Language of document : ECLI:EU:T:2024:66

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 février 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative représentant un carré placé dans un rectangle – Cause de nullité absolue – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑591/22,

Polaroid IP BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Me G. Vos, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Thomas Klimeck, demeurant à Kevelaer (Allemagne), représenté par Mes C. Tenkhoff et T. Herzog, avocats,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. G. Hesse et I. Dimitrakopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 27 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Polaroid IP BV, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 juin 2022 (affaire R 1646/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 3 janvier 2017, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        L’enregistrement a été demandé pour des produits et des services relevant des classes 9, 11, 25 et 40 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Câbles et fils électriques ; logiciels d’exploitation USB [bus sériel universel] ; clés USB ; cartes USB vierges ; clés USB (Universal Serial Bus) vierges pour mémoire flash ; convertisseurs de normes de télévision ; modulateurs ; enceintes ; alarmes ; microphones ; disques durs ; supports de stockage de données ; cartes mémoire ; batteries ; ballasts pour appareils d’éclairage ; filaments conducteurs de lumière ; diodes électroluminescentes ; pointeurs électroniques à émission de lumière ; signaux lumineux de sécurité ; clignotants de sécurité ; fusibles ; boîtes de jonction [électricité] ; raccords électriques ; manchons de jonction pour câbles électriques ; cartouches de jeux vidéo ; objectifs photographiques ; logiciels pour l’organisation et l’affichage d’images et de photos numériques ; applications logicielles informatiques téléchargeables ; lentilles grossissantes [optique] ; loupes ; objectifs photographiques ; monoculaires ; jumelles [optique] ; télescopes ; microscopes ; périscopes ; connecteurs d’alimentation ; adaptateurs électriques ; logiciels pilotes ; trépieds pour appareils photo ; étuis pour appareils photographiques ; étuis pour objectifs photographiques ; lampes éclairs pour appareils photographiques ; lentilles (optiques) ; bonnettes d’approche ; filtres pour appareils photographiques ; filtres optiques ; filtres pour appareils photographiques ; adaptateurs ; capuchons pour objectifs photographiques ; casques d’écoute ; enceintes ; tapis de souris ; publications électroniques téléchargeables ; câbles de connexion ; étuis pour téléphones portables ; housses pour appareils photographiques ; housses conçues pour ordinateurs ; housses adaptées ou conçues pour appareils photographiques ; housses spéciales pour matériel photographique ; condensateurs optiques ; supports de données optiques ; disques optiques ; fibres optiques ; verre optique ; lanternes optiques ; lanternes optiques ; boussoles ; miroirs [optique] ; objectifs pour l’astrophotographie ; lecteurs de bandes magnétiques ; unités de disques magnétiques ; lecteurs optiques pour le stockage de données ; lecteurs de disquettes ; unités de disques optiques ; lunettes de vision nocturne ; masques de plongée ; masques de soudage ; lunettes de protection ; lunettes [optique] ; lunettes 3D ; visionneuses tridimensionnelles ; appareils stéréoscopiques ; logiciel informatique téléchargeable pour modifier l’apparence et permettre la transmission de photographies » ;

–        classe 11 : « Lampes d’éclairage ; manchons de lampes ; luminaire d’éclairage à led ; ampoules d’éclairage ; appareils d’éclairage pour véhicules ; appareils d’éclairage ; rails d’éclairage ; tubes lumineux pour l’éclairage ; guirlandes lumineuses ; feux pour véhicules ; lampes sous armoire ; luminaires ; ornements lumineux d’extérieur ; éclairage extérieur, à savoir éclairage pour les pavés ; liseuses ; éclairage public ; collecteurs solaires ; appareils de refroidissement fonctionnant à l’énergie solaire ; lampes à énergie solaire ; accessoires d’éclairage solaires, à savoir unités d’éclairage et luminaires solaires intérieurs et extérieurs ; projecteurs d’éclairage » ;

–        classe 25 : « Vêtements ; chapellerie ; hauts (habillement) ; cravates ; chaussures ; chaussettes ; pantalons ; blousons en tant que vêtement ; chemises ; tee-shirts ; manteaux » ;

–        classe 40 : « Services d’imprimerie ; services d’impression de livres et autres documents numériques à la demande ».

5        Le signe contesté a été enregistré par l’EUIPO le 5 avril 2018 sous le numéro 16217267.

6        Le 9 avril 2018, l’intervenant, Thomas Klimeck, a présenté une demande en nullité du signe contesté pour tous les produits et les services mentionnés au point 4 ci-dessus.

7        Les causes de nullité invoquées par l’intervenant étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), b), c), d), et e), du règlement 2017/1001, ainsi qu’à l’article 59, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

8        Le 26 juillet 2021, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

9        Le 23 septembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours et confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le signe contesté était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001). À cet égard, la chambre de recours a conclu que le signe contesté devait être considéré comme une simple combinaison de deux figures géométriques et donc comme une forme courante, un élément décoratif banal ou une étiquette et, dès lors, n’était pas en mesure de remplir la fonction essentielle d’une marque en tant qu’indicateur de l’origine commerciale des produits et des services en cause.

 Conclusion des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenant aux dépens, y compris ceux exposés devant l’EUIPO.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse de la convocation à une audience.

13      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

15      À titre liminaire, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement du signe contesté, à savoir le 3 janvier 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la requérante, l’EUIPO et l’intervenant dans leurs écritures devant le Tribunal à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant, respectivement, l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

17      Selon une jurisprudence constante, une marque a un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lorsque cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 23 et jurisprudence citée).

18      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, à savoir le consommateur moyen de ces produits ou de ces services (voir arrêt du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 24 et jurisprudence citée).

19      En outre, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit [arrêt du 20 mars 2019, Grammer/EUIPO (Représentation d'une forme), T‑762/17, non publié, EU:T:2019:171, point 17].

20      Selon la jurisprudence, des signes d’une simplicité excessive et constitués d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, ne sont pas susceptibles, en tant que tels, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne les considéreront pas comme des marques, à moins qu’ils n’aient acquis un caractère distinctif par l’usage [voir arrêt du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, EU:T:2009:364, point 26 et jurisprudence citée ; ordonnance du 22 octobre 2020, Grammer/EUIPO (Représentation d’une figure géométrique), T‑833/19, non publiée, EU:T:2020:509, point 35].

21      Une représentation d’une telle figure ne peut donc remplir une fonction d’identification que si elle présente des caractéristiques facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, qui permettraient à ces signes d’être appréhendés immédiatement comme des indications de l’origine commerciale des produits ou des services qu’ils visent [voir, en ce sens, ordonnance du 22 octobre 2020, Représentation d’une figure géométrique, T‑833/19, non publiée, EU:T:2020:509, point 36, et arrêt du 5 octobre 2022, Philip Morris Products/EUIPO (Représentation de lignes en noir et blanc), T‑502/21, non publié, EU:T:2022:611, point 18 et jurisprudence citée].

22      Cette jurisprudence est applicable, par analogie, à un signe consistant en une combinaison simple et peu originale de figures géométriques de base, s’il est utilisé comme marque [voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2015, Omega International/OHMI (Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir), T‑695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 59].

23      Enfin, il ressort de la jurisprudence qu’un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [arrêt du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 39 ; voir, également, arrêt du 14 mai 2019, Eurolamp/EUIPO (EUROLAMP pioneers in new technology), T‑466/18, non publié, EU:T:2019:326, point 19 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, la chambre de recours a, aux points 31 à 33 de la décision attaquée, considéré que le public pertinent était celui auquel s’adressaient les produits et les services en cause visés au point 4 ci-dessus, à savoir le grand public et le public professionnel de l’Union européenne, doté d’un niveau d’attention variant en fonction du degré de technologie et du prix desdits produits et services. Cette définition n’est pas contestée par la requérante.

25      S’agissant de la perception du signe contesté par le public pertinent, la chambre de recours a, au point 37 de la décision attaquée, relevé que celui-ci était composé de deux figures géométriques de base complètement régulières, à savoir celle d’un carré et d’un rectangle, l’une à l’intérieur de l’autre, et que, en raison de sa simplicité, ledit signe ne transmettait pas de message clair concernant l’origine commerciale des produits et des services en cause, le public pertinent supposant plutôt qu’il s’agissait d’une étiquette, d’une décoration ou d’une forme en rapport avec lesdits produits et services. La chambre de recours a également, au point 38 de la décision attaquée, relevé que le signe contesté ne présentait aucune caractéristique susceptible de créer une impression suffisamment différente de celle produite par la simple combinaison des deux figures géométriques simples qui le composent, de manière à transmettre un minimum de caractère distinctif.

26      S’agissant du caractère distinctif par rapport aux produits et aux services en cause, la chambre de recours a, au point 45 de la décision attaquée, considéré que, eu égard à sa simplicité, le signe contesté était dépourvu de caractère distinctif pour l’ensemble desdits produits et services.

27      La requérante prétend que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif. À cet égard, premièrement, elle fait grief à la chambre de recours d’avoir appliqué un critère erroné lors de l’appréciation du caractère distinctif du signe contesté. Deuxièmement, la requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir correctement apprécié la perception dudit signe par le public pertinent, laquelle lui aurait conféré un caractère distinctif suffisant. Troisièmement, la requérante fait encore grief à la chambre de recours, en substance, d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation du caractère distinctif du signe contesté par rapport aux produits et aux services en cause.

 Sur le premier grief, tiré de l’application d’un critère erroné aux fins de l’appréciation du caractère distinctif du signe contesté

28      La requérante fait grief à la chambre de recours, en substance, d’avoir déduit l’absence de caractère distinctif du signe contesté de son caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, par rapport à certains produits et services en cause. Selon la requérante, étant donné que ni la division d’annulation ni la chambre de recours n’ont, en substance, procédé à une appréciation du caractère descriptif du signe contesté au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, la chambre de recours aurait dû se limiter à examiner le caractère distinctif dudit signe en tant que tel par rapport aux produits et aux services en cause. En tout état de cause, la requérante conteste le caractère descriptif du signe contesté à l’égard des produits et des services en cause relevant des classes 9, 25 et 40.

29      L’EUIPO, soutenu par l’intervenant, conteste les arguments de la requérante.

30      À cet égard, il suffit de relever, à l’instar de l’EUIPO, que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère distinctif du signe contesté eu égard à sa forme simple ne permettant pas d’indiquer l’origine commerciale des produits et des services en cause (voir point 26 ci-dessus) et non sur des considérations relatives au caractère descriptif du signe, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

31      Dès lors, le premier grief de la requérante doit être rejeté comme manquant en fait.

 Sur le deuxième grief, tiré de l’appréciation erronée de la perception du signe contesté par le public pertinent

32      La requérante soutient que l’appréciation effectuée par la chambre de recours en ce qui concerne la perception du signe contesté par le public pertinent est entachée, en substance, de plusieurs vices. Tout d’abord, la requérante prétend, en substance, que ladite appréciation est empreinte de contradiction en ce que la chambre de recours a considéré, d’une part, que le signe contesté ne présentait aucune caractéristique susceptible de transmettre un message permettant au public pertinent de le mémoriser comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause et, d’autre part, que ce public percevait ledit signe, notamment, comme ayant la forme d’un cadre photo. Ensuite, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir apprécié le caractère distinctif du signe contesté sans tenir compte de son impression d’ensemble. Enfin, elle conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le signe contesté serait perçu comme la simple juxtaposition de deux figures géométriques. Selon elle, considéré dans son ensemble, ledit signe consiste en une interaction stylisée entre des lignes présentant à tout le moins le degré minimal requis de caractère distinctif. Elle ajoute que le simple fait que le rectangle et le carré soient des figures géométriques de base est en soi dénué de pertinence aux fins de l’appréciation du caractère distinctif du signe contesté dans son ensemble, ainsi que cela serait, en substance, confirmé par la pratique décisionnelle des examinateurs, des divisions d’annulation et des chambres de recours de l’EUIPO.

33      L’EUIPO, soutenu par l’intervenant, conteste les arguments de la requérante.

34      Premièrement, en ce qui concerne le prétendu caractère contradictoire des appréciations de la chambre de recours portant sur la perception du signe contesté par le public pertinent, il convient de relever que le seul fait que le signe contesté puisse évoquer dans l’esprit du public pertinent un cadre photo, comme constaté au point 37 de la décision attaquée, ne confère pas nécessairement audit signe une reconnaissance en tant que marque. En effet, la question pertinente à cet égard est de savoir si le signe contesté sera ou non perçu et mémorisé par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause.

35      À cet égard, la chambre de recours a considéré, aux points 37 et 38 de la décision attaquée, que le signe contesté, en raison de sa simplicité, ne transmettait pas un « message clair » au public pertinent quant à l’origine commerciale des produits et des services en cause. Or, cette appréciation n’est pas en contradiction avec l’autre constat de la chambre de recours selon lequel le signe contesté pouvait être perçu, notamment, comme la forme courante d’un cadre photo.

36      Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

37      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante, tiré de l’absence d’examen d’ensemble du signe contesté, il y a lieu de relever que, si la chambre de recours a précisé, au point 37 de la décision attaquée, que le signe contesté se composait du contour de deux figures géométriques de base, à savoir celles d’un carré et d’un rectangle, l’une à l’intérieur de l’autre, elle a également indiqué que, ensemble, ces deux figures représentaient la forme courante d’un cadre photo ou d’une étiquette. En outre, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que le signe contesté, pris dans son ensemble, ne présentait aucune caractéristique susceptible de créer une impression suffisamment différente de celle produite par la simple combinaison des deux figures géométriques simples qui le composent. De plus, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a expressément pris position sur les caractéristiques graphiques du signe contesté, dont les proportions spécifiques du carré à l’intérieur du rectangle qui, selon la requérante, lui conféreraient un caractère distinctif, et a conclu, en substance, que le public pertinent ne les percevrait pas comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause mais plutôt comme un choix esthétique pour la composition graphique en cause. En outre, au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas prouvé que, en l’espèce, la simple combinaison de deux figures géométriques de base était distinctive. C’est ainsi que, au point 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le signe contesté était perçu comme une simple combinaison de deux figures géométriques et, partant, comme une forme courante, un élément décoratif banal ou une étiquette.

38      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours a bien tenu compte de l’impression d’ensemble produite par le signe contesté aux fins de l’appréciation de son caractère distinctif.

39      Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

40      Troisièmement, la requérante conteste le bien-fondé de l’appréciation du signe contesté effectuée par la chambre de recours, en faisant valoir, en substance, que le signe contesté se compose de deux figures de forme différente, c’est-à-dire un carré décentré à l’intérieur d’un rectangle dont la bordure inférieure est nettement plus large que les trois autres bordures et qui, dans l’ensemble, sera perçu comme une interaction stylisée entre des lignes présentant à tout le moins le degré minimal requis de caractère distinctif. Elle ajoute que le simple fait que le rectangle et le carré soient des figures géométriques de base est en soi dénué de pertinence aux fins de l’appréciation du caractère distinctif du signe contesté dans son ensemble.

41      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le signe contesté consiste en une combinaison d’un carré à l’intérieur d’un rectangle, dont les contours sont délimités par des lignes noires fines. Ainsi que la chambre de recours l’a correctement énoncé, le signe contesté est donc composé de deux figures géométriques de base dont chacune, prise isolément, n’est pas susceptible, en tant que telle, de remplir une fonction d’identification de l’origine commerciale des produits et des services en cause (voir jurisprudence citée au point 20 ci-dessus).

42      En outre, il convient de rappeler que, dès lors qu’un signe consiste en une combinaison simple et peu originale de figures géométriques de base, s’il est utilisé comme marque, il ne sera pas reconnu par le consommateur moyen comme étant une indication de l’origine commerciale des produits ou des services qu’il désigne (voir point 22 ci-dessus).

43      Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que le signe contesté se compose de deux figures géométriques de base, à savoir un rectangle et un carré, n’est pas une circonstance dénuée de pertinence aux fins de l’appréciation de son caractère distinctif.

44      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’agencement du carré dans le rectangle confère au signe contesté un degré minimal de caractère distinctif, il y a lieu de considérer, à l’instar de ce qu’a fait la chambre de recours aux points 41 et 42 de la décision attaquée, que le fait que la distance entre le côté inférieur du rectangle et le carré est plus grande que celle entre le côté supérieur du rectangle et ledit carré sera perçu comme un élément normal de la représentation courante d’un carré dans un rectangle. L’élément susmentionné n’est donc ni inhabituel, ni visuellement accrocheur, ni facilement mémorisable [voir, par analogie, arrêt du 5 avril 2017, Anta (China)/EUIPO (Représentation de deux lignes formant un angle aigu), T‑291/16, non publié, EU:T:2017:253, point 36].

45      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, les caractéristiques graphiques du signe contesté qu’elle invoque (voir point 40 ci-dessus) ne sont pas en mesure, en tant que telles, d’attirer l’attention du public pertinent et de transmettre un message dont celui-ci peut se souvenir [voir, en ce sens, et par analogie, arrêt du 24 novembre 2016, Azur Space Solar Power/EUIPO (Représentation de lignes et de briques blanches sur fond noir), T‑578/15, non publié, EU:T:2016:674, point 38].

46      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, conclu que l’impression d’ensemble produite par le signe contesté ne différait pas de celle produite par la simple combinaison des deux figures géométriques simples qui le composent et que ledit signe ne présentait aucune caractéristique concrète susceptible d’attirer l’attention du public pertinent afin de lui permettre de s’en souvenir comme d’une indication de l’origine commerciale des produits et des services en cause.

47      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la pratique décisionnelle des examinateurs, des divisions d’annulation et des chambres de recours de l’EUIPO, invoquée par la requérante, ayant admis le caractère distinctif de figures géométriques simples.

48      En effet, conformément à une jurisprudence bien établie, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement no 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles‑ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et ordonnance du 11 février 2021, Klose/EUIPO, C‑600/20 P, non publiée, EU:C:2021:110, point 21).

49      De plus, le seul fait que d’autres marques, même constituées par des figures géométriques simples, aient été considérées comme ayant la capacité d’être perçues, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services spécifiques qu’elles désignaient, sans confusion possible avec ceux qui ont une autre provenance et, dès lors, comme n’étant pas dépourvues de tout caractère distinctif, n’est pas concluant pour déterminer si le signe contesté possède, en l’espèce, le caractère distinctif minimal nécessaire pour pouvoir être enregistré comme marque de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, Représentation de deux lignes formant un angle aigu, T‑291/16, non publié, EU:T:2017:253, point 52 et jurisprudence citée).

50      Dès lors, le deuxième grief de la requérante doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième grief, tiré d’erreurs d’appréciation du caractère distinctif du signe contesté par rapport à chacun des produits et des services en cause 

51      La requérante fait encore grief à la chambre de recours, en substance, de ne pas avoir correctement apprécié le caractère distinctif du signe contesté par rapport aux produits et aux services en cause. D’une part, la chambre de recours aurait omis d’effectuer cette appréciation pour une partie des produits en cause relevant de la classe 9 et de tenir compte des caractéristiques spécifiques de certains produits relevant de la classe 11. D’autre part, son appréciation par rapport aux produits et aux services relevant des classes 25 et 40 serait erronée.

52      L’EUIPO, soutenu par l’intervenant, conteste ce grief.

53      À cet égard, premièrement, s’agissant des produits en cause relevant de la classe 9, il convient de relever que, au point 46 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné la perception du signe contesté par le public pertinent au regard de tous les produits de la classe 9, désignés par le signe contesté et listés audit point.

54      En particulier, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que le signe contesté était constitué d’une simple combinaison de deux figures géométriques, qui ne pouvait être mémorisée facilement et instantanément comme une marque par le public pertinent. Or, il y a lieu de considérer que ce motif retenu par la chambre de recours était indistinctement applicable à tous les produits et les services visés par la demande d’enregistrement et, partant, à l’ensemble des produits en cause relevant de la classe 9 [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2018, Bopp/EUIPO (Représentation d’un octogone équilatéral), T‑460/17, non publié, EU:T:2018:816, point 57].

55      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas omis d’apprécier le caractère distinctif du signe contesté pour une partie des produits en cause relevant de la classe 9. Au demeurant, une telle omission ne saurait être déduite du fait que, aux points 47, 50 et 51 de la décision attaquée, la chambre de recours a énoncé, à titre surabondant, des considérations plus détaillées en ce qui concerne certains produits spécifiques relevant de la classe 9, désignés par le signe contesté.

56      Dès lors, le grief la requérante manque en fait en tant qu’il concerne les produits en cause relevant de la classe 9.

57      Deuxièmement, s’agissant des produits en cause relevant de la classe 11, force est de constater que la chambre de recours a fondé l’absence de caractère distinctif du signe contesté par rapport à ces produits, qui concernaient des dispositifs d’éclairage et unités solaires, sur un double constat. D’une part, après avoir rappelé la liste des produits relevant de la classe 11 désignés par le signe contesté, la chambre de recours a considéré, au point 52 de la décision attaquée, que celui-ci pouvait ressembler à la forme des produits de ladite classe ayant un lien avec l’éclairage, tels que les dispositifs d’éclairage et les unités solaires, dont il ne pouvait être exclu qu’ils eussent été conçus dans une forme rectangulaire avec un autre rectangle à l’intérieur. D’autre part, la chambre de recours a estimé que si le signe contesté était apposé sur les produits en cause relevant de la classe 11, il serait perçu comme un contour de leur dessin ou modèle ou comme un élément décoratif.

58      À cet égard, il convient de rappeler que la perception du signe contesté en tant qu’élément décoratif découle, en substance, de sa simplicité, en ce qu’il est composé de deux figures géométriques de base et est dépourvu de caractéristiques susceptibles de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir (voir points 37, 38, 39, 44 et 55 de la décision attaquée).

59      Ainsi que cela ressort des points 41 à 50 ci-dessus, ces appréciations de la chambre de recours sont exemptes d’erreurs.

60      Dès lors, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel certains produits de la classe 11 ayant un lien avec l’éclairage n’ont pas de forme rectangulaire ou identique à celle du signe contesté, puisque l’appréciation de la chambre de recours est fondée non seulement sur le fait que le signe contesté pouvait ressembler à la forme des produits en cause relevant de la classe 11 ayant un lien avec l’éclairage, mais également sur le fait qu’il pouvait être perçu par le public pertinent en tant que contour de leur dessin ou modèle ou comme un élément décoratif (voir point 57 ci-dessus).

61      Il s’ensuit que le grief de la requérante n’est pas fondé en ce qu’il concerne les produits en cause relevant de la classe 11.

62      Troisièmement, en ce qui concerne les produits en cause relevant de la classe 25, la chambre de recours a considéré, au point 53 de la décision attaquée, que le signe contesté était susceptible d’être perçu comme une combinaison basique d’un rectangle et d’un carré, ne représentant rien d’autre qu’un simple élément graphique ou une étiquette, qui n’était ni facilement et instantanément mémorisée, ni mémorisable ultérieurement en tant que marque par le public pertinent. En outre, la chambre de recours a considéré qu’il était notoire que ces produits pouvaient porter des étiquettes de prix ou des étiquettes rectangulaires ou carrées, sur lesquelles figure généralement la marque et que, si le signe contesté était apposé directement sur lesdits produits, il serait perçu comme un élément décoratif et non comme une marque distinctive.

63      La requérante soutient que, en apposant le signe contesté sur des vêtements ou sur d’autres produits relevant de la classe 25, le public pertinent sera clairement en mesure de le percevoir comme une indication de l’origine desdits produits, dès lors que, dans le secteur des vêtements, les consommateurs sont habitués à des marques minimalistes et basiques, ce qui serait, en substance, confirmé par plusieurs enregistrements antérieurs.

64      À cet égard, d’une part, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 48 ci-dessus, l’invocation par la requérante d’enregistrements antérieurs de signes composés de figures minimalistes est inopérante aux fins de l’appréciation du caractère distinctif d’un signe, dès lors que cette appréciation se fait uniquement sur la base du règlement no 207/2009. Au demeurant, force est de constater que la requérante elle-même reconnaît que les décisions antérieures des instances de l’EUIPO dans des affaires similaires ne lient pas l’EUIPO.

65      D’autre part, en admettant même que le public pertinent soit couramment confronté à des marques minimalistes dans le secteur de l’habillement, cela ne suffirait pas à infirmer l’analyse de la chambre de recours, rappelée au point 62 ci-dessus, concernant la fonction décorative ou d’étiquette du signe contesté et son absence de caractère distinctif par rapport aux produits en cause relevant de la classe 25.

66      Dès lors, le grief de la requérante n’est pas fondé en ce qu’il concerne les produits en cause relevant de la classe 25.

67      Quatrièmement, en ce qui concerne les services en cause relevant de la classe 40, la chambre de recours a considéré, au point 54 de la décision attaquée, que le signe contesté était, intrinsèquement, dépourvu de tout caractère distinctif car il était susceptible d’être perçu soit comme une simple figure décorative représentant un carré dans un rectangle, dépourvue d’éléments mémorisables permettant de capter l’attention du public pertinent, soit comme le format réel des documents imprimés comportant un cadre.

68      La requérante conteste cette conclusion. À cet égard, elle fait valoir que les proportions spécifiques du signe contesté rendent distinctive la combinaison particulière du carré et du rectangle pour les services en cause compris dans la classe 40. Ainsi, l’impression d’ensemble qui se dégage du signe contesté créerait une image inhabituelle par rapport auxdits services.

69      Or, l’argumentation de la requérante ne saurait être accueillie pour les motifs déjà exposés aux points 41 à 46 ci-dessus.

70      Dès lors, le grief de la requérante n’est pas fondé en ce qu’il concerne les services en cause relevant de la classe 40.

71      Le troisième grief de la requérante doit donc être rejeté comme non fondé.

72      En conclusion de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé le moyen unique et, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      La requérante ayant succombé et une audience ayant été tenue, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Polaroid IP BV est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Dimitrakopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.