par la procédure de renvoi dans les termes suivants:

«94    [Elle] considère que, plus particulièrement dans l'hypothèse où les seuils ne seraient pas réduits, toute modification de l'article 9 devrait être limitée de manière à éviter de compromettre l'équilibre fragile établi par les dispositions actuelles en matière de renvoi et d'annuler les avantages du principe du guichet unique. Une trop grande utilisation de l'article 9 risquerait de réduire la sécurité juridique offerte aux entreprises et ne pourrait se concevoir sans une harmonisation des principales caractéristiques des systèmes nationaux de contrôle des concentrations.»

353.
    De même, au considérant 10 du règlement n° 1310/97, le Conseil indique que «[les règles régissant le renvoi] protègent de façon idoine les intérêts des États membres quant à la concurrence et prennent en compte le besoin de sécurité juridique et le principe du ‘guichet unique’».

354.
    Force est de constater que ces déclarations indiquent clairement que, selon l'intention du Conseil et de la Commission, les conditions de renvoi prévues par l'article 9, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 4064/89 doivent être interprétées restrictivement de sorte que les renvois de concentrations de dimension communautaire aux autorités nationales soient limités à des cas exceptionnels.

355.
    Toutefois, dès lors que, comme il a été jugé ci-dessus, les termes de l'article 9, paragraphes 2 et 7 du règlement n° 4064/89 permettent à la Commission de renvoyer l'examen d'une concentration aux autorités nationales lorsque des marchés nationaux distincts sont en cause, force est de constater que le risque que les concentrations de dimension communautaire fassent l'objet, dans un nombre élevé de cas, d'une analyse fragmentée portant atteinte au principe du «guichet unique» est inhérent à la procédure de renvoi telle qu'elle est actuellement prévue par le règlement n° 4064/89.

356.
    Or, contrairement à ce que fait valoir De'Longhi, il n'appartient pas au Tribunal, fût-ce dans le cadre du contrôle de l'exercice par la Commission du pouvoir d'appréciation qu'elle détient en vertu de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 4064/89, de se substituer au législateur en vue de pallier les lacunes éventuelles affectant le mécanisme de renvoi institué par l'article 9 dudit règlement.

357.
    De même, la circonstance alléguée par la requérante selon laquelle, dans le cas d'espèce, la Commission n'aurait pas suivi sa pratique antérieure en la matière, ce que la Commission reconnaît d'ailleurs explicitement dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, est sans pertinence dès lors que la pratique suivie dans la décision de renvoi faisant l'objet du présent recours respecte le cadre légal défini par l'article 9 du règlement n° 4064/89, en particulier ses paragraphes 2, sous a) et b), et 3, premier alinéa. Quant au fait que la Commission aurait, dans le cadre de la concentration Carnival/P & O, refusé le renvoi demandé par le Royaume-Uni au motif qu'il est préférable «de ne pas fragmenter l'affaire et de ne pas mener d'enquêtes parallèles en Europe», il doit également être rejeté comme non pertinent, les marchés concernés dans cette affaire étant différents de ceux en cause en l'espèce.

358.
    Il résulte dès lors de l'ensemble des considérations qui précèdent que, d'une part, les conditions de renvoi prévues par l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89 étaient, en l'espèce, remplies et, d'autre part, la Commission a effectué une juste application de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement en renvoyant l'examen des effets de la concentration sur les marchés concernés en France aux autorités françaises de la concurrence.

359.
    En conséquence, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième moyens dans leur intégralité.

b) Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 6, paragraphe 1, sous c), et de l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89 en ce que la décision de renvoi porte atteinte à la décision d'approbation

Arguments des parties

360.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, fait valoir que la décision de renvoi enlève à la Commission tout moyen d'intervenir si les autorités françaises acceptent des engagements - ou même approuvent le rachat sans conditions - qui réduisent à néant les engagements acceptés par la Commission et/ou n'écartent pas complètement les problèmes sérieux de concurrence existant en France.

361.
    Étant donné les parts de marché extrêmement élevées et le portefeuille solide de SEB/Moulinex en France, la requérante est d'avis que le seul engagement approprié est d'obliger SEB à céder la marque Moulinex à un concurrent en vue de son utilisation sur le marché français. Tout autre engagement de moindre portée réduirait, selon elle, à néant les engagements à l'égard des neuf autres États membres et ne remédierait pas aux problèmes sérieux de concurrence soulevés par la concentration SEB/Moulinex sur le marché français.

362.
    En particulier, la requérante considère qu'un engagement dans la ligne de ceux acceptés par la Commission pour d'autres marchés nationaux ne constituerait pas une mesure suffisante et adéquate, parce que, même si SEB était en mesure de trouver un concurrent viable souhaitant avoir une licence de la marque Moulinex pour une durée limitée, une période de cinq ans plus trois ans ne suffit jamais pour que la fidélité du consommateur passe de la marque bien connue Moulinex à la marque du concurrent.

363.
    Enfin, la requérante note que, en acceptant la possibilité de renégocier les engagements à l'issue de la procédure en France, la Commission n'a pas seulement transféré la responsabilité primaire de l'affaire à ces autorités mais a aussi créé un risque sérieux que la solution finale choisie par le ministre français affecte après coup les engagements déjà pris par SEB en ce qui concerne les autres États membres. Si les autorités françaises devaient imposer des mesures correctives allant au-delà de celles que la Commission a acceptées en ce qui concerne les autres États membres, SEB pourrait demander la renégociation de ces engagements comme étant contradictoires ou excessifs.

364.
    De'Longhi a souligné au cours de l'audience que, eu égard au fait que la procédure de renvoi instituée par l'article 9 du règlement n° 4064/89 constitue une dérogation au principe de la compétence exclusive de la Commission à l'égard des concentrations de dimension communautaire, il appartenait à la Commission d'appliquer cette procédure avec prudence et rigueur. Ainsi, en premier lieu, De'Longhi estime que la Commission aurait pu consulter l'autorité nationale au préalable. En deuxième lieu, elle relève que la Commission aurait pu ouvrir la phase II en ce qui concerne les aspects de la concentration ne faisant pas l'objet du renvoi afin de maintenir la possibilité d'une collaboration avec les autorités françaises de la concurrence. Enfin, en troisième lieu, elle allègue que, dans la mesure où l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89 ne permet le renvoi que si la concentration menace de créer ou de renforcer une position dominante, en adoptant la décision de renvoi sur la base de cette disposition, la Commission a nécessairement exclu que les autorités françaises de la concurrence puissent approuver la concentration sur la base de la théorie dite de l'«entreprise défaillante», puisque celle-ci vise la situation où une concentration n'est pas la cause de la menace de création ou de renforcement de la position dominante (arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, point 110).

365.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet de ce moyen.

Appréciation du Tribunal

366.
    À titre liminaire, il convient de préciser que, pour autant que, par le présent moyen, la requérante fait grief à la Commission d'avoir prévu, aux termes des engagements acceptés dans la décision d'approbation, la possibilité de renégocier les engagements à l'issue de la procédure devant les autorités françaises de la concurrence, ce grief a déjà été rejeté au stade de l'examen du recours en ce qu'il vise à l'annulation de la décision d'approbation.

367.
    Par le présent moyen, la requérante fait toutefois également valoir la circonstance selon laquelle le renvoi partiel de la concentration aux autorités françaises de la concurrence est susceptible de donner lieu à des décisions contradictoires sans possibilité d'intervention de la part de la Commission.

368.
    Il convient à cet égard de rappeler que, comme il a été jugé dans le cadre de l'examen de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, en renvoyant l'examen de certains aspects de la concentration en cause aux autorités françaises de la concurrence sur la base de l'article 9, paragraphe 2, sous a), et de l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 4064/89, la Commission a mis fin à la procédure d'application du règlement n° 4064/89 et a transféré celui-ci aux autorités françaises de la concurrence statuant sur la base de leur droit national de la concurrence.

369.
    Aux termes de l'article 9 du règlement n° 4064/89, les obligations imposées aux autorités françaises de la concurrence dans l'exercice de leurs compétences sont, d'une part, aux termes du paragraphe 6 de cette disposition, que celles-ci doivent statuer dans un délai maximal de quatre mois après le renvoi par la Commission et, d'autre part, aux termes de son paragraphe 8, qu'elles ne doivent prendre «que les mesures strictement nécessaires pour préserver ou rétablir une concurrence effective sur le marché concerné».

370.
    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 10 CE, les États membres doivent prendre toutes les mesures propres à assurer l'exécution des obligations découlant du traité ou résultant des actes des institutions et doivent s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité.

371.
    Pour autant qu'elles respectent ces dispositions, les autorités françaises de la concurrence sont toutefois libres de statuer sur le fond de la concentration qui leur a été renvoyée, sur la base d'un examen propre effectué en application du droit national de la concurrence.

372.
    Par conséquent, contrairement à ce que soutient De'Longhi, la Commission n'avait nullement l'obligation, en vue d'éviter l'adoption de décisions contradictoires, de consulter au préalable les autorités françaises de la concurrence. En effet, la Commission ayant, par l'adoption de la décision de renvoi, mis fin à la procédure d'application du règlement n° 4064/89 en ce qui concerne les aspects de la concentration faisant l'objet du renvoi et transféré la compétence exclusive pour l'examen de ceux-ci aux autorités françaises de la concurrence statuant sur la base de leur droit national, elle est, par le fait même, dépourvue de toute compétence pour traiter desdits aspects. Elle ne saurait donc être admise à intervenir dans le processus décisionnel des autorités françaises de la concurrence.

373.
    De même, contrairement à ce que fait valoir De'Longhi, la Commission n'avait pas l'obligation d'ouvrir la phase II en ce qui concerne les aspects de la concentration ne faisant pas l'objet du renvoi dans le seul but de maintenir la possibilité d'une collaboration avec les autorités françaises de la concurrence. En effet, dès lors que la Commission constate que les engagements proposés par les parties notifiantes au cours de la phase I sont suffisants pour dissiper tous doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration avec le marché commun, elle peut, conformément à l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, approuver la concentration au terme de la phase I sans ouvrir la phase II. En tout état de cause, même si la Commission avait décidé d'ouvrir la phase II en ce qui concerne les aspects de la concentration ne faisant pas l'objet du renvoi, comme il a été indiqué ci-dessus, elle aurait été dépourvue de toute compétence pour traiter des aspects renvoyés aux autorités nationales, puisque, par l'adoption de la décision de renvoi, la Commission a transféré ceux-ci aux autorités françaises de la concurrence.

374.
    Enfin, c'est à tort que De'Longhi soutient que le fait que la décision de renvoi est fondée sur l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89 empêchait les autorités françaises de la concurrence d'approuver la concentration sur la base de la théorie dite de l'«entreprise défaillante».

375.
    Certes, pour effectuer un renvoi sur la base de l'article 9, paragraphe 2, sous a), la Commission est tenue de constater que la concentration en cause menace de créer ou de renforcer une position dominante. Or, en approuvant la concentration sur la base de la théorie dite de l'«entreprise défaillante», les autorités françaises de la concurrence ont nécessairement considéré, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt France e.a./Commission, précité, point 110), que ladite concentration, en ce qui concerne ses effets sur les marchés concernés en France, n'était pas la cause de la menace de création ou de renforcement de la position dominante.

376.
    Toutefois, ainsi qu'il a été souligné au stade de l'examen de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, la décision de renvoi n'a pas pour objet de statuer sur la compatibilité de la concentration quant au fond mais de renvoyer cet examen aux autorités nationales ayant demandé le renvoi afin qu'elles statuent, conformément à l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), en application de leur droit national. Par l'adoption de cette décision de renvoi, la Commission a mis ainsi un terme à la procédure d'application du règlement n° 4064/89 en ce qui concerne les aspects de la concentration faisant l'objet du renvoi et a transféré la compétence exclusive pour l'examen de ceux-ci aux autorités françaises de la concurrence.

377.
    Dès lors, dans le cadre de l'examen des conditions de renvoi prévues par l'article 9, paragraphe 2, sous a), la Commission ne saurait, sous peine de priver l'article 9, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), de sa substance, se livrer à un examen de la compatibilité de la concentration de nature à lier les autorités nationales concernées quant au fond, mais elle doit se borner à vérifier, au terme d'un examen prima facie, si, sur la base des éléments dont elle dispose au moment de l'appréciation du bien-fondé de la demande de renvoi, la concentration faisant l'objet de la demande de renvoi menace de créer ou de renforcer une position dominante sur les marchés concernés.

378.
    Or, en l'espèce, force est de constater que ni la requérante ni De'Longhi ne contestent que la concentration menaçait de créer une position dominante sur les marchés concernés en France. De même, les autorités françaises ont, dans leur demande de renvoi, longuement souligné, afin de justifier le renvoi, les nombreuses raisons pour lesquelles la concentration menaçait de créer ou de renforcer une position dominante sur ces marchés.

379.
    Dans ces circonstances, ainsi qu'il a déjà été jugé dans le cadre de l'examen des premier et deuxième moyens, il ne saurait dès lors être fait grief à la Commission d'avoir conclu, au terme d'un examen prima facie effectué sur la base des éléments dont elle disposait au moment de l'appréciation du bien-fondé de la demande de renvoi, à l'existence d'une telle menace au considérant 41 de la décision de renvoi. À cet égard, il est sans pertinence que, au terme d'un examen approfondi effectué ultérieurement sur la base du droit national, les autorités françaises de la concurrence soient parvenues à la conclusion que la concentration n'était pas la cause de cette menace, l'examen effectué par ces dernières ayant un autre objet que celui effectué par la Commission.

380.
    Il est vrai que, eu égard aux faits de la présente espèce et en particulier à la teneur de la décision des autorités françaises de la concurrence adoptée le 8 juillet 2002, il peut s'avérer souhaitable qu'en vue d'éviter des décisions contradictoires le règlement n° 4064/89 impose des obligations plus contraignantes aux États membres ayant demandé et obtenu un renvoi. Toutefois, ainsi qu'il a déjà été jugé dans le cadre de l'examen des premier et deuxième moyens, il n'appartient pas au Tribunal de se substituer au législateur en vue de pallier les lacunes éventuelles affectant le mécanisme de renvoi institué par l'article 9 dudit règlement.

381.
    En conséquence, au stade actuel, le Tribunal ne peut que constater que, dans l'hypothèse d'un renvoi partiel aux autorités nationales, le risque que la décision de ces dernières soit contradictoire, voire inconciliable, avec la décision adoptée par la Commission est inhérent au mécanisme de renvoi institué par l'article 9 du règlement n° 4064/89.

382.
    Dans ces circonstances, il ne saurait dès lors être fait grief à la Commission de ne pas être en mesure d'intervenir dans le processus décisionnel des autorités nationales.

383.
    Tout au plus, si l'État membre concerné devait enfreindre les obligations qui lui incombent en vertu de l'article 10 CE ainsi que de l'article 9, paragraphes 6 et 8 du règlement n° 4064/89, la Commission pourrait, le cas échéant, décider d'intenter le recours prévu par l'article 226 CE contre cet État membre. Quant aux particuliers, ils disposent de la possibilité de contester la décision rendue sur renvoi par les autorités nationales conformément aux voies de recours internes prévues par le droit national.

384.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen doit être rejeté.

c) Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation de l'article 253 CE ou, alternativement, du principe de bonne administration

Arguments des parties

385.
    La requérante, soutenue par De'Longhi, allègue que, en ne fournissant aucune motivation à l'appui de sa décision d'autoriser le renvoi aux autorités françaises, la Commission a violé l'article 253 CE ou, subsidiairement, le principe de bonne administration.

386.
    De l'avis de la requérante, comme la pratique de ne pas publier les décisions prises au titre de l'article 9, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 4064/89 affecte sérieusement la possibilité pour les intéressés (à la fois les parties qui notifient et leurs concurrents) de se prévaloir d'une protection judiciaire adéquate contre de telles décisions, la Commission aurait dû compenser un peu cette absence de clarté en fournissant un exposé des motifs dans la décision approuvant la concentration notifiée dans la mesure où elle n'a pas été renvoyée, de même que dans le communiqué de presse concernant la décision de renvoi.

387.
    La requérante fait observer que l'absence de motivation en l'espèce quant à la question du renvoi s'écarte de la pratique normale de la Commission (voir communiqués de presse concernant les renvois partiels dans l'affaire COMP/M.2389 - Shell/DEA et dans l'affaire COMP/M.2533 - BP/E.ON, IP/01/1222 et IP/01/1247, et dans l'affaire COMP/M.2706 - Carnival Corporation/P & O Princess, IP/02/552).

388.
    La Commission, soutenue par la République française et SEB, conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

389.
    Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité et de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

390.
    Aux termes de la requête, la requérante visait en substance à faire constater par le Tribunal que, dans la décision d'approbation, le renvoi n'est pas motivé à suffisance de droit.

391.
    Toutefois, la motivation d'un acte dépendant de la nature de cet acte, dans la mesure où la décision d'approbation n'a pas pour objet de renvoyer l'examen de la concentration aux autorités nationales sur le fondement de l'article 9 du règlement n° 4064/89, il convient de considérer que le respect de l'article 253 CE n'imposait pas à la Commission d'y indiquer les motifs sous-tendant la décision de renvoi. Tel est d'autant plus le cas que, s'il est vrai que l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89 ne prévoit pas la notification des décisions de renvoi aux tiers, rien n'empêchait la requérante de demander à la Commission une version non confidentielle de la décision de renvoi en vue de l'introduction du présent recours. À l'audience, la requérante a d'ailleurs fait état, sans être contredite par la Commission sur ce point, d'une lettre attestant d'une telle demande.

392.
    Quant à l'absence alléguée de motivation du renvoi dans le communiqué de presse relatif à la concentration en cause, il suffit de constater qu'une telle absence est sans pertinence dès lors que la requérante ne soutient pas que ledit communiqué de presse contenait la décision de renvoi. En effet, dès lors que le communiqué de presse relatif à la concentration en cause ne contient pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation sur le fondement de l'article 230 CE, il ne saurait encourir le grief de ne pas contenir la motivation de l'acte attaqué.

393.
    Il convient donc d'examiner si la décision de renvoi, telle que produite par la Commission à la demande du Tribunal, est suffisamment motivée. À l'audience, la requérante a d'ailleurs indiqué que, eu égard à la décision produite dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, son moyen devait être compris en ce sens.

394.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la décision de renvoi a été adoptée sur le fondement de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89. Il a déjà été constaté ci-dessus dans le cadre de l'examen des premier et deuxième moyens que, pour qu'une concentration puisse faire l'objet d'un renvoi sur le fondement de cette disposition, deux conditions doivent être remplies. Premièrement, la concentration doit menacer de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de l'État membre concerné. Deuxièmement, ce marché doit présenter toutes les caractéristiques d'un marché distinct.

395.
    Il y a dès lors lieu de considérer que, pour respecter l'obligation de motivation prévue par l'article 253 CE, une décision de renvoi adoptée sur le fondement de l'article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4064/89 doit contenir une indication suffisante et pertinente des éléments pris en considération pour déterminer l'existence, d'une part, d'une menace de création ou de renforcement d'une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans un marché à l'intérieur de l'État membre concerné et, d'autre part, d'un marché distinct.

396.
    S'agissant de la première condition, il convient de constater que la décision de renvoi expose clairement, aux considérants 27 à 41, les motifs pour lesquels la Commission estime, à première vue, que l'opération en question menace de créer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée d'une manière significative dans les marchés de la vente d'appareils de petit électroménager en France. Ces motifs tiennent au fait que, sur les marchés concernés en France, d'une part, la nouvelle entité disposera d'une taille inégalée (considérants 29 à 32), d'une gamme de produits inégalée (considérants 33 à 35) et d'un portefeuille de marques inégalé (considérants 36 à 38) et, d'autre part, la concurrence actuelle et potentielle est insuffisante (considérants 39 à 41).

397.
    S'agissant de la seconde condition, il convient de constater également que la décision de renvoi expose clairement, au considérant 22, les motifs pour lesquels elle estime que les marchés concernés en France sont des marchés nationaux distincts. Aux termes de ce considérant, la Commission constate en effet qu'«une large part des clients et des concurrents des parties indiquent clairement l'existence de marchés nationaux pour les produits du petit électroménager, compte tenu notamment du fait que i) les parts de marché sont hétérogènes que ce soit au niveau des États membres ou des catégories de produits, ii) la pénétration des marques est très différente selon les marchés, iii) les niveaux de prix peuvent varier significativement en fonction des marchés nationaux et de surcroît suivent une tendance différenciée, iv) les politiques commerciales et de marketing sont nationales pour tenir compte des particularités et des préférences des consommateurs, variables d'un État membre à l'autre, v) les structures logistiques sont nationales, vi) les structures de distribution sont nationales et l'importance relative des différents canaux de distribution (grande distribution, chaînes spécialisées, grands magasins...) est très variable en fonction des États membres et vii) les relations clients/fournisseurs se font principalement sur une base nationale, même lorsqu'il s'agit de groupes de la grande distribution implantés internationalement».

398.
    Dans ces conditions, il doit être conclu que la décision de renvoi est suffisamment motivée.

399.
    Quant à l'allégation de violation du principe de bonne administration, pour autant qu'elle vise à reprocher à la Commission un défaut de motivation, il a déjà été constaté ci-dessus que la décision de renvoi est suffisamment motivée. Pour autant que, par cette allégation, la requérante vise à avancer un moyen autonome sur le fond, il suffit de relever que cette allégation n'est nullement étayée dans la requête et qu'elle doit, en conséquence, être rejetée.

400.
    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

401.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours, en ce qu'il tend à l'annulation de la décision de renvoi, doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

402.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider qu'elle supportera, outre ses propres dépens, ceux de la Commission et de SEB, partie intervenante, conformément à leurs conclusions en ce sens.

403.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, De'Longhi, partie intervenante, supportera ses propres dépens.

404.
    Selon l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la République française supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et SEB SA.

3)     De'Longhi SpA supportera ses propres dépens.

4)    La République française supportera ses propres dépens.

Lenaerts
Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 avril 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'anglais.