Language of document : ECLI:EU:C:2023:872

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

16 novembre 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2001/23/CE – Article 1er, paragraphe 1 – Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements – Transfert d’une étude notariale – Constatation de la nullité ou du caractère abusif du licenciement d’employés – Détermination de l’ancienneté pour le calcul de l’indemnisation – Applicabilité de cette directive – Conditions »

Dans les affaires jointes C‑583/21 à C‑586/21,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Juzgado de lo Social no 1 de Madrid (tribunal du travail no 1 de Madrid, Espagne), par décisions du 30 juillet 2021, parvenues à la Cour le 20 septembre 2021, dans les procédures

NC (C‑583/21),

JD (C‑584/21),

TA (C‑585/21),

FZ (C‑586/21)

contre

BA,

DA,

DV,

CG,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu–Matei, MM. J.–C. Bonichot, S. Rodin (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 novembre 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour DA, CG, DV, BA, par Me C. Martínez Cebrián, abogado,

–        pour NC, JD, TA et FZ, par Mes F. Mancera Martínez et S. L. Moya Mata, abogados,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis et M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et M. Hellmann, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann ainsi que Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mai 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (JO 2001, L 82, p. 16).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant NC, JD, TA et FZ (ci-après, ensemble, « NC e.a. ») aux notaires BA, DA, DV et CG au sujet de la constatation de la nullité ou du caractère abusif du licenciement des travailleurs engagés successivement par ces notaires.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2001/23

3        Le considérant 3 de la directive 2001/23 dispose :

« Des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en particulier pour assurer le maintien de leurs droits. »

4        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 prévoit :

« a)      La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

b)      Sous réserve du point a) et des dispositions suivantes du présent article, est considéré comme transfert, au sens de la présente directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire.

c)      La présente directive est applicable aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif. Une réorganisation administrative d’autorités administratives publiques ou le transfert de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens de la présente directive. »

5        L’article 3, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

Les États membres peuvent prévoir que le cédant et le cessionnaire sont, après la date du transfert, responsables solidairement des obligations venues à échéance avant la date du transfert à la suite d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert. »

6        L’article 4 de ladite directive est ainsi libellé :

« 1.      Le transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des licenciements pouvant intervenir pour des raisons économiques, techniques ou d’organisation impliquant des changements sur le plan de l’emploi.

[...]

2.      Si le contrat de travail ou la relation de travail est résilié du fait que le transfert entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du travailleur, la résiliation du contrat de travail ou de la relation de travail est considérée comme intervenue du fait de l’employeur. »

 Le règlement (UE) no 650/2012

7        Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JO 2012, L 201, p. 107) :

« Aux fins du présent règlement, le terme “juridiction” désigne toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, pour autant que ces autres autorités et professionnels du droit offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et que les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions :

a)      puissent faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité ; et

b)      aient une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière.

[...] »

8        L’article 62 de ce règlement dispose :

« 1.      Le présent règlement crée un certificat successoral européen (ci-après dénommé “certificat”), qui est délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre et produit les effets énumérés à l’article 69.

2.      Le recours au certificat n’est pas obligatoire.

3.      Le certificat ne se substitue pas aux documents internes utilisés à des fins similaires dans les États membres. Toutefois, dès lors qu’il est délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre, le certificat produit également les effets énumérés à l’article 69 dans l’État membre dont les autorités l’ont délivré en vertu du présent chapitre. »

9        L’article 64 dudit règlement prévoit :

« Le certificat est délivré dans l’État membre dont les juridictions sont compétentes en vertu de l’article 4, 7, 10 ou 11. L’autorité émettrice est :

a)      une juridiction telle que définie à l’article 3, paragraphe 2 ; ou

b)      une autre autorité qui, en vertu du droit national, est compétente pour régler les successions. »

10      L’article 67, paragraphe 1, du même règlement énonce :

« L’autorité émettrice délivre sans délai le certificat conformément à la procédure fixée dans le présent chapitre lorsque les éléments à certifier ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. [...]

L’autorité émettrice ne délivre pas le certificat en particulier :

a)      si les éléments à certifier sont contestés ; ou

b)      si le certificat s’avère ne pas être conforme à une décision portant sur les mêmes éléments. »

 Le droit espagnol

11      L’article 1er de la Ley Orgánica del Notariado (loi organique sur le notariat), du 28 mai 1862 (Gaceta de Madrid no 149, du 29 mai 1862, p. 1), définit le notaire comme étant « le fonctionnaire public habilité à authentifier, conformément aux lois, des contrats et autres actes extrajudiciaires » et ajoute qu’« il n’y aura dans tout le Royaume qu’une seule catégorie pour ce type de fonctionnaires ».

12      Les notaires sont obligatoirement affiliés au Régimen Especial de la Seguridad Social de los Trabajadores por Cuenta Propia o Autónomos (régime spécial de la sécurité sociale pour les travailleurs indépendants, ou « RETA ») et sont à la fois des fonctionnaires publics et les employeurs des personnes qui sont à leur service, avec lesquelles ils s’engagent librement par la conclusion de contrats de travail soumis à l’intégralité du droit général du travail ainsi qu’à l’intégralité du droit du travail de l’Union.

13      Conformément aux règles générales du Real Decreto Legislativo 2/2015, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores (décret royal législatif 2/2015, portant approbation du texte refondu de la loi portant sur le statut des travailleurs), du 23 octobre 2015 (BOE no 255, du 24 octobre 2015, p. 100224) (ci-après le « décret royal législatif 2/2015 »), les notaires négocient des conventions collectives, à portée locale jusqu’à l’année 2010 et à portée nationale depuis lors.

14      L’article 44, paragraphes 1 et 2, du décret royal législatif 2/2015 énonce :

« 1.      Le transfert d’une entreprise, d’un centre de travail ou d’une unité de production autonome de cette entreprise ne met pas, par lui-même, fin à la relation d’emploi ; le nouvel employeur est subrogé dans les droits et obligations de l’employeur précédent au titre du contrat de travail et de la sécurité sociale, y compris les engagements liés aux pensions, dans les conditions prévues par la réglementation spécifique applicable et, en général, toutes les obligations en matière de protection sociale complémentaire qu’aurait souscrites le cédant.

2.      Aux fins du présent article, est considéré comme une succession d’entreprise le transfert d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, essentielle ou accessoire. »

 Les litiges au principal et la question préjudicielle

15      NC e.a. ont été employés dans une étude notariale située à Madrid (Espagne) pour le compte de différents notaires qui se sont succédé dans cette étude. Le 30 septembre 2019, DV, le notaire titulaire de ladite étude depuis le 31 janvier 2015, a offert à NC e.a. la possibilité de travailler avec lui au sein de sa nouvelle étude, dans une autre ville, ou de résilier leurs contrats de travail. NC e.a. ont choisi la seconde option et ont reçu une indemnisation pour licenciement économique pour cas de force majeure.

16      BA a été nommé notaire titulaire de la même étude notariale le 29 janvier 2020. Il a repris les travailleurs employés par le précédent notaire titulaire de ce poste, la même structure matérielle et continué d’exercer l’activité notariale dans le même lieu de travail où sont conservées les minutes définies dans la législation nationale comme constituant l’ensemble des actes publics et autres documents ajoutés chaque année à cet ensemble. Le 11 février 2020, BA ainsi que NC e.a. ont conclu des contrats de travail avec une période d’essai de 6 mois.

17      Le 15 mars 2020, en raison de la pandémie de Covid-19, la Dirección General de Seguridad Jurídica y Fe Pública (direction générale de la Sécurité juridique et de la Foi publique, Espagne) du Ministerio de Justicia (ministère de la Justice, Espagne) a adopté une décision établissant que seules les démarches urgentes seraient effectuées, que les études notariales devaient prendre des mesures de distanciation recommandées par les autorités et que des rotations des travailleurs seraient établies. Le jour suivant, NC, TA et JD s’étaient rendus à l’étude notariale pour demander à BA l’application des mesures susmentionnées. BA a refusé et, le même jour, il a envoyé à NC, à TA ainsi qu’à JD et, le 2 avril 2020, à FZ, des lettres de licenciement en y indiquant que ces derniers n’avaient pas réussi leur période d’essai.

18      NC e.a. ont saisi le Juzgado de lo Social no 1 de Madrid (tribunal du travail no 1 de Madrid, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, d’une demande tendant à ce que leur licenciement soit constaté comme étant nul, sinon abusif, et que leur ancienneté soit calculée depuis le jour où ils avaient commencé à travailler dans l’étude d’un notaire ayant exercé ses fonctions dans le même local que BA avant celui-ci. BA s’est opposé à leurs demandes et considère que leur ancienneté doit commencer à courir à compter du 11 février 2020, date de la conclusion des contrats le liant à NC e.a.

19      La juridiction de renvoi considère que NC e.a. ont été employés, de manière ininterrompue, par les défendeurs au principal successivement nommés comme notaires dans le même local situé à Madrid jusqu’à leur licenciement au cours de l’année 2020.

20      Les notaires espagnols sont des fonctionnaires publics, qui accèdent à cette fonction après avoir réussi un concours à portée nationale périodiquement organisé par la direction générale de la Sécurité juridique et de la Foi publique du ministère de la Justice. Ce concours est soumis à une réglementation générale spéciale et le dernier avis de concours connu était destiné à couvrir des postes vacants pour cause de départ à la retraite, de transfert, de congé, de décès ou d’absence de couverture du poste à l’issue du concours précédent.

21      Lorsqu’un notaire met fin à ses activités pour cause de transfert ou de départ à la retraite, le nouveau notaire qui lui succède, qui peut ou non rester dans les mêmes locaux, est tenu de conserver pendant 25 ans les archives de son prédécesseur et de délivrer les copies et les extraits des actes reçus par ce dernier lorsque les personnes intéressées le lui demandent, étant entendu qu’il est habituel, mais non pas obligatoire, que le nouveau titulaire du poste conserve l’ensemble des moyens humains et matériels organisés afin de répondre à la finalité de la fonction publique notariale. Le sort du personnel en cas de licenciement n’est réglé par aucune norme spécifique ni par aucune disposition conventionnelle, sauf dans les cas de transfert ou de congé pour convenance personnelle du notaire.

22      La juridiction de renvoi souligne que, dans son arrêt du 23 juillet 2010, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a constaté que la nature juridique de la charge publique assumée par le notaire « n’exclut pas le statut d’employeur de ce dernier, puisque les critères imposés par [le décret royal législatif 2/2015] sont réunis, ce qui implique qu’il doit exécuter les obligations que la législation du travail impose à l’employeur », et a précisé que « le notaire n’est pas titulaire d’une organisation de ressources humaines et matérielles susceptible de créer une situation de transfert d’entreprises lorsqu’il transmet l’étude dans laquelle il a assumé la charge publique qui lui incombe, puisque ses nominations successives et ses transferts subséquents dépendent du gouvernement et que le fait d’être nommé dans une étude déterminée ne fait pas non plus de lui le titulaire de l’ensemble organisationnel propre à cette étude, mais un simple dépositaire de ses minutes et la figure visible et dirigeante de la mission publique – et non du service public au sens strict – qui y est accomplie ».

23      Dans ces circonstances, le Juzgado de lo Social no 1 de Madrid (tribunal du travail no 1 de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la [directive 2001/23] et, par conséquent, le contenu de cette directive sont-ils applicables à une situation dans laquelle le titulaire d’une étude notariale, qui est à la fois fonctionnaire public et employeur à titre privé des travailleurs à son service et dont les relations en qualité d’employeur sont régies par le droit général du travail ainsi que par une convention collective sectorielle, succède au titulaire précédent de l’étude, reprend ses minutes, continue d’exercer l’activité dans le même lieu de travail avec la même structure matérielle, et reprend le personnel qui était salarié par ce dernier ? »

 Sur la question préjudicielle

 Sur la recevabilité

24      BA et le gouvernement espagnol font valoir que la question préjudicielle est irrecevable dès lors que quatre mois avant que les requérants aient été employés par BA, leur relation de travail avec DV, le notaire qui a précédé BA dans les mêmes locaux, a cessé contre l’obtention d’une indemnité. Ainsi, les droits et les obligations qui résultaient pour DV des contrats de travail conclus avec NC e.a. n’auraient plus existé à la date du transfert de l’étude notariale et ceux-ci auraient en tout état de cause été indemnisés.

25      Il convient de rappeler que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît, de manière manifeste, que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 17 mai 2023, BK et ZhP (Suspension partielle de la procédure au principal), C‑176/22, EU:C:2023:416, point 19 ainsi que jurisprudence citée].

26      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23, seuls les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire. En outre, selon une jurisprudence constante, cette directive ne vise pas à améliorer les conditions de rémunération ou autres conditions de travail à l’occasion d’un transfert d’entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, ISS Facility Services, C‑344/18, EU:C:2020:239, point 25 et jurisprudence citée).

27      Certes, il ressort des demandes de décision préjudicielle que, à la suite de la nouvelle affectation de DV, NC e.a. ont résilié leurs contrats de travail le 30 septembre 2019 et, le 11 février 2020, ils ont signé leurs contrats avec BA, ce dernier ayant été nommé notaire titulaire de l’étude notariale de laquelle était titulaire DV.

28      Cela étant, la juridiction de renvoi indique que NC e.a. ont fourni leurs services, de manière ininterrompue depuis le 24 mai 2004 et sur le même lieu de travail, aux divers notaires successivement nommés dans cette étude, auxquels ils ont été liés par une relation de travail ordinaire. Elle ajoute, à cet égard, que l’application de la directive 2001/23 aurait pour conséquence le maintien de l’ancienneté depuis le début de leur relation de travail avec ladite étude.

29      Pour ce qui est de l’argument du gouvernement espagnol selon lequel la question préjudicielle est irrecevable dès lors que NC e.a. ont déjà obtenu une indemnité du fait de la cessation de leur relation de travail, il convient de constater qu’une telle possibilité découle de la réglementation nationale qui ne vise pas à transposer la directive 2001/23 et ne saurait donc être pertinente aux fins d’examiner la recevabilité de la question préjudicielle. Il importe, au demeurant, de préciser que, selon les indications de NC e.a. lors de l’audience, et qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, cette indemnité aurait été remboursée.

30      Il ressort de ce qui précède qu’il n’apparaît pas de manière manifeste que la question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 2001/23 n’a aucun rapport avec la réalité du litige au principal ou que le problème est de nature hypothétique, au sens de la jurisprudence rappelée au point 25 du présent arrêt. Dans ces conditions, cette question doit être considérée comme étant recevable.

 Sur le fond

31      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens que cette directive est applicable à une situation dans laquelle un notaire, fonctionnaire public et employeur à titre privé des travailleurs à son service, succède au titulaire précédent d’une étude notariale, reprend ses minutes, le personnel qui était salarié par ce dernier et continue d’exercer la même activité dans les mêmes locaux avec les mêmes moyens matériels.

32      L’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/23 prévoit que celle-ci est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion.

33      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de cette directive, est considéré comme constituant un « transfert », au sens de cette directive, celui d’une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire. La notion d’entité renvoie à un ensemble organisé de personnes et de biens permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre (arrêt du 27 février 2020, Grafe et Pohle, C‑298/18, EU:C:2020:121, point 22).

34      En vertu de la première phrase de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive 2001/23, celle-ci s’applique aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, que ces entreprises poursuivent ou non un but lucratif. En revanche, selon la seconde phrase de cette disposition, une réorganisation administrative d’autorités administratives publiques ou le transfert de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un « transfert », au sens de cette directive.

35      Ainsi, avant d’examiner s’il existe un transfert, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23, il y a lieu d’examiner si les activités telles que celles des notaires espagnols, relèvent de la notion d’« activité économique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de cette directive.

 Sur l’existence d’une « activité économique », au sens de la directive 2001/23

36      La Cour a précisé que la notion d’« activité économique » comprend toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. En revanche, sont, par principe, exclues de la qualification d’« activité économique » les activités relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique, étant entendu que les services qui se trouvent en concurrence avec ceux proposés par des opérateurs poursuivant un but lucratif sont susceptibles d’être qualifiés d’« activités économiques », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive 2001/23 (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Piscarreta Ricardo, C‑416/16, EU:C:2017:574, point 34 et jurisprudence citée).

37      Il découle des demandes de décision préjudicielle que les notaires espagnols offrent leurs services sur le marché à des clients contre une rémunération, ces services consistant notamment, en substance, à authentifier les contrats et les autres actes extrajudiciaires. Selon les indications de la Commission européenne lors de l’audience, ces notaires assument les risques financiers afférents à l’exercice de cette activité.

38      Une telle activité relève, en principe, ainsi que l’a indiqué, en substance, M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, de la notion d’« activité économique », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive 2001/23.

39      Il convient, néanmoins, d’examiner si, en raison de certaines autres circonstances qui ressortent du dossier dont dispose la Cour, des activités telles que celles des notaires espagnols constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique et doivent être considérées comme relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Belgique, C‑47/08, EU:C:2011:334, point 85 et jurisprudence citée).

40      Il importe, à cet égard, de relever que, dès lors qu’il s’agit d’une exclusion à la règle générale d’applicabilité de la directive 2001/23, prévue à son article 1er, paragraphe 1, cette exclusion doit faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2023, KRI, C‑323/22, EU:C:2023:641, point 49 et jurisprudence citée).

41      Ainsi, il y a lieu de relever, premièrement, que les notaires espagnols sont des fonctionnaires publics nommés par des arrêtés ministériels après concours.

42      Toutefois, c’est au regard des activités en elles-mêmes, et non pas au regard du statut des notaires dans l’ordre juridique espagnol, qu’il convient de vérifier s’ils exercent des prérogatives de puissance publique (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Belgique, C‑47/08, EU:C:2011:334, point 116).

43      Deuxièmement, ainsi que l’a confirmé le gouvernement espagnol lors de l’audience, les particuliers sont libres de recourir au notaire de leur choix. À cet égard, si les honoraires des notaires sont fixés par la réglementation nationale, il n’en reste pas moins que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles, ceux-ci exerçant ainsi leurs activités dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice des prérogatives de puissance publique (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Belgique, C‑47/08, EU:C:2011:334, point 117).

44      Troisièmement, s’agissant des fonctions exercées par les notaires espagnols, le gouvernement espagnol indique que ceux-ci sont, notamment, compétents pour, d’une part, authentifier les actes de droit privé, célébrer des mariages, les dissoudre pour cause de divorce, prononcer une séparation ainsi que pour héberger la présentation, l’authentification, l’ouverture et le dépôt des testaments fermés au rang des minutes et, d’autre part, doivent refuser d’exercer leurs fonctions dans des situations prévues par la législation espagnole. Il ressort, à cet égard, de l’article 1er du Reglamento de la organización y régimen del notariado (règlement relatif à l’organisation et au régime du notariat), approuvé de manière définitive par le Decreto por el que se aprueba con carácter definitivo el Reglamento de la organización y régimen del Notariado (décret, portant approbation définitive du règlement relatif à l’organisation et au régime du notariat), du 2 juin 1944 (BOE n189, du 7 juillet 1944, p. 5225) (ci-après le « règlement sur le notariat »), cité par le gouvernement espagnol dans ses observations écrites, que, en sa qualité de fonctionnaire public, le notaire est investi du pouvoir de conférer le caractère d’authenticité notariale, lequel, en matière de droit, établit l’authenticité et la force probante des manifestations de volonté émises par les parties figurant à l’acte authentique rédigé conformément à la loi.

45      Aussi importantes que soient de telles activités d’intérêt général, les notaires espagnols, dès lors qu’ils exercent ces activités dans une situation de concurrence, ne peuvent pas être considérés comme étant des autorités administratives publiques, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive 2001/23.

46      Le fait que les notaires agissent en poursuivant un objectif d’intérêt général lorsqu’ils refusent d’exercer leurs fonctions ne suffit pas pour que leur activité soit considérée comme relevant de l’exercice de prérogatives de puissance publique. En effet, il est constant que les activités exercées dans le cadre de diverses professions réglementées impliquent fréquemment, dans les ordres juridiques nationaux, l’obligation pour les personnes qui les exercent de poursuivre un tel objectif, sans que ces activités relèvent pour autant de l’exercice de prérogatives de puissance publique (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Belgique, C‑47/08, EU:C:2011:334, point 96).

47      Quatrièmement, le Royaume d’Espagne a notifié à la Commission, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012, son choix de designer les notaires espagnols comme les autres autorités ou professionnels du droit visés au premier alinéa de cette disposition, lesquels relèvent de la notion de « juridiction », au sens de ladite disposition, et peuvent adopter des certificats successoraux européens en vertu de l’article 64 de ce règlement.

48      Il y a lieu de relever que ledit règlement porte sur la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions ainsi que sur la création d’un certificat successoral européen et n’affecte pas, par conséquent, l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive 2001/23 (voir, par analogie, arrêt du 15 mars 2018, Commission/République tchèque, C‑575/16, EU:C:2018:186, point 127 et jurisprudence citée).

49      Par ailleurs, le fait que les notaires d’un État membre relèvent de la notion de « juridiction », au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012, n’implique pas qu’ils exercent des prérogatives de puissance publique. Selon les conditions exigées par cette disposition, relèvent de la notion de « juridiction » non seulement une autorité ou un professionnel du droit compétent en matière de successions qui exerce des fonctions juridictionnelles, ou agit en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire, mais également une autorité ou un professionnel du droit qui agit seulement sous le contrôle d’une autorité judiciaire.

50      La compétence des notaires espagnols pour délivrer, en vertu de l’article 64 du règlement no 650/2012, les certificats successoraux européens, n’équivaut pas non plus à un exercice de telles prérogatives. Il ressort, d’une part, de l’article 62 de ce règlement que le recours à ces certificats n’est pas obligatoire et, d’autre part, de l’article 67, paragraphe 1, sous a), dudit règlement que lesdits certificats ne peuvent être délivrés si les éléments à certifier sont contestés.

51      Dans ces circonstances, qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier, il apparaît que les notaires espagnols exercent une activité économique, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la directive 2001/23.

 Sur l’existence d’un « transfert », au sens de la directive 2001/23

52      Il convient de rappeler, d’emblée, que la directive 2001/23 vise à assurer la continuité des relations de travail existant dans le cadre d’une entité économique, indépendamment d’un changement du propriétaire. Le critère décisif pour établir l’existence d’un « transfert », au sens de cette directive, est de savoir si l’entité en question garde son identité, ce qui résulte, notamment, de la poursuite effective de l’exploitation ou de sa reprise (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).

53      En l’occurrence, BA, après avoir été nommé par l’État notaire titulaire de l’étude notariale du ressort géographique donné, dont DV avait été titulaire, a employé une partie des effectifs, repris le matériel et les locaux et est devenu le dépositaire des minutes de cette étude.

54      Conformément à l’article 1er de la loi organique sur le notariat, le notaire est le fonctionnaire public habilité à authentifier, conformément aux lois, des contrats et d’autres actes extrajudiciaires, alors que l’étude notariale dont il est titulaire constitue, selon l’article 69 du règlement sur le notariat, un « établissement public », qui est défini comme étant « l’ensemble de moyens humains et matériels organisés afin de répondre à [la] finalité [de la fonction publique notariale] ».

55      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que le fait qu’un notaire devient le titulaire d’une étude notariale en raison de sa nomination par l’État et non pas sur le fondement d’un contrat conclu avec son titulaire précédent ne saurait en lui-même exclure l’existence d’un transfert, au sens de la directive 2001/23.

56      En effet, l’absence de lien conventionnel entre le cédant et le cessionnaire, si elle peut constituer un indice qu’aucun transfert, au sens de la directive 2001/23, n’est intervenu, ne saurait revêtir une importance déterminante à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, point 39 et jurisprudence citée).

57      Le champ d’application de cette directive s’étend à toutes les hypothèses de changement, dans le cadre de relations contractuelles, de la personne physique ou morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui contracte les obligations d’employeur à l’égard des employés de l’entreprise. Ainsi, pour que ladite directive s’applique, il n’est pas nécessaire qu’il existe des relations contractuelles directes entre le cédant et le cessionnaire, la cession pouvant s’effectuer par l’intermédiaire d’un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, point 40 et jurisprudence citée).

58      Dès lors, le fait que le transfert résulte de décisions unilatérales des pouvoirs publics et non d’un concours de volontés n’exclut pas l’application de la directive 2001/23 (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, point 41 et jurisprudence citée).

59      En deuxième lieu, le fait que seul le notaire est habilité à exercer la fonction publique notariale est sans incidence sur l’applicabilité de cette directive.

60      En effet, le transfert, au sens de la directive 2001/23, doit porter sur une entité économique organisée de manière stable dont l’activité ne se borne pas à l’exécution d’un ouvrage déterminé. Constitue une telle entité tout ensemble organisé de personnes et d’éléments permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre et qui est suffisamment structuré et autonome (arrêt du 6 mars 2014, Amatori e.a., C‑458/12, EU:C:2014:124, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

61      Or, ainsi qu’il a été indiqué au point 54 du présent arrêt, selon l’article 69 du règlement sur le notariat, l’étude notariale constitue un « établissement public », qui est défini comme étant l’ensemble de moyens humains et matériels « organisés » afin de répondre à la finalité de la fonction publique notariale. Au surplus, la Commission a indiqué lors de l’audience sans être contredite sur ce point par les autres intéressés, mais sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, qu’il ressort de l’article 14 du II Convenio Colectivo estatal de Notarios y Personal Empleado (seconde convention collective à portée nationale relatif au personnel des études de notaire), du 24 juillet 2017 (BOE n241, du 6 octobre 2017, p. 97369) que, même si l’étude notariale fonctionne sous le contrôle du notaire, elle accomplit par l’intermédiaire de ses salariés des tâches telles que celles relatives à l’organisation de l’étude, à la rédaction des documents et à la communication avec les clients, s’agissant notamment des consultations juridiques, qui en font une organisation autonome.

62      En l’occurrence, bien qu’une étude notariale espagnole agisse nécessairement sous le contrôle du notaire, la nomination par l’État de son nouveau titulaire entraîne le transfert de la même fonction publique notariale, liée, notamment, au ressort géographique donné, qu’exerçait son précédent titulaire. Un tel changement de la personne du titulaire d’une étude notariale doit être considéré comme constituant un changement de chef d’entreprise, circonstance dans laquelle la directive 2001/23 vise, selon son considérant 3, à protéger les travailleurs.

63      En troisième lieu, le changement du titulaire d’une étude notariale n’entraîne pas nécessairement le changement de l’identité de cette étude.

64      Afin de déterminer si la condition de maintien de l’identité d’entreprise est remplie, il importe de prendre en considération l’ensemble des circonstances de fait qui caractérisent l’opération concernée, au nombre desquelles figurent, notamment, le type d’entreprise ou d’établissement dont il s’agit, le transfert ou non d’éléments corporels, tels que les bâtiments et les biens mobiliers, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise ou non de l’essentiel des effectifs par le nouveau chef d’entreprise, le transfert ou non de la clientèle, ainsi que le degré de similarité des activités exercées avant et après le transfert, et la durée d’une éventuelle suspension de ces activités. Ces éléments ne constituent toutefois que des aspects partiels de l’évaluation d’ensemble qui s’impose et ne sauraient, de ce fait, être appréciés isolément (arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, point 49 et jurisprudence citée).

65      Il en résulte que l’importance respective à accorder aux différents critères de l’existence d’un « transfert », au sens de la directive 2001/23, varie nécessairement en fonction de l’activité exercée, voire des méthodes de production ou d’exploitation utilisées dans l’entité économique, dans l’établissement ou dans la partie d’établissement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, point 50 et jurisprudence citée).

66      La Cour a relevé qu’une entité économique peut, dans certains secteurs, fonctionner sans éléments d’actifs, corporels ou incorporels, significatifs, de sorte que le maintien de l’identité d’une telle entité par-delà l’opération dont elle est l’objet ne saurait, par hypothèse, dépendre de la cession de tels éléments (arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, point 51 et jurisprudence citée).

67      Dans un secteur où l’activité repose essentiellement sur la main-d’œuvre, ce qui est notamment le cas lorsqu’une activité ne nécessite pas l’emploi d’éléments matériels spécifiques, l’identité d’une entité économique ne peut être maintenue par-delà l’opération concernée si l’essentiel des effectifs, en termes de nombre et de compétence, de cette entité n’est pas repris par le présumé cessionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, points 52 et 53 ainsi que jurisprudence citée).

68      Cette analyse implique, dès lors, l’existence d’un certain nombre de constatations d’ordre factuel, cette question devant être appréciée in concreto par la juridiction nationale à la lumière des critères dégagés par la Cour, ainsi que des objectifs poursuivis par la directive 2001/23, tels que celui de la protection des travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise pour assurer le maintien de leurs droits, énoncé au considérant 3 de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2023, Strong Charon, C‑675/21, EU:C:2023:108, point 55 et jurisprudence citée).

69      À cet égard, il ressort du point 54 du présent arrêt que, conformément à la législation espagnole, le personnel et les installations de l’étude notariale constituent un « établissement public », qui est défini comme constituant l’ensemble de moyens humains et matériels organisés afin de répondre à la finalité de la fonction publique notariale.

70      L’activité d’une telle étude notariale repose principalement sur la main-d’œuvre de cette étude, de sorte qu’elle est susceptible de maintenir son identité par-delà son transfert si une partie essentielle des effectifs, en termes de nombre et de compétence, est reprise par son nouveau titulaire, permettant à ce dernier la poursuite des activités de l’étude notariale.

71      Dans l’hypothèse où un notaire nommé titulaire d’une étude notariale aurait repris une partie essentielle des effectifs employés par son prédécesseur et continué de leur confier des tâches telles que celles mentionnées au point 61 du présent arrêt, il convient de relever que le fait qu’il est devenu le titulaire d’une étude notariale, notamment d’un ressort géographique donné, a repris les moyens matériels ainsi que les locaux de cette étude et est devenu le dépositaire des minutes indique que ladite étude a maintenu son identité.

72      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23 doit être interprété en ce sens que cette directive est applicable à une situation dans laquelle un notaire, fonctionnaire public et employeur à titre privé des travailleurs affectés à son étude notariale, succède au titulaire précédent d’une telle étude, reprend ses minutes, ainsi qu’une partie essentielle du personnel qui était employé par ce dernier et continue d’exercer la même activité dans les mêmes locaux avec les mêmes moyens matériels, à condition que l’identité de cette étude soit maintenue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer en prenant en considération l’ensemble des circonstances pertinentes.

 Sur les dépens

73      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, doit être interprété en ce sens que cette directive est applicable à une situation dans laquelle un notaire, fonctionnaire public et employeur à titre privé des travailleurs affectés à son étude notariale, succède au titulaire précédent d’une telle étude, reprend ses minutes, ainsi qu’une partie essentielle du personnel qui était employé par ce dernier et continue d’exercer la même activité dans les mêmes locaux avec les mêmes moyens matériels, à condition que l’identité de cette étude soit maintenue, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer en prenant en considération l’ensemble des circonstances pertinentes.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.