Language of document : ECLI:EU:T:2023:345

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

21 juin 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marques de l’Union européenne figuratives InterMed Pharmaceutical Laboratories eva intima – Marques de l’Union européenne et nationale verbales antérieures EVAX – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans les affaires jointes T‑197/22 et T‑198/22,

Ioulia and Irene Tseti Pharmaceutical Laboratories SA, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes C. Chrysanthis, P.-V. Chardalia et A. Vasilogamvrou, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie aux procédures devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Arbora & Ausonia, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Mora Cortés, avocat,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme G. Steinfatt et M. D. Kukovec (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 1er février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses recours fondés sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ioulia and Irene Tseti Pharmaceutical Laboratories SA, demande l’annulation des décisions de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er mars 2022 (affaire R 1244/2021-1) (ci-après la « première décision attaquée ») et (affaire R 1245/2021-1) (ci-après la « seconde décision attaquée ») (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige

2        Le 23 septembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant (ci-après la « première marque demandée ») :

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3        Cette marque désignait les produits et services relevant des classes 3, 5, 10 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations de toilette ; préparations de nettoyage corporel et de soins de beauté ; cosmétiques et produits cosmétiques ; préparations pour l’hygiène buccale ; huiles essentielles et extraits aromatiques ; préparations nettoyantes et parfumantes ; détergents ; préparations décolorantes ; torchons imprégnés d’un détergent pour le nettoyage ; produits de parfumerie et parfums ; lotions et crèmes à usage cosmétique ; agents nettoyants pour le ménage » ;

–        classe 5 : « Compléments alimentaires et préparations diététiques ; préparations et articles d’hygiène ; produits hygiéniques pour la médecine ; préparations médicales ; produits pharmaceutiques et remèdes naturels ; produits d’hygiène féminine ; désinfectants et antiseptiques ; articles absorbants destinés à l’hygiène personnelle ; désodorisants et purificateurs d’air ; savons et détergents désinfectants et médicinaux ; préparations alimentaires pour nourrissons ; compléments nutritionnels ; préparations et articles dentaires, et dentifrices médicinaux ; préparations et articles pour la lutte contre les animaux nuisibles ; préparations et articles dentaires » ;

–        classe 10 : « Appareils et instruments médicaux et vétérinaires » ;

–        classe 35 : « Services de publicité, de marketing et de promotion ; services d’analyses, de recherche et d’informations relatifs aux affaires ; services d’aide et de gestion des affaires et services administratifs ».

4        Le même jour, la requérante a présenté à l’EUIPO une seconde demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant (ci-après la « seconde marque demandée ») :

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5        Cette seconde marque désignait les mêmes produits et services que ceux énumérés au point 3 ci-dessus.

6        Le 8 janvier 2020, l’intervenante, Arbora & Ausonia, SL, a formé opposition à l’enregistrement de la première marque demandée et de la seconde marque demandée (ci-après les « marques demandées ») pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur plusieurs marques antérieures dont, notamment, la marque de l’Union européenne verbale EVAX, enregistrée sous le numéro 3780947, et la marque espagnole verbale EVAX, enregistrée sous la référence M 2601121.

8        La marque de l’Union européenne verbale EVAX désigne, pour autant qu’un usage sérieux a été démontré, les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Serviettes hygiéniques, protège-slips (produits hygiéniques), tampons pour la menstruation ».

9        La marque espagnole verbale EVAX désigne, pour autant qu’un usage sérieux a été démontré, les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Serviettes hygiéniques, serviettes hygiéniques, protège-slips (produits hygiéniques), tampons pour la menstruation ».

10      Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

11      Respectivement le 30 et le 29 juin 2021, la division d’opposition, en s’appuyant sur la marque de l’Union européenne verbale EVAX et sur la marque espagnole verbale EVAX et en considérant que les autres marques antérieures fondant l’opposition ne couvraient pas une gamme de produits plus large que celle couverte par les marques susmentionnées, a partiellement fait droit à l’opposition en raison d’un risque de confusion et a rejeté la demande d’enregistrement des marques demandées dans la mesure où elles désignaient les produits suivants :

–        classe 3 : « Produits de toilette ; préparations de nettoyage corporel et de soins de beauté ; préparations nettoyantes et parfumantes ; produits de parfumerie et parfums ; détergents ; torchons imprégnés d’un détergent pour le nettoyage » ;

–        classe 5 : « Préparations et articles d’hygiène ; produits hygiéniques pour la médecine ; produits d’hygiène féminine ; articles absorbants destinés à l’hygiène personnelle ; savons et détergents désinfectants et médicinaux ».

12      Le 19 juillet 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre les décisions de la division d’opposition.

13      Par les décisions attaquées, la chambre de recours a partiellement accueilli les recours au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion pour une partie des produits couverts par les marques demandées.

14      Ainsi, la chambre de recours a déclaré les oppositions infondées en ce qu’elles visaient les « préparations de soins de beauté ; préparations parfumantes ; produits de parfumerie et parfums ; détergents ; torchons imprégnés d’un détergent pour le nettoyage ».

15      En revanche, s’agissant des produits couverts par les marques en conflit et considérés comme étant identiques ou similaires, la chambre de recours a conclu à un risque de confusion et rejeté les recours.

16      Partant, en vertu des décisions attaquées, l’enregistrement des marques demandées a été refusé pour les produits suivants (ci-après les « produits concernés ») :

–        classe 3 : « Préparations de toilette ; préparations de nettoyage corporel ; préparations nettoyantes » ;

–        classe 5 : « Préparations et articles d’hygiène ; produits hygiéniques pour la médecine ; produits d’hygiène féminine ; articles absorbants destinés à l’hygiène personnelle ; savons et détergents désinfectants et médicinaux ».

 Conclusions des parties

17      Dans chacune des affaires, la requérante conclut à l’annulation de la décision attaquée concernée et à ce que l’EUIPO et l’intervenante soient condamnés aux dépens.

18      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet des recours et à la condamnation de la requérante aux dépens et, pour ce qui concerne l’intervenante, aux dépens également exposés dans les procédures devant l’EUIPO.

 En droit

19      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

20      Le moyen unique s’articule en deux branches qu’il convient d’examiner ensemble. Par la première branche, la requérante reproche à l’EUIPO, en substance, d’avoir méconnu la signification conceptuelle des marques demandées. Par la seconde branche, la requérante fait valoir, en substance, que l’appréciation globale du risque de confusion est entachée d’erreurs.

21      Selon l’EUIPO, soutenu par l’intervenante, les recours doivent être rejetés. L’éventuelle différence conceptuelle entre les marques en conflit ne serait pas de nature à neutraliser la similitude entre lesdites marques sur d’autres plans en considération de laquelle la chambre de recours aurait à juste titre conclu à l’existence d’un risque de confusion.

22      Si la requérante ne conteste pas toutes les appréciations effectuées par la chambre de recours lors des différentes étapes de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, il n’en reste pas moins que le Tribunal ne saurait être lié par une appréciation erronée des faits par cette chambre, dans la mesure où ladite appréciation fait partie des conclusions dont la légalité est contestée devant le Tribunal. Ainsi, conformément à la jurisprudence, le Tribunal est compétent pour examiner l’appréciation que la chambre de recours a effectuée à ce titre (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 47 et 48).

23      Afin de respecter le principe du contradictoire, le Tribunal a expressément invité les parties, par une mesure d’organisation de la procédure, à prendre position lors de l’audience sur l’appréciation de l’EUIPO dans les décisions attaquées quant à la similitude phonétique et, pour ce qui concerne la seconde décision attaquée, sur l’identification des éléments dominants et sur la comparaison visuelle. En outre, lors de l’audience, cette invitation a été rappelée aux parties.

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par « marques antérieures » les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

25      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

26      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

27      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

28      La chambre de recours a constaté, en substance, aux points 26 à 37 des décisions attaquées, que le public espagnol pertinent comprenait, en ce qui concerne les produits concernés compris dans la classe 3, le grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. S’agissant des produits concernés compris dans la classe 5, la chambre de recours a constaté qu’ils s’adressaient au grand public et aux consommateurs professionnels dont le niveau d’attention peut varier de moyen à élevé selon la nature spécialisée des produits.

29      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, qui apparaissent conformes aux éléments du dossier de l’affaire et qui, au demeurant, ne sont pas contestées par les parties.

 Sur la comparaison des produits

30      S’agissant des produits concernés relevant de la classe 3, à savoir les « [p]réparations de toilette ; préparations de nettoyage corporel ; préparations nettoyantes », la chambre de recours a constaté une similitude entre ces produits et les produits visés par les marques antérieures qui est « inférieure à la moyenne ».

31      S’agissant d’une partie des produits concernés relevant de la classe 5, à savoir les « articles d’hygiène ; produits d’hygiène féminine ; articles absorbants destinés à l’hygiène personnelle », la chambre de recours a constaté qu’ils relevaient des catégories de produits très larges, qui incluaient les produits visés par les marques antérieures de sorte que les produits en cause devaient être considérés comme identiques.

32      En revanche, s’agissant d’une autre partie des produits concernés relevant de la classe 5, à savoir les « [p]réparations d’hygiène » et les « produits hygiéniques pour la médecine », la chambre de recours a constaté que la similitude entre ces produits et les produits visés par les marques antérieures était « inférieure à la moyenne ».

33      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, qui apparaissent conformes aux éléments du dossier de l’affaire et qui, au demeurant, ne sont pas contestées par les parties.

 Sur la comparaison des signes

34      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

35      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêts du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43, et du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 71].

36      En l’espèce, après avoir décrit les marques en conflit, la chambre de recours a conclu que les éléments le plus distinctifs des signes en cause étaient les éléments verbaux « eva » et « evax » et que les éléments dominants des marques demandées étaient les éléments verbaux « eva » et « intima ».

37      S’agissant de la première marque demandée, la conclusion de la chambre de recours quant à l’identification des éléments dominants, qui par ailleurs n’est pas spécifiquement contestée par la requérante, paraît exempte d’erreur.

38      S’agissant, en revanche, de la seconde marque demandée, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les éléments les plus distinctifs des signes en cause sont les éléments verbaux « eva » et « evax » et selon laquelle l’élément dominant de la marque demandée correspond aux éléments verbaux « eva » et « intima » paraît erronée.

39      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que « la représentation stylisée du ventre d’une femme sera perçue comme indiquant que les produits en cause ont pour finalité de traiter le corps de la femme ».

40      Comme il a été confirmé par le représentant de l’EUIPO lors de l’audience, cette constatation doit être comprise comme impliquant que cet élément figuratif serait descriptif et, dès lors, qu’il ne serait pas à considérer comme dominant.

41      Il est vrai que selon la jurisprudence les éléments descriptifs et donc faiblement distinctifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2013, K2 Sports Europe/OHMI – Karhu Sport Iberica (SPORT), T‑54/12, non publié, EU:T:2013:50, point 24].

42      Toutefois, le caractère distinctif faible d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [arrêt du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 32].

43      En effet, lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

44      À cet égard, premièrement, il convient de relever que la taille de l’élément figuratif est deux fois plus grande que celle de l’élément verbal « eva » et cinq fois plus grande que celle de l’élément verbal « intima », ces deux éléments étant considérés comme « dominants » par la chambre de recours.

45      Deuxièmement, à la différence de la qualification de l’élément figuratif, le caractère descriptif de l’élément verbal « intima » n’a pas empêché la chambre de recours de considérer cet élément comme « dominant ».

46      Troisièmement, quant aux « qualités intrinsèques » de l’élément figuratif, lesquelles doivent être prises en compte selon la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, il y a lieu de souligner que cet élément est, en raison de sa forte stylisation et simplification, facile à appréhender et à mémoriser et façonne ainsi l’impression d’ensemble de la seconde marque demandée.

47      Dans ces conditions, c’est par erreur que la chambre de recours a conclu, pour ce qui concerne la seconde marque demandée, que les éléments verbaux « eva » et « intima » étaient les seuls éléments dominants.

 Sur la comparaison visuelle

48      La chambre de recours a conclu, pour ce qui concerne la première marque demandée, à un degré moyen de similitude sur le plan visuel « en raison de la forte similitude des éléments verbaux plus distinctifs et accrocheurs “eva” et “evax” ».

49      Pour ce qui concerne la seconde marque demandée, la chambre de recours a conclu à un faible degré de similitude sur le plan visuel.

50      Aux fins d’apprécier la similitude entre une marque figurative complexe et une marque verbale antérieure, il convient, conformément à la jurisprudence, de commencer par analyser la similitude visuelle entre les éléments verbaux puis, au cas où une telle similitude serait constatée, de vérifier si l’élément graphique ou figuratif additionnel, propre à la marque demandée, est susceptible de constituer un élément de différenciation suffisant pour écarter l’existence d’une similitude visuelle des signes en conflit aux yeux du public de référence [arrêt du 20 avril 2005, Faber Chimica/OHMI – Industrias Quimicas Naber (Faber), T‑211/03, EU:T:2005:135, point 39].

51      S’agissant de la première marque demandée, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existe un degré moyen de similitude entre les signes en conflit est exempte d’erreur.

52      En effet, la marque en cause contient peu d’éléments originaux ou accrocheurs qui pourraient constituer des éléments de différenciation qui seraient suffisants pour écarter une similitude avec les éléments verbaux de la marque antérieure.

53      S’agissant de la seconde marque demandée, la chambre de recours a conclu à un faible degré de similitude visuelle.

54      À cet égard, il convient de relever que la logique soutenant la conclusion de la chambre de recours selon laquelle « les marques comparées présentent un faible degré de similitude visuelle en raison de la forte similitude entre les éléments verbaux les plus distinctifs et accrocheurs “eva” et “evax” » est loin d’être évidente.

55      En outre, comme il ressort du raisonnement exposé aux points 77 à 83 de la seconde décision attaquée, la chambre de recours, aux fins de l’examen de la similitude visuelle, n’a pratiquement pas pris en compte l’élément figuratif consistant en une représentation stylisée du ventre d’une femme.

56      En effet, la chambre de recours s’est limitée à cet égard aux constats selon lesquels, de manière générale, les éléments verbaux sont plus distinctifs que les éléments figuratifs et l’élément figuratif en cause est de nature descriptive.

57      Or, comme il ressort de l’examen effectué aux points 39 à 47 ci-dessus, l’élément figuratif consistant en une représentation stylisée du ventre d’une femme est tout aussi dominant que les éléments verbaux « eva » et « intima ».

58      Enfin, s’agissant de la comparaison d’une marque verbale avec une marque figurative, il convient, après avoir constaté la similitude visuelle entre les éléments verbaux, de vérifier si l’élément graphique ou figuratif additionnel, propre à la marque demandée, est susceptible de constituer un élément de différenciation suffisant pour écarter l’existence d’une similitude visuelle des signes en conflit aux yeux du public de référence (arrêt du 20 avril 2005, Faber, T‑211/03, EU:T:2005:135, point 39).

59      En effet, il doit être permis pour le demandeur d’une marque figurative d’écarter la similitude avec une marque verbale antérieure en ajoutant des éléments qui différencient suffisamment la marque figurative de la marque verbale antérieure. À cette fin, il importe d’examiner si les éléments graphiques ou figuratifs additionnels sont originaux et accrocheurs.

60      À cet égard, il importe de souligner que, en l’espèce, l’élément figuratif est deux fois plus grand que l’élément verbal « eva ». En outre, il s’agit d’une composition résultant d’un effort conceptuel et artistique. En effet, l’élément figuratif, étant une composition artistique originale, est, en raison de sa forte stylisation et simplification, facile à appréhender et à mémoriser.

61      Toutefois, il ne saurait être conclu que l’élément figuratif est susceptible de constituer un élément de différenciation suffisant pour écarter l’existence d’une similitude visuelle des éléments verbaux des signes en conflit, à savoir « eva » et « evax ».

62      En effet, l’élément figuratif n’a pas de caractère distinctif suffisant pour façonner l’impression d’ensemble de la seconde marque demandée.

63      Dans ces conditions, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existe, en ce qui concerne la seconde marque demandée, un faible degré de similitude entre les signes en conflit est exempte d’erreur.

 Sur la comparaison phonétique

64      La chambre de recours a conclu que les marques demandées étaient « à tout le moins » phonétiquement similaires à un degré moyen au signe EVAX.

65      À cet égard, dans les décisions attaquées, la chambre de recours a retenu que, pour ce qui concerne l’élément le plus distinctif, à savoir « eva » et « evax », le public espagnol aurait tendance à omettre ou à ne pas épeler clairement le son de la consonne « x » lorsqu’il prononcera les signes antérieurs, en citant la référence jurisprudentielle « (voir, par analogie, 03/09/2009, C‑394/08 P, Zipcar, EU:C:2009:334, point 43) ».

66      À cet égard, premièrement, il convient de relever que l’ordonnance de la Cour à laquelle l’EUIPO fait référence ne contient, ni à son point 43 ni ailleurs, une telle conclusion.

67      En revanche, au point 43 de l’arrêt du 25 juin 2008, Zipcar/OHMI – Canary Islands Car (ZIPCAR) (T‑36/07, non publié, EU:T:2008:223), apparemment visé par les décisions attaquées, il est retenu que, « selon les règles de prononciation de l’espagnol courant, la première lettre de chacune des deux marques en conflit (“c” et “z”) est prononcée de la même manière ».

68      Or, l’appréciation du Tribunal dans cet arrêt en ce qui concerne la prononciation des lettres « c » et « z » en tant que premières lettres composant un signe ne saurait être transposée « par analogie » à la situation du cas d’espèce, qui concerne la question de savoir si le public espagnol épelle clairement le son de la dernière consonne « x » du signe verbal EVAX.

69      Deuxièmement, à la suite d’une question du Tribunal lors de l’audience, toutes les parties ont confirmé par des réponses écrites que, de manière générale, le public espagnol épelle clairement le son de la dernière consonne « x » du signe verbal EVAX.

70      Troisièmement, lors de l’audience, l’intervenante a critiqué comme étant tardive la prise de position de la requérante au sujet de la prononciation en espagnol du signe verbal EVAX, dans la mesure où elle aurait dû être formulée devant la chambre de recours. En outre, l’intervenante a contesté les moyens de preuve sur lesquels la requérante s’était fondée.

71      Il convient d’écarter ces griefs.

72      En effet, la requérante a pris position sur une question du Tribunal, introduite par une mesure d’organisation de la procédure et posée à l’audience. En outre, l’intervenante et la requérante sont d’accord sur le fait que la lettre « x » est prononcée de sorte que le moyen de preuve avancé par la requérante est en tout état de cause dépourvu de pertinence.

73      Quatrièmement, dans sa réponse écrite, l’EUIPO fait valoir qu’au moins dans une partie non négligeable du territoire espagnol, ce qui concerne donc une partie non négligeable du public pertinent, le signe verbal EVAX sera prononcé sans que soit clairement épelée la consonne « x ».

74      Sans qu’il y ait lieu d’examiner la pertinence de cette affirmation de l’EUIPO, il convient de considérer que, même à supposer que la lettre « x » du signe verbal EVAX ne soit pas prononcée, la conclusion de l’EUIPO quant à une similitude phonétique moyenne n’est pas entachée d’erreur.

75      En effet, la lettre « x » finale, qu’elle soit prononcée ou non par le consommateur, ne saurait être considérée comme une consonne particulièrement marquante susceptible d’influencer substantiellement l’impression phonétique produite par les marques antérieures. Les éléments verbaux « eva » et « evax » ont en commun les trois premières lettres. Ainsi, la prononciation du « x » final n’est pas suffisante pour contrebalancer l’identité de la partie commune des éléments « eva » et « evax » [voir, par analogie, arrêt du 15 décembre 2010, Epcos/OHMI – Epco Sistemas (EPCOS), T‑132/09, non publié, EU:T:2010:518, point 83].

 Sur la comparaison conceptuelle

76      La chambre de recours a conclu que, en fonction de la compréhension du public, les signes en conflit n’étaient pas similaires ou que la comparaison sur le plan conceptuel restait neutre. S’il est en revanche indiqué au point 92 de la première décision attaquée et au point 93 de la seconde décision attaquée que cette comparaison reste « naturelle », l’EUIPO a confirmé en réponse à une question du Tribunal qu’il s’agissait d’une erreur de plume.

77      Selon la chambre de recours, pour la partie du public qui ferait le rapprochement entre le terme « eva » et la première femme du monde biblique, ce terme ne serait pas similaire au signe EVAX. En revanche, pour la partie du public qui comprend le terme « eva » simplement comme un prénom féminin parmi d’autres, la comparaison avec le signe EVAX resterait neutre.

78      Afin d’examiner la comparaison conceptuelle entre le terme « eva » et le signe EVAX telle qu’effectuée par la chambre de recours, il importe de rappeler qu’il ressort des constatations figurant dans les décisions attaquées que la chambre de recours a compris le signe EVAX comme un mot fantaisiste.

79      Or, l’intervenante soutient qu’une partie du public pourrait comprendre ce signe comme faisant référence au prénom Eva puisqu’il ne serait pas inhabituel d’ajouter une lettre à un prénom, à l’instar de Tim/Timy ou de Rick/Ricky.

80      Cette thèse doit être écartée. Outre le fait que la chambre de recours n’a pas retenu cette thèse, elle ne saurait prospérer. Si, dans certaines langues, l’ajout d’une lettre n’est pas inhabituel et peut constituer une forme de diminutif du prénom en question, l’intervenante n’a aucunement établi que tel serait le cas en espagnol, et en particulier s’agissant du prénom Eva auquel la lettre finale « x » est ajoutée.

81      Partant, la comparaison conceptuelle doit partir de la prémisse, telle que retenue dans les décisions attaquées, que le signe EVAX est compris comme une dénomination fantaisiste.

82      S’agissant du terme « eva », la chambre de recours a considéré, en faisant référence au point 85 de l’arrêt du 27 juin 2019, Sandrone/EUIPO – J. García Carrión (Luciano Sandrone) (T‑268/18, EU:T:2019:452), que, en principe, les prénoms sont dépourvus de contenu sémantique et ne sont porteurs d’aucun concept de sorte qu’une comparaison conceptuelle reste neutre.

83      S’il est vrai que le point 85 de l’arrêt du 27 juin 2019, Luciano Sandrone (T‑268/18, EU:T:2019:452), peut être compris dans le sens mentionné par la chambre de recours, il importe de relever qu’il s’agissait dans cette affaire de comparer des signes constitués chacun par des noms et prénoms, à savoir Luciano Sandrone et DON LUCIANO. C’était au sujet de la comparaison entre ces marques que le Tribunal a conclu que la comparaison conceptuelle entre deux signes constitués uniquement de tels prénoms ou noms n’était pas possible.

84      Or, en l’espèce, à la différence de l’affaire mentionnée par la chambre de recours, il s’agit de comparer un signe constitué par un prénom de femme, en l’occurrence Eva, avec un signe constitué d’une dénomination fantaisiste, en l’occurrence EVAX.

85      Par conséquent, les enseignements de l’arrêt du 27 juin 2019, Luciano Sandrone (T‑268/18, EU:T:2019:452), tout comme ceux résultant du point 143 de l’arrêt du 1er décembre 2021, Inditex/EUIPO – Ffauf Italia (ZARA) (T‑467/20, non publié, EU:T:2021:842), auquel l’EUIPO fait référence et où il était question d’une comparaison des signes contenant le nom Zara, ne peuvent pas être transposés au cas d’espèce.

86      Dans ces conditions, il convient de fonder l’examen de la question de savoir si le terme « eva », compris dans les marques demandées, diffère sur le plan conceptuel du signe EVAX en appliquant les critères habituellement retenus par la jurisprudence.

87      De manière générale et habituelle, la similitude conceptuelle implique, selon la jurisprudence, que des signes en conflit concordent dans leur contenu sémantique (arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24).

88      S’agissant du terme « eva », si les parties se disputent sur la question de savoir s’il est compris par le public pertinent comme faisant allusion à la première femme du monde biblique, il ressort du point 30 des requêtes, du point 29 des mémoires en réponse de l’EUIPO et de la plaidoirie, lors de l’audience, de l’intervenante que les parties partagent la compréhension selon laquelle il s’agit d’un prénom féminin.

89      En revanche, s’agissant du signe EVAX, les parties principales le comprennent comme une dénomination fantaisiste et la thèse de l’intervenante selon laquelle ce signe pourrait également être compris comme faisant référence au prénom Eva a été écartée au point 80 ci-dessus.

90      Il en résulte que le terme « eva », en tant que prénom féminin, véhicule un contenu sémantique tandis que le signe EVAX, n’étant qu’une dénomination fantaisiste, est dépourvu d’un tel contenu.

91      Or, selon la jurisprudence, lorsque l’une des marques en conflit présente une signification aux yeux du public pertinent et que l’autre marque en est dépourvue, il doit être constaté que les marques en cause présentent des différences sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2017, RP Technik/EUIPO – Tecnomarmi (RP ROYAL PALLADIUM), T‑768/15, non publié, EU:T:2017:630, points 88 et 89].

92      Dans ces conditions, il convient de conclure que les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel.

93      Partant, il y a lieu de constater que la chambre de recours a commis une erreur lorsqu’elle a conclu, en substance, que, sur le plan conceptuel, les signes en conflit n’étaient que partiellement différents.

 Sur la « neutralisation »

94      La requérante soutient que les signes en conflit ne sont pas seulement différents sur le plan conceptuel, mais que cette différence est telle qu’elle neutralise les similitudes desdits signes sur les autres plans.

95      Or, contrairement à ce que soutient la requérante, selon laquelle la différence conceptuelle suffit, notamment en l’absence d’un caractère distinctif accru de la marque antérieure, à neutraliser les autres similitudes, la neutralisation est conditionnée, conformément à la jurisprudence, par des critères bien plus précis.

96      En effet, selon la jurisprudence, dans le cas où au moins l’un des signes en conflit a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire, déterminée et pouvant être saisie directement par ce public, il peut être conclu que ces signes produisent une impression d’ensemble différente, en dépit de l’existence entre eux de certains éléments de similitude sur le plan visuel ou phonétique (voir arrêt du 4 mars 2020, EUIPO/Equivalenza Manufactory, C‑328/18 P, EU:C:2020:156, point 75 et jurisprudence citée).

97      Toutefois, en l’espèce, il ne saurait être soutenu que les marques demandées, dans la mesure où elles comportent l’élément verbal « eva », disposent d’une telle signification claire, déterminée et pouvant être saisie directement par ce public.

98      Comme il a été retenu dans les décisions attaquées et sans que la requérante l’ait contesté de façon probante, le public pertinent ne comprend pas de manière claire et uniforme le terme « eva ». Si une partie du public le comprend comme un prénom féminin répandu au même titre que d’autres prénoms féminins, une autre partie du public le comprend comme faisant allusion à la première femme du monde biblique.

99      Dans ces conditions, il convient de conclure que la seule différence des signes sur le plan conceptuel n’est pas telle que les signes en conflit produisent une impression d’ensemble différente.

100    Par conséquent, le grief de la requérante relatif à la neutralisation doit être écarté. Toutefois, il convient de tenir compte de la différence des signes en conflit sur le plan conceptuel lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur le risque de confusion

101    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

102    La chambre de recours a considéré que les marques antérieures ne jouissaient pas d’un caractère distinctif accru en raison de l’usage, mais que, pour ce qui concerne les produits identiques ou similaires, les marques en conflit, prises dans leur ensemble, étaient suffisamment similaires pour engendrer un risque de confusion.

103    En particulier, la chambre de recours a considéré que la différence conceptuelle partielle ne neutralisait pas les similitudes sur les autres plans, notamment en raison « d’une similitude visuelle et, principalement, phonétique élevée » des « éléments les plus distinctifs » des marques en conflit. En outre, la chambre de recours a considéré que le public pertinent, lorsqu’il serait confronté aux marques en cause, serait susceptible de croire que les produits identiques et similaires proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement, ce qui serait notamment le cas lorsque les produits en cause seront commandés oralement dans des pharmacies.

104    La requérante conteste cette appréciation. Elle fait notamment valoir que la chambre de recours a méconnu l’importance des différences conceptuelles et apprécié de manière erronée les différents éléments devant être pris en compte lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

105    L’EUIPO et l’intervenante soutiennent en revanche que la chambre de recours a correctement refusé de considérer les similitudes phonétiques et visuelles comme étant neutralisées par de prétendues différences conceptuelles. En outre, l’appréciation globale effectuée par la chambre de recours ne serait pas non plus entachée d’erreur.

106    En l’occurrence, l’appréciation globale effectuée par la chambre de recours repose, en substance, sur la considération que la différence conceptuelle partielle ne neutraliserait pas les similitudes sur les autres plans, notamment en raison « d’une similitude visuelle et, principalement, phonétique élevée » des « éléments les plus distinctifs » des marques en conflit.

107    Cette appréciation est entachée d’erreurs.

108    Premièrement, la chambre de recours, au lieu de fonder son appréciation globale sur les résultats de l’analyse des similitudes sur le plan visuel, phonétique et conceptuel, a focalisé son appréciation sur les « éléments les plus distinctifs » des marques en conflit.

109    Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 35 ci-dessus, aux fins de la comparaison des marques en conflit, chacune doit être considérée dans son ensemble et ce n’est que si tous les autres composants d’une marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant.

110    En s’appuyant sur les « éléments les plus distinctifs » des marques en conflit, la chambre de recours a donc, contrairement à la jurisprudence, négligé de considérer lesdites marques dans leur ensemble.

111    Deuxièmement, lors de son appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours s’est écartée de ses propres appréciations, effectuées au stade de la comparaison sur le plan visuel et phonétique.

112    En effet, comme il ressort des décisions attaquées, d’une part, la chambre de recours part de la prémisse selon laquelle une différence conceptuelle ne saurait prévaloir en présence d’une similitude visuelle et phonétique des signes « très élevée » et, d’autre part, elle conclut que tel serait le cas en l’espèce.

113    Or, il convient de rappeler que, dans son examen précédent, la chambre de recours n’avait pas conclu à une similitude visuelle et phonétique « très élevée » des signes en conflit.

114    En effet, pour ce qui concerne la première marque demandée, la chambre de recours a conclu à un « degré moyen de similitude visuelle » et, « à tous le moins, à un degré moyen de similitude phonétique » avec les signes antérieurs.

115    Pour ce qui concerne la seconde marque demandée, la chambre de recours a conclu à un « faible degré de similitude visuelle » et, « à tous le moins, à un degré moyen de similitude phonétique » avec les signes antérieurs.

116    Troisièmement, comme il résulte de l’examen précédent et contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel, et cela indépendamment de la question de savoir si le public reconnaît le terme « eva » comme faisant allusion à la première femme biblique.

117    Quatrièmement, il est retenu dans les décisions attaquées qu’un risque de confusion existe notamment « lorsque les produits en cause seront commandés oralement dans des pharmacies ».

118    Toutefois, à cet égard, il convient de relever que la chambre de recours n’a pas établi au préalable que les produits en question étaient habituellement vendus dans des pharmacies et commandés oralement.

119    Or, en l’absence d’une identification préalable des conditions de commercialisation, la chambre de recours ne saurait accorder une pertinence particulière à la comparaison sur le plan phonétique lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

120    Ainsi, s’agissant de la seconde marque demandée, il convient de rappeler qu’elle est différente sur le plan conceptuel, similaire uniquement à un faible degré sur le plan visuel et similaire à un degré moyen sur le plan phonétique aux signes antérieurs.

121    S’il est vrai qu’une partie des produits visés est identique, il n’en reste pas moins que, selon la jurisprudence, rien n’empêche de constater que, eu égard aux circonstances d’un cas d’espèce, il n’existe pas de risque de confusion, même en présence de produits identiques (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2019, Luciano Sandrone, T‑268/18, EU:T:2019:452, point 96 et jurisprudence citée).

122    Il convient donc de conclure que, eu égard à tout ce qui précède et même en tenant compte d’une identité partielle des produits visés, la seconde marque demandée n’est pas similaire aux marques antérieures au point de prêter à confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

123    Il convient donc, s’agissant de l’affaire T‑198/22, d’accueillir le moyen unique et d’annuler la seconde décision attaquée.

124    En revanche, s’agissant de la première marque demandée, qui est différente sur le plan conceptuel et similaire à un degré moyen sur le plan phonétique et visuel, l’existence du risque de confusion doit être déterminée en tenant compte de la similitude des produits en cause.

125    À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a conclu qu’une partie des produits visés par la première marque demandée était identique aux produits visés par les marques antérieures tandis qu’une autre partie des produits était seulement similaire à un degré inférieur à la moyenne.

126    Ainsi, dans la mesure où les produits visés par la première marque demandée sont identiques, il convient de conclure à l’existence d’un risque de confusion.

127    En effet, l’identité des produits en cause compense en l’occurrence les différences sur le plan conceptuel. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’absence d’un caractère distinctif accru de la marque antérieure et le niveau d’attention du public ne sont pas de nature à justifier d’exclure, pour ce qui concerne les produits identiques, un risque de confusion.

128    En revanche, s’agissant des produits pour lesquels la chambre de recours a conclu que leur similitude avec les produits visés par les marques antérieures était inférieure à la moyenne, il convient de conclure que cette similitude inférieure à la moyenne n’est pas de nature à compenser la différence conceptuelle des signes en cause qui n’est pas non plus compensée par une similitude visuelle ou phonétique élevée.

129    Dès lors, s’agissant de l’affaire T‑197/22, il y a lieu d’accueillir partiellement le moyen unique, d’annuler la première décision attaquée pour autant que les produits « [p]réparations de toilette ; préparations de nettoyage corporel ; préparations nettoyantes », relevant de la classe 3, et les produits « préparations d’hygiène ; produits hygiéniques pour la médecine », relevant de la classe 5, sont visés par la marque demandée et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. Conformément à l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

131    S’agissant de l’affaire T‑198/22, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

132    S’agissant de l’affaire T‑197/22, chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 1er mars 2022 (affaire R 1244/2021-1) est annulée pour autant que les produits « [p]réparations de toilette ; préparations de nettoyage corporel ; préparations nettoyantes », relevant de la classe 3, et les produits « préparations d’hygiène ; produits hygiéniques pour la médecine », relevant de la classe 5, sont concernés.

2)      Le recours dans l’affaire T197/22 est rejeté pour le surplus.

3)      La décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 1er mars 2022 (affaire R 1245/2021-1) est annulée.

4)      Dans l’affaire T197/22, chaque partie supportera ses propres dépens.

5)      Dans l’affaire T198/22, l’EUIPO et Arbora & Ausonia, SL sont condamnés à supporter les dépens exposés par Ioulia and Irene Tseti Pharmaceutical Laboratories SA.

Schalin

Steinfatt

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.